La question qui se pose à nous aujourd'hui est celle de la conciliation entre droit de propriété et droit au logement. Nous le savons, la juste mesure entre ces deux droits n'est pas toujours facile à trouver. Souvent, le législateur penche d'un côté ou de l'autre au gré des majorités voire des faits d'actualité, au risque de perdre de vue ce qui devrait lui servir de boussole : la recherche de l'équilibre entre des intérêts qui peuvent parfois sembler contradictoires.
Nous ne pouvons tolérer que certains tirent profit des failles de notre droit pour se maintenir dans des logements qui ne leur appartiennent pas, pas plus que nous ne devons nous résoudre à ce que quatre millions de personnes soient mal logées et 300 000, sans domicile fixe.
Nous partageons votre volonté de défendre les propriétaires. Ceux qui ont investi dans la pierre, au prix parfois d'une vie entière de labeur, ont le droit de bénéficier de leur bien.
Cependant nous regrettons le silence de la majorité sur cet autre sujet central qu'est le mal-logement. Que faites-vous pour ceux qui n'ont pas de chez-soi ? Comment aider ceux qui se retrouvent actuellement pris en étau entre des charges locatives à la hausse et des revenus en berne ? Face aux zones tendues qui se déploient sur de nouveaux territoires et à l'attrition des logements permanents en zone touristique, quelle est votre feuille de route ? Où est passé le choc de l'offre tant promis ? Monsieur le ministre délégué, le manque d'habitations disponibles et abordables se fait de plus en plus criant. La politique du logement se trouve dans une impasse, les Français attendent votre plan d'action pour en sortir.
Revenons au fond de la proposition de loi. Le texte initial semblait à certains égards déconnecté des réalités du terrain, entretenant une confusion dangereuse entre squatteurs et locataires défaillants. Pourtant ces deux situations sont très différentes. Nous ne pouvons mettre dans la même case ceux qui choisissent d'occuper un domicile qui n'est pas le leur et ceux qui cessent de payer parce qu'ils n'ont parfois pas d'autre choix. Fort heureusement, les sénateurs ont opéré un nécessaire travail de clarification. Le locataire qui se maintient dans les lieux après la résiliation de son bail ne sera pas soumis aux mêmes modalités d'expulsion que le squatteur.
Nous ne partagions pas non plus votre volonté de criminaliser certains individus en grande difficulté en créant un délit d'occupation sans droit ni titre. Là encore, la navette parlementaire aura permis d'aboutir à un texte plus équilibré. Le volet relatif aux squatteurs comporte désormais un ensemble de mesures qui visent à combler les lacunes du droit existant et à accroître les sanctions à l'encontre de ceux qui s'approprient des logements. Nous y sommes favorables.
S'agissant des dispositions relatives aux rapports locatifs, des progrès ont été réalisés en matière d'accompagnement social des locataires. Le texte renforce le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions, les CCAPEX. Grâce au chapitre ajouté par le Sénat, elles auront un plus grand pouvoir de décision, par exemple s'agissant du maintien des aides personnelles au logement, les APL.
Nous sommes favorables, en outre, à la transmission systématique, par l'huissier de justice, du commandement de payer à la CCAPEX afin de privilégier la prise en charge, le plus en aval possible, des difficultés du locataire – un premier pas nécessaire pour accompagner ceux qui sont en difficulté. Rappelons toutefois que ces mesures ne pourront être opérationnelles qu'à condition que les services sociaux et les CCAPEX disposent d'effectifs suffisants.
La réduction des délais dans la procédure contentieuse du traitement des impayés de loyer constitue un autre axe de la proposition de loi. Une fois encore, nous redoutons que la volonté d'accélérer ne s'accompagne pas de moyens suffisants pour permettre un accompagnement, en temps et en heure, des locataires en difficulté.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère que ce n'est pas aux petits propriétaires d'endosser les conséquences de la crise du logement et de la politique défaillante du Gouvernement en la matière. Une majorité d'entre nous votera donc en faveur de la proposition de loi, même si d'autres membres du groupe, s'inquiétant que certaines dispositions accroissent les difficultés de locataires paupérisés, choisiront de s'abstenir.