France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances pour 2023.
Nous ne voterons évidemment pas cet article liminaire pour une raison simple : la politique de la nation ne peut pas être fondée sur des mensonges et des illusions. Les illusions, ce sont vos projections macroéconomiques infondées et contestées par toutes les institutions un tant soit peu sérieuses. Elles le sont également par les députés du Rassemblement national qui ne croient pas à vos hypothèses. Les mensonges, ce sont les objectifs que vous fixez et les politiques que vous prétendez mener.
Une fois encore, vous refusez de vous attaquer aux dépenses publiques taboues qui minent l'endettement de la France depuis maintenant cinquante ans. Je les rappelle puisque vous prétendez ne pas le savoir : il s'agit de l'immigration incontrôlée, poste sur lequel plus de 10 milliards d'euros d'économies sont possibles ;
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
…il s'agit de la dérive de la contribution nette de la France à l'Union européenne, qui dépasse les 20 milliards ; il s'agit de la bureaucratie, de la technocratie et de la superposition de normes en tous genres, que vous ne voulez pas affronter – vous avez rejeté un amendement du groupe Les Républicains à ce sujet ; il s'agit du millefeuille territorial, que vous refusez de combattre et qui complique la vie des élus locaux – notre collègue Lépinau l'a évoqué hier encore. Bref, vous repoussez toutes les économies que nous suggérons et refusez – nous le constaterons si la discussion sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 se poursuit – les moyens d'enrichir la France.
En commission, nous avons proposé des moyens très concrets afin d'exploiter les ressources naturelles de la France, vous les avez rejetés ! Nous proposons de développer l'industrie par l'investissement, vous le refusez ! Nous proposons de réorienter l'épargne populaire vers l'industrie nationale dans un souci de patriotisme économique, vous le refusez encore !
Pour revenir à vos propos d'hier sur la théorie du chaos, vous créez vous-mêmes le chaos en accusant les oppositions d'être défavorables à votre projet de loi…
…et en refusant, dans le même temps, toutes les propositions constructives, toutes les solutions alternatives que nous formulons.
En cohérence, nous ne voterons donc pas cet article. Faites preuve de cohérence également et écoutez enfin les oppositions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur les vingt-trois articles du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, huit ont été rejetés. Nous avions déjà rejeté l'ensemble du projet de loi en commission et nous continuons à nous y opposer pour une raison simple : ce texte impose une nouvelle cure d'austérité.
Nous entamons aujourd'hui l'examen du budget, établi sur le fondement de cette loi de programmation et conçu dans cette logique austéritaire. Je vous donne d'emblée notre position : nous ne voterons bien sûr pas l'article liminaire.
Surtout, je souhaite commencer en adressant une question solennelle à MM. les ministres. Le débat que nous entamons aujourd'hui servira-t-il à quelque chose ? Ce matin, le Conseil des ministres s'est réuni et le recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution a été abordé. C'est pourquoi j'aimerais obtenir une réponse avant que nous ne commencions nos débats : la représentation nationale pourra-t-elle débattre de ce texte ou entendez-vous couper court à toute discussion ? Alors, quand et comment ? Nous aimerions avoir une réponse avant d'entamer les débats.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'article liminaire suffit à lui seul à expliquer l'opposition des députés du groupe Les Républicains à votre projet de loi. En premier lieu, ce sont ses hypothèses, contestées par tous les instituts : le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) lui-même les juge optimistes. Et quand bien même nous retiendrions ces hypothèses optimistes, il faudrait attendre 2027 pour que le déficit public de la France revienne sous la barre des 3 %, alors que d'autres pays devraient atteindre cet objectif dès 2025.
Le déficit public dépassera les 150 milliards d'euros. Autrement dit, un tiers – un tiers ! – de nos dépenses sont financées par la dette. Les dépenses courantes en 2023 augmenteront de 63 milliards, soit un niveau de dépenses publiques record, estimé à 56,6 % du PIB. Cette situation affecte la dette, dont la charge pourrait, à la fin du quinquennat, atteindre 100 milliards d'euros, une somme qui correspond quasiment au cumul des deux missions budgétaires essentielles que sont la défense et l'éducation nationale.
Nous ne pouvons donc pas adhérer à ce projet de loi, messieurs les ministres. Vous repoussez aux calendes grecques toutes les solutions d'économies possibles. Il n'y a pas le début du commencement d'une piste d'économies dans le budget que vous nous présentez.
L'essentiel, nous le savons tous, c'est d'agir sur les dépenses publiques pour retrouver des marges de manœuvre en vue d'investir pour le futur et pour les générations à venir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'article liminaire, qui présente les prévisions de soldes, passe souvent inaperçu. Pourtant, il fournit de nombreuses informations importantes et il est étroitement lié au projet de loi de programmation des finances publiques, texte qui a largement été vidé de sa substance hier par une coalition assez baroque des oppositions,…
…une coalition qui conduit à une impasse totale. La loi de programmation ainsi que l'article liminaire cadrent les dépenses, expliquent les soldes, établissent les différences entre ce qui est structurel et ce qui ne l'est pas. Bref, ils dessinent le paysage des lois de finances sans s'imposer à elles, chaque assemblée gardant évidemment une liberté de vote totale.
Toutefois, refuser les cadrages, les mises en perspectives et ne pas voter une loi de programmation, c'est, d'une certaine manière, refuser la maîtrise des finances publiques. En général, il est facile de s'y déclarer favorable mais, lorsqu'il faut entrer dans le vif du sujet, c'est bien plus difficile. En pratique, il n'y a pas un seul groupe ici pour accepter une baisse des dépenses. Il y a tout de même un moment où il faut essayer d'être cohérent avec soi-même.
Dans ce contexte bourré d'incertitudes, l'article liminaire fournit une information très intéressante, dont le Parlement devrait se saisir : la distinction entre investissement et fonctionnement.
M. Charles de Courson applaudit.
L'ensemble de la dépense, et c'est bien naturel, est aujourd'hui tourné vers le fonctionnement : nous avons protégé des incidences liées au covid-19 et désormais de l'inflation – tous les groupes politiques ont d'ailleurs voté ces dépenses. Mais nous devons dorénavant substituer de la dette d'investissement à la dette de fonctionnement. C'est la clé de la réponse de l'État face aux transitions à venir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre délégué Gabriel Attal, votre interpellation hier soir au sein de cette assemblée m'a profondément choquée.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Choquée, car vous vous êtes permis de remettre en cause notre sens des responsabilités…
…dans cet hémicycle où vous êtes invité à défendre vos projets et à rendre compte à la représentation nationale. Je suis choquée car, en réalité, c'est votre obstination à rejeter un à un, méthodiquement, tous les amendements de quelque opposition qu'ils viennent, qui a conduit à cette situation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ainsi, il est de votre responsabilité d'avoir construit un front d'opposants qui n'ont pourtant rien en commun, ni les projets, ni les valeurs.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
…mais vous nous avez opposé, depuis le mois de juillet, une fin de non-recevoir systématique.
Pourtant, vous avez eu en commission maintes fois l'occasion de démontrer la sincérité des déclarations de la Première ministre. Nos propositions auraient pu être discutées et amendées ; nous aurions pu trouver un terrain de compromis, car nous ne sommes pas ici pour nous-mêmes mais bien pour trouver des solutions en faveur de celles et ceux qui nous ont élus.
La contribution des superprofits en était une excellente occasion. À l'heure où les Français souffrent, où les entreprises et les collectivités locales sont à la peine, vous vous entêtez, dans les médias comme en commission, à prétendre que vous ne savez pas ce que sont les superprofits.
Les membres du groupe Écologiste – NUPES vous invitent donc à respecter les déclarations de la Première ministre et proposeront plusieurs amendements visant à rétablir la confiance de nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Pour commencer, je veux dire un mot concernant l'article liminaire : il est dans la droite ligne du projet de loi de programmation des finances publiques dont nous avons débattu jusque tard dans la nuit et dans le cadre duquel nous avons proposé une autre trajectoire. Nous n'avons pas cédé à la facilité et nous sommes efforcés de formuler des contre-propositions à celles que nous contestions.
D'évidence, nous ne partageons ni vos perspectives, ni vos prévisions, ni vos choix politiques. C'est pourquoi nous ne voterons pas cet article.
Mais, à ce stade, je voudrais interroger le ministre sur le temps qui nous est imparti pour débattre de nos amendements qui restent, disons-le, d'un nombre tout à fait raisonnable compte tenu de l'importance du texte que nous examinons. Il ne serait évidemment pas justifié de dénoncer, de votre côté, quelque obstruction que ce soit.
Nous souhaitons évidemment débattre et faire vivre l'Assemblée, mais nous voyons déjà poindre une épée de Damoclès. Nous ne désespérons pourtant pas de vous convaincre du bien-fondé de nos propositions. Ma question est la suivante : combien de temps laisserez-vous au débat parlementaire, et l'issue est-elle irrémédiable ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Trois sujets importants ont été soulevés. Tout d'abord, je l'affirme devant la représentation nationale : nous avons tout le temps nécessaire pour examiner ce projet de loi de finances. Avec Gabriel Attal, nous prendrons tout le temps nécessaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'essentiel est qu'en définitive, nous adoptions le meilleur budget possible pour la France. S'il faut siéger jeudi et vendredi, nous le ferons ; s'il faut siéger davantage, nous le ferons aussi.
Je le répète, nous prendrons le temps nécessaire pour obtenir le meilleur budget possible pour la France. Il arrivera néanmoins un moment où il faudra que la France ait un budget, et le Gouvernement prendra ses responsabilités. Nous ne pouvons laisser nos compatriotes sans budget pour 2023 : il faut pouvoir payer les fonctionnaires, verser les allocations sociales, régler certaines dépenses militaires pour les policiers et les gendarmes, faire fonctionner les services publics… Nous prendrons nos responsabilités, mais nous ne le ferons qu'au terme d'un débat approfondi, dans lequel chacun aura exprimé ses vues sur ce qui est bon pour le pays.
J'en viens à la dette et au déficit. J'entends les critiques des uns et des autres, qui estiment que nous ne réduisons pas suffisamment les dépenses publiques. Or je crois sincèrement – je le dis notamment à Mme Louwagie – que le choix que nous avons effectué avec M. le Président de la République, Mme la Première ministre et M. le ministre délégué chargé des comptes publics, est responsable : il s'agit de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB en 2027 ; il s'agit aussi de réduire la dette à partir de 2026, en suivant une trajectoire que vous n'avez pas voulu adopter – c'est votre droit –, mais qui avait le mérite d'exister et de présenter clairement aux Français notre ambition pour l'avenir.
Autre mérite, cette trajectoire prouvait à nos partenaires européens que la France s'engage : l'une des économies les plus puissantes de la zone euro y prenait l'engagement de suivre une direction et un calendrier clairs, et de mener des réformes et des réductions de dépenses tout aussi claires. Il aurait été préférable que la trajectoire soit adoptée, pour la France comme vis-à-vis de nos partenaires européens.
Vous estimez que nous pourrions aller beaucoup plus vite, mais vous oubliez que nous subissons une inflation de près de 6 %.
L'inflation pèse sur nos compatriotes, qui ont besoin d'être protégés. Cela coûte cher – je pense au bouclier tarifaire qui les protège contre la hausse des prix du gaz et de l'électricité. Cela coûte également cher aux entreprises, qui n'arrivent plus à payer leurs factures et nous demandent de les protéger – vous êtes d'ailleurs les premiers à nous rappeler, mesdames et messieurs les députés, que les PME industrielles et les entreprises énergo-intensives ont besoin de soutien, et qu'il faut des aides financières. Tout cela se paie, et limite nécessairement notre capacité à réduire les dépenses publiques.
Nous aurons un débat sur les collectivités locales. Y a-t-il parmi vous un seul parlementaire qui nous dira : « Ce n'est pas grave ; laissez les collectivités locales se débrouiller toutes seules, elles peuvent très bien faire face. » Bien sûr que non !
Personne n'a demandé la suppression de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, même pas les chefs d'entreprise !
Vous réclamerez tous, à juste titre, que des aides plus importantes soient octroyées aux collectivités locales en difficulté. Dans des conditions économiques nouvelles, marquées par le retour de l'inflation, il serait déraisonnable d'aller trop vite dans la réduction de la dépense et dans le rétablissement des finances publiques. Nous avons déjà commis cette erreur en 2010 et 2011 ; ne la reproduisons pas en 2022.
Vous vous interrogez, enfin, sur nos hypothèses de croissance. Les prévisions du Gouvernement seraient fort éloignées, dites-vous, des anticipations de tous les instituts. Pourtant, le Fonds monétaire international (FMI) – qui est un institut crédible, me semble-t-il –, vient d'indiquer que l'un des pays de la zone euro qui s'en sortiraient le mieux en 2023 serait probablement la France. Nous devrions en être fiers collectivement.
Le Gouvernement prévoit une croissance de 1 %, tandis que le FMI table sur une croissance de 0,7 % et anticipe une récession dans deux pays de la zone euro, l'Italie et l'Allemagne. Les prévisions de croissance de la France, si elles sont volontaristes, sont crédibles au regard des travaux des instituts ; elles montrent notre détermination à agir le mieux possible pour le pays.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Sur l'amendement n° 3189 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement n° 766 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'article liminaire, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie d'un amendement de suppression de l'article liminaire, n° 3189.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je suis heureux de vous retrouver, chers collègues, pour un débat dont j'espère qu'il sera le plus ouvert, le plus long et le plus sincère possible. Tel est notre souhait – mais cela dépend aussi de vous : si vous supprimez tous les articles, nous avancerons plus vite !
Exclamations sur de nombreux bancs.
L'article liminaire a été rejeté par la commission des finances contre l'avis de votre rapporteur. Accordez-moi quelques minutes pour vous expliquer pourquoi, selon moi, cet article ne doit pas être supprimé. Il traduit de la manière la plus concrète possible la politique que mène la majorité, qui est à la fois une politique de protection et de responsabilité. C'est bien une politique de protection : le budget prévoit ainsi une augmentation des dépenses publiques de 42 milliards d'euros, dont 10 milliards supplémentaires pour les collectivités territoriales. Comme vient de l'expliquer M. le ministre, nous devons protéger les Français, les collectivités et les entreprises face à une situation d'urgence. Tout cela a un coût.
Le projet de loi insiste par ailleurs sur les priorités de la majorité : les budgets augmentent à hauteur de 3 milliards d'euros pour la défense nationale, de 3,7 milliards pour l'éducation nationale, ou encore de 6,7 milliards pour le travail, puisque nous visons le plein emploi à la fin du quinquennat.
Il s'agit donc véritablement d'un budget protecteur pour l'ensemble des Français. Mais c'est aussi un budget responsable, qui s'inscrit dans la trajectoire que nous avons exposée hier, dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques. Dès l'année prochaine, nous ramènerons la dette à 111,2 % du PIB – soit une légère réduction –, les prélèvements obligatoires à 44,7 % du PIB, et la dépense publique à 56,6 % du PIB. Je vous invite donc à repousser l'amendement de suppression de l'article liminaire adopté la commission des finances.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je défendrai pour ma part l'amendement qui a recueilli le suffrage majoritaire de la commission des finances.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai entendu les propos de M. le ministre, qui confirment la position qu'il a adoptée depuis quelques jours. Même si le Conseil des ministres a reconnu, ce matin, que le recours à l'article 49.3 était possible, nous pouvons manifestement nous attendre à ce qu'il ne soit pas actionné avant la semaine prochaine. La menace plane, mais elle nous laisse au moins le temps du débat – M. le ministre en a énuméré les jours : mercredi, jeudi et vendredi. Nous conclurons ce que nous voudrons pour la suite.
Concernant l'article liminaire, je suis surpris par la réaction des forces qui soutiennent le Gouvernement, et qui étaient minoritaires hier lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques. Vous ne pouvez pas vous étonner que les oppositions, qui se sont opposées à la loi de programmation, s'opposent aujourd'hui à l'article liminaire du PLF, qui n'est autre que la transcription de la loi de programmation dans le budget de 2023. Vous connaissez nos arguments : de l'avis général, vos prévisions sont trop optimistes ; par ailleurs, il paraît illusoire de vouloir réduire les dépenses publiques tout en diminuant les impôts. Vous êtes minoritaires, même si les oppositions ne partagent pas les mêmes points de vue. Ce n'est en rien une surprise.
Bien qu'il ait pris acte de sa position minoritaire, en commission notamment, je m'étonne que le Gouvernement ne songe pas le moins du monde à proposer des amendements qui restructureraient son budget. Voilà ce qui me surprend. De ce point de vue, le recours à l'article 49.3 est un aveu de faiblesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Sans aller jusqu'à déposer des amendements inspirés par les positions de la NUPES, vous n'essayez même pas de vous rapprocher de celles des Républicains. Vous comptez sur l'article 49.3 pour imposer un budget qui n'est défendu que par une minorité, sans même essayer d'écouter les oppositions pour le restructurer.
Prenons l'exemple du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que nous avons examiné hier. Concernant l'article 23, il était évident que la méthode employée était celle d'un groupe minoritaire. Cet article n'était pas indispensable à la loi de programmation, et vous n'avez pas tenté de l'amender. De même, vous entamez le présent débat budgétaire sans prévoir d'amendements de fond susceptibles de vous conférer une majorité. C'est pourquoi je vois un aveu de faiblesse dans le recours à l'article 49.3. Vous allez endurer le parcours d'un coureur de 110 mètres haies qui trébuche à tous les obstacles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Défavorable.
Monsieur le ministre, vous nous plongez de nouveau dans la perplexité : vous en avez trop dit, ou pas assez.
Nous vous avons écouté avec sérieux, mais un point reste obscur. Vous avez dit que vous prendriez le temps nécessaire au débat. Or M. le porte-parole du Gouvernement a déclaré ce matin, à l'issue du Conseil des ministres, que l'article 49.3 serait convoqué « si la situation devait exiger qu'on y ait recours ». Si vous y recourez effectivement, quelle version du budget imposerez-vous ? Il ne fait aucun doute qu'au cours des deux ou trois jours de débat que vous nous accordez, le budget sera modifié au gré de la majorité qui s'établira dans l'hémicycle. Vous engagez-vous, devant la représentation nationale, à respecter au moins les modifications qui auront été apportées au projet de loi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Vous vous targuez de prendre tout le temps nécessaire ; vous avez même pris à témoin M. le ministre délégué pour garantir que vous étiez prêt à passer la nuit avec nous – il faudrait peut-être vous en féliciter, mais après tout, c'est votre rôle. Toutefois, dans quel but le ferez-vous ? Vous êtes ici devant la représentation nationale. Êtes-vous démocrate ? Je veux le croire. Si nous arrivons à amender le projet de loi de finances lors des quelques jours de débat, vous engagez-vous à respecter ces modifications, qui auront été voulues par la représentation nationale ?
Sachez enfin que si le recours à l'article 49.3 est possible constitutionnellement, il est inacceptable démocratiquement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
À l'heure où la question salariale est en train de s'imposer et où les salariés se mobilisent – nous les saluons –, vous ajouterez encore de la brutalité si vous prenez la responsabilité d'actionner le 49.3.
Je l'ai déjà expliqué : la trajectoire que vous nous proposez ne nous convient pas. Les députés du groupe Les Républicains voteront donc contre l'article liminaire. En revanche, je le redis : nous sommes très attachés au débat. Aussi voterons-nous contre l'amendement de suppression de l'article liminaire, qui nous priverait d'un débat sur les amendements suivants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Vous le savez, monsieur le ministre, les Normands sont très attachés au bon sens populaire. Un adage dit : « La nuit porte conseil. » La nuit que nous avons passée hier avec le Gouvernement a démontré l'extrême solitude dans laquelle vous étiez plongés : elle a révélé votre incapacité à prendre soin des collectivités locales, à réarmer l'hôpital et à construire une majorité à l'image du Parlement pour faire passer un projet de loi de finances. Cette nuit vous a-t-elle porté conseil ?
Deuxième remarque : nous, députés communistes, considérons le recours au 49.3 comme un aveu de faiblesse. Il illustre en effet la faiblesse d'un gouvernement prêt à nier l'expression du peuple que nous représentons et qui a ainsi composé l'Assemblée nationale. Accepterez-vous de promettre que pour une fois, dans l'intérêt de la nation et afin que cette loi de finances nous permette de « réparer les vivants », vous n'utiliserez pas cette arme de faiblesse ?
Je prolongerai enfin la question posée par M. Corbière. Nous prenons un grand plaisir à discuter, vous le savez : nous aimons débattre. Cette confrontation des points de vue est d'ailleurs consubstantielle à la démocratie. Cependant, nous n'aimons pas débattre pour rien, dans le vide ; nous aimons débattre avec l'intention d'apporter des réponses concrètes aux citoyens qui nous ont mandatés pour les représenter.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous souhaitons donc obtenir la certitude que les décisions que nous prendrons en examinant ce projet de loi de finances auront des conséquences palpables pour les habitants de nos circonscriptions. Par conséquent, nous vous demandons de vous engager à ne pas imposer de deuxième délibération avant d'actionner l'article 49, alinéa 3, ce qui reviendrait à vous asseoir sur la légitimité du Parlement.
Mêmes mouvements.
En commission, nous, députés du groupe Démocrate, avons voté contre la suppression de l'article liminaire. Hier en séance, nous avons voté pour les dispositions similaires proposées dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. C'est donc en toute cohérence que nous voterons contre cet amendement.
L'article liminaire fixe un cadre, en l'occurrence une trajectoire de dépenses conduisant à un solde nominal de – 5 % du PIB en 2023. Ce cadre nous convient. Sur cette base, nous pourrons mener de longs débats dont j'espère qu'ils seront poussés aussi loin que possible. S'ils se terminent par le recours à l'article 49, alinéa 3, la cause en sera peut-être l'attitude de blocage de certains groupes d'opposition.
Mais c'est démocratique ! C'est votre droit ! Quant à nous, nous prendrons nos responsabilités si le débat n'est pas fructueux. En tout cas, la majorité, notamment le groupe Démocrate, souhaite privilégier le débat, dans l'espoir que le texte sera enrichi de divers amendements issus de tous les bancs. Nous y serons attentifs lors de la discussion du projet de loi. Nous souhaitons débattre, légiférer pour le bien commun. Cette ouverture d'esprit, ce respect mutuel me semblent nécessaires au débat législatif. Ne commençons donc pas l'examen du texte en supprimant l'article linéaire : cela présagerait très mal des débats à venir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 370
Nombre de suffrages exprimés 370
Majorité absolue 186
Pour l'adoption 162
Contre 208
L'amendement n° 3189 n'est pas adopté.
Je défendrai en même temps l'amendement n° 534 .
La prévision du solde structurel et du solde effectif présentée dans l'article liminaire ne convient pas aux députés du groupe Les Républicains. Nous avons tenté, peut-être maladroitement, de l'exprimer hier soir. Monsieur le ministre, vous évoquiez tout à l'heure les engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires européens : pourtant, votre objectif de diminution du déficit structurel de 0,4 % par an, fixé il y a plusieurs années déjà, n'a jamais été respecté.
L'amendement n° 537 vise donc à vous alerter sur cette dérive. En effet, maintenir le déficit public à 5 % du PIB comme vous le prévoyez, cela n'a rien d'une performance ! Le Haut Conseil des finances publiques se montre d'ailleurs dubitatif quant à l'objectif annoncé de maîtrise des dépenses sur l'ensemble du quinquennat.
Nous estimons que ce projet budgétaire n'est pas assez volontariste et qu'il lui manque une ligne directrice, comme l'ont fait remarquer plusieurs médias. Qui plus est, vous reportez à la fin du quinquennat le travail de réduction du déficit et de la dette. Mais que se passera-t-il entre-temps si la croissance n'est pas au rendez-vous ? Il s'agit d'un budget de renoncement, c'est pourquoi nous proposons par cet amendement de nous engager dans une réduction plus volontariste du déficit structurel.
Quant à l'amendement n° 534 , il s'agit d'un amendement de repli visant à une réduction moins ample du déficit structurel.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 635 .
À l'heure de commencer l'examen du premier PLF de cette mandature, force est de constater qu'il ne permettra pas de réduire le déficit effectif : il sera de 5 % du PIB, en 2022 comme en 2023. Le HCFP lui-même nous avertit que, si cette estimation est pessimiste pour 2022, elle est optimiste en ce qui concerne 2023 et que le déficit réel pourrait s'avérer plus important. Autrement dit, ce premier PLF conduira à une augmentation du déficit public, alors que le Gouvernement annonce l'objectif de le réduire à 3 % du PIB d'ici 2027.
Je suis un homme modéré, quoique ferme sur le fond. Par cet amendement, je propose que nous fassions au moins l'effort de réduire le déficit public de 0,2 % du PIB, soit environ 5 milliards d'euros.
Pour cela, deux options très simples s'offrent à nous. La première consiste à renoncer à des baisses d'impôts alors que nous n'avons pas le premier sou pour les financer, puisqu'elles sont faites à crédit. Je pense à la suppression de la CVAE, entraînant la perte de 4 milliards d'euros de recettes pour 2023, et à l'achèvement de la suppression de la taxe d'habitation, soit une perte supplémentaire de 2,8 milliards d'euros.
La deuxième voie, courageuse, consiste à concentrer les aides du bouclier tarifaire sur les Français les plus modestes. Nous, députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, l'avons défendue dès l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Cela nous permettrait d'économiser 10 ou 15 milliards d'euros sur les 45 milliards d'euros prévus. Puisque nous disposons d'environ 25 milliards d'euros de recettes associées, le bouclier tarifaire approcherait donc la neutralité fiscale. La rente prélevée sur les différentes activités liées à l'énergie serait ainsi recyclée au profit des plus modestes. C'est ce que nous proposons par cet amendement.
L'amendement n° 534 de Mme Marie-Christine Dalloz vient d'être défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Madame Dalloz, je reconnais la cohérence de vos propositions. On y retrouve la volonté, chère aux députés Les Républicains, d'infléchir la trajectoire du déficit public. Nous avons évoqué hier ces questions, peut-être trop brièvement. Nous estimons qu'un ralentissement trop rapide de la dépense publique aurait des conséquences désastreuses pour les Français. En effet, nous traversons une crise absolument exceptionnelle, qui n'est pas encore terminée et dont personne ne sait quand elle prendra fin. Les effets s'en feront encore fortement sentir en 2023. Hélas, cela nous oblige à des dépenses importantes visant à protéger les Français, les entreprises et les collectivités territoriales.
Monsieur de Courson, je prends acte de votre position, mais notre choix consiste à protéger l'ensemble des Français, en prévoyant d'ailleurs une protection particulière destinée aux plus modestes ,
M. Charles de Courson fait la moue
puisqu'un geste en ce sens sera fait avant la fin de l'année. Il consiste aussi à protéger l'ensemble des entreprises : le moment serait mal choisi pour leur retirer une aide qui pourrait sauver des milliers, des dizaines de milliers d'entre elles, qui souffrent de la crise énergétique.
Laissez-moi vous rassurer : nous sommes capables de réduire le déficit structurel. Nous l'avons d'ailleurs fait ! En 2019, après trois ans de législature, nous avions non seulement réduit le déficit à moins de 3 % du PIB, mais également ramené le solde structurel à – 1,1 %. Nous prévoyons à nouveau une amélioration lors de ce quinquennat, et nous agirons au plus vite dès que la crise sera passée.
Je salue également la cohérence de Mme Dalloz sur ces questions, et lui répondrai que les propositions concrètes visant à réduire les dépenses pour les années à venir sont les bienvenues. Je réaffirme cependant ma position : face à une inflation si importante et si pénalisante pour les Français, face à l'augmentation des prix alimentaires pouvant aller jusqu'à 20 % pour certains produits, face au niveau élevé des prix de l'électricité et du gaz, face aux difficultés majeures que rencontrent certaines collectivités locales lorsqu'il s'agit de payer le chauffage, l'électricité ou les cantines scolaires, nous avons besoin de mesures protectrices. Or s'il existe un fil directeur de ce budget, c'est bien la protection.
Compte tenu de cela, je considère que la trajectoire budgétaire que nous proposons est responsable. Elle est déjà très exigeante, comme l'a rappelé hier M. le président de la commission des finances : elle limite l'augmentation du volume des dépenses à 0,6 % sur le quinquennat, ce qui en fait l'augmentation la moins importante depuis deux décennies, et cela en période de forte inflation. Croyez-moi, tenir cet objectif sera déjà un défi ; c'est pourquoi, je le répète, vos propositions d'économies seront les bienvenues.
Monsieur de Courson, j'ai pris bonne note de votre proposition quant au bouclier tarifaire, mais je n'y souscris pas. En effet, l'explosion des prix de l'électricité et du gaz représente une augmentation de 110 %, voire 130 % du montant des factures. J'estime important de protéger également les classes moyennes contre ce phénomène. Concentrer le bouclier tarifaire sur les classes les plus modestes permettrait de faire des économies, je ne le conteste pas. Mais cela poserait problème en termes de justice sociale et d'équité.
Je tenais enfin à rassurer M. Corbière sur ce point : oui, je suis pleinement démocrate, comme chacun d'entre vous. Mais qu'est-ce que la démocratie ? C'est d'abord le débat, comme le rappelait M. Jumel : nous prendrons le temps nécessaire du débat. C'est ensuite la voix du peuple et des représentants du peuple : bien entendu, chacun de vos amendements sera donc étudié avec soin et avec attention.
M. Manuel Bompard s'exclame.
Mais la démocratie, c'est également la Constitution. Or celle-ci met à notre disposition des instruments qui permettent au Gouvernement, le moment venu, lorsque le débat est épuisé et que les représentants du peuple se sont exprimés ,
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
de garantir au peuple français qu'il disposera d'une loi budgétaire pour 2023.
Je remercie M. le ministre pour ses propos concernant l'activation de l'article 49, alinéa 3, car je crois que chacun d'entre nous tient à débattre. Ce texte touche à trop de sujets essentiels pour les Français, pour l'économie du pays et pour les collectivités territoriales pour que nous fassions l'impasse sur le moindre d'entre eux. Je me réjouis donc que le Gouvernement soit ouvert au débat, et je forme le vœu que nous puissions discuter de l'ensemble des articles sans exception.
J'en viens à l'article liminaire. Hier soir, l'Assemblée a supprimé, par vote majoritaire, plusieurs articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. La logique voudrait que les mêmes députés qui ont voté pour les supprimer votent à présent la suppression de l'article liminaire.
Concernant enfin ces amendements, nous voterons bien sûr contre. En effet, ils visent à faire des économies. Or nous affirmons haut et fort que les services publics ont au contraire des besoins.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
La bifurcation écologique exige des financements importants. Il n'est pas question de faire davantage d'économies : il s'agit de mieux dépenser, certes, mais surtout d'investir.
Mêmes mouvements.
Monsieur le ministre, vous refusez notre proposition de concentrer les aides mentionnées, dont le coût est de 45 milliards, sur nos concitoyens les plus modestes. C'est pourtant la position que vous aviez adoptée lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Cela s'appelait l'aide aux gros rouleurs ; vous y avez renoncé, à tort.
La ristourne, ce n'est pas la même chose.
Si, si. Du reste, vous aviez indiqué, et nous vous avions approuvé, que c'était la direction à suivre.
Vous dites vouloir une mesure qui bénéficie aux classes moyennes. Pourquoi pas ? Il suffit de calibrer la concentration des aides jusqu'aux cinquième ou sixième décile. On pourrait ainsi économiser aisément 5 à 10 milliards. Une telle mesure serait d'autant plus juste que – toutes les études de l'Insee le montrent – plus le revenu est important, plus la part de celui-ci consacrée au coût de l'énergie est moindre. Non seulement cette mesure serait juste, mais elle contribuerait à économiser les deniers publics. Et, encore une fois, c'est une orientation que vous approuviez lors du débat initial sur le projet de loi de finances rectificative.
La proposition de notre groupe est sage, prudente, équilibrée, juste socialement et efficace économiquement.
Nous voterons contre l'amendement n° 635 de Charles de Courson, car nous, nous ne voulons pas concentrer les aides en faveur du pouvoir d'achat sur les classes les plus modestes. L'ensemble des classes moyennes – ceux qui travaillent et ceux qui ont travaillé, les retraités –, notamment dans les territoires ruraux, ont aussi des problèmes de pouvoir d'achat. Vouloir concentrer les aides sur la part de la population française qui est le plus en difficulté est une erreur, monsieur de Courson. Tous ceux qui travaillent ont besoin d'une aide, et nous voulons la leur apporter.
En revanche, vous avez raison sur un point : M. Le Maire nous a rejoints très temporairement. En effet, alors que la campagne de M. Macron a consisté à accuser Marine Le Pen de vouloir aider les plus privilégiés en baissant la TVA, le Gouvernement a finalement proposé la ristourne, qui n'est qu'un succédané de la baisse de TVA.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous aurions pu voter pour l'amendement n° 537 de Mme Dalloz – nous voterons pour le suivant –, mais nous ne pouvons pas laisser dire que la France doit se plier aux injonctions de l'Union européenne, pour une raison simple : notre pays participe de façon éhontée, directement et indirectement, à son financement. L'Union européenne n'a pas de leçons à nous donner : sans l'argent français, elle n'aurait jamais été financée. Nous sommes les pigeons du budget de l'Union européenne !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tous les pays riches de l'Union ont obtenu des rabais après le Brexit, sauf la France. Bravo à la Macronie pour sa capacité de négociation ! Notre pays est celui qui paie les rabais de tous les autres. Donc, la trajectoire fixée par l'Union européenne, non merci !
Par ailleurs, la France contribue à la sécurité européenne par l'argent et par le sang, en investissant dans ses armées. Depuis des années, elle est le seul pays, avec le Royaume-Uni, à entretenir une armée digne de ce nom pour défendre de manière souveraine le continent européen. Or cela n'a jamais été pris en compte par l'Union européenne. Qu'elle ne vienne donc pas demander de l'argent aux Français : nous avons suffisamment payé !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je souhaite éclairer certains points afin qu'il n'y ait pas de confusion.
S'agissant tout d'abord de la baisse de la TVA, je le redis, ramener le taux de cette taxe de 20 % à 5,5 % ne protège pas contre une augmentation de 110 % ou 120 % des prix de l'électricité et du gaz. Notre bouclier tarifaire est infiniment plus efficace, en particulier pour les entreprises, qui, je le rappelle, monsieur Tanguy, ne bénéficieraient pas de la baisse de TVA que vous préconisez. Nous, nous pensons aux entrepreneurs et aux PME.
Monsieur de Courson, je crois qu'il y a une confusion entre deux mesures : la remise qui concerne les prix du carburant et le bouclier tarifaire qui s'applique aux prix du gaz et de l'électricité.
Je suis en effet favorable à ce que la remise carburant soit ciblée – notamment en 2023, si les prix du carburant devaient continuer à augmenter – sur tous ceux de nos compatriotes qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur voiture pour aller travailler : aides-soignants, salariés, apprentis… Si, demain, les prix à la pompe devaient à nouveau flamber, c'est sur eux que l'aide devrait être concentrée. Mais l'économie ainsi réalisée ne s'élèverait pas à des dizaines de milliards d'euros, car la remise carburant représente, pour toute l'année 2022, un montant d'un peu plus de 7 milliards. Cette économie se monterait donc à quelques milliards, ce qui n'est pas rien. Mais nous n'avons pas prévu de faire à nouveau bénéficier l'ensemble de nos compatriotes d'une remise carburant en 2023.
Ce qui coûte 46 milliards, c'est le bouclier appliqué aux tarifs du gaz et de l'électricité. Il permettra de limiter l'augmentation de ces tarifs à 15 % à partir de janvier et de financer des aides ciblées sur les plus modestes. Mais il ne faut pas exclure de ce bouclier les classes moyennes, qui ont également besoin d'être protégées contre la flambée des prix du gaz et de l'électricité.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement n° 766 .
Par cet amendement, qui s'inscrit dans la droite ligne de celui que j'ai défendu hier lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques, nous proposons de fixer un objectif de solde structurel plus ambitieux que celui présenté par le Gouvernement, en intégrant les 20 milliards d'euros d'économies – voire 25 milliards, selon le ministre Gabriel Attal – dont nous réclamons la réalisation sur trois ans dans le cadre d'un plan de sobriété bureaucratique. Nonobstant ce qui peut être dit, c'est parce que nous sommes responsables que nous formulons ces propositions.
Il s'agit de réorganiser l'ensemble des services publics afin de remédier à la suradministration et de mettre un terme aux procédures complexes, aux contraintes multiples, aux lourdeurs et aux lenteurs, bref : à tout ce qui entrave l'économie. Le coût de cette suradministration a été évalué par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un organisme sérieux, à 3,4 % du PIB, soit 84 milliards d'euros ; d'autres organismes, comme la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap),…
…le chiffrent à 100 milliards d'euros.
Notre proposition est donc raisonnable, compte tenu du coût de la suradministration.
Il y a beaucoup à faire. C'est pourquoi nous vous proposons des pistes de réflexion. On pourrait ainsi revoir l'organisation des opérateurs ; remettre à plat le fonctionnement de certaines agences ; limiter la bureaucratie tatillonne en réduisant le nombre des fonctionnaires dans les administrations centrales – et non pas, j'y insiste, dans les territoires, où nous avons d'importants besoins en matière de sécurité, de santé et d'éducation ; étendre le principe « une règle entrante, une règle sortante », actuellement appliqué aux seuls décrets, à l'ensemble des normes et voter une loi visant à supprimer les lois et normes obsolètes pour diminuer le volume des codes de 15 % en dix ans.
Voyez, nous sommes force de proposition, notre opposition est constructive !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je veux tout d'abord, pour éviter toute confusion, saluer le formidable travail accompli par l'ensemble des fonctionnaires français, qui nous ont notamment permis de traverser la crise.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La marche que vous nous proposez de gravir l'an prochain, madame Louwagie, est trop haute. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous sommes encore au cœur de la crise et les Français, les collectivités territoriales, les entreprises, les associations ont besoin d'être protégés. Ce n'est donc pas le moment.
Enfin, nous vous l'avons dit – nous avons déjà travaillé ensemble sur d'autres dossiers –, nous sommes très ouverts.
Mais je dois reconnaître – peut-être sommes-nous d'accord sur ce point – que, parmi les 1 200 ou 1 400 amendements que vous avez déposés, peu tendent à traduire concrètement les pistes d'économies que vous avez indiquées, de sorte que les possibilités que nous avons d'adopter de telles mesures dans le cadre de ce budget sont assez minces.
Avis défavorable.
Je vous remercie à mon tour, madame Louwagie, pour vos propositions. Si je souscris aux propos du rapporteur général sur la qualité du travail réalisé par les fonctionnaires, je suis d'accord avec vous : on peut administrer aussi bien, voire mieux, en poursuivant la réduction des dépenses publiques et en menant de nouvelles politiques publiques. On peut avoir des fonctionnaires toujours aussi motivés et efficaces mais peut-être moins nombreux.
Le prélèvement à la source, qui est l'une des grandes réformes que j'ai défendues avec Gérald Darmanin lorsqu'il était ministre de l'action et des comptes publics, en est l'illustration. Le service, en matière d'impôt sur le revenu, est meilleur depuis cette réforme. Ainsi, avec un nombre de fonctionnaires moins important, on administre mieux pour un coût plus faible. Il s'agit donc d'une direction intéressante, qui peut parfaitement trouver sa traduction dans les années à venir.
Avis défavorable sur cet amendement qui va trop loin, comme l'a indiqué le rapporteur général, mais il peut nous inspirer pour la suite.
Le groupe Rassemblement national votera pour l'amendement de Mme Louwagie, car nous sommes convaincus qu'il y a des économies à réaliser dans l'administration. On a entendu dire, il y a quelques années, qu'il fallait « dégraisser le mammouth ». De fait, qui n'a jamais rencontré un maire qui se plaignait de ne pas s'y retrouver dans le millefeuille administratif ou un administré perdu entre les différentes administrations auxquelles il doit s'adresser ? Ainsi, non seulement l'État pourrait réaliser des économies, mais la vie de l'ensemble des citoyens et des agents serait facilitée.
À plusieurs reprises depuis le début de la séance, la menace du 49.3 a été brandie. Pendant la crise de la covid-19, le Gouvernement a gouverné les Français par la menace en leur imposant le port du masque ou en les obligeant à remplir une attestation pour promener leur chien mais, dans cet hémicycle, nous sommes libres. Nous représentons nos électeurs comme nous l'entendons, avec nos convictions, et ce n'est pas un article qui nous en fera changer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Dans son amendement, Mme Louwagie propose d'améliorer le solde structurel de 0,3 point, ce qui représente une économie de 8 milliards d'euros – le mien était plus modeste : je vous proposais une économie de 5,5 milliards. Comment y parvenir, monsieur le ministre ? Si vous renoncez à appliquer le bouclier tarifaire aux deux derniers déciles, vous obtenez grosso modo une économie de 8 milliards. Qui plus est, cette mesure serait tout à fait juste, car les classes moyennes et, surtout, les couches populaires seraient protégées.
Je vous le redis : voilà ce qu'il faut faire ! Nous ne pouvons pas continuer à dépenser 45 milliards pour tous les Français. Vous et moi, monsieur le ministre, nous pouvons payer la hausse des tarifs de marché. Ce sera dur, mais on y arrivera, tous les deux, n'est-ce pas ?
Sourires.
Parlez-en à votre épouse, elle vous dira que c'est tout à fait possible.
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
L'amendement n° 766 est vraiment très important, car il illustre la capacité de notre groupe à financer ses propositions et notre volonté d'infléchir la tendance à la dérive des comptes publics. De fait, vous le savez, leur déséquilibre est insoutenable : l'an dernier, la différence entre les dépenses et les recettes était de 170 milliards, et elle est presque aussi importante cette année alors que les hypothèses de croissance et d'inflation sont trop optimistes. Si l'on veut envoyer un signal, il faut prendre cette décision pour amorcer la débureaucratisation de notre pays.
Si l'on veut préserver les postes de fonctionnaires au contact du public – les enseignants, les policiers, les infirmiers
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Stéphane Lenormand et Mme Estelle Youssouffa applaudissent également
…il faut être capable de mener une réflexion sur les agences nationales et conseils nationaux qui ont été créés ou sur les postes de médiateurs – certains, je l'ai entendu dire lors d'auditions, sont sollicités moins de vingt fois dans l'année.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Puisque vous vouliez des exemples, monsieur le rapporteur général, en voici un : l'Agence nationale du sport, 11 millions de frais de fonctionnement pour répartir …
Même mouvement
S'il vous plaît, madame Chikirou ! Si vous voulez prendre la parole, demandez-la, et vous pourrez vous exprimer au micro.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En effet, s'il suscite de l'enthousiasme jusque sur le banc de la gauche, c'est que ce combat est très juste. L'Agence nationale du sport dépense donc 11 millions de frais de fonctionnement pour faire exactement la même chose que le ministère des sports. Voilà un exemple concret.
Il faut diminuer les dépenses bureaucratiques tout en améliorant le service public, afin que nos concitoyens payent moins d'impôts et que l'économie soit plus forte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce débat entre la droite et la droite est peut-être de nature à résoudre le problème de « chambre introuvable » que posent aux marcheurs leur majorité relative. D'un budget de renoncement, nous passerions, si nous adoptions les propositions des députés du groupe LR, à un budget d'enfoncement, car ils proposent de soustraire 80 milliards d'euros aux services publics, auxquels recourent tous les jours les plus modestes de nos concitoyens et ceux qui appartiennent aux classes moyennes.
J'ai bien entendu Bruno Le Maire remercier les Républicains et se montrer prêt à s'inspirer de leurs propositions.
Nous voyons donc se discerner une « chambre trouvable » pour la minorité macronienne en déportant encore plus vers la droite son projet budgétaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Je porte sur cet amendement les mêmes critiques que celles que j'ai déjà avancées en commission.
Mes craintes quant à votre méthode ont été confirmées par les propos de M. Mauvieux, qui a cité Claude Allègre affirmant qu'il fallait « dégraisser le mammouth ». Il est toujours un peu compliqué d'attaquer les fonctionnaires, car on se voit aussitôt répliquer : « Vous voulez donc moins de policiers ou d'enseignants ? » Pour éviter ces questions embarrassantes, on en vient à l'idée un peu fantasmatique de diminuer les effectifs de l'administration centrale.
D'ailleurs, depuis qu'on a entrepris de « dégraisser le mammouth » avec Claude Allègre, on a réduit le nombre d'enseignants présents dans les classes, ce qui nous a conduit à la situation que nous connaissons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Moi, j'aime l'État ; j'aime les fonctionnaires. Je pense que nous n'en avons pas assez dans notre pays par rapport aux objectifs que nous devons atteindre.
Mêmes mouvements.
Si : affirmer qu'il faut diminuer les effectifs de l'administration centrale, c'est une manière commode de tenir un discours antifonctionnaire tout en se défendant de le faire.
Le discours antifonctionnaire s'est renforcé il y a une trentaine d'années, quand on les a accusés d'être des privilégiés, mais c'était pour mieux détourner l'attention de ceux qui le sont vraiment. En réalité, je pense que nous avons besoin d'un plan de sobriété capitaliste.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ce qui coûte très cher à l'État, ce sont les cadeaux fiscaux, la moindre taxation des dividendes et des revenus du capital.
Je suis donc en désaccord avec vous, madame Louwagie, y compris au sujet des opérateurs. D'ailleurs, comme vous le savez parfaitement, les rapporteurs spéciaux concluent très souvent leurs travaux en affirmant qu'il faudrait au contraire renforcer ces opérateurs, dont l'action est efficace.
Votre attitude me laisse perplexe. Vous pensez qu'il faut à tout prix réduire les déficits ; si je me place dans cette logique, je ne comprends pas pourquoi vous ne votez pas, au minimum, le report de la baisse de la CVAE – vous savez que pour ma part je suis favorable à l'annuler purement et simplement. En effet, supprimer des recettes fiscales contribue également à augmenter les déficits.
Nous en reparlerons lorsque nous examinerons l'amendement qui prévoit un tel report, mais il me semblerait logique que vous le votiez.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 382
Nombre de suffrages exprimés 381
Majorité absolue 191
Pour l'adoption 116
Contre 265
L'amendement n° 766 n'est pas adopté.
Il vise à corriger une inexactitude dans le tableau de l'évolution de la dépense publique hors crédit d'impôt en volume. Le Gouvernement affiche une baisse de 1,5 %, mais il faudrait plutôt indiquer une augmentation de 0,7 %. Je reprends ici l'avis du HCFP.
Cet écart vient, d'une part, du fait que le Gouvernement a utilisé l'indice des prix à la consommation pour déflater la dépense publique. Or celui-ci n'est absolument pas représentatif ; il faut lui préférer l'indice implicite de prix du produit intérieur brut, qui est très différent. D'autre part, le Haut Conseil neutralise la baisse des dépenses exceptionnelles et non répétitives qui sont des économies de constatation et qui ne découlent pas d'une politique particulière.
Lorsqu'on prend en compte ces deux éléments, on prévoit une augmentation des dépenses publiques de 0,7 % et non une baisse de 1,5 %.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 538 .
Effectivement, dans cet hémicycle, deux visions différentes de l'économie française s'opposent. Les propos qu'a tenus le président de la commission des finances le confirment. Selon l'une, on augmente tous les impôts, ce qui permet d'augmenter les dépenses. Selon l'autre, on baisse les impôts, notamment les impôts de production, et en même temps on réduit la dépense, car cela permet justement de trouver des marges de manœuvre. C'est bien évidemment cette voie que les députés LR préconisent d'emprunter.
Vous proposez une diminution de la dépense publique de 1,5 % ; l'amendement n° 538 vise à porter cette diminution à 2 %.
Répondant aux interrogations que cet amendement a suscitées chez les députés du Rassemblement national, je rappelle que, si nous nous efforçons de diminuer la dépense publique, ce n'est pas pour faire plaisir à l'Europe, mais parce que, dans une période où les intérêts de la dette augmentent, il est essentiel de s'assurer que la dette soit soutenable. Sans cela, la charge de la dette deviendra insupportable pour nos finances. Nous ne pouvons pas transmettre ce fardeau aux générations futures, à nos enfants et à nos petits-enfants.
Nous voulons maîtriser la dépense publique et diminuer les impôts de production.
Certes, monsieur le ministre, l'évolution est positive, mais il n'en demeure pas moins que la dépense progresse. Il faudrait qu'elle soit beaucoup plus fortement contenue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame Dalloz, nous en avons déjà discuté : nous pensons qu'une diminution supplémentaire de 0,5 % serait trop difficile à réaliser en période de crise. L'avis de la commission sur l'amendement n° 538 est donc défavorable.
Monsieur de Courson, je reconnais votre expertise en la matière. Cependant, comme vous l'avez reconnu vous-même, le chiffre que vous donnez correspond à un autre périmètre et à un autre mode de calcul.
Je ne prétends pas qu'il est faux, mais il est en décalage avec les autres chiffres du tableau, qui a une vraie cohérence…
…en ce qui concerne la manière de calculer les dépenses par rapport au PIB.
On pourrait cependant trouver un compromis en considérant que, si l'on ne tient pas compte des dépenses exceptionnelles consenties en 2022, la dépense publique est stable.
L'avis de la commission sur l'amendement n° 634 est donc défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 368
Nombre de suffrages exprimés 367
Majorité absolue 184
Pour l'adoption 175
Contre 192
L'article liminaire n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES. – M. Marc Le Fur applaudit également.
Nous abordons l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023.
Députés de la nation et responsables devant les Français, nous ne voterons pas contre l'article 1er , qui revient à autoriser la perception des impôts.
Toutefois, nous nous abstiendrons, car nous nous devons de souligner combien vous avez abîmé le principe même de consentement à l'impôt – c'est bien de cela qu'il s'agit.
Le consentement à l'impôt est en effet abîmé par le niveau record des prélèvements obligatoires, qui s'élèvent à 45 % du PIB, soit près de la moitié de la richesse nationale. En un an, 86 milliards supplémentaires ont été prélevés, un matraquage fiscal encore plus important que celui pratiqué sous François Hollande, mentor du Président de la République.
Nous sommes donc bien loin de la fable de la baisse des impôts que vous nous contez tous les jours.
Le consentement à l'impôt est abîmé également par son usage et par votre refus de vous attaquer aux dizaines de milliards que coûtent l'immigration hors de contrôle, les fraudes sous toutes les formes et le budget européen qui ne connaît ni la crise, ni la rigueur.
Votre politique a déjà mené à la révolte fiscale. La France qui se lève tôt a poussé un cri de colère lors du mouvement des gilets jaunes, avant que ce dernier soit récupéré et abîmé à son tour par l'extrême gauche.
Votre politique fiscale et budgétaire injuste et décourageante mènera à nouveau notre pays à l'abîme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Ce n'est pas un petit événement. Ce vote résume l'ensemble des échanges que nous avons eu lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques.
Vous entretenez le mirage d'une toute-puissance. Cependant nous vous rappelons régulièrement, comme nous venons de le faire en rejetant l'article liminaire, que vous ne pouvez pas décider seuls.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et pourtant vous faites comme si vous le pouviez !
Une nouvelle fois, nous demandons donc au ministre : où allons-nous ? Nous n'avons pas trente-six solutions. Vous pouvez décider d'écouter vos oppositions et de laisser le débat se tenir. M. Le Maire a affirmé que « la démocratie, c'est le débat ». C'est vrai, mais le débat ne se réduit pas aux palabres ; il comprend aussi la prise de décision. Quelle décision prendrez-vous donc ? Serez-vous à l'écoute de ce que nous proposerons ? Permettrez-vous que se tienne l'ensemble de la discussion pour connaître l'opinion de vos oppositions ? Tiendrez-vous compte de cette opinion, ou comptez-vous passer outre ? Vous ne pouvez pas éluder cette question.
Je m'adresse maintenant aux groupes d'opposition. Nous avons un moyen de nous faire entendre : la motion de censure.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Au cas où le Gouvernement déciderait de passer en force, vous disposez également de ce moyen, non pas pour montrer votre accord avec La France insoumise, ni même pour renverser le Gouvernement, mais simplement pour rappeler à ce dernier que, dans cet hémicycle, ce sont les parlementaires qui décident. Et lorsqu'ils décident, le Gouvernement doit s'exécuter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En fait, vous soutenez le 49.3 pour justifier votre motion de censure !
Nos compatriotes répugnent parfois à payer l'impôt. Son sens peut pourtant être expliqué et compris à la condition qu'il n'y ait pas de gâchis d'argent public. Or nos compatriotes ont le sentiment d'un tel gaspillage, en particulier dans nos administrations centrales – mais pas sur le terrain, comme l'a dit Fabien Di Filippo. Vous avez donc commis une erreur fondamentale en refusant l'amendement que vous proposait Mme Louwagie.
Prenons un exemple très concret sur lequel, je crois, nous pourrons nous accorder. Il existe un poste de secrétaire général à la mer, dont on a parlé récemment parce que son titulaire est un peu connu. Un tel poste était concevable à une époque où il fallait coordonner l'ensemble des activités maritimes. Mais nous avons aussi, désormais, un secrétaire d'État chargé de la mer ! C'est très bien, d'ailleurs ; en Bretagne, nous revendiquions justement la création de ce département ministériel, et nous présentons tous nos vœux de succès à son responsable. Le problème c'est qu'aujourd'hui, il y a doublon : d'un côté, il y a une autorité politique, et de l'autre, un secrétariat général dont l'unique vocation semble être de chaperonner celle-ci !
Mme Marie-Christine Dalloz applaudit.
Entre autres mesures, Mme Louwagie vous proposera donc de supprimer le secrétariat général de la mer. Il s'agit d'une mesure simple et concrète visant à diminuer les dépenses publiques. De tels exemples, que tout le monde peut comprendre, permettront de mieux faire accepter le prélèvement fiscal à nos compatriotes. Donnez-nous en d'autres !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'article 1er n'a d'autre but que d'autoriser l'État à prélever l'impôt, et nous voterons évidemment en sa faveur.
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Personnellement, je veux croire qu'il n'y a pas de ras-le-bol fiscal dans notre pays, mais plutôt – et je rejoins M. Le Fur sur ce point – l'expression par nos concitoyens d'une question légitime : à quoi servent nos impôts ?
Sur des sujets aussi importants, nous devons veiller à employer les termes adéquats. L'article 1er concerne uniquement l'impôt, et non les prélèvements obligatoires, qui sont composés certes de l'impôt, mais également des contributions sociales. Être précis dans les termes est important, car l'amalgame est facile.
Plutôt que de fustiger l'impôt, nous devrions faire preuve de plus de pédagogie. En effet, c'est grâce à l'impôt que l'on construit la société que l'on veut et que l'on finance les services publics, qu'ils soient nationaux ou locaux. Lors de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) défendue par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin, nous avons décidé de prévoir un débat sur la dette et un débat sur les collectivités territoriales : j'aurais aimé que nous y ajoutions un débat sur l'utilité de l'impôt.
M. Bertrand Petit applaudit.
Le déroulement des débats ne vous ayant pas permis de répondre à la question que je vous ai posée tout à l'heure, monsieur le ministre, je vais la poser à nouveau.
Tout d'abord, la nuit vous a-t-elle porté conseil ?
M. le ministre sourit.
Avez-vous tiré les enseignements de ce qui s'est passé la nuit dernière ? Acceptez-vous de reconnaître que vous n'avez pas su susciter une majorité pour aider les Français ?
Face à la crise énergétique, ces derniers vont mal. Les débuts de mois ressemblent aux fins de mois. Les communes sont étranglées – vous l'avez enfin reconnu, alors qu'hier, on nous expliquait qu'elles nageaient dans le luxe, le calme et la volupté. Monsieur le ministre, la nuit vous a-t-elle porté conseil ?
Deuxièmement, la façon dont cette séance a débuté va-t-elle vous conduire à écouter un peu plus les oppositions ? L'article liminaire vient d'être rejeté : je n'avais jamais vu ça ! Et je ne connais personne l'ayant vécu ! Allez-vous en tirer des enseignements sur l'attention que vous devriez accorder à nos amendements ?
Enfin, pouvez-vous vous engager à ce que les mesures que nous allons faire adopter figureront dans le texte final, une fois que vous aurez fait usage de l'arme de la faiblesse qu'est le 49.3 ?
Mme Marie Pochon applaudit.
Nous avons besoin de savoir si nous discutons pour rien, si vous ne faites que nous trimballer, ou si la confrontation démocratique permettra au contraire d'établir un texte qu'une majorité votera en pleine conscience ? Monsieur le ministre, j'aimerais des éclaircissements sur ces points.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Traditionnellement, nous passons rapidement sur l'article 1er , car tout le monde est d'accord sur la nécessité de l'impôt. Cette année, pourtant, je crois utile que nous ayons une petite réflexion sur l'impôt et les cotisations sociales.
Les cotisations sociales sont censées financer les prestations sociales, et les impôts, les grands services publics – même si, en réalité, c'est un peu plus compliqué que cela, puisque la contribution sociale généralisée (CSG) est une sorte d'intermédiaire.
Aujourd'hui, le taux de prélèvements obligatoires (PO) est de 44,7 % de la richesse nationale. Hélas, il n'existe pas d'étude fine portant sur la répartition des PO en fonction de divers critères – le niveau de revenus, le fait d'habiter en zone urbaine ou en zone rurale, ou d'avoir ou non des enfants dans l'enseignement supérieur, etc. –, ce qui permettrait d'identifier les contreparties à l'impôt.
Notons que la part de la TVA dans les prélèvements obligatoires est devenue très importante, puisqu'elle atteint 215 milliards d'euros.
C'est pourquoi, contrairement à d'autres collègues, je ne crois pas qu'il faille augmenter encore la pression fiscale. En effet, si 44,7 % est un taux moyen, il existe des taux marginaux qui peuvent atteindre 70 % ! On ne parle que de l'impôt sur le revenu, mais celui-ci représente bien peu de choses par rapport au produit de la TVA et des droits d'accises.
Par ailleurs, je constate que contrairement à ce que vous nous dites, il n'y a eu aucune diminution de la pression fiscale durant le dernier quinquennat. Quel était le taux moyen de prélèvements obligatoires en 2018, monsieur le ministre ? 44,7 % ! Il n'y a eu aucune baisse de la pression fiscale globale.
Vous prétendez avoir décidé 50 milliards d'euros de baisse d'impôt avant 2023, mais en réalité, vous n'avez fait que rendre aux contribuables une partie de la hausse des recettes fiscales, ce qui est tout à fait différent. Et vous continuez à le faire, alors que nous n'en avons pas les moyens. La priorité, c'est le redressement des finances publiques : arrêtez de baisser les impôts !
Il se passe tant de choses extraordinaires depuis hier soir que j'en arrive à me demander si le Parlement ne va pas refuser d'accorder au Gouvernement l'autorisation de percevoir l'impôt, qui est pourtant au cœur même de son rôle !
À tous ceux qui parlent d'un aveu de faiblesse, je veux répondre que le seul aveu de faiblesse que je constate ici, c'est la coalition de circonstance qui s'est formée pour supprimer l'article liminaire du projet de loi. Je le dis sans aucune acrimonie : cette décision, chers collègues, nous affaiblira collectivement au plan européen, car nous serons le seul pays à ne pas avoir défini de trajectoire budgétaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
On peut être antieuropéen et, partant, prétendre que ce n'est pas grave. Mais quand les ministres se rendront à une réunion de l'Eurogroupe, ils seront bien en peine d'expliquer pourquoi le Parlement a pris une telle décision.
Contrairement à ce que j'entends, ce n'est pas la majorité qui a perdu, mais bien les Français !
Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Si, demain, nous empruntons plus cher sur les marchés financiers, ce sont autant de politiques publiques qui ne pourront pas être déployées.
Entre ceux qui disent qu'il faut baisser les dépenses, sans dire à quoi ils renoncent, et ceux qui disent qu'il faudrait les augmenter, sans nous dire comment les financer, il y a une voie, celle de la responsabilité : c'est ce chemin que nous empruntons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Pour commencer, je suis très surpris d'entendre certains prétendre que les Français se demandent à quoi servent les impôts. Je pense qu'ils le savent très bien, il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé récemment ! Ils savent que les impôts servent à sauver les entreprises qui les emploient, à compenser la suppression de la taxe d'habitation accordée à 80 % d'entre eux, à financer le pass culture pour les jeunes, mais aussi toutes les mesures prises depuis deux ans pour faire face à la crise de covid-19, puis à la crise énergétique.
Chers collègues, votre petite musique, on l'entend depuis lundi, et voilà que M. Jumel nous fait un procès d'intention et demande au ministre si le débat ira à son terme. Je vous rappelle que, lundi, vous avez commencé l'examen du texte en défendant deux motions de rejet !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous prétendez vouloir débattre, défendre un projet, mais dès cet été, avant même que le projet de loi de finances ne soit déposé, vos responsables politiques ont clairement indiqué qu'ils en bloqueraient l'adoption ! Alors cessez ce procès d'intention !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le fond ne vous intéresse pas, vous n'êtes pas là pour vous battre pour les Françaises et les Français, mais uniquement pour mener une bataille purement politicienne. Arrêtez de dire n'importe quoi !
Enfin, notre majorité est relative, comme vous ne cessez de le rappeler, mais que cela vous plaise ou non, c'est tout de même une majorité !
Bien entendu, nous voterons en faveur de l'article.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
Nous voulons réhabiliter l'impôt car l'impôt est socialement utile : en finançant nos biens communs, nos services publics, il fonde notre cohésion. Mais il ne saurait être accepté sans justice fiscale. Or c'est bien le sens de cette justice qui vous fait défaut.
J'entends que la France va se retrouver affaiblie au plan européen car nous avons rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques et l'article liminaire du projet de loi de finances pour 2023. Oui, nous serons affaiblis, mais nous n'en serons pas les responsables !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
C'est la majorité et le Gouvernement qui le sont, car ils n'ont pas cherché à construire une majorité. Votre discours est contradictoire : vous dites non aux impôts, au déficit, à la dette, aux services publics… bref, vous dites non à tout !
Nous, nous proposons de sauver les services publics. Et, contrairement à ce que M. Thiébaut vient d'affirmer, nous proposons toutes sortes de nouvelles recettes : une taxe sur les superprofits, un héritage plus juste, un impôt qui toucherait les plus hauts revenus, comme l'impôt sur la fortune… vous n'avez qu'à piocher !
Nous avons plein de solutions à vous proposer pour lutter contre la dette et financer les services publics.
Nous ne pouvions pas adopter l'article liminaire, mais nous sommes évidemment favorables à la réhabilitation de l'impôt, pourvu qu'il soit juste.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je fais évidemment partie de ceux qui respectent le vote du Parlement. Mais je fais également partie de ceux qui respectent les engagements que la France a pris vis-à-vis de l'Europe, ce qui ne semble pas être le cas de tout le monde.
Monsieur Jumel, vous nous avez demandé si nous allions tirer des enseignements du rejet de l'article liminaire. Personnellement, je m'interroge sur l'interprétation à lui donner : ce rejet signifie-t-il qu'il faut engager plus de dépenses publiques
L'orateur se tourne vers la gauche de l'hémicycle
Désignant la droite
en engager beaucoup moins ? En réalité, ce vote recouvre des opinions opposées : la majorité qui a rejeté l'article n'est pas une majorité politique ou une majorité d'idées, mais une majorité de circonstance !
L'article 1er est adopté.
Sur les amendements identiques n° 3121 et 475 , je suis saisie par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public. De même, sur l'amendement n° 474 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bryan Masson.
L'article 2 est à l'image du projet de loi : fade et sans le moindre signe d'une politique volontariste. L'indexation sur l'inflation du barème progressif de l'impôt sur le revenu est devenue une règle classique appliquée de façon quasi automatique depuis plusieurs années. C'est évidemment mieux que rien, mais cela reste totalement inadapté à la crise que nous traversons. En effet, comme l'a rappelé un amendement pertinent de Charles de Courson adopté en commission des finances, les Français sont loin d'être tous égaux face à la flambée des prix. Il semble donc insensé d'envisager de lutter contre la crise avec une mesure aussi banale, qui ne constitue en rien un cadeau fait par le Gouvernement. Assurer une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu apparaîtrait beaucoup plus juste, et c'est pourquoi les députés du Rassemblement national soutiendront l'amendement déposé en ce sens.
Des études de l'Insee ont montré que les ménages les plus touchés par la crise énergétique et l'explosion du coût de la vie sont soit les plus modestes, soit ceux qui, habitant des communes rurales, sont contraints d'utiliser leur véhicule pour aller travailler. Ceux-là ne verront en rien leur quotidien amélioré par les mesures molles d'un gouvernement aux allures d'office de gestion de crise, et encore moins par les folles propositions et les errements idéologiques d'une extrême gauche caricaturale.
D'un côté, la minorité présidentielle présente un projet de loi de finances pour 2023 qui ne fait rêver personne, de l'autre, une gauche hypocrite prétend se ranger du côté des travailleurs alors qu'elle propose de priver de crédit d'impôts des Français qui, faute de moyens, roulent dans un véhicule considéré comme trop ancien.
L'ADN du Rassemblement national, c'est la défense de cette France qui, à la lecture du projet de loi, se révèle décidément celle des oubliés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai entendu, venant des bancs du groupe Renaissance, beaucoup de déclarations avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Il n'y a pas de blocage de la part des oppositions : un travail parlementaire sérieux, argumenté ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
se heurte à un Gouvernement qui refuse d'ouvrir les yeux. Quand comprendrez-vous que vous ne détenez plus la majorité à vous seuls et qu'il vous faut donc travailler avec le reste de l'Assemblée, écouter les députés des autres bords ?
Vous n'avez pas répondu à la question posée tout à l'heure par notre collègue Corbière : que retiendrez-vous des amendements que nous intégrons au texte ? Lors de l'examen en commission de cet article, nous avons adopté un amendement de M. de Courson visant à accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu (IR) ; si cet amendement, devenu celui de la commission, est de nouveau adopté en séance, tiendrez-vous compte du fait que nous l'estimons nécessaire, ou n'en ferez-vous qu'à votre tête après nous avoir laissé débattre en pure perte ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Il s'agit là d'un article récurrent des projets de lois de finance : chaque année, à l'exception de 2011, le montant des tranches de l'impôt sur le revenu est indexé sur l'inflation. Soutenir que vous réduisez de 6 milliards l'impôt sur le revenu des ménages est donc entièrement inexact, monsieur le rapporteur général. Cela revient à affirmer qu'en 2023, vous prendrez 1,6 milliard de plus aux collectivités territoriales, puisque les concours n'augmenteront que de 600 millions au lieu de 2,2 milliards s'ils avaient suivi l'inflation. Je le répète, vous ne diminuez pas les impôts des Français : vous vous bornez à ne pas les alourdir – du moins pour les 50 % de nos concitoyens qui paient l'impôt sur le revenu –, ce qui est bien le moins, tant leur pouvoir d'achat s'effrite depuis la fin de l'année 2021.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Avec cet article, le Gouvernement et la majorité démontrent une fois de plus qu'ils sont ceux qui baissent les impôts, qui rémunèrent le travail ! Après la suppression de la taxe d'habitation, celle de la contribution à l'audiovisuel public, la diminution de l'impôt sur le revenu – à hauteur de 5 milliards – au profit des plus modestes, je n'aurai pas la cruauté de rappeler à nos collègues du Rassemblement national et du groupe GDR – NUPES que de telles mesures n'ont rien de banal ou d'automatique. En 2011 et en 2012, le barème de l'impôt sur le revenu n'a pas été indexé sur l'inflation : chacun aura reconnu les majorités en cause !
Mme Christine Pires Beaune s'exclame.
Chers collègues, nous serons heureux de voter l'article 2, grâce auquel une personne rémunérée au Smic économisera 130 euros par an, un célibataire payé 2 500 euros par mois, près de 330 euros, et un couple gagnant 7 000 euros par mois, 800 euros.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Face à une inflation qui, en 2022, a atteint 5,4 % par rapport à 2021, l'article 2 vise à préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens, en tout cas de ceux qui acquittent l'impôt sur le revenu, dont le Gouvernement propose d'indexer les tranches. Il nous en coûtera 6,2 milliards d'euros, mais j'espère que nos collègues de la droite fréquentable
Sourires sur les bancs du groupe RN
Mesdames et messieurs les députés, certains d'entre vous, au cours de leurs interventions, ont évoqué le vote qui, tout à l'heure, a abouti à la suppression de l'article liminaire. Celui-ci fixait pour l'an prochain la trajectoire des recettes, des dépenses, du déficit. Vous auriez pu choisir de tenter, par voie d'amendement, de faire évoluer cette trajectoire,…
…de jouer sur ses composantes, sur les montants. À défaut d'être capables de former une majorité qui détermine un nouveau cap, la NUPES, le Rassemblement national et Les Républicains se sont coalisés afin de priver la France de toute orientation budgétaire en 2023. Ce vote constitue un aveu de faiblesse des oppositions, incapables de faire partager leur vision,…
…de fixer un cap, encore une fois, au pays. Pour répondre à M. Guiraud, vous ne pouvez rien décider ; vous n'avez pas de majorité alternative. Quant à nous, nous assumerons nos responsabilités afin que la France ne soit privée ni de budget ni de direction !
J'en viens à l'article : il est d'une importance majeure pour le pouvoir d'achat des classes moyennes. J'ai entendu certains d'entre vous affirmer que l'indexation sur l'inflation des tranches de l'impôt sur le revenu constituait quasiment une mesure automatique ; or Mathieu Lefèvre a rappelé qu'elle n'avait pas été appliquée tous les ans. Le niveau actuel de l'inflation nous obligeait à nous poser la question : nous avons choisi d'y répondre par l'affirmative, ce qui coûtera 6,2 milliards. Si nous avions pris la décision contraire, elle se serait traduite par une hausse massive de l'impôt, notamment dans les classes moyennes ; un célibataire qui gagne 2 000 ou 2 500 euros par mois aurait payé au fisc 350 euros de plus. Protéger les Français qui travaillent, tel est à la fois l'ADN et l'objectif de la majorité ! Il importe donc que cet article soit adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Si vous le permettez, madame la présidente, je laisserai ce soin à M. de Courson, auteur d'un amendement adopté contre mon avis par la commission des finances.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 475 .
Chers collègues, une forte majorité des membres de la commission s'est en effet prononcée en faveur de cet amendement. Avant toute chose, il convient de rappeler qu'un peu moins de 40 % des Français acquittent l'impôt sur le revenu ; l'amendement concerne donc, si je puis dire, les classes moyennes supérieures, les classes moyennes allant plutôt du troisième au sixième déciles de revenu.
Le produit de l'impôt sur le revenu est estimé en 2022 à 86,8 milliards, contre 78,7 milliards en 2021, soit une augmentation de 8,1 milliards ou de 13 %. Le Gouvernement a donc raison de dire que, sans sa mesure d'indexation, les Français auraient cette fois payé 8,2 milliards supplémentaires : la mesure en question ramène les recettes prévues à 86,9 milliards, c'est-à-dire qu'elles ne connaîtront quasiment aucune hausse par rapport à 2022.
En revanche, faut-il revaloriser toutes les tranches de 5,4 %, ce qui n'est du reste pas déraisonnable puisque l'inflation atteint 4,2 % ? L'amendement vise à moduler ce taux : 4,4 % pour la tranche la plus haute, 6,4 % pour les autres. Il ressort en effet de l'étude consacrée par l'Insee aux conséquences de l'inflation en fonction du revenu que les couches sociales les plus modestes sont aussi les plus affectées. À produit inchangé, voire en léger progrès, ce petit effort de modulation…
Nous avons pris la décision – qui aurait pu être différente, comme cela a déjà été rappelé – de rehausser l'ensemble des tranches de l'impôt sur le revenu à hauteur de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, soit 5,4 %, ce qui évitera aux Français de payer 6,2 milliards supplémentaires. Reste que certains de nos concitoyens ont heureusement vu leur revenu augmenter en 2022. Pour les Français, le gain global sera intermédiaire : environ 20 millions de foyers gagneront à la réforme, la hausse de leur revenu restant inférieure à l'inflation, tandis que 1,5 million paieront un impôt supérieur, leurs gains ayant augmenté plus vite que les prix.
Pourquoi donc, monsieur de Courson, relever ces seuils au-dessus du taux d'inflation ? Je vous sais particulièrement attentif aux dépenses publiques ; or votre suggestion coûterait entre 1 et 1,2 milliard de plus sans répondre à aucune logique de préservation des Français. Vous prévoyez certes une moindre revalorisation pour la dernière tranche, mais, puisque vous les rehaussez toutes, les grands gagnants de la mesure seront les contribuables de la tranche supérieure, qui bénéficieront de la revalorisation de l'intégralité des tranches. Ceux du sixième décile y gagneront 10 euros ; ceux du dernier décile, plus de 100 euros ! Non seulement votre proposition, je le répète, n'est pas logique, mais, compte tenu de l'indexation légèrement inférieure de la dernière tranche, elle produirait un effet inverse à celui que vous recherchez. Avis doublement défavorable.
Monsieur le rapporteur général, je ne demande qu'à comprendre votre démonstration.
Vous affirmez avec certitude qu'une revalorisation de 6,4 %, pour les tranches les plus basses, serait supérieure à l'inflation : nous en reparlerons l'an prochain. Par ailleurs, Charles de Courson propose de moins rehausser la dernière tranche : ce sont donc bien les plus aisés qui gagneraient le moins à cette réforme. Encore une fois, je suis tout disposé à entendre de nouveau vos explications, mais celles de M. de Courson m'ont paru plus crédibles. Tel qu'il nous a été soumis, son amendement accentuerait le caractère redistributif du système. Cependant, il existe une solution beaucoup plus simple, qui présenterait en outre l'avantage d'éviter à l'État une perte de recettes : indexer les salaires sur l'inflation !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.
La TVA, qui obéit à une logique proportionnelle et ne sera pas modifiée, pèsera bien plus sur les Français – y compris les plus modestes, ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu – dès lors que leur revenu ne suit pas l'inflation. Le problème fondamental se situe là !
La puissante mesure proposée par le Gouvernement à l'article 2 coûtera 6,2 milliards, mais permettra de neutraliser les effets de la hausse des prix sur le revenu des Français et de garantir qu'aucun ménage non imposable en 2022 ne sera fiscalisé en 2023 du seul fait de l'inflation. Au contraire, pour diverses raisons, l'amendement déposé par M. de Courson et adopté par la commission contre l'avis du rapporteur général ne répond pas aux objectifs visés.
D'abord, vous affirmez, depuis le début du débat, viser l'équilibre budgétaire – ou du moins ne pas vouloir créer de déficit supplémentaire. Or l'amendement entraînerait un coût supplémentaire de 1,5 milliard d'euros pour l'État, puisque la moindre indexation sur la dernière tranche ne compenserait pas du tout la surindexation sur les premières tranches. Je le dis simplement : on ne peut pas appeler à tenir les objectifs de déficit et, en même temps, voter des amendements à 1 ,5 milliard.
Ensuite, contrairement à ce qui a été dit, votre mesure ne serait pas redistributive. Certains amendements défendus notamment par le groupe La France insoumise, je le concède, proposent d'alourdir fortement l'impôt sur le revenu de certaines catégories supérieures. Ce n'est pas le cas de celui-ci : s'il propose de surindexer les premières tranches de l'impôt sur le revenu, le montant d'impôt retranché bénéficiera davantage, en volume, aux plus aisés. En effet, les premières tranches ne concernent pas uniquement les plus modestes, mais aussi les plus aisés : une partie de leur revenu étant imposée sur ces tranches, ils bénéficieront de la revalorisation plus élevée de celles-ci. En volume, le déficit supplémentaire de 1,5 milliard créé par le présent amendement bénéficierait donc davantage à des contribuables plus aisés qu'aux classes moyennes, contrairement à ce que j'ai entendu. C'est statistique. Pour des raisons de justice et d'équilibre de nos comptes publics, je vous appelle à vous en tenir à la mesure proposée à l'article 2, qui nous permet à la fois d'atteindre nos objectifs en termes de déficit et de protéger les Français qui travaillent de toute augmentation d'impôt. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le groupe Les Républicains ne votera pas l'amendement. Vous parlez, monsieur de Courson, de justice fiscale. Or, comme cela vient d'être démontré à plusieurs reprises, votre proposition ne va pas dans ce sens. En effet, la fiscalité repose en France sur le principe des tranches. Logiquement, les contribuables imposés sur les tranches les plus élevées bénéficieraient de l'augmentation indiciaire de toutes les tranches. En outre, comme vous l'avez dit vous-même, 48 % à 50 % des Français ne payent pas d'impôt sur le revenu. Ils ne seraient donc pas concernés par votre proposition. Le groupe Les Républicains préférera des mesures plus favorables aux familles, notamment modestes, passant par exemple par une revalorisation du quotient familial : pour nous, la notion de famille a du sens. En tout état de cause, nous ne voterons pas l'amendement.
Mme Véronique Louwagie applaudit.
Avant de donner l'avis du groupe LFI – NUPES sur cet amendement, je rappelle qu'à ce stade, nous n'avons malheureusement pas eu de réponse à toutes les questions qui vous ont été posées, monsieur le ministre délégué. Le camarade Jumel a commencé par vous demander si la nuit vous avait porté conseil. Sans doute est-ce la seule question à laquelle vous ayez répondu : manifestement, non, la nuit ne vous a pas porté conseil ! Vous continuez l'examen budgétaire en mode bulldozer, sans écouter personne et en vous apprêtant à tout décider tout seul. Mais, monsieur le ministre délégué, même quand on est un bulldozer, on n'a pas intérêt à foncer dans le mur. Or c'est ce que vous faites.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Vous venez de dire quelque chose de totalement inexact en prétendant que les oppositions avaient rejeté ensemble l'article liminaire du projet de loi alors qu'elles ne sont d'accord sur rien. Précisément, si tous ensemble nous avons rejeté cet article, c'est parce que nous nous rejoignons sur un point : les hypothèses économiques sur lesquelles vous vous fondez sont fantaisistes, et nous les contestons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.
La question que nous avons envie de vous poser, et à laquelle nous aimerions avoir une réponse, est la suivante : le débat qui a lieu actuellement sert-il à quelque chose ? Si l'amendement dont nous discutons était adopté et que vous recourriez à l'article 49.3, serait-il conservé dans le texte sur lequel vous engageriez la responsabilité du Gouvernement ? Si tel n'est pas le cas, cela signifie que notre travail d'aujourd'hui et des prochains jours ne sert à rien ! Or je pense que l'ensemble des collègues de cette assemblée, et pas uniquement ceux de nos bancs, aimeraient savoir si nos débats, nos amendements et nos votes auront un impact sur la version finale du projet de loi de finances. Pouvons-nous, oui ou non, obtenir une réponse à cette question ?
Enfin, monsieur le ministre délégué, si vous voulez soutenir un amendement tendant à augmenter la fiscalité qui pèse sur les plus riches, nous en avons déposé un en ce sens, qui sera appelé ultérieurement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Puisque, s'il était voté, l'amendement ferait tomber tous les amendements déposés l'article 2, je vais donner la parole à un orateur par groupe, mais je n'irai pas au-delà. J'en avertis dès à présent ceux d'entre vous à qui je devrais refuser une prise de parole.
Le ministre délégué a indiqué tout à l'heure que l'indexation des tranches de l'impôt sur le revenu a un coût de 6,2 milliards d'euros pour les finances publiques. Or je trouve cette présentation trompeuse, car l'État ne va pas dépenser 6,2 milliards d'euros, ni même redistribuer cette somme aux ménages : il va simplement revaloriser les tranches de l'impôt sur le revenu comme le veut l'usage. L'inflation étant forte, la revalorisation prévue a été fixée au même niveau. Notre collègue Lefèvre a dit tout à l'heure qu'en 2012 et 2013, les tranches n'avaient pas été revalorisées, mais l'inflation n'atteignait pas le niveau que nous connaissons aujourd'hui et surtout – cela n'a pas été dit –, nous avions alors utilisé un autre mécanisme pour protéger les plus faibles : nous avions revalorisé la décote de 9 %, ce qui avait bénéficié à 8 millions de contribuables. Mieux vaut dire les choses dans leur intégralité.
J'ai entendu le message du ministre délégué et du rapporteur général sur le coût, pour les finances publiques, de la mesure proposée par M. de Courson. Le problème, c'est que je n'arrive pas à évaluer le montant qui profitera aux premières tranches et celui qui profitera aux dernières. Le groupe Socialistes et apparentés ne se prononcera donc pas sur cet amendement. Nous en avons en revanche déposé un autre qui, comme vous l'avez souhaité tout à l'heure monsieur le ministre délégué, ne renchérit pas la dépense publique – il fait même économiser une centaine de millions d'euros. Il tend simplement à ne pas revaloriser la dernière tranche du niveau de l'inflation mais plutôt à hauteur de la moitié de celle-ci. Cela représenterait pour les contribuables concernés une augmentation d'impôt d'un peu plus de 100 euros par an, qui me semble acceptable.
J'ajoute que les amendements de nos collègues visant à augmenter le nombre de tranches vont évidemment dans le bon sens et que notre groupe les votera.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
L'indexation des tranches de l'impôt sur le revenu a toujours suscité le débat. J'ai connu une époque où l'indexation n'était pas linéaire, comme celle que propose notre collègue Charles de Courson. Puis c'est plutôt la gauche, paradoxalement, qui a proposé une indexation linéaire ; je l'avais constaté avec un peu d'étonnement.
À la réflexion, et après analyse de l'amendement, reconnaissons qu'il relève plutôt du symbole : il ne touche que la dernière tranche, celle qui est imposée à 45 %, et pas les autres. Or le ministre délégué a parfaitement raison : cette mesure aurait un impact sur le taux moyen d'imposition, ce qui favoriserait les hauts revenus. Il me semble donc que l'indexation linéaire prévue à l'article 2 va dans le bon sens.
Je pense en outre qu'il est vertueux de conserver le barème d'impôt sur le revenu, y compris pour les hauts revenus, car ces contribuables s'acquittent de charges et de cotisations sociales. Même sur les tranches hautes, l'impôt sur le revenu tel qu'il existe est préférable pour les comptes sociaux de la nation. Une taxation trop importante aurait un effet désastreux, comme nous avions pu le constater lorsque M. Hollande avait évoqué une contribution à 75 % pour les très hauts revenus. Nous ne devons pas aller dans cette direction. L'article 2 fixe une bonne orientation en prévoyant une indexation linéaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Notre groupe est plutôt enclin à soutenir l'amendement. Celui-ci ne correspond certes pas au système idéal d'impôt sur le revenu que nous appelons de nos vœux ; nous proposerons par la suite des mesures visant à augmenter le nombre de tranches dans une logique plus progressive, afin de taxer davantage ceux qui ont beaucoup et de taxer moins ceux qui ont peu.
Cependant, sa logique nous semble intéressante car, en réalité, le taux d'inflation n'affecte pas tout le monde de la même façon. L'inflation ne coûte pas autant selon qu'elle pèse sur les premiers euros, sur les premières centaines d'euros ou sur les premiers milliers d'euros, car ces sommes ne sont pas consacrées aux mêmes dépenses essentielles. C'est la raison pour laquelle l'amendement a retenu notre attention : la solution qu'il propose nous semble meilleure que celle du Gouvernement.
Nous entendons bien que les plus aisés, qui payent aussi le taux de la première tranche sur une partie de leurs revenus, en bénéficieront. Mais si on le déplore, c'est tout l'impôt sur le revenu qu'il faut remettre en cause en décidant qu'à partir d'un certain niveau, l'ensemble du revenu sera taxé au taux de la dernière tranche. Ce n'est pas notre philosophie : nous préférons le système des tranches qui s'ajoutent les unes aux autres au fur et à mesure que les revenus s'accroissent, avec des taux de plus en plus élevés.
Quoi qu'il en soit, pour les Français qui sont en bas de l'échelle, l'inflation n'a pas le même prix ni les mêmes conséquences sur les choix quotidiens que pour les autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le débat sur l'impôt sur le revenu est constitutif des choix de chacun. Il s'agit de savoir si l'on souhaite que l'impôt soit progressif ou proportionnel. Cette question nous taraude tous. Quel est le rôle de l'impôt ? Doit-il être redistributif ou antiredistributif ? Je rappelle qu'il existait quatorze tranches d'impôt sur le revenu en 1987, qu'elles ont ensuite été sept et qu'elles sont désormais cinq ; voilà la réalité. Il faut également conserver à l'esprit que l'impôt sur le revenu représente 3,4 points du produit intérieur brut…
…alors que la TVA en représente 8,7 points. Rendez-vous compte : cela signifie qu'en fait, tous les Français payent des impôts.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est une ineptie de prétendre que certains n'en payeraient pas ! Tous les Français payent des impôts, et d'abord les plus pauvres d'entre eux puisque la TVA pèse proportionnellement plus lourd sur leur revenu. Voilà la réalité.
C'est pourquoi nous proposons une nouvelle architecture fiscale réellement redistributive. L'enjeu aujourd'hui, c'est la redistribution, et si nous ne le comprenons pas, nous ne nous en sortirons pas. Vous dites, monsieur le ministre délégué, qu'en refusant l'article liminaire du projet de loi nous avons refusé de donner un cap à la France. Non, nous avons refusé le cap que vous visez depuis trente ans : celui des mesures libérales et des contre-réformes structurelles comme celles de l'assurance chômage ou des retraites. Cette politique ne marche plus, voilà la réalité ! Aujourd'hui, il faut un changement de cap. La refonte de l'impôt sur le revenu en est vraiment l'un des symboles.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cet amendement, mes chers collègues, répond à la volonté de faire davantage contribuer les tranches les plus élevées sans modifier les taux marginaux d'imposition – car nous avons, sur ce point, des problèmes avec le Conseil constitutionnel. Vous nous indiquez, monsieur le rapporteur général, que la mesure que je propose coûterait 1,5 milliard d'euros. Or ce n'était pas son objet : elle devait permettre d'agir à coût global inchangé. Pour que ce soit le cas, il vous aurait suffi, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué, de déposer un amendement pour maintenir l'indexation à 5,4 % sur la première tranche, voire la deuxième, et de prévoir une augmentation plus faible sur les troisième et quatrième. Cela aurait été simple.
Plutôt que de refuser tout en bloc, tâchez d'être ouverts ; nous sommes dans le cadre d'un débat démocratique. Mon but n'était pas de proposer une mesure qui coûterait 1,5 milliard d'euros à l'État – ce que le rapporteur général ne nous a jamais dit en commission, d'ailleurs. Les collègues qui étaient présents peuvent en témoigner. Le but était de proposer une mesure à coût constant. Vous pouvez sous-amender l'amendement, monsieur le ministre délégué. Vous montrerez ainsi que vous êtes un homme ouvert au dialogue et que vous entendez qu'une majorité des membres de cette assemblée est favorable à une plus forte contribution des plus hauts revenus, dans des proportions qui resteront modestes. En effet, une indexation de la dernière tranche, voire des deux dernières, à 4,4 % n'aurait pas un effet révolutionnaire !
Ce serait symbolique. Une telle mesure pourrait même rapporter quelques centaines de millions d'euros, même si ce n'était pas son but à l'origine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Là, je dois dire que je tombe de ma chaise. Avec Charles de Courson, nous avons 1 milliard de sujets de divergence mais il nous a proposé à tous, clefs en mains, un outil fiscal intelligent et bien pensé qui nous permet enfin de récompenser le travail des classes populaires et des classes moyennes alors que, depuis le début de la législature, nous cherchons le moyen d'y parvenir de manière consensuelle. Vous avez déjà refusé les propositions que nous vous avons faites en ce sens avec Marine Le Pen. Là, vous disposez d'une solution simple, efficace et juste.
Je ne comprends pas la position des Républicains qui va à rebours de leur philosophie. Vous qui défendez, chers collègues, la valeur travail, les classes populaires, les classes moyennes, ceux qui bossent, ceux qui font des efforts et les retraités modestes, pourquoi voter contre cet amendement qui, grâce à l'indexation, donne à l'État la possibilité de leur rendre du pouvoir d'achat ? Cela revient à leur dire « Circulez, y a rien à voir » ! Mais peut-être y a-t-il un accord qu'on ignore !
Mais qu'est-ce que c'est que ce raisonnement ! Le profil de Charles de Courson n'est tout de même pas celui d'un communiste avec un couteau entre les dents !
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Rires sur divers bancs.
Sourires.
Nous sommes au cœur du sujet : allons-nous oui ou non adopter de manière consensuelle un mécanisme fiscal qui rend du pouvoir d'achat aux classes moyennes et populaires ? Ceux qui voteront contre cet amendement voteront contre ce pouvoir d'achat donné aux classes moyennes et populaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Au-delà des débats techniques et des batailles de chiffres, dans lesquels on se perd un peu, il faut rester simple dans son raisonnement. Disons que pour les revenus qui ont évolué à un rythme inférieur à l'inflation, il y a aura une baisse d'impôts ; pour les revenus ayant suivi la même évolution, l'imposition n'évoluera pas par rapport à l'année précédente ; pour ceux qui ont évolué à un rythme supérieur à l'inflation, il y a aura une légère augmentation de l'imposition. Les choses ne sont pas plus compliquées que ça.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Le groupe Renaissance s'opposera bien évidemment à ces amendements et ce pour une raison simple : nous voulons diminuer l'impôt sur le revenu de tous nos concitoyens et nous nous refusons à opposer les Français les uns aux autres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Il serait bon que M. de Courson, et je lui dis en toute amitié, se rende compte que le coût de son amendement s'élève à 1,5 milliard. C'est une mesure très sympathique mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale et il faut être responsable. On ne peut pas voter un amendement rédigé sur un coin de table qui conduira à augmenter les avantages des Français les plus aisés. Tout cela n'est pas raisonnable.
Madame Pires Beaune, certes, vous avez activé le mécanisme de la décote et je vous en sais gré, mais cela a contribué à ce que des millions de Français ne paient plus l'impôt sur le revenu, qui est désormais concentré sur seulement 50 % des contribuables. Aujourd'hui, 70 % du produit de l'impôt sur le revenu est acquitté par 10 % des Français. Si vous trouvez que c'est un système fiscal et social juste, tant mieux, mais ce n'est pas notre cas.
En matière de redistribution, j'entends le Rassemblement national nous demander ce que nous faisons pour le pouvoir d'achat des plus modestes mais c'est à pleurer ! Rappelons que Mme Le Pen a voté contre la suppression de la taxe d'habitation lors de la précédente législature. Dans quel monde vivez-vous, mes chers collègues ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Quand vous recevrez votre avis de taxe d'habitation en octobre, pensez donc à votre vote de 2017.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Pour ceux que cela intéresserait, les calculs sont disponibles. Je comprends l'intention qui sous-tend l'amendement de Charles de Courson mais il ne repose pas sur un jeu à sommes nulles. Son coût s'élève, rappelons-le, à 1,5 milliard, coût bien supérieur à celui d'autres amendements à l'article 2.
Surtout, il est antiredistributif puisque la moitié du gain – soit 700 millions – bénéficiera aux tranches supérieures. C'est aussi simple que cela.
Monsieur Tanguy, la mesure qui permet de protéger le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent et d'éviter que leur impôt sur le revenu augmente, c'est celle proposée par le Gouvernement à l'article 2, d'un coût de 6,2 milliards.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Elle a précisément pour objet de neutraliser les effets de l'inflation sur l'impôt sur le revenu. Charles de Courson propose d'aller plus loin et de surindexer une partie des tranches.
J'ai regardé comment nous pourrions sous-amender pour parvenir à un jeu à sommes nulles. Vous savez que les premières tranches comptent le plus grand nombre de contribuables. La première tranche, par définition, regroupe tous les contribuables qui s'acquittent de l'impôt sur le revenu, soit 18 millions de personnes. À l'inverse, plus on va vers les tranches supérieures, moins il y a de contribuables. Pour compenser l'indexation d'un point supplémentaire à l'inflation pour la première tranche, il faudrait sous-indexer dès la deuxième tranche, celle qui concerne les foyers gagnant au moins 2 000 euros par mois, ce qui coûterait très cher. Voilà pourquoi l'amendement de M. de Courson ne nous paraît pas satisfaisant : il coûte 1,5 milliard d'euros, somme qui statistiquement bénéficiera aux contribuables les plus aisés.
J'entends les arguments développés par les membres de la NUPES quand ils évoquent leurs propositions de révolution fiscale et leur volonté d'augmenter les impôts des plus aisés. Par définition, si vous votez l'amendement de M. de Courson, vous accepterez que la baisse d'impôt de 1,5 milliard bénéficie aux plus aisés et vous ne pourrez pas défendre vos amendements, car ils seront tombés. Il me semble important que vous en soyez informés.
Il se fonde sur l'article 70 du règlement, madame la présidente. M. Jean-Philippe Tanguy a évoqué un accord caché qui aurait été conclu par mon groupe. Je tiens à lui dire qu'il n'a pas besoin de s'en prendre toujours à nous. Vous essayez de nous copier parce que nous avons des bonnes idées
Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN
et vous êtes capables de dire tout et son contraire, voire de voter dans des sens opposés en l'espace de quelques minutes.
Mme Émilie Bonnivard applaudit.
Nous voulons soutenir le travail et encourager les diminutions d'impôt. Or l'amendement de M. de Courson ne va pas du tout dans cette direction, comme M. le ministre délégué vient de le rappeler. Monsieur Tanguy, nous, nous n'avons pas besoin de vous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance afin de permettre au Gouvernement de trouver une solution consensuelle en sous-amendant l'amendement de M. de Courson.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Vous n'êtes pas habilité à demander une suspension de séance, monsieur Sansu. La parole est à M. Jean-Marc Tellier.
Pour les mêmes raisons, je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 350
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue 153
Pour l'adoption 100
Contre 205
M. le ministre délégué a émis le souhait d'examiner les propositions de la NUPES pour renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu ; je me félicite donc que la discussion se poursuive et j'attends avec impatience son avis favorable sur nos amendements !
L'amendement d'appel n° 1703 vise précisément à renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu, faute, pour la France insoumise, de pouvoir proposer la réforme fiscale d'ampleur qu'elle a défendue dans son programme – un impôt sur le revenu basé sur quatorze tranches et la suppression de l'impôt pour les contribuables gagnant moins de 4 000 euros par mois.
Le système fiscal français est régressif, donc antiredistributif – plusieurs d'entre nous l'ont souligné. Les riches consacrent proportionnellement une part moins importante de leurs revenus aux impôts et aux cotisations que les classes moyennes et les Français plus pauvres. Les réformes du Gouvernement n'ont fait qu'accentuer ce phénomène. Les prélèvements proportionnels tels que les cotisations sociales ou la CSG pèsent très peu sur les revenus du capital et les hauts salaires alors qu'ils pèsent bien plus sur les moyens et bas salaires. Il en va de même des impôts sur la consommation tels la TVA et les impôts sur les produits. Selon l'Insee, lorsque les 1 % les plus riches cumulent revenus du travail, revenus du capital et revenus exceptionnels, seuls 51 % de ces revenus sont soumis à l'impôt sur le revenu, le reste étant soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU). Pour les 0,1 % les plus riches, cette part descend à 43 %.
Depuis le début du précédent quinquennat, le Gouvernement n'a fait qu'accentuer le caractère régressif du système fiscal français, y compris en réduisant l'impôt sur le revenu, mesure présentée comme le pendant, pour les classes moyennes, des cadeaux faits aux plus riches en début de mandat. Je le répète, nous n'avons pas la possibilité de proposer l'augmentation du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu. Nous nous contentons donc, avec cet amendement, de défendre une modification des taux actuels et une plus grande progressivité. Je rappelle que sept Français sur dix sont favorables à ce que l'on taxe davantage les plus riches.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous proposons nous aussi d'augmenter le nombre de tranches du barème de l'impôt sur le revenu, pour rendre l'impôt plus progressif et plus juste. Un tel barème a déjà été utilisé au cours de notre histoire, et pas seulement en France. Lors du New Deal, le président Roosevelt avait décidé de taxer les hauts revenus à 90 % !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Il est regrettable que l'on ne puisse plus débattre de ce sujet de manière sereine. On nous explique même que l'impôt est sale ! Un impôt sur le revenu plus progressif favoriserait le consentement à l'impôt, conformément à notre Constitution qui fait obligation à chacun de contribuer aux charges publiques selon ses possibilités. Tel est le sens de l'amendement n° 812 : il ne crée pas beaucoup de recettes supplémentaires, mais il est plus juste. C'est pourquoi j'appelle l'Assemblée à l'adopter.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Madame Leduc, je vous conseille de retirer votre amendement : il souffre manifestement d'un problème rédactionnel puisqu'il supprime toute imposition au-dessus de 100 000 euros de revenu. S'il était adopté, vous feriez cependant quelques heureux !
Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Sansu, je comprends votre raisonnement, mais le système français est déjà très redistributif sur le plan fiscal et social puisqu'il permet de réduire de 25 % les inégalités, soit dix points de plus que la moyenne européenne. Vous ciblez les revenus les plus hauts, ce que je peux concevoir. Rappelons toutefois qu'ils sont soumis à un taux d'imposition de 45 %, auquel s'ajoute le taux marginal de 4 % de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – laquelle n'est plus exceptionnelle puisqu'elle a été maintenue. Au total, les hauts revenus sont donc taxés à 49 %, soit la fourchette haute des taux appliqués au sein de l'Union européenne. Avis défavorable.
Vous avez raison, madame Leduc, cette discussion m'intéresse. La question de l'impôt est centrale dans notre pays et il est bon que nous puissions examiner dans cette assemblée différentes propositions concernant notre système fiscal.
J'ai fait examiner la mesure que vous proposez dans l'amendement n° 1703 par les services de Bercy – vous savez comme ils sont compétents en matière d'impôt ! :
Sourires
d'après eux, avec cette mesure, l'impôt sur le revenu rapporterait 93 milliards supplémentaires, qui ne concerneraient évidemment pas les plus riches. Les simulations que nous avons réalisées à partir du barème que vous proposez indiquent qu'une personne qui gagne 25 000 euros par an, soit quelque 2 000 euros par mois, paierait 3 000 euros d'impôt sur le revenu par an avec votre système, contre 1 440 euros actuellement – soit plus qu'un doublement de l'impôt !
« Bravo ! » et sourires sur les bancs du groupe Dem.
Le Gouvernement agit pour soutenir les Français qui travaillent dur et qui ont souvent le sentiment d'être mis à contribution pour les autres. Avec votre amendement, au contraire, vous ponctionneriez plus lourdement la classe moyenne, qui fait déjà de gros efforts.
Nous avons effectué le même travail pour la mesure proposée par l'amendement n° 812 présenté par M. Sansu. Elle rapporterait 17 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu – c'est moins que la mesure proposée par Mme Leduc –, mais elle ne toucherait pas non plus les catégories de Français les plus aisés : la personne dont j'ai déjà parlé, qui gagne 2 000 euros par mois, paierait 1 840 euros d'impôt sur le revenu par an avec cette disposition, contre 1 440 euros actuellement – soit une augmentation de 400 euros.
La question posée à cette assemblée par les deux amendements est la suivante : mesdames et messieurs les députés, souhaitez-vous augmenter l'impôt sur le revenu des personnes qui gagnent 2 000 euros par mois ? Pour sa part, le Gouvernement n'y est pas favorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre délégué, il n'est ni élégant ni juste de faire comme si l'impôt sur le revenu était déconnecté des autres recettes fiscales et sans lien avec les dépenses, les salaires et tous les autres paramètres qui concourent à faire vivre nos services publics. Si nous proposons un impôt sur le revenu plus progressif, c'est pour que la TVA – l'impôt le plus injuste, qui touche d'abord les classes moyennes et populaires – diminue.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Nous ne disposons pas des services de Bercy, comme vous, pour faire nos petits calculs. Si c'était le cas, nous aurions peut-être mieux calibré notre amendement. Je vous remercie donc, monsieur le ministre délégué : grâce à vous, nous pourrons vous formuler une meilleure proposition lors du prochain projet de loi de finances pour rendre l'impôt sur le revenu encore plus progressif, et vous ne pourrez plus nous opposer le même argument !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Il nous entraîne dans un débat sur les tranches du barème de l'impôt sur le revenu alors que le véritable problème est l'indexation prévue par le Gouvernement à l'article 2.
Monsieur le ministre délégué, vous nous dites que cet article vise à indexer les tranches de revenus du barème de l'impôt sur le revenu, ainsi que les seuils et les limites qui lui sont associés, sur la principale mesure de l'inflation : la prévision, par l'Insee, de l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac de 2022 par rapport à 2021, soit 5,4 %. Or le poids des loyers est faible dans l'indice des prix à la consommation. En effet, l'indice n'intègre le coût du logement qu'à travers les dépenses de loyers, soit 6,1 %, d'après l'indice de référence des loyers (IRL).
Prenons un jeune ménage qui vient d'accéder à la propriété. Le logement représente bien davantage pour lui que 6,1 % de son budget : son coût peut atteindre 20 %, voire 25 % et même 30 %. Les taux d'intérêt augmentent, tout comme l'impôt sur la propriété, la taxe foncière, que vous voulez encore relever. En vérité, le problème, que vous cherchez à dissimuler, est l'insuffisance de l'indexation de 5,4 % prévue par l'article 2. Cette indexation ne prend en compte qu'une partie des dépenses des ménages :…
…celles liées à leur consommation quotidienne et non celles liées au logement. L'évolution des prix est donc minorée et, de fait, les familles sont pénalisées.
Monsieur Attal, je suis ravie d'apprendre que vous avez fait travailler vos équipes sur la progressivité de l'impôt sur le revenu et je suis toute disposée à travailler avec vous sur ce sujet s'il vous intéresse et si vous partagez notre objectif de rendre l'impôt progressif.
Pendant la campagne présidentielle, notre groupe a beaucoup réfléchi à cette question. Le site internet de La France insoumise est toujours en fonctionnement et propose un simulateur d'impôt sur le revenu progressif, avec un barème de quatorze tranches.
Si le système que nous proposons était appliqué, 92 % des Françaises et des Français conserveraient le même taux d'impôt sur le revenu qu'aujourd'hui ou verraient leur taux baisser. Quant aux contribuables qui gagnent un salaire mensuel inférieur à 4 000 euros, je le répète, ils ne paieraient plus du tout d'impôt sur le revenu. Et pour ceux qui touchent un salaire supérieur à 4 000 euros, l'impôt serait plus progressif.
Monsieur le ministre délégué, si vous êtes prêt à discuter avec nous de la progressivité de l'impôt sur le revenu et à travailler sur un chiffrage, nous répondrons avec plaisir à votre invitation !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous sommes un certain nombre ici, depuis des années, à déposer des amendements visant à augmenter le nombre de tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Les mêmes arguments nous sont opposés à chaque fois par le Gouvernement, mais au fond la question est simple : voulons-nous davantage de progressivité pour l'impôt sur le revenu ? Si nous sommes d'accord sur cet objectif, et parce que nous ne disposons pas des mêmes moyens que le Gouvernement, il serait bon qu'un groupe de travail parlementaire soit constitué rapidement dans la perspective d'avancer d'ici à l'année prochaine. Un tel objectif serait, je crois, de nature à nous rassembler.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'aurais apprécié de bénéficier de l'expertise de Bercy, mais figurez-vous que l'amendement déposé par les Écologistes, qui proposait douze tranches pour l'impôt sur le revenu, a été jugé irrecevable par la séance alors qu'il a été examiné en commission. L'interprétation de la Constitution est apparemment à géométrie variable !
Alors, chiche ! Nous participerons bien volontiers au groupe de travail que M. le ministre délégué ne manquera évidemment pas de mettre sur pied pour traiter de cette question. Puisqu'il est si intéressé par la progressivité de l'impôt et si désireux d'éviter que les plus hauts revenus paient moins d'impôts, il va évidemment rétablir l'impôt sur la fortune et évidemment former ce groupe de travail qui nous permettra d'expertiser ensemble avec précision chacune de nos propositions, et ainsi de trouver les recettes supplémentaires susceptibles de lutter contre le déficit, de résorber la dette et de financer les services publics. Nous sommes partants !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Ce débat est à mon sens essentiel, parce qu'il témoigne d'une vraie différence philosophique entre nous. Nous, nous voulons baisser l'impôt des Français…
…et nous voulons protéger leur pouvoir d'achat. Nous le faisons dans cet article 2, et nous l'avons fait sous la législature précédente en baissant l'impôt sur le revenu des classes moyennes de 5 milliards d'euros.
Derrière vos grands discours, la réalité – le ministre délégué l'a dit –, c'est que vous voulez étriller d'impôts les classes moyennes.
C'est très clair ! Monsieur Sansu, je veux simplement apporter une précision au débat. La comparaison historique que vous faites est intéressante : vous dites que le New Deal a été financé par un impôt très progressif comprenant une tranche à 90 %. Mais aux États-Unis, un seul contribuable a été taxé à 90 % : Rockefeller. C'est le seul !
La réalité de la fiscalité, quand la mesure dont vous parlez a été instaurée en 1935 aux États-Unis, c'est que les recettes provenant d'impôts proportionnels, à savoir les droits d'accise et les impôts sur la consommation – la TVA –, étaient deux fois et demi supérieures à celles issues de l'impôt sur le revenu.
La fiscalité y était donc beaucoup plus régressive qu'aujourd'hui ! Votre comparaison, entendue à de maintes reprises, ne tient pas debout.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je vous remercie pour votre proposition, car elle est constructive ; pour ma part, je préfère les propositions de ce type, susceptibles d'alimenter le débat. Cela dit, il faut faire très attention aux excès de la progressivité : au concept de consentement, je préfère celui d'acceptabilité. François Hollande a essayé d'augmenter sensiblement les impôts des tranches supérieures, en introduisant une imposition à 75 % pour les tranches les plus élevées ; résultat, rien qu'en 2015 et en 2016, 12 000 Français sont partis en emportant en moyenne la moitié de leurs actifs avec eux, soit 30 milliards d'euros qui ont été investis dans des pays étrangers.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce sont 30 milliards d'euros de capital, d'investissements dans les entreprises et de dépenses quotidiennes soumises à la TVA qui se sont envolés ! Une telle mesure s'accompagne donc d'effets induits : on se fait plaisir en augmentant les impôts des tranches les plus élevées, mais on appauvrit en réalité l'ensemble du pays. Attention, donc, en ce qui concerne la progressivité de l'impôt : elle doit exister, certes, mais de manière mesurée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
Monsieur Jumel, j'ai permis cinq prises de parole pour les amendements et deux contre ; je pense que l'Assemblée est suffisamment éclairée sur le sujet, et vous en conviendrez.
C'est un débat important ! Le ministre délégué a dit qu'il fallait du débat !
Je voudrais commencer par défendre le Gouvernement, le remercier pour cet article 2…
…et pour les 6 milliards d'euros d'économies qui vont être proposés aux Français ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
afin que tous ceux qui travaillent ne subissent pas une hausse de leur impôt si leur salaire augmente, et que ceux qui ne seront pas augmentés à hauteur de l'inflation bénéficient même d'une baisse d'impôt.
L'amendement n° 1481 propose que pour les catégories sociales les plus aisées – les deux dernières tranches –, le barème de l'impôt sur le revenu ne soit pas revalorisé de 5,4 %, comme c'est le cas pour les autres tranches, mais qu'il le soit de 3 % pour la tranche soumise à un taux de 41 % et de 1 % pour la tranche à 45 %. Cela permettra de dégager des ressources pour l'État français, et celles-ci pourront sans aucun doute être réutilisées dans la deuxième partie du PLF.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je comprends l'esprit de votre amendement. Je signale à l'ensemble de nos collègues l'existence d'un outil qui s'appelle LexImpact, disponible sur le site de l'Assemblée nationale et qui permet de faire des simulations. Ce n'est pas la machine de Bercy, évidemment, mais cet outil permet de visualiser l'impact de réformes de l'impôt dans de nombreux cas.
Votre objectif est clair, mais l'article 2 est régi par une règle très simple, qui a été exposée tout à l'heure par notre collègue : l'ensemble du barème est revalorisé dans la même proportion, de telle manière que ceux dont le revenu augmentera plus que l'inflation paieront plus d'impôts, tandis que ceux dont l'évolution du revenu sera inférieure à l'inflation en paieront moins. Nous souhaitons en rester à ce dispositif logique, simple et compréhensible par les Français. Notre système est tout de même très redistributif ! Il pourrait probablement l'être davantage, mais sachez que 10 % des contribuables paient 70 % de l'impôt sur le revenu. En outre, pour les plus aisés, le taux marginal d'imposition est déjà de 45 %, auxquels s'ajoutent les 4 % de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) ; il est donc déjà très important. Je vous demande de retirer l'amendement.
Sur l'amendement n° 1481 , je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'entends vos intentions, mais je veux vraiment rappeler que l'article 2 ne sert pas à lancer une réforme du barème de l'impôt sur le revenu : il vise à neutraliser les effets de l'inflation pour l'ensemble des contribuables. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables aux amendements, dont le vôtre, qui visent à différencier les taux de revalorisation.
À ce stade de nos débats, je veux rappeler un chiffre que le rapporteur général a évoqué et que Bruno Le Maire et moi-même citons nous aussi beaucoup : on a entendu de nombreux appels à une plus grande progressivité et à une plus grande redistributivité, mais 10 % des contribuables paient 70 % de l'impôt sur le revenu !
Il faut donc en finir avec la fable selon laquelle les ménages les plus aisés, en tout cas ceux qui travaillent, ne participeraient pas à la solidarité nationale et à l'impôt sur le revenu : ce n'est pas vrai ! Et voilà que depuis certains bancs de l'hémicycle, on voudrait faire contribuer encore davantage ces Français qui travaillent et qui ont du mal à joindre les deux bouts.
Nous n'y sommes pas favorables, et je sais que telle n'est pas non plus votre intention, monsieur Adam ; aussi vous proposerai-je de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous avons eu un bon débat en votre absence, monsieur Le Maire, non parce que vous étiez absent mais parce que nos échanges étaient de qualité.
Sourires sur divers bancs.
Pour conclure cette séquence, je vais vous livrer une information : 62 % des Français sont favorables à une taxe immédiate, qu'ils considèrent comme urgente, sur les superprofits.
Mme Catherine Couturier et M. Benjamin Lucas applaudissent.
Et 62 % des Français considèrent que les salariés en grève, dans des groupes qui sont des profiteurs de crise, sont dans une situation « insatisfaisante ». Pourquoi vous dis-je cela ? Parce que je pense que les Français ne sont pas cons.
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Les Français ne sont pas cons, et vous auriez tort de les prendre pour des cons !
Ils ont compris que depuis 2017, vos amis sont de la finance ; que dès 2017, les premiers signes fiscaux que vous avez envoyés – l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la flat tax – visaient à épargner les plus riches, les plus fortunés. À chaque fois que nous revenons à la charge avec nos amendements en faveur de la progressivité de l'impôt ou de la diminution de la TVA – le plus injuste des impôts –, et à chaque fois que nous prenons la défense des collectivités locales pour nous opposer à des mesures dont la dernière en date, qui sera appliquée en 2023, est l'exonération de la taxe d'habitation (TH) pour les 20 % les plus riches, nous dénonçons un état de fait que les Français ont bien compris : vous êtes du côté de ceux qui ont le pognon ,
Protestations sur les bancs du groupe RE
et vous avez décidé de faire payer les pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux ! Voilà ce que nous dénonçons dans ce projet de loi de finances, et nous l'affirmons : la trajectoire que vous défendez n'est pas celle que nous appelons de nos vœux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le présent amendement vise à faire contribuer un peu plus – un tout petit peu plus, d'ailleurs – les classes les plus aisées, par un système un petit peu plus redistributif. Ce n'est pas le système le plus juste ni le système dont nous rêvons, mais nous estimons qu'une telle proposition va dans le bon sens. J'observe d'ailleurs que le principe selon lequel vous êtes « et de droite, et de gauche » a fait long feu : lorsqu'un amendement émanant de l'aile gauche – pour le dire ainsi – de vos rangs va dans le sens de la justice sociale, le Gouvernement ne le soutient pas. Quant à nous, nous ne sommes pas sectaires : contrairement à vous, quand un amendement va dans le bon sens, celui de la justice sociale, nous le votons !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Le ministre délégué l'a rappelé : l'impôt sur le revenu est déjà très concentré, du fait de nombreuses réformes qui l'ont concentré de plus en plus : ainsi, 10 % des ménages paient 70 % du produit de cet impôt !
Par ailleurs, 56 % des ménages ne paient aucun impôt sur le revenu.
Notre système fiscal et social est l'un des plus redistributifs au monde. On peut faire mieux et on peut faire plus juste, certes, mais je rappelle aussi que l'objectif du présent article est d'indexer le barème de l'impôt sur l'inflation, c'est-à-dire de faire en sorte que ceux dont le revenu progresse du fait de l'inflation ne paient pas tout à coup plus d'impôt. Il ne s'agit pas de bricoler je ne sais quelle réforme de l'impôt sur le revenu !
Il faut aussi mentionner les aides : de nombreuses aides sont versées aux Français qui en ont le plus besoin. Lorsqu'on décide d'appliquer un bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie, ou de verser des aides aux Français pendant la crise du covid, on fait le choix d'aider directement plutôt que de baisser la fiscalité. Et c'est un choix judicieux car baisser structurellement la fiscalité pour apporter une aide ponctuelle ne fonctionne pas : en effet, on ne revient ensuite jamais sur cette diminution alors que le financement de notre système social nécessite des recettes.
L'amendement va dans le sens de ce que proposait tout à l'heure notre collègue Charles de Courson. Il ne touche pas aux premières tranches : il ne crée aucune injustice fiscale et ne contribue pas à l'endettement de l'État. Il touche uniquement aux deux tranches supérieures, celles qui correspondent à un revenu supérieur à 74 500 euros environ. Une telle mesure ne contredit pas ce que disait M. le ministre délégué tout à l'heure : elle ne coûterait rien et devrait même rapporter entre 200 et 300 millions d'euros aux comptes de l'État, en plus d'accroître la justice sociale. Le groupe LIOT votera donc en faveur de l'amendement, qui va dans le bon sens en contribuant à davantage de justice sociale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 288
Nombre de suffrages exprimés 284
Majorité absolue 143
Pour l'adoption 138
Contre 146
L'amendement n° 1481 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 1810 .
Il va dans le même sens que l'amendement n° 475 , que j'ai défendu tout à l'heure. Il va même un peu plus loin : il propose de ne pas réévaluer le barème des deux dernières tranches,…
…celles correspondant à des revenus supérieurs à 74 500 euros, pour l'une, et à 160 000 euros, pour l'autre. En l'occurrence, monsieur le ministre délégué, vos arguments tombent : ça vous ferait quelques recettes supplémentaires,…
…et vous ne pourrez pas dire que les tranches inférieures sont concernées, puisque le taux qui leur est appliqué reste inchangé par rapport à ce que vous souhaitez. Telle est la proposition de notre collègue Castellani.
Je vous donnerai la même réponse que précédemment. Je crois que nous avons suffisamment parlé du système très redistributif qui est le nôtre, mais aussi de notre volonté de proposer, avec cet article 2, un dispositif très simple visant à neutraliser les effets de l'inflation pour les contribuables.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je voudrais simplement exprimer le soutien du groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) au présent amendement, ainsi qu'à celui de notre collègue Adam, dont nous regrettons le rejet. L'inflation n'est pas vécue de la même manière par l'ensemble des Français, et nous pensons qu'une contribution supplémentaire des plus aisés est nécessaire. Nous voterons donc cet amendement du groupe LIOT.
L'amendement n° 1810 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement n° 474 .
Tout d'abord, en réponse à notre collègue Holroyd et à sa volonté de baisser les impôts des Français, je dirais que vous les avez tellement baissés depuis cinq ans que vous avez affaibli les services publics comme jamais ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
au point que se pose la question non de baisser les impôts mais de muscler les recettes de l'État.
Tout en ayant la même vocation que ceux qui viennent d'être présentés, cet amendement est beaucoup plus modeste : la dernière tranche ne serait revalorisée que de la moitié de l'inflation et, si la simulation de LexImpact est juste, il devrait rapporter 120 millions d'euros à l'État.
Redisons-le, l'inflation ne pèse pas de la même façon, selon que vous êtes assujetti au premier ou au dernier taux d'imposition. Surtout, le bouclier tarifaire protège les Français non pas en fonction de leurs revenus mais du type de contrat qu'ils ont souscrit. Les plus aisés d'entre nous, qui ont souscrit un contrat au tarif réglementé, bénéficient donc de la solidarité nationale.
Dans un souci de justice, nous proposons de rééquilibrer la mesure en ne retenant que la moitié de l'inflation pour l'indexation de la tranche la plus haute de l'impôt sur le revenu.
Tout en comprenant votre intention, je rappellerais que la tranche marginale d'imposition, qui est de 47 % en Espagne, de 45 % en Allemagne et en Grande-Bretagne et de 43 % en Italie, s'élève à 45 % + 4 % en France, soit 49 % pour les célibataires aux revenus supérieurs à 500 000 euros. Je ne pense donc pas qu'il faille encore relever le taux de cette tranche. Avis défavorable.
Même avis pour la même raison. Le but de cet article est de neutraliser les effets de l'inflation sur l'impôt sur le revenu de l'ensemble des contribuables et non de procéder à une réforme fiscale. Répétons-le : 10 % des contribuables paient 70 % de l'impôt sur le revenu.
Les comparaisons internationales ne sont pas forcément adéquates. En Europe, il est arrivé que la France ait raison contre les autres pays, notamment quand elle a fait sa révolution. À mon avis, c'est elle qui avait raison.
Le taux supérieur de l'impôt sur le revenu a été considérablement réduit depuis une trentaine d'années. Que je sache, lorsque ce taux était plus élevé, la répartition des richesses était moins inégalitaire. Au fur et à mesure que ce taux a baissé, les inégalités se sont mises à exploser. Le rapport est donc évident entre les deux.
En l'occurrence, cet amendement ne propose pas une réforme profonde de l'impôt sur le revenu, contrairement à d'autres que nous avons soutenus. Il s'agit d'un amendement de repli, comme l'a indiqué Mme Pires Beaune. La mesure conjoncturelle proposée ne règle pas tout, mais elle n'est pas seulement symbolique puisque les plus hauts revenus ne bénéficieraient pas d'une indexation totale. Il me paraîtrait raisonnable que le Gouvernement y soit favorable.
Madame Pires Beaune, il n'y a pas de corrélation absolue entre prélèvements obligatoires et qualité des services publics. En tant qu'élu des Français de l'étranger, je peux vous assurer que de nombreux pays de ma circonscription – qui couvre le nord de l'Europe – ont des taux de prélèvements obligatoires plus bas que les nôtres et un taux de satisfaction des usagers des services publics plus élevé.
Vous en êtes même le meilleur exemple : vous avez participé à une majorité qui a réussi à augmenter les prélèvements obligatoires tout en dégradant les services publics, les finances publiques et la situation des collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous avez fait du « en même temps » en moins bien ; nous faisons du « en même temps » en mieux !
Cela étant, je suis d'accord avec M. Philippe Brun lorsqu'il dit que l'inflation ne touche pas tous les contribuables de façon équivalente : c'est parfaitement exact. Mais cet outil, l'impôt sur le revenu, touche de façon équivalente tous les gens imposés à la même tranche, indépendamment de l'effet de l'inflation sur leurs revenus. Contrairement à d'autres outils comme les aides sectorielles et le bouclier tarifaire, cités par Éric Woerth, l'impôt sur le revenu n'est pas le bon instrument pour protéger les Français de l'inflation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je tiens à soutenir cet amendement de bon sens présenté par notre collègue Christine Pires Beaune : il témoigne du courage et de la sagesse qu'il peut y avoir à sacrifier l'égalité à l'équité en matière fiscale.
Il est à la fois juste, cohérent et efficace.
Il est juste car, en cette période d'inflation et de crise économique, il n'est un secret pour personne que les familles les plus fragilisées, qui subissent de plein fouet l'augmentation du coût de la vie et des produits de consommation courante, sont celles qui disposent de revenus modestes ou intermédiaires, pas celles qui jouissent de hauts revenus.
Il est cohérent par rapport à l'ambition affichée par le Gouvernement : tenir compte de l'inflation dans le calcul de l'impôt sur le revenu, afin de redonner du pouvoir d'achat aux Françaises et aux Français.
Il est efficace dans la mesure où il cible davantage les familles à revenus modestes et intermédiaires. Nous voulons redonner du pouvoir l'achat à celles et ceux qui en ont réellement besoin, qui n'arrivent plus à vivre, pour lesquels l'accès aux produits de première nécessité n'est plus une commodité mais plutôt un combat de tous les jours.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Cet amendement présenté par notre collègue Pires Beaune est à la fois juste et modéré. Dans ses comparaisons internationales, M. le rapporteur général citait des taux alors qu'il est ici question de tranches. Pour les quatre premières tranches, l'inflation resterait compensée à hauteur de 5,4 % ; seule la dernière tranche, qui concerne des ménages gagnant plus de 160 000 euros, ne serait compensée qu'à 2,7 %.
Cette mesure ferait entrer environ 120 millions d'euros dans les caisses de l'État, tout en envoyant un signal très positif à nos concitoyens : on aide tout le monde, mais on demande à ceux qui sont imposés à la tranche supérieure de faire un effort supplémentaire.
M. Hervé Saulignac applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 294
Majorité absolue 148
Pour l'adoption 129
Contre 165
L'amendement n° 474 n'est pas adopté.
Je suis saisie de neuf amendements, n° 39 , 539 , 674 , 665 , 1089 , 1811 , 3 , 1048 et 1399 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 539 et 674 , de même que les n° 665, 1089 et 1811, ainsi que les n° 3, 1048 et 1399 sont identiques.
La parole est à M. Pierre Cordier, pour soutenir l'amendement n° 39 .
Je vais vous parler de politique familiale et plus précisément du quotient familial. Une fois n'est pas coutume, je vais vous citer, monsieur le ministre délégué : « C'est l'ADN de cette majorité de protéger le pouvoir d'achat des classes moyennes. »
Cet amendement va vous permettre de mettre vos actes en accord avec vos paroles. Il vise à revenir sur un dispositif injuste, instauré sous la présidence de François Hollande par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et dont vous devez vous souvenir, monsieur le ministre délégué. L'abaissement du plafond de l'avantage fiscal résultant de l'application du quotient familial avait touché 800 000 familles. Pour encourager la natalité de notre pays et soutenir les classes moyennes, nous proposons de relever ce plafond.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Comme l'a indiqué mon collègue Cordier, quelque 800 000 familles ont été fortement affectées par l'abaissement du plafond de l'avantage en impôt résultant de l'application du quotient familial, opéré par la loi de finances pour 2013.
Le quotient familial est avant tout un dispositif de soutien aux familles et aux enfants. En cette période de baisse de pouvoir d'achat, nous devons accompagner au mieux les classes moyennes, qui sont touchées par toutes les augmentations du coût de la vie mais qui passent à côté de toutes les aides car elles n'entrent dans aucune case.
Cet amendement vise à remonter le plafond du quotient familial, afin de soutenir les familles des classes moyennes, qui ont subi toutes les crises récentes.
Pour compléter les interventions de mes collègues, je rappelle que nous avions jusqu'à présent deux dispositifs très directement liés à la démographie de notre pays : les allocations familiales – qui ont un caractère universel et dont nous reparlerons dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – et le quotient familial dont il est ici question.
Le nombre de naissances annuel a baissé de plus de 100 000 depuis dix ans, pour tomber à 742 000 en 2021. Nous touchons ici à l'essentiel, et non pas à une mesure circonstancielle ou une affaire de détail : voulons-nous une natalité digne de la France ?
Notre politique familiale a été abîmée avec constance depuis 2013, ce qui a conduit à la baisse de la natalité rappelée par Marc Le Fur. Or la natalité, qui fait la démographie, c'est l'avenir du pays. Nous vous invitons donc à adopter ces amendements, afin de renouer avec une politique familiale concrète et ambitieuse.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 1811 .
À mon avis, ce ne sont pas les avantages fiscaux qui incitent les gens à avoir des enfants ; en revanche, ces avantages, notamment les allocations familiales, aident les familles à éduquer leurs enfants. Développer des conditions d'accueil favorables pour les enfants dépend d'un ensemble de mesures.
Le cas de la Suède est révélateur : il y a trente ans, les Suédoises avaient de moins en moins d'enfants ; ce pays a pris le taureau par les cornes, si je puis dire, et a déployé une politique ambitieuse, en créant notamment des crèches et des systèmes de garde d'enfant permettant de concilier vie professionnelle et familiale. Les Suédois ont ainsi réussi à redresser la natalité de leur pays, ce qui montre l'efficacité des politiques familiales. C'est pourquoi nous demandons le relèvement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial, car cette mesure peut contribuer à redresser la situation démographique de notre pays.
Les députés du groupe Les Républicains sont fondamentalement attachés au quotient familial, qui constitue à leurs yeux, par son effet redistributif en faveur des familles, le fondement de la politique familiale française, puisqu'il assure à un foyer avec enfants une juste compensation financière par rapport à un foyer qui n'en a pas. Il ne doit en aucun cas être considéré comme une aide sociale, mais comme un dispositif se trouvant véritablement au cœur de notre politique familiale, laquelle vise précisément à encourager la natalité.
Or qu'avons-nous constaté ? Le quotient familial a été plafonné dans le cadre de la loi de finances pour 2013, sous François Hollande. Rien n'a d'ailleurs changé sur ce point au cours des cinq dernières années : M. Macron s'est sans doute contenté d'appliquer les conseils qu'il avait donnés à son prédécesseur.
En tout cas, l'abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial a directement pénalisé plus de 800 000 foyers de la classe moyenne. Il constitue clairement un abandon de la politique familiale, alors que, comme plusieurs collègues viennent de le rappeler, la natalité continue de reculer dangereusement. Nous devons donc absolument agir. L'amendement vise à redresser la barre et à doter notre pays d'une véritable politique familiale.
Mme Véronique Louwagie et M. Nicolas Forissier applaudissent.
Sur les amendements identiques n° 539 et 674 , ainsi que sur les amendements identiques n° 3 , 1048 et 1399 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 1399 .
Le quotient familial fait partie des outils emblématiques de la solidarité sociale et de la politique familiale française. Pour rappel, il désigne le nombre de parts affecté à chaque foyer fiscal pour calculer l'impôt sur le revenu, l'objectif étant évidemment d'ajuster le montant de l'impôt aux capacités contributives de chaque foyer. Ce mécanisme, dont le caractère unique en Europe a déjà été souligné, a été créé après la seconde guerre mondiale pour stimuler la natalité : il limite le montant de l'impôt sur le revenu en fonction du nombre d'enfants. Malheureusement, il a été sérieusement écorné ces dernières années : en 2012, lors du quinquennat de François Hollande, le plafond a été abaissé de 2 334 euros à 2 000 euros, puis à 1 500 euros par demi-part. Résultat : plus de 1,3 million de familles ont été pénalisées, pour un montant total de 1,5 milliard d'euros par an.
Or il est difficile d'imaginer que les familles nombreuses, et même les familles avec deux enfants, soient les grandes profiteuses du système, encore moins qu'elles bénéficient de privilèges particuliers. L'objet de l'amendement est donc de revaloriser le quotient familial pour soutenir les familles.
Je partage la volonté de chacun de ceux qui ont défendu un amendement de soutenir notre politique de natalité et, plus généralement, notre politique familiale. Il me semble d'ailleurs, même si cela ne présente pas de rapport direct avec ce dont il est question ici, que, pour la première fois depuis plusieurs années, la natalité a légèrement augmenté en France l'an dernier.
Je salue les jeunes familles concernées.
Comme vous l'avez indiqué, le plafond du quotient familial a fortement baissé entre 2012 et 2017. Nous l'avons depuis stabilisé. Je rappelle d'ailleurs qu'il est indexé sur l'inflation. Toutefois, à l'instar de Charles de Courson, je ne crois pas qu'il existe un lien direct entre ce régime fiscal et le taux de natalité.
Les facteurs les plus importants sont les crédits d'impôt au titre des dépenses de garde d'enfant, la politique de soutien aux crèches ou encore les allocations familiales – autant de composantes d'un dispositif beaucoup plus global.
Le problème du relèvement du plafond du quotient familial, c'est qu'il profite essentiellement aux foyers les plus aisés.
Prenons un exemple – vous me direz ensuite si l'on parle de classes moyennes ou de classes aisées. L'adoption de l'amendement n° 39 de M. Cordier ne profiterait, pour une famille de trois enfants, qu'aux foyers percevant un revenu supérieur à 7 000 euros.
Disons qu'il concerne des personnes appartenant à la classe moyenne supérieure.
Les autres n'en bénéficieraient pas. La mesure que vous proposez est donc assez ciblée. En outre, en fonction des différents seuils définis dans vos amendements respectifs, le coût pour les finances publiques s'échelonnerait entre 600 millions et 2 milliards d'euros. Avis défavorable.
Même avis que celui exprimé par le rapporteur général. Je tiens simplement à préciser, comme l'a fait le ministre délégué Gabriel Attal, que nous menons de front deux discussions au fond assez différentes.
La première, parfaitement légitime, porte sur le fait de savoir si notre système d'imposition est suffisamment progressif et si notre politique familiale, à travers le quotient familial, est suffisamment incitative et efficace pour encourager la natalité française. Cette discussion est légitime et nécessaire, mais ne me semble pas pertinente dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, qui vise à protéger nos compatriotes.
Pour revenir sur la question de la progressivité de l'impôt sur le revenu, je rappelle que le taux marginal pour la tranche la plus haute est de 45 %, auxquels il faut ajouter les 3 % à 4 % de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, mais aussi la CSG, qui peut atteindre 9 %. Ainsi, pour les tranches les plus élevées, le taux d'imposition peut frôler les 60 % : sur 100 euros de revenu, l'État en prend 60. On peut débattre du caractère suffisamment redistributif ou non d'une telle politique, mais il me semble qu'à part le Danemark, aucun État d'Europe ne s'est doté d'un système aussi redistributif.
S'agissant du quotient familial, là encore, la discussion est tout à fait utile, mais ce n'est pas la question qui est posée : le débat qui s'impose dans le cadre de l'examen du présent PLF, c'est de savoir comment protéger tous nos compatriotes de manière égale face à l'augmentation des prix.
Nous avons décidé d'indexer le Smic sur l'inflation.
La France est le seul pays d'Europe à appliquer un tel mécanisme. C'est d'ailleurs bien normal : il est légitime et nécessaire que le salaire minimum soit indexé sur l'inflation.
Viennent ensuite les prestations sociales. Nous avons décidé de les indexer sur l'inflation pour protéger nos compatriotes les plus modestes contre l'augmentation des prix.
Nous avons également fait le choix d'indexer les pensions de retraite. Je confirme d'ailleurs qu'une nouvelle revalorisation, dont le niveau dépendra du taux d'inflation, interviendra bien en janvier 2023. Mais nous n'avons pas évoqué, au moment de revaloriser les retraites, la possibilité d'opérer une distinction entre les pensions les plus élevées et les pensions plus modestes : nous avons simplement considéré qu'il était équitable de protéger tous les retraités de la même manière contre l'augmentation des prix et avons donc indexé toutes les pensions sur le même niveau d'inflation.
C'est exactement ce que nous proposons de faire pour le barème de l'impôt sur le revenu : il s'agit de traiter nos compatriotes de manière égale et de protéger contre l'inflation tous ceux qui s'acquittent de cet impôt, dans des proportions égales. C'est le cœur de la politique que le Président de la République, la Première ministre et moi-même avons voulu déployer : protéger tous nos compatriotes, quelle que soit leur situation – qu'ils soient salariés ou pas, qu'ils soient retraités ou actifs, qu'ils bénéficient ou non de prestations sociales –, contre la hausse des prix.
Je suggère que nous appliquions à l'impôt sur le revenu cette même ligne politique, consistant à protéger de manière équitable, juste et égale tous nos compatriotes contre l'inflation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Les élus du Rassemblement national soutiendront ces amendements, parce que le quotient familial, contrairement à ce qu'on entend parfois dire, est très important et constitue même une des bases de l'économie. On oublie souvent que la natalité est d'une grande importance pour l'économie d'un pays. Par exemple, nous débattrons prochainement de la réforme des retraites. Rappelons à cette occasion que si la natalité était davantage soutenue et encouragée, nous aurions peut-être moins de difficultés dans ce domaine.
Le quotient familial, dans ce cadre, a plusieurs utilités. Comme Charles de Courson l'a rappelé, il permet de verser des aides et d'actionner divers mécanismes qui permettent aux personnes concernées d'avoir des enfants dans une situation financière convenable, mais aussi de continuer à travailler. Il est donc important de revaloriser le plafond du quotient familial. Il n'y a pas de raison que le fait d'avoir un enfant expose certains ménages à subir l'inflation, alors qu'on accorde des aides ou des revalorisations à des personnes sans enfant, ou qu'on rejette des amendements visant à mettre un tout petit peu plus à contribution ou à aider un tout petit peu moins des personnes riches, parfois sans enfant.
Nous appuierons donc la hausse du plafond du quotient familial, pour soutenir la politique de natalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Brun.
Ce débat sur le quotient familial est intéressant et important. L'adoption de ces amendements enverrait le message selon lequel les élus de l'Assemblée nationale estiment qu'un enfant de riches vaut plus qu'un enfant de pauvres.
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Permettez-moi de rappeler les effets profondément antiredistributifs du quotient familial :…
…avant la réforme de 2012, le bénéfice du quotient familial atteignait en moyenne 3 800 euros par enfant pour les 10 % des Français les plus riches, contre 490 euros pour les 10 % les plus pauvres. Ayons cette réalité en tête : déplafonner le quotient familial, comme vous proposez de le faire, c'est accentuer les inégalités de revenus et, finalement, considérer que sur le plan fiscal, un enfant de riches vaut plus qu'un enfant de pauvres.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous sommes favorables au déploiement d'une politique ambitieuse en faveur de la petite enfance. C'est précisément à cela que nous devons affecter l'impôt que nous collectons grâce au plafonnement du quotient familial : à accompagner les assistantes maternelles – qui sont nombreuses à partir en retraite ou à abandonner leur métier –, à encourager la montée en puissance des crèches ou encore à mener une politique ambitieuse pour l'école maternelle.
Toutes ces politiques seront bien plus efficaces qu'un nouveau déplafonnement du quotient familial.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je regrette que M. Le Maire ait quitté à l'instant l'hémicycle, mais M. Attal pourra sans doute répondre.
J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que M. Le Maire indiquait être ouvert à la discussion sur le plafond du quotient familial. J'ai bien compris que le Gouvernement ne souhaitait pas y revenir pour 2023. Serait-il prêt, alors, à le faire pour 2024 ? Si vous preniez un engagement au banc en ce sens, nous pourrions éventuellement retirer nos amendements. Envisagez-vous cette possibilité ? Pouvez-vous préciser votre pensée ? Le Gouvernement se contente-t-il de faire des déclarations de forme, ou compte-t-il véritablement avancer sur cette question ? On peut s'interroger.
En tout état de cause, la question de fond est la suivante : le Gouvernement souhaite-t-il prolonger ce qui a été fait par M. Hollande ou compte-t-il enfin rompre avec la Hollandie ? C'est la seule question politique qui vaille.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Philippe Tanguy applaudit également.
Je tiens à rappeler quelques éléments à M. Philippe Brun, qui est théoriquement l'héritier d'une tradition politique de gauche. D'abord, le quotient familial a été élaboré par le Conseil national de la Résistance
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR
– le vrai CNR, pas le CNR – Conseil national de la refondation – bidon nouvellement créé !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
C'est dans ce cadre qu'il est né.
Ensuite, le quotient familial a été conçu pour faire en sorte qu'à revenu égal, les personnes célibataires ou les familles sans enfant, ou avec un seul enfant, assurent une solidarité au bénéfice des familles ayant deux enfants, trois enfants ou plus. Voilà la logique :…
…il s'agit d'assurer une redistribution, à revenu égal, en faveur des familles avec enfants, qui assurent la pérennité du pays et de l'emploi, la viabilité de notre système de retraite, etc. Il est important de le rappeler.
Faites donc que François Hollande sorte de votre corps, monsieur Brun !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous voulons tous, je le crois, soutenir les familles et la politique familiale.
C'est la raison pour laquelle, comme Bruno Le Maire l'a souligné, nous avons décidé de revaloriser les allocations familiales à hauteur de l'inflation. C'est également pour cette raison que nous prévoyons d'importantes mesures à l'intention des familles dans le PLFSS et que nous continuerons d'agir pour elles, notamment à travers le service public de la petite enfance.
Des mesures ont en effet été prises sous le quinquennat de François Hollande. Étaient-elles bonnes ?
« Non ! » sur les bancs du groupe LR.
Chacun a son avis sur la question. Pour ma part, je ne suis pas favorable aux hausses d'impôts. Bien que j'aie été membre du Parti socialiste – cela a été suffisamment rappelé depuis le début de la discussion –, si c'était à refaire, je ne suis pas certain qu'il faudrait prendre la même option.
Cela étant, je souhaite que nous débattions des vrais enjeux.
En tout cas, nous devrions discuter des propositions qui sont réellement formulées.
Parmi les 18 millions de personnes soumises à l'impôt sur le revenu, 7 millions bénéficient du quotient familial. Les modifications de ce dispositif prévues par vos amendements ne profiteraient pas à ces contribuables mais seulement à 1,9 million d'entre eux, les plus aisés, lesquels perçoivent moins d'argent aujourd'hui qu'avant la baisse du plafond décidée sous la présidence de François Hollande.
Certains des intervenants précédents semblaient penser que les mesures qu'ils préconisent représenteraient un soutien pour toutes les familles bénéficiaires du quotient familial. Or ce n'est pas le cas. Seules les 10 % des familles les plus aisées bénéficieraient de ces mesures qui coûtent tout de même 2,6 milliards d'euros.
Je rappelle que nous sommes dans un cadre contraint.
Des dépenses importantes sont déjà engagées dans le cadre du bouclier tarifaire énergétique qui vise à soutenir tous les Français, toutes les familles. Lorsque de nouvelles mesures nous sont proposées, nous devons nous demander si nous disposons de marges de manœuvre et, si oui, comment nous les utilisons.
Nous devons faire un choix. Les amendements que vous avez déposés – et dont certains, je le rappelle, représentent un coût de 2,6 milliards d'euros – ne sont pas gagés. Vous ne dites pas comment vous les financez. Faut-il accepter un dérapage, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, au bénéfice des 10 % de familles les plus aisées ?
J'admets le débat, les propositions, les travaux et les réflexions en vue de futurs budgets qui nous réserveront peut-être davantage de marges de manœuvre pour soutenir ces familles. Mais à l'heure où je vous parle, alors que des dépenses sont prévues, dans le cadre du bouclier tarifaire, pour soutenir l'ensemble des familles – y compris évidemment les plus aisées –, pouvons-nous nous permettre d'adopter de telles mesures, non financées ? Nous considérons que nous ne le pouvons pas. C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 308
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue 153
Pour l'adoption 105
Contre 199
L'amendement n° 39 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 299
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue 148
Pour l'adoption 105
Contre 190
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 305
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue 151
Pour l'adoption 103
Contre 198
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 1221 .
Peut-être le savez-vous – même s'il s'agit d'une mesure bien spécifique –, un barème particulier s'applique au revenu de nos concitoyens ultramarins pour le calcul de leur impôt. Les contribuables de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion bénéficient d'un abattement de 30 % et ceux de Mayotte et de Guyane de 40 %.
L'inflation étant plus élevée dans ces territoires que dans l'Hexagone, nous proposons, par cet amendement très modeste, d'augmenter d'un point l'indexation prévue en métropole. La revalorisation passerait donc de 5,4 % à 6,4 %. Cette mesure respecterait le principe de territorialisation de l'impôt en vertu duquel, en juillet dernier, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022, nous avons fixé le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 % dans l'Hexagone mais à 2,5 % dans les outre-mer pour tenir compte de l'inflation qui est plus élevée dans ces territoires.
Sur la forme, cet amendement présente un petit défaut de rédaction car la hausse indiquée porte sur la base mensuelle du prélèvement à la source. Par conséquent, il ne produirait pas l'effet que vous espérez, il ne ferait que retarder le paiement.
D'autre part, comme vous l'avez dit très justement, les contribuables des outre-mer bénéficient déjà d'un avantage fiscal très important, avec un abattement de 30 % pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion et de 40 % pour Mayotte et la Guyane. Avis défavorable.
Nous avons bien sûr tous à cœur de soutenir et d'accompagner nos concitoyens d'outre-mer. Le budget du ministère des outre-mer augmente d'ailleurs très fortement, de plus de 300 millions d'euros. D'autre part, le rapporteur général a rappelé que ces contribuables bénéficiaient d'une décote de 30 à 40 % sur leur impôt sur le revenu. Pour ces raisons, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.
Par ailleurs, du fait de sa rédaction, cet amendement aurait un impact négatif sur le barème du taux par défaut du prélèvement à la source pour les contribuables de l'Hexagone.
Monsieur le ministre délégué, si cet amendement est mal rédigé, une nouvelle rédaction peut être proposée pour la deuxième lecture. Le problème n'est pas là. La question de fond est de savoir si vous seriez d'accord pour territorialiser la revalorisation, en accordant un point de plus aux contribuables des territoires d'outre-mer. Le rapporteur général pourra nous dire combien coûterait une telle mesure. On a déjà fait un effort de ce type, dans d'autres domaines, pour les territoires ultramarins.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 231
Majorité absolue 116
Pour l'adoption 56
Contre 175
L'amendement n° 1221 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 308
Nombre de suffrages exprimés 277
Majorité absolue 139
Pour l'adoption 275
Contre 2
L'article 2 est adopté.
Les effets de la crise sanitaire nous l'ont montré : le recours au télétravail dans les zones frontalières tendues réduit la circulation, donc les gaz à effet de serre, tout en adaptant des cadres de travail compatibles avec la productivité et les impératifs des entreprises.
Dans la zone frontalière avec le Luxembourg, dans laquelle je suis élue et qui compte 110 000 travailleurs frontaliers, cela correspond à une demande citoyenne forte. Ce système permet de remédier en partie aux difficultés d'adaptation d'entreprises confrontées à des prix élevés de l'immobilier professionnel chez notre voisin.
L'an dernier, j'avais plaidé, par voie d'amendement, en faveur d'un allègement des obligations de collecte de l'impôt français par les entreprises étrangères. Ce dispositif coûteux et juridiquement instable m'est apparu comme l'un des principaux freins au développement du télétravail au-delà du seuil de tolérance fiscal – fixé actuellement à vingt-neuf jours et prochainement porté à trente-quatre –, soit le nombre de jours télétravaillés autorisés lorsque le salarié est imposable chez notre voisin.
Je me réjouis que le Gouvernement ait approfondi cette piste et l'ait retenue dans ce projet de loi de finances. Contrairement aux idées reçues, en réduisant les obligations de collecte, on relève le seuil de tolérance fiscale et on fait donc entrer davantage d'impôts en France puisque c'est ici qu'est produite la valeur lorsque le télétravail s'opère sur notre sol.
En allégeant ce cadre, nous offrons une liberté de négociation plus grande, au sein des entreprises étrangères, entre salariés et résidents français d'un côté et employeurs de l'autre. Nous répondons ainsi à la demande citoyenne mais aussi au besoin de souplesse économique et de recettes nouvelles pour la France. J'y souscris avec enthousiasme et vous remercie, monsieur le ministre délégué, de m'avoir entendue.
L'article 3 est l'occasion pour la majorité de saluer le travail accompli par les ministres et par leurs prédécesseurs pour mettre en œuvre le prélèvement à la source, une réforme qui est aujourd'hui consensuelle alors que c'était loin d'être le cas au départ.
J'en profite également pour saluer la direction générale des finances publiques qui a fait un travail exceptionnel depuis plusieurs années. L'application de cette réforme n'a été entachée par aucun bug.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le succès est tel que cette réforme est entrée dans nos vies et que, désormais, nous n'imaginerions plus jamais revenir en arrière. En outre, les crédits d'impôt, notamment en faveur des services à la personne, sont désormais versés le 15 janvier, ce qui constitue un progrès pour tous les Français.
Cet article consacre d'autres progrès, notamment en matière de contemporanéisation pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Tels sont les chantiers que la majorité devra mener au cours des prochaines années.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous en venons aux amendements à l'article.
L'amendement n° 2665 de M. le rapporteur général est rédactionnel.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis favorable.
L'amendement n° 2665 est adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 317 .
Il porte sur une modalité d'adaptation du prélèvement à la source – ce n'est pas un amendement rédactionnel.
Par ailleurs, nous venons de parler d'une convention signée avec un pays limitrophe : j'aimerais savoir si celle-ci peut s'appliquer en Suisse car de nombreux travailleurs frontaliers s'y rendent. D'autre part, l'État français reviendra-t-il enfin sur la convention fiscale signée avec la Suisse en matière de succession ?
Je laisserai Mme la ministre déléguée répondre à votre question.
Je veux à mon tour saluer le travail formidable qui a été accompli pour déployer le prélèvement à la source. Voilà l'exemple concret d'une mesure pragmatique. En effet, s'agissant de la modulation à la baisse du prélèvement, l'écart entre le montant estimé et le montant supporté par défaut devait être au départ d'au moins 10 %, un taux qui nous semblait plutôt protecteur – à l'époque, nous ne savions pas trop où nous allions. Après quelques années, nous avons le recul nécessaire et sommes en mesure de baisser ce seuil à 5 %, ce qui permet aux Français qui le souhaitent d'adapter leur taux plus facilement. En revanche, un taux de 3 % me semblerait un peu agressif.
Fort du recul acquis après plusieurs campagnes d'impôt sur le revenu depuis l'application du prélèvement à la source, il a été possible de calibrer le seuil à 5 %. Il n'est pas préconisé de l'abaisser davantage à ce stade. Dans ces conditions, le Gouvernement se range à l'avis du rapporteur général. Je demande donc le retrait et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Je réponds à présent à votre question. Les mesures prévues par l'article 3 ne s'appliquent pas à la Suisse puisqu'il n'existe pas de convention d'assistance de recouvrement signée à cette date.
Cependant, des négociations sont en cours avec la Suisse.
L'amendement n° 317 n'est pas adopté.
L'amendement n° 2668 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 3.
Sur l'amendement n° 393 , ainsi que sur l'amendement n° 1777 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.
En préambule, je vous informe, madame la ministre déléguée, chers collègues, qu'une petite erreur matérielle s'est glissée dans l'amendement : celui vise à modifier l'article 5 et non l'article 4 bis du code général des impôts puisqu'il s'agit d'exonérer les Français de moins de 30 ans de l'impôt sur le revenu – sans préjudice évidemment de l'application des dispositions relatives à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Vous l'aurez compris : l'esprit de cet amendement, c'est la défense des jeunes Français actifs qui, après de longues années d'études et tant de sacrifices, voient leur rémunération amoindrie par le prélèvement de l'impôt sur le revenu. De nombreuses enquêtes récentes montrent d'ailleurs que bien des Français ambitionnent de quitter la France après leurs études afin de s'installer et de travailler dans un pays étranger dont le système fiscal se montre plus attractif, pour ne pas dire moins repoussant. Cette fuite des cerveaux doit être évitée. J'entends déjà, sur les bancs du centre et de la gauche les arguments fallacieux selon lesquels ce seraient les footballeurs professionnels et les rappeurs à succès qui profiteraient de la mesure… Mais, mes chers collègues, un peu de sérieux ! Vous et moi savons qu'elle profitera surtout à l'immense majorité des jeunes actifs qui, à peine entrés dans le monde du travail et, pour beaucoup d'entre eux, avec un prêt étudiant sur le dos, voient leur rémunération directement amputée par l'impôt !
Pour conserver nos jeunes talents et pour continuer à faire de la France ce qu'elle incarne aux yeux du monde, incitons-les à rester pour faire briller plus encore notre nation !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 1777 .
Cet amendement de repli vise à exonérer d'impôt sur le revenu tout jeune Français de moins de 30 ans percevant moins de 2 000 euros net par mois. Il s'inspire d'une proposition importante du programme présidentiel pour 2022 de Marine Le Pen. Cette exonération renforcerait l'attractivité du territoire national pour les nouveaux arrivants Français sur le marché du travail, qui envisageraient l'avenir avec plus de sérénité.
Les pouvoirs publics doivent soutenir nos jeunes pour les inciter à travailler et produire en France, à y créer des entreprises, à y fonder une famille. Le Gouvernement doit cesser de considérer ces éléments comme des paramètres d'ajustement. La mesure est d'autant plus importante que de nombreux jeunes Français sont tentés par une expatriation de plusieurs années en raison de projections peu réjouissantes en France, qu'elles soient économiques, démographiques, fiscales, inflationnistes ou énergétiques.
Ce seuil de 2 000 euros démontre la volonté du groupe Rassemblement national de dialoguer avec le Gouvernement, au service des jeunes Français qui travaillent ; nous voulons offrir ceux-ci un avenir en France.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne suis pas sûr de bien comprendre à quoi correspond ce seuil de 30 ans. Après tout, l'envie de partir à l'étranger peut aussi toucher des individus de 35 ans. Ces amendements posent un vrai problème juridique, un problème presque constitutionnel au regard du principe fondamental d'égalité devant l'impôt. Il y aurait un risque d'inégalité entre les jeunes qui ne paient pas d'impôts et ceux qui en sont redevables. Je ne vois là qu'une source de complications. Avis défavorable.
En complément de ce que vient de dire M. le rapporteur général, votre proposition pose un réel problème de constitutionnalité en ce qu'elle introduirait une rupture d'égalité des Français devant l'impôt.
Il ressort des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen d'août 1789 que l'impôt sur le revenu est progressif, comme vous le savez, et qu'il est établi en fonction des capacités contributives de chacun. L'âge du contribuable, au cœur de ces amendements, ne constitue pas un critère objectif et rationnel permettant de déroger au principe d'égalité.
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
Par ailleurs, les contribuables de moins de 30 ans les plus aisés seraient ceux qui bénéficieraient le plus de cette exonération.
Vous vous dites sensibles à la dépense publique. Or ces amendements, s'ils étaient adoptés, seraient source d'un déséquilibre pour les finances publiques.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
À ceux que cela intéresse d'écouter ma réponse, je tiens enfin à dire que l'impact de la mesure proposée n'a fait l'objet d'aucune évaluation budgétaire. C'est, là encore, un problème.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis sera défavorable.
On a déjà entendu cette demande pendant la campagne présidentielle ; elle a déjà été jugée anticonstitutionnelle.
Je ne sais pas pourquoi elle revient… Mme la ministre déléguée vient de rappeler les articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : cette proposition, je le répète, est anticonstitutionnelle.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
En outre, je m'étonne qu'on considère comme de mauvais Français des jeunes qui voudraient partir vivre et apprendre à l'étranger, avant ou après leurs études, pour revenir ensuite en France.
Cela me fait mal aux oreilles d'entendre de tels jugements.
À moins que votre proposition ne soit un clin d'œil ? Peut-être avez-vous envie de me faire plaisir, moi qui considère le Paris Saint-Germain comme mon équipe préférée.
Sourires sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mais sachez-le : les joueurs du PSG n'ont pas besoin de vous. Il n'est pas nécessaire de baisser leurs impôts. Tout va bien pour eux !
Évidemment, nous voterons contre ces amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
C'est une très bonne chose que Mme Parmentier ait formulé cette proposition. Cela me permet de revenir à nos fondamentaux : le Rassemblement national est le parti des héritiers.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vais vous en faire la démonstration mathématique – ce n'est pas un simple élément de langage. Votre mesure coûterait à l'État 2 milliards d'euros – c'est vous qui l'avez chiffrée ainsi ; d'autres instituts l'estimeraient plutôt à 4 milliards. Peu importe, c'est de l'argent en moins pour l'État.
Si, c'est vous, ou alors vous contredisez M. Bardella qui répétait sans cesse ce chiffre sur les antennes publiques pendant la présidentielle ! Il semble que le Rassemblement national n'arrive plus à discuter avec lui-même…
Je tiens à vous rappeler, chers collègues, que plus de 50 % des moins de 30 ans ne paient pas d'impôts sur le revenu. Votre proposition profiterait aux 50 % des jeunes les plus riches de notre pays. Et encore, il faudrait voir à quel degré ils paient l'impôt sur le revenu. Pendant la campagne présidentielle, de nombreux instituts indiquaient que, sur les 2 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État, 95 % iraient aux 25 % des jeunes les plus riches.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En d'autres termes, je le confirme, vous êtes bien le parti des héritiers !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Cela ne m'étonne pas, vu de la composition sociale de votre groupe. Si vous vouliez vraiment faire un geste pour la jeunesse, vous vous efforceriez de taxer les 0,1 % des jeunes les plus riches en termes de transmission des patrimoines.
Vous avez un problème avec le patrimoine ? C'était la première de toutes les revendications en 1789 !
Cela vous permettrait de donner à tous les jeunes une allocation d'autonomie, que nous proposons de créer par un amendement. Si vous êtes pour tous les jeunes, et pas seulement pour ceux qui héritent, j'espère que vous le voterez !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Nous assistons à un concours de mauvaise foi. Contrairement à vous, monsieur Maillard, nous avons écouté. Aussi Mme Parmentier s'est-elle contentée de présenter un amendement de repli. En proposant un plafond – ne seraient exonérés d'IR que les jeunes percevant moins de 2 000 euros net par mois –, elle a pris en compte la critique selon laquelle les très hauts revenus, notamment ceux des joueurs du PSG, pourraient profiter de la mesure, même si leur situation reste totalement marginale. En réalité, vous n'avez pas parlé de l'amendement de Mme Parmentier ; vous obéissez à des réflexes pavloviens et ne réfléchissez même plus à ce que vous dites !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La fuite des jeunes à l'étranger pose un problème particulièrement grave. Cela devrait vous intéresser, monsieur Guiraud, car c'est un vrai problème d'héritiers – vous allez voir pourquoi. La France, par manque d'habitude, n'arrive pas à comprendre qu'elle est en train de devenir un pays d'émigration. Des talents de toutes formations – infirmières, artisans, maîtres d'art, diplômés de tous les niveaux – fuient la France. C'est même le cas des plombiers ! Et tous ces gens ne veulent plus revenir en France.
On va me dire que je ne suis pas objectif. Mais qu'y a-t-il de plus objectif et de plus rationnel qu'un âge, madame la ministre déléguée ?
La Constitution !
Quand des gens se sont installés à l'étranger, qu'ils ont créé un ménage – parfois avec un conjoint étranger – ou fondé leur famille en scolarisant leurs enfants sur place, il leur est beaucoup plus difficile de rentrer en France et de ramener, monsieur Maillard, l'expérience qu'ils ont pu y acquérir. C'est la différence entre notre génération, qui commence à vieillir, et les plus jeunes. Ceux de notre génération pouvaient encore revenir de l'étranger ; aujourd'hui, les jeunes ne reviennent plus.
J'en viens à l'héritage, monsieur Guiraud. Le capital humain et tout l'argent public investi dans les grandes études, dans la formation, par exemple des artisans et des infirmières – bref, dans tous les talents humains – sont en train de partir à l'étranger. Vous enrichissez les puissances étrangères avec les talents français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Par pure idéologie, vous refusez de voir ce qui se passe ; vous ne voulez pas reconnaître que la France, déjà appauvrie par la désindustrialisation, est désormais appauvrie, de l'intérieur, par la fuite des talents qu'elle a formés.
Mêmes mouvements.
Ces amendements, il est vrai, sont étonnants. Je suis surpris d'entendre M. Tanguy reprendre le discours parfois ultralibéral de la majorité.
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
La fuite des cerveaux n'est pas liée à des raisons fiscales. Comment croire qu'un jeune parte à l'étranger dans le seul but d'échapper à l'impôt ? À moins que, par ces amendements, vous vouliez essentiellement toucher les plus aisés.
Il y a quelque ironie à se dire que notre collègue Masson – j'ai vérifié son âge – pourrait être lui-même concerné par la mesure qu'il propose. On voit bien le problème que cela pose.
Ce dont les jeunes ont besoin, c'est non d'être exemptés d'impôt sur le revenu, mais de bénéficier d'une politique d'accès à l'emploi et de formations qui leur permettent de s'installer et de rester dans notre pays. Ce serait bien plus efficace que cette niche fiscale que vous proposez de créer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'amendement de Mme Parmentier valide intégralement le raisonnement de Sylvain Maillard. Au cours de la campagne présidentielle, il n'a jamais été question de cette franchise de 2 000 euros, en totale contradiction avec votre amendement. La vérité, c'est que vous avez voulu faire une proposition choc, une proposition que vous pensiez heureuse.
Or vous vous êtes aperçus qu'elle aurait pour effet d'exonérer Kylian Mbappé de l'impôt sur le revenu.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous vous êtes dit : « Après tout, fixons un seuil de 2 000 euros. » Mais ce n'est pas en vous achetant une bonne conscience fiscale que vous parviendrez à rallier les Français et les jeunes. La seule promesse qui vaille est celle du plein emploi. Ce n'est qu'ainsi que l'on réussira à conquérir la jeunesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Nouvelles protestations sur les bancs du groupe RN.
Je rappelle à nos collègues de la majorité que la plus mauvaise nouvelle fiscale pour les jeunes ces dernières années a été le prélèvement à la source. Pourquoi ? Auparavant, la première année où ils commençaient à travailler, les jeunes étaient imposés en année N+1 ; pour l'année N+1, ils étaient imposés en année N+2 ; pour l'année N+2, ils étaient imposés en année N+3 – et ainsi de suite. De fait, on leur accordait une franchise d'impôt d'une année. Voilà ce qui se passait avant le prélèvement à la source. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Alors ne nous donnez pas de leçons sur les avantages accordés aux jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
Nous allons procéder aux scrutins.
Je mets aux voix l'amendement n° 393 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l'adoption 76
Contre 170
L'amendement n° 393 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 245
Majorité absolue 123
Pour l'adoption 78
Contre 167
L'amendement n° 1777 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Charlotte Leduc, pour soutenir l'amendement n° 1704 .
L'amendement a pour objet de développer, en France, un principe d'impôt universel ciblé sur les paradis fiscaux, via un mécanisme de fiscalité limitée étendue, tel qu'il existe d'ores et déjà dans plusieurs pays européens. Une telle mesure nous donnerait les moyens de lutter contre l'exil fiscal et permettrait que l'équité face à l'impôt et le droit à taxer de la France ne s'éteignent pas par un simple changement de résidence fiscale.
Bien que certains dispositifs permettent déjà de récupérer des revenus situés à l'étranger, la France ne dispose toujours pas, à ce jour, de mécanisme spécifique d'imposition limitée étendue. Pourtant, nos concitoyens réclament une amélioration de notre système fiscal et une plus grande justice. Je l'ai dit tout à l'heure : plus de sept Français sur dix considèrent que les plus riches ne paient pas leur juste part d'impôt. Nous devons entendre cette demande, pour renforcer le consentement à l'impôt dans notre pays.
Il s'agirait d'ajouter un principe général d'imposition en fonction de la nationalité ou d'une durée de résidence en France significative. Ce principe aurait vocation à s'appliquer à tous les impôts portant sur le revenu des personnes, y compris lorsqu'ils sont perçus dans un autre pays que la France. On aurait ainsi un impôt universel. Concrètement, l'administration fiscale comparerait les impôts versés par la personne à l'étranger et le montant que celle-ci aurait dû acquitter si elle était restée en France, et lui ferait payer la différence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous le savez, notre système fiscal est basé sur la domiciliation, nullement sur la nationalité. Votre proposition prend le contrepied de tout ce qui a été fait. Vous posez une limite en nombre d'années, ce qui nous obligerait à renégocier un nombre considérable de conventions internationales. Avis défavorable.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est dommage que M. le rapporteur général n'ait pas noté la réponse que je lui avais faite en commission. Au moins parlerions-nous de l'amendement tel qu'il est. Celui-ci reprend une proposition tirée d'un rapport que nous avions rédigé conjointement, Jean-Paul Mattei et moi-même. Il ne s'agit pas de transformer l'impôt actuel en impôt sur la nationalité mais de reprendre une pratique qui existe déjà dans plusieurs pays européens : elle consiste à faire payer un différentiel, pendant une durée ciblée, aux contribuables installés dans des pays dits à fiscalité privilégiée dont les revenus dépassent un certain seuil. Ce différentiel correspond, grosso modo, à la réduction d'impôt dont ils bénéficient. C'est sauf erreur ce qui se fait en Finlande. Une pratique comparable existe en Allemagne. Rien ne nous empêche d'être aussi intelligents que les autres Européens.
Ne voyez pas dans cet amendement plus qu'il ne propose : il s'agit non de changer le code général des impôts ni de revoir tous les accords bilatéraux de la France, mais de reprendre des pratiques précises qui existent ailleurs pour éviter l'évasion fiscale ou, à tout le moins, de décourager l'optimisation fiscale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Outre que la proposition est contraire aux règles actuelles en matière de domiciliation fiscale, je rappelle, comme l'a dit M. le rapporteur général, que la France est le pays ayant conclu le plus de conventions bilatérales avec les autres pays du monde et qu'une telle extension du droit se heurterait, au-delà des contraintes constitutionnelles, à de lourdes contraintes conventionnelles puisqu'il faudrait renégocier l'intégralité de ces conventions.
« Et alors ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour cette raison, avis défavorable.
En tant que Français de l'étranger depuis plus de vingt-cinq ans, je trouve désespérant ce genre de discours. Qu'ils viennent de l'extrême droite ou de l'extrême gauche, c'est toujours la même caricature : un Français de l'étranger est forcément un expatrié fiscal.
Vous l'avez dit et vous le répétez, à droite comme à gauche. C'est si loin de la réalité ! Vous ne connaissez pas les Français de l'étranger ; vous les méprisez en les caricaturant. M. Mélenchon, au cours de sa campagne présidentielle, voulait instaurer cette imposition universelle qu'on ne saurait appliquer, comme l'a expliqué Mme la ministre déléguée, sans remettre en cause des centaines de conventions fiscales bilatérales.
On se trompe en considérant qu'un jeune Français de moins de 30 ans part forcément à l'étranger pour des raisons fiscales.
C'est une incompréhension totale des raisons pour lesquelles les jeunes s'expatrient et décident d'aller tenter une expérience en Europe et à l'étranger.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Tant que vous reprendrez ces arguments, nous serons là pour répéter encore et encore que vous vous mettez le doigt dans l'œil et pour dénoncer ces caricatures.
Nous voterons donc contre l'amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le rapport sur l'impôt universel que nous avons rédigé, Éric Coquerel et moi, a mis en évidence un problème réel – sans chercher à caricaturer ni à critiquer ceux qui partent à l'étranger – : celui des personnes qui quittent le territoire.
M. Manuel Bompard applaudit.
À mon sens, l'amendement n'est pas viable en raison des quelques grands principes fixés par les conventions internationales existantes, notamment celui de domicile fiscal ou d'établissement stable – nous y reviendrons sans doute en évoquant les superprofits –, ainsi que celui de non-double imposition. Sur ce point, l'amendement du président Coquerel propose une piste intéressante, puisqu'il prévoit, pour éviter la double imposition, de rembourser le montant de l'impôt acquitté à l'étranger.
Le problème croise la réflexion que nous avons eue sur les Américains accidentels, ces personnes qui, si elles ont vécu un moment aux États-Unis, étaient liées à une imposition – du moins avant les conventions internationales. Le sujet est compliqué et il ne faut pas s'interdire de se poser les bonnes questions ; effectivement, la pratique existe en Allemagne sans être jugée scandaleuse. Il y a également la question de l'exit tax, sur laquelle j'ai eu plusieurs fois l'occasion de me prononcer personnellement en commission.
Nous aurions tout à gagner à réfléchir au problème de l'équité fiscale et de la mobilité des personnes sans caricaturer le sujet. Il s'agit de rechercher l'équité, et non de stigmatiser les expatriés, lesquels, en effet, partent rarement à l'étranger pour des questions fiscales, mais plutôt parce qu'ils ont envie de faire une carrière internationale, ce qui va dans le bon sens.
Monsieur le président de la commission, si j'étais taquin, mais je ne suis pas, je dirais que la philosophie de votre amendement est directement inspirée de la philosophie fiscale américaine, laquelle consiste à imposer les Américains en fonction de leur nationalité, où qu'ils résident dans le monde. C'est un principe qu'ils ont adopté dès leur indépendance. Le problème, c'est que de nos jours, où l'on peut aisément tracer les gens, ce principe s'applique effectivement, de sorte que certains Français qui sont nés aux États-Unis et y ont vécu quelques mois, voire quelques semaines se voient imposer des multiples contraintes.
À la demande de la commission des finances, j'ai étudié le sujet avec notre ancien collègue Saint-Martin, que je salue, même s'il n'est plus député aujourd'hui. Je crois que nous avons bien travaillé ; hélas, le Gouvernement ne nous a jamais accompagnés dans cette affaire. Certains de nos compatriotes ont aujourd'hui une vie impossible, non seulement parce qu'ils sont suivis à la trace par l'administration fiscale américaine, mais parce que les banques françaises, terrorisées par celle-ci, refusent de les prendre chez elles. Certains d'entre eux n'ont même pas de compte bancaire.
N'adoptons pas un système qui gâche l'existence d'un certain nombre de gens.
Protestation de M. le président de la commission.
Ce n'est pas ce que propose l'amendement, j'en conviens, cher président Coquerel, mais il est directement inspiré d'une philosophie qui me semble sans fondement. La vraie philosophie fiscale française, c'est le critère de résidence territoriale complété par des accords bilatéraux multiples, ce qui permet d'éviter la double imposition de nos compatriotes résidant à l'étranger, et des étrangers résidant en France. Nous sommes arrivés à un tissu très complexe mais relativement satisfaisant malgré tout, tandis que les Américains rendent très compliquée la vie de leurs propres compatriotes, ou en tout cas celle des nôtres, lesquels, dès lors qu'ils sont nés aux États-Unis, sont considérés par ce pays comme des citoyens américains – des US persons, comme on dit en droit américain. Nous reviendrons sur leur cas dans la deuxième partie du projet de loi de finances et j'espère que nous pourrons faciliter la vie de ces personnes, qui sont très nombreuses.
Je laisserai encore s'exprimer deux orateurs, M. Tanguy et Mme Taillé-Polian. Cela fera cinq prises de parole en tout. Ce système beaucoup plus souple que ne le prévoit le règlement permettra d'équilibrer le pour et le contre, mais je n'accepterai pas d'autre demande de parole, sans quoi les débats n'avanceront pas.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
Nous soutiendrons l'amendement de M. Coquerel. Le témoignage livré par le président Mattei est intéressant. On a créé une mission parlementaire transpartisane, celle-ci a fait un travail sérieux, elle a rendu des conclusions raisonnables – et certains dénoncent des risques qui n'existent pas, puisque ceux qu'ils évoquent ne concernent pas le dispositif proposé par le président Coquerel !
L'amendement est équilibré, puisqu'il est fondé sur la nationalité. Celle-ci donne des droits – le Rassemblement national en parle souvent –, mais elle impose aussi des devoirs, dont celui de payer ce que l'on doit à la nation qui vous a protégé, nourri, qui vous a donné accès au système de santé et à l'éducation nationale, qui vous a donné la chance et l'honneur d'être français et qui vous a laissé l'une des plus belles langues et l'une des plus belles cultures en héritage.
Il est normal que l'on soit lié à la nation, à ses droits et à ses devoirs, toute sa vie et où que l'on aille, et ce n'est pas stigmatiser ou insulter les expatriés que de le dire. Je ne pense pas que les Allemands ni les Américains, dont le système est différent de celui proposé, insultent leurs compatriotes expatriés en les imposant. C'est seulement une question de justice fiscale.
Tout le monde parle de lutter contre l'optimisation fiscale et les méfaits de la mondialisation. Pourtant, quand deux parlementaires, dont ni l'un ni l'autre ne sont de mon bord, rendent un travail sérieux et proposent un mécanisme raisonnable, on invoque des raisons imaginaires, voire mensongères, pour ne pas voter le dispositif. Une fois de plus, le Parlement travaille. On fait des rapports et, au moment d'agir, il n'y a plus personne. Nous, nous prenons nos responsabilités. L'amendement n'émane pas de notre parti politique. Il ne s'inspire pas de nos positions. Mais quand le travail est sérieux et le dispositif aussi, nous le votons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission des finances, qui l'a demandée. Vous voyez, monsieur Bompard, que le débat est équilibré.
Certaines personnes, notamment certains membres de la commission, nient l'intérêt du travail parlementaire en refusant d'avancer avec nous sur le sujet.
Notre travail est effectivement parti d'une réflexion sur l'impôt universel pratiqué par les Américains. J'entends bien l'inquiétude de notre collègue représentant des Français de l'étranger. Nombre d'entre eux ont réagi comme lui au début en nous disant : « Attention, vous nous soupçonnez tous de partir pour payer moins d'impôts. » Ce n'est pas l'objectif de l'amendement. Néanmoins, il faut reconnaître que certains, parmi les plus aisés, partent par intérêt vers des pays à fiscalité avantageuse. Cacher cette réalité, c'est être en dehors des clous.
Nous avons rapidement constaté, Jean-Paul Mattei et moi, que l'impôt universel de type américain ne marchait pas, en raison des problèmes rappelés par Marc Le Fur ; cela revenait, pour résoudre un problème, à prendre un marteau et à casser la vitre.
Nous avons donc cherché un autre moyen de récupérer ce que nos concitoyens les plus riches partis dans un autre pays pour payer moins d'impôts doivent à la France pour avoir bénéficié de tout ce qui fait la force de notre pays, et nous avons retenu une solution appliquée par la Suède, la Finlande et l'Allemagne.
L'amendement vise les gens installés dans des pays dont la fiscalité est inférieure de plus de 50 % à celle de la France. Je répète qu'ils vivront cette fiscalité de manière circonstanciée dans le temps. C'est tout. Ne nous faisons pas peur en imaginant que nous allons, comme les États-Unis, chercher nos compatriotes partout. C'est impossible, ne serait-ce que parce que, comme nous l'avons vu avec mon collègue Mattei, cela nous obligerait à revoir l'intégralité de nos accords bilatéraux avec les autres pays – au lieu des quelques pays dont j'ai parlé. Nous proposons une solution réaliste ; je vous en prie, votez sur le contenu de l'amendement, et non sur autre chose.
L'amendement n° 1704 n'est pas adopté.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l'amendement n° 3421 .
Il s'agit d'un amendement d'appel qui vise à rappeler notre attachement à la promesse présidentielle que les personnes vivant en situation de concubinage pourront bénéficier d'une imposition commune.
J'ai conscience que cette promesse ne pourra pas immédiatement se traduire dans les faits et qu'elle devra contourner plusieurs obstacles juridiques, financiers, ainsi que des mesures de lutte contre la fraude. Nous devons garder en tête la question du principe de solidarité fiscale entre les époux, les risques de fraude que pourrait engendrer le dispositif, la question du taux individualisé qu'il faudrait nécessairement mettre en place pour l'un des conjoints et aussi, éventuellement, des limites constitutionnelles.
J'aimerais cependant connaître l'avis de M. le rapporteur général et de Mme la ministre déléguée afin de savoir comment nous devons travailler cette mesure pour qu'elle se traduise dans les faits avant la fin du quinquennat.
Je comprends tout à fait l'esprit de l'amendement et le but recherché, mais je perçois trois risques. Il y a tout d'abord un risque d'inégalité entre les personnes mariées ou pacsées d'une part, et les concubins d'autre part. En effet, les premières n'ont pas le choix : la notion bien connue de solidarité fiscale les oblige à remplir une déclaration commune. En revanche, pour les personnes vivant en concubinage, il s'agirait d'une option, ce qui constituerait une importante source d'inégalité.
Deuxièmement, il y a aussi un risque significatif de fraude puisque le concubinage n'est, par nature, pas un état très contraignant – c'est le moins que l'on puisse dire. On peut craindre un certain nombre d'écarts par rapport à ce qu'il revêt en réalité.
Enfin, la dernière limite est financière : une telle mesure est difficilement chiffrable, et coûterait sans doute plus de 2 milliards d'euros.
Je suis désolé de jouer les rabat-joie, mais vous allez souvent entendre la même rengaine : nous n'avons pas nécessairement les moyens de nous payer ce type d'amendement, même si celui-ci part d'une bonne idée. Vous avez fait une bonne synthèse, mais il faut…
Sourires.
…encore travailler pour parvenir à un projet qui tienne la route. Demande de retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Monsieur le député Lefèvre, oui, votre amendement d'appel fait partie du programme présidentiel.
Nous sommes disposés à mettre en œuvre ce dispositif, mais il existe un certain nombre de risques qui viennent d'être énoncés par le rapporteur général. Nous souhaitons travailler avec la représentation nationale et avec toutes celles et tous ceux qui seraient éventuellement intéressés pour bâtir une mesure applicable dans les années à venir. Le ministre des comptes publics que je représente ce soir est tout à fait disposé à avancer pour éviter les effets d'aubaine mentionnés par le rapporteur général.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'avis défavorable d'une ministre sur une mesure du projet présidentiel d'Emmanuel Macron, ça interpelle !
L'amendement n° 3421 est retiré.
La parole est à M. Karim Ben Cheikh, pour soutenir l'amendement n° 2184 .
Il s'agit d'assimiler à une résidence principale, la résidence détenue en France par des contribuables établis en dehors de l'Union européenne. La liste des pays concernés serait limitée et définie par un arrêté du ministre des affaires étrangères. Dans un contexte où nos compatriotes établis hors de France ont de plus en plus le sentiment de ne pas être des Français à part entière, une politique visant à les encourager à maintenir un lien pérenne avec le territoire national serait un signal fort à leur égard, eux qui sont souvent obligés de renoncer à une résidence en France, faute de moyens suffisants. Je peux vous confirmer que nos compatriotes établis par exemple en Afrique du Nord, au Mali, au Burkina Faso ou au Sénégal accueilleraient une telle disposition avec un grand soulagement.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Par principe, la résidence principale accueille un foyer qui y détient ses intérêts professionnels, personnels et économiques. Cela constitue une première difficulté.
Deuxièmement, votre proposition entraînerait une perte pour le budget de l'État et des collectivités territoriales.
Enfin, d'une certaine manière, cela favoriserait la vacance d'un certain nombre de logements,…
…ce qui n'est pas dans l'air du temps : nous sommes au contraire en train d'essayer d'augmenter le taux d'occupation des logements.
J'aurai le même avis défavorable que le rapporteur.
Monsieur le rapporteur général, je suis tout de même un peu surpris quand je vous entends dire que mon amendement encouragerait la vacance des logements. Il reprend en quelque sorte une promesse du Président de la République, qui avait proposé pendant la campagne présidentielle que les Français établis hors de France puissent bénéficier d'une résidence de repli, donc obligatoirement vacante. Je ne cherche qu'à étendre cette mesure au-delà des résidences vacantes pour éviter, justement, le risque que vous dénoncez et atteindre l'objectif fixé par le Président de la République dans son programme présidentiel.
Il y a quelques instants, nous avons évoqué les Français de l'étranger, et je souhaiterais revenir sur un certain nombre de clichés qui ont été énoncés dans cet hémicycle. Non, les Français de l'étranger ne sont pas tous partis à un moment donné pour des raisons fiscales ; non, les Français de l'étranger ne sont pas tous riches et nantis. Quatre millions de Français vivent hors de France, beaucoup d'entre eux sont nés hors de France. Ils n'ont pas été nourris par la République et ne bénéficient pas de ses privilèges.
Il faut œuvrer en faveur d'une fiscalité plus juste pour les Français de l'étranger. Cela étant, l'amendement en discussion pose peut-être un certain nombre de problèmes juridiques. Je me rangerai donc à l'avis de la commission.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 2184 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement n° 3479 .
Il s'agit de créer une forme de statut d'investisseur immobilier pour des personnes qui investiraient dans un logement dont les loyers seraient encadrés et qui répondrait à certains critères environnementaux, notamment avec un diagnostic de performance énergétique au moins égal à D, voire C. Ces investisseurs pourraient opter pour la flat tax sur leurs revenus fonciers et ne bénéficieraient plus du régime des amortissements liés aux revenus fonciers.
Le dispositif serait réservé aux locations de plus d'un an, ce qui exclurait les locations saisonnières ou accessoires de type Airbnb.
C'est une piste intéressante à examiner pour ramener l'épargne des Français vers l'investissement immobilier vertueux. Avec cette option qui permettrait de simplifier les choses, on ferait une belle avancée et l'on attirerait beaucoup de personnes qui ont envie de mettre leur épargne dans du logement durable et vertueux, avec des loyers bien encadrés et contrôlés.
Je comprends l'idée d'un certain parallélisme des formes, et la volonté d'instaurer une flat tax sur les revenus fonciers comme il en existe déjà pour les revenus mobiliers. Cependant, si la flat tax a pu simplifier les choses et accroître la lisibilité concernant les revenus de l'épargne financière, j'ai l'impression que dans le cas du foncier – secteur que vous connaissez beaucoup mieux que moi, monsieur Mattei –, le bénéfice d'une flat tax ne serait pas systématiquement évident, compte tenu de la grande complexité des différents abattements et de la prise en compte des charges foncières. Même si c'est une piste intéressante et qu'il faille y travailler, je suis donc plutôt défavorable à l'amendement.
Monsieur le président Mattei, vous connaissez bien la mise en place de l'imposition forfaitaire unique à 30 %. Les gains de l'épargne mobilière des particuliers constituent une base facilement taxable, et la flat tax permet d'encourager les investissements productifs dans les entreprises, ce qui est bénéfique pour notre économie.
Comme l'indique le rapporteur général, vous maîtrisez bien le sujet et c'est une piste sur laquelle nous sommes disposés à travailler, mais il est vrai que l'adoption de cette même imposition forfaitaire unique pour les revenus fonciers ne serait pas cohérente avec la logique originelle de la flat tax. J'ajouterai une autre dimension : la mesure risque d'avoir pour les finances publiques un coût substantiel. Ce sujet pourrait également être traité dans des travaux à venir.
Par ailleurs, vous savez aussi que les investissements immobiliers peuvent d'ores et déjà bénéficier de mécanismes fiscaux avantageux qui sont adaptés aux enjeux immobiliers spécifiques.
L'incohérence de la proposition par rapport à l'esprit même de la flat tax est cependant la principale raison qui m'engage à demander le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Je voudrais éclairer mes collègues sur quelques points. S'agissant de l'imposition des revenus fonciers, on a évoqué le barème de l'impôt sur le revenu avec la tranche marginale maximale à 45 %. En prenant en compte la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, on atteint 49 %. Ajoutez à cela l'impôt sur la fortune immobilière, les impôts sur le foncier bâti et les contributions sociales, on arrive souvent à des taxations de près de 70 %.
J'entends les arguments, mais il faut ramener de l'épargne dans l'immobilier. J'ai bien encadré le dispositif de l'amendement : c'est un régime de simplification et d'efficacité. Au départ, j'avais imaginé qu'on puisse retirer les revenus concernés de l'IFI, mais ce n'était pas une bonne idée.
Les régimes fiscaux en matière de revenus immobiliers remontent aux années 1982-1983. Avec le Méhaignerie, le Quilès, etc., on a connu nombre de systèmes favorisant l'investissement immobilier. Ils étaient très compliqués, ne marchaient pas forcément très bien ou étaient mal calibrés. Le régime que je propose est simple, et il est fléché vers le logement social et le logement vertueux.
Je suis assez sensible à l'amendement du président Mattei. Pour parler simplement, il existe deux types de patrimoine : le patrimoine foncier et le patrimoine financier. Or, fiscalement, ils sont traités très différemment, ce qui pose problème. Cette différence a été en particulier introduite à partir de 2017, puisque l'IFI est un impôt qui pèse essentiellement sur le patrimoine foncier.
Au lieu de bénéficier d'une flat tax, les revenus de l'immobilier sont soumis à tout : à l'impôt sur le revenu, à la CSG, à l'IFI pour certains contribuables, à l'augmentation de la taxe foncière – nous aurons l'occasion d'en reparler. En plus, les propriétaires sont confrontés à de multiples difficultés, ne serait-ce qu'en matière de mise aux normes énergétiques.
On a besoin des propriétaires et l'intérêt des investissements dans l'immobilier, c'est qu'ils sont réalisés en France et qu'ils ne se délocalisent pas : ce sont des investissements qui sont faits chez nous et qui bénéficient à des Français qui pourront être locataires et accéder ainsi à un logement.
Mon sentiment, c'est que l'inégalité fiscale entre revenus fonciers et revenus financiers est devenue trop grande. Ce sujet est d'autant plus d'actualité que l'on va, à mon avis, vers de très grandes difficultés dans le domaine de la construction. Les terrains sont devenus très chers à cause de cette absurdité qu'est le dispositif « zéro artificialisation des sols ».
On a même réussi, dans des zones rurales, à rendre les terrains chers : il y a du terrain partout, et le terrain constructible est très onéreux. Tout cela est absurde.
Encourageons au moins celles et ceux qui ont le mérite d'investir dans l'immobilier. Nous avons besoin d'eux, car tout le monde ne peut, hélas, accéder à la propriété. Chez Les Républicains, notre objectif politique est que nos compatriotes puissent accéder à la propriété mais, à défaut, il faut encourager le développement du parc locatif privé qui peut concourir à aider bien des familles.
Mme Emmanuelle Anthoine et M. Fabrice Brun applaudissent.
L'amendement propose une piste intéressante, puisqu'il lie la baisse d'imposition à la performance énergétique du logement et à un encadrement des loyers socialement vertueux. Cela rejoint une orientation que nous allons défendre. Nos amendements reposent sur le principe d'un bonus climatique permettant d'encourager ou de récompenser les investissements responsables…
…qui tiennent compte de nos objectifs climatiques.
Néanmoins, cet amendement est tout de même un peu trop généreux vis-à-vis des propriétaires bailleurs. Nous nous abstiendrons, mais la logique visant à récompenser des comportements vertueux est vraiment une piste à suivre.
L'amendement Mattei a un grand mérite : il pose la question de la cohérence de notre système fiscal et de l'imposition à l'IR mais aussi, indirectement, à l'IFI.
Le fondement de la thèse de la majorité, c'est de taxer la rente et de prévoir des avantages pour ceux qui prennent des risques. Mais on est complètement dans l'absurde, puisque la définition de la rente, c'est l'obligation d'État.
Cette dernière bénéficie du PFU, alors que ceux qui prennent le risque d'investir dans le logement sont taxés au taux maximum, selon les règles du barème de l'IR. L'amendement de notre collègue Mattei a le mérite de poser la question. À terme, la distinction me semble intenable. Soit on applique le PFU à tous les revenus du patrimoine, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers, soit on rebascule tous les revenus à l'IR – mais on ne peut pas continuer comme cela. Je voterai donc l'amendement en témoignage de sympathie à l'égard de la réflexion de notre collègue Mattei sur le sujet.
Je reviendrai sur deux points : en premier lieu, nous consacrons deux fois plus d'argent public rapporté au PIB au logement que nos partenaires européens – cela a été souligné lors des dialogues de Bercy.
Je ne le pense pas. Nous rencontrons des problèmes en matière de logements sociaux, mais également pour trouver des salariés, des stagiaires ou des apprentis dans le bâtiment. Bref, nous dépensons beaucoup d'argent inefficacement : les multiples dispositifs fiscaux, d'aide à la pierre ou à la personne, constituent un véritable maquis. Il serait préférable de remettre à plat le système afin d'optimiser la dépense publique et de régler les problèmes d'accès au logement. Par ailleurs, des difficultés existent pour l'offre comme pour la vente de logements neufs. Il s'agit donc d'un vrai problème.
Le deuxième point concerne le prélèvement forfaitaire unique, instauré afin d'orienter l'épargne vers le financement des investissements productifs et de renforcer les fonds propres des entreprises. Et cela fonctionne ! Nous y reviendrons sans doute lorsque nous aborderons la taxation du capital. Privilégions le financement de l'investissement productif et mettons à plat l'ensemble des dispositifs liés au logement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 3479 est adopté.
Pourtant, la NUPES est venue au secours du Gouvernement en votant contre !
Il vise à encourager le portage du foncier agricole par des investisseurs extérieurs au monde agricole. En effet, le rendement de ce foncier est très faible par nature, en raison notamment de l'imposition élevée de ces biens – barème progressif de l'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %.
De ce fait, il est primordial d'attirer des investisseurs non issus du monde agricole, qui pourront ainsi alléger le coût d'installation d'un nouvel exploitant. Le foncier qui sera loué à ce nouvel exploitant, par bail à long terme ou par bail cessible, diminuera mécaniquement le coût de la reprise pour le nouvel installé. À l'heure où les rendements agricoles sont plus incertains que jamais, les coûts d'emprunt très élevés et le renouvellement du nombre d'exploitations en baisse, il est urgent d'ouvrir le portage du foncier à tout type d'investisseurs.
Cet amendement vise donc à imposer les revenus fonciers issus de la location de biens ruraux par bail à long terme et par bail cessible au titre du prélèvement forfaitaire unique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ferai le même type de réponse que précédemment. Vous accordez un avantage important, puisque vous le présentez sous forme d'option ; l'optimisation fiscale dont bénéficieront les investisseurs entraînera nécessairement un coût.
Ensuite, le revenu agricole n'a rien à voir avec un revenu financier : certains sont en fermage, des taxes s'appliquent, etc. Les revenus bruts et nets sont donc très différents. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Cet amendement est en réalité satisfait.
Pour les mêmes raisons que pour l'amendement n° 3479 de M. Mattei, l'avis est défavorable.
L'amendement n° 3113 n'est pas adopté.
Il vise à flécher plus précisément le mécanisme du déficit foncier vers les travaux de rénovation énergétique des bâtiments. Le Gouvernement a déployé des dispositifs légaux et fiscaux incitant les propriétaires bailleurs à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Dans le cadre de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, les propriétaires sont d'autant plus incités à rénover qu'ils sont progressivement soumis à une interdiction de louer des logements énergivores. Il s'agit d'un amendement d'appel visant à faire du dispositif du déficit foncier un meilleur levier de la rénovation énergétique des logements.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement n° 1209 .
Si vous en êtes d'accord, je présenterai également l'amendement n° 3338 qui rassemble l'ensemble des députés du groupe Horizons et apparentés.
À l'instar de mon collègue Jean-Paul Mattei, je souhaite appeler votre attention sur une tendance qui se dessine et que M. Labaronne a évoquée : il n'y a pas que la construction de logements neufs qui s'effondre, il y a aussi l'impossibilité pour les propriétaires bailleurs de faire face à leurs travaux. La loi « climat et résilience » interdit aux propriétaires privés, qu'ils soient personnes physiques ou morales, de louer les logements dont la consommation énergétique est classée dans les catégories E, F ou G ainsi que d'augmenter les loyers de leurs locataires.
En revanche, les locataires en place sont souvent assignés à résidence parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'autres logements. Depuis 2021, date de cette loi, les règles de diagnostic thermique se sont durcies et les logements qui étaient classés en catégorie C sont passés en catégorie E, ceux qui étaient en catégorie B sont parfois passés en catégorie D, et ainsi de suite.
Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a ouvert le champ d'intervention de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) afin d'aider les propriétaires bailleurs. Force est de constater que cela ne fonctionne pas. Pour quelles raisons les propriétaires bailleurs ne réalisent-ils pas de travaux ? Certains sont propriétaires dans le cadre d'une société civile de placement immobilier (SCPI) et n'ont aucune raison fiscale de le faire – surtout dans les territoires où les habitants, qui ne peuvent pas trouver d'autres logements, sont assignés à résidence ; et les propriétaires bailleurs, personnes physiques, sont souvent de jeunes retraités qui ont investi après avoir perçu un héritage et n'ont pas envie de consacrer 50 000, 60 000, 70 000 ou 80 000 euros supplémentaires à leur logement.
Ces deux amendements d'appel, qui ont pour objectif d'ouvrir la discussion avec le Gouvernement, visent à permettre aux propriétaires bailleurs d'amortir leurs travaux. Si nous ne les aidons pas, ils ne les réaliseront pas, d'autant que l'argent public en flux de l'Anah ne suffira pas à faire face aux besoins. Au bout de la chaîne, des locataires seront assignés à résidence dans des patrimoines classés E, F ou G.
Bien entendu, en contrepartie, un contrôle des loyers s'appliquerait et un plafond de ressources serait fixé pour les occupants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.
Ces amendements en discussion commune sont assez différents : l'amendement n° 3071 , que je salue, permet de réaliser une économie – ce qui est assez rare dans cette liasse d'amendements. En outre, il vise à concentrer la dépense sur des investissements verts. Toutefois, de notre point de vue, il serait trop restrictif et il exclurait des travaux qui sont actuellement soutenus grâce à la déduction fiscale, qu'il s'agisse des travaux d'aménagement, de réfection de l'installation électrique ou encore de réparation de la toiture.
Les amendements défendus par M. Jolivet entraînent en revanche un coût ; je comprends qu'il s'agit d'amendements d'appel. Les propriétaires bénéficient déjà de plusieurs dispositifs, tels que MaPrimeRénov' ou l'éco-PTZ.
Je suis conscient, comme vous, du montant des investissements à réaliser et de la difficulté pour certains foyers d'y faire face. Il faudra les aider, en optimisant et en renforçant les dispositifs. Comme vous le savez, nous augmentons de 500 millions d'euros les crédits alloués à MaPrimeRénov' dans le budget pour 2023. Il me semble que cette piste est préférable à l'invention d'un dispositif supplémentaire coûteux.
Avis défavorable également sur les trois amendements. J'ai bien noté qu'il s'agissait d'amendements d'appel et je me dois de préciser que même si nous émettons des réserves comme vient de l'expliquer M. le rapporteur général, nous sommes disposés à échanger et à travailler avec vous monsieur Jolivet, compte tenu du travail que vous avez accompli.
L'amendement n° 3071 est retiré.
Pour répondre à M. le rapporteur général et à Mme la ministre déléguée, qui a fait siens les propos de M. Cazeneuve, je ne suis pas sûr que nos propositions aient un coût, dans la mesure où les travaux ne se font pas, en réalité : il n'y a donc pas de déficit foncier ; elles engendreraient plutôt une recette pour les finances publiques puisque les travaux seraient effectués par les propriétaires : l'État n'aurait donc plus à accorder le concours de la force publique en cas de difficultés avec les locataires.
Pour faire écho aux propos de Mme Meynier-Millefert, il s'agit d'un vrai sujet – certains experts estiment que 37 % des logements loués dans le parc privé sont concernés – qui mérite l'attention du ministre délégué chargé de la ville et du logement, mais aussi du plus haut niveau de l'État, car les problèmes locatifs seront demain très importants. Je retire mes amendements.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 827 , 2058 , 603 , 722 , 899 , 1425 et 1539 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 827 et 2058 sont identiques, de même que la série d'amendements n° 603 , 722 , 899 , 1425 et 1539 .
L'amendement n° 827 de M. Stéphane Viry est défendu.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement n° 2058 .
Alors que la crise du logement touche tous les territoires, les différents dispositifs fiscaux de soutien ont un impact direct sur l'alimentation en neuf du segment du locatif privé détenu par des bailleurs personnes physiques. Ils corrigent en effet la fiscalité très lourde qui frappe l'investissement locatif. Toutefois, leur instabilité constitue un lourd handicap.
C'est pourquoi cet amendement, très attendu des professionnels du bâtiment, vise à créer un régime universel d'investissement locatif privé et à faire entrer l'immobilier locatif privé dans le champ des activités économiques. Ce régime s'appliquerait au neuf et à l'ancien, aux locations nues et aux meublées, et ce dans tout le pays.
En contrepartie, tous les régimes dérogatoires, donc les dépenses fiscales associées, seraient ensuite – et seulement ensuite – supprimés, à l'exception du dispositif Malraux. L'objectif est de remplacer l'ensemble des dispositifs dérogatoires, cette opération se faisant à coût constant – j'insiste sur ce point – pour le budget de l'État.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement n° 603 .
Il vise à créer un régime universel d'investissement locatif privé, tel que vient de le présenter Jean-Pierre Vigier. L'objectif est d'encourager et de sécuriser l'investissement des personnes physiques dans le parc locatif. Il s'avère en effet que les ménages investissent moins dans ce parc, et qu'ils sont sensibles aux fluctuations et à l'instabilité des dispositifs fiscaux de soutien.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l'amendement n° 722 .
Cet amendement de Mme Valentin a également pour objet de promouvoir l'investissement locatif des personnes privées, grâce à des mesures de soutien fiscal.
Comme les amendements précédents, il vise à créer un régime universel d'investissement locatif privé. La suppression de certaines incitations fiscales à l'investissement immobilier – dispositifs Périssol, Robien et Scellier –, ou leur rabotage – dispositif Pinel –, se traduit systématiquement par une chute des ventes du parc locatif privé. Prenons l'exemple de Béziers, qui est classée en zone B2 et non en B1, et qui ne bénéficie donc plus du dispositif Pinel : depuis la disparition de ce dernier, la ville a perdu 400 constructions neuves par an. C'est considérable, d'autant que le parc est à flux tendu.
L'année dernière à la même époque, lors de l'examen du PLF, j'avais demandé qu'on nous remette enfin le rapport consacré à l'expérimentation du dispositif Pinel en Bretagne. La ministre d'alors m'avait promis de le diffuser – le rapport avait pris du retard, mais je devais le recevoir sous quinze jours. Depuis, je ne cesse de le réclamer aux ministères concernés, sans succès. À ma connaissance, il n'est toujours pas disponible. On nous le promet pourtant depuis un an ! Or, d'après certains députés bretons, le dispositif fonctionne très bien dans leur région.
Si tel est le cas, il mériterait d'être dupliqué dans d'autres régions – encore faut-il que nous ayons accès aux informations.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l'amendement n° 1539 .
Il s'agit de créer un régime universel d'investissement locatif privé, en lieu et place des régimes particuliers qui provoquent des fluctuations dans le marché immobilier neuf. Un régime universel offrirait une meilleure visibilité sur l'ensemble de l'immobilier neuf.
Vous soulevez un réel problème : la crise de l'immobilier neuf et de l'investissement locatif. Cependant – mais je peux me tromper –, je n'ai pas le sentiment que l'aspect fiscal soit le frein principal en la matière ; d'autres facteurs se font sentir : disponibilité du foncier, recours, coût de la construction…
Au contraire, la dimension fiscale est déterminante. C'est elle qui déclenche l'investissement !
La dimension fiscale est présente, mais parmi d'autres facteurs.
Je note par ailleurs que vos amendements coûteraient 4,4 milliards d'euros. Le dispositif que vous préconisez est censé se substituer aux outils existants, mais vos amendements ne prévoient pas explicitement la disparition de ces derniers. Reste à savoir si ceux à qui vous couperez les vivres seront d'accord ! Quoi qu'il en soit, vous connaissez ma position pour aujourd'hui, pour demain et pour après-demain : je suis plutôt radin – si vous me permettez l'expression – à l'égard des amendements coûteux.
Pour autant, je ne nie pas l'importance du problème. Sachant que le dispositif Pinel s'éteindra d'ici à fin 2024, nous devons travailler avec le ministre chargé de la ville et du logement, dans des modalités à déterminer, pour élaborer de nouveaux outils. Différents groupes parlementaires ont émis des propositions en ce sens. Quel mécanisme doit se substituer au dispositif Pinel et à tous ceux qui sont en cours d'extinction ?
Mon avis est donc défavorable, bien que je prenne ce sujet au sérieux et que je sois convaincu que nous devons y travailler en commun.
Madame Ménard, la députée que j'ai été pendant quelques années n'appréciait pas non plus que les parlementaires n'aient pas accès aux rapports. Je viens donc de relancer le ministre chargé de la ville et du logement. On me dit que le rapport a été transmis, mais comptez sur moi pour m'en assurer dans les heures qui viennent.
Il est important que la représentation nationale soit éclairée.
Quant à ces amendements, ils induisent une dépense fiscale lourde. À l'instar de M. le rapporteur général, aujourd'hui comme hier, demain comme après-demain, je ne suis pas favorable à des amendements de dépense.
Je reconnais que vous soulevez un sujet d'importance. Toutefois, votre proposition contrevient aux efforts réalisés depuis plusieurs années pour rationaliser divers dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement en faveur du logement – efforts qui ont conduit à remplacer des amortissements de charges par des réductions d'impôts plus lisibles, plus simples et plus équitables.
J'ajoute que les dispositifs d'investissement locatif sont dorénavant soumis à des contreparties sociales et environnementales. C'est le cas du dispositif Pinel, qui est préservé pour les logements dits exemplaires en matière environnementale. Nous disposons donc déjà d'outils soumis à conditions.
Enfin, je le répète, votre proposition aurait un coût quelque peu démesuré pour les finances publiques. Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable.
Au-delà du soutien à l'investissement, j'aimerais revenir sur la question de la rénovation – le logement est en effet un sujet global. Nous ne savons pas répondre à l'enjeu de la rénovation thermique des bâtiments – et, reconnaissons-le, il n'existe pas de vraie bonne solution en la matière. Je le dis devant M. le rapporteur général, qui fut également le rapporteur général de la loi « climat et résilience ».
Nous avons consacré un important travail à la rénovation thermique des bâtiments durant la précédente législature, notamment avec Mme Meynier-Millefert. Nous avons aussi eu des échanges polémiques avec la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitait que nous avancions beaucoup plus vite. Ce n'était malheureusement pas possible – la preuve en est qu'en dépit de tous nos efforts, nous avons atteint un stade insuffisant. L'enjeu a beau être de taille, nous ne savons pas faire, et nous ne savons pas bien faire.
L'amendement de M. Mattei a certes été voté, mais je regrette qu'il ait suscité des réticences de la part de la majorité et de députés du groupe Écologiste – NUPES – certains se sont abstenus, et je les en remercie. Nous devons travailler collectivement dans ce domaine, sans opposer les propriétaires selon qu'ils seraient riches ou pauvres. Appréhendons-les dans leur ensemble, et aidons-les à s'emparer d'un des premiers leviers de la réduction des émissions de carbone : la rénovation énergétique des logements. Je vous appelle à poursuivre un travail collectif, afin que nous trouvions ensemble des solutions qui réduiront la consommation énergétique des logements.
M. François Jolivet applaudit.
Ces amendements sont très intéressants, car ils présentent un avantage majeur : ils valent pour l'ensemble du territoire. Le dispositif Pinel était symptomatique du problème que nous connaissions autrefois : certains secteurs étaient très tendus, quand d'autres l'étaient moins. Désormais, la totalité du pays rencontre des problèmes de logement, y compris dans des secteurs ruraux qui en étaient jusqu'alors épargnés. En Bretagne, la logique de zonage a été atténuée – Mme Ménard y a fait allusion. Il fallait cesser de concentrer toutes les aides sur Rennes, et mieux les répartir. Les Rennais – dont je ne partage pas la sensibilité politique – l'ont d'ailleurs accepté. Les résultats ne sont pas exceptionnels…
…mais ils ont le mérite d'exister. L'objectif, auquel la Bretagne est très attachée, comme d'autres régions, est que l'ensemble du territoire se développe : grandes villes, villes moyennes, petites villes et monde rural. L'un des obstacles que nous devons absolument lever est la règle de zéro artificialisation des sols. Il n'y a rien de pire : dans le monde rural, plus rien ne se passe !
Ces amendements, qui visent à aider l'ensemble du territoire plutôt qu'à suivre une logique de zonage, me semblent donc très pertinents.
Vos amendements soulèvent des questions fondamentales. Alors que le pays compte 4 millions de personnes mal logées et 5 millions de passoires thermiques, les rénovations n'avancent pas assez vite et la construction est au plus bas. Nous devons absolument réfléchir aux moyens de relancer la rénovation et la production. Qui les financera ? La question s'impose.
Cela étant dit, vos amendements auraient pour effet de pérenniser, de renforcer et de développer à long terme des mesures fiscales qui ont démontré leur incapacité à répondre au problème. Prenons le dispositif Pinel, qui a été abondamment analysé, décortiqué et critiqué : il s'est avéré qu'un logement construit dans ce cadre coûtait plus d'argent public qu'un logement construit par un bailleur social, et qu'il avait une qualité inférieure. Je peine à comprendre comment les outils que vous voulez sanctuariser – Pinel, Duflot, Scellier, Malraux, Censi-Bouvard, etc. – pourraient nous aider. Si ces exonérations fiscales permettaient de résoudre la crise du logement, cela ferait longtemps que tout le monde dormirait sous un toit, dans un logement de très bonne qualité !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Plutôt que de pérenniser ce qui ne fonctionne pas, mettons-nous en quête d'autres solutions. Le coût trop élevé du foncier constitue l'un des premiers blocages à la construction. Comment pouvons-nous l'encadrer ? Un autre blocage réside dans la délivrance des permis de construire – tous les acteurs le reconnaissent, depuis les bailleurs sociaux jusqu'aux promoteurs privés. Comment apporter un soutien, notamment financier, aux maires qui acceptent de construire dans leur commune ?
Mêmes mouvements.
Le débat est intéressant, comme toujours en matière de politique du logement – vos amendements renvoient d'ailleurs à une multitude de questions. Je partage pleinement les propos de M. Martinet. J'ajouterai que l'investissement locatif, soutenu par une foule de dispositifs qui se sont accumulés depuis une vingtaine d'années, a accru les inégalités sous l'angle du patrimoine. En France, les inégalités tiennent aux salaires et aux revenus, mais aussi, de plus en plus, au patrimoine. En l'occurrence, ces inégalités de patrimoine ont été financées par de l'argent public.
Quitte à dépenser massivement l'argent public pour faciliter l'accession au logement, il faudrait concentrer les aides sur deux cibles prioritaires.
La première est le logement conventionné, c'est-à-dire le logement social, qui ne bénéficie plus d'aucune aide à la pierre et qui peut uniquement compter sur la TVA à taux réduit ; par conséquent, on ne construit plus de logements sociaux. En outre, le prix des loyers des logements privés issus de l'investissement locatif n'étant que peu encadré, le loyer constitue le principal facteur de dégradation du pouvoir d'achat des ménages. Tous ces facteurs sont liés : la paupérisation d'une partie de la population en raison de son statut de locataire, l'accroissement des inégalités de patrimoine financé par l'argent public et le tarissement des aides publiques au logement social. Pour améliorer réellement la situation du logement en France, fournissons des logements conventionnés aux salariés les plus modestes, qui sont les premiers à souffrir des loyers élevés et du mal-logement.
Et, seconde priorité, pour faciliter l'accession à la propriété – ce à quoi je suis favorable –, aidons ceux qui ne sont pas propriétaires à le devenir
MM. François Jolivet et Marc Le Fur applaudissent
plutôt que d'aider les multipropriétaires à acquérir davantage de biens.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Quelques députés du groupe RN applaudissent également.
Madame la ministre déléguée, je vous remercie de vous être engagée à ce que soit publié le rapport sur l'expérimentation du dispositif Pinel en Bretagne.
Le problème dont nous parlons est réellement lié au zonage, comme le faisait observer M. Le Fur. En effet, les territoires ont évolué, mais pas leur zonage. Celui-ci devait d'ailleurs être révisé lors du dernier quinquennat, mais il ne l'a pas été en raison de la crise sanitaire. C'est un problème qu'il ne le soit toujours pas : ce sujet demande pourtant toute notre attention.
Enfin, vous évoquiez le coût d'un tel dispositif. Sachez que le coût de la création d'un régime universel d'investissement locatif privé a été chiffré : il s'élèverait à environ 4,4 milliards d'euros par an, soit légèrement moins que l'ensemble des dispositifs qu'il remplacerait. Par conséquent, il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur le financement de ce dispositif. En outre, les enveloppes prévues par l'Anah ne sont pas toujours pleinement consommées ; le coût réel de cette mesure serait donc moins élevé que vous ne paraissez le penser.
Monsieur Le Fur, vous posez une excellente question sur l'objectif de zéro artificialisation nette. Je rappelle qu'il s'agit d'un objectif à l'horizon de 2050.
L'objectif pour les dix prochaines années consiste à diviser par deux l'artificialisation des sols. Il est effectivement très ambitieux, ce qui suscite de nombreuses craintes et interrogations.
Par ailleurs, il ne constitue pas une attaque contre les territoires ruraux, puisque, par définition, cet objectif net de réduction de l'artificialisation des sols peut être réparti différemment en fonction des territoires. Rien n'indique qu'il doive s'appliquer identiquement aux territoires ruraux, aux métropoles et aux villes intermédiaires.
Cependant, vos remarques sont pertinentes et rejoignent celles de très nombreux élus. Sachez que, pour y répondre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a décidé de suspendre temporairement l'application de ce projet…
Le Président de la République a tenu à cette occasion des propos intéressants.
…et de consulter massivement les associations d'élus et les élus locaux afin de déterminer le meilleur moyen de le mettre en œuvre.
Oui, l'objectif de zéro artificialisation nette est important pour nous ; ne créons pas à ce sujet plus de peurs qu'il n'en existe déjà.
Pour terminer, je me félicite de notre débat sur le logement, qui fut intéressant. Je m'entretiendrai avec Mme la ministre déléguée afin de trouver un moyen de le prolonger, par exemple dans le cadre d'un groupe de travail, pour rechercher ensemble la bonne piste pour l'année prochaine.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra