Publié le 9 janvier 2023 par : Mme Morel.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer les dispositions de cette proposition de loi, qui prévoient l'abrogation des zones à faible émission mobilité (ZFE-m), instituées par la loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités et renforcées par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Actuellement mises en place dans onze métropoles (Grand Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne), les ZFE-m seront instaurées dans 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants à horizon 2025.
En pratique, pour circuler dans une ZFE-m, les véhicules doivent posséder un certificat de qualité de l'air : la vignette Crit'Air. Ainsi, lorsqu'un pic de pollution est constaté et que le préfet instaure la circulation différenciée, les véhicules les plus polluants identifiés par les vignettes Crit'Air 5, 4 et 3 sont soumis à des restrictions de circulation sur une plage horaire déterminée. Les personnes habitant ou travaillant sur le territoire d'une ZFE-m peuvent bénéficier d'aides à la conversation par les collectivités territoriales ainsi que l'Etat lors de l'achat ou de la location d'un véhicule peu polluant.
Les ZFE-m présentent non seulement des intérêts environnementaux, mais encore juridiques.
Tout d'abord, il est important de remarquer que nous n'avons malheureusement pas de planète alternative et la lutte contre le dérèglement climatique doit rester une priorité.
En outre, les niveaux de pollutions dans les zones urbaines sont tels qu'ils présentent des risques pour la santé des riverains qui ne sont plus à démontrer. L'on estime ainsi que la pollution de l’air est responsable chaque année de 48 000 morts. Or, il se trouve que le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de GES de la France, représentant 31% du total d'émissions en 2019.
Par ailleurs, la France s’est engagée, au niveau européen et international, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES). La France a ainsi ratifié un certain nombre d'accords internationaux sur le climat, dont l'accord de Paris du 12 décembre 2015, visant à limiter les émissions de GES de telle sorte que la hausse de la température moyenne de la planète en 2100 n’excède pas 2 degrés.
Pourtant, la France peine à tenir ses engagements ; elle est régulièrement condamnée à de lourdes sanctions, autant au niveau national qu'européen.
Ainsi, dans un arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a « condamné la France pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air » de 2008. Si elle a écopé d'un sursis s'agissant des sanctions pécuniaires, les textes prévoient tout de même une amende d’au moins 11 millions d’euros et des astreintes journalières d’au moins 240 000 euros jusqu’à ce que les normes de qualité de l’air soient respectées.
De plus, dans une affaire opposant l'Etat français à la commune de Grande-Synthe et plusieurs associations, le Conseil d'Etat a condamné l'Etat en juillet 2021 pour "inaction climatique" et a enjoint le Gouvernement à prendre toutes les mesures permettant d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de GES de 40% d'ici 2030 issu de l'Accord de Paris avant le 31 mars 2022. Le Conseil d'Etat a assorti cette exigence d'une astreinte semestrielle de 10 millions d'euros (CE, n° 427301, du 1er juillet 2021). Les associations requérantes estimant que le contrat n’a pas été rempli, l'Etat pourrait bien être à nouveau condamné en 2023.
Les ZFE-m ont été développées dans l'optique de faire baisser les émissions de GES dans les agglomérations concernées par les dépassement des valeurs seuils imposées par la directive qualité de l'air de 2008, ainsi que les plans de protection de l’atmosphère (PPA).
Elles sont ainsi un outil pertinent pour faire valoir l'action concrète de l'Etat dans son objectif de réduction des émissions de GES devant le Conseil d'Etat et la CJUE. De cette manière, elles permettent dans une vision à court terme, d'arrêter de payer les astreintes.
Par exemple, concrètement, la mise en place de restrictions à la circulation des véhicule très polluants a été réalisée à Londres dès 2003 par la création de zones à péage de congestion (Congestion Charge Zone) afin d'améliorer la qualité de l'air et collecter des fonds supplémentaires pour développer les transports publics. En outre, la municipalité a instauré en 2019 la première zone à très faibles émissions (Ultra Low Emission Zone). Aujourd'hui, bien que ces dispositifs n'aient pas fait baisser le niveau du trafic routier, l'on observe toutefois que ces mesures ont fait baisser sensiblement les émissions de GES imputables aux transports.
Il existe actuellement en France de multiples aides à l'achat de véhicules moins polluants ou d'alternatives mobilité : prime à la conversion (et éventuelles surprimes), bonus écologique, prime vélo, etc. En outre, le malus écologique pénalisant l’achat d’un véhicule à fortes émissions de GES constitue une incitation fiscale importante à l'achat de véhicule moins polluant (et donc moins taxés).
Toutefois, force est de constater que les disparités territoriales en matière d’infrastructures de transports sont importantes et que l'usage de l’automobile est rendu indispensable dans certaines zones. Ainsi, près de 30% de la population totale des plus de 18 ans serait en situation de précarité mobilité en 2021, selon une étude menée par la Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov.
Le risque de voir les ZFE-m devenir des zones d'exclusion d'une partie de la population n'est effectivement pas à prendre à la légère, et nous devons mettre en place des solutions viables pour combiner transition écologique et développement des mobilités.
Face à ces constats, plutôt que supprimer les ZFE, il est bien davantage nécessaire de les faire connaître au grand public, d'améliorer si nécessaire les dispositifs d'aides à l'achat de véhicules Crit'Air 1, et d'aider les collectivités à mettre en place des solutions de transport alternatives. A ce stade, plusieurs solutions pertinentes pourraient être étudiées :
- Systématiser la gratuité des transports, a minima lors des pics de pollution ;
- Multiplier les parkings gratuits en périphérie des ZFE et proche des réseaux de transports en commun ;
Enfin, l'on pourrait imaginer que l'Etat opère un transfère de compétences vers les collectivités sur cette question. En tout état de cause, les ZFE représentent clairement un enjeu pour les villes, qui en ont besoin pour se développer. C'est le cas par exemple de Montpellier, concernée par une ZFE, qui a investit 1,5 milliards d'euros dans les transports publics, qu'elle rend gratuits pour tous les usagers dès cette année.
Cette compétence attribuées aux collectivités pourrait être financée par une contribution de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) ; encore l'on pourrait permettre aux entreprises soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) de déduire de ladite taxe les dons et contributions de toute nature adressées aux collectivités dans le but de développer les ZFE et les alternatives de mobilités.
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