La présente proposition de loi vise à étendre le droit de visite des parlementaires, accompagnés de journalistes, aux établissements sociaux et médico-sociaux. L'accompagnement des jeunes en difficulté, des personnes en situation de handicap ou des aînés dépendants est un sujet éminemment noble et politique – il s'agit de garantir la dignité humaine jusqu'à la fin de la vie.
Les maltraitances révélées par le scandale du leader européen des maisons de retraite Orpea sont des alertes inquiétantes. Face à cette situation, nous devons absolument agir politiquement et prendre des mesures de protection et d'accompagnement complémentaires, afin de garantir une qualité irréprochable de gestion et d'action dans ces établissements.
Mais le texte que vous proposez présente au moins deux défauts majeurs, qui expliquent que nous voterons contre lui. En premier lieu, il est idéologiquement inspiré du droit français de visite parlementaire dans les lieux de privation de liberté, notamment les prisons, que vous souhaitez « étendre » – c'est le terme que vous employez. Comment pouvez-vous assimiler les établissements sociaux et médico-sociaux, recevant des personnes vulnérables, aux lieux de privation de liberté ? C'est une atteinte à la qualification de ces lieux, car, bien au contraire, de tels établissements accompagnent, traitent et améliorent les conditions de vie des personnes accueillies.
C'est aussi une atteinte aux personnes hébergées et accompagnées, personnes dignes et respectables qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté ou à cause d'un accident de la vie, se retrouvent dans l'obligation d'être suivies du fait de leur vulnérabilité ou de leur fragilité.
En outre, c'est une atteinte au personnel – administratif, soignant, paramédical, etc. – qui, au quotidien, gère, encadre et accompagne, souvent avec peu de moyens, ces personnes fragiles.
Enfin, c'est une atteinte aux autorités publiques qui agréent ces établissements, notamment en leur fournissant des moyens dans le cadre de leurs politiques publiques.
Votre texte présente un deuxième défaut majeur : le droit de visite que vous proposez est assorti d'une obligation, celle de visiter en binôme. Vous autorisez la venue de personnes privées, et non agréées, dans des lieux d'hébergement de personnes vulnérables. Cela pose un problème éthique et moral : comment imaginer que des personnes privées entrent dans l'intimité de personnes fragiles, avec ce que cela comporte comme risque de publicité dangereuse, de déformation des réalités et, tout simplement, d'atteinte à la liberté des personnes visitées – d'autant que vous ne proposez aucun moyen de contrôle pour éviter les dérives.
La présence d'un tiers privé est une atteinte à l'intimité et à la vie privée de ces personnes, c'est un risque d'atteinte au secret médical, un risque d'atteinte aux familles et aux personnes hébergées ; c'est aussi un risque d'instrumentalisation et de manipulation du fonctionnement des établissements, donc celui de générer de nouvelles dérives. Comment pourrions-nous accepter d'inscrire dans la loi l'obligation de visite de ces établissements par des tiers privés – agréés de fait ? Il s'agit d'un choix discriminatoire, sans parler du discrédit que vous jetez sur les professionnels représentant l'autorité publique en charge du contrôle.
Est-ce à dire qu'il ne faut pas agir ? Bien sûr que non ! Il est nécessaire de renforcer les contrôles, comme les actions de prévention. Mais ce n'est pas ce que vous faites dans ce texte. Il faut augmenter les moyens des établissements et simplifier la chaîne d'action et de réponse – alerte, contrôle, coercition, sanction – afin de garantir la protection des personnes fragiles, mais aussi une gestion rigoureuse des établissements, de meilleures conditions de travail pour les personnels et des conditions de vie dignes et humaines.
Pour éviter les dérives de ces établissements et des scandales comme celui d'Orpea, il faut renforcer les moyens, très insuffisants, alloués aux ARS et aux départements qui disposent des compétences nécessaires pour contrôler l'activité des établissements sociaux et médico-sociaux.
Mon groupe votera contre votre proposition de loi. C'est un vote pour le respect de la dignité, un vote d'humanité, un vote de valeurs et de responsabilité.