France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'Association interparlementaire Canada-France, conduite par sa présidente, Mme Marie-France Lalonde.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La convention citoyenne sur la fin de vie, voulue par le Président de la République, a répondu, dimanche, à la question que vous lui aviez posée le 9 décembre, madame la Première ministre. À travers 146 propositions, elle a exprimé très clairement et très précisément sa volonté que le cadre légal actuel évolue.
Je tiens à saluer le travail remarquable qu'ont réalisé, avec l'appui du Conseil économique, social et environnemental, les 184 citoyens tirés au sort, représentatifs de la diversité de la société.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
De tous âges et de toutes conditions, ces 184 citoyens ont accepté de participer durant vingt-sept jours, au cours de neuf sessions, à une réflexion collective sur ce sujet majeur. Ils ont affirmé la nécessité de renforcer les soins palliatifs pour tous, partout sur le territoire. À une très large majorité – plus de 76 % –, ils ont souhaité que l'aide active à mourir soit autorisée en France, sous certaines conditions : l'incurabilité de la maladie, le pronostic vital engagé, les souffrances réfractaires et la volonté réitérée du malade, sans oublier la clause de conscience des soignants. Quelles suites entendez-vous donner au message fort exprimé par cette très belle convention citoyenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il y a peu de sujets plus complexes, plus délicats et plus sensibles que la fin de vie. Pour que toutes les opinions puissent s'exprimer, et que des consensus émergent, M. le Président de la République a fait le choix de ne pas trancher ce débat lors de la campagne électorale, mais de le laisser se tenir dans la société. Tel est le sens de la convention citoyenne sur la fin de vie que j'ai lancée en décembre avec Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, et M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, Olivier Véran.
La convention a permis à toutes les opinions de s'exprimer ; elle a trouvé des points de convergence et de consensus, sans passer sous silence les désaccords. Comme l'a souligné hier M. le Président de la République, elle a enrichi nos pratiques démocratiques. Elle a produit un rapport de grande qualité, qui nourrira les débats relatifs à la fin de vie ces prochains mois.
D'autres consultations et d'autres travaux ont été menés en parallèle pour éclairer le Gouvernement, les parlementaires et le débat public ; je pense au débat organisé sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), aux échanges que nous avons eus avec les associations, les soignants, les patients et l'ensemble des cultes, ou encore à la mission d'évaluation transpartisane que vous avez présidée, monsieur Falorni, sur la loi de 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Léonetti – je tiens d'ailleurs à saluer la qualité de vos analyses et de vos recommandations.
Tous ces travaux ont fait progresser la réflexion collective, hors des clivages partisans. Ils ont abouti à deux conclusions fortes sur lesquelles nous souhaitons avancer ensemble, comme l'a annoncé hier M. le Président de la République. La première conclusion est la suivante : il faut renforcer d'urgence l'offre de soins palliatifs.
Nous allons donc lancer une stratégie pour améliorer significativement la prise en charge de la douleur et l'accès aux soins palliatifs.
La seconde conclusion issue des travaux de la convention citoyenne réside dans la nécessité d'inventer un modèle français de la fin de vie. Notre cadre législatif n'est plus adapté, notamment pour aborder la question de l'aide active à mourir. S'agissant de l'importance du discernement, de l'incurabilité et des souffrances physiques réfractaires, les premiers contours ont été posés, et le travail doit se poursuivre.
Nous devons nous saisir collectivement des conclusions de la convention citoyenne. Ensemble, nous construirons un projet de loi qui sera déposé d'ici à la fin de l'été. Je souhaite que la préparation de ce texte associe largement toutes les forces politiques, mais également les soignants, les associations et les représentants des patients. Face à un sujet aussi grave, nous avançons avec humanité et humilité. Nous avons à cœur de bâtir une réponse qui trouve très large soutien, dans un esprit de concorde et de rassemblement. Nous y parviendrons ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et LIOT.
Ma question s'adresse à Mme la Première Ministre. En dépit de vos tentatives de pourrissement, le front syndical reste solide, et les organisations syndicales du pays restent mobilisées avec constance et détermination. Une nouvelle journée de mobilisation aura d'ailleurs lieu jeudi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Adrien Quatennens applaudit également.
Les syndicats vous rappellent leur opposition résolue au passage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Le retrait de la réforme est la seule solution pour rouvrir le dialogue et apaiser le pays : voilà ce qu'a rappelé la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, dont je salue l'élection à la tête de la centrale syndicale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Adrien Quatennens applaudit également.
Votre projet est condamné par une écrasante majorité de nos concitoyens. Il est rejeté par les partenaires sociaux et n'est soutenu par aucune majorité politique, ce qui a conduit le Gouvernement à user du 49.3.
Le président du groupe Socialistes et apparentés à l'Assemblée nationale, Boris Vallaud, et le président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain au Sénat, Patrick Kanner, se rendent aujourd'hui, avec les autres groupes de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (NUPES), devant le Conseil constitutionnel afin d'exposer leurs arguments juridiques, à la suite des recours déposés par les députés et les sénateurs de gauche.
Nous poursuivrons notre mobilisation, à l'Assemblée nationale et dans nos circonscriptions, contre ce projet de réforme des retraites aussi injuste socialement qu'inefficace économiquement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Adrien Quatennens applaudit également.
Alors que la colère sociale monte, les préoccupations relatives au pouvoir d'achat devraient inciter le Gouvernement à s'attaquer aux problèmes quotidiens de nos concitoyens, plutôt que de braquer toute la société contre une reforme inique. Il vous appartient d'entendre le message des Françaises et des Français ; vous ne sauriez les ignorer plus longtemps.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Les semaines se suivent, et parfois se ressemblent. Vous nous interrogez sur la réforme des retraites : cela me donne l'occasion de répéter combien elle est nécessaire pour garantir le système par répartition et la solidarité intergénérationnelle.
Cette réforme a-t-elle été décidée à l'issue d'un débat ? Oui.
Le débat a eu lieu avec les partenaires sociaux ; il n'a pas levé tous les désaccords, mais il a permis de construire des convergences. Le débat a aussi eu lieu avec les forces politiques, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Vous affirmez que vous maintiendrez votre mobilisation contre la réforme des retraites. En réalité, votre mobilisation est totalement stérile et vaine.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez joué la carte de l'obstruction et n'avez pas modifié la moindre lettre ni la moindre virgule. Surtout, vous n'avez jamais présenté de projet alternatif.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Voulez-vous baisser les pensions ? Voulez-vous augmenter les impôts et les taxes ? Voulez-vous laisser filer le déficit et faire porter à nos enfants la responsabilité de votre incurie financière ? Pour notre part, nous prenons nos responsabilités, et nous voulons le faire dans le débat. Aussi Mme la Première ministre recevra-t-elle l'intersyndicale demain pour évoquer l'ensemble de ces sujets.
Vous avez salué l'élection de la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Mme Binet, et je m'y associe. J'en profite pour saluer l'élection d'une nouvelle députée dans l'Ariège, Mme Froger, à qui je souhaite la bienvenue.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LIOT.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Pour protecteur qu'il soit, l'amendement « Creton » a pour effet de maintenir, dans des établissements spécialisés pour enfants, des jeunes adultes qui ont dépassé la limite d'âge administrative de 20 ans, et qui attendent une place dans une structure pour adultes. Faute de structures adaptées, de nombreux jeunes restent en institut médico-éducatif (IME) parfois jusqu'à 28 ans. Ils y développent un mal-être, des troubles du comportement ou des absences à répétition. Parallèlement, l'accueil prolongé des plus âgés en IME bloque l'arrivée des plus jeunes, les privant d'une prise en charge pourtant indispensable.
Cette organisation impose d'importantes contraintes aux équipes, qui doivent démultiplier l'offre d'activités éducatives et de soutien médico-social – sans compter les difficultés juridiques que peut causer la cohabitation entre enfants mineurs et jeunes adultes.
Conçu comme un dispositif transitoire, l'amendement « Creton » ne permet que de décaler les ruptures de parcours et les retours à domicile sans accompagnement.
Les familles que je rencontre régulièrement souffrent plus encore lorsqu'elles voient leurs enfants devenir adolescents, car elles savent que quelques années plus tard, ils n'auront pas accès à une réponse adaptée – j'ai d'ailleurs une pensée pour les mamans de jeunes autistes que j'ai reçues très récemment. J'évoque ici des jeunes pour lesquels les solutions alternatives ne sont pas envisageables. Rappelons-le : il faut attendre dix à quinze ans pour obtenir une place dans un établissement pour adultes. Quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire ces déséquilibres et apporter des réponses concrètes à ces familles et à ces jeunes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Vous posez une question importante et difficile. Ma position est claire : les adultes n'ont rien à faire dans des établissements pour enfants. Nous devons être proactifs pour changer la situation.
Soyons honnêtes, cela ne se fera pas en un jour.
Nous devons répondre au mieux aux besoins des personnes concernées : certaines peuvent entrer dans l'emploi, d'autres ne le peuvent pas mais doivent bénéficier d'accompagnements spécifiques, voire de structures spécifiques. Je souhaite que chaque cas soit évalué individuellement, et que nous trouvions des réponses. Notez que la situation actuelle, outre qu'elle n'est pas satisfaisante pour les jeunes adultes, est également contraignante pour les jeunes, puisque les places en IME auxquelles ils pourraient prétendre sont bloquées.
Nous avons devant nous un important travail. J'espère que la prochaine Conférence nationale du handicap nous donnera les moyens d'avancer. Il faut évaluer plus précocement les jeunes dans leurs capacités et leurs compétences, leur proposer plus tôt des formations et leur construire des parcours de sortie des IME en douceur, pour se diriger vers des établissements et services d'aide par le travail (Esat) ou vers le travail en milieu ordinaire. Les cas les plus complexes doivent trouver des solutions en institution.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
J'associe à cette question mes collègues Anne Brugnera et Christine Le Nabour, engagées de longue date dans ce domaine. Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous avez lancé mercredi la première étape de la réforme des aides sociales étudiantes. Merci d'avoir tenu cette promesse !
M. Emmanuel Lacresse applaudit.
Pour autant, l'État n'a pas attendu pour soutenir ses étudiants. Certains semblent l'avoir oublié, mais c'est bien notre majorité qui, en pleine période de covid-19, a instauré le repas à 1 euro !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Pierre Cordier s'exclame.
C'est encore notre majorité qui l'a étendu à tous les étudiants boursiers ainsi qu'à tous les étudiants précaires qui en font la demande par l'intermédiaire du Crous, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires. C'est encore et toujours notre majorité qui a modifié un barème qui n'avait pas évolué depuis dix ans.
Cette réforme est le fruit d'une concertation engagée depuis octobre par le Gouvernement avec l'ensemble des organisations représentatives étudiantes. Elle permettra de dédier 500 millions d'euros supplémentaires au soutien des étudiants dès la rentrée universitaire 2023. Il s'agit d'une réforme historique : en dix ans, l'État n'avait jamais autant investi pour aider sa jeunesse.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ces nouvelles mesures répondent à l'objectif fixé par le Président de la République : le coût de la vie ne fera plus jamais obstacle aux études.
Mêmes mouvements.
Pas moins de 35 000 étudiants supplémentaires issus des classes moyennes deviendront boursiers à la rentrée, grossissant les rangs des 700 000 boursiers actuels. Chacun d'eux sera dispensé de frais d'inscription et de CVEC – contribution de vie étudiante et de campus –, bénéficiera du repas à 1 euro et sera prioritaire pour l'attribution d'un logement par le Crous.
Nous aidons les jeunes en revalorisant de 37 euros chaque échelon des bourses étudiantes et en faisant accéder 140 000 boursiers à l'échelon supérieur pour prendre pleinement en compte leur situation familiale, leur permettant ainsi de toucher 66 à 127 euros supplémentaires par mois.
Étant donné que ces étudiants sont notre avenir, pouvez-vous, madame la ministre, nous dire comment s'organisera la seconde étape de cette consultation ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je vous remercie tout d'abord pour votre question qui me permet de revenir sur la première étape de la réforme des bourses et sur l'action du Gouvernement et de la majorité en faveur des étudiants.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, nous avons voulu faire davantage pour les étudiants : comme vous l'avez souligné, nous accompagnerons dès la rentrée 35 000 nouveaux boursiers, qui pourront toucher 145 euros par mois en plus des avantages que vous avez cités.
En outre, 140 000 boursiers changeront d'échelon, ce qui leur permettra de toucher chaque mois entre 66 et 127 euros supplémentaires. L'ensemble des boursiers bénéficieront au moins de la revalorisation des bourses à hauteur de 37 euros, soit une augmentation de 34 % pour les échelons les plus bas et de 6 % pour les plus élevés.
Je tiens à revenir également sur la pérennisation du repas à tarif très social instauré par la majorité et le Gouvernement,…
…ainsi que sur le gel du prix du repas social à 3,30 euros et des loyers du Crous, car l'accès au logement et à la restauration est essentiel pour les étudiants. J'insiste sur le fait que ces mesures sont l'aboutissement d'une concertation de plus de six mois avec les représentants étudiants,…
…qui les ont reconnues comme une avancée. Cette concertation se poursuivra au niveau tant territorial que national et concernera la vie étudiante dans son ensemble. Vous le voyez, le Gouvernement agit en faveur des étudiants, et cette réforme des bourses pourra être mise au crédit de la majorité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous devriez avoir honte ! Les étudiants manifestent à proximité de l'Assemblée nationale et vous ne les voyez pas !
Le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire a augmenté de 229 % en dix ans, c'est-à-dire qu'il a triplé, avec une hausse particulièrement drastique lors des deux dernières années. Comme vous le savez, environ trois quarts de ces personnes sont des femmes, car les femmes sont toujours les premières victimes, souvent dans l'indifférence générale – certains collègues l'illustrent en ricanant ! Les bénéficiaires incluent également un nombre croissant de travailleurs pauvres, d'étudiants et de retraités, comme me l'a rappelé hier la banque alimentaire du Bas-Rhin. En somme, il s'agit de toutes les catégories que vos réformes affectent directement.
Dans les supermarchés, les prix explosent : le taux d'inflation avoisine 17 %, et atteint même 30 % lorsqu'il s'agit des aliments premier prix. Le cercle vicieux de l'inflation bat son plein : la pauvreté se massifie et l'alimentation devient la variable d'ajustement du budget des ménages. Quel recul terrible !
Pourtant, pour parler votre langage, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, la pauvreté coûte beaucoup plus cher que les investissements nécessaires à son éradication. Nous vous proposons donc de faire des économies en agissant. Il est estimé qu'entre 8 et 10 millions de personnes ne sont plus en mesure de manger à leur faim. Vous avez parlé de chèques ou encore de paniers ; certes, vous maniez très bien le champ lexical, mais nous attendons toujours des actions concrètes.
La proposition de loi visant à mieux manger en soutenant les Français face à l'inflation et en favorisant l'accès à une alimentation saine, déposée par ma collègue Francesca Pasquini, vise justement à instaurer une réponse d'urgence qui prendrait la forme d'une prime alimentation de 50 euros par mois et par personne. C'est bien moins que ce que nous aurions souhaité, mais nous avons tâché de rendre le texte acceptable pour vos troupes. Elle tend également à éviter 4 000 cancers chaque année en supprimant les nitrites ainsi qu'à prendre soin des enfants et du climat en renforçant l'option végétarienne dans les cantines – des investissements pour l'avenir, donc. Malheureusement, vos troupes ont réduit en commission la prime alimentation à une aide sèche de 2 euros seulement par an et par personne.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, pourquoi le Gouvernement choisit-il de faire courir à la population française des dangers sanitaires et alimentaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Votre indignation serait un peu plus crédible si vous aviez voté les mesures que nous avons adoptées pour défendre le pouvoir d'achat des ménages plus modestes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Vous, La France insoumise et toute la NUPES seriez plus crédibles si vous aviez voté la revalorisation des APL – aides personnalisées au logement –, celle des minima sociaux, celle des bourses étudiantes que mentionnait à l'instant Sylvie Retailleau, ou encore le repas à 1 euro pour les boursiers. Votre indignation quant au pouvoir d'achat des travailleurs serait plus crédible si vous aviez voté l'indemnité carburant qui leur était destinée !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Votre indignation quant aux effets de l'inflation serait plus crédible si vous aviez voté le bouclier énergétique qui protège tous les ménages contre l'explosion des prix du gaz et de l'électricité. Vous seriez plus crédible si, au lieu de rejeter pour des motifs idéologiques nos propositions visant à défendre nos compatriotes, vous aviez soutenu les mesures qu'ont prises le Gouvernement et la Première ministre pour préserver le pouvoir d'achat des plus modestes.
Votre défense indignée des plus modestes serait plus crédible si vous ne proposiez pas, aux côtés de La France insoumise, de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, qui profite aux ouvriers, aux employés et aux travailleurs rémunérés au niveau du Smic ! Vous vous apprêtez à leur voler 150 euros par mois !
Votre plaidoirie indignée pour les artisans et les commerçants – tout comme celle de La France insoumise – serait un peu plus crédible si vous n'aviez pas défendu l'augmentation des cotisations employeur, qui ferait perdre 700 euros par mois à un fleuriste ayant embauché un employé rémunéré au niveau du Smic.
Le ministre poursuit alors que le micro a été coupé.
Voilà La France insoumise : des indignations de pacotille !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le coût des énergies et des carburants avait déjà atteint un niveau presque inédit ; à présent, c'est le prix des produits courants qui connaît une hausse insupportable. Le prix du lait a augmenté de 10 %, celui du beurre de 20 %, celui des pâtes de 32 % et celui des œufs de 10 %. Dans le même temps, le nombre de vols à l'étalage explose.
Mes chers collègues, quand on a de l'argent, on fait des choix, mais quand on n'en a plus, on fait des sacrifices. Les centres communaux d'action sociale (CCAS) n'ont jamais eu à traiter tant de demandes d'aide et de secours, dont certaines vont jusqu'à solliciter la prise en charge de frais d'obsèques par la municipalité, pour protéger les Français contre l'indigence. Par suite, les Français rognent sur leurs loisirs, sur les produits de première nécessité, mais surtout sur leur santé. Ils ne peuvent plus financer leur mutuelle, alors que les clandestins continuent de bénéficier de l'aide médicale de l'État sans jamais avoir cotisé un centime !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En dix ans, le nombre de bénéficiaires des banques alimentaires a triplé ; cette augmentation s'est d'ailleurs concentrée sur les deux dernières années. Le taux de fréquentation des Restaurants du cœur a augmenté de 22 % – du jamais vu !
Les paniers anti-inflation promus par le Gouvernement ne sont guère que des outils marketing en faveur de la grande distribution, et ont prouvé leur inefficacité dans la lutte contre l'inflation. Dans le même temps, vous refusez la taxation des superprofits, qui vous permettrait de chercher vos recettes ailleurs que dans les poches des Français, et vous rejetez notre proposition visant à instaurer une TVA à 0 % sur cent produits de première nécessité. C'est la preuve que vous ne rechignez pas à faire des cadeaux aux plus riches, réservant à d'autres la brutalité dont vous avez donné plusieurs exemples : brutalité de votre réforme des retraites, de votre indigne 49.3, de votre casse sociale et de votre racket fiscal. Quand entendrez-vous la souffrance des Français ?
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je vois que le Rassemblement national affiche la même indignation de façade que la NUPES,…
…ce qui ne me surprend pas !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous aussi, vous seriez un peu plus crédibles …
Protestations sur les bancs du groupe RN
…si vous aviez voté le soutien aux travailleurs, l'indemnité carburant de 100 euros qui leur était destinée,…
…le bouclier énergétique qui a protégé les Français contre la flambée des tarifs du gaz et de l'électricité. La récupération des marges des grandes entreprises énergétiques, nommée contribution sur la rente inframarginale, rapporte plusieurs milliards d'euros.
Elle permet de financer les boucliers tarifaires relatifs au gaz et à l'électricité et d'éviter ainsi que les factures d'énergie augmentent de 180 à 200 euros par mois. Madame Le Pen, vous n'avez pas soutenu la contribution sur la rente inframarginale !
Vous ne proposez aucune solution pour protéger les Français contre la flambée des prix.
Quant aux prix alimentaires ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
j'ai demandé aux distributeurs de lancer un trimestre anti-inflation, actuellement en cours, dont nous vérifierons la mise en œuvre.
J'ai envoyé aujourd'hui aux industriels et aux distributeurs un courrier leur demandant de rouvrir sans délai les négociations commerciales, afin que la baisse récente des prix de gros commence à se répercuter sur les prix à la consommation.
L'indignation de façade a cours ici
L'orateur désigne les bancs du groupe RN
et là ,
L'orateur désigne les bancs du groupe LFI – NUPES
mais les réponses concrètes aux problèmes qui pèsent sur le pouvoir d'achat des Français viennent des bancs de la majorité !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la mer, je viens d'un territoire qui a subi une crise profonde à la suite de l'arrêt de la grand-pêche dans les années 1980. Chaque Fécampois qui l'a vécu s'en souvient comme si c'était hier. Il a fallu à la ville des décennies pour se remettre de cette décision canadienne d'instaurer des quotas. Mes chers collègues, en Normandie comme en Bretagne, la pêche est une boussole : elle fixe le cap.
À la fin de la semaine dernière, j'ai rencontré les pêcheurs de mon territoire. J'ai également lu les déclarations du président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), qui exprimait toute la colère de la profession face à « [l']accumulation des normes, des menaces, des contentieux » qui « remettent en cause le fondement même [du] métier en culpabilisant [les pêcheurs] ». C'est terrible que d'entendre cela ! Si ces professionnels ont choisi ce métier difficile, c'est notamment pour nous nourrir. Ils ont besoin que nous leur redonnions espoir, que nous leur accordions notre confiance.
Comment encourager des jeunes à choisir ce métier ou à reprendre une entreprise quand des réglementations européennes totalement inadaptées mettent le feu aux poudres, quand une décision du Conseil d'État est incomprise, quand le sentiment se diffuse que les contrôles sont toujours exercés sur les mêmes et ne s'appliquent pas de la même manière sur ceux qui pratiquent les techniques de pêches industrielles ?
Monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous vous battez au quotidien aux côtés des pêcheurs. Pourriez-vous présenter à la représentation nationale ce que vous entreprenez pour les défendre ? Cela permettra, je l'espère, de redonner espoir à une profession et à des territoires entiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Je tiens à vous remercier de votre engagement auprès des pêcheurs de votre territoire pour maintenir cette filière qui fait la fierté de nos espaces littoraux et de notre pays.
Nous devons être fiers du travail des pêcheurs qui, depuis des décennies, ont démontré que l'on pouvait concilier bon état écologique du milieu marin et développement de la filière halieutique.
M. Bertrand Bouyx applaudit.
Il s'agit d'un enjeu de souveraineté alimentaire, alors que nous importons 80 % des poissons que nous consommons.
Nous devons continuer à les soutenir. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu avec une délégation de pêcheurs à la Commission européenne dimanche 2 avril…
…pour soutenir qu'il n'était pas acceptable que la Commission européenne ne reconnaisse pas les efforts consentis. Partout sur nos littoraux, nous devons maintenir une activité de pêche, par exemple des pêcheurs de coquilles Saint-Jacques ou de langoustines, ou des producteurs d'huîtres.
C'est la raison pour laquelle je me suis aussi rendu en Vendée, aux côtés des pêcheurs, pour les écouter et continuer à travailler, ou encore dans les Côtes-d'Armor.
Nous continuerons à les soutenir à travers l'aide carburant qui est prolongée jusqu'à la fin de l'année et qui représente plus de 85 millions d'euros.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Nous continuerons à les soutenir en accélérant la décarbonation et la transition écologique du secteur : nous consacrerons 20 millions d'euros cette année à remotoriser et à réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Nous continuerons également – je sais que vous avez un lycée maritime dans votre territoire – à investir fortement dans la formation, dans les lycées. Nous avons besoin du secteur de la pêche en France pour assurer la souveraineté alimentaire et pour être fidèles à nos traditions et notre héritage en la matière. Nous continuons donc et nous vous remercions de votre engagement.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Rien n'y fera, ni les 47-1, ni les 44.3, ni les 49.3 à répétition, ni les arrestations et gardes à vue arbitraires pour étouffer la contestation sous le regard alarmé et réprobateur de toutes les institutions, nationales et internationales, de défense des droits humains et de l'État de droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ni les grossières tentatives de diversion dans Pif Gadget, Têtu ou Playboy,…
…ni les fumeuses « consultations » commanditées par Emmanuel Macron pour « bâtir un « un programme législatif et un programme de Gouvernement » neuf mois après être arrivé au pouvoir. Aucun des groupes parlementaires de la NUPES ne participera à cette mascarade.
Le rejet de votre réforme des retraites reste massif : 68 % des Français et Françaises y sont toujours fermement opposés.
Mêmes mouvements.
L'agitation populaire persiste et signe partout dans le pays. Les étudiants et étudiantes de Nanterre, Dauphine, la Sorbonne, Paris 8, Versailles, Cergy et Sciences Po en Île-de-France, mais aussi Lille, Pau, Nice, Poitiers, Toulouse, Grenoble, Tours, Bordeaux, Caen et Nantes sont entrés en lutte.
Mêmes mouvements.
Les blocages continuent. Hier, c'était le périphérique de Nantes. Ce matin, ceux de quatre trams grenoblois, de la base opérationnelle Enedis d'Arcueil, du site de Brive-la-Gaillarde, de l'usine de traitement des déchets d'Issy-les-Moulineaux et du centre technique de Rezé sont toujours en cours.
Malgré les réquisitions, des grèves sont reconduites ou annoncées dans plusieurs secteurs. Le dépôt pétrolier de Coignières est bloqué. Les raffineries de Gonfreville-L'Orcher, Lavéra et Port-Jérôme-Gravenchon sont à l'arrêt.
Mêmes mouvements.
Un préavis de grève illimitée des éboueurs parisiens a été annoncé à partir du 13 avril. Gloire aux grévistes !
Mêmes mouvements.
Nous ne lâcherons rien. « Il n'y aura pas de trêve, pas de suspension, pas de médiation », a affirmé la nouvelle secrétaire générale de la CGT. Ce jeudi, à l'appel de l'intersyndicale, les Français et les Françaises vous le rappelleront dans la rue. Mme la Première ministre, vous voulez tourner la page, sortir le pays du chaos social et démocratique dans lequel l'obstination d'un Président bunkerisé l'a plongé pendant deux mois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La seule issue raisonnable, pacifique et démocratique est le retrait du projet de loi !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – M. Stéphane Peu, Mme Marie Pochon et M. Adrien Quatennens applaudissent également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous vous posez comme porte-parole des quatre groupes de gauche de cet hémicycle pour dire que vous ne participerez à rien. Il n'y a justement rien de nouveau dans votre interpellation : vous ne participez à rien, vous ne proposez rien, vous dissimulez !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous dissimulez la réalité de votre projet. Dites-le, madame Obono : vous voulez prendre de l'argent aux Français qui gagnent un peu plus de 1 500 euros par mois.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dites que vous voulez prendre de l'argent aux artisans, aux boulangers, aux bouchers, aux charcutiers, à tous ceux qui font vivre nos quartiers en diminuant toutes les exonérations.
Dites que vous voulez rendre l'emploi plus cher.
Dites que voulez du chômage. Dites que vous voulez de la pauvreté.
Votre projet, madame Obono, c'est la ruine et c'est l'appauvrissement des Français !
Mme Ségolène Amiot mime un joueur de pipeau.
La seule chose que vous proposez, la seule chose que vous défendez, c'est une terrible inversion des valeurs : vous faites des policiers les responsables alors que ce sont les casseurs qui sont responsables.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous souhaitez les blocages, le désordre, la chienlit !
Mme Blandine Brocard applaudit.
Vous souhaitez délégitimer les institutions de la République ! La seule chose que vous voulez, madame la députée, c'est le désordre et l'anarchie.
Nous sommes le camp de la responsabilité et de la raison. Nous ne vous laisserons pas faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Monsieur le ministre de la santé, il y a urgence ! Tel est le cri que vous adressent tous les professionnels des Ehpad et des services de soin à domicile qui accompagnent les personnes âgées. Tous les voyants sont au rouge : pénurie quasi généralisée de personnel soignant, établissements en déficit en raison de l'inflation, épuisement des professionnels qui restent en poste.
Les soignants sont contraints, par manque de temps, d'effectuer leur métier pourtant profondément humain à la tâche et à la chaîne : cinq minutes pour un lavage de pieds, pas de temps pour plus d'une douche par semaine, cinq minutes pour la pose de bas de contention et pas une seconde de plus pour un temps d'échange, car il faut passer au suivant.
Ce que nous faisons vivre tant à nos aînés qu'aux professionnels qui les accompagnent, par manque de moyens, est inhumain. C'est une forme de maltraitance institutionnelle subie.
À quoi servons-nous, chers collègues, si, pendant notre mandat, nous ne sommes pas capables de mettre au cœur de nos priorités le soin des plus fragiles, de nos aînés ? Si nous ne sommes pas capables de leur permettre de vivre dans la douceur et la dignité, de les considérer avec humanité ?
Nous examinons en ce moment une proposition de la loi du groupe majoritaire « pour une société du bien vieillir », mais, monsieur le ministre, chers collègues, disons la vérité : on est complètement à côté de la plaque !
Aucun des problèmes majeurs qui conduisent à cette situation intenable n'est traité : rien sur les moyens budgétaires, rien sur l'attractivité réelle des métiers du grand âge,…
…rien sur la formation.
Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : à quand de vrais moyens et une vraie réforme en faveur du grand âge ? Il y a urgence.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Comme votre question porte sur le grand âge, c'est le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées qui aurait dû vous répondre, mais il m'a confié la mission de le faire car il est justement en train de conclure le Conseil national de la refondation (CNR) « Bien vieillir ».
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison de dire que beaucoup d'établissements du domaine médico-social, qui accueillent des personnes âgées mais aussi des personnes en situation de handicap, sont dans une situation de grande détresse. Il faut le reconnaître. Il y a un problème profond d'attractivité des métiers que nous avons pris à bras-le-corps à travers le Ségur qui a permis d'augmenter les salaires,…
…mais qui ne suffit pas à répondre à la détresse de soignants qui se retrouvent trop souvent en sous-effectif par rapport aux missions qui leur incombent. Dans certains Ehpad, seules deux personnes sont présentes la nuit pour s'occuper de cent résidents, effectuer les soins, assurer les changes, etc. On sait que cela contribue à la lassitude qui peut conduire à la démission et que cela aggrave également les difficultés de recrutement.
Le seul point de désaccord que j'aurais avec vous réside dans le fait que vous affirmez qu'il n'y a pas d'ambition budgétaire. Cela ne se sait peut-être pas suffisamment, mais entre 2021 et 2026, ce sont plus de 10 milliards d'euros supplémentaires qui sont consacrés chaque année à l'accompagnement du bien vieillir, notamment dans le virage domiciliaire,…
…mais également dans les établissements médico-sociaux.
Lors de la législature précédente, vous avez voté la création de la cinquième branche. Nous avons alors prévu un mécanisme pour que, à compter de l'année prochaine, une part de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur de 2,5 milliards, vienne abonder ces fonds, pour financer davantage de prises en charge des personnes âgées en établissement ou à domicile. L'ambition budgétaire est là. Il est d'ailleurs assez rare d'avoir défini un budget avant de déterminer dans la loi comment on va le dépenser.
La Première ministre a annoncé quelques pistes : nous prévoyons 50 000 recrutements supplémentaires dans les cinq années dans le secteur médico-social, notamment pour les personnes âgées. C'est un plan de recrutement absolument massif, mais ça ne suffit pas. C'est pourquoi il fallait la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France défendue par la majorité – j'en salue les auteures, Mmes Annie Vidal et Laurence Cristol, ainsi que Monique Iborra. Cette proposition de loi permettra d'améliorer la gouvernance et la prise en charge.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, jeudi 30 mars, le Président de la République est venu annoncer le plan eau à Savines-le-Lac, commune symbolique pour le faire, car, au début des années 1960, l'ancien village de Savines a été recouvert par les eaux pour la création du lac de Serre-Ponçon, retenue d'eau qui a permis l'écrêtement des crues de la Durance, la production d'hydroélectricité grâce au barrage, l'irrigation agricole en aval de la vallée et une activité touristique attirant des centaines de milliers de personnes, chaque été, dans le département des Hautes-Alpes. Ce plan attendu fait partie des priorités de la planification écologique, car il apporte des réponses aux enjeux environnementaux et économiques.
L'année 2022 a été marquée par une sécheresse qui a duré plusieurs mois et qui a touché la quasi-intégralité de notre territoire : quatre-vingt-treize départements ont été soumis à des restrictions d'eau et plus de 1 000 communes ont connu des ruptures d'approvisionnement en eau potable. Le début de cette année a été marqué par une sécheresse hivernale, qui a duré trente-deux jours.
Comment préparer rapidement l'été 2023 afin d'éviter les coupures en eau potable, de sécuriser l'approvisionnement en eau potable de nos concitoyens et de diminuer les fuites dans les réseaux ?
Comment informer nos concitoyens des écogestes à adopter pour économiser 10 % d'eau dans tous les secteurs d'ici 2030, aussi bien dans la production d'énergie que dans l'industrie et nos entreprises, dans l'agriculture, dans les collectivités territoriales, dans les territoires d'outre-mer et bien sûr chez les particuliers ?
À travers ce plan, c'est une véritable politique de l'eau que nous créons, pour organiser notre sobriété, optimiser la gestion de la ressource et préserver la qualité de l'eau. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment les mesures annoncées, par le Président de la République, la semaine dernière, permettront de faire face aux sécheresses à venir et d'améliorer considérablement la gestion de la ressource en eau ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Demain, nous publierons les travaux de la mission d'inspection qui contient le retour d'expérience sur la sécheresse que nous avons connue l'été dernier. Vous l'avez dit, c'était une sécheresse hors norme : des restrictions ont dû être instaurées dans quatre-vingt-treize départements, soixante-quinze départements étaient en crise, plus de 700 communes ont été privées d'eau potable. Depuis le mois de septembre, 500 chantiers ont été lancés pour sécuriser une partie de l'été qui arrive.
Dès le 23 février, avec Bérangère Couillard, nous avons réuni le Comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash) et les préfets pour faire un bilan.
Au-delà de ces mesures de préparation qui se poursuivent, et du point que nous ferons dans quelques jours, le Président de la République, comme vous l'avez dit, a présenté récemment le plan eau, dont les fondations ont été posées sous l'égide de la Première ministre à la fin du mois de septembre à Marseille avec Bérangère Couillard, Agnès Firmin Le Bodo, et avec l'ensemble des acteurs de l'eau dans notre pays, dont Jean Launay que je salue.
Il est difficile de détailler devant vous ces cinquante-trois mesures en quelques minutes, mais j'aurai le plaisir de le faire devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, à l'invitation de son président, M. Jean-Marc Zulesi.
Je me contenterai d'en exposer quelques-unes : d'abord, économiser l'eau. Il faut définir des trajectoires de baisse de nos prélèvements, territoire par territoire, bassin par bassin, avec des plans d'adaptation au changement climatique à hauteur de 10 % avant la fin de cette année.
Ensuite, nous devons optimiser la ressource, en luttant contre les fuites sur les réseaux, qui entraînent une perte d'environ 20 % de l'eau potable – c'est beaucoup trop –, et en réutilisant davantage les eaux usées, qui ne le sont actuellement qu'à moins de 1 %. En la matière, nous devons suivre l'exemple de nos voisins italiens et espagnols.
Enfin, nous devons préparer la gouvernance, mobiliser davantage de moyens et sensibiliser nos concitoyens à travers une application simple et géolocalisée.
Telles sont les principales mesures du plan eau, que je détaillerai très prochainement devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Malgré vos incantations à passer à autre chose, les Français ne tournent pas la page : une immense majorité est encore mobilisée, chaque jour, pour exprimer son refus du recul à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Le groupe GDR – NUPES tient à dire toute son admiration pour les travailleuses et travailleurs qui poursuivent leurs actions de grève, partout dans le territoire, malgré ce qui leur en coûte au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.
Éboueurs, raffineurs, dockers, agents de la RATP et de la SNCF, enseignants, soignants : nous les assurons tous de notre soutien sans faille.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Notre groupe tient aussi à saluer la jeunesse qui, aux côtés des travailleurs et des retraités, exprime une autre vision de la société
Mme Caroline Abadie s'exclame
et à assurer à nos concitoyens qu'ici non plus, nous ne lâchons rien.
C'est pourquoi, ce matin, les parlementaires communistes et ultramarins, et des députés du groupe LIOT
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT
se sont présentés devant l'Élysée afin d'interpeller, une fois encore, le premier responsable de cette crise sociale et démocratique : Emmanuel Macron. Nous lui avons remis un courrier dans lequel nous lui rappelons que la revendication des Français et de leurs représentants pour un droit juste et digne à la retraite est pleinement légitime. Ce qui est illégitime, c'est bien cette réforme contre le peuple, dont l'examen parlementaire est resté inabouti…
…et qui n'a même pas été soumise à un vote. Ce qui est illégitime, c'est ce gouvernement qui méprise l'expression, pourtant si forte et si déterminée, de nos concitoyens et d'un front syndical à l'unité historique.
Le groupe GDR – NUPES n'attend plus désormais qu'une réponse : celle du Président de la République, auquel nous rappelons une nouvelle fois qu'il y va de sa responsabilité de sortir de la crise, et que lui seul en a désormais les moyens. Monsieur le Président de la République, renoncez à votre funeste réforme ou rendez la parole au peuple en soumettant votre projet à un référendum !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous dites que les députés du groupe GDR – NUPES n'attendent plus que la réponse du Président de la République : je ne m'exprimerai évidemment pas à sa place, mais je tiens à vous répondre sur plusieurs points. Tout d'abord, vous avez affirmé que vous ne lâcheriez rien, que vous ne vouliez pas tourner la page de la réforme : je vous confirme que nous non plus, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'avec la Première ministre, nous recevrons demain l'intersyndicale lors d'un rendez-vous où nous discuterons de tous les sujets qu'ils souhaitent aborder s'agissant de la réforme des retraites, mais aussi, plus largement, du travail.
Il n'a jamais été question d'oublier ou d'effacer cette réforme sitôt votée :
« Elle n'a pas été votée ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
elle fait désormais partie de notre histoire, et toutes les mesures qu'elle prévoit, qui sont autant d'acquis en matière de revalorisation des petites pensions, de prise en compte de l'usure professionnelle ou de l'emploi des seniors, seront bien appliquées – sous réserve, bien entendu, de la décision du Conseil constitutionnel.
Nous ne tournons donc pas la page, et si nous tenons à appliquer la réforme, c'est parce que nous pensons qu'elle est utile à tous les Français.
Nous souhaitons continuer à avancer en ouvrant d'autres chantiers, notamment en matière de gestion des carrières, en améliorant encore la prise en compte de l'usure professionnelle…
…et en soutenant l'emploi des seniors. Il y a beaucoup à faire, et nous espérons que, demain, la reprise du dialogue laissera entrevoir de nouvelles convergences pour l'avenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, hier, la France s'est réveillée sous le choc de voir qu'à Marseille, les fusillades se multipliaient sur fond de trafic de drogue : trois personnes sont mortes et douze autres blessées durant la triple fusillade de ce week-end, ce qui monte à quatorze le nombre de tués et quarante-trois le nombre de blessés par arme à feu en tout juste trois mois.
Si le groupe Rassemblement national tient avant tout à saluer le courage et le formidable travail des services de secours et de sécurité, pourtant submergés en France – en particulier à Marseille – ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
…comment ne pas être triste et en colère lorsque ceux qui prétendent lutter contre le trafic de drogue international installent, dans le même temps, des salles de shoot ?
Le renforcement de notre action diplomatique, mais aussi des douanes, de la police, de la justice et de la prévention médicale, est urgent. Certains consomment de la drogue comme s'il s'agissait de bonbons, mais consommer donne une responsabilité : comment se fait-il que seuls 30 % des consommateurs verbalisés payent effectivement leur amende ? Comment entendez-vous responsabiliser les parents pour qu'ils empêchent leurs gamins d'aller « chouffer », guetter l'arrivée des forces de l'ordre, dans la cité de La Paternelle pour 1 000 euros par jour ? Les gens ont peur de se prendre une balle ; moi-même, j'ai connu cette peur.
Alors, vous envoyez la CRS 8 : elle restera trois jours, comme en février, puis repartira sans que rien n'ait changé. Vous me répondrez que trois unités de CRS supplémentaires ont été déployées. En mars, j'ai discuté avec certains de ces policiers : après avoir passé trois heures sur l'un des 130 points de deal de la ville, ils repartent sur ordre, frustrés, laissant le trafic reprendre. Vous me répondrez également que, depuis janvier, 500 interpellations ont eu lieu en lien avec le trafic de drogue. Mais combien d'individus ont-ils été relâchés ? Que fait la justice ? M. Dupond-Moretti et vous êtes ministres : en deux ans et demi, qu'avez-vous fait ?
Vous espériez beaucoup, tout devait bien se passer, mais voilà que la poussière balayée sous le tapis vous remonte à la figure : tel est votre bilan et celui d'Emmanuel Macron. Monsieur le ministre, quel plan de bataille pour sauver Marseille du trafic de drogue allez-vous laisser à votre successeur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je dois reconnaître à votre parti une certaine constance : vous ne loupez jamais un rendez-vous cynique avec le malheur.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Pendant ce temps-là, avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer, nous agissons : nous avons élaboré un « plan Marshall » pour Marseille.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Dans ce cadre, seize nouveaux magistrats et dix greffiers ont été affectés au tribunal judiciaire de la ville en 2022, qui seront rejoints par six magistrats supplémentaires en 2023. En deux ans, soixante contractuels auront également été affectés à Marseille. En outre, 300 policiers supplémentaires sont venus renforcer les forces de sécurité intérieure.
Or, si nous avons pu les embaucher, c'est grâce aux budgets pour 2021, 2022 et 2023, que vous n'avez pas votés !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous n'êtes pas de simples commentateurs de la vie politique, vous en êtes des acteurs : or, lors de la niche du RN, qu'avez-vous proposé pour la justice ?
Rien du tout ! En réalité, vous ne nous opposez que le silence ou la critique. Votre programme n'est qu'un cimetière de certitudes : vous êtes orphelins du réalisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, le secteur aéronautique est l'une des plus grandes fiertés industrielles de notre pays : grâce aux 4 000 entreprises de la filière, qui représentent 263 000 emplois directs, nous sommes aujourd'hui une des seules nations capables de construire un avion de A à Z. Au total, le chiffre d'affaires généré par ce secteur s'élève à plus de 100 milliards d'euros.
Cependant, s'il en va de notre devoir de faire prospérer cette belle industrie, il en va aussi de notre responsabilité de prendre soin de notre planète. Les connaissances et les consciences évoluent : si les Français continuent à regarder le ciel avec émerveillement, leurs attentes en matière de transition du secteur sont fortes. Huit Français sur dix ont une très bonne image du transport aérien, mais pour continuer à faire rêver, l'avion doit se décarboner.
Les acteurs du secteur ont déjà pris toute la mesure du défi, en témoigne la signature, en 2022, de l'accord de Toulouse, par lequel ils se sont engagés à rendre le secteur neutre en carbone à l'horizon 2050. Au-delà de l'avion à hydrogène, développé en Haute-Garonne grâce à un effort conjoint inédit des acteurs publics et privés, le développement des SAF – sustainable aviation fuels –, ces biocarburants quasiment neutres en CO
À ce titre, un très ambitieux projet de règlement européen en cours de discussion prévoit l'intégration progressive des carburants durables d'aviation. À l'heure où certains privilégient systématiquement l'interdiction à la recherche de solutions, notre rôle est d'accompagner avec vigueur la transition de l'aéronautique en défendant ce projet ambitieux à l'échelle européenne et en pesant de toutes nos forces pour fixer des objectifs encore plus audacieux. Pouvez-vous nous confirmer l'attachement du Gouvernement au développement de biocarburants français, indispensables pour garantir notre souveraineté aéronautique ? Plus généralement, quelle sera votre méthode pour porter notre voix au niveau européen et soutenir une industrie capitale pour notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous avez raison : l'aéronautique, industrie d'innovation et d'exportation créatrice d'emplois, est l'une de nos industries d'excellence. Mais, vous l'avez souligné avec raison, l'avenir de l'aviation passe par sa décarbonation : c'est l'objectif de la stratégie que nous défendons avec beaucoup de détermination aux niveaux français, européen, et même international. En effet, lors de la présidence française de l'Union européenne, nous avons fixé avec tous nos partenaires, notamment européens, un objectif de décarbonation totale du secteur aéronautique d'ici à 2050 – c'est-à-dire en moins d'une génération. Plus de 180 pays dans le monde se sont depuis engagés à atteindre cet objectif, que j'ai défendu au niveau international lors d'une réunion de l'Organisation de l'aviation civile internationale à Montréal.
Nous sommes donc pleinement engagés dans cette immense transformation sur le plan tant écologique qu'industriel et économique. Après les révolutions qu'a connues le secteur en un peu plus d'un siècle, un nouveau chapitre s'ouvre pour l'aviation : notre savoir-faire, presque unique au monde – seuls les États-Unis sont, eux aussi, capables de construire un avion de A à Z – nous permettra d'atteindre notre objectif.
Notre stratégie de décarbonation se fonde pour moitié sur l'innovation en matière de carburants durables, un domaine dans lequel la France a été pionnière, puisque votre assemblée a adopté, il y a quelques mois, une mesure prévoyant l'obligation d'incorporer des biocarburants dans l'aviation. Nous soutenons très activement le projet de règlement visant à traduire cet objectif à l'échelle européenne, qui devrait être adopté au cours des prochaines semaines – le premier règlement à fixer l'objectif d'une incorporation massive des biocarburants dans l'aviation d'ici à 2030 à l'échelle d'un territoire regroupant 450 millions d'habitants. Avec Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie, nous avons réuni l'ensemble des industriels et énergéticiens dans le but de créer une filière française des carburants durables.
En France comme en Europe, la production de carburants durables est un enjeu en matière d'écologie autant que de souveraineté. Lors de l'inauguration du salon du Bourget, le Président de la République présentera une feuille de route pour le développement de cette filière, dans laquelle nous avons d'ores et commencé à investir dans le cadre du plan France 2030.
Monsieur le ministre de l'intérieur, nous avons découvert que vous nous accusiez d'être complices de terrorisme intellectuel. Naïvement, nous avons pensé qu'il s'agissait d'un poisson d'avril, même s'il n'aurait pas été dénué d'une certaine sincérité, puisque tout travail intellectuel semble effectivement vous terroriser.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais, pendant que vous étiez occupé à recycler les théories de l'extrême droite pour servir vos ambitions personnelles, un compte Twitter a révélé publiquement l'existence de boucles Telegram néonazies invitant à commettre des attentats contre nos compatriotes musulmans. Le terrorisme dont je vous parle là est bien concret : pourtant, il a fallu que ces tweets soient rendus publics pour qu'enfin vous réagissiez, de la plus faible manière qui soit, en demandant simplement à Telegram de fermer ces canaux de discussion.
Certains membres actifs de ces boucles étaient fonctionnaires ou militaires. Une situation face à laquelle l'État ne peut répondre qu'une chose : dehors !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant hier, lors d'un débat parlementaire sur la lutte contre le terrorisme d'extrême droite proposé par la NUPES, dans lequel la majorité parlementaire n'a pas parlé une seule seconde, et auquel vous n'avez même pas assisté – preuve de votre extrême indigence sur le sujet –, l'État, par la voix du ministre délégué chargé des outre-mer que vous avez catapulté à votre place, a répondu qu'il n'avait pas à condamner des gens qui se contentaient d'exprimer leur opinion. Pensez-vous vraiment, monsieur Darmanin, qu'arborer des signes nazis lorsqu'on est militaire n'est que l'expression d'une simple opinion ?
Que vous fassiez de la politique de la pire des manières est une chose : reste que vous n'avez pas le droit de vous affranchir de vos responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous n'avez pas le droit de vider les mots de leur sens pour disqualifier vos adversaires et justifier la dissolution d'associations écologistes alors que le terrorisme d'extrême droite se structure sous vos yeux. Vous n'avez pas le droit d'instrumentaliser la laïcité à des fins politiques. J'en profite pour vous demander, à l'instar de France 2 et de la famille de Samuel Paty, ce qu'il est advenu des millions d'euros du fonds « Marianne » dépensés par le ministère de l'intérieur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À Wattignies, une mosquée a été saccagée ; à Échirolles, un fidèle a été agressé ; à Wazemmes, des musulmans ont été pris pour cible en plein ramadan. Comme c'est le cas de nos compatriotes chrétiens et juifs lors de leurs festivités, vous savez que nous sommes dans une période à risque pour nos compatriotes musulmans. Monsieur Darmanin, vous vous égarez : avant de faire campagne, vous devez faire votre travail.
De nombreux députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Mélanie Thomin applaudit également.
Avant toute chose, monsieur le député, je vous demanderai de respecter davantage les membres du Gouvernement, en particulier M. Carenco. Nous ne choisissons pas ceux qui posent les questions, permettez-nous de choisir ceux qui y répondent !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le ministre délégué chargé des outre-mer mérite, je le répète, un minimum de respect, au même titre que chacun d'entre nous ; mais cette notion se retrouve plus souvent dans votre bouche que dans votre comportement !
Mêmes mouvements.
Au demeurant, il n'a pas l'air traumatisé, le ministre délégué. Il en a vu d'autres !
Par ailleurs, le priapisme avec lequel vous paraissez évoquer mon action vous fait passer à côté de la vérité : ce groupe Telegram était suivi par les services de renseignement, ce qui nous a permis d'identifier ses 2 300 abonnés ; outre sa fermeture, il fait l'objet d'une saisine de la justice. Du reste, à notre connaissance, il ne s'y trouvait pas de membres de la police nationale, contrairement à ce que vous avez largement répandu sans en avoir la preuve.
« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Au moment où je vous parle, le parquet et la police judiciaire sont réunis afin de savoir quel service enquêteur permettra de confondre les intéressés et de les faire condamner.
Vous voyez, monsieur Guiraud, mieux vaut parfois travailler que de crier et de s'exciter ; il est vrai que les services de renseignement ont besoin de confidentialité, de secrets qui ne se retrouvent pas tous les jours dans l'actualité politique. Je n'ai donc aucune leçon à recevoir de votre part, pas même en matière de liens avec les extrêmes.
Mme Danielle Simonnet s'exclame.
Vous êtes tout de même plus prompt lorsqu'il s'agit de dissoudre des groupes écologistes !
L'ultragauche et l'ultradroite sont deux facettes d'un même extrémisme qui touche la société française.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Encore une fois, je n'ai aucune leçon à recevoir, car c'est ce gouvernement qui a dissous Génération identitaire, ainsi que de nombreuses milices d'extrême droite. Quant à vos propos touchant le lien entre islamisme et vie politique, venant de vous, ils ne manquent pas de sel !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il y a quelques mois, madame la ministre, la présidence de l'université Bordeaux Montaigne a interdit de parole Mme Sylviane Agacinski, philosophe, estimant que son intervention créerait un risque de trouble à l'ordre public.
La semaine dernière, la même présidence laissait s'exprimer au sein de l'université M. Jean-Marc Rouillan, condamné pour apologie du terrorisme et pour deux assassinats à caractère terroriste.
Dans une interview, il avait ainsi déclaré au sujet des frères Kouachi : « J'en ai marre des poncifs antiterroristes […]. Moi je les ai trouvés très courageux […]. » Tout cela est pour le moins choquant : je n'ose imaginer, madame la ministre, que vous combattiez la philosophie et protégiez le terrorisme. Vous assurez la tutelle des universités ; vous avez mission de garantir qu'elles respectent la légalité ;…
…mais étrangement, à ce sujet, on ne vous a pas entendue. Ma question sera donc double : pourquoi ce silence assourdissant, et que comptez-vous faire en vue de combattre cette inacceptable inversion des valeurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Comme vous l'avez évoqué, monsieur Hetzel – vous êtes bien placé pour le savoir –, l'autonomie des universités constitue un fait historique,…
…qui ne leur permet cependant pas tout. Lorsqu'on ne s'exprime pas, on travaille : on œuvre afin de maintenir le calme, d'éviter les blocus, de conserver aux universités leur liberté académique, aux étudiants et aux personnels le droit d'y accéder.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Je le répète, c'est un travail que nous accomplissons quotidiennement pour nos étudiants.
Mme Émilie Bonnivard s'exclame.
Puisque ces sujets vous intéressent, voyez ce que nous venons de faire concernant les bourses, les récentes annonces touchant les universités !
Huées sur les bancs du groupe LR.
La question ne portait pas sur les menus du Crous. Vous devriez prendre des sanctions, madame la ministre !
Madame la ministre, votre réponse est incroyable. Avez-vous bien conscience que la même université interdit à Mme Agacinski de s'exprimer dans son enceinte…
…sans que personne trouve à redire à cette décision inquiétante, et entérine l'apologie du terrorisme, ce qui ne semble pas vous déranger ?
Exclamations et applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
En tant que ministre de l'enseignement supérieur, il vous revient, encore une fois, de vous assurer que la liberté académique, que nous devons évidemment défendre, ne franchisse pas les bornes de la légalité !
Vous-même avez pu constater que, trois jours après les faits dont je vous parle, l'université Bordeaux Montaigne était fermée pour plusieurs mois à la suite de dégradations massives. Tout cela est intolérable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
C'est incroyable ! La prochaine fois, madame la ministre, restez dans votre ministère : pas la peine de vous déranger !
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'édition 2023 du Salon international de l'agriculture n'a pas seulement offert un cadre traditionnel à ceux qui désirent se faire photographier au cul des vaches, mais aussi un réceptacle aux doléances et aux inquiétudes des professionnels des filières représentées. C'est ainsi que le Syndicat des vignerons indépendants de France nous a alertés au sujet des difficultés rencontrées par la majorité de ses adhérents pour rembourser les prêts garantis par l'État (PGE) dans les délais impartis.
Durant la pandémie, l'activité viticole n'a pu se mettre en sommeil dans l'attente de jours meilleurs : le cycle végétatif rendait indispensable le travail des vignes alors même que les confinements portaient un coup d'arrêt à la commercialisation des stocks. Les PGE ont alors été instaurés afin d'accompagner les entreprises et d'éviter des cessations de paiement. Désormais, il faut rembourser ces prêts, ce qui est tout à fait normal. De nombreux professionnels ont demandé que le délai soit porté à dix ans ; la demande a été rejetée par Bercy, au motif qu'une telle durée de remboursement ne serait pas conforme au droit européen en matière d'aides directes aux entreprises.
Puisque Bruxelles ne nous laisse pas notre souveraineté s'agissant de mécanismes de soutien, la survie de nombre d'exploitations dépend de l'engagement de l'État. Dans ces conditions, et de manière générale, il vous est demandé, monsieur le ministre, de substituer aux PGE des prêts bonifiés par l'État, ce qui permettrait une extension des délais de remboursement compatible avec l'état de la trésorerie de ces entreprises. Pouvez-vous vous engager à mettre rapidement en œuvre ce mécanisme, dont le coût pour les finances publiques serait bien inférieur aux pertes fiscales qu'entraîneraient des dépôts de bilan ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Heureusement qu'il n'est pas Premier ministre, ses réponses seraient encore plus longues !
Vous reconnaîtrez certainement, monsieur le député, que pendant toute la crise du covid-19, nous avons accompagné, soutenu, protégé les entreprises, y compris dans le secteur de la viticulture. Même si votre président nous reproche d'avoir trop dépensé dans ce but, nous avons financé l'activité partielle, le report de charges et ces fameux PGE. Nous n'avons laissé tomber aucune entreprise ; même si l'épidémie est passée, nous n'en laisserons tomber aucune. Nous ne les avons pas sauvées en 2020 et 2021 pour les abandonner en 2022 ou 2023 !
C'est pourquoi toutes celles, viticoles ou non, qui rencontrent des difficultés financières peuvent s'adresser au médiateur du crédit afin d'obtenir que la durée de remboursement de son PGE soit portée de six ans à dix ans. Cette mesure que vous souhaitez, nous l'avons prise il y a plusieurs mois. En revanche, si l'État prenait ces prêts en charge, cela creuserait le déficit et accroîtrait la dette.
Vous conviendrez que ce n'est pas la solution la plus appropriée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Permettez-moi d'exprimer ma déception, monsieur le ministre : vous n'avez pas répondu à ma question.
Ne vous plaignez pas : vous auriez pu tomber sur la ministre de l'enseignement supérieur !
Porter à dix ans l'échéance du remboursement d'un PGE n'est pas possible, alors qu'un prêt bonifié par l'État offrirait une garantie d'État. Or le coût de ce dernier dispositif, je le répète, serait bien moindre que celui des dépôts de bilan !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le ministre, Marseille souffre, Marseille pleure, Marseille est en colère : dans la nuit de dimanche à lundi, trois règlements de comptes ont entraîné la mort d'autant de personnes, dont un adolescent de 16 ans, et l'hospitalisation de huit autres. Nous constatons depuis plusieurs semaines une accélération de ces assassinats sur fond de trafic de stupéfiants, résultant d'une logique tantôt de contrôle d'un territoire, tantôt de vendetta.
Cette situation est d'autant plus inquiétante que Marseille vient de voir augmenter sensiblement ses moyens consacrés à la police et à la justice : 300 policiers, trois compagnies de CRS,…
…trente magistrats, dix greffiers, désormais tous en fonction, grâce à la décision du Président de la République.
Le travail réalisé a permis de démanteler définitivement trente-neuf points de deal, de saisir 5,4 tonnes de cannabis ou encore de dresser pas moins de 18 600 amendes forfaitaires délictuelles pour usage de stupéfiants. Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas accepter la résignation qui semble malgré tout s'abattre sur la ville, la terreur et la douleur dans laquelle sont plongées des familles entières.
Afin de soutenir la stratégie de pilonnage menée par la préfète de police, nous devons renforcer les moyens de la direction zonale de police judiciaire et renforcer la présence des CRS dans les quartiers. Monsieur le ministre, quels sont les moyens précis que vous comptez allouer à Marseille, de façon pérenne, pour mieux lutter contre cette situation dramatique ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
M. le garde des sceaux a évoqué tout à l'heure la forte mobilisation en faveur de Marseille des moyens de la justice, en complément de celle de la police nationale, décidée, comme vous l'avez dit, par le Président de la République. Cette mobilisation n'a d'équivalent ni dans le passé de la cité phocéenne, ni dans les autres territoires de la République : 300 policiers supplémentaires en deux ans, c'est, encore une fois, du jamais vu, et nous poursuivrons en ce sens.
Les résultats répondent à l'énormité de ces moyens. Vous avez cité, monsieur le député, ceux de l'année dernière ; mais depuis le 1er janvier 2023, 509 individus ont été interpellés pour trafic de drogue, 1,2 tonne de cannabis, 48 kilos de cocaïne et 343 armes saisies. De tels chiffres révèlent à la fois l'hyperactivité des services et la profondeur de la mer qu'il leur reste à vider, à la fois dans certains quartiers de Marseille et dans l'arrière-pays.
Afin de mettre un terme aux vendettas comme aux guerres de territoire – la procureure de la République estime que nous pouvons craindre, dans les jours ou les semaines qui viennent, une recrudescence de ces phénomènes, même si les principaux intéressés sont en prison ou mis hors d'état de nuire par les services de police –, j'ai décidé que les services d'enquête de la police judiciaire marseillaise, qui fait un travail considérable, seraient renforcés dès septembre, et créé un nouveau groupe d'enquête spécialisé.
Vous le savez, la lutte de longue date contre le trafic de drogue à Marseille possède malheureusement une dimension internationale, d'où l'importance capitale de la maîtrise du port. Les trafiquants commanditaires d'assassinats ont des liens étroits avec des pays du Maghreb, du Moyen-Orient. L'été dernier, le ministre de la justice et moi-même avons réussi à ce que les États concernés coopèrent davantage en matière d'extraditions, mais il reste encore beaucoup de grands caïds qui résident en dehors de notre territoire : nous travaillons à ce qu'ils puissent être conduits devant la justice et condamnés à de lourdes peines de prison.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Depuis hier, monsieur le ministre de la santé, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, s'applique aux salaires des médecins intérimaires, qui sont donc plafonnés. Non dénuée de légitimité, car il s'agit d'éviter les abus en matière de rémunérations, elle accroît toutefois les difficultés des hôpitaux de proximité, déjà confrontés à une pénurie de soignants.
Que ce soit dans mon département de l'Aisne – à Hirson, à Saint-Quentin – ou ailleurs – à Fourmies, à Vitry-le-François, à Bastia, à Auch, à Givors ; qu'il s'agisse d'urgences, d'anesthésie, de pédiatrie, de soins de suite et de réadaptation (SSR) et j'en passe, monsieur le ministre, la tension monte ! Des interventions chirurgicales sont déprogrammées, comme lors de l'épidémie de covid-19, des lits de médecine ou de SSR pudiquement « gelés », pour ne pas dire fermés. Vous tentez certes d'atténuer les effets pervers de la loi en portant à 1 390 euros les 24 heures de garde, en recourant aux contrats dits de motif 2 – conclus en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique – ou à une prime de solidarité territoriale, mais là n'est pas l'urgence.
Votre disposition ne répond ni au problème des déserts médicaux – un problème de fond –, ni à celui de la reconnaissance de nos médecins au travers de la rémunération. Si elle est nécessaire, elle doit être accompagnée de solutions durables car il n'y a qu'une chose qui compte : la détresse des patients dans nos territoires.
Quand allez-vous engager de nouvelles concertations pour vous attaquer aux vrais problèmes, et quelles sont vos propositions pérennes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Alain David applaudit également.
Je vous remercie, monsieur le député, de reconnaître la validité de deux lois votées dans cet hémicycle en 2016 et en 2021, ainsi que le bien-fondé de leur mise en application par ce Gouvernement. Je pourrais dire qu'il était temps ! De quoi parlons-nous ? Pas de l'intérim médical dans son ensemble, bien sûr, mais d'une dérive qui s'apparente à du mercenariat : certains font monter les prix. Les hôpitaux les plus touchés par cette dérive sont les petits établissements, qui se trouvent pris en otage par ces pratiques en totale contradiction avec l'éthique.
C'est cette éthique qu'il nous faut retrouver pour reconstruire notre système de santé sur des bases solides. Cela nécessite de lutter contre l'intérim mercenaire mais aussi de favoriser nos professionnels de santé dans les hôpitaux, ceux qui ont tenu la ligne pendant la crise du covid et qui continuent à l'heure actuelle, alors qu'ils sont plus fortement sollicités. J'ai déjà rencontré les organisations syndicales. Je les reverrai cette semaine et nous avons prévu un nouveau rendez-vous la semaine prochaine, dans l'objectif d'améliorer les conditions de travail des professionnels.
Vous dites, monsieur le député, qu'il y a des difficultés partout ; peut-être, mais je puis dire aussi que partout on a trouvé des solutions. C'est le cas dans votre département, par exemple, grâce à l'engagement territorial de l'hôpital de Saint-Quentin et, s'agissant des urgences d'Hirson – dont les difficultés ne datent pas d'hier mais de plusieurs mois –, avec l'aide de l'hôpital de Fourmies, distant de douze kilomètres.
Oui, il faut trouver une réponse à cette situation et assainir notre système de santé. Ces actions y contribuent. Parallèlement, nous continuons à bâtir de bonnes conditions de travail pour les praticiens à l'hôpital. Mon objectif, en effet, est de garder les bons professionnels et de faire revenir ceux qui sont partis.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. La santé de nos concitoyens doit passer avant tout. Engagez-vous dans de nouvelles concertations. Des propositions transpartisanes pour la régulation sont sur la table : autorisez les débats. Je vous ai aussi proposé, pour répondre aux besoins des territoires, d'expérimenter les écoles normales de la santé : acceptez cette proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Tout ça pour ça, monsieur le ministre de la santé et de la prévention ? L'obstruction gouvernementale en réponse à une proposition de loi – du jamais vu sous la V
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe LIOT.
Depuis, plus rien ! La loi du 30 juillet 2022 dispose que, lorsqu'au regard de l'évolution de la situation épidémiologique, telle que constatée par la Haute Autorité de santé, l'obligation vaccinale n'est plus justifiée, celle-ci est suspendue par décret. Il n'est pas question d'une quelconque concertation.
Alors, monsieur le ministre, de quelles modalités parlez-vous ? Devez-vous vérifier que ces personnels ne seraient pas en sureffectif ? Devez-vous vérifier la disponibilité des postes, leur budgétisation peut-être ? Vous savez aussi bien que moi que ce n'est pas le cas ! Dans tous les établissements, nous avons cruellement besoin d'eux !
Vous savez pertinemment qu'ils sont toutes et tous prêts à reprendre le travail dans l'heure. Après la décision scientifique, la question ne relève plus que de votre prise de position politique ; qu'attendez-vous ?
Mêmes mouvements.
Pas vous, madame la députée ! Vous ne pouvez pas, en tant que soignante, mélanger la situation épidémiologique d'il y a plusieurs mois avec celle d'aujourd'hui.
Je rappelle d'ailleurs que, dans son avis, la HAS reconnaît que la vaccination pendant la crise a sauvé des vies. J'aimerais entendre encore une fois, dans l'hémicycle, les représentants de la nation remercier ces professionnels de santé qui se sont fait vacciner, ont tenu la ligne et ont sauvé des vies.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Quant à l'avis de la HAS, il porte sur les obligations vaccinales des professionnels de santé et non sur leur réintégration.
Cet avis concerne le covid, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite ainsi que l'hépatite B – pour laquelle, heureusement, l'obligation vaccinale est maintenue. Il est assorti de commentaires très divers de la part des professionnels, et de nombreuses critiques. La loi dispose néanmoins – vous l'avez dit – que l'avis de la HAS doit être suivi, et je m'y étais engagé dans cet hémicycle. L'obligation vaccinale contre le covid est donc levée. Maintenant, il faut travailler à la réintégration des soignants. Je souhaite y travailler le mieux possible, afin que les services dans lesquels ils seront accueillis ne les rejettent pas.
Vous savez comme moi que de nombreux professionnels de santé sont opposés à leur retour. Parce que je ne veux pas provoquer de nouvelle crise, j'ai annoncé que je réunirai dans les jours à venir les ordres professionnels, les organisations syndicales et les fédérations pour que la réintégration se passe le mieux possible.
Mme Caroline Janvier applaudit.
Je vous remercie de vos remerciements, monsieur le ministre ! En tant que soignante pendant la crise, j'ai en effet été vaccinée dès janvier 2021. Je sais pertinemment que, parce qu'ils avaient attrapé la covid, des soignants considérés comme immunisés sont déjà retournés dans des services où vous n'aviez rien prévu – pas de modalités, rien ! Pourquoi faudrait-il une modalité aujourd'hui ?
C'est totalement incohérent. Ces personnes n'ont pas perçu de salaire pendant plusieurs mois parce que vous les avez suspendues. Maintenant, réintégrez-les !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes LR et SOC. – M. Olivier Serva applaudit également.
Madame la ministre de la transition énergétique, notre pays fait face à un défi immense à l'horizon 2040-2050 : garantir à nos enfants une énergie en quantité suffisante et à un prix abordable. Face à la raréfaction et au renchérissement inéluctable des énergies fossiles, c'est la préservation de notre modèle démocratique, économique et social qui est en jeu. Il revient donc à notre génération de mener à bien une passionnante aventure industrielle et humaine, sur le temps long. Les discours du Président de la République au Creusot et à Belfort ont posé des jalons importants, tout comme les deux lois, relatives à l'accélération de la production d'énergies renouvelables d'une part et à celle de la construction d'installations nucléaires d'autre part, qui ont été successivement votées dans cet hémicycle sous votre impulsion, avec des majorités nettes. Je veux ici rendre hommage aux femmes et aux hommes engagés dans cette grande aventure industrielle – soudeurs, tuyauteurs, chaudronniers –, que nos entreprises se disputent chèrement dans les tous les bassins d'emploi, à Brest et à Saint-Nazaire comme ailleurs.
Dans les années à venir, nous devrons répondre simultanément à la montée en puissance du nucléaire – réacteur pressurisé européen (EPR) 2, petits réacteurs modulaires –, des filières éolienne et hydrolienne ainsi qu'à la croissance vigoureuse de la construction navale et de l'industrie métallurgique en général. Nous risquons de manquer de cerveaux et de bras. Les entreprises, filières et groupements font leur part, grâce à l'apprentissage et à la formation interne. Les collectivités territoriales et les chambres consulaires les accompagnent. Les réformes de l'apprentissage et du lycée professionnel contribuent à faire bouger les lignes. Peut-être manquons-nous encore de nouvelles écoles techniques ?
Comment abordez-vous ce défi fondamental de l'attractivité des métiers, de la formation et du maintien des compétences dans les filières nucléaire, navale et de la métallurgie ?
Vous l'avez dit, monsieur Larsonneur : notre politique énergétique vise à faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles. Nous avons pour cela une ambition, celle de relancer la filière nucléaire…
…ce qui signifie relancer l'une des plus grandes aventures industrielles qu'ait connues notre pays depuis les années soixante-dix. C'est un projet humain et industriel exceptionnel, qui nécessitera énormément de compétences. Au cours de la seule année 2023, nous allons devoir recruter plus de 10 000 talents à tous les niveaux de formation, du baccalauréat professionnel au postdoctorat. Ce sont des chaudronniers, des tuyauteurs, des soudeurs, des électrotechniciens, des ingénieurs évidemment et des chercheurs que nous devons convaincre de rejoindre ces filières.
Vous avez raison de le souligner : nous avons envoyé un signal très positif à la filière nucléaire depuis les bancs de cette assemblée,…
…témoignant de notre investissement, et je tiens à vous en remercier. Maintenant, nous agissons. J'ai l'ambition de lancer un plan Marshall des compétences dans la filière nucléaire.
Vous disiez symétriquement l'inverse lorsque M. Hulot était là ! Il n'y a pas une once de sincérité !
Nous y travaillons avec le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), qui me remettra dans les prochains jours l'évaluation de ses besoins de compétences – plus de 100 000 recrutements d'ici à 2030. Dans les semaines qui suivent, nous élaborerons, avec France Industrie et l'Université des métiers du nucléaire, le plan de formation nécessaire.
La bonne nouvelle c'est que vous ne serez plus là. Cela nous laisse une chance de réussir.
Ce plan s'adressera tant aux jeunes qu'aux personnes en reconversion, car nous devons attirer dans cette filière des talents ayant une expérience dans l'industrie et dans d'autres métiers. Il faut saluer la chance exceptionnelle que nous offre aujourd'hui la transition énergétique : celle de bâtir des filières et de créer des emplois.
Monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, la loi Lurel de 2012 visait à répondre à l'urgence sociale de la vie chère dans nos territoires ultramarins. La création du bouclier qualité prix (BQP) apportait une réponse nécessaire, sans laquelle les Français d'outre-mer n'auraient pu faire face à la flambée des prix. Nous payons déjà nos produits 30 % plus cher que dans l'Hexagone, alors que la population de nos territoires est plus pauvre. Pour l'année en cours, 153 produits sont concernés par le BQP à La Réunion. En août dernier, vous avez pourtant assuré aux sénateurs que ce bouclier devrait être étendu et concerner entre 250 et 300 produits dans les territoires ultramarins. Monsieur le ministre délégué, le compte n'y est pas ! La chaîne Réunion la 1
Pourtant, les citoyens qui viennent me voir au quotidien dans ma permanence parlementaire le font parce qu'ils n'arrivent pas à remplir leur frigo, et non parce qu'ils doivent planter un clou !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
S'il est amélioré, le BQP pourra répondre de manière conjoncturelle à ces difficultés, mais nous devons aller plus loin et trouver des solutions complémentaires. Nous remettons régulièrement ce sujet sur la table à coups d'amendements, de propositions de loi et de commissions d'enquête. Que vous soyez lassé n'y change rien : nous n'abandonnerons pas tant que le dispositif n'aura pas évolué et que d'autres solutions concrètes n'auront pas été trouvées.
Alors que le Gouvernement répète à l'envi son attachement à la coconstruction, ce n'est pas le choix qui a été fait pour nos territoires. Nous avions demandé à participer à l'Oudinot de la vie chère, mais nous n'avons été conviés qu'à la restitution des travaux. Monsieur le ministre délégué, êtes-vous prêt à entendre nos propositions pour répondre à la véritable urgence sociale en outre-mer, celle de la hausse des prix des biens de première nécessité, des loyers, de la téléphonie, de l'eau et de l'électricité ?
Mêmes mouvements.
Je me catapulte effectivement pour vous répondre, madame la députée, que la vie chère et le pouvoir d'achat sont pour nous, comme pour vous, une préoccupation constante. À ce titre – vous l'avez rappelé –, nous avons lancé avec Gérald Darmanin, lors d'un premier déplacement à La Réunion, l'Oudinot de la vie chère, que j'ai conclu en décembre de manière insatisfaisante certes, mais progressive.
Je me permets de vous rappeler les principaux résultats obtenus : une stabilisation des prix du BQP, voire une diminution sensible dans certains territoires. C'est une réalité. Le BQP a été élargi à de nouveaux produits correspondant mieux aux habitudes de consommation locale, et le nombre de distributeurs a été sensiblement augmenté. Il était très important de le faire, dans tous les territoires. Nouveauté de ce panier élargi du bouclier qualité prix : des produits de bricolage, c'est vrai, mais aussi multimédia, ainsi que des services automobiles et des forfaits téléphoniques…
…font l'objet d'accords de modération des prix dans presque tous les territoires, sauf à La Réunion.
Puis-je répondre ?
Il est vrai que dans le cas de La Réunion, ces prix n'ont pas été intégrés officiellement dans l'accord de modération des prix. Je note néanmoins que le panier du BQP est le plus étoffé des boucliers de tout l'outre-mer.
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Permettez-moi de rappeler à la représentation nationale qu'en matière de pouvoir d'achat, la politique du Gouvernement a fait preuve de son efficacité. En janvier, l'inflation sur un an s'est établie à 3.9 % à La Réunion contre 6 % en métropole. Je suis fier de vous annoncer que le prix du carburant y est plus faible que dans l'Hexagone.
En avril, le prix du gazole était de 1,40 euro par litre et celui du sans-plomb, de 1,74 euro. La hausse du prix de l'électricité a été limitée à 15 % par décision de la Première ministre et celle des loyers sociaux à 2,5 %. Aujourd'hui, pour répondre à votre question, madame Lebon, les préfets conduisent des négociations en vue d'une…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre délégué, 153 produits, ce n'est pas 250 ou 300 comme vous l'aviez annoncé en août dernier.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Les personnels suspendus soumis à l'obligation vaccinale contre la covid-19 vivent depuis septembre 2021 sous ce statut inique, créé par Élisabeth Borne. Après avoir encensé ceux qui se sont courageusement mobilisés pendant la période de l'épidémie, vous avez mis au ban de la société des milliers de soignants, de militaires et de pompiers, alors que ces professions manquent cruellement d'effectifs.
Ces hommes et ces femmes que vous laissez mourir à petit feu avec leurs familles sont les martyrs de ce macronisme autoritaire qui broie les Français. Les conséquences de cette obligation vont bien au-delà des chiffres que vous avancez de façon mensongère, dans une volonté de minimiser l'impact de cette mesure en n'évoquant que quelques milliers de personnes. Combien de personnes ont pris leur retraite anticipée ? Combien ont refusé le renouvellement d'un contrat ? Combien ont démissionné ? Combien ont été licenciées ? Combien se sont reconverties ? Combien se sont détournées de leur vocation ? Les agences régionales de santé (ARS) que nous interrogeons refusent de nous répondre.
Nombre d'établissements de santé me rapportent leurs difficultés à recruter, pointant le frein que constitue cette obligation. Dans ma conscription, à Portel-des-Corbières, l'obligation vaccinale prive un village entier de son dernier médecin. Ce praticien a préféré partir exercer en Espagne, pays qui n'a jamais imposé d'obligation vaccinale, à l'image de nombreux autres pays d'Europe. Les autres ont mis fin à l'obligation depuis des mois.
La France d'Emmanuel Macron est le dernier pays à s'enfermer dans son narratif, malgré le recul scientifique et le déclin de la maladie. Le Rassemblement national s'est toujours opposé à l'obligation vaccinale.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Notre groupe est le seul à avoir déposé une proposition de loi visant à réintégrer sans condition les personnels suspendus et à les indemniser. Le Gouvernement et certains groupes d'opposition l'ont bloquée.
Monsieur le ministre de la santé, maintenant que la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu son avis et préconisé la levée de l'obligation vaccinale, quand allez-vous réintégrer et indemniser les personnels suspendus ? Chaque jour de suspension est un jour de trop !
Applaudissements sur les bancs du RN.
Je constate, malheureusement, que lorsqu'il s'agit de faire des raccourcis historiques, les deux extrêmes se rejoignent !
Signes d'approbation sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au risque de me répéter et de donner une lecture plus détaillée que la vôtre de l'avis de la HAS – instance que nous avons toujours suivie depuis le début de la crise –, je rappellerai qu'il y est précisé que la vaccination, et celle des soignants, a sauvé des vies. Vous avez parlé de martyrs, monsieur le député. Les martyrs, ce sont les personnes qui sont décédées du covid.
Les martyrs, ce sont les personnes qui souffrent d'un covid long et qui n'arrivent plus à vivre correctement. Les martyrs, ce sont les soignants qui étaient en première ligne…
…et qui présentent aujourd'hui des troubles parce qu'ils se sont épuisés à la tâche, pendant que d'autres décidaient de ne pas se faire vacciner et n'étaient donc plus dans l'hôpital. Alors, s'il vous plaît, faites preuve d'humilité lorsque vous parlez de martyrs !
Comme vous le savez, j'y étais ; d'autres soignants y étaient.
Nous, nous savons de quoi nous parlons.
La réintégration des soignants, stricto sensu, ne figure pas dans l'avis de la HAS. Mais elle coule de source et la loi sera appliquée. Cette réintégration devra se faire dans les meilleures conditions pour ne pas provoquer une nouvelle crise. En effet, de très nombreux soignants – beaucoup me l'ont écrit – ne veulent pas voir revenir ces personnes ; ils considèrent qu'elles ont abandonné le front, et les autres.
La discussion sur la vaccination n'est pas terminée. La HAS recommande fortement d'autres vaccinations et l'avis du Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) va aussi dans ce sens. Le débat n'est pas fini, mais, s'il vous plaît, utilisez les bons mots !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Philippe Berta applaudit également.
Vous êtes incapables de toute remise en question. Emmanuel Macron et le Gouvernement ont saccagé la vie de milliers de Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame Firmin Le Bodo, vous étiez présente hier à l'Élysée, en compagnie d'Olivier Véran et de François Braun, pour assister à la restitution des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie ; vous avez entendu les conclusions qu'en a tirées le Président de la République.
Permettez-moi de commencer par saluer cette démarche innovante : la démocratie délibérative prend place aux côtés de la démocratie représentative, les conventions préparant, en quelque sorte, les travaux parlementaires. C'est le sens de la déclaration du Président de la République, qui invite le Gouvernement et une délégation de parlementaires à préparer une nouvelle loi.
Une loi de plus pour un droit de plus, destinée à ceux qui veulent mettre fin dignement à leur vie, lorsque leur situation répond à des conditions que la délibération permettra de préciser : volonté, discernement, état de santé, pronostic et, bien sûr, souffrances réfractaires.
Le premier pilier de la restitution rejoint les travaux de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui s'est achevée la semaine dernière. Notre constat est clair : l'offre de soins palliatifs est inégale et insuffisante sur l'ensemble du territoire. Pour parvenir à un diagnostic lucide de la situation, il faut regarder ce qui a été fait et ce qu'il reste à faire dans le domaine de la formation et de l'appui aux équipes de soins palliatifs, qu'elles soient fixes ou mobiles.
Quel sens voulez-vous donner au plan national décennal de prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Après que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a indiqué, dans son avis, que la loi Claeys-Leonetti ne répondait pas à toutes les situations, le Président de la République a annoncé, le 13 septembre, qu'il souhaitait rouvrir le débat sur la fin de vie – comme il s'y était d'ailleurs engagé lors de la campagne. Le 9 décembre, la Première ministre lançait la Convention citoyenne : 184 citoyens, tirés au sort, ont travaillé jusqu'au 2 avril.
De façon simultanée, l'Assemblée nationale s'est emparée du sujet. Une mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 a été créée. Je salue son président, Olivier Falorni, et ses rapporteurs, Didier Martin et Caroline Fiat, qui ont mené ce travail nécessaire.
De son côté, le Gouvernement a réuni une commission transpartisane, composée de parlementaires, de soignants et d'usagers. Elle s'est rendue à l'étranger pour observer ce qui se fait ailleurs, notamment en Europe.
Hier, le Président de la République a lancé l'acte II de cette réflexion, en souhaitant l'ouvrir sur l'accompagnement de la fin de vie plutôt que de la limiter à la fin de vie en tant que telle. Il existe une volonté commune d'avancer sur les soins palliatifs et de travailler à une stratégie décennale. Celle-ci devra intégrer plusieurs obligations : aller vers une égalité d'accès ; développer le maintien à domicile avec le concours des Ehpad, des établissements médico-sociaux et des soins palliatifs pédiatriques. Cela implique de former nos concitoyens.
Le Président de la République a aussi ouvert la porte à un texte de loi, réclamé par les 184 citoyens, coconstruit avec les parlementaires et les soignants, sur l'aide active à mourir. Enfin, il nous faudra travailler sur l'accompagnement du deuil.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. –MM. Olivier Falorni et Joël Giraud applaudissent également.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a annoncé, le 15 février, l'interdiction du S-métolachlore, un herbicide très utilisé sur les cultures de maïs, de tournesol et de soja, responsable d'une vaste contamination des nappes phréatiques en France. Précisons qu'en juin 2022, le S-métolachlore a été classé comme produit cancérogène suspecté.
Vous l'aurez tous compris, ce produit est mauvais pour la santé. C'est une bonne chose que d'en interdire l'usage d'autant que, selon un article du Monde paru en 2021, le robinet de 12 millions de Français de métropole était alimenté par une eau non conforme, en raison de sa teneur en pesticides.
Monsieur le ministre de l'agriculture, vous venez pourtant de demander à l'Anses de revenir sur l'interdiction du S-métolachlore. Cette demande nous paraît hallucinante.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
D'abord, parce qu'elle contrevient aux objectifs affichés de réduction des pesticides dans notre agriculture. Ensuite, parce qu'elle démontre un mépris insupportable pour la santé des Français. Enfin, parce qu'il s'agit d'une remise en cause inacceptable de l'indépendance de l'Anses. Je mentirais…
…si je disais que votre position me surprend, monsieur Fesneau. Comme député, vous avez voté contre l'interdiction du glyphosate ; comme ministre, vous avez voulu prolonger les néonicotinoïdes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous persistez dans votre soutien à l'agriculture intensive et au lobby agro-industriel. D'ailleurs, vous avez formulé votre demande de maintien du S-métolachlore devant le congrès de la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, à laquelle vous avez, une fois de plus, voulu faire plaisir.
Mêmes mouvements.
Des esprits taquins ont coutume de dire qu'en France, c'est la FNSEA qui dirige le ministère de l'agriculture. Pourriez-vous nous prouver que ce n'est pas le cas ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur Caron, avec le sens de la nuance qui vous est mondialement reconnu, vous m'interrogez sur le S-métolachlore.
Permettez-moi d'abord de vous redonner les objectifs du Gouvernement, ceux de la Première ministre, du ministre de la santé, du ministre de la transition écologique et du ministre de l'agriculture : nous voulons réduire l'usage des produits phytosanitaires. C'est le premier élément de la stratégie. Une partie du chemin a été parcourue puisque l'usage des molécules classées CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) a déjà été réduit de 80 à 85 %. Vous devriez l'avoir à l'esprit.
Il faut, par ailleurs, agir en Européens. On ne peut pas passer son temps, y compris dans cette assemblée, à parler de surtransposition et, lorsqu'il y a manifestement surtransposition, ne pas mettre le sujet sur la table.
Enfin, il faut essayer de construire des options alternatives.
Vous pensez que les interdictions produisent des solutions. Pour ma part, je pense qu'on a besoin, lorsqu'on s'interroge sur une molécule, de construire ensemble des solutions de substitution. Ne vous en déplaise, nous avons besoin de travailler avec la recherche sur ces éléments-là.
M. Didier Le Gac applaudit.
Alors, quel crime ai-je commis ? Personne ne peut me reprocher de remettre en cause les avis de l'Anses – contrairement à vous, d'ailleurs. Je n'ai pas contesté la décision, mais son articulation avec le calendrier européen. N'y a-t-il pas lieu de s'y conformer, par souci de cohérence ? Je sais que vous avez du mal avec ces éléments.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lisez les courriers, monsieur Caron. Je n'ai pas du tout remis en cause la décision de l'Anses, je me suis simplement demandé s'il ne fallait pas considérer la question sous l'angle de la cohérence du calendrier. D'ailleurs, l'Anses donne plusieurs mois pour sortir de l'usage de cette molécule : c'est dire si la question du calendrier peut être versée au débat.
Je sais, monsieur Caron, que vous avez du mal à vous interroger lorsque vous posez des questions, et à faire autre chose que nourrir des querelles. Nous, nous avançons sur la trajectoire de réduction de l'usage des produits phytosanitaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
Monsieur le ministre de la souveraineté industrielle et numérique, je souhaite vous interroger sur la montée en puissance de l'intelligence artificielle (IA).
Les évolutions des dernières semaines sont particulièrement impressionnantes. Une équipe de chercheurs de Stanford a récemment annoncé être en mesure d'entraîner un modèle équivalent au célèbre ChatGPT-3, avec un budget de seulement 600 dollars. Plusieurs publications laissent penser que nous approchons d'une intelligence artificielle « forte », capable de comprendre toute tâche intellectuelle qu'un être humain peut accomplir.
Ces développements soulignent l'importance de se doter d'une stratégie nationale pour assurer notre souveraineté et garantir que la France soit compétitive sur la scène internationale. Ma question est la suivante : existe-t-il une stratégie gouvernementale pour faire face à ces défis, notamment en matière d'investissement, de recherche et de formation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Vous avez raison de dire que l'intelligence artificielle recèle de grandes promesses et accomplit de grands progrès. Je pense en particulier à la médecine : l'IA sauve déjà des vies en permettant de détecter des cancers très précocement ou de trouver bien plus vite des traitements ou des vaccins – ce fut le cas pour la covid-19.
Mais pour que cette technologie reste au service de l'humain, au service des Français, il faut, plutôt que de la subir, la maîtriser. Il faut créer un cadre de confiance dans lequel ces innovations puissent se développer.
Dans ce but, le Président de la République a lancé en 2018 une stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, inspirée du rapport de Cédric Villani. Dotée de 1,5 milliard d'euros, elle a notamment permis la création de quatre instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, à Nice, Grenoble, Toulouse et Paris. Elle a d'ores et déjà produit des résultats puisque, dans le domaine de l'intelligence artificielle, nous avons enregistré 500 doctorants de plus et un doublement du nombre de diplômés, et que nous avons désormais 190 chaires universitaires et 600 entreprises innovantes qui s'y consacrent.
Cette stratégie a été renouvelée en 2021, dans le cadre du plan d'investissement France 2030, et nous veillons avec Bruno Le Maire et Sylvie Retailleau à ce qu'elle tienne compte des dernières évolutions.
Vous le voyez, monsieur le député, sous l'autorité de la Première ministre, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que la France reste souveraine dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Monsieur le ministre délégué, vous venez de répondre au cinq cent soixante-dix-huitième député puisque la question que je vous ai posée a été entièrement rédigée par ChatGPT.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous noterez que le robot qui vient de vous interroger n'a pas soulevé les questions liées à la sécurité, à la liberté, à la démocratie ou aux menaces pour notre civilisation.
Mêmes mouvements.
Or les véritables enjeux sont précisément ceux que le robot contourne. Si vous voulez vous différencier de lui, ne contournez pas les réponses, monsieur le ministre délégué. Il y a urgence. La recherche est aux mains de groupes privés qui n'ont aucun intérêt à ralentir leur course folle, et la pause réclamée par certains leaders de la tech est absolument illusoire. L'Union européenne a lancé un processus législatif trop long et trop lent.
La France doit exhorter les grandes démocraties à ouvrir le débat sur les transformations économiques et sociales qu'on peut redouter et à construire très vite une autorité de régulation. La France doit dire qu'elle ne placera jamais son destin technologique au-dessus de considérations vitales et universelles. La France doit réaffirmer que notre société n'a d'avenir que dans l'humanisme et la liberté ; elle est vulnérable et il importe de la protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le député, ne perdez pas espoir dans l'intelligence humaine : j'avais anticipé la suite de votre question et je peux vous dire que l'Europe sera bientôt la première démocratie du monde à installer un cadre pour l'intelligence artificielle, qui précisera les usages pour lesquels elle sera interdite,…
…ceux pour lesquels elle sera conditionnée à des déclarations de transparence et à la réalisation d'audits et ceux, enfin, pour lesquels elle sera autorisée. La France a veillé à ce que l'innovation puisse se développer dans un cadre de confiance.
Les nouvelles mobilités sont au cœur de la révolution des transports au sein de nos villes. Les trottinettes électriques ont ainsi connu dans notre pays un développement exponentiel, avec près de 2,5 millions d'utilisateurs et plus de 100 000 trajets par jour pour celles qui sont en libre-service. Cet essor a eu un caractère bien souvent chaotique, que nous avons régulièrement dénoncé avec mes collègues députés parisiens du groupe Renaissance.
Toutefois, plutôt que de remplir son rôle de régulateur, la Ville de Paris a organisé dimanche un scrutin bancal autour d'une question binaire, sans aucune campagne officielle.
M. Pierre Cordier s'exclame.
Il n'y a eu ni vote en ligne ni possibilité de procuration et très peu de bureaux de vote ont été ouverts. Le constat est là : avec seulement 7,4 % de votants, ce scrutin est un fiasco. Et après cela, la maire de Paris ose parler de « victoire de la démocratie » !
Au total, 91 300 personnes se sont prononcées contre. C'est sûr, c'est toujours plus que le nombre de Parisiens ayant voté pour elle à l'élection présidentielle – seulement 23 000.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je pense aux jeunes Parisiens qui sont les grands perdants de cette votation à travers laquelle il a été décidé d'opposer une génération à une autre.
C'est une défaite de la politique de la ville : les trottinettes électriques resteront autorisées mais ne seront accessibles qu'à ceux qui ont les moyens d'en acheter une.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À la réflexion, ce sont tous les Parisiens qui sortent perdants de ce scrutin : non seulement ils ne pourront plus utiliser les trottinettes en libre-service mais ils gardent Anne Hidalgo comme maire.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre délégué, quels sont les grands axes de votre politique ? Comment entendez-vous mieux réguler ces nouvelles mobilités sans pour autant les interdire purement et simplement, comme Paris vient de le faire ? Tel est l'objectif qui doit nous guider : réguler en laissant de la liberté pour le plus grand bénéfice des usagers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Comme vous, je regrette que la Ville de Paris s'enferme dans l'échec. Échec du scrutin d'abord : quand seulement 7,45 % des électeurs se déplacent, soit moins d'un Parisien sur vingt, on ne peut pas vraiment parler de triomphe populaire, à moins de vivre dans une réalité parallèle. Échec sur le fond aussi quand nous voyons la ville, qui a déployé sur son territoire 15 000 trottinettes en libre-service, faire endosser son échec à réguler leur usage aux Parisiennes et aux Parisiens.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cet échec ne peut que me préoccuper car, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques, nous devons mobiliser tous nos modes de transport. Nous ne pouvons nous permettre le luxe d'en exclure certains. Nous manquons déjà à Paris et en Île-de-France de vélos en libre-service et nous aurions eu bien besoin de ces 15 000 engins électriques, qui sont écologiques.
C'est d'autant plus dommage que ce ne sont pas les trottinettes elles-mêmes qui sont interdites mais seulement celles qui sont en libre-service, comme vous l'avez souligné. Celles qui appartiennent aux particuliers, plus coûteuses, moins protectrices et moins régulées, seront toujours autorisées à circuler et pourront se déployer, voire pulluler, sur les trottoirs de nos villes.
J'ai présenté un plan d'action pour aider les collectivités à mieux réguler l'usage des trottinettes. Il n'y a pas que Paris et je me félicite de constater qu'une immense majorité de villes de France, plus de deux cents, autorisent les trottinettes en libre-service et savent réguler leur usage, quelle que soit leur sensibilité politique, villes écologistes comprises, preuve que cela est possible.
Ce plan national d'action pour mieux réguler les trottinettes électriques, lancé dans le prolongement de la loi d'orientation des mobilités, nous permet de renforcer notre action : en relevant l'âge minimum d'utilisation de 12 à 14 ans, en le vérifiant systématiquement,…
…en renforçant, en coordination avec le ministre de l'intérieur, le niveau des contraventions pour les comportements dangereux, notamment le fait de se tenir à deux sur une trottinette, en obligeant les opérateurs à prendre des engagements écologiques.
Nous pouvons, comme le font toutes les capitales européennes et l'immense majorité des villes de France, avancer, protéger, réguler. Je crois que c'est ainsi qu'il faut agir quand on est responsable politique et je continuerai en ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre du travail, chez plusieurs de nos voisins européens, l'heure est à la réduction du temps de travail car c'est le sens de l'histoire.
L'Islande, le Royaume-Uni, la Belgique et l'Espagne ont ainsi instauré ou testé avec succès la semaine de quatre jours.
Le magazine Forbes, qui peut difficilement être qualifié de journal d'extrême gauche, qualifie l'expérimentation de la semaine de quatre jours aux Royaume Uni de « réussite ».
Vous assumez d'aller à rebours de l'histoire avec une réforme des retraites purement paramétrique qui va pénaliser les travailleurs les plus en difficulté et les femmes alors que vous auriez pu faire le choix de mettre à contribution les plus aisés. Depuis des semaines, vous avez contourné les débats, en utilisant toutes les procédures empêchant les parlementaires d'examiner ce texte convenablement…
…jusqu'à l'ultime recours au 49.3, motivé par votre peur de perdre lors du vote final à l'Assemblée nationale.
La grande majorité des Français interrogés, toutes classes d'âge confondues, le disent très clairement : le pays n'est pas prêt à passer à autre chose, comme si de rien n'était.
La réalité, c'est que vous avez réussi à faire d'une crise sociale une crise politique, une crise de régime. La légitimité morale et sociale, vous ne l'avez plus. Celle-ci ne peut s'obtenir contre le peuple dans une république sociale comme la nôtre. Votre entêtement à faire passer cette réforme, j'oserais dire « quoi qu'il en coûte », contre l'avis des économistes, contre l'avis du Conseil d'orientation des retraites (COR), contre l'intersyndicale, contre les parlementaires et in fine contre les Français, a déclenché une mobilisation sociale massive, la plus forte jamais vue depuis des décennies, menant le pays à l'impasse.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : pensez-vous que l'on peut gouverner contre la majorité des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Madame la députée, selon vous, la logique voudrait que nous allions vers une diminution du temps de travail. Je serai très clair : le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur la durée légale du travail, ni dans un sens ni dans l'autre. Il nous faut préserver le cadre du temps de travail, tel qu'il a été aménagé au début des années 2000, avec la possibilité donnée, entreprise par entreprise, de procéder à des ajustements en fixant tel rythme et telle organisation du temps de travail, avec aussi la possibilité pour les salariés, que nous avons rétablie en 2017, de bénéficier d'une rémunération exonérée de cotisations et d'impôt pour les heures travaillées au-delà de la durée légale.
Vous affirmez que de nombreux pays européens auraient procédé à une réduction du temps de travail. Il faut savoir qu'ils ne sont pas encore au niveau de la France où la durée annuelle effective moyenne de travail est, après la Suède, la plus faible d'Europe : 1680 heures contre 1850 à l'échelle européenne.
Sur ce point, il est certain que nous avons une différence d'appréciation. Nous considérons que l'une des réponses à apporter au déficit de notre système de retraite consiste à être plus nombreux à travailler mais aussi à travailler plus à l'échelle d'une vie. Nous estimons simplement que pour qu'il y ait redistribution, il faut qu'il y ait production. Il n'est pas possible de financer notre modèle social si nous ne produisons pas des richesses.
Pour cela, nous devons collectivement travailler plus. Travailler plus, ce n'est pas nécessairement travailler plus longtemps à l'échelle d'une semaine, c'est travailler un peu plus longtemps à l'échelle d'une vie. C'est surtout, je le répète, être plus nombreux à travailler afin de mieux équilibrer notre système.
Vous affirmez ne pas vouloir toucher au temps de travail et pourtant, vous ajoutez deux années de temps de travail aux Français, qui devront désormais cotiser 43 ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Le groupe Orpea est dans la tourmente depuis la parution du livre Les Fossoyeurs, qui a révélé l'insupportable maltraitance systémique exercée sur nos aînés. Cette entreprise cotée en Bourse, dramatiquement endettée, va restructurer son capital et sa dette. Cette société privée, à capitaux privés, à endettement privé, va pourtant faire appel à de l'argent public pour se refinancer au détriment de ses actionnaires et de ses créanciers. Comment ? En détournant les dispositions de la nouvelle législation en matière de sauvegarde.
En amont de la restructuration, Orpea a suscité un déséquilibre entre les créanciers afin de sécuriser uniquement les dettes des banques françaises, ce qui lui a permis de créer une classe de créanciers privilégiés et de s'affranchir définitivement des droits de vote des petits actionnaires et créanciers non sécurisés, qui détiennent pourtant 85 % de son capital.
La triste réalité, c'est que la Caisse des dépôts, qui n'est pas actionnaire du groupe, va pouvoir acheter 50,2 % des titres à moins de 3 % du prix du cours et 70 % moins cher que les actionnaires, qui ont pourtant un droit de souscription privilégié, et tout cela sans que se tienne la moindre assemblée générale.
Le Gouvernement cautionne-t-il ce montage qui spolie les actionnaires et créanciers d'Orpea de leur patrimoine au profit de la Caisse des dépôts ? Accepte-t-il que cette dernière s'arroge plus de 50 % du capital d'une entreprise cotée en Bourse à Paris, sans avoir à lancer d'offre publique d'achat (OPA) ? A-t-il conscience que ce montage contestable va affecter irrévocablement le marché de la dette française ? Enfin, tolère-t-il qu'aucune assemblée générale ne soit convoquée, alors qu'elle aurait permis aux millions de petits porteurs, qui sont les véritables détenteurs d'Orpea, de s'exprimer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je ne suis ni ministre de l'économie comme Bruno Le Maire, ni ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées comme Jean-Christophe Combe, qui a lancé la Fabrique du bien vieillir dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) mais je vais m'efforcer de vous répondre, peut-être pas sur les petits porteurs mais de manière plus générale sur notre approche concernant Orpea.
Les révélations autour de ce groupe ont suscité une grande défiance parmi les familles et les personnes âgées hébergées dans les établissements de ce groupe. Il fallait redonner de la confiance, ce qui passait par les transformations actionnariales effectuées sous l'égide de la Caisse des dépôts.
Désormais, l'État a un droit de regard ; qui pourrait nous le reprocher après le scandale qui a créé un tel électrochoc dans notre société ?
Je l'ai entendue, madame. Il fallait donc rassurer les Français, rassurer les familles, rassurer les personnes âgées et leur redonner confiance dans les Ehpad. Les restructurations récentes y ont contribué : la Caisse des dépôts, les mutuelles et les assurances pourront désormais être actionnaires du groupe. Je vous rappelle que l'action Orpea avait chuté brutalement, ce qui avait mis en grand danger les personnels travaillant dans ses structures.
Nous allons poursuivre dans cette voie et approfondir l'évaluation de tous les Ehpad – travail dont nous aurons les résultats d'ici à 2024. Cela contribuera à redonner confiance aux Français dans le système de prise en charge des personnes dépendantes.
Je suis désolée, madame la ministre déléguée, mais vous n'avez rassuré personne, puisque vous n'avez absolument pas répondu à ma question !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Valérie Rabault.
Nous en arrivons enfin au vote solennel de cette proposition de loi que j'ai qualifiée de « PPL CNews » : une proposition de loi honteuse, élaborée en réaction aux 170 cas seulement de squats en France, que la droite et l'extrême droite récupèrent pour stigmatiser les plus pauvres et les étrangers.
Je le demande donc une énième fois : comment avons-nous pu en arriver là ? Comment un Président de la République, élu sous la bannière du progressisme et qui promettait en 2017 qu'il n'y aurait bientôt plus personne à la rue, peut-il aujourd'hui préférer criminaliser la pauvreté plutôt que de chercher à l'éradiquer ? Comment une majorité comme la vôtre peut-elle en arriver à s'allier à la droite et au Rassemblement national, pour voter un texte si indigne et préoccupant pour le droit au logement, alors que 4 millions de personnes sont mal logées dans notre pays ? Preuve, s'il en fallait une, que vous tenez désormais cette fameuse majorité derrière laquelle votre Première ministre court !
Nous devons donc nous prononcer sur votre terrible loi, seulement trois jours après la fin de la trêve hivernale, échéance bien choisie pour permettre à nouveau d'expulser les locataires poursuivis pour loyers impayés – c'est d'ailleurs déjà ce qui se passe sur le terrain, les bailleurs anticipant l'adoption du texte. Je voudrais rappeler à toutes celles et ceux qui s'apprêtent à l'adopter que la minorité présidentielle était prête à envoyer en prison les personnes incapables de payer leurs loyers. Pour que cette disposition soit supprimée, il a fallu que le Sénat, dont la majorité est à droite, revienne, grâce aux écologistes, sur votre volonté de sanctionner d'une peine de six mois de prison des locataires occupant un logement alors qu'ils sont en situation de loyer impayé. Néanmoins, vous avez eu la main très lourde envers ceux que vous nommez les squatteurs, qui seront désormais passibles de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Rappelons à cet égard qu'une femme qui s'abriterait avec ses enfants dans un garage ou un local commercial inoccupé entre dans cette définition et risque jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Je vous le dis tout net : c'est tout simplement répugnant !
Pourtant, il y aurait tant à faire en faveur du logement dans notre pays ! Je n'arrive toujours pas à comprendre que votre priorité numéro un, le premier texte que vous déposez sur le sujet, soit une loi qui vise à défendre les multipropriétaires. Dans son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre a recensé 4 millions de personnes en situation de mal-logement et 300 000 personnes sans domicile fixe. Elle est d'ailleurs opposée à ce texte. En effet, monsieur le rapporteur, les groupes Écologiste et La France insoumise ne sont pas les seuls à y être hostiles : toutes les associations qui viennent en aide aux mal-logés le sont.
Votre proposition de loi s'inscrit dans une série d'attaques menées contre le droit au logement depuis des années et dans un contexte où la production annuelle de logements sociaux, sous la présidence d'Emmanuel Macron, s'est effondrée : alors qu'elle s'établissait à 123 000 logements en 2016, 95 000 seulement sont construits chaque année depuis la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Mais que faites-vous ? Vous mettez à la rue des personnes en situation de précarité extrême, en raccourcissant les délais pour régler des loyers impayés de deux mois à six semaines, après passage d'un huissier.
Je le demande donc de nouveau : comment pouvez-vous avoir fait de cette proposition de loi votre priorité, alors que 1 600 enfants ont été contraints de dormir dans la rue cet hiver, faute d'avoir trouvé une place dans un hébergement d'urgence ?
Mes chers collègues, votre proposition de loi ne masquera pas l'échec du Président de la République en matière de logement depuis son arrivée au pouvoir : un échec pour loger, pour reloger mais aussi pour rénover. Je le dis avec d'autant plus de force que, dans ma circonscription, 8 100 logements sont étiquetés comme étant des passoires énergétiques. J'ai récemment organisé une réunion publique sur le mal-logement à Cergy : nous sommes face à une véritable bombe à retardement. Soyez-en certains, le flop du dispositif MaPrimeRénov', dont moins de 50 000 ont été distribuées, ne pourra être masqué par votre proposition de loi.
Votre échec est partout ! Vous chassez les loyers impayés alors qu'il faudrait commencer par mieux les encadrer : samedi dernier, 3 500 personnes ont manifesté à Bayonne contre la spéculation immobilière et pour un encadrement des loyers.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Comme le rapporte le média Reporterre : « À Saint-Jean-de-Luz ou Biarritz, [les prix des logements] atteignent des sommets, frôlant parfois les 8 000 ou 10 000 euros le [mètre carré]. » On peut également lire dans cet article que « [d]es agents de l'hôpital de Bayonne dorment dans leurs voitures sur le parking de l'établissement faute de pouvoir accéder à un logement. » Mais quelle est votre priorité ? Mettre en place une clause de résiliation de plein droit, que le propriétaire pourra activer sans avoir à engager une action en justice. Vraiment, vous êtes désespérants !
La France ne s'honore pas ces temps-ci et le monde nous regarde. Après que l'ONU a rappelé notre pays à l'ordre sur les violences policières, le rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable et le rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté des Nations unies vous ont adressé un courrier exprimant leur inquiétude face à la présente proposition de loi. Ils vous alertent « sur la régression que constitue [votre] proposition de loi et sur le risque qu'elle conduise la France à violer ses engagements internationaux ».
« Gouverner, c'est d'abord loger son peuple ». Souvent répétés, ces mots de l'abbé Pierre sont plus que jamais d'actualité. Pourtant, plutôt que loger, vous préférez réprimer.
Avec votre proposition de loi, vous vous contentez de mettre sous le tapis les vrais enjeux du logement. Nous, écologistes, préférerions nous attaquer au problème à la racine en proposant, par exemple, une garantie universelle des loyers. C'est une question de droit et de dignité.
Chers collègues des groupes de la majorité, des Républicains et du Rassemblement national, qui vous apprêtez à voter cette loi, je vous le dis simplement : la priorité, en matière de logement, était vraiment ailleurs. Ce texte constituera pourtant, monsieur le ministre délégué, l'essentiel de votre bilan, ce qui est totalement révoltant. Voilà pourquoi le groupe Écologiste – NUPES s'y opposera fermement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Régressive. Quel autre mot utiliser pour qualifier la proposition de loi soumise au vote cet après-midi ? Tout au long de son examen, nous n'avons cessé de vous alerter, mais, comme à votre habitude, vous n'entendez pas – pas plus, d'ailleurs que vous n'écoutez –, occupé que vous êtes à nous raconter une fable, une de plus, pour tenir les Français à l'écart de la réalité la plus cruelle : le bilan catastrophique de votre politique du logement.
Jamais aussi peu de logements n'ont été construits dans notre pays, jamais nous n'avons compté un nombre aussi important de mal-logés et de sans-logis, jamais la crise du logement n'a été aussi forte, entraînant une hausse constante de la part du budget des ménages consacrée à ce poste.
Or, loin d'apporter des réponses à cette situation, vous proposez un texte qui, sous prétexte de lutter contre le squat, vise en réalité les personnes qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer. C'est un comble, tout comme le fait que ce soit la droite sénatoriale qui ait tenté de supprimer les aspects les plus extrémistes de votre proposition initiale, davantage marquée du sceau de l'extrême droite que de votre prétendue centralité.
Votre texte vient ainsi rompre avec trente ans d'une politique sociale par laquelle tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont essayé de concilier les droits des propriétaires avec ceux des locataires. En cet instant, j'ai notamment une pensée pour Jean-Louis Borloo. En nous voyant légiférer ainsi, il doit être bien triste, lui qui, lorsqu'il était aux commandes, avait bien compris qu'une autre voie était possible, celle de l'équilibre. Cela passe par la mise en place de protocoles d'accord entre les propriétaires, les locataires et l'État qui permettent, au nom de la cohésion sociale, à un locataire en difficulté de paiement de se maintenir dans son logement tout en garantissant des revenus au propriétaire.
Résumons : votre proposition de loi entraînera un incroyable déséquilibre. À vos yeux, le monde est binaire. Un propriétaire a toujours a priori raison et un locataire a priori tort. Dès lors, vous offrez un immense cadeau aux marchands de sommeil et fragilisez dans le même temps, un peu plus encore, les ménages qui souffrent déjà de la crise du pouvoir d'achat.
En matière de logement, il n'y a pas, d'un côté, les idéologues et, de l'autre, les pragmatiques. Faut-il rappeler que la moitié des membres de votre gouvernement n'ont jamais été élus ni même exercé de responsabilités publiques ? En tant qu'élu local depuis une trentaine d'années, ancré dans mon territoire et dans les quartiers populaires, j'ai une vision pragmatique de la question du logement, ce qui me conduit à rechercher un équilibre entre les droits des propriétaires et ceux des locataires.
Je ne souhaite pas que notre pays soit encore un peu plus fracturé ni que le désordre et la misère s'y installent. Or vos lois volent toujours au secours des possédants et des puissants, et ce texte n'échappe pas à ce principe.
Avec le groupe GDR – NUPES, je vous mets une fois de plus en garde. Cette loi est une honte du point de vue de notre pacte républicain et de sa promesse d'égalité. C'est pourquoi nous voterons évidemment contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La question qui se pose à nous aujourd'hui est celle de la conciliation entre droit de propriété et droit au logement. Nous le savons, la juste mesure entre ces deux droits n'est pas toujours facile à trouver. Souvent, le législateur penche d'un côté ou de l'autre au gré des majorités voire des faits d'actualité, au risque de perdre de vue ce qui devrait lui servir de boussole : la recherche de l'équilibre entre des intérêts qui peuvent parfois sembler contradictoires.
Nous ne pouvons tolérer que certains tirent profit des failles de notre droit pour se maintenir dans des logements qui ne leur appartiennent pas, pas plus que nous ne devons nous résoudre à ce que quatre millions de personnes soient mal logées et 300 000, sans domicile fixe.
Nous partageons votre volonté de défendre les propriétaires. Ceux qui ont investi dans la pierre, au prix parfois d'une vie entière de labeur, ont le droit de bénéficier de leur bien.
Cependant nous regrettons le silence de la majorité sur cet autre sujet central qu'est le mal-logement. Que faites-vous pour ceux qui n'ont pas de chez-soi ? Comment aider ceux qui se retrouvent actuellement pris en étau entre des charges locatives à la hausse et des revenus en berne ? Face aux zones tendues qui se déploient sur de nouveaux territoires et à l'attrition des logements permanents en zone touristique, quelle est votre feuille de route ? Où est passé le choc de l'offre tant promis ? Monsieur le ministre délégué, le manque d'habitations disponibles et abordables se fait de plus en plus criant. La politique du logement se trouve dans une impasse, les Français attendent votre plan d'action pour en sortir.
Revenons au fond de la proposition de loi. Le texte initial semblait à certains égards déconnecté des réalités du terrain, entretenant une confusion dangereuse entre squatteurs et locataires défaillants. Pourtant ces deux situations sont très différentes. Nous ne pouvons mettre dans la même case ceux qui choisissent d'occuper un domicile qui n'est pas le leur et ceux qui cessent de payer parce qu'ils n'ont parfois pas d'autre choix. Fort heureusement, les sénateurs ont opéré un nécessaire travail de clarification. Le locataire qui se maintient dans les lieux après la résiliation de son bail ne sera pas soumis aux mêmes modalités d'expulsion que le squatteur.
Nous ne partagions pas non plus votre volonté de criminaliser certains individus en grande difficulté en créant un délit d'occupation sans droit ni titre. Là encore, la navette parlementaire aura permis d'aboutir à un texte plus équilibré. Le volet relatif aux squatteurs comporte désormais un ensemble de mesures qui visent à combler les lacunes du droit existant et à accroître les sanctions à l'encontre de ceux qui s'approprient des logements. Nous y sommes favorables.
S'agissant des dispositions relatives aux rapports locatifs, des progrès ont été réalisés en matière d'accompagnement social des locataires. Le texte renforce le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions, les CCAPEX. Grâce au chapitre ajouté par le Sénat, elles auront un plus grand pouvoir de décision, par exemple s'agissant du maintien des aides personnelles au logement, les APL.
Nous sommes favorables, en outre, à la transmission systématique, par l'huissier de justice, du commandement de payer à la CCAPEX afin de privilégier la prise en charge, le plus en aval possible, des difficultés du locataire – un premier pas nécessaire pour accompagner ceux qui sont en difficulté. Rappelons toutefois que ces mesures ne pourront être opérationnelles qu'à condition que les services sociaux et les CCAPEX disposent d'effectifs suffisants.
La réduction des délais dans la procédure contentieuse du traitement des impayés de loyer constitue un autre axe de la proposition de loi. Une fois encore, nous redoutons que la volonté d'accélérer ne s'accompagne pas de moyens suffisants pour permettre un accompagnement, en temps et en heure, des locataires en difficulté.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère que ce n'est pas aux petits propriétaires d'endosser les conséquences de la crise du logement et de la politique défaillante du Gouvernement en la matière. Une majorité d'entre nous votera donc en faveur de la proposition de loi, même si d'autres membres du groupe, s'inquiétant que certaines dispositions accroissent les difficultés de locataires paupérisés, choisiront de s'abstenir.
La proposition de loi soumise au vote aujourd'hui grâce au président Guillaume Kasbarian vise à protéger les petits propriétaires contre les squatteurs qui utilisent les failles de notre droit pour s'approprier le bien d'autrui. Elle ne vise pas à rendre plus compliquée la vie des petits locataires en galère passagère – du moins ceux qui sont de bonne foi. Ces derniers sont – et doivent rester – légitimement protégés par notre droit.
Cette proposition de loi ne constitue pas non plus en elle-même notre politique du logement, laquelle s'appuie sur la construction de logements, le développement du logement social, la lutte contre le mal-logement, le développement de l'accès à la propriété et l'accélération de la rénovation énergétique. Pour mener à bien ces chantiers, nous pouvons compter sur un gouvernement – notamment un ministre délégué, que je salue – mobilisé et sur des moyens alloués en augmentation, s'élevant en 2022 à 17 milliards d'euros.
Je m'adresse en particulier aux députés de La France insoumise, qui défendent le squat, qui considèrent que cette pratique peut faire partie d'une politique du logement et qui estiment que donner comme perspective à une personne qui a du mal à se loger l'appropriation du bien d'autrui, par la force ou par la contrainte, peut faire office de politique publique.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On a les indignations qu'on peut ! Vous, cela ne vous pose aucun problème que des gens meurent dans la rue.
En défendant le squat, vous démontrez une fois de plus votre volonté d'inverser les valeurs inscrites dans notre Constitution et dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, toutes les valeurs communes que nous partageons dans notre République.
Lorsque vous défendez les squatteurs face aux petits propriétaires, vous défendez l'inverse de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel, « [l]a propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ».
Lorsque vous défendez les casseurs face aux forces de l'ordre, vous défendez l'inverse de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui consacre la sûreté et la sécurité comme « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ».
…vous défendez l'inverse de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui indique : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».
Mêmes mouvements.
Lorsque vous remettez en cause nos processus institutionnels et le résultat des élections, par la voix de votre chef, M. Mélenchon ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
vous défendez l'inverse de l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Enfin, lorsque vous dressez des listes d'élus à menacer ou à vilipender, vous défendez l'inverse de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En défendant l'inverse de notre socle de valeurs démocratiques et républicaines, vous semez la confusion dans le débat public et dans l'esprit de certains de nos concitoyens. Je crains que vous n'agissiez ainsi pas seulement pour faire le buzz sur les réseaux sociaux, mais aussi pour saper consciemment les fondements de notre système actuel, que vous voulez renverser par vos actions, trop souvent violentes, plutôt que par les urnes, là où votre chef, M. Mélenchon, a échoué trois fois de suite.
C'est la deuxième fois qu'il prononce le nom « Mélenchon », il gagne deux points !
Vous avez tellement honte de votre texte que vous préférez ne pas en parler !
Alors je le dis à nos concitoyens : soyons très attentifs à ce qui se passe ici, à l'extrême gauche comme à l'extrême droite…
…et comptez sur nous pour défendre nos valeurs démocratiques et républicaines en nous exprimant sur le fond des idées, sans hurler ni insulter, sans violence ni appel à la violence,…
…et dans le cadre de nos institutions démocratiques et républicaines.
S'agissant du vote à venir, au groupe Renaissance, nous défendrons le droit de propriété pour tous, car c'est un acquis de notre histoire commune. En l'absence d'un tel droit, tout appartient aux mêmes, c'est-à-dire au tyran ou à une caste de privilégiés, ce qui représente l'exact inverse de nos valeurs démocratiques et républicaines, pour lesquelles nous nous battons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Nous sommes amenés à nous prononcer une deuxième fois sur la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite. Ce texte, considérablement enrichi au cours de nos travaux – nous l'avons dit la semaine dernière –, mais aussi par le Sénat, constitue le début d'une réponse plus qu'attendue par nombre de nos concitoyens au fléau du squat. Nul besoin de rappeler les nombreux faits divers liés à cet acte délictuel particulièrement traumatisant pour les victimes pour mesurer à quel point il est urgent de légiférer en la matière.
Au cours des débats, le groupe Rassemblement national a rappelé son engagement de longue date sur ce sujet, notamment le dépôt d'une proposition de loi par notre présidente Marine Le Pen lors de la précédente législature, en mars 2021. Si les améliorations que nous jugions nécessaires et que nous avons proposé d'adopter ont été rejetées, nous n'en prenons pas ombrage. Aussi, bien que nous puissions pointer des lacunes, notamment quant aux protections apportées aux propriétaires victimes de squat en matière civile, nous ne dérogerons pas à notre cohérence et nous soutiendrons l'adoption de ce texte, perfectible certes, mais nécessaire. Soyez néanmoins certains que nous ne manquerons pas de proposer de nouveau les mesures que nous souhaitions y adjoindre lorsque l'occasion se présentera. En outre, nous saluons les mesures complémentaires prévues, notamment celles visant à aider les locataires en difficulté, car il est évident que la lutte contre le squat ne peut se faire sans de telles dispositions.
Si ce débat a été l'occasion de mettre en avant notre cohérence, il a également une nouvelle fois démontré la dangerosité de l'extrême gauche. En effet, il est révélateur de voir l'extrême gauche NUPES s'opposer fermement à ce texte, elle qui préfère toujours le délinquant à la victime ,
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
qui hait les propriétaires et qui, au fond, ne semble pas voir de problème à ce qu'un bien soit spolié, peu importe la méthode.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Comment donc pouvez-vous vous revendiquer sans cesse de la Révolution française et de ses acquis quand vous confortez, dans le même temps, ceux qui mettent à mal le droit de propriété, droit fondamental consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous avons toutes les raisons de rappeler que votre républicanisme n'est qu'une façade, et les Français le voient jour après jour.
Quoi qu'il en soit, il est certain que les propriétaires victimes de ces occupations illicites – c'est-à-dire, je le rappelle, les petits propriétaires issus de la classe moyenne – accueilleront ce texte avec satisfaction. Pour eux, il était nécessaire de mettre fin au calvaire que représentent les mois, voire les années de procédure pour finalement retrouver leur bien trop souvent fortement dégradé, et sans que la dette locative accumulée ne leur soit, parfois, remboursée. S'il n'est pas acceptable qu'autant de nos compatriotes éprouvent de grandes difficultés à se loger,…
…laisser prospérer le squat n'est pas une solution, contrairement à ce que semble croire l'extrême gauche !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Mes chers collègues, nous l'avons rappelé : le droit de propriété est un droit fondamental…
…et, de ce fait, il mérite que lui soient apportées toutes les garanties nécessaires et que toute la force de la loi le protège. Ainsi, comme toujours, lorsqu'il s'agit de défendre les libertés et les droits fondamentaux, les élus du Rassemblement national répondront présents, et voteront donc en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La violence : Catherine, 60 ans, à Lille.
La violence : Mohamed, 22 ans, à Paris.
La violence : Charlotte, 33 ans, à Orléans.
La violence de votre monde, celui où vous versez plus de larmes devant une poubelle qui brûle que devant les vies qui s'éteignent chaque année dans nos ruelles :
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
623 au moins en 2021, dans un pays qui compte 3 millions de logements vides, 14 millions de personnes touchées par la crise du logement, 330 000 sans-abri, 42 000 enfants SDF.
Face à ce constat, vous auriez pu proposer une loi d'urgence sur le logement avec l'encadrement à la baisse des loyers, la revalorisation des APL, relancer la construction de logements sociaux et l'application de la loi de réquisition : rien de tout cela ! L'histoire retiendra qu'en 2023, quatre jours après la fin de la trêve hivernale, la Macronie et le Rassemblement national réunis vont voter une loi qui va jeter plus de personnes à la rue en accélérant les expulsions locatives.
Mêmes mouvements.
L'histoire retiendra que la première loi sur le logement de votre mandat est une loi d'extrême droite, celle que le Rassemblement national a déposée en 2021 et que vous avez copiée, avec ses principes et ses mesures violentes que vous épousez aujourd'hui. La loi de la jungle, la loi du plus fort.
C'est dingue d'entendre un truc pareil ! C'est vous, la loi de la jungle ! Vous n'avez aucun respect pour la propriété !
Une loi violente pour toutes celles et ceux qui, faute de réponse au 115, n'ont d'autre choix que de se trouver un abri là où ils peuvent. Ils risqueront désormais d'être considérés comme des voleurs et d'écoper jusqu'à deux ans de prison ferme, qu'ils aient occupé un logement vide ou un bureau vide, un garage, une cave ou même un hangar.
En effet, vous avez eu le cynisme d'étendre la notion de domicile à tout et n'importe quoi, pour faire de toute personne en difficulté de logement, y compris des victimes de marchands de sommeil, un criminel potentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une loi violente pour les locataires, qui ne parviennent pas à s'en sortir quand vous diminuez les délais de paiement en pleine période d'inflation et limitez les pouvoirs des juges. Une loi violente également pour les petits propriétaires, à qui vous faites croire qu'elle va résoudre le problème lié à un phénomène marginal – le squat –, alors qu'elle va seulement les plonger dans les méandres du manque de moyens de la justice, que vous entretenez avec votre politique d'austérité. On notera que quand nous avons proposé des mesures plus coercitives visant à contraindre les assurances à rembourser les impayés ou la création de la garantie universelle des loyers, qui permettrait aux propriétaires d'être indemnisés en cas d'impayés, vous avez tous refusé !
Votre but n'est pas de protéger les petits propriétaires, mais les multipropriétaires et le monde de l'assurance privée – toujours les mêmes ! Nous pensons, nous, à toutes ces familles qui se retrouvent devant le stress des factures, des salaires qui stagnent, des frigos vides, des fins de mois qu'on ne peut plus boucler, et qui, avec votre loi, seront plus encore soumises à la pression d'amendes, voire de prison. Nous sommes avec elles. Celles et ceux qui ne sont rien pour la Macronie sont tout pour nous.
Votre loi est si violente que, comme pour la réforme des retraites, vous avez réussi à vous mettre tout le monde à dos : La Défenseure des droits, Amnesty International, le Secours catholique, Droit au logement, CNL – la Confédération nationale du logement –, Unicef, la Fondation Abbé Pierre et aujourd'hui l'ONU !
Mêmes mouvements.
Elle est aussi violente que votre refus d'écouter ces associations et ces ONG, comme les personnes travaillant dans les commissariats d'expulsion, les travailleuses sociales, les magistrats et même les agents de police que vous allez envoyer faire le sale boulot des expulsions à votre place.
Ne vous en déplaise, le logement n'est pas, pour l'immense majorité de la population, un moyen de se faire de l'argent – comme votre philosophie conduit à le penser –, il est le socle d'un ensemble de libertés fondamentales, dont le droit à la vie privée, des droits sociaux et politiques comme le droit de vote, le droit à l'intimité, celui d'avoir un lieu pour soi et ses proches, le droit à la dignité.
C'est à tous ces principes et à tous ces droits que s'attaque votre loi.
Finissons avec les mots de celui qui, ayant toujours combattu l'extrême droite, a dû se retourner entre ses quatre planches plus d'une fois en vous entendant l'imiter. De son vivant d'ailleurs, avec votre loi, il aurait fini entre quatre murs, ceux d'une prison, pour avoir soutenu les sans-abri qui occupaient des bâtiments vides. Bien sûr, il s'agit de l'abbé Pierre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« Il y a une loi avant les lois : pour venir en aide à un humain sans toit, sans pain, privé de soins, il faut braver toutes les lois. » Je suis sûr qu'il aurait bravé celle-ci !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Au moment où nous nous apprêtons à voter la proposition de loi visant à protéger les logements – locaux à usage d'habitation ou à usage économique – contre l'occupation illicite, Les Républicains tiennent à redire qu'ils sont très favorables à ce que l'on légifère sur cette question. Dès 2018, nous nous sommes emparés de ce sujet, que l'actualité alimente régulièrement avec son lot de drames et de situations totalement contraires à l'État de droit, lesquelles, hélas, ne durent que trop, encouragées par des procédures incertaines, dont les squatteurs utilisent toutes les failles, et par des pouvoirs publics démunis ou trop lents.
Les débats ont beaucoup tourné autour de la distinction nécessaire entre squatteurs et locataires, et entre locataires malveillants et locataires démunis. Je pense que les amendements apportés au texte par la majorité sénatoriale et par nos travaux à l'Assemblée ont contribué à clarifier les choses. Je regrette que du côté de La France insoumise ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
nos collègues aient mis en avant une vision totalement manichéenne et forcément déséquilibrée entre propriétaires accusés de tous les maux et locataires ou squatteurs forcément victimes.
Le squat ne peut pas être une solution de logement digne pour les plus démunis. Oui, il faut rappeler que la propriété a une valeur constitutionnelle,…
…que c'est un droit inviolable et sacré, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Vous avez, chers collègues, dans une approche marxiste datée, cherché à assimiler la propriété à du vol, selon la formule bien connue.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour nous, c'est le squat qui est du vol, et si le terme de vol n'a pas été explicitement mentionné dans le texte pour des raisons de légistique, l'idée est bien là.
Dans toutes vos interventions, c'est la figure du multipropriétaire, avide et insensible à la misère, que vous avez cherché à imposer. Rappelons que dans notre pays, la part de propriétaires est de 58 %. Il y a parmi eux des multipropriétaires, cibles de toutes vos attaques – comme si nous n'avions pas besoin, en France, d'investisseurs, particuliers ou non, qui alimentent le marché locatif ! Mais une grande partie des propriétaires sont en réalité modestes et leur investissement est le résultat d'une vie d'efforts et d'économies. Quant au propriétaire marchand de sommeil, cette loi le cible, et c'est bien normal.
Les Républicains ont apporté à ce débat une contribution active et, je crois, déterminante, particulièrement sur la question du squat. Notre assemblée a ainsi donné à la notion de squat une claire définition juridique, à savoir « l'introduction dans un local à usage d'habitation ou à usage économique à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Nous avons soutenu l'alourdissement du quantum de peine à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende pour le squat du domicile – cette mesure figurait aussi dans ma proposition de loi –, ainsi que des propositions utiles visant à faciliter l'expulsion du squatteur, telles que la réduction des délais contentieux dans la voie judiciaire et l'amélioration de la procédure d'évacuation forcée dans la voie administrative. De même, le délit de squat a été élargi aux locaux à usage économique, et le propriétaire a été exonéré des conséquences d'un défaut d'entretien en résultant. Le Sénat a certes affaibli le quantum de peine, le plaçant à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour le squat de locaux à usage d'habitation ou à vocation économique, distingué du squat du logement, considéré comme étant plus grave. Cela me semble discutable, car cela entraîne un effet de bord : le propriétaire qui chercherait à récupérer son bien se verrait davantage pénalisé que le squatteur lui-même, ce qui, vous en conviendrez, est contraire à l'esprit de justice. Le squatteur s'en sortirait mieux que sa victime ! Il n'est à mon sens pas possible d'en rester là. Enfin, le squat s'accompagne presque toujours de dégâts et de dégradations commis pendant l'occupation ou au moment où le squatteur est chassé, et c'est au propriétaire d'en assumer toutes les conséquences financières, parfois très lourdes, tout comme le paiement des charges du local squatté, alors qu'il est privé de son usage. Cette question demeure largement absente de la loi et je le regrette.
Cela étant, nous avons obtenu des avancées indéniables : ce texte porte désormais notre marque, particulièrement en matière de répression du squat. C'est pourquoi le groupe Les Républicains le votera.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » La propriété et la sûreté font partie des droits qui ont été affirmés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme des « droits naturels et imprescriptibles ».
Si nous devons veiller à ce que ce droit soit respecté et appliqué pour chacun de nos concitoyens, il est également de notre rôle de parlementaires d'agir lorsque des principes aussi fondamentaux de notre société sont mis à mal. C'est ce que plusieurs de nos collègues ont fait en proposant, depuis quelques années, de légiférer sur l'occupation illicite des logements, sujet que le président Kasbarian a inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
Aucun d'entre nous ne peut rester insensible face aux récits de propriétaires impuissants, privés de leur logement du jour au lendemain par des inconnus qui ont décidé de s'en emparer.
Dans de nombreux cas, c'est le fruit du travail de toute une vie dont ces Français sont privés. Nous parlons bien ici de squatteurs, et non pas de locataires qui, en raison des difficultés de la vie, ne parviendraient plus à payer leur loyer. Ce sujet est complexe et sensible, tant il affecte des vies et révèle un état de désespoir et d'impuissance, d'un côté comme de l'autre. Par ce texte, vous avez justement souhaité apporter des solutions à cette impuissance : parce qu'un propriétaire dont le logement est squatté ne peut être laissé pour compte pendant près de trois ans ; parce que la procédure judiciaire est trop longue ; parce que les préfets ne prononcent pas une demande d'expulsion administrative, faute de solutions de relogement suffisantes.
Nous considérons que ce texte ne peut être pensé de manière isolée, sans une plus large réflexion autour de l'accès à un logement digne pour tous ; c'est là un travail que nous menons avec mes collègues du groupe Démocrate. L'un des enjeux de la proposition de loi est également de différencier les quelques malheureux cas auxquels nous souhaitons répondre de toutes les autres situations concernant des familles qui doivent être aidées et accompagnées.
Enfin, si la loi doit protéger tout le monde, même lorsque très peu de personnes sont concernées, nous devons veiller à ce qu'elle ne crée pas d'effet de bord. Je pense notamment à l'adoption en commission, en première lecture, d'un amendement portant création d'un délit d'occupation, sans droit ni titre et de mauvaise foi, d'un logement appartenant à un tiers.
M. Julien Dive s'exclame.
Notre groupe s'y était opposé, considérant que la mauvaise foi est une notion floue, non définie en droit pénal, et surtout que cette mesure renversait la charge de la preuve et remettait ainsi en cause la présomption d'innocence ;…
…il s'agissait finalement d'une confusion entre atteinte au droit de propriété et atteinte à la vie privée.
Par cette proposition de loi, nous modifions notre droit pénal ; c'est pourquoi nous devons rester vigilants. De la même manière, certaines dispositions initialement proposées nous paraissaient tout bonnement inopérantes, qu'il s'agisse d'une lourde augmentation des sanctions financières, alors même que la personne est dans l'incapacité de payer un loyer, ou de sanctions injustement disproportionnées, telles qu'une peine de prison pour le maintien dans les lieux d'un locataire sous le coup d'une décision définitive d'expulsion.
Mais la navette parlementaire, notamment grâce au travail des sénateurs, a permis de rééquilibrer les dispositions du texte en y intégrant, comme le souhaitait mon groupe, une juste distinction entre un squatteur et un locataire en difficulté. Ainsi, plusieurs mesures offriront des outils supplémentaires aux propriétaires victimes, tels que le transfert de la responsabilité du propriétaire vers l'occupant sans droit ni titre en cas de dommages résultant d'un défaut d'entretien, ou la pérennisation de l'expérimentation issue de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) pour encourager les occupations intercalaires. Voilà qui permettra d'augmenter la capacité de logements vacants et ainsi de faciliter la prise de décision d'expulsion administrative par les préfets. L'accélération de la procédure judiciaire pour impayés est également la bienvenue, dès lors que le délai d'instruction laissé au préfet pour mettre un squatteur en demeure reste suffisant.
Au vu de toutes ces évolutions, le groupe Démocrate peut désormais apporter son soutien à ce texte et poursuivra son travail en faveur d'un accès pour tous à un logement digne.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
En préambule, je souhaiterais rendre hommage à toutes les femmes et à tous les hommes qui, à travers des associations, des engagements professionnels ou personnels, soutiennent les personnes à la rue, les personnes en difficulté de paiement et les personnes expulsées.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.
La présente proposition de loi est l'assurance de faire peser sur ces hommes et ces femmes un plus grand fardeau, alors même qu'ils indiquent manquer de moyens depuis des années. La France est maillée d'acteurs engagés – experts, volontaires – qui méritent tout notre soutien et notre reconnaissance, et certainement pas notre défiance ni notre aveuglement ! Nous devons être à la hauteur de la crise qui se joue, celle qui affecte plus de 14 millions de personnes en France, celle qui va s'aggraver dans les années à venir, faute de logements disponibles face aux demandes, faute de nouvelles unités construites ou réhabilitées, faute de ménages aux revenus suffisants pour s'offrir un loyer, un emprunt ou un logement décent.
Parallèlement, les réformes de l'assurance chômage, du RSA et des retraites …
Brouhaha
…ainsi que votre refus d'augmenter significativement le Smic alimentent ces situations de fragilité, qui mènent précisément à ce que vous souhaitez combattre : les impayés de loyer et les squats. Vos argumentaires sont truffés d'exemples de petits propriétaires acculés par le coût exorbitant d'un mauvais payeur, de retraités qui ne peuvent récupérer leur maison, ou de résidences squattées et détériorées. Ces situations nous choquent aussi sur les bancs de la gauche, mais ce n'est pas d'elles qu'il s'agit la plupart du temps.
Quel est le pourcentage de propriétaires au pied du mur et celui de locataires de mauvaise foi ? Je vous ai posé plusieurs fois la question en séance, monsieur le rapporteur, sans jamais obtenir de réponse. Ces faits sont minoritaires et votre action s'assoit sur une réalité tronquée, qui fait la part belle aux expérimentations de l'extrême droite. La vérité, c'est que la majorité des situations de squat ne concernent pas le domicile : il s'agit plutôt du squat de structures vacantes, dix fois plus nombreuses que les SDF !
Brouhaha persistant.
S'il vous plaît, chers collègues ! Je vous invite à écouter l'orateur, qui a seul la parole.
La vérité, c'est que cette proposition de loi va concerner principalement les locataires en difficulté de paiement, qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts. L'impact que le texte aura sur les plus précaires sans solutions est tel que l'ensemble des associations, la Défenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et maintenant l'ONU sont défavorables à votre texte !
En effet, combattre les impayés de loyer et les squats par l'augmentation des expulsions, des sanctions financières et la criminalisation des personnes est non seulement inutile, puisqu'un individu insolvable ne le sera pas moins après son expulsion, mais aussi contre-productif, car précariser des publics déjà fragiles ne fera, encore une fois, qu'accentuer ce que vous souhaitez combattre : les squats, les impayés et les occupations d'espaces publics. Par ailleurs, rien ne permettra de restituer le loyer perdu au propriétaire. En alourdissant les dettes locatives, en éloignant la sortie de la précarité pour les ménages fragiles, sans que le propriétaire bailleur lésé n'en retire rien pour lui-même, cette proposition de loi promeut une logique de punition, et non de réparation !
Pourtant, il existe une multitude de solutions pour agir face aux problèmes que vous soulevez. Pour « couper court au mouvement de déport du marché locatif traditionnel vers celui des meublés de tourisme » – ce sont vos mots, monsieur le rapporteur –, vous auriez pu supprimer les niches fiscales incitant à la location de courte durée,…
…vous auriez pu renforcer la lutte contre les pratiques illégales connues, telles que les congés pour vendre abusifs, vous auriez pu donner des outils aux communes pour limiter le déferlement des résidences secondaires. Monsieur le rapporteur, samedi dernier, nous étions 3 500 dans les rues de Bayonne pour dire « Aski ! », c'est-à-dire « Assez ! », et pour défendre le droit au logement pour tous.
Pour diminuer le nombre de loyers impayés, vous auriez pu inciter à l'utilisation de la garantie Visale – visa pour le logement et l'emploi – et mettre en place la garantie universelle et obligatoire des loyers. Pour donner les moyens aux Français modestes de se loger, vous auriez pu lutter contre la hausse des loyers, prévoir des outils d'aide à l'accession comme l'APL accession, que le Gouvernement a supprimée hâtivement. Vous auriez pu construire des logements sociaux et ouvrir des places d'hébergement d'urgence, et lutter réellement contre les marchands de sommeil, sujet que vous avez volontairement écarté.
Opter pour des moyens justes et efficaces était possible. Or vous n'avez pas saisi cette occasion. Quel sera, après l'adoption de cette proposition de loi, l'avenir des 100 000 personnes en stress financier ou en situation d'impayés de loyer ? Comment l'État va-t-il gérer les conséquences de l'augmentation des expulsions ?
Le brouhaha s'intensifie.
Chers collègues, on vous entend plus que l'orateur : encore une fois, je vous invite à l'écouter !
Pour rappel, d'après une enquête de la Fondation Abbé Pierre, un à trois ans après l'expulsion, 32 % des ménages ne retrouvent pas de logement ; ceux qui se sont relogés ont mis en moyenne onze mois à y parvenir ; parmi les enquêtés, 29 % n'ont pu poursuivre leur activité professionnelle – et je ne parle même pas de l'impact sur la scolarité des enfants et sur la santé physique et psychologique des personnes concernées !
Votre texte va non seulement à l'encontre des objectifs de votre plan quinquennal Logement d'abord, mais aussi de vos propres ambitions d'insertion et de plein emploi. Malgré les atténuations proposées par le Sénat, qui – il faut le souligner – a pris le Gouvernement sur sa gauche, cette proposition de loi va mettre en danger des milliers de familles : sa sévérité à l'égard de personnes qui, je le rappelle, ne sont pas délinquantes dans la majorité des cas est disproportionnée. Elle ne règle pas non plus les difficultés de logement ; au contraire, elle les déporte et les aggrave puisqu'elle traite principalement les conséquences avant les causes.
Il y avait mille choses à faire avant de proposer cette loi, monsieur le rapporteur. Voilà pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera contre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit, je fais annoncer dans l'enceinte de l'Assemblée nationale le scrutin sur l'ensemble de la proposition de loi.
La parole est à M. Luc Lamirault.
Il n'est pas facile d'avoir la place du dernier orateur dans les explications de vote : c'est le moment où tous les collègues arrivent pour le scrutin et, bien sûr, vous n'allez pas m'écouter.
« Mais si ! » et applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Ah, merci à tous ! Je crois que nous attendons encore un petit peu de monde…
Nous voici à nouveau réunis autour de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, qui vise à protéger les logements contre l'occupation illicite. Elle vient compléter le travail déjà réalisé dans le cadre de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, votée en 2020. Poursuivant son parcours législatif, qui a débuté avec un premier examen en novembre 2022, le présent texte a été enrichi de différents débats, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Il apporte des réponses concrètes et efficaces, en poursuivant deux objectifs principaux. Le premier consiste à mieux réprimer le squat des logements par des sanctions renforcées et un élargissement de la définition légale du délit de violation de domicile. Si le phénomène du squat n'est pas massif dans notre pays, les nombreux exemples entendus durant nos échanges démontrent bien la nécessité d'apporter des solutions aux propriétaires confrontés à ces problèmes. Le second objectif est de sécuriser les rapports locatifs en permettant la résiliation du bail de manière automatique en cas d'impayés, la réduction des délais pour les procédures contentieuses et l'expulsion des occupants.
Brouhaha.
Chers collègues, je vous l'assure, on vous entend plus que M. Lamirault ! Je vous invite à l'écouter, d'autant qu'il est le dernier orateur à s'exprimer dans le cadre des explications de vote.
Exclamations sur les bancs des groupes HOR et Dem, suivies d'applaudissements.
Sourires.
Au travers de cet objectif, nous espérons lever les réticences de certains propriétaires, qui hésitent à mettre en location leur logement par crainte légitime de ne pas pouvoir lutter efficacement contre les locataires qui refuseraient de payer leur loyer et se maintiendraient dans les lieux. Je le rappelle, certains propriétaires sont des retraités, pour qui la mise en location de leur bien constitue une source de revenus parfois essentielle.
Ce texte ne résout évidemment pas l'ensemble des problèmes de logement dans notre pays. Dans les prochains mois, nous aurons à nous occuper de la crise actuelle du manque d'offre et de la faible création de nouveaux logements, deux facteurs qui ont une incidence importante sur le prix des loyers. Nous sommes bien conscients du travail qu'il nous reste à faire. Cependant, ce texte était attendu pour répondre à des situations inadmissibles et difficiles.
En conclusion, le groupe Horizons et apparentés salue une nouvelle fois le travail du rapporteur Guillaume Kasbarian et votera en faveur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 540
Nombre de suffrages exprimés 532
Majorité absolue 267
Pour l'adoption 385
Contre 147
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR. – M. le rapporteur applaudit également.
Mes chers collègues, j'invite ceux d'entre vous qui quittent l'hémicycle à le faire en silence.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et à lui seul.
C'est une première marche. Vous venez de mettre un terme, de façon transpartisane,…
…à une injustice que nos compatriotes ne supportent plus ; ils en sont même révoltés. Pour leur part, ils ne confondent pas les locataires et les squatteurs. Il était important de rappeler que les squatteurs sont des délinquants. Il est important que l'on protège les propriétaires. Je veux vous dire une dernière chose : je suis toujours sidéré lorsque j'entends un parlementaire appeler à la désobéissance civile, autrement dit à la désobéissance à la loi, qu'il est parfois censé voter.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Je tiens à mon tour à saluer l'adoption de cette proposition de loi. Je remercie de leur travail le rapporteur, Guillaume Kasbarian ,
Mme Anne-Laurence Pete et Mme Aurore Bergé applaudissent
et la vice-présidente de la commission des affaires économiques, Anne-Laurence Petel. Ce texte ne met pas en opposition les propriétaires et les locataires. Le travail effectué en commission et sur ces bancs a permis d'aboutir à un résultat équilibré.
À l'évidence, cela a été souligné à plusieurs reprises, cette loi ne met nullement un point final au travail que nous devons mener tous ensemble sur le logement, en particulier sur l'accès du plus grand nombre au logement. Nous continuerons à lutter davantage encore contre les marchands de sommeil, comme cette proposition de loi nous en a fourni l'occasion. Nous le ferons, bien évidemment, tous ensemble. Je remercie les députés qui apportent déjà leur contribution à la lutte contre l'habitat insalubre et les copropriétés dégradées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
L'ordre du jour appelle les questions sur les errements de Parcoursup et les difficultés de l'enseignement supérieur.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Cette série de questions a été demandée par le groupe Les Républicains, car nous sommes préoccupés par ce que nous disent les jeunes et leurs familles à propos de l'enseignement supérieur.
Il y a quelques années encore, le baccalauréat était la porte d'entrée des études supérieures. C'était la garantie d'un examen équitable, identique pour tous, anonyme dans sa partie écrite. Chaque enseignant préparait ses élèves, et nous avons tous à l'esprit, dans nos histoires personnelles, des enseignants qui ont contribué à la promotion de leurs élèves, voire à leur émancipation. Parcoursup a remplacé le baccalauréat pour l'accès aux études supérieures. Oubliés le mérite, les notes obtenues, un examen national identique pour tous : il y a désormais un algorithme, qui nous surprend chaque année, reléguant parfois les lycéens méritants à des études qu'ils n'avaient pas souhaité suivre.
Combien de lycéens obtiennent chaque année, région par région, l'accès à leur premier choix ? Combien de lycéens n'ont pas accès à une formation supérieure et sont donc laissés sur le bord de la route ? Combien de parents, souvent angoissés, doivent accompagner leur enfant, sachant qu'ils ont parfois recours à des coachs qu'ils paient ?
Ma dernière question est, à mon avis, la plus importante. Parcoursup induit, parmi les familles, une différenciation entre les initiés, qui en comprennent le fonctionnement et savent quels mots il est bon d'utiliser pour être retenu par l'algorithme, et les autres, souvent les plus modestes, qui ne bénéficient pas de ces connaissances et voient parfois leurs enfants relégués à des études qui ne leur conviennent pas. Que proposez-vous pour réintroduire de l'humain dans ce processus actuellement dominé par l'algorithme et pour rétablir de l'équité dans l'accès aux études supérieures ?
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Vos questions, qui concernent l'avenir de nos jeunes, sont évidemment pertinentes.
Vous avez évoqué « un algorithme qui nous surprend ». Je le répète, ce n'est pas un algorithme qui fait le choix pour les élèves et les étudiants. Le seul algorithme qui existe est un algorithme non obligatoire et non automatique, qui est à la disposition de la commission d'examen des vœux et peut être paramétré par les enseignants composant celle-ci. Il s'agit d'un algorithme d'aide à la décision, qui ne finalise pas les choix. Le classement des étudiants est réalisé in fine par la commission d'examen des vœux, donc par les enseignants. Je vous rejoins sur un point : si les gens pensent que c'est un algorithme qui décide de l'avenir de leurs enfants, c'est une source de stress supplémentaire.
Je vous communique quelques chiffres : 93 % des lycéens reçoivent au moins une proposition par l'intermédiaire de la plateforme Parcoursup, une fois leur dossier étudié par la commission d'examen des vœux. En 2022, 160 lycéens sont restés sans solution après avoir saisi la commission d'accès à l'enseignement supérieur (Caes). Ils ont fait l'objet d'un suivi individuel, afin que l'on continue à leur proposer des solutions dans l'enseignement supérieur. De mémoire, seule une trentaine d'entre eux sont restés jusqu'au bout sans solution.
Parcoursup permet d'avoir accès à toute l'offre de formation, soit 21 000 formations nationales, et de déposer un dossier de chez soi, sans avoir à faire la queue ni subir le tirage au sort pratiqué auparavant. Ce sont bien des personnes, siégeant dans les commissions d'examen des vœux, qui décident de l'avenir de nos jeunes – je suis d'accord avec vous, le côté humain est important.
En France, les établissements de l'enseignement supérieur privé accueillent une part croissante des étudiants, contribuant à absorber la hausse générale des effectifs de l'enseignement supérieur. En 2020, 560 000 étudiants étaient inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur privé en France ; cela représente 21 % des étudiants, soit un cinquième.
En faisant un petit zoom arrière, l'on s'aperçoit que les pratiques trompeuses de certains établissements de l'enseignement supérieur privé, après avoir suscité un certain nombre d'interrogations, ont conduit à un meilleur encadrement de l'enseignement privé par l'État. Le législateur a décidé d'une labellisation claire des établissements privés dont la qualité des formations est évaluée et certifiée par l'État en leur conférant le statut d'EESPIG, établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général, label qui indique que les établissements ont passé un contrat avec l'État.
La question que je veux vous poser est double. Que faites-vous pour créer une relation privilégiée entre l'État, et plus précisément votre ministère, et les EESPIG, qui disposent d'un label les distinguant des autres établissements de l'enseignement supérieur privé ? Quels moyens spécifiques avez-vous fléchés vers ces établissements comparativement aux établissements privés qui n'ont pas ce statut ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous entretenons des relations privilégiées avec les EESPIG et, plus largement, avec les établissements privés conventionnés ainsi qu'avec les établissements privés ayant reçu la certification qualité Qualiopi, pour la partie apprentissage. Nous les recevons régulièrement.
La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle a formé un groupe de travail dans le but de faciliter l'identification, par les élèves et leurs parents, de ces établissements privés qui, contrairement à ceux qui ne remplissent pas les critères nécessaires pour bénéficier du label Eespig, de la marque Qualiopi ou d'un autre type d'habilitation, bénéficient d'un financement de l'État, avec un fléchage particulier, et avec lesquels nous sommes en relation permanente. Je pense que ce point est encore plus capital aujourd'hui qu'il ne l'était auparavant.
« Parcoursup reste un problème pour nous, les lycéens. » Ce constat, c'est celui dressé par des milliers de lycéens français. Les témoignages en ce sens se multiplient dans nos permanences dès la fin juin, et jusqu'à la fin juillet. Interroger les élèves de terminale sur leurs choix, c'est se heurter à leurs angoisses : la crainte de l'échec et la pression de choisir sa voie, sans maîtriser les rouages du système. Les futurs étudiants, qui représentent l'avenir de notre société, se retrouvent ainsi démunis face au fonctionnement de Parcoursup.
Des améliorations étaient attendues avec la nouvelle version proposée en 2023, mais les changements de design et autres gadgets ne répondent pas aux attentes des élèves, lesquels dénoncent l'opacité d'une procédure qui creuse des inégalités sociales et démographiques déjà prégnantes dans le milieu scolaire. En 2022, sur 936 000 candidats, dont 622 000 lycéens, près de 182 000 n'ont intégré aucune formation présente sur la plateforme, sans explication. Comment l'attribution des vœux est-elle réalisée ? Sur quels critères ? Mystère.
Derrière ce chiffre qui ne peut nous laisser indifférents se cache une autre réalité, celle de la fracture territoriale. En effet, les lycéens des métropoles étaient globalement plus satisfaits de la prise en compte de leurs vœux que ceux des départements ruraux, enclavés ou périphériques, trop souvent éloignés des grands centres universitaires, lesquels, pour certains, n'ont même plus la capacité d'accueillir leurs étudiants dans de bonnes conditions. Entre le manque de transparence et l'absence de prise en compte des besoins et des réalités des territoires, la communication gouvernementale n'a, une fois de plus, pas été en mesure de masquer les errements d'un système dépassé et profondément inégalitaire.
L'ensemble de ces éléments m'amène à déplorer le manque de moyens et d'investissements engagés dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur dans notre pays. Madame la ministre, à ce stade, quels retours avez-vous de la session 2023 ? Envisagez-vous une nouvelle évolution du dispositif pour sortir de cette errance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne peux pas vous laisser dire que 182 000 élèves ne se sont pas vu attribuer de place. Ce chiffre correspond à une situation temporaire, mais ce n'est pas le chiffre final ; il y a différentes phases. Chaque année, il y a une évolution dans l'attribution des places. Je le répète, en 2022, après la commission d'accès à l'enseignement supérieur, 160 élèves restaient sans proposition, et nous avons continué à traiter leurs dossiers au niveau du rectorat.
Par ailleurs, même si je comprends le stress des lycéens, l'amélioration de la plateforme n'est pas que cosmétique ; des gens y ont travaillé. Il y a eu de nombreuses réunions avec les enseignants, les lycéens et les associations de parents d'élèves pour améliorer la plateforme. Demandez-leur ! Les associations de parents d'élèves pourront témoigner d'une amélioration concrète, qui doit cependant se poursuivre.
Concernant la transparence des critères de choix des commissions, je voudrais citer un exemple : nous avons, cette année, pour chaque formation, demandé aux enseignants de remplir une fiche définissant leurs critères de choix – ce qui fait beaucoup de travail pour les enseignants du supérieur –,…
…car c'est un pas supplémentaire vers la transparence. Nous comprenons que les élèves et leurs parents doivent pouvoir mieux anticiper les critères de choix dans le supérieur et nous avons apporté des améliorations dès cette année. Nous continuerons à y travailler, pour le bien des élèves et des étudiants.
Je souhaite appeler votre attention sur l'inadéquation des nouveaux critères utilisés, dans le cadre de la plateforme Parcoursup, pour sélectionner les futurs élèves des instituts de formation en soins infirmiers, que l'on appelle plus couramment les Ifsi. Comme vous le savez, la combinaison de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants et des principes internes de fonctionnement de Parcoursup a profondément modifié les modalités générales de sélection dans l'enseignement supérieur. Dans le cas spécifique des Ifsi, ces changements ont été davantage marqués encore : en effet, le concours d'entrée qui prévalait jusqu'alors a été supprimé par l'arrêté du 13 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'État d'infirmier ; désormais, la sélection a lieu après une inscription sur la plateforme Parcoursup pour les candidats titulaires du baccalauréat ou de son équivalent.
Or, si l'on assiste à un nombre record de candidatures, les Ifsi sont confrontés à un nombre croissant d'abandons, ce qui est particulièrement inquiétant au vu de la pénurie de soignants que nous connaissons actuellement. À titre d'exemple, dans la région Grand Est, si 2 717 étudiants ont intégré un Ifsi en 2019, ils ne sont que 1 984 à avoir été diplômés en 2022 ; autrement dit, le taux de non-diplômés s'élève à presque 27 %. Si ces échecs ont évidemment des causes diverses – arrêt de formation, suspension de formation ou encore redoublement –, ils n'en démontrent pas moins de sévères lacunes dans la sélection initiale des étudiants, lesquels sont parfois bien éloignés de leur région d'origine. Le Grand Est ne semble pas être un cas isolé, puisque le ministère de la santé a évoqué, en janvier 2023, un taux d'abandon de 13 % chez les étudiants infirmiers, seulement deux mois après la rentrée. Il faut donc se rendre à l'évidence : la nouvelle méthode de sélection est inadaptée.
Fort de ces éléments et constatant chaque jour davantage l'urgence de former de nouveaux infirmiers pour notre pays, je viens vous demander si le Gouvernement entend rétablir le concours d'entrée aux Ifsi afin de limiter ces abandons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. François Jolivet applaudit également.
Vous avez bien décrit le problème qui se pose dans les Ifsi ; nous avons fait le même constat sur le nombre d'abandons.
Il faut savoir que le concours de recrutement qui existait précédemment avait pour inconvénient que de nombreuses formations restaient non remplies dès le départ ; il avait aussi suscité une multiplication des préparations privées qui en compromettaient le caractère méritocratique. Nous avons désormais un nouveau problème, lequel a été confirmé par un rapport de l'inspection générale.
Ce problème est lié à la motivation des étudiants ; celle-ci étant cruciale dans la formation au métier d'infirmier, nous avons fait évoluer Parcoursup dès cette année pour donner aux élèves et à leurs familles des outils leur permettant de se positionner en connaissant mieux la formation. Nous leur avons notamment laissé la possibilité de rédiger une lettre de motivation plus longue que pour les autres formations afin de pouvoir mieux évaluer leur motivation, laquelle constitue un critère de choix.
Un autre problème a été identifié, celui du stage. Comme vous l'avez dit, les abandons ont lieu deux à trois mois après la rentrée – c'est-à-dire, comme par hasard, juste après le stage. Nous avons donc identifié les terrains de stage qui ne sont pas adaptés au premier stage d'infirmier, comme les Ehpad, et un travail est en cours pour faire évoluer la formation afin d'éviter les abandons.
Enfin, puisque vous avez posé la question de la territorialisation, je précise que nous essayons d'inciter les Ifsi à recruter les étudiants sur leurs territoires respectifs ; néanmoins, il n'y aura pas de retour au concours. Nous visons plutôt l'amélioration des différents points identifiés par les inspecteurs.
Je souhaite revenir sur les nombreux dysfonctionnements que connaît Parcoursup depuis son lancement. Entre critères de sélection absurdes, algorithme opaque et absence totale de prise en compte d'autres éléments que les notes, on observe un mécontentement grandissant à l'égard de la plateforme. Et c'est sans compter les nombreux bugs informatiques. Je n'en citerai que quelques-uns.
À l'été 2022, Imea, une école supérieure des métiers du commerce et de la vente, a été victime d'un dysfonctionnement de la plateforme. Il résultait d'un mystère informatique, plus précisément de l'absence de référencement de l'école sur Parcoursup. Disparue malencontreusement du site, Imea a dû chercher en urgence des étudiants. Même si la situation a été rétablie progressivement, elle n'a pas pu être totalement réglée et les promotions n'ont pas fait le plein d'étudiants.
Autre dysfonctionnement : en juillet 2022, 587 étudiants de l'université de Poitiers ont subi les conséquences d'un bug informatique qui a engendré le désistement d'étudiants dont le délai de réponse n'était pas dépassé, ce qui a eu pour conséquence la remontée en cascade sur la liste principale d'étudiants en attente de place : un faux espoir pour ces étudiants déjà stressés par l'incertitude.
Dans mon département, en Corrèze, la ville de Brive-la-Gaillarde a mis en place un service d'aide gratuit qui s'adresse aux lycéens, aux étudiants en réorientation et aux apprentis pour compléter leur dossier d'inscription sur Parcoursup. C'est encore une fois aux communes de pallier les manquements du Gouvernement.
Parcoursup a été mis en service avant la réforme du baccalauréat alors qu'il aurait été plus astucieux de procéder dans l'ordre inverse. Le site devait remplacer le portail d'admission postbac, dit APB, lequel rencontrait de nombreuses difficultés, et permettre aux jeunes d'approfondir dans le supérieur les choix faits au lycée. Face à l'augmentation de la population étudiante, quelles mesures allez-vous prendre pour mieux appréhender les rentrées futures ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la députée, j'ai envie de vous demander : que proposez-vous ?
Vous parlez de bugs informatiques. Mais, au vingt et unième siècle, sur une plateforme de gestion des candidatures, cela existe dans le monde entier. Proposez-vous de revenir à l'ancien système, où l'on faisait la queue devant le service de la scolarité ? Premier arrivé, premier servi : là, il y aura plus de bugs informatiques ! Proposez-vous de gérer, comme sur APB, les filières en tension par tirage au sort ? Je vous assure que le mécontentement était beaucoup plus grand et que ce procédé engendrait beaucoup plus de stress.
Aujourd'hui, l'un des principaux problèmes de Parcoursup tient à l'augmentation de l'offre de formation – le nombre de formations proposées a atteint 21 000 en quelques années. Au fond, la plateforme souffre de la richesse de son offre, qui complique sa gestion, mais désormais, partout en France, chaque étudiant a la possibilité d'accéder à une formation.
Que des améliorations soient nécessaires, je vous le concède, et nous y travaillons constamment. Toutefois, on ne peut pas dire que le système soit opaque. Vous affirmez qu'il suscite un mécontentement croissant et majoritaire et vous citez des cas particuliers. Pour ma part, je travaille avec des statistiques et non avec des cas particuliers.
Je le sais bien, monsieur le député, puisque j'ai travaillé quotidiennement avec ces gens-là pendant trente-cinq ans ! Je me suis souvent connectée à la plateforme avec mes élèves et mes étudiants, je vois donc très bien de quoi vous parlez. Nous avons la volonté de les aider à utiliser Parcoursup et d'améliorer l'accès des élèves aux cursus de leur choix. Les chiffres montrent que la situation progresse, mais nous devons continuer de travailler car, vous avez raison, Parcoursup concerne des gens – en l'occurrence, nos enfants. C'est la raison pour laquelle, dans les lycées et dans les établissements de l'enseignement supérieur, les enseignants travaillent quotidiennement à améliorer le fonctionnement de la plateforme.
En 2018, la plateforme Parcoursup, destinée à gérer les vœux d'affectation des futurs étudiants, remplaçait le portail APB. Parcoursup a mis fin, fort heureusement, à l'inacceptable recours au hasard du tirage au sort pour départager les candidats à l'entrée des universités.
Le dispositif a si bien évolué au fil des ans qu'en 2022, il a accompagné 936 000 candidats, qui ont postulé à 21 000 formations.
Je souhaite appeler votre attention sur un point particulier : les critères géographiques, en particulier pour les formations sélectives. Pour le brevet de technicien supérieur (BTS), le bachelor universitaire de technologie (BUT) ou l'Ifsi, par exemple, aucun critère géographique n'est pris en considération – autrement dit, il n'y a pas de zone de recrutement prioritaire. Cela signifie que les élèves peuvent postuler partout où ils le souhaitent et que les étudiants sont affectés, au gré des choix et des priorités, dans des établissements très éloignés de leur domicile, alors que la même formation se situe dans leur académie ou dans leur département. Or l'affectation des étudiants dans des zones éloignées de leur domicile est source de dépenses financières importantes pour les familles, mais aussi d'inégalité entre elles.
L'ancrage territorial des étudiants diplômés par rapport aux besoins des territoires dans lesquels ils suivent leur formation constitue un autre problème. Ainsi, au sein de l'Ifsi de Besançon, dans ma circonscription, plus de la moitié des étudiants sont originaires de la moitié sud de la France. Or sur les 900 nouveaux diplômés, seuls 300 exercent dans la région Bourgogne-Franche-Comté.
Madame la ministre, envisagez-vous de repenser la variable géographique pour maximiser à la fois les chances de nos étudiants et les besoins de formations de nos territoires ?
Mme Blandine Brocard applaudit.
Votre question n'est pas simple, monsieur le député. Je rappelle que d'après la loi, des critères géographiques ne peuvent pas s'appliquer aux formations sélectives. Parcoursup observe les mêmes règles qu'auparavant : pour les formations non sélectives, notamment les licences, le critère géographique est pris en compte ; pour les formations sélectives, il ne l'est pas, conformément à la loi. Reste que ce critère est souvent pris en considération dans l'examen des différentes demandes formulées sur Parcoursup, mais pas de manière systématique. Le sujet mérite donc d'être approfondi.
Quant à la mobilité, elle est attendue des étudiants. Nous devons trouver un équilibre entre une offre de formations de proximité – d'où la nécessité de mailler le territoire d'un grand nombre de formations – et une offre de formations partout en France, car les étudiants doivent avoir le choix du lieu où ils veulent étudier. Cet équilibre, que la loi s'est efforcée de garantir en réglementant l'accès aux formations sélectives, est délicat à trouver. Je rappelle, pour finir, qu'un étudiant qui fait ses études de premier cycle en dehors de son académie d'origine bénéficie d'une aide à la mobilité de 500 euros.
Je veux, pour commencer, saluer notre université, une institution magnifique qui accueille presque gratuitement plus de la moitié des étudiants français. Elle n'est malheureusement pas payée de retour, que l'on pense aux moyens et aux locaux dont elle dispose ou au statut des enseignants-chercheurs.
En ce qui concerne Parcoursup, des améliorations sont en effet notables dans le fonctionnement de la plateforme par rapport aux premières années, en particulier pour les professeurs. Je veux toutefois faire deux observations.
Rappelons, tout d'abord, que si les établissements de formation classent les étudiants, c'est le rectorat qui fixe des quotas à l'entrée de ces établissements. Sa rigidité est souvent dénoncée par les professeurs, qui souhaiteraient davantage de souplesse dans le système. Ils dénoncent le refus opposé par le rectorat aux étudiants non résidents qui souhaitent s'inscrire dans un parcours spécifique de l'académie, unique en France – nous venons d'aborder le sujet. Les professeurs ont beaucoup de mal à faire venir dans leur établissement des jeunes originaires d'autres académies.
Je vous invite, ensuite, à lire l'excellente tribune du président de l'université Jean Moulin Lyon 3, Éric Carpano, parue dans Le Monde le 21 juin 2022. Il souligne dans ce texte que la plateforme n'est pas adaptée aux étudiants en situation de handicap. Il faut plus de temps pour s'organiser dans une ville que l'on ne connaît pas quand on a un handicap. Il est important que Parcoursup évolue sur ce sujet.
Les sujets que vous soulevez sont au cœur de nos préoccupations. En ce qui concerne les élèves en situation de handicap, cette année, nous avons introduit dans Parcoursup des fiches de suivi qu'ils ont la possibilité d'activer ou non et qui leur permettent de bénéficier automatiquement d'un accompagnement lorsqu'ils sont acceptés dans un établissement d'enseignement supérieur – accompagnement qui vise à faciliter et à accélérer leur accès à cet établissement. Dès que les étudiants en situation de handicap connaissent l'établissement dans lequel ils sont acceptés, ils doivent contacter le recteur ou l'établissement lui-même pour bénéficier d'une gestion personnalisée et, évidemment, de dérogations diverses. Dans les rectorats comme dans les établissements, nous savons gérer les situations de ces étudiants, mais sans doute devrions-nous le faire savoir davantage et améliorer encore le dispositif les concernant.
Quant à votre première observation, il me semble qu'elle porte sur des cas particuliers tels que le BUT, le bac technologique ou le bac professionnel d'histoire-géographie, pour lesquels des objectifs chiffrés, des quotas, sont en effet fixés, dans une optique de territorialisation notamment. Un dialogue s'engage ensuite entre les établissements de formation et le rectorat pour adapter les objectifs chiffrés en fonction des cas spécifiques. Le facteur humain entre alors en ligne de compte car, vous le savez comme moi, on a toujours de bonnes raisons de ne pas atteindre un objectif. Toutefois, les objectifs chiffrés ont le mérite de fixer une direction et de mesurer les résultats obtenus.
Les questions que vous soulevez font l'objet d'un constant dialogue entre tous les acteurs. Sachez que nous y travaillons sans relâche.
Parcoursup n'est pas seulement une plateforme d'orientation – et in fine de sélection – des candidats à une formation d'enseignement supérieur, en particulier de niveau bac + 3, c'est aussi une procédure dont les effets se font sentir tout au long des années de lycée. Dans son rapport au Parlement de 2022, le comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) a mis en évidence des enjeux d'équité dans trois domaines : les demandes et les parcours des élèves boursiers ; les demandes et les parcours des élèves de terminales professionnelles et technologiques ; l'harmonisation du traitement entre les élèves – l'inégalité dans ce domaine est renforcée par l'effet « premier arrivé, premier servi ».
Les associations de parents d'élèves ont souligné l'impact négatif de Parcoursup sur certains élèves. En effet, la manière de les évaluer varie significativement au sein d'un même établissement, entre les établissements d'un même territoire et entre les établissements de territoires différents. Dans certains cas, l'évaluation est espacée et ponctuelle, et porte sur des connaissances larges. Dans d'autres, elle est régulière et procède d'une vérification étape par étape. Cette disparité est source de stress chez les lycéens et amplifie un mal-être sur lequel s'accordent toutes les enquêtes.
Enfin, notre système fait reposer l'entrée dans l'enseignement supérieur sur une concurrence dont l'issue est cruciale lors de l'obtention du bac, alors que, dans d'autres États de l'Union européenne, l'accès à l'enseignement supérieur est un droit garanti par l'État et financé pendant plusieurs années. Vous connaissez bien sûr toutes ces difficultés, madame la ministre. J'en viens donc à mes questions.
Quels objectifs quantifiés et quels quotas entendez-vous promouvoir pour les élèves boursiers et les élèves de la filière professionnelle ? Quelle méthode utiliserez-vous pour limiter les risques d'inégalité liés à l'évaluation continue des lycéens ? Quelle politique engagerez-vous en faveur d'un droit à la formation pour tous valorisant l'acquisition de compétences et d'expériences, y compris après une période de césure ?
Ces questions sont importantes pour nos étudiants, madame la députée. Pour garantir l'équité entre les élèves, autrefois assurée par la simple obtention du bac, nous avons introduit cette année, dans le dossier de l'élève sur Parcoursup, les épreuves de spécialité du bac général, ce qui renforce l'objectivation du dossier et valorise l'examen lui-même. Cette évolution était repoussée depuis deux ans en raison de la crise sanitaire. Sa mise en œuvre en 2023 a permis d'enrichir le dossier des élèves sur Parcoursup de manière générale et homogène.
S'agissant des objectifs chiffrés, ils concernent tout d'abord les élèves boursiers et ont augmenté de cinq points depuis le lancement de Parcoursup : ce sont aujourd'hui 25 %, et non 20 %, de boursiers qui sont accueillis dans l'enseignement supérieur et la recherche. Le dispositif des Cordées de la réussite est valorisé et désormais pris en considération par les commissions d'examen des vœux.
Pour les instituts universitaires de technologie (IUT) et les BUT, des objectifs chiffrés sont fixés concernant les élèves issus des bacs technologiques. Les taux varient selon les disciplines, mais ils représentent environ 40 % ou 50 %. De même, des objectifs ont été définis dans les BTS, selon les types de formation, concernant le nombre d'élèves titulaires de bacs professionnels. Pour certains élèves et certaines formations, il existe bien des objectifs chiffrés à atteindre sur Parcoursup, sous le contrôle des commissions d'examen des vœux.
D'après un sondage de L'Étudiant, en janvier 2023, 49 % des lycéens étaient « perdus dans leur choix d'orientation » et 19 % ignoraient totalement quoi faire après le bac, quelle que soit leur filière. S'agissant des filières professionnelles et technologiques, plusieurs réformes visant à les revaloriser ont été mises en œuvre au cours des dernières années. Je pense notamment à la réforme des IUT mise en œuvre à la rentrée scolaire 2021. Le BUT propose une formation en trois ans beaucoup plus professionnalisante et favorise l'insertion professionnelle, notamment grâce à l'augmentation de la durée des stages en entreprise et du nombre de mentions.
Toutefois, parmi les élèves qui ont choisi ces filières, certains souhaitent se réorienter, soit après le bac, soit après un diplôme universitaire de technologie (DUT), soit après deux ans de BUT, pour se diriger vers des filières générales. Un grand nombre d'entre eux sont alors confrontés à des difficultés d'adaptation : au-delà des inquiétudes liées à leur réorientation, ces étudiants se sentent moins bien préparés pour réussir au sein de ces filières par rapport aux autres bacheliers.
La note du SIES – systèmes d'information et d'études statistiques – de novembre 2022 concernant les parcours et réussites en licence montre que seuls 3,1 % des 6,4 % d'étudiants issus d'un bac pro ont réussi à obtenir leur licence en trois ans.
Par conséquent, je souhaiterais savoir quelles mesures le Gouvernement pourrait déployer, dans la continuité de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) de 2018, afin d'accompagner au mieux ces étudiants dans leur réorientation au sein de filières générales.
Votre question revêt une importance fondamentale sur deux aspects : l'orientation, d'abord, et ensuite le suivi des étudiants tout au long de leur parcours. Je voudrais souligner deux éléments. D'abord, nous sommes en train de travailler pour faire triompher l'idée selon laquelle au XXI
Ensuite, s'agissant des BUT, qui se préparent au sein d'un IUT, et des BTS, je rappelle que des passerelles sont possibles pour y accéder. Dans la réforme des BUT que nous sommes en train de mener, les étudiants pourront bénéficier soit d'une insertion à bac + 3 – il faut promouvoir cette possibilité ainsi que le droit à la reprise d'études par la suite –, soit de passerelles pour poursuivre leurs études dans une autre filière. Nous travaillons à rendre possibles ces passerelles, qui sont d'ores et déjà identifiées dans nos maquettes.
Il faut aussi mentionner les diplômes universitaires Paréo – parcours pour réussir et s'orienter –, qui offrent aux bacheliers une année supplémentaire soit pour renforcer les prérequis qu'ils doivent remplir s'ils veulent suivre le cursus de leur choix, soit pour définir leur projet professionnel. Ce sont toutes ces formations intermédiaires et ces passerelles que nous cherchons à développer en premier cycle, afin de favoriser les choix de nos étudiants et l'évolution de leur parcours.
Mes questions porteront sur les métiers de la santé, et je vais commencer par rebondir sur les réponses que vous avez données à ce sujet à mes collègues Thibault Bazin et Laurent Croizier. Vous jouez un rôle éminent, madame la ministre, dans le développement des Ifsi, mais aussi en ce qui concerne la formation des médecins, puisque c'est votre ministère qui produit, si j'ose dire, les personnes qui seront amenées à travailler dans le domaine médical, et il le fait au service d'un autre ministère utilisateur qui est le ministère de la santé. Je m'étonne d'ailleurs – c'est ma marotte – que cette partie de vos fonctions ne soit pas transférée au ministère utilisateur, comme c'est le cas pour le ministère de l'agriculture, qui depuis 1946 supervise tout l'enseignement agricole – à l'époque, on avait dit au ministre concerné qu'il devait sortir la France des tickets de rationnement, et il y était parvenu.
En réalité, deux doctrines s'affrontent. L'une dit qu'il est impossible d'introduire des critères territoriaux parce que la loi l'interdit, ce qui me conduit à vous poser une première question : qu'attend-on pour changer la loi ? Une candidate infirmière qui habite dans mon département de l'Indre peut être prise à Bordeaux si elle a déposé un vœu en ce sens sur Parcoursup, et inversement ; et si elle va à Bordeaux, elle ne reviendra plus jamais dans l'Indre. En revanche, une candidate qui vivait à Bordeaux et va poursuivre ses études dans l'Indre aura tendance à abandonner, c'est en tout cas ce que constatent les professeurs intervenant dans les Ifsi.
Par ailleurs, le ministère de l'enseignement supérieur, lorsqu'il applique les demandes du directeur de l'agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire, dit que si l'on veut installer des médecins sur le territoire, il va falloir y créer un CHU – centre hospitalier universitaire – supplémentaire, et donc ajouter une université, ou du moins une antenne universitaire de médecine, à Orléans – c'est très concret ! En effet, toujours selon cette même doctrine, plus on aura de médecins formés en région Centre-Val de Loire, plus il y aura de médecins installés dans cette même région. Mais voilà que l'on propose aux régions de former des infirmières dont on n'est pas certain qu'elles y resteront ! Cela provoque une inquiétude chez les professionnels concernés, alors que nous n'avons jusqu'à présent jamais connu de pénurie d'infirmières.
Je souhaite donc vous entendre sur ces deux points. D'abord, quand est-ce qu'on change la loi, si c'est nécessaire ? Et si ça ne l'est pas, quand donnerez-vous des instructions aux directeurs d'Ifsi pour qu'ils privilégient le recrutement des Berrichons pour l'Indre, des Loirétains pour le Loiret et des Tourangeaux pour l'Indre-et-Loire ?
Si vous m'avez bien écoutée,…
…vous savez qu'en ce qui concerne les Ifsi, la loi peut évidemment évoluer – nous sommes bien placés, ici, pour le savoir : les dispositions en vigueur peuvent être discutées et modifiées. Cela dit, je pense qu'au XXI
S'agissant de la formation des médecins, puisque vous en avez parlé en regrettant que ce ne soit pas le ministère de la santé qui en soit chargé, j'observe tout de même que la France n'est pas un cas à part ! Je rappelle qu'à l'étranger, dans le monde entier, les formations qui mènent aux métiers de la santé sont, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, dispensées au sein des universités, ce qui montre bien que c'est possible. Nous travaillons en coopération avec les autres ministères « utilisateurs », comme vous les appelez, en particulier le ministère de la santé, mais aussi le ministère de l'agriculture ; c'est très important.
Par ailleurs, il y a des filières qui ne sont pas sélectives, en particulier les Pass – parcours d'accès spécifique santé – et les LAS – licences accès santé. Le système qui guide notre politique de santé a donc évolué en matière de territorialisation, mais aussi de sélection, puisque l'équilibre entre formations sélectives et non sélectives a été revu.
Pour résumer, comme je l'ai dit tout à l'heure, le système des Ifsi a changé récemment. Il doit sans cesse être amélioré parce qu'il dépend de plusieurs facteurs eux-mêmes évolutifs, et c'est ce que nous sommes en train de faire en travaillant sur ces différents facteurs, que ce soit la situation de chaque territoire, le fonctionnement de Parcoursup ou les modalités du stage du premier semestre.
Les problèmes inhérents à Parcoursup sont désormais bien connus : tri des élèves, manque de places, opacité de l'algorithme et des critères de sélection. Finalement, Parcoursup sert-il d'abord à l'orientation des élèves ou bien à effectuer une sélection parfois impitoyable ? Son fondement même nous semble inégalitaire, et il l'est d'autant plus que dès le départ, les postulants et postulantes ne disposent pas du même accès à l'information sur l'orientation.
Parmi les 21 000 formations disponibles, comment choisir celles qui correspondront le mieux à ce que l'étudiant ou l'étudiante imagine pour son avenir ? Certains et certaines, bien accompagnés par leur famille, vont pouvoir se diriger vers des formations bien choisies et valorisantes. Mais pour celles et ceux qui ne bénéficient pas d'un tel soutien ou qui n'ont pas encore de projet professionnel assez abouti, s'engage non pas un parcours « sup », mais bien un parcours du combattant, les menant parfois dans une véritable impasse.
Mme Anne Brugnera proteste.
L'enseignement scolaire n'est malheureusement pas capable de pallier de telles carences, du fait de ses insuffisances : trop peu de conseillers ou de conseillères d'orientation et de psychologues, et des programmes trop chargés qui empêchent les professeurs d'effectuer correctement les heures d'accompagnement à l'orientation.
Ici aussi, nous faisons face, semble-t-il, à un système à deux vitesses : d'un côté, ceux qui détiennent l'information nécessaire pour choisir les « bonnes » filières sur Parcoursup, et qui poursuivront un cursus pleinement choisi ; et puis les autres, qui y vont à l'aveugle, si j'ose dire, et s'engageront dans une formation par défaut, voire par dépit.
C'est une rupture d'égalité, un tri social qui s'effectue dès le collège et se poursuit au lycée jusqu'à l'entrée en master ; un tri clairement renforcé par Parcoursup. Je n'ai donc qu'une question, madame la ministre : comment faire en sorte que Parcoursup n'accentue pas ces inégalités d'accès à l'information sur l'orientation ?
Croyez-moi, l'accès équitable à l'enseignement supérieur – et à l'enseignement tout court – est un objectif que je poursuis depuis longtemps. Cependant, même si je peux vous rejoindre sur le fait que certains points méritent largement d'être améliorés, je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous dites. D'abord, vous faites endosser la responsabilité de ces inégalités à une plateforme qui a été créée justement pour donner à tout élève, de n'importe quelle famille et n'importe où en France, la possibilité d'accéder à toute l'offre de formation. Il y a donc 21 000 formations disponibles, ce qui rend effectivement le choix plus complexe. Mais l'existence de cette plateforme garantit à mon sens l'équité d'accès, car elle donne le choix final au futur étudiant, après que ses vœux ont été examinés par une commission d'enseignants-chercheurs, donc par une entité humaine. Parcoursup, ce n'est pas un algorithme qui choisit l'avenir de l'étudiant : comme avant, ce sont les étudiants du supérieur qui vont étudier les dossiers.
Ensuite, tout tient à l'orientation, qui doit faire l'objet d'un accompagnement. C'est là que je vous rejoins, même si Parcoursup n'y joue aucun rôle : des améliorations doivent être apportées pour éclaircir l'information et pour rendre moins opaques les critères d'admission. Mais c'est bien pour cela, je le répète, que nous avons créé ces fiches qui expliquent les critères retenus par les commissions pour chacune des formations, ainsi qu'un numéro vert. C'est également la raison d'être des journées qu'organisent les recteurs pour fournir des explications aux élèves sur ce sujet complexe ; au sein même des lycées, les professeurs principaux peuvent aussi être sollicités à ce propos. Nous devons renforcer cet accompagnement et, pour cela, renforcer notre collaboration avec le ministre de l'éducation nationale – nous avons déjà entrepris de le faire – sur les questions d'orientation. Des pistes d'amélioration existent, que nous nous employons à explorer, et nous sommes particulièrement attentifs à ce que l'équité soit assurée entre nos élèves et qu'il n'y ait pas de différences qui se créent en fonction du contexte familial. Là-dessus, je partage votre préoccupation.
Je vais être très directe, madame la ministre : notre groupe ne regrette absolument pas APB. Il n'empêche que nous sommes toujours très opposés à Parcoursup, non parce que nous sommes nostalgiques du tirage au sort, mais bien parce que le nouveau système soutient selon nous une logique de sélection généralisée, qui a été encore renforcée depuis que cette plateforme de sélection a été couplée avec la réforme du bac. Un tel dispositif ne peut qu'aggraver les inégalités, a fortiori dans un contexte où vous refusez d'ouvrir des places en nombre suffisant à l'université ou dans l'enseignement supérieur public. Par conséquent, nous continuerons à œuvrer pour la suppression de Parcoursup – et, en attendant, nous cherchons à limiter ses effets pervers.
J'insisterai ici sur l'une de nos propositions : l'anonymisation des lycées d'origine. La Cour des comptes, la Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ont toutes recommandé l'anonymisation dans le processus de sélection, et je sais d'ailleurs que des discussions à ce sujet ont eu lieu au ministère. Dans son enquête, la Cour des comptes avait révélé que 20 % des formations font du lycée d'origine un critère de sélection ; quand le problème a été soulevé, ce sont les responsables des formations les plus sélectives qui se sont opposés à l'anonymisation en demandant qu'on leur fasse confiance, affirmant qu'ils étaient attentifs à favoriser la mixité. Mais franchement, nous devrions nous méfier d'eux en la matière, d'autant que rien ne prouve qu'ils agissent vraiment en ce sens.
J'ajoute que les dernières réformes ont encore creusé les inégalités entre les lycées, le caractère national et universel du bac ayant laissé place aux spécialités à la carte et au contrôle continu. Il faut vraiment remettre de l'égalité dans le dispositif ! Alors, madame la ministre, allez-vous enfin accéder à cette demande d'anonymisation ?
Je comprends votre requête, madame la députée, mais il faut savoir que l'indication du lycée d'origine n'est pas un critère : elle se trouve dans la fiche Avenir, qui n'est pas considérée comme un critère, puisqu'elle n'est pas utilisée dans le processus d'examen des vœux.
Cette information ne se trouve pas dans la liste des critères susceptibles d'alimenter l'outil d'aide à la décision mis à la disposition des commissions, et il n'est pas possible de l'y intégrer. Ce que vous craignez n'est donc pas possible. Comme vous le dites, ce sont les commissions d'examen des vœux, donc les enseignants qui y siègent, qui peuvent utiliser – ou pas – ce critère. La majorité de ceux qui s'en servent le font pour favoriser l'ouverture sociale, souvent dans le cadre des Cordées de la réussite : pour qu'un tel programme se concrétise, les « têtes de cordée » que sont les établissements d'enseignement supérieur doivent avoir connaissance du lycée d'origine pour savoir s'il fait partie des établissements « encordés ». En général, l'information est donc utilisée, quand elle l'est, en vue d'améliorer la mixité sociale. Vous dites qu'il ne faut pas faire confiance aux collègues…
…ou du moins qu'il est difficile de leur faire confiance dans certains cas.
En tout état de cause, ces situations ne sont pas les plus nombreuses : dans de nombreux cas, les collègues travaillent en utilisant les Cordées de la réussite, qui est un vrai levier pour favoriser la mixité sociale. Les notes des épreuves de spécialité au baccalauréat vont aussi permettre une objectivation des dossiers. Dans les commissions des vœux, nos collègues prennent tous ces éléments en considération.
Alors que les ouvrières et ouvriers représentent 21 % de la population active, leurs enfants ne représentent que 12 % des étudiants. Ce chiffre tombe à 8 % des étudiants en master et à seulement 6 % des doctorants. Bien que cette sous-représentation soit le résultat de multiples facteurs, j'aimerais aborder le phénomène d'autocensure dès l'orientation que l'on observe chez les élèves issus de classes populaires. Notre système éducatif conditionne et plafonne leurs ambitions.
Une étude révélatrice de l'Observatoire des inégalités montre ainsi que dès le collège, à notes égales au brevet, la probabilité d'accéder à une seconde générale et technologique est deux fois moins élevée pour les élèves issus des milieux populaires. Nous parlons bien d'élèves aux résultats scolaires identiques, mais qui se voient pourtant réserver des avenirs distincts. C'est un constat : les élèves des classes populaires sont moins incités à être candidats à des formations sélectives ou jugées plus ambitieuses.
J'ai employé le terme d'autocensure pour décrire ce phénomène, mais il ne faut pas croire que la responsabilité est individuelle. Le manque d'information, ainsi que la difficulté pour les élèves concernés de maîtriser les outils de leur propre orientation, tels que Parcoursup, face auxquels ils se retrouvent trop souvent seuls, les dépossèdent finalement de leur avenir. Parcoursup vient aggraver ce phénomène, rendant incontournable une connaissance fine des mécanismes d'orientation que seules certaines familles possèdent. S'ajoute à cela un autre facteur aggravant auquel il convient de remédier : la discrimination à l'adresse que connaissent les lycéens des quartiers populaires.
Comment le Gouvernement compte-t-il réinvestir l'orientation des élèves et faire en sorte qu'elle soit véritablement éclairée et choisie, afin de ne plus faire de l'accès à l'enseignement supérieur un horizon inaccessible ?
Vous soulevez un problème réel, illustré par des chiffres que je ne vais pas reprendre. Avec le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons lutter contre cette autocensure que vous avez décrite dans les collèges et lycées. Pour ma part, je considère que ce phénomène commence dès l'école primaire ; malheureusement, il ne se manifeste pas seulement en classe de seconde et lors de l'inscription sur Parcoursup qui, je le répète, n'est qu'une plateforme.
Par souci d'équité, il nous faut améliorer encore l'accompagnement à l'orientation en lycée, notamment lors des journées d'accueil où un dispositif mobilise les professeurs principaux, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) et les conseillers d'orientation.
Quant à l'autocensure, elle vient de la société, des parents et du regard des enfants. Nous étudions plusieurs pistes pour la combattre dès l'école primaire et permettre à l'enfant de croire en ses capacités. Il faut aussi convaincre sa famille qui peut parfois, de bonne foi et au nom de ce qui semble un certain réalisme, freiner ses ambitions plutôt que l'encourager.
Avec le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons agir de l'école primaire au lycée, afin de donner envie et de rendre possible, en nous adressant aussi bien aux élèves qu'à leurs parents. Pour assurer l'équité d'accès – à laquelle nous croyons profondément –, nous devons traiter le problème d'autocensure à la racine.
Après plusieurs années d'existence, Parcoursup reste une plateforme aléatoire, de plus en plus contestée par les jeunes, et dont les modalités sont révélatrices d'inégalités sociales ou territoriales persistantes. Le principal problème dont il est fait état lorsque je parle aux jeunes de ma circonscription demeure le manque de transparence des critères de recrutement des formations.
Malgré plusieurs rapports institutionnels depuis sa création, la plateforme est toujours synonyme de sélection arbitraire pour beaucoup de lycéens. Mis sous pression, les jeunes font des choix par défaut, qui ne correspondent pas toujours à leur vocation. Le taux de réussite, encore inférieur à 50 % en première année de licence, témoigne d'un manque d'adéquation entre les dispositifs d'orientation et les attentes des élèves.
Le milieu social a sans nul doute une incidence. Les candidats sont inégaux face à l'exercice, car il repose sur des règles pas toujours explicites et des normes auxquelles ils sont inégalement formés, ce qui entraîne une surreprésentation des bacheliers non boursiers de la filière générale.
Quoi qu'on en dise, Parcoursup continue à opérer un tri, y compris social, et demeure « le cheval de Troie numérique de la sélection à l'université », comme le décrit Johan Faerber dans son essai Parlez-vous le Parcoursup ?, pour une bonne raison : depuis le plan Université 2000 de Lionel Jospin, qui a permis la création de huit universités et de nombreux IUT, il n'y a eu aucune réelle politique d'investissement dans le supérieur.
Comment répondre aux nombreux débouchés professionnels existants lorsque les places en formation ne suivent pas ? Plutôt que de résoudre ce manque d'investissements qui fait peser l'échec et la culpabilisation sur les élèves, vous étendez le dispositif à l'accès aux masters. Madame la ministre, allez-vous cesser cette maltraitance numérisée et redonner les moyens financiers nécessaires à l'université pour répondre aux attentes de la jeunesse ?
Monsieur le député, il y a deux choses que je ne peux pas vous laisser dire.
Tout d'abord, je ne peux pas vous laisser dire que la plateforme Parcoursup n'a bénéficié d'aucune amélioration, qu'elle reste encore opaque et ne donne pas les critères de choix.
Je vous invite à vous y connecter et vous constaterez que nous nous sommes efforcés d'améliorer la transparence des critères de choix, qui sont publiés depuis des années dans des rapports. Cette année, nous avons fait travailler des centaines de milliers d'enseignants et d'enseignants-chercheurs, qui se sont échinés à entrer leurs critères d'examen des vœux lors de la commission.
La pédagogie étant l'art de la répétition, je me permets de le répéter : non, Parcoursup n'est pas un algorithme qui choisit l'avenir de nos élèves. Il y a des commissions d'examen des vœux. Comme avant, ce sont des gens qui regardent les dossiers. En revanche, contrairement à ce qui se passait avant, tout le monde a désormais accès à toutes les formations en France : il suffit d'un clic pour déposer un dossier pour le lieu de son choix. Il reste certes des améliorations à apporter, surtout dans un domaine que j'estime capital : l'accompagnement à l'orientation.
Ensuite, je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y a pas eu d'investissements dans l'enseignement supérieur et la recherche. Vous pouvez les estimer insuffisants, mais pas inexistants : ainsi, je rappelle qu'en plus de la loi ORE, la loi de programmation de la recherche prévoit 25 milliards d'euros d'investissements supplémentaires au cours de la période 2021-2030, ce qui portera le budget annuel à 20 milliards d'euros en 2030, soit 5 milliards d'euros de plus qu'en 2021 – et cela ne concerne que le volet recherche.
Il faut continuer, je vous l'accorde, car investir dans l'enseignement supérieur et la recherche, c'est investir pour nos jeunes. Nous devons aussi continuer à travailler sur l'orientation et les formations.
Je m'adresse à vous, madame la ministre, pour évoquer les difficultés des étudiants ultramarins, confrontés à Parcoursup alors qu'ils sont très loin de l'Hexagone. Ces étudiants n'ont pas accès aux journées portes ouvertes pour bénéficier des conseils éclairés des professeurs et des étudiants d'un établissement. Ils n'ont pas accès à la semaine de l'orientation, qui est quasi inexistante, et leurs professeurs n'ont reçu aucune formation sur Parcoursup. En résumé, ces étudiants se retrouvent souvent seuls face à la plateforme.
Nos étudiants ultramarins sont particulièrement pénalisés par le manque d'information sur les critères de sélection des unités de formation et de recherche (UFR) situées en métropole, alors qu'ils n'ont souvent pas d'autre choix que de quitter leur territoire, n'y trouvant pas la spécialité souhaitée. Cette année, environ 40 000 étudiants ultramarins sont venus effectuer tout ou partie de leur cursus dans l'Hexagone, dont 8 000 sont arrivés directement après le bac.
Aux difficultés de se trouver seul à des milliers de kilomètres de chez soi, s'ajoutent souvent celles d'un dispositif Parcoursup aux multiples étapes étalées sur des mois, avec des phases d'admission si tardives qu'il n'est plus possible de bénéficier d'une chambre d'étudiant à un prix abordable, ce qui peut conduire certains à renoncer à leur admission.
Que proposez-vous à nos jeunes des outre-mer pour mieux les accompagner dans leur orientation et leur permettre de constituer des dossiers solides, pour assurer la transparence sur les critères de choix des établissements et pour qu'ils puissent bénéficier d'un logement étudiant alors que la décision d'admission est si tardive ? C'est une question d'égalité des chances, qui passe par une meilleure information, plus de transparence et la prise en considération de l'éloignement dans le processus Parcoursup.
Concernant les étudiants ultramarins, j'aimerais souligner deux points : lorsque la formation de leur choix existe en outre-mer, ils sont prioritaires ; lorsqu'ils souhaitent ou doivent venir étudier en métropole, ils peuvent bénéficier d'aides à la mobilité.
Vous soulevez une bonne question concernant deux calendriers parallèles et indépendants, l'un étant lié à l'organisation de leur venue, l'autre à l'affectation dans la formation souhaitée. Les demandes de bourse et de logement doivent se faire indépendamment et en amont de l'attente de la réponse de Parcoursup puis de la formation. D'où qu'il vienne, l'étudiant ne doit pas attendre la réponse de sa formation pour faire les démarches auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), que ce soit pour une bourse sur critères sociaux ou pour un logement étudiant.
Nous devons améliorer l'information dans ce domaine, étant rappelé que les étudiants ultramarins bénéficient de points de charge supplémentaires pour l'octroi de bourses, en raison de l'éloignement de leur formation en métropole. En ce qui concerne l'orientation et l'accompagnement, que nous essayons d'améliorer en continu, il existe des dispositions spécifiques pour les étudiants ultramarins. Pour ceux-ci, je note qu'il faut améliorer l'information concernant aussi bien les choix de la formation que la vie matérielle – logement, bourse, etc.
En 2018, la loi ORE a permis à Parcoursup de succéder à APB, dont tout le monde semble avoir oublié les dysfonctionnements – et avant APB, faut-il le rappeler, chacun se rendait avec son petit dossier dans la fac du quartier. Si nous nous sommes dotés de nouveaux dispositifs, c'est bien pour simplifier la vie de nos jeunes.
Cette nouvelle plateforme a d'abord introduit de nouvelles modalités d'accès à l'enseignement supérieur, en permettant aux lycéens d'être départagés sur la base de leur dossier scolaire, de leurs motivations, tout en leur montrant les attendus, c'est-à-dire ce qu'attendent les formations d'enseignement supérieur de la part de leurs étudiants, afin qu'ils réussissent dans leurs études – c'était une grande nouveauté.
Parcoursup a ouvert le champ des possibles pour nos lycéens, ce qui peut engendrer du stress et donner le vertige. C'est sans doute pour cela que nombre de députés ont insisté sur l'orientation dès le collège et le lycée, sans oublier une aide spécifique pendant l'année de terminale.
Ainsi la sélection après examen du dossier scolaire et la transparence des informations fournies – les attendus, mais aussi les critères sur lesquels les lycéens sont sélectionnés – font-elles de cette plateforme un véritable levier en faveur de l'égalité des chances, tout en remettant l'humain, c'est-à-dire l'enseignant de l'enseignement supérieur, au centre du processus de sélection.
Quelles actions envisagez-vous, notamment en lien avec l'éducation nationale, pour mieux accompagner encore les futurs étudiants, afin que la grande liberté de choix qui leur est offerte ne constitue pas un obstacle dans leur orientation et ne devienne pas une source d'inquiétude ? Surtout – et ce point me paraît très important –, comment leur garantir que Parcoursup ne propose que des formations certifiées et de qualité ?
Je répondrai d'abord au dernier point que vous avez soulevé : quelles formations trouve-t-on sur Parcoursup et comment garantir leur qualité, et même leur validité, aux élèves et aux parents ? D'abord, je confirme que tous les établissements de formation présents sur la plateforme Parcoursup ont signé une charte spécifique de droits et devoirs et adhéré à ses principes, qu'il s'agisse des EESPIG – que nous avons évoqués tout à l'heure en abordant les formations privées –, des organismes proposant des formations permettant d'obtenir des habilitations ou des prestataires de formation par apprentissage certifiés Qualiopi. De nombreux critères permettent de qualifier les formations proposées sur Parcoursup. Mon ministère les étudie attentivement, afin de garantir que toutes les formations proposées sont conformes à la charte que les organismes se sont engagés à respecter.
Vous avez également évoqué la question, déjà soulevée mais capitale, de l'accompagnement à l'orientation. Merci d'avoir rappelé que Parcoursup est un outil du XXI
Le ministre Pap Ndiaye et moi-même travaillons tout particulièrement à améliorer l'orientation et l'accompagnement des candidats. Le fait que les épreuves de spécialités du baccalauréat se tiennent en mars permettra ainsi d'utiliser la deuxième partie de l'année non seulement pour mieux préparer les étudiants aux examens, comme le grand oral, qui se dérouleront à l'issue de leur année de terminale, mais aussi pour créer un lien plus fort entre l'enseignement supérieur et le lycée, afin de favoriser l'intégration des étudiants. Enfin,…
…le travail en amont de l'orientation se poursuit.
Chaque année, nous ne pouvons que constater le retour dans les médias du marronnier que constituent les choix et attributions des places dans l'enseignement supérieur. Depuis que les demandes sont effectuées sur une plateforme numérique – d'abord APB, puis Parcoursup –, des critiques se font jour, notamment au sujet de la satisfaction des lycéens intégrant l'enseignement supérieur. L'incertitude domine chez les lycéens et leurs parents, qui se sentent démunis face à une décision qu'ils n'attendent pas toujours avec sérénité.
Je crois profondément au mérite républicain. L'éducation en est la première expression et l'école, qui doit permettre à chaque enfant de se construire, en est la première pierre. C'est ensuite avec l'université rendue accessible à tous que nous permettons à ceux qui le souhaitent de poursuivre leur chemin. Cependant, les errements de Parcoursup semblent inciter certains de nos concitoyens à privilégier d'autres formations que celles proposées par l'enseignement supérieur public, créant ainsi un sentiment d'injustice et d'inégalité de nature à détériorer le tissu social français.
Ma question est donc simple : comment restaurer la confiance des Français dans Parcoursup ? Comment entendez-vous permettre une meilleure articulation entre l'enseignement public proposé sur Parcoursup et l'enseignement privé, afin que tous les étudiants puissent suivre la formation qu'ils souhaitent ?
Vous avez prononcé un mot capital : le mot « confiance ». Comment donner confiance et mieux orienter ? La confiance s'acquiert par la transparence. Comme je l'ai déjà souligné, nous avons doté la plateforme d'informations plus riches sur chaque formation. Je rappelle d'ailleurs que Parcoursup, tout en respectant les critères que je viens d'évoquer, propose non seulement des formations publiques – sélectives ou non –, mais aussi des formations privées. Chacune fait l'objet d'une fiche « Caractéristiques » décrivant la nature de la formation – publique ou privée, sélective ou non –, détaillant les frais d'inscription, etc. Ces informations supplémentaires complètent la description de la formation et la fiche détaillant les critères d'admission utilisés pour chaque formation par les commissions d'examen des vœux.
J'ajoute que, depuis plusieurs années, un rapport est rendu public sur la plateforme par les commissions d'examen des vœux, pour tirer le bilan de la campagne écoulée. Chacun peut accéder à ce rapport – environ 10 000 personnes l'ont consulté l'année dernière – pour comprendre comment la campagne Parcoursup se déroule pour chaque formation.
Voilà les informations, assorties d'une meilleure orientation, que nous nous efforçons d'enrichir pour améliorer la confiance dans Parcoursup.
J'appelle votre attention sur les difficultés à pourvoir les postes d'infirmier, par exemple dans mon département du Lot-et-Garonne. Actuellement, le manque d'infirmiers bride fortement l'activité des établissements hospitaliers. Les formations d'infirmier sont intégrées à Parcoursup et le nombre de places ouvertes en première année a connu une augmentation de 15 % entre 2020 et 2022. Ces mesures permettent, d'une part, de stimuler les inscriptions des étudiants et, d'autre part, de favoriser l'égalité des chances, dans la mesure où l'ancien concours pouvait représenter un coût financier important pour les candidats et pour leur famille.
Toutefois, deux freins empêchent toujours de mettre fin aux pénuries d'infirmiers dans les zones rurales.
Le premier concerne le lieu de formation – je rejoins en cela la question posée par mon collègue François Jolivet : dès lors qu'il n'est pas possible de postuler directement dans un institut, plusieurs Lot-et-Garonnais ont été affectés dans d'autres départements, malgré leur souhait d'étudier à Agen. À l'inverse, l'examen de la composition de la promotion de l'institut d'Agen, situé à équidistance de Bordeaux et de Toulouse, met en évidence un taux élevé d'étudiants originaires d'autres départements. Comme il est fréquent que les jeunes issus de métropoles ou de départements voisins retournent dans leur bassin de vie d'origine, le fonctionnement de Parcoursup affecte fortement l'offre de soins des territoires ruraux. Plusieurs propositions peuvent être avancées pour pallier ce phénomène, comme l'ajout d'une composante géographique à la procédure d'admission, en particulier dans les territoires identifiés comme sous-denses.
Le deuxième frein réside dans le nombre d'abandons en cours de formation, phénomène dont vous avez souligné le caractère multifactoriel. Au cours de leur cursus, près de 20 % des étudiants infirmiers choisissent de se réorienter. Cette situation met en évidence l'inadaptation de la sélection par l'algorithme, qui privilégie des profils souvent insuffisamment motivés ou non préparés aux réalités de la formation et du métier. L'entretien de motivation préalable qui existait par le passé pourrait-il être rétabli ? De telles solutions peuvent-elles être envisagées pour faciliter le maintien en zone rurale des jeunes qui souhaitent devenir infirmiers ?
La question des Ifsi a déjà été évoquée. Nous avons bien entendu les remarques qui ont été formulées. Si je rejoins votre constat, trois points me semblent devoir être soulignés.
D'abord, pour ce qui est du caractère multifactoriel du nombre d'abandons en cours de formation, il convient de ne pas négliger l'importance de la qualité et de la nature des stages proposés : de nombreux abandons interviennent juste après le stage, qui est planifié très tôt dans l'année et peut se révéler très difficile pour des jeunes qui viennent juste d'obtenir leur baccalauréat. Nous travaillons sur ce point.
Ensuite se pose la question de la motivation des élèves et de ses modalités d'évaluation. Vous avez évoqué la possibilité de prévoir un entretien oral. Sur ce point, nous attendons le retour d'expérience sur deux améliorations que nous avons apportées cette année à la plateforme Parcoursup : d'une part, une lettre de motivation plus longue que les 1 500 caractères classiquement exigés peut être rédigée ; d'autre part, un outil a été créé pour permettre aux étudiants souhaitant intégrer un Ifsi de se positionner et de mieux comprendre ce qui est attendu d'eux et ce qu'impliquent la formation et le métier d'infirmier. Nous devons désormais analyser l'éventuelle incidence de ces deux évolutions sur le positionnement des élèves, étant entendu que nous envisagerions bien sûr d'autres pistes si celles que nous explorons actuellement se révélaient insuffisantes.
Enfin, s'agissant de la dimension territoriale, j'ai bien noté votre observation. En l'état actuel du droit, tant que les Ifsi sont sélectifs, la loi ne nous permet pas de définir un tel critère. Nous devons donc étudier comment améliorer la prise en considération de l'aspect géographique pour favoriser le maintien de ces métiers dans les zones rurales. Nous y travaillerons.
« Il y a deux erreurs sur l'erreur, l'une de la surestimer, l'autre de la sous-estimer », écrivait Edgar Morin. Il en va de même pour les errements, terme choisi par nos collègues du groupe Les Républicains pour qualifier le fonctionnement de la plateforme Parcoursup.
Rappelons-nous d'où nous venons : il n'y a pas si longtemps, avant 2018, APB était sans doute le pire des systèmes conçus pour permettre aux lycéens de postuler à une formation dans l'enseignement supérieur : l'information y était très limitée, les attendus ou prérequis des formations n'étaient pas toujours formalisés et l'accompagnement restait quasiment inexistant. Comble du comble : lorsque le nombre de demandes excédait la capacité d'accueil dans une formation non sélective, le tirage au sort – la pire des injustices – était préféré à tout autre critère, comme le résultat dans une spécialité ou l'exposé d'une motivation.
Alors que toutes les conditions étaient ainsi réunies pour envoyer de nombreux jeunes dans le mur, nous regardions ailleurs, mettant en péril leur avenir et leur épanouissement, sans grande considération pour le coût que représentent les études pour une famille et pour la collectivité.
Il faut certes rappeler que Parcoursup a connu, durant sa première année de fonctionnement, des défaillances auxquelles ont succédé deux années perturbées par le contexte sanitaire. Désormais, toutefois, même si elle reste perfectible, l'interface Parcoursup est reconnue par beaucoup comme un outil exhaustif et efficace, permettant d'informer les futurs étudiants sur les 21 000 formations disponibles – contre 13 200 en 2018 –, et dont le fonctionnement, plus rapide, est devenu moins anxiogène, le délai de traitement ayant été ramené à 44 jours pour la phase d'admission, contre 108 jours cinq ans plus tôt. Pour autant, des points d'amélioration demeurent, notamment en matière d'accompagnement humain, en amont comme en aval des choix d'orientation. Si la situation s'est beaucoup améliorée d'année en année et continuera de le faire, les heures qu'un jeune consacre à s'informer sur l'étendue de ses possibilités doivent devenir toujours plus efficaces et opérantes, et les raisons du rejet d'une candidature doivent être mieux exposées.
Pouvez-vous rappeler votre action pour que l'accompagnement humain soit systématisé et renforcé et qu'il l'emporte toujours, pour chaque formation, sur le traitement algorithmique des candidatures – lesquelles, rappelons-le, ne sont pas examinées par Parcoursup, mais bien par les commissions d'examen des vœux ?
Merci d'avoir rappelé une nouvelle fois – c'est important – que, derrière la plateforme Parcoursup, il y a de l'humain ; que ce n'est pas l'algorithme seul qui choisit, même s'il constitue une aide à la décision ; et que les élèves ne sont pas soumis à la décision automatique d'une plateforme : ce sont bien les enseignants et les enseignants-chercheurs qui étudient les dossiers, comme c'était le cas auparavant.
Pour compléter votre intervention, depuis la création de Parcoursup, le taux de réussite de passage de la première à la deuxième année de licence est passé de 41 % à 48 % entre 2017 et 2022 – il a même atteint 53 % en 2020 ou en 2021, mais ce chiffre doit être nuancé par le contexte de covid qui prévalait alors –, le taux de boursiers croissant quant à lui de 20 % à 25 %.
Ces améliorations sont permises par une meilleure orientation des élèves. Or cette orientation comporte une forte dimension humaine, comme en témoignent le travail que nous menons avec l'éducation nationale ; la formation des professeurs principaux ; les nombreux webinaires que nous organisons pour informer ces derniers sur l'utilisation de Parcoursup ; le travail des recteurs, des proviseurs et des professeurs pour accompagner les lycéens : ou encore le numéro vert accessible pendant la procédure Parcoursup à tous les élèves pour donner des informations en temps réel à ceux qui – c'est bien compréhensible – ont parfois des difficultés à utiliser la plateforme.
Nous nous efforçons ainsi de développer différents outils et aides, afin d'anticiper et de permettre aux élèves de connaître Parcoursup en amont, pour éviter qu'ils découvrent en terminale l'existence de la plateforme et ses modalités d'utilisation.
Je tiens à vous alerter sur la situation des Calédoniens qui vont étudier en métropole. La Nouvelle-Calédonie étant compétente en matière de protection sociale, elle a jugé bon d'attribuer à ses ressortissants des numéros de sécurité sociale qui ne sont pas compatibles avec le système métropolitain. De fait, les étudiants calédoniens qui arrivent en métropole sont considérés comme des enfants étrangers, et doivent entreprendre de longues démarches administratives pour être couverts par l'assurance maladie. Ce problème n'est pas de votre responsabilité, madame la ministre, mais vous pouvez y remédier grâce à Parcoursup : il serait judicieux que tout étudiant calédonien qui s'inscrit sur la plateforme soit repéré, afin que les démarches administratives nécessaires soient enclenchées et qu'il soit couvert par la sécurité sociale à son arrivée. Lors de mes études, j'ai fait la malheureuse expérience de ne pas être couvert par la sécurité sociale pendant six mois ; durant cette période, il peut vous arriver des événements assez graves. Si Parcoursup peut nous aider à éviter ces situations difficiles, ce sera bienvenu.
Vous avez vécu ce problème personnellement, monsieur le député, et je partage votre souci de mieux anticiper l'arrivée des étudiants calédoniens en métropole. Nous devons sensibiliser à cette difficulté. La caisse locale d'assurance maladie s'est mise en relation avec le vice-rectorat afin que Parcoursup participe à une meilleure orientation des candidats calédoniens en métropole, et les aide à anticiper ces difficultés. L'objectif est qu'ils obtiennent un numéro de sécurité sociale avant leur départ ou très rapidement après leur arrivée, sans rester six mois sans immatriculation comme vous l'avez vécu. Ce problème ne relève pas directement de mon ministère, mais nous l'avons identifié, et je relaierai votre préoccupation auprès de mes collègues. Nous soutiendrons les démarches du vice-recteur et des acteurs locaux afin d'apporter les informations nécessaires aux étudiants calédoniens, à travers Parcoursup, en vue de faciliter leurs démarches. Nous devons également les informer des organismes sociaux habilités à leur délivrer un numéro d'immatriculation. Nous travaillerons avec les ministères concernés pour améliorer la situation et anticiper ces difficultés.
La loi ORE visait initialement un double objectif : d'une part, remédier aux dysfonctionnements du portail APB en vigueur depuis 2009, d'autre part, lutter contre le fort taux d'échec dans le premier cycle. La loi a instauré une nouvelle procédure fondée sur la personnalisation des parcours : Parcoursup. Après quatre années d'existence, son bilan est globalement négatif : non seulement la procédure Parcoursup n'a pas supprimé les anomalies d'admission dans l'enseignement supérieur, mais elle en a créé de nouvelles, d'une autre nature, aux conséquences non moins dommageables. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de bacheliers se voient refuser l'accès à l'enseignement supérieur : à la rentrée 2022, ils étaient près de 140 000 à se retrouver sans affectation, malgré les 21 000 propositions de formation disponibles dans Parcoursup.
Parcoursup affecte de surcroît le bon déroulement de l'année de terminale : les épreuves de spécialités se déroulent ainsi en mars, afin que leurs résultats soient pris en compte dans la plateforme. Dans ces conditions, l'enseignement de spécialité n'est plus que partiel et évalué à la hâte. Quant au baccalauréat, supposé être le premier diplôme universitaire, il n'est plus que l'ombre de lui-même, puisque sa note finale n'est pas prise en compte dans la procédure d'orientation. Parcoursup a vidé de son sens et privé de sa valeur académique et sociale un fleuron de notre enseignement scolaire.
La plateforme n'a pas davantage contribué à réduire de façon significative l'échec en première année d'université. La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre ainsi que seuls 29 % des étudiants inscrits en licence obtiennent leur diplôme en trois ans, et 13 % en quatre ans. Les autres étudiants disparaissent dans le vortex : quel insupportable gâchis !
Qu'envisagez-vous de faire pour réformer Parcoursup de fond en comble ? Quelle politique de remédiation menez-vous pour que les étudiants inscrits en licence n'échouent pas massivement après leur entrée à l'université ?
Ayant enseigné et ayant été responsable de filière en licence pendant trente-cinq ans, la question de l'accompagnement des étudiants de licence, de leur réussite et de leur échec me touche particulièrement.
Vous assénez une contre-vérité quand vous affirmez que 140 000 bacheliers n'ont pas eu de proposition dans l'enseignement secondaire – je suis prête à étudier ces chiffres avec vous pour comprendre d'où ils proviennent. Pour rappel, la demande d'inscription traverse plusieurs étapes : après la phase principale et la phase complémentaire, l'étudiant peut saisir le rectorat et la commission d'accès à l'enseignement supérieur. Ce parcours peut certes être amélioré, mais il présente des mérites : l'année dernière, seuls 160 étudiants n'avaient pas de proposition dans l'enseignement supérieur à l'issue de la Caes. Les autres ont reçu des propositions ou ont fait savoir qu'ils avaient effectué un autre choix, dans une autre filière ou à l'étranger. Il faut donc cesser de diffuser des chiffres erronés.
Vous parlez par ailleurs d'un insupportable gâchis. Il est vrai que quand un étudiant échoue, surtout à ce niveau, c'est un gâchis insupportable ; mais là encore, vos chiffres sont inexacts. Le niveau de réussite en licence a évolué depuis la loi ORE et depuis Parcoursup : comme je l'ai déjà dit, le taux d'admission en deuxième année de licence est passé de 41 % à 48 % entre 2017 et 2022. Il est toujours utile de rappeler le contenu des indicateurs. Les chiffres que vous citez incluent les étudiants qui étaient inscrits en licence, mais qui se sont réorientés une fois arrivés à l'université – car l'université s'occupe de ses étudiants et les réoriente si nécessaire. L'écart ne s'explique donc pas seulement par des « disparitions », pour reprendre vos termes.
Dans toutes les formations, nous travaillons à améliorer le taux de réussite en licence ; le « oui si » est pour cela un outil parmi de nombreux autres.
Nombreux sont les étudiants à avoir été confrontés à cette phrase le jour de leur entrée en première année d'études supérieures : « Regardez votre voisin à votre droite, et maintenant, regardez votre voisin à votre gauche ; parmi vous trois, un seul terminera ses trois années de licence. Est-ce que ce sera vous ? » Avec son côté Hunger Games, cette réflexion révèle une triste réalité : nos étudiants sont mal orientés.
Le problème de l'orientation scolaire n'est pas nouveau. Le remplacement d'APB par la plateforme Parcoursup devait, en théorie, faciliter le passage du lycée vers l'enseignement supérieur en apportant de la transparence et de l'efficacité aux processus d'affectation. La réalité est tout autre : une usine à gaz nommée APB a été remplacée par une autre usine à gaz nommée Parcoursup, système opaque où l'avenir des étudiants est décidé par des algorithmes. Le calendrier est lourd, et l'arbitraire se perpétue : certains très bons lycéens sont refusés sans explication dans de nombreuses formations. Angoisse, absurdité et injustice sont les mots qui qualifient le mieux cette plateforme.
Vous avez changé la forme sans vous attaquer au fond du problème. La cause profonde de ces échecs tient notamment à la réforme conduite par Jean-Michel Blanquer, qui a porté le coup de grâce à ce qu'il restait du baccalauréat. Les taux de réussite à cet examen dépassent 90 %, les mentions sont bradées, et le baccalauréat n'est plus qu'une caricature de diplôme. Résultat : 50 % des bacheliers échouent en première année d'enseignement supérieur.
Il est nécessaire de rendre plus juste la procédure d'affectation et d'entrée à l'université. La réussite académique doit redevenir une priorité nationale. C'est pourquoi notre collègue Roger Chudeau, député du Rassemblement national, a déposé une proposition de loi visant à redéfinir un mode d'affectation et d'orientation des bacheliers comportant plus de justice et d'efficience.
Que comptez-vous faire face aux errements et à l'échec de la plateforme Parcoursup ? Comptez-vous instaurer une nouvelle procédure d'entrée à l'université répondant à des critères qualitatifs, afin de permettre une meilleure réussite académique ?
J'ai déjà répondu à nombre de vos remarques au cours de la séance ; je ne reprendrai donc pas toutes mes explications. L'orientation et la réussite de tous les étudiants sont les enjeux les plus exigeants. Vous citez des exemples isolés – nous en avons tous en tête –, mais sachez qu'indépendamment du dispositif « oui si », un grand nombre d'enseignants passent des heures à remettre les élèves à niveau, à leur proposer des parcours, à leur prodiguer du soutien et à les accompagner, dans le secondaire comme dans l'enseignement supérieur. Il est important de mentionner le travail que mènent ces collègues dans le cadre de la commission d'examen des vœux ou plus tard, dans leurs enseignements, pour accompagner les élèves et les étudiants vers la réussite.
En ce qui concerne l'orientation, j'ai tenu, dès mon arrivée il y a dix mois, à ce que nous continuions à améliorer la plateforme en renforçant la transparence et la richesse des informations, pour que les élèves et leurs familles s'y retrouvent. Nous devons parfaire l'accompagnement et l'orientation dès le plus jeune âge, pour que les jeunes anticipent mieux l'issue de leurs vœux sur la plateforme. Ce sera probablement la prochaine étape : il faut donner les clés aux élèves et à leurs parents pour qu'ils abordent plus sereinement Parcoursup et leurs choix d'orientation.
Le baccalauréat est une institution. Par tradition, il est le premier grade de l'enseignement supérieur, mais également le précieux sésame pour y accéder. L'université doit donc être pleinement impliquée dans cet examen et doit en définir les exigences. Le baccalauréat devrait attester que le lycéen est capable d'entrer dans l'enseignement supérieur et de suivre les formations avec profit.
La réforme Blanquer a fini de détruire ce qu'il restait du baccalauréat. Le contrôle continu, les épreuves organisées en mars et les vœux sur Parcoursup contribuent à rendre cette épreuve inutile, puisque l'avenir des élèves se joue lors des deux premiers trimestres. Le baccalauréat – notamment ses épreuves terminales – devient une simple formalité, car la note finale n'est pas prise en compte par Parcoursup. Le baccalauréat n'est plus qu'un certificat de présence au lycée, et non un examen d'accès à l'enseignement supérieur à caractère académique. Il n'atteste plus de l'aptitude du candidat à intégrer telle ou telle formation supérieure et c'est ce qui explique que la moitié des bacheliers échouent en première année d'université.
Pourtant, l'investissement dans l'université revêt un caractère stratégique pour l'avenir et la prospérité du pays. Se donner une politique ambitieuse pour l'enseignement supérieur et la recherche est la condition préalable pour que la France soit à la hauteur de son rang dans le concert des nations. Telle est la volonté du Rassemblement national. Mon collègue Roger Chudeau a déposé une proposition de loi visant à remettre le baccalauréat au centre de l'année de terminale et à lui rendre la fonction qu'il n'a plus, celle d'un examen de passage dans le supérieur.
Quand ferez-vous enfin en sorte que le baccalauréat retrouve sa qualité et sa fonction initiale d'examen d'entrée à l'université et de premier grade universitaire ? Que comptez-vous faire pour que les universités françaises redeviennent des fers de lance de l'excellence académique ?
Nous avons tous ici, peu ou prou, le même âge, d'où ma question : quand vous avez postulé dans le supérieur, avez-vous reçu une réponse avant d'obtenir le baccalauréat ? Je suis certaine que oui. Dans la majorité des cas, nous avons été acceptés sous réserve d'obtenir le baccalauréat. L'équivalent de la commission d'examen des vœux intervenait avant les résultats de l'épreuve finale. L'accès à l'enseignement supérieur était validé sous réserve d'obtenir le baccalauréat, voire, pour certaines formations, sous réserve de décrocher une mention. La commission de choix sélectionnait les élèves sur dossier avant le baccalauréat.
La question de la sélection par les établissements d'enseignement supérieur est donc distincte de celle du niveau du baccalauréat, qui doit être suffisamment élevé pour assurer la réussite des élèves dans le supérieur. Il importe donc de clarifier ce point : si Parcoursup assure la gestion des candidatures et des choix d'orientation dans le supérieur, l'accès à l'université reste conditionné à l'obtention du baccalauréat, comme il l'a toujours été, et les dossiers sont sélectionnés en amont en fonction des résultats du contrôle continu. Ne mélangeons pas les questions distinctes que sont l'accès au supérieur, la réussite au baccalauréat et les changements liés à Parcoursup.
Je sais qu'il est tentant de se dire que tout était mieux avant, mais il faut reconnaître les avantages que présente l'évolution des plateformes, au premier rang desquels la faculté de traiter les demandes du nombre considérable de jeunes qui accèdent à l'enseignement supérieur et la variété des choix qui leur sont proposés. Cette profusion même rend indispensable le recours aux outils numériques.
Madame la ministre, je rejoins mes collègues qui vous ont alertée sur le dispositif Parcoursup et sur le baccalauréat et, plus largement, je vous appelle à repenser fondamentalement la difficile phase de transition entre le lycée et les études supérieures. Nous nous devons de répondre au désarroi des nombreux élèves qui vivent cette période comme une pénible épreuve.
Premièrement, nous pensons qu'il faut redonner au baccalauréat sa valeur et sa véritable utilité. Les plaintes des enseignants au sujet des notations bienveillantes imposées chaque année et de l'harmonisation des résultats postérieurement à la correction dénotent une indulgence qui fait des ravages dans le supérieur, encore aggravés par la pandémie. Les réformes du bac y contribuent par l'incohérence des coefficients fixés ou encore par l'intégration dans la note finale du contrôle continu sur deux ans. Il faut préparer les élèves à un baccalauréat qui doit impérativement redevenir un outil de notation fiable et méritant. Le baccalauréat est la porte d'entrée vers les études supérieures : affaiblir cette pierre d'angle revient à laisser s'effondrer progressivement tout l'édifice !
Secondement, les échecs et les inégalités subis par les étudiants devraient être contrés par un travail redoublé d'information et d'aide à la décision quant au choix du parcours en études supérieures. Dans son rapport de 2020 sur le premier bilan de la loi ORE, la Cour des comptes indique en effet que cinquante-quatre heures annuelles censées être consacrées à l'orientation ne le sont pas réellement. En outre, certaines procédures de sélection détournent une partie des bacheliers de parcours qui leur correspondraient mieux, ce qui explique l'absence générale de motivation des jeunes et les nombreux changements de voie qu'eux et leur famille subissent, la plupart du temps, plutôt que de les choisir. Ne vous y trompez pas, la santé psychologique et financière des étudiants est intrinsèquement liée à leur orientation : il nous faut rendre cette phase plus sereine, sans pour autant tomber dans l'écueil de la facilité.
Pour ce qui est des échecs, je rappelle que 20 % des étudiants ayant commencé des études supérieures en sortent sans avoir obtenu de diplôme, et que seuls 40 % des étudiants en première année de licence poursuivent directement la même formation en deuxième année. Le coût collectif de ces accidents de parcours est estimé à 500 millions d'euros. Madame la ministre, avez-vous conscience des lacunes que comporte le chantier de la réforme du bac, et comptez-vous rendre sa fiabilité au diplôme tout en renforçant l'accompagnement des étudiants ?
Sans reprendre votre question point par point, je tiens à revenir sur les chiffres que vous citez. Le passage direct en deuxième année de licence concernait seulement 40 % des étudiants en 2017, avant la promulgation de la loi ORE, mais ce pourcentage s'élevait à 48 % en 2022. Malgré ces évolutions, le taux de réussite en premier cycle reste insuffisant. Nous devons continuer à l'améliorer, comme y vise l'évolution, pour mieux correspondre à certains profils, des bachelors universitaires de technologie proposés dans les IUT.
Je vous rejoins d'ailleurs sur ce point : il est nécessaire – mais cela n'est pas nouveau – de continuer à travailler pour mieux adapter l'enseignement au profil des étudiants, au lycée comme dans le supérieur. Il s'agit de remettre l'étudiant au cœur de la formation, plutôt que d'en faire le public d'une formation préexistante. Il faut adapter les formations à deux paramètres : les besoins d'insertion professionnelle d'une part, le profil de l'étudiant d'autre part. Ce travail est en cours, en particulier dans le premier cycle, période fondamentale pour construire des passerelles vers l'emploi ainsi que des socles de connaissances et de compétences qui permettront aux jeunes de s'adapter à l'évolution de leur carrière. Nous y œuvrons, en lien avec le ministère de l'éducation nationale. Oui, il s'agit d'un travail de long terme, mais il porte déjà ses premiers fruits, consécutifs à la loi ORE et à la réforme de Parcoursup.
Pour surmonter les crises sociales et écologiques que nous traversons, nous devons faire le pari du savoir. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi, signée par des députés appartenant aux quatre groupes de la NUPES, visant à redonner des moyens à l'université et à la recherche scientifique.
En effet, madame la ministre, la politique du Gouvernement, qui consiste à renforcer constamment la sélection, n'est pas à la hauteur. Le refus de créer suffisamment de places dans l'enseignement supérieur public suscite chez les élèves et leurs familles une angoisse qui profite au seul secteur privé.
Commençons par décrire le stress qu'il engendre au lycée – et désormais, hélas, dès le collège ! Parcoursup rend l'année de terminale particulièrement éprouvante pour les élèves et leurs familles. Pour satisfaire le calendrier de cette plateforme, ils viennent de passer les épreuves de spécialité, avancées au mois de mars au mépris de toute considération pédagogique. Il leur faudra ensuite finaliser leurs vœux, puis rédiger des lettres de motivation – dont la plupart ne seront même pas lues. L'attente angoissante des résultats durera enfin, pour certains d'entre eux, jusqu'à la fin de l'été, se soldant parfois par une absence de réponse. En effet, en 2022, faute de places, 300 000 bacheliers n'ont pas trouvé de formation qui leur convenait – ce chiffre a été publié par votre ministère en septembre 2022.
La face cachée de ce désengagement de l'État n'est autre que la multiplication d'acteurs privés qui, surfant sur l'angoisse, proposent les places qui manquent dans le public. Parcoursup constitue d'ailleurs un véritable outil publicitaire pour les formations du privé. Ainsi, les lycéens cherchant une formation commerciale en Île-de-France sur le moteur de recherche de Parcoursup verront apparaître treize formations du privé, facturant entre 9 000 et 15 000 euros l'année, avant que n'apparaisse le premier établissement public. Or certaines de ces formations sont de véritables arnaques : par exemple, l'école Campus Academy d'Aix-en-Provence a fermé ses portes en février 2023, laissant une centaine d'étudiants sans formation et sans perspective de diplôme en plein milieu de l'année universitaire. En outre, ces écoles privées bénéficient du financement direct de l'État en proposant des formations en apprentissage dont les frais d'inscription sont partiellement couverts par France Compétences.
Madame la ministre, quand proposerez-vous une vraie loi-cadre pour redonner des moyens au service public de l'enseignement supérieur ? Quand comptez-vous mettre fin aux subventions déguisées accordées aux formations privées et les faire sortir de la plateforme Parcoursup ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous concède que nous devons aux étudiants et à leur famille de garantir la qualité des formations recensées dans Parcoursup – la plateforme doit constituer un label, pour ainsi dire. D'ailleurs, sauf erreur de ma part, la formation Campus Academy que vous avez citée n'est pas sur cette plateforme. De même, d'autres formations n'y figurent pas en raison du fait qu'elles ne satisfont pas aux critères qui permettent de vérifier leur qualité et de leur accorder le label EESPIG ou une accréditation similaire. Nous avons justement formé un groupe de travail afin de renforcer ces qualifications et de vérifier l'absence sur Parcoursup de formations malhonnêtes ou mensongères. Je vous rejoins en cela : il revient au ministère de définir la charte et le cadre auxquels doivent satisfaire les formations figurant dans Parcoursup, qu'elles soient publiques ou privées.
Quant à l'augmentation de places disponibles dans l'enseignement supérieur public, nous travaillons à identifier des formations préparant à des métiers en tension ou à des métiers d'avenir, afin d'ouvrir de nouvelles places dans ces filières. Nous nous intéressons par exemple aux métiers de la santé : le nombre d'étudiants inscrits dans les filières de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique a augmenté de près de 18 % depuis 2021. Je vous signale que nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt – nous accompagnons les établissements souhaitant y répondre, afin d'éviter qu'il se réduise à un énième appel à projets – nommé « Compétences et métiers d'avenir », dans le cadre duquel 2,5 milliards d'euros seront consacrés à la création de formations correspondant aux filières en tension ou aux métiers nouveaux. Il donnera lieu à un dialogue avec les établissements afin de préparer l'avenir à moyen et long termes.
En un mot, nous menons d'ores et déjà un travail visant à adapter les formations, d'une part aux besoins des étudiants et d'autre part à ceux des filières.
Je remercie M. Jérôme Teillard, chef de projet Parcoursup, d'assister à nos échanges. Il n'y a pas un groupe qui n'ait exprimé ses inquiétudes quant à Parcoursup ; certains y manifestent leur opposition, d'autres proposent des pistes d'amélioration. Notre groupe n'est nostalgique ni d'APB ni de l'ancien système Ravel – recensement automatisé des vœux des élèves –, et encore moins de l'époque où l'enseignement supérieur était réservé de facto à une partie de la population. Désormais, l'accès à l'université est un droit universel dès lors qu'on possède le baccalauréat ; pourtant, chacun sait que ce droit est parfois bafoué en raison du territoire où habite l'élève, de la famille où il est né ou encore du parcours scolaire qu'il a accompli – désormais pris en considération dès la classe de troisième.
Il en résulte que plus d'un quart des bacheliers sont insatisfaits des propositions d'affectation que leur offre Parcoursup. Cette plateforme a été créée pour faire face aux tensions entre les moyens alloués à l'enseignement supérieur et la croissance de la démographie étudiante – qui constitue une bonne nouvelle –, afin d'éviter à l'État de créer autant de places dans le supérieur qu'il existe de besoins exprimés. La logique de classement de Parcoursup, qui s'applique également dans les filières non sélectives, répond donc bien à une volonté d'économie de moyens de la part du Gouvernement. D'ailleurs, vous le savez, si nous étions au Gouvernement, vous auriez les milliards dont vous avez besoin !
Le problème du classement réside dans le fait que les bacheliers ne comprennent pas comment leurs dossiers sont étudiés et triés par les établissements. Malgré les efforts de publicité sur les réseaux et sur internet, force est de constater l'existence d'un biais d'accès et de maîtrise de l'information qui confine parfois au délit d'initié. Ainsi, certains enseignants, y compris des professeurs principaux, ne consultent pas les plateformes et, par conséquent, informent mal les élèves et les familles. En outre, les critères de pondération fixés par les commissions d'examen des vœux des établissements du supérieur sont très rarement connus, et les paramètres des algorithmes locaux pour chaque formation ne sont pas publiés afin de préserver le secret des délibérations des commissions. Le sentiment d'opacité ressenti par les élèves s'explique largement par le refus de publier ces paramétrages, malgré les multiples demandes en ce sens du comité éthique et scientifique de Parcoursup.
Ma question est simple : quand rendrez-vous obligatoire la publication des critères de classement, dans le souci de rapprocher l'usager de la puissance publique ?
Je tiens à préciser que mes réponses ne constituent pas une défense aveugle de Parcoursup ; je plaide au contraire pour l'utilisation à bon escient de cette plateforme, consciente du stress que provoquent ses lacunes et des améliorations qu'il faut encore y apporter. En effet, au XXI
Je souligne que le rapport du comité fait également état d'améliorations considérables de la plateforme, du point de vue de la gestion de l'information, de la transparence ou encore des critères employés par les commissions d'examen des vœux, publiés dans des rapports généraux et, depuis cette année, dans des fiches qui les définissent plus spécifiquement.
Le Conseil constitutionnel a rappelé l'importance de l'indépendance et de la liberté d'appréciation dont disposent les commissions. Je vous rassure : il ne s'agit pas de promouvoir une décision automatique prise par un algorithme en fonction d'un fichier Excel, mais de maintenir le facteur humain que représentent les commissions qui, constituées en jury, évaluent des dossiers d'élèves très divers. M. Davi a affirmé qu'elles ne prennent pas connaissance des lettres de motivation, mais cela est faux : au contraire, mes anciens collègues lisent très souvent ces lettres, et c'est justement ce facteur humain qu'il importe de préserver.
Depuis quelques années, les lycées militaires défraient la chronique. L'Assemblée nationale a dû s'emparer au sujet et une mission d'information, dont j'étais le rapporteur, a émis des préconisations pour en finir avec les discriminations pouvant s'exercer au sein de ces établissements. Ont-elles été suivies d'effets ? Il est permis d'en douter.
Le 21 mars dernier, un article du Parisien révélait des faits graves s'ils sont avérés. La proviseure adjointe du lycée militaire d'Autun aurait demandé aux professeurs de modifier des appréciations sur le bulletin scolaire d'une élève originaire du Congo-Brazzaville. L'objectif aurait été de la diriger vers une filière professionnelle contre sa volonté, afin de l'exclure du lycée. Était-ce en raison de sa couleur de peau ? Avoir à poser la question, c'est déjà malheureusement y répondre…
Le 14 mars, le Figaro a publié un article sur le Prytanée militaire et ses classes préparatoires d'excellence. L'article indique que « beaucoup d'élèves et de parents, non issus du sérail militaire, jugent la procédure d'admission opaque ».
Quelles sont les qualités, les compétences attendues des candidats ? Des « qualités altruistes », « l'importance accordée aux notions de patrie et de nation ». « Les réservistes, ceux qui ont fait une prépa militaire découverte », les chefs scouts, les délégués de classe ou encore les capitaines d'équipe sportive sont favorisés. Ces critères sont des marqueurs sociaux. Ils entravent l'ouverture du recrutement et favorisent la reproduction sociale.
Mme Laetitia Saint-Paul, spécialiste du sujet, explique que « le recrutement, très endogène, ne reflète pas encore toute la diversité de la nation ». Madame la ministre, nous avons besoin que nos armées soient à l'image de la nation. Quels sont donc les critères réels de Parcoursup pour accéder aux classes préparatoires qui mènent aux concours d'officier ?
Comment garantissez-vous que le recrutement soit le plus divers possible, le plus représentatif de la nation, tant du point de vue du genre que de l'origine sociale ?
M. Rodrigo Arenas applaudit.
Ma réponse sera brève : la charte à laquelle les formations doivent souscrire pour figurer sur Parcoursup comprend des exigences quant aux commissions de sélection. Parmi celles-ci figure clairement un critère d'égalité de traitement des candidats, qui exclut toute discrimination, par exemple par rapport au genre ou à la couleur de peau.
Vous ne répondez pas à la question que j'ai posée. Être chef scout est-il un critère pour intégrer ces classes prépa ?
Nous nous pencherons sur le cas que vous mentionnez. Mais dès lors que ces formations sont sur Parcoursup, elles se sont engagées à respecter une charte qui comprend notamment l'égalité de traitement des candidats. Nous devons y être attentifs, je suis d'accord avec vous. Les formations présentes sur Parcoursup se sont engagées à se conformer aux principes définis par la charte. C'est la base des critères indiqués dans les fiches publiées par les établissements dont nous disposons désormais. Nous pourrons donc vérifier ce qu'il en est. Je vous remercie pour cette question.
Je pourrais moi aussi parler du flou entourant les critères de sélection des candidatures dans les écoles supérieures, mais je préfère m'attarder sur la temporalité de l'ouverture de Parcoursup durant l'année de terminale. En effet, pour cette année scolaire 2022-2023, les lycéens ont jusqu'au jeudi 6 avril pour effectuer leurs vœux sur Parcoursup.
Pour autant, les cours ne seront pas terminés. Tous les témoignages des professeurs font part d'une démotivation certaine de nombreux lycéens après la finalisation de leur dossier sur Parcoursup. Cela peut se comprendre. En effet, dès lors que leurs dossiers de vœux ont été envoyés dans les différentes écoles supérieures, les notes du deuxième semestre n'ont plus qu'une importance relative et l'on assiste à un décrochage manifeste de nombreux élèves, nous expliquent les professeurs.
Ensuite, l'épreuve de philosophie et le grand oral, matières très importantes pour le bac, ont lieu en mai ou juin, après la finalisation des dossiers Parcoursup. Dans ces conditions, motiver les jeunes peut se révéler difficile.
Madame la ministre, ma question est la suivante : le calendrier de Parcoursup peut-il être décalé afin de réduire le délai entre le calendrier d'inscription sur Parcoursup et la fin de l'année scolaire de terminale ?
Nous comprenons la démotivation que peut engendrer le calendrier. Nous l'avons toujours connue, car le calendrier de dépôt des dossiers n'est pas nouveau. Avant Parcoursup, on n'attendait pas le bac pour postuler à une formation du supérieur. Du reste, le bac est toujours une condition indispensable pour intégrer une formation du supérieur. En effet, un élève pourra intégrer la formation qui l'a accepté sur Parcoursup sous réserve d'obtenir le baccalauréat.
La motivation pour avoir le bac ne doit pas être liée au dépôt du dossier – comme je l'expliquais, cela n'a jamais été le cas, ou cela n'aurait jamais dû l'être. D'autre part, la phase complémentaire de Parcoursup prend en compte les notes du troisième trimestre. Pour les élèves, toutes les notes sont donc importantes. J'insiste sur le fait qu'ils ne pourront intégrer l'enseignement supérieur que sous réserve de l'obtention du baccalauréat.
Ce n'est pas le calendrier de Parcoursup qui pose problème. Ce décalage des calendriers existe depuis très longtemps. Nous continuons de travailler avec le ministère de l'éducation nationale sur la façon d'aborder l'année et de faire le lien entre le secondaire et le supérieur pour donner plus de chances de réussite à nos élèves lors du troisième trimestre, dont je rappelle qu'il compte quand même sur Parcoursup.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur l'impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra