France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Je suis très heureux d'être ici devant vous, au nom du gouvernement français, pour vous présenter le projet de loi visant à autoriser l'approbation de l'accord entre la France et le Royaume-Uni sur la coopération en matière de sûreté maritime et portuaire, concernant plus spécifiquement les navires à passagers battant pavillons français et britannique dans la Manche.
Cet accord vient donner à la coopération bilatérale entre nos deux États un cadre juridique robuste en matière de sûreté maritime et portuaire. Le processus de ratification au Royaume-Uni arrivant à son terme, ce qui est une bonne chose, c'est désormais à la France de ratifier ce texte très important.
Avant toute chose, permettez-moi de vous expliquer le grand objectif de cet accord : anticiper la menace terroriste, réalité indéniable et concrète, surtout depuis les attentats de 2015. Nul besoin de rappeler que nous venons tout juste de célébrer le septième anniversaire de ces attaques dues au terrorisme islamiste.
Nous voulons donc mieux structurer la coopération entre nos États s'agissant de la sûreté à bord des navires battant pavillon français ou britannique – je pense notamment à des situations d'actes illicites au sein d'un navire à passagers pouvant mettre en danger la vie ou l'intégrité physique des personnes ainsi que la sécurité de la navigation. C'est tout l'objet de l'article 1er de cet accord.
Pourquoi passer par un accord ? Parce que les réalités opérationnelles sont particulières en mer lorsqu'il s'agit de navires à passagers : l'éloignement des côtes – et donc du temps incompressible nécessaire aux forces de sécurité pour venir sur le navire – ne permet pas de traiter les menaces, surtout les menaces terroristes, comme sur la terre ferme. Cette réalité opérationnelle a d'ailleurs été rappelée par le Conseil d'État dans son avis du 3 septembre 2019. La prise en compte de cette vulnérabilité est l'objet du travail effectué avec le gouvernement britannique.
L'accord prévoit notamment de déployer des agents de l'État et des agents privés à bord des navires à passagers. L'idée est qu'ils soient déjà à bord en cas de besoin, pour qu'ils puissent réagir le plus rapidement possible en cas d'actes illicites pouvant mettre en danger la vie ou l'intégrité physique des personnes ainsi que la sécurité de la navigation.
Nous voulons apporter des réponses concrètes sur deux volets : la prévention et la réaction. Nous voulons prévenir autant que possible ces actes illicites, en encadrant le partage des informations sur d'éventuelles menaces dans le domaine maritime de la Manche. Nous voulons aussi réagir tout de suite en cas de commission d'actes illicites, surtout lorsqu'il n'est pas possible d'attendre le déploiement des forces d'intervention spécialisées de l'État côtier, par exemple lors d'attentats en cours. La présence d'agents à bord est dissuasive et elle permet de gagner du temps, ce que l'on appelle la guerre du temps, lorsque la vie ou l'intégrité physique de personnes est en jeu.
Cet accord prévoit aussi des dispositions pour une intervention conjointe franco-britannique de contre-terrorisme maritime avec nos forces d'intervention spécialisées – côté français, il s'agit du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et des forces spéciales de la marine nationale.
Une fois posé le cadre global de cet accord, permettez-moi de vous rappeler les principales étapes de son élaboration. Il s'inscrit dans la lignée de tous les travaux engagés depuis 2015 sur le renforcement de la lutte contre la menace terroriste.
Après la vague d'attentats terroristes commis en France, et plus largement en Europe, le Gouvernement a souhaité, dès 2016, déployer des agents armés de l'État à bord des navires à passagers battant pavillon français. Mais puisqu'il n'y avait pas d'accord avec les autorités du Royaume-Uni, ces agents devaient cesser leur mission lors de l'entrée des navires dans les eaux sous souveraineté britannique. Afin de leur permettre de poursuivre leur mission pendant la totalité du transit, un arrangement technique avait été conclu entre la France et le Royaume-Uni en décembre 2016. Le principe d'un accord intergouvermemental pour une coopération bilatérale structurée et pérenne avait ensuite été validé par nos deux États en décembre 2017, puis annoncé lors du sommet de Sandhurst en janvier 2018.
Ce projet de loi sur l'approbation d'un accord entre la France et le Royaume-Uni, que nous vous soumettons aujourd'hui, est le fruit de toutes ces discussions. L'accord se veut donc, d'abord et avant tout, opérationnel et technique. L'objectif final est, très concrètement, d'éviter la commission d'actes illicites qui pourraient porter gravement atteinte à la sûreté de la navigation maritime, à la vie des équipages et des passagers.
L'accord entre la France et le Royaume-Uni sur la sûreté maritime des navires de passagers battant pavillon français ou britannique dans la Manche constitue une véritable avancée opérationnelle, diplomatique et technique. Bien sûr, en parallèle, nos travaux bilatéraux se poursuivent, notamment dans le cadre de l'élaboration du plan d'intervention conjointe. Des observateurs britanniques assisteront par exemple au prochain exercice français de contre-terrorisme maritime en décembre prochain – c'est la traduction concrète de notre engagement à lutter ensemble sans relâche contre le terrorisme.
Cet accord entre la France et le Royaume-Uni sera donc un levier indiscutable de la lutte que nous menons avec les autres États contre le terrorisme. Pour qu'il soit mis en œuvre, j'appelle de mes vœux l'adoption du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Notre assemblée est saisie ce matin d'un projet de loi relatif à un accord franco-britannique signé le 26 juillet 2021 à Paris, qui porte sur la coopération en matière de sûreté maritime et portuaire concernant les navires qui traversent la Manche avec plus de douze passagers à bord.
Sept compagnies sont concernées. En France, elles embarquent et débarquent des passagers depuis onze ports : Dunkerque, Calais, Dieppe, Le Havre, Caen, Cherbourg, Diélette, Barneville-Carteret, Granville, Saint-Malo et Roscoff.
Ce texte traite d'un sujet majeur : la lutte contre le terrorisme. Nous avons tous en tête les attentats perpétrés sur le territoire français, dont le bilan humain est très lourd : 271 morts et 1 200 blessés depuis 2012. Quant au Royaume-Uni, il a été touché par seize attentats depuis 2015, notamment celui de la Manchester Arena qui a fait 22 morts et 139 blessés le 22 mai 2017.
La menace terroriste n'a malheureusement pas disparu dans nos deux pays. Le risque est désormais moins celui d'une attaque de grande ampleur organisée depuis l'étranger que d'actes commis par des individus isolés souvent autoradicalisés.
Dans un tel contexte, il est essentiel de s'intéresser aux navires qui traversent la Manche car ils accueillent un nombre élevé de passagers. En 2019, avant la crise sanitaire, on comptait 14,3 millions de passagers dans la Manche et en mer du Nord, dont 8,5 millions transitaient par le port de Calais, dans ma circonscription. On estime que l'on reviendra à des chiffres similaires d'ici à l'année prochaine. En outre, de grands événements sportifs seront organisés en France très prochainement – la Coupe du monde de rugby en septembre et en octobre 2023, les Jeux olympiques d'été en 2024 –qui augmenteront nécessairement les flux de passagers.
Les ferries doivent donc disposer d'équipes pour assurer la sécurité des passagers et des équipages. Depuis 2016, la France déploie des équipes de protection de navires à passagers (EPNAP) à bord des navires battant pavillon français. Un arrangement technique avait été signé par la France et le Royaume-Uni le 9 décembre 2016, incluant les eaux britanniques. Toutefois, cet arrangement ne devait être que transitoire car il ne concerne que les EPNAP françaises, ce qui le rend incomplet sur le plan juridique.
C'est pourquoi, le 26 juillet 2021, la France et le Royaume-Uni ont signé l'accord que nous examinons, composé d'un préambule et de dix-huit articles dont j'ai détaillé le contenu dans mon rapport.
Ce texte permet à la coopération bilatérale de disposer d'un cadre juridique beaucoup plus précis et complet, ainsi que de nouveaux outils. Il autorise, en effet, chaque État partie à déployer ses agents dans les navires battant son propre pavillon, ce qui inclut donc désormais la partie britannique. Il renforce également les échanges d'informations et de bonnes pratiques, et il autorise des interventions conjointes ou coordonnées à bord des navires. Enfin, il organise des priorités de juridiction et le règlement des dommages.
Cependant, la portée de cet accord dépendra des moyens déployés pour sa mise en œuvre. Or ce point pose souvent problème avec le Royaume-Uni, j'en veux pour preuve la gestion de la crise migratoire ou encore le déversement des eaux usées britanniques dans la Manche, véritable scandale écologique auquel les autorités britanniques n'apportent pas de solution convenable.
Revenons à la mise en œuvre de l'accord que nous examinons ce matin. Le Royaume-Uni devra déployer des agents d'État sur les navires battant son pavillon, ce qui n'est pas le cas actuellement, seule la France étant mobilisée. Pour la France, je recommande une augmentation de la fréquence de déploiement des EPNAP, notamment au moment des pics touristiques, ce qui implique évidemment une hausse des effectifs mobilisés.
Cela étant, même si l'octroi de moyens supplémentaires n'est pas garanti à ce stade, cet accord est incontournable. Comme je l'ai démontré, il contribue à renforcer la sécurité des nombreux passagers qui utilisent les ferries pour traverser la Manche. Il pourrait d'ailleurs en inspirer d'autres : des réflexions sont en cours pour développer une coopération bilatérale sur la même thématique avec l'Italie pour les navires effectuant la liaison entre le continent et la Corse.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l'approbation de cet accord.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous devons toujours nous réjouir de voir notre pays signer un accord de coopération en matière de lutte contre le terrorisme alors que nous ne connaissons que trop bien les conséquences du manque d'échange d'informations et de collaboration entre pays dans ces situations.
Cette coopération avec le Royaume-Uni prend d'autant plus de sens que nos pays ont été des cibles par le passé et continuent d'être régulièrement menacés. Mais elle est surtout essentielle car, comme cela a été rappelé, environ 14 millions de personnes utilisent chaque année les ferries qui traversent la Manche.
Alors que nos deux pays ont connu une relation plutôt instable au cours des dernières années, je tiens à saluer la volonté politique de nos gouvernements de continuer à faire avancer des dossiers essentiels, marqueurs d'une confiance imperméable aux aléas et d'une coopération forte.
Le dialogue de qualité que nous avons ainsi maintenu autour de coopérations essentielles comme celle qu'il nous est proposé d'entériner aujourd'hui nous permet d'obtenir des avancées sur des sujets plus houleux, comme en témoigne l'accord signé le 14 novembre par nos deux pays pour lutter contre l'immigration illégale. Outre une contribution économique renforcée, il prévoit une coopération accrue entre forces de l'ordre sur le terrain et dans les centres de contrôle français, ce qui permettra d'améliorer la compréhension mutuelle des pratiques et les échanges d'informations – une avancée souhaitable dans de nombreux domaines.
J'en reviens au texte qui nous occupe aujourd'hui : la confiance dont il est la marque est une avancée importante. Comme M. le rapporteur l'a rappelé, l'arrangement technique conclu en 2016 comportait plusieurs flous juridiques et ne garantissait pas parfaitement la sécurité des passagers ni des agents susceptibles intervenir. Ainsi, la définition d'un cadre clair pour l'exécution des missions de police, et surtout la définition exacte des situations d'urgence dans lesquelles ces agents sont amenés à intervenir en dehors de leur juridiction, sont autant de précisions juridiques qui permettront aux agents français et britanniques de garantir la sécurité des passagers en toute sérénité.
D'ailleurs, alors que, jusqu'à présent, seule la France déployait des agents sur les bateaux, l'accord permettra au Royaume-Uni d'assurer lui aussi la sécurité des navires battant son pavillon, ce qui représente une avancée très concrète. Il faut désormais espérer que nos voisins prendront toute la mesure de la charge qui leur incombe non seulement pour garantir la sécurité de tous, mais aussi pour faire de cet accord un modèle. Il n'existe pas, en effet, de traité comparable, décrivant avec un tel degré de précision technique la coopération entre deux pays en matière de lutte contre le terrorisme. Si la conclusion de tels accords avec d'autres partenaires serait une avancée à saluer, peut-être pouvons-nous également ambitionner de définir un cadre aussi précis au niveau européen en matière de sécurité maritime, mais aussi, plus largement, en matière de sécurité transfrontalière.
Aussi le groupe Démocrate soutiendra-t-il ce texte, qui constitue une avancée importante en matière de lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Comme nous l'avions souligné lors de son examen en commission des affaires étrangères, l'objet du texte qui nous est soumis est d'apporter davantage de sécurité juridique que l'accord en vigueur depuis 2016, accord renouvelé tant bien que mal tous les ans. Rappelons que près de 14 millions de personnes traversent la Manche chaque année. La France et le Royaume-Uni ont donc décidé d'y renforcer leur lutte antiterroriste en améliorant la sécurité maritime et portuaire. Ils ont formalisé leur accord le 26 juillet 2021.
Cet accord permet l'intervention d'agents de sécurité privée et d'agents de l'État sur des navires à passagers, dans les eaux territoriales françaises ou britanniques comme en haute mer. Les agents privés ne pourront agir qu'en cas de légitime défense, tandis que les agents de l'État seront armés et pourront utiliser la force conformément à la réglementation en vigueur. L'interdiction du port d'arme pour les agents privés répond à une exigence du Royaume-Uni, cette pratique n'étant pas autorisée sur son territoire. Ces agents se conformeront ainsi au droit de la partie d'envoi et, dans les eaux sous souveraineté de l'autre partie, au droit qui s'y applique.
Les agents de l'État, quant à eux, pourront être déployés sur des navires battant pavillon de leur État. Ils pourront patrouiller sur la totalité du trajet, mais devront cesser toute action de prévention dès lors que le navire se situe dans les eaux territoriales de l'autre partie. Ils pourront donc réaliser des opérations de police administrative dans les eaux territoriales de leur État et en haute mer.
Les agents privés, comme les agents de l'État, pourront néanmoins intervenir dans les eaux territoriales de l'autre partie en cas d'urgence, pour faire cesser tout acte illicite. Par ailleurs, des groupes conjoints franco-britanniques pourront également intervenir s'il est fait appel à eux pour faire cesser tout acte illicite, toute prise de contrôle ou tentative de prise de contrôle d'un navire, toute mise en danger de la vie de personnes physiques, tout acte de nature à mettre en danger la navigation ou tout acte de destruction d'un navire ou de sa cargaison.
Le rapporteur a insisté sur la menace terroriste qui persiste de part et d'autre de la Manche : le Royaume-Uni a connu seize attentats et déjoué huit autres attaques depuis 2015, tandis que la France a subi plusieurs attentats malheureusement encore plus meurtriers et déjoué soixante-dix autres attaques depuis 2012. Mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et moi-même partageons l'analyse selon laquelle le cadre juridique défini dans l'accord devra s'accompagner de réels moyens. Je fais notamment référence aux réticences de la partie britannique, qui risquent d'ailleurs de s'aggraver au vu des attaques subies par la livre sterling.
En tout état de cause, les élus du groupe Socialistes et apparentés voteront en faveur de l'approbation d'un texte qui constitue un indéniable progrès.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.
La coopération entre la France et le Royaume-Uni est une composante essentielle de notre sécurité collective. Il est primordial que nos deux pays créent les conditions d'un travail collectif de sécurité, en partageant des informations, des renseignements et des actions afin de protéger nos concitoyens, comme nous le faisons avec nos autres partenaires européens.
L'enjeu qui nous rassemble aujourd'hui est, à ce titre, d'une importance toute particulière : 15 millions de passagers traversent la Manche chaque année. Cet espace maritime dynamique est particulièrement sensible aux actes illicites, du fait du relatif isolement des navires à passagers qui le traversent. Dès 2015, la France et le Royaume-Uni ont entrepris de prendre des mesures pour renforcer la sécurité de ces bateaux.
Pour autant, les textes actuellement applicables comportent certaines limites. Par exemple, ils ne permettent pas aux agents de sécurité français embarqués de poursuivre convenablement leur mission dans les eaux territoriales britanniques. Il apparaît donc essentiel de définir un nouveau cadre d'action commun avec le Royaume-Uni pour prévenir ou faire cesser plus efficacement encore les actes illicites en mer et dans les ports de la zone.
L'accord soumis à notre approbation est un accord de sécurité, de réciprocité et de coopération. De sécurité d'abord : en encadrant les actions de police effectuées dans notre zone maritime et en approuvant l'accord de sûreté maritime et portuaire, nous permettrons aux forces de sécurité françaises d'agir rapidement pour prévenir la perpétration d'un acte illicite sur les navires traversant la Manche.
C'est un accord de réciprocité ensuite, car il permet aux agents britanniques de protéger les passagers sur les eaux territoriales françaises, tout en préservant notre souveraineté.
C'est enfin un accord de coopération puisqu'il prévoit un échange accru d'informations entre les autorités françaises et britanniques, un partage des résultats de l'évaluation de la menace, un travail collectif d'information sur les dispositifs de sécurité déployés dans les navires, et des échanges de bonnes pratiques en matière de sécurité portuaire et maritime. Ce renforcement de la coopération s'inscrit dans le cadre des nombreuses collaborations qui lient déjà la France et le Royaume-Uni dans la zone maritime qui les sépare. L'accord préserve toutefois notre souveraineté sur les espaces maritimes français en limitant les actes de police britanniques dans l'espace et dans le temps.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cet accord, qui permettra d'assurer la protection des citoyens traversant la Manche.
Le Royaume-Uni et la France doivent relever ensemble de nombreux défis. Depuis le Brexit, nous avons dû négocier pour garantir aux pêcheurs français un meilleur accès à la Manche. Il nous faut par ailleurs trouver de nouvelles solutions pour gérer les flux migratoires. Mais la conclusion de l'accord qui nous est soumis montre notre capacité à coopérer sur des questions importantes, dans l'intérêt de nos deux peuples.
Le Royaume-Uni porte à nouveau de l'intérêt au projet politique européen, comme en témoigne sa participation à la première réunion de la communauté politique européenne (CPE). Nous devons accompagner cette évolution, car nous avons plus que jamais besoin d'entretenir cette alliance historique pour faire face aux défis géopolitiques d'un monde de plus en plus dangereux.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et SOC. – M. le président de la commission applaudit également.
Entrons sans tarder dans le vif du sujet : la nécessité d'assurer la sécurité des navires à passagers traversant la Manche est indiscutable. Il était donc urgent de structurer la coopération sécuritaire entre la France et le Royaume-Uni dans cette zone transfrontalière critique.
La convention présentée aujourd'hui comporte néanmoins plusieurs faiblesses. D'abord, les moyens alloués restent flous. Ensuite, les entreprises privées pourront désormais officier en lieu et place des forces de l'ordre. C'est mettre le doigt dans un dangereux engrenage. Nous nous y opposons : le service public doit, au contraire, l'emporter sur la sous-traitance des missions de sécurité.
Néanmoins, la conclusion de cet accord est une mesure de bon sens, nécessaire pour encadrer des besoins et des pratiques identifiés dès 2016 pour lutter contre le trafic maritime de personnes entre la France et le Royaume-Uni. Pour cette raison, le groupe Écologiste – NUPES votera le projet de loi autorisant son approbation.
Cela étant dit, si cette convention constitue une avancée, elle fait écho à un autre accord qui mobilisera bientôt les forces de l'ordre et qui semble pour le moins problématique. Je fais référence au texte signé lundi 14 novembre par M. le ministre de l'intérieur et son homologue britannique, dans l'objectif affiché de lutter contre les traversées irrégulières de la Manche.
Cet accord est bien éloigné de celui qui nous est proposé aujourd'hui, lequel encadre strictement la présence des forces de l'ordre sur les bateaux à passagers, puisqu'il est question de constituer un véritable arsenal pour mieux surveiller les côtes, à grand renfort d'agents du renseignement, de caméras et même de drones. Nous ne partageons pas cette vision qui fait de la mer une zone de guerre et de la plage un no man's land. À l'heure du grand déménagement du monde, une vision strictement sécuritaire ne saurait être à la hauteur des enjeux : elle reviendrait à ignorer que les raisons qui poussent des populations entières à l'exil sont des phénomènes structurels, qui ne pourront être jugulés par des barbelés. Ce parti pris sécuritaire est une erreur fondamentale, dans laquelle la majorité se perd depuis de trop nombreuses années.
C'est cette même erreur qui a conduit à la mort plus de 200 personnes depuis 2014, ainsi qu'au drame du 24 novembre 2021. En une nuit, vingt-sept migrants perdaient alors la vie dans le naufrage de leur bateau de fortune, au large de Calais. Ce soir-là, de quelle coopération franco-britannique aurions-nous eu besoin, chers collègues ? De celle qui encourage à démanteler les camps de fortune, à intimider les migrants et à les contraindre à prendre la mer de nuit, dans des conditions toujours plus périlleuses, pour échapper à la police ? Ou au contraire, d'une coopération bilatérale entre les services de sauvetage ? L'humanité nous commande bien sûr de choisir la seconde option.
Car c'est bien le manque de coopération qui est mis en cause dans l'enquête judiciaire visant à éclairer les circonstances du drame. C'est bien parce que le Cross – centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage – n'a pas immédiatement porté assistance aux migrants, attendant que ceux-ci rejoignent les eaux territoriales anglaises, que leur embarcation a finalement sombré avant l'arrivée des secours. « S'il vous plaît, je suis dans l'eau », suppliait un naufragé ayant composé le numéro d'urgence. « Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises », lui a-t-on répondu. J'en reste stupéfaite. Le Cross est composé de militaires. Il est placé sous l'autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord. Il relève donc directement des services de l'État. L'enquête menée à son endroit est accablante. Si nous avions réagi plus tôt et si la coordination entre le Cross et les services anglais avait été assurée, ces femmes, ces hommes et ces enfants auraient peut-être été sauvés.
Nous consacrons 255 millions d'euros par an à la sécurisation du littoral. À quoi bon dilapider cette somme colossale dans une coopération sécuritaire incapable d'éviter de tels drames ? Ces 255 millions, auxquels s'ajoutent les 72,2 millions d'euros qui seront versés au titre du nouvel accord passé entre la France et le Royaume-Uni, ne faudrait-il pas plutôt les allouer au sauvetage des vies humaines et à la prise en charge pérenne des naufragés ?
Si le parti conservateur au pouvoir au Royaume-Uni a fait du contrôle de l'immigration une priorité depuis le Brexit, nous, Français, ne devons pas nous corrompre dans cette fuite en avant sécuritaire. Nous ne devons plus confondre les victimes de la pauvreté, de la guerre et du réchauffement climatique, projetées malgré elles sur les routes de l'exil, avec leurs bourreaux, ceux qui portent la voix du populisme et de la xénophobie.
Le débat sur l'accord entre la France et le Royaume-Uni relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche ne semblait pas forcément nécessaire. Le groupe des députés communistes et ultramarins envisage de voter pour cet accord qui permettra de faciliter la sécurité à bord des navires transmanche.
Concrètement, cet accord permettra à des agents de l'État du pavillon d'être armés et de protéger les navires dans les eaux territoriales de l'autre État partie. Cela ne semble pas poser de problème – les débats en commission ont d'ailleurs été consensuels.
Évidemment, les images terribles et insoutenables des migrants se jetant à la mer pour tenter désespérément de rejoindre l'Angleterre ont choqué et ce sont certainement elles qui ont déclenché ce débat. La Manche a toujours été, et sera toujours, un espace d'échanges humains et commerciaux, pacifiques comme militaires d'ailleurs, mais elle est depuis des années le lieu où se jouent des drames humains terribles. Notre Manche est un cimetière.
La question qui est posée, c'est celle de la sécurité des parcours migratoires mais aussi, bien sûr, de l'architecture des accords migratoires européens, profondément injustes et mal faits. Les accords de Dublin sont injustes et devraient faire l'objet d'une profonde réforme. L'Union européenne devra se montrer davantage porteuse de valeurs humanistes qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, tout comme notre gouvernement à l'occasion des débats sur la future loi sur l'immigration qui sera présentée ici même au premier semestre 2023.
Cependant, il existe encore un très grand nombre de problèmes liés à la Manche et qui concernent la cohabitation entre la France et le Royaume-Uni. Par exemple, l'enjeu gigantesque de la pêche, qui oppose nos deux États, reste encore à régler. Espérons que les relations diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni s'amélioreront et que ce contentieux finira par être soldé, dans l'intérêt de nos pêcheurs.
Plus globalement, la France doit aussi travailler sur sa politique maritime. Son immense zone économique exclusive est très mal surveillée. Des moyens militaires devraient être déployés pour surveiller ces eaux territoriales – une idée que nous défendrons dans le cadre de la future loi de programmation militaire. Nous dépensons trop pour la dissuasion nucléaire alors que nous ne sommes même pas capables de défendre notre territoire, quotidiennement pillé.
La France devra aussi renforcer son engagement pour la protection des océans, comme l'a dit mon collègue Moetai Brotherson, avant-hier, durant les questions au gouvernement. Mon groupe a défendu systématiquement ce point de vue et continuera à le faire, comme il continuera à se mobiliser contre la privatisation de la sécurité. La possibilité, ouverte par l'article 7 de l'accord, de mobiliser des agents de sécurité privée constitue pour nous le point noir de ce document.
Dès 2014, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, le groupe des députés communistes et ultramarins avait fait part de cette inquiétude par la voix de mon collègue André Chassaigne. Cette loi a ouvert une brèche en permettant le recours à des milices privées pour protéger les intérêts des grandes entreprises ; nous le regrettons. La sécurité est un enjeu régalien de souveraineté et devrait le rester. Car, systématiquement, dès que l'on privatise les missions de sécurité, la recherche du profit engendre des abus voire des atrocités. On l'a vu dans toutes les guerres du XXI
Aujourd'hui, les armées étatiques se professionnalisent, leurs budgets sont sous pression et on estime que les tâches simples peuvent être externalisées : l'austérité fait une fois de plus gagner de l'argent aux entreprises. J'espère donc que l'article 7 ne sera pas utile et que vous serez vigilants sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, comme vos successeurs. D'ailleurs, si nous avions pu amender le traité, nous vous aurions proposé de supprimer cet article.
Nous souhaitons que la coopération entre la France et le Royaume-Uni dans le cadre de la sécurisation des parcours transmanche reste une mission publique – le député du Havre que je suis sera attentif à la façon dont cet accord sera appliqué.
Cette inquiétude mise à part, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – M. le président de la commission applaudit également.
Notre coopération avec le Royaume-Uni est cruciale. L'accord que nous étudions permettra de mieux structurer la coopération entre nos deux pays en matière de sécurité du transport maritime de passagers traversant la Manche. La ratification de cet accord est d'autant plus nécessaire que les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 devraient accroître sensiblement le nombre de passagers concernés par ces liaisons maritimes.
Les EPNAP seront déployées en fonction des alertes fournies par les services de renseignements. Le partage d'informations relatives aux menaces pour la sûreté maritime et portuaire fait par conséquent l'objet d'un article spécifique. Afin que cet accord ne reste pas lettre morte ou ne soit pas dénoncé dès les premiers mois de son entrée en vigueur, ses dispositions font la part belle à l'échange d'informations en temps réel entre le navire et l'État côtier. Nous ne pouvons que saluer cette méthode qui permet de respecter la souveraineté des États.
Les applications de ce texte seront très concrètes. En outre, on peut noter avec satisfaction la coopération en matière d'enquête pénale afin de punir les auteurs de tout acte illicite pouvant mettre en danger la vie des personnes lors des liaisons transmanche. Ledit accord assurera ainsi une coopération globale pour garantir la sûreté des passagers sur la Manche, à la fois en amont, avec le renseignement, pendant la traversée grâce à l'extension des prérogatives des EPNAP, et a posteriori, dans le cadre des enquêtes.
Malgré ces avancées et la qualité de ce texte, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souhaite appeler l'attention sur trois points.
Premièrement, cet accord rend nécessaire une juste répartition des coûts de la protection des passagers. Chaque État devra en effet supporter les charges financières des opérations qu'il aura décidées. Il importe que les efforts ne deviennent pas asymétriques, au risque de rendre la coopération caduque.
Deuxièmement, l'accord permet à des agents privés d'exercer les missions précitées. Nous espérons que ce recours à des entreprises privées sera limité à des pics d'activité et ne deviendra pas la norme.
Troisièmement, l'efficacité de cette coopération ne doit pas être entravée par des considérations trop prosaïques. Comme l'a rappelé le rapporteur en commission des affaires étrangères, les membres des EPNAP sont aujourd'hui considérés comme des passagers. S'il ne reste plus de place, leur déploiement sera donc impossible, Or il est important que l'efficacité de cet accord soit assurée à tout moment, y compris lorsque les flux seront massifs. Notre groupe suivra donc avec attention l'évolution de ces trois dossiers.
Je profite de ce débat pour évoquer l'actualité dans la Manche. Les besoins de surveillance sont accrus en raison des risques humains que représentent les traversées des embarcations de migrants. En 2021, plus de 28 000 personnes ont tenté la traversée depuis les côtes françaises. Un nouvel accord, signé entre nos deux pays cette semaine, prévoit une contribution britannique de 72 millions d'euros pour accroître les moyens de surveillance sur le littoral français.
Cette participation est bienvenue car elle permet une plus juste répartition de la charge financière. Cependant, nous devons veiller à ce que la Grande-Bretagne ne nous délègue pas sa politique de contrôle aux frontières. Un système similaire a été mis en place en Turquie aux frontières de l'Europe. Nous avons pu voir l'ampleur de son insuccès, tant sur le plan humanitaire que diplomatique.
Enfin, comment ne pas évoquer l'article du Monde à propos de l'effroyable défaillance des services de secours français, lesquels n'ont envoyé aucun moyen de sauvetage, le 24 novembre 2021, pour venir en aide à une embarcation de migrants en train de sombrer dans les eaux françaises ?
Vingt-sept personnes sont mortes. C'est intolérable. Notre groupe demande que toute la lumière soit faite sur cette tragédie. Nous espérons que le présent accord permettra d'éviter une telle inaction de part et d'autre dans le domaine de la sûreté.
L'accord dont nous débattons reste toutefois un symbole encourageant pour les relations franco-britanniques. N'oublions pas que nos échanges avec Londres sont tendus depuis le Brexit, que la lutte contre le terrorisme est toujours d'actualité et que les activités militaires se multiplient dans la Manche. Bref, nous avons tout intérêt à ce que cet accord s'applique efficacement. Aussi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire votera-t-il en faveur de l'approbation de l'accord.
M. le président de la commission applaudit.
« […] il y a deux choses que rien ne peut changer, aucun vote, aucune décision politique : notre histoire et notre géographie ». Cette phrase du Président de la République, prononcée à Sandhurst, l'académie militaire britannique, lors du sommet franco-britannique de 2018, résume, en peu de mots, la réalité du lien inaltérable qui nous unit au Royaume-Uni.
Inaltérable, car forgé par un millénaire d'histoire non seulement commune mais aussi, souvent, similaire, comme un miroir qui renvoie des deux côtés de la Manche une image légèrement distincte.
Inaltérable aussi car ce destin similaire nous a laissé en héritage des legs comparables qui, alliés à une proximité géographique, font que, plus que tout autre pays, nous sommes confrontés, aujourd'hui et depuis toujours, à des défis communs, à la fois par leurs sources et parce que leur éventuelle résolution ne peut se faire qu'au prix d'un engagement entier, d'une collaboration réelle et d'une confiance mutuelle renforcée. Pour le dire plus simplement : pour le meilleur ou pour le pire, nous sommes condamnés à nous entendre et à travailler ensemble.
L'accord que nous examinons aujourd'hui doit donc être salué comme il se doit et d'abord, bien évidemment, pour ses conséquences concrètes en matière de sécurité. Car nos deux pays partagent une même douleur, celle d'avoir été durement touchés par la recrudescence du terrorisme islamiste ces dix dernières années.
Il convenait donc que nous, cibles privilégiées de ceux qui s'opposent à nos valeurs communes et à notre mode de vie, agissions de concert afin d'enrayer cette menace, d'autant plus que celle-ci a évolué, visant désormais plus souvent des espaces publics avec beaucoup de passage, comme des gares ou des aéroports, et qu'elle est désormais le fruit de l'action d'individus sans passé de radicalisation et donc, par nature, plus difficiles à appréhender.
Dans un tel contexte, la bonne coordination entre nos forces et celles de nos partenaires s'avère primordiale. Cet accord paraît donc plus que nécessaire puisqu'il permet de pérenniser un arrangement technique qui a prouvé son efficacité en permettant aux forces françaises et britanniques qui sécurisent les navires de passagers sur la Manche d'agir dans les eaux de chaque État.
Ce nouveau cadre de coopération de sécurité pour le trafic transmanche, pour lequel le groupe Renaissance votera sans réserve, représente donc une triple avancée : opérationnelle, diplomatique et juridique. Il doit témoigner de la vivacité de la relation entre nos deux pays et du fait que, malgré des désaccords indéniables ces dernières années, nos gouvernements travaillent sans faillir et sans relâche à s'entendre sur les sujets importants.
Ce lundi, à l'initiative des ministres de l'intérieur des deux pays, de nouvelles mesures communes, visant à enrayer l'immigration illégale organisée par des réseaux criminels, ont été annoncées. Nous devons nous en féliciter. La question des migrants de la Manche correspond à une tragédie humaine face à laquelle la réponse ne peut que passer par une coopération bilatérale renforcée. À cet égard, tout accroissement de la coopération entre la France et le Royaume-Uni doit être bienvenu pour empêcher ce drame humain et briser les réseaux infâmes de passeurs.
Nous faisons donc un pas salutaire dans la bonne direction. Il est essentiel qu'il constitue la première brique d'un agenda de coopération bilatérale renouvelé dans les mois à venir, notamment en vue du prochain sommet franco-britannique de 2023 évoqué récemment à Toulon par le Président de la République.
Face aux grands défis auxquels nous sommes confrontés, nous nous devons de travailler ensemble. Après la déclaration de Saint-Malo et les accords de Lancaster House, notre coopération militaire doit continuer à se renforcer. En sus du travail essentiel poursuivi en matière de gestion de nos frontières communes, des coopérations nouvelles dans le secteur énergétique sont possibles. Quant à la coopération culturelle et les mobilités entre nos deux pays, elles doivent trouver un second souffle, tout comme la coopération universitaire.
Au-delà du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que nous exprimons également aujourd'hui notre ambition et notre exigence collective pour l'avenir de cette relation bilatérale qui me tient tant à cœur et qui, je le sais, est chère au Breton que vous êtes. Les décennies qui s'ouvrent sont bien trop imprévisibles pour que nous nous permettions, à Londres ou à Paris, de penser que nous pouvons nous passer des amitiés qui ont forgé l'histoire des siècles précédents.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le groupe Rassemblement national que je représente à cette tribune approuvera l'accord intergouvernemental franco-britannique relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire. Les enjeux de cet accord, à la fois opérationnel, diplomatique et juridique, sont primordiaux et nous ne pouvons que saluer la volonté de nos deux pays de faire front commun sur ces questions. Le risque terroriste existe, et ce type d'acte ne fait pas de différence entre les cibles. Nous devons nous en prémunir. Il aura fallu attendre six années pour pleinement s'assurer à nouveau que les transports de passagers se dérouleront sans problème, six années de vide juridique et de prises de risque.
Le sommet de Sandhurst a abouti aux bases de l'accord de coopération que nous nous apprêtons à approuver. Cet accord, âprement négocié, ne concerne pas seulement les déplacements de population : il s'agit d'un enjeu de sécurité pour les navires de passagers voyageant dans la Manche. Nous sécurisons nos aéroports, nos ports, nos transports, mais force est de constater que le problème ne s'arrête pas à nos portes.
La sécurité est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens et la France est contrainte d'étendre des mesures de sécurité au sein même de sa communauté nationale. En effet, les accords de libre-échange et de libre circulation des personnes auxquels notre pays s'est soumis nous ont exposés à toute sorte d'individus susceptibles de commettre des actes terroristes ou d'autres actes criminels puisqu'ils se déplacent en toute liberté et en parfaite impunité.
Sur la terre ferme, l'insécurité s'accroît dans nos territoires : les délinquants règlent leurs comptes en plein jour, les trafiquants armés défendent leur quartier et des criminels délimitent des zones de non-droit. Je ne me lancerai pas dans l'énumération des faits divers corroborant mes propos, mais il faut admettre la réalité, aussi dure soit elle. La réponse pénale n'est plus adaptée aux violences auxquelles nous faisons face, preuve en est que les voyous n'ont pas peur…
Côté mer, nous avons eu la chance, jusqu'à présent, qu'aucun acte de nature terroriste n'ait eu lieu dans nos eaux territoriales, sur les lignes maritimes ou dans les ports. Mais pour combien de temps sommes-nous encore à l'abri ? On a entendu crier au drame et au désastre lorsque le Brexit a été voté puis qu'il est entré en application le 31 janvier 2020. Aujourd'hui, quel est le bilan ? Voilà un pays qui maîtrise ses frontières et son immigration, un pays qui peut se permettre de financer un État outre-manche pour assurer la rétention de ceux qu'il ne souhaite pas accueillir.
La signature ce lundi d'un nouvel accord, après des mois de négociations, montre l'extrême importance de la surveillance des frontières maritimes et terrestres. Les prochains grands événements sportifs qui se tiendront sur notre territoire seront scrutés par le monde entier. Il faut tirer les leçons de l'actualité : nous devrons assurer la sécurité des touristes et des supporters dans nos stades et à nos frontières, dans les airs et sur mer. Les peuples européens n'ont jamais été aussi vulnérables depuis que les européistes ont ouvert les frontières, dérégulé les marchés et converti idéologiquement aux politiques libérales le Vieux Continent ; nous n'avons jamais été aussi exposés depuis que nous avons mis de côté notre souveraineté territoriale. Or c'est bien le rôle des États d'organiser la prévention et la riposte contre ceux qui veulent nuire à leur population.
La souveraineté des États est sollicitée, particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme, mais ils en sont dépouillés quand il s'agit de réguler la circulation d'individus sans droit ni titre, dans notre cas en métropole comme en outre-mer. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de demander à l'Europe ou à Frontex d'assurer la paix, mais de reprendre en main nous-mêmes la sécurité de nos frontières et de garantir aux passagers une traversée sans abordage de pirates ou d'autres brigands. Et je ne vous parle pas, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'une époque révolue puisque France Diplomatie a recensé 360 actes de piraterie commis dans le monde en 2019 – je vous concède que ces événements concernent essentiellement l'océan Indien.
L'accord dont nous débattons aujourd'hui a pour but de prévenir et de lutter contre tout acte illicite pouvant mettre en danger la vie ou du moins l'intégrité physique des personnes en donnant un cadre légal à la présence des forces de l'ordre et à leurs interventions sur les bâtiments civils. Pour protéger nos compatriotes, touristes ou travailleurs, mais aussi les voyageurs qui transitent par le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord, le groupe Rassemblement national approuvera cet accord.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La question de la sécurité maritime est primordiale quand il s'agit des relations géopolitiques. C'est ici de la sécurité maritime entre la France et le Royaume-Uni dont il est question, dans un contexte post-Brexit. Rappelons que notre pays possède le deuxième plus grand territoire maritime au monde, ce qui implique que les moyens humains, logistiques et financiers à déployer dans ces zones soient conséquents afin de garantir sa souveraineté. Les questions de sûreté maritime, plus précisément celles relatives à l'antiterrorisme, nous intéressent, au point d'y avoir consacré un livret entier. Pour notre part, à La France insoumise, nous défendons une lutte antiterroriste qui répond à la raison en renforçant les moyens en personnels et en matériels d'une part, et en insistant sur la prévention et sur le renseignement humain d'autre part.
Le texte que nous discutons porte sur la lutte antiterroriste vue sous l'angle de la coopération entre deux pays encore meurtris par le souvenir des actes terroristes qui ont eu lieu sur leur territoire. Cependant, nous envoyons un signal d'alerte car deux points de cet accord sont problématiques.
Premier point : pour assurer des missions de sécurité aussi importantes, il est absolument nécessaire que l'État se dote de forces de police bien formées. Or nous craignons que cet accord annonce le désengagement de l'état de ses missions régaliennes et la place toujours plus grande donnée au privé.
Le fumeux continuum de sécurité, en ouvrant le marché aux sociétés de sécurité privées, ouvre en fait des opportunités de profits. Notons que cette mise en concurrence généralisée est déjà effective au sein de la police nationale, sous prétexte de méthodes managériales prétendument innovantes. Cela se fait toujours à coups de restructurations et de politiques du chiffre ; c'est l'obligation de résultat et l'injonction de la rentabilité.
L'article 7 est consacré au « déploiement d'agents privés » : mon collègue Jean-Paul Lecoq et moi-même l'aurions volontiers supprimé. L'article 9 autorise l'intervention en situation d'urgence des agents privés. C'est d'autant plus préoccupant que la question de la formation se pose aussi dans le privé, où il existe peu ou pas de moyens de contrôle en ce domaine alors que les structures adéquates existent pour les forces de police. Nous avons largement fait connaître notre volonté de confier le contrôle à une structure indépendante. À cet égard, revenons sur l'argument avancé en commission par le rapporteur : dans les faits, dit-il, personne n'a recours à des boîtes privées et les compagnies de ferries ont certifié que ce ne sera pas leur cas. Cet argument ne suffit en aucun cas car pourquoi alors en ouvrir cette possibilité dans l'accord ?
Nous fabriquons la loi, c'est donc à nous que revient le pouvoir de définir le périmètre où celle-ci s'applique. En l'occurrence, si nous considérons à juste titre qu'il faut assurer la sécurité maritime entre la France et ses voisins britanniques, notamment en vue des Jeux olympiques de 2024, il faut alors ouvrir des postes de police et de gendarmerie nationales dans ce secteur.
J'en viens au second point problématique, que l'actualité tragique des dernières semaines ne peut que nous inciter à avoir en tête. Il serait en effet absolument désastreux qu'un tel accord devienne le prétexte à des expériences de laboratoire juridiques. Quelles garanties avons-nous que la portée de ce texte ne sera pas élargie notamment aux questions migratoires, d'autant qu'elles occupent de plus en plus le devant de la scène puisqu'on ne s'attaque pas aux causes qui poussent les gens à quitter leur pays ?
Nous pensons aux vingt-sept migrants qui ont trouvé la mort dans la Manche le 24 novembre 2021. Ils avaient lancé de multiples appels à l'aide mais ils n'ont jamais été secourus. Je pense également, comme ma collègue Sabrina Sebaihi, à ces centaines de migrants qui meurent chaque année dans la Manche. L'accord entre le Royaume-Uni et la France qui prévoit que, moyennant une somme d'argent, notre pays mobilise policiers et gendarmes sur les plages pour empêcher les traversées ne saurait constituer une stratégie de long terme.
Certes, la lutte contre le terrorisme doit être sérieuse et intransigeante, et c'est pourquoi l'État doit se donner tous les moyens pour la mener. Les enjeux relatifs à la sécurité nécessitent des effectifs, des capacités de renseignement et l'exercice du pouvoir régalien en toutes circonstances. Or en l'état, ce texte n'apporte pas toutes les garanties en la matière. C'est pourquoi le groupe La France insoumise – NUPES choisit une abstention de vigilance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Le président de la commission des affaires étrangères ne peut que se réjouir évidemment de la quasi-unanimité avec laquelle cette assemblée s'apprête à se prononcer, sur la base de l'excellent rapport de M. Dumont. Notre rapporteur n'a pas évoqué le drame qui s'est produit il y a un an au large de Calais, et Dieu sait pourtant qu'en tant que député du lieu, il est particulièrement attentif à la question. Mais il a eu raison parce que c'eût été un cavalier délibératif alors que nous traitons seulement des questions de sûreté maritime dans les navires à passagers.
Cela étant, tous ici, nous ressentons avec énormément de douleur et sans doute un sens très profond de notre responsabilité les défaillances de l'État qui ont abouti à la disparition absolument tragique de vingt-sept personnes, dont un adolescent et un enfant. Les orateurs de plusieurs groupes l'ont, eux, évoqué et je crois que la commission des affaires étrangères ne peut que s'associer à la profonde préoccupation qu'ils ont exprimée. À titre personnel, je pense que l'État – c'est-à-dire tout le monde, le Gouvernement, l'administration et indirectement le Parlement… L'État, disais-je, n'a pas été alors à la hauteur de ses responsabilités. Cette défaillance est ineffaçable et impardonnable de par ses conséquences. Tous ceux qui ont lu les articles à ce sujet dans la presse, notamment dans Le Monde récemment, ont ressenti avec douleur et même avec honte ce qui s'est passé.
Monsieur le secrétaire d'État, nous savons bien que des procédures judiciaires sont en cours et nous n'avons pas à interférer dans leur déroulement. Mais il n'y a pas que la justice : il y a aussi l'État, l'administration et les responsabilités politiques qui sont les nôtres. À cet égard, j'ai le sentiment que depuis un an, pas grand-chose n'a été fait ou en tout cas rendue publique concernant l'analyse des dysfonctionnements et des responsabilités, ainsi que des solutions à apporter pour qu'un drame pareil ne puisse jamais se reproduire.
Je sais que vous êtes particulièrement sensible à cette très grave question et je demande que le Gouvernement prenne toutes ses responsabilités et éclaire non seulement cette assemblée mais aussi la France sur ce drame impardonnable qui nous engage tous.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Je voulais, d'une part, revenir sur les demandes de précisions formulées par plusieurs orateurs et, d'autre part, sur ce que je n'ai pas souhaité évoquer par pudeur lors de mon intervention liminaire parce que ce n'était ni le lieu ni le moment – mais comme il en a été question, je vous dirai à mon tour ce que j'en pense en tant que député de la circonscription de Calais.
Sur le plan technique, je tiens à préciser aux collègues de la NUPES que le déploiement d'agents de sécurité privée pose en effet question – je l'ai écrit dans le rapport et mentionné en commission. Vous estimez que l'encadrement prévu par le texte est insuffisant ; mais les agents privés n'ont jamais été déployés et les opérateurs nous ont clairement indiqué qu'ils ne comptaient pas y faire appel. C'est donc une simple possibilité qui leur est offerte. Je souligne que les agents de sécurité privée qui pourraient intervenir à bord des navires ne seront en aucun cas armés – ce n'est autorisé ni par la partie française ni par la partie britannique.
Quand vous faites vos courses dans un magasin, vous croisez des agents de sécurité privée ; en période de forte augmentation des traversées – certains événements peuvent occasionner des pics, notamment la Coupe du monde de rugby qui se tiendra en France en 2023, compétition à laquelle les ressortissants britanniques et irlandais sont très attachés, ou les Jeux olympiques de Paris, en 2024 –, leur présence à bord des navires peut s'avérer rassurante. C'est là tout l'enjeu de cet accord : rassurer les passagers et les équipages des navires grâce à la présence des EPNAP, de leurs homologues britanniques, et potentiellement des agents privés – même si cette possibilité ne sera a priori pas utilisée –, le tout dans un but absolument dissuasif. Je tiens à remercier l'ensemble des orateurs des groupes qui soutiennent ce texte qui prouve qu'on peut coopérer avec les Britanniques.
S'agissant de la formation, côté français, seuls deux types d'EPNAP sont déployés sur les navires pour assurer la sécurité des passagers et des équipages : des gendarmes maritimes ou des fusiliers marins. La qualité de leur formation ne peut faire l'objet d'aucun doute.
Pour ce qui est, plus largement, de la question migratoire et de la situation à Calais, je rejoins le président Bourlanges : le drame de novembre 2021 a heurté l'ensemble des Français, d'autant plus dans ma circonscription. Nous alertons continuellement les autorités sur les drames qui peuvent arriver ; l'année dernière, avec vingt-sept morts dans la Manche, nous avons vécu la tragédie que nous redoutions depuis si longtemps. L'enquête du Monde publiée il y a quelques jours jette un regard cru sur la réalité. L'enquête judiciaire est en cours et l'enquête administrative, absolument indispensable.
Il est inacceptable que des secours n'aient pas été envoyés rapidement ; mais il l'est tout autant de ne pas souligner l'extraordinaire effort fait par les forces de l'ordre – réservistes, gendarmes, police – et les sauveteurs en mer qui, chaque nuit, sortent en mer, au péril de leur propre vie, pour sauver des personnes de la noyade. Il est presque miraculeux que nous n'ayons eu, dans la Manche, que ce drame à déplorer. Depuis le début de l'année, on compte 40 000 traversées entre les côtes françaises de la Manche et de la mer du Nord, et le Royaume-Uni. M. Hébrard, l'orateur du groupe Rassemblement national, prétend que le Brexit a permis au Royaume-Uni de reconquérir ses frontières et de mieux contrôler l'immigration ; pardon, mais c'est une vaste blague ! C'est tout le contraire, et les chiffres, malheureusement, le prouvent.
Nos forces de l'ordre sauvent des vies, c'est le seul but de leur action. La défaillance gravissime au sein du Cross jette l'opprobre sur l'ensemble de la chaîne de sauvetage en mer. Il est primordial que plus jamais un tel drame n'arrive. Pour cela, il faut faire toute la lumière sur ce qui s'est passé.
Les drames peuvent être limités. Voilà plusieurs années que je demande, en commission des affaires étrangères, que l'on revienne aux visas Schengen pour les ressortissants albanais. Sur les 40 000 traversées, 10 000 sont le fait d'Albanais. Quasiment tous les réseaux de passeurs sont albanais ; la moitié des retenus au CRA – centre de rétention administrative – calaisien de Coquelles sont Albanais. Qu'attendons-nous pour prendre des mesures conservatoires qui permettraient de minimiser les drames et d'éviter de devoir déployer chaque nuit des secours en mer ? Depuis le 1er janvier, la station calaisienne de la SNSM – Société nationale de sauvetage en mer – a assuré 230 sorties en mer pour des missions de sauvetage. Comment pouvons-nous, ensemble, limiter les risques pour que – vous avez raison de le souligner – la Manche ne devienne pas un cimetière, une nouvelle mer Méditerranée ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Stéphane Lenormand applaudit également.
Le décès, il y a un an, de vingt-sept migrants dans la Manche est une terrible tragédie. Chaque vie qui n'est pas sauvée, chaque mort doit absolument faire l'objet d'une enquête, et le Gouvernement, l'État et l'administration doivent expliquer ce qui s'est passé et en tirer toutes les leçons. Comme vous, et comme nos concitoyens, j'ai été accablé par la lecture de cet article qui renforce l'effroi et la douleur que nous ressentons devant le drame qui se joue dans la Manche et dans la mer du Nord. Soyez assurés que le Gouvernement, à commencer par la Première ministre, et toutes les administrations sont mobilisés au quotidien pour mener les opérations de sauvetage. Si les faits mentionnés dans l'article sont avérés, que les personnes décédées se trouvaient dans les eaux françaises et qu'à un quelconque moment les services ont commis un manquement ou une erreur, des sanctions seront prises. Vous l'avez dit, une enquête judiciaire est en cours et il ne m'appartient pas de la commenter ; l'administration a également lancé une enquête interne. Toute la lumière doit être faite sur ce drame. Comptez sur la mobilisation du Gouvernement pour suivre cette affaire avec attention, car chaque vie qui n'a pas été sauvée aurait dû l'être.
M. Bourlanges s'est interrogé sur la suite. J'ai proposé au Gouvernement de mobiliser des moyens supplémentaires : dans les prochaines semaines, deux nouvelles unités des affaires maritimes seront déployées pour assurer les opérations de sauvetage.
Vous l'avez également dit, monsieur le rapporteur : cet épisode ne doit pas jeter l'opprobre sur toute l'activité des Cross et de leurs équipes. En effet, l'immense majorité des personnes concernées font un travail remarquable. En 2018, 1 500 personnes avaient tenté la traversée de la Manche ; on en est aujourd'hui à 45 000. Le Cross Gris-Nez réalise 3 000 opérations de sauvetage chaque année, ce qui représente autant de vies sauvées. Il nous faut une lucidité, une détermination et une volonté totales pour faire la lumière sur le décès des migrants ; il faut également renforcer les moyens pour faire en sorte que ce drame ne se reproduise plus jamais. Comptez sur nous pour aller jusqu'au bout de cette démarche.
S'agissant du recours aux agents de sécurité privée, ceux-ci n'ont pas vocation à se substituer aux forces de l'ordre, mais à les compléter. La possibilité de leur déploiement est prévue par la loi pour l'économie bleue de 2016 et ne constitue donc aucunement une nouveauté. Surtout, leur activité sera contrôlée et encadrée par le Cnaps – Conseil national des activités privées de sécurité –, organe qui délivre des autorisations aux agents privés armés. Le texte n'apporte donc rien de nouveau, et nous sommes d'une vigilance totale sur ce point.
Mme Sebaihi s'est demandé si l'accord n'allait pas servir de laboratoire pour une loi relative à l'immigration irrégulière. Il n'y a pas d'ambiguïté : le texte ne vise que le terrorisme ; c'est explicite dans les articles puisque ceux-ci visent des personnes qui mettent en danger l'intégrité physique d'autrui, c'est-à-dire qui cherchent à commettre des attentats. Cela n'a rien à voir avec l'immigration irrégulière.
Mais renforcer notre coopération en matière de lutte contre le terrorisme ne nous empêche pas, par ailleurs, d'agir pour prévenir les départs des migrants – chaque départ est un risque pour leur vie et pour leurs familles –, de lutter contre les réseaux de passeurs et de renforcer nos moyens de sauvetage en mer. Je l'ai dit, nous déploierons ainsi des unités supplémentaires des affaires maritimes et nous étofferons les moyens humains des Cross. Nous mènerons une action résolue et déterminée pour continuer à sauver des vies.
Enfin – le président de la commission sait qu'il s'agit là d'un sujet qui m'est cher –, nous devons, Mme Sebaihi l'a dit, agir sur les causes de l'immigration irrégulière dans les pays de départ. C'est tout l'enjeu de notre action pour augmenter l'aide publique au développement, renforcer les coopérations, donner à la population de ces pays des perspectives d'emploi, y améliorer les réseaux d'infrastructures et lutter contre le changement climatique. Le Gouvernement continuera à travailler sur tous les maillons de la chaîne, des pays de départ jusqu'au sauvetage en mer.
Merci, mesdames et messieurs les députés, d'avoir approuvé ce texte à la quasi-unanimité. Je salue le travail du rapporteur, du président de la commission et des députés qui ont participé aux débats. J'en profite également pour saluer le travail des ministères qui étaient impliqués dans la préparation et la rédaction de cet accord qui nous permettra de renforcer notre coopération avec le Royaume-Uni pour lutter contre le terrorisme et donc pour garantir la sécurité des citoyens des deux côtés de la Manche.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifié, en application de l'article 103 du règlement, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole d'amendement à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (n° 5, 297).
Ce texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets aux voix son article unique en application de l'article 106 du règlement.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 916 à l'article 7 bis .
Je suis de ceux qui pensent que la sécurité est la première des libertés. À ce sujet, chacun doit prendre ses responsabilités : les gendarmes et les policiers, en traquant les délinquants sans relâche ; les juges, en statuant si possible rapidement et sévèrement sur leur cas ; les législateurs que nous sommes, en proposant et en rédigeant des lois.
En matière de sécurité, je pense que nous devons monter d'un cran. C'est ce que vous faites, monsieur le ministre de l'intérieur – et je vous en félicite –, quand vous proposez 15 milliards d'euros en plus sur cinq ans, quand vous ouvrez 200 gendarmeries en zones rurales ou périurbaines, quand vous formez nos policiers et nos gendarmes à la cybersécurité ou quand vous créez 8 500 postes supplémentaires.
Le présent amendement vise à permettre au juge de prononcer, à titre de peine complémentaire, une interdiction du territoire français (ITF) définitive contre les auteurs de violences commises à l'encontre de catégories de personnes spécifiques définies par le code pénal, comme les représentants des forces de l'ordre, les personnels hospitaliers, les enseignants ou les mineurs de moins de 15 ans. L'ITF est une peine absolue et particulièrement bien exécutée – son taux d'exécution dépasse 75 %.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L'amendement n° 805 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, vous proposez au travers du présent texte d'aggraver les sanctions contre les personnes qui refusent d'obtempérer. Mais, comme nous vous l'avons rappelé, cela ne fait pas baisser le nombre de délits, ce que montrent d'ailleurs plusieurs études. Alors que vous avez déjà aggravé les sanctions, le nombre de refus d'obtempérer n'a absolument pas diminué ; vous-même avez reconnu qu'il a augmenté !
Je souhaite préciser une chose : personne, ici, ne souhaite qu'un conducteur, qu'un passager ou qu'un policier décède à la suite d'un refus d'obtempérer – nous sommes très clairs sur ce point. Mais voici ce que nous constatons : depuis le début de l'année, douze personnes ont été tuées par les forces de l'ordre après avoir refusé d'obtempérer. La réponse que vous devez apporter, monsieur le ministre, ne peut pas simplement se réduire à l'aggravation les sanctions. En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il faut offrir aux policiers une meilleure formation, notamment en ce qui concerne l'utilisation des armes. Trois séances de tir obligatoires sont prévues chaque année. Pourtant, un rapport de la Cour des comptes montre qu'elles ne sont pas été effectuées par la totalité des policiers.
En réalité, les refus d'obtempérer sont, en grande majorité, liés à un défaut d'assurance ou de permis, ce qui a priori ne met pas en danger les forces de l'ordre. Mon collègue Antoine Léaument l'a rappelé : la peine de mort a été abolie dans ce pays. Pour notre part, nous ne souhaitons pas qu'elle soit rétablie.
Nous ne souhaitons pas que des policiers puissent tuer des individus pour de simples refus d'obtempérer, surtout quand ils ne sont pas mis en danger.
M. Romain Daubié s'exclame.
Non, c'est faux ! Regardez la vidéo du refus d'obtempérer qui a eu lieu à Nice, par exemple : à aucun moment le policier ne s'est retrouvé en état de légitime défense. Nous devons réfléchir pour savoir comment sortir de ce genre de situations afin que plus jamais personne ne décède à la suite d'un refus d'obtempérer dans notre pays. Je le répète : le nombre des décès consécutifs à un refus d'obtempérer d'individus âgés de 30 à 35 ans a augmenté de 300 %. Peut-on se satisfaire de cela aujourd'hui ? Je ne le crois pas ! Et la réponse, monsieur le ministre, ne peut pas résider uniquement dans la surenchère sécuritaire.
Je pense que nous pourrions donner aux débats une tonalité un peu plus apaisée en cette matinée, cher collègue.
Vous demandez la suppression des dispositions relatives aux rodéos motorisés et aux refus d'obtempérer, ce à quoi nous sommes fondamentalement opposés. Avis défavorable.
Nous allons réexpliquer les choses à nos collègues de La France insoumise, qui ne veulent pas comprendre ou qui ne comprennent rien, je ne sais plus trop. Les individus ne décèdent pas pour avoir refusé d'obtempérer, mais parce qu'ils ont mis en danger la vie des policiers ou celle d'autrui. Nous, nous considérons les individus qui participent aux rodéos motorisés ou qui refusent d'obtempérer comme des voyous, des délinquants ; vous, vous les prenez pour votre électorat.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 531 n'est pas adopté.
Il vise à augmenter le montant de l'amende encourue par un individu refusant d'obtempérer.
L'amendement n° 701 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à aggraver les peines prévues pour les refus d'obtempérer et de faire peser sur l'auteur de l'infraction les frais d'enlèvement, de garde en fourrière et de destruction du véhicule.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 483 .
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai aussi, de façon à nous faire gagner un petit peu de temps, mes amendements n° 482 , 484 , 486 et 485 qui doivent être appelés après la discussion commune.
Je n'ai pas voulu demander un rappel au règlement tout à l'heure, madame la présidente, mais pourriez-vous informer l'Assemblée de ce que vous avez décidé lors de la discussion qui a eu lieu, durant la suspension de séance, au pied de la tribune concernant le déroulement des débats ? Députée non inscrite, je n'ai pas eu de retours, mais je ne dois pas être la seule.
À ce stade, chère collègue, nous avons décidé d'accélérer la discussion des amendements, ce à quoi vous vous participez en en défendant plusieurs à la fois. Je vous en remercie.
Tous mes amendements traitent des rodéos urbains et sauvages qui se multiplient et dégradent considérablement la qualité de vie des habitants en France. Ils font courir un risque inutile non seulement à ceux qui les pratiquent, mais aussi et surtout aux personnes qui peuvent se trouver sur leur chemin. De plus ils impliquent une mobilisation des forces de l'ordre, qui sont confrontées à des risques de course-poursuite, d'accident et même, dans certains cas, d'émeute.
Je ne suis absolument pas d'accord avec les théories défendues par nos collègues de La France insoumise. La première des choses, si l'on ne veut pas qu'il y ait de sanctions pour refus d'obtempérer, c'est de ne pas refuser d'obtempérer. On inverse un peu les choses, monsieur Portes, en les présentant comme vous le faites.
Depuis le début de l'année 2022, plus de 3 800 infractions ont été relevées concernant les rodéos urbains, soit 1 100 de plus qu'en 2021pour une période similaire. Cet été, faut-il le rappeler, deux enfants de 10 et 11 ans ont été grièvement blessés par un deux-roues dans le Val-d'Oise. Il est donc impératif de durcir les sanctions contre les auteurs des rodéos urbains, qui ne respectent rien ou pas grand-chose ; ils doivent absolument être dissuadés d'agir de façon effective.
Renforcer les sanctions, notamment en prévoyant des circonstances aggravantes, c'est une chose – et il faut le faire ! Mais nous devons aussi généraliser la confiscation et la destruction des véhicules qui sont utilisés par les auteurs de ces délits.
Il est par ailleurs indispensable de réfléchir à l'utilisation de la méthode britannique du contact tactique, aussi dite tampon. La police londonienne s'est félicitée de son efficacité : les derniers chiffres dont elle dispose, qui datent de 2018, indiquent qu'elle a conduit à une baisse de 36 % des vols impliquant des cyclomoteurs.
Pour couper court aux caricatures, je précise qu'il n'est absolument pas question d'utiliser cette méthode n'importe comment et que des règles strictes doivent s'appliquer. Le College of Policing, le corps autonome chargé de réfléchir et d'améliorer les pratiques policières outre-Manche, a listé toute une série de situations dans lesquelles une course-poursuite contre des motos ou des quads peut conduire à l'utilisation du contact tactique : si ces véhicules provoquent des crimes graves, s'ils sont utilisés de manière répétée comme mode de transport par des groupes criminels, lorsqu'il est nécessaire de minimiser le risque criminel pour le public et – dernière raison qui me semble intéressante – pour assurer la confiance du public dans l'activité de la police. Si cette technique peut rassurer la population française et lui donner davantage confiance en sa police, je pense qu'il faut commencer à y réfléchir et prendre des mesures réellement efficaces.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?
Avis défavorable.
S'agissant des amendements présentés par Mme Ménard, l'aggravation des peines proposée pose une difficulté de proportionnalité. Concernant le défaut d'assurance visé aux amendements n° 484 et 485 , je vous renvoie à un amendement de notre collègue Natalia Pouzyreff qui a travaillé à une réponse au cours des dernières semaines. Enfin, les éléments de doctrine d'application des forces de police ne relèvent pas du niveau législatif.
Nous ne nions pas que les rodéos urbains posent des problèmes majeurs de tranquillité et de sécurité. Notre interrogation porte sur la stratégie à adopter. Nous considérons que l'aggravation des peines ne résoudra rien ; la preuve, c'est qu'elles ont déjà été alourdies de façon systématique sans que l'on constate une diminution du nombre de rodéos urbains, en particulier dans les quartiers populaires – il me semble que ce dernier élément doit être pris en compte. Plutôt que l'aggravation des peines, nous préconisons l'application de stratégies différentes comme la saisie des engins dont nous parlions hier, laquelle ne met en danger personne, ou presque.
Cet amendement de notre collègue Ian Boucard insiste sur la nécessité de confisquer les véhicules utilisés pour les rodéos urbains, lesquels n'appartiennent pas toujours aux auteurs des méfaits – c'est d'ailleurs de moins en moins souvent le cas. La réalité est malheureusement criante : moins d'un quart des condamnations donnent lieu à la confiscation du véhicule. C'est pourtant la meilleure manière d'éviter un fléau qui a touché, cet été, de nombreuses villes de France. Réarmer le magistrat en lui permettant la confiscation des véhicules motorisés aiderait à lutter plus efficacement contre ceux qui s'adonnent à des rodéos urbains sur des véhicules qui ne leur appartiennent pas.
L'amendement n° 485 de Mme Emmanuelle Ménard a été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?
Le droit applicable prévoit déjà la possibilité de confisquer le véhicule. Vous rendez automatique ce qui n'était que possible : cela ne serait pas accepté par le Conseil constitutionnel. Il faut laisser une marge d'appréciation aux juges. Avis défavorable.
Je comprends le risque que présente l'automaticité des peines devant le Conseil constitutionnel, mais cet amendement ne prévoit pas une confiscation automatique du véhicule : Ian Boucard a été assez fin pour rédiger son amendement de telle sorte que la confiscation n'intervient qu'en cas de défaut d'assurance.
On peut le décider au niveau administratif.
Le vrai problème est que, si les policiers et les gendarmes ont la possibilité d'ordonner la confiscation du véhicule, les remontées du terrain indiquent qu'ils n'ont pas les moyens d'en organiser matériellement la saisie. Nous devons absolument trouver un moyen pour que cette confiscation – qui est la solution – soit effective.
Je précise que Roger Vicot et moi voterons l'article 7 bis .
Monsieur Dive, je vous confirme, que l'amendement rend obligatoire la peine complémentaire de confiscation, sans aucune possibilité pour le juge d'intervenir. Cette confiscation automatique pose un vrai problème s'agissant de l'individualisation de la peine, et un vrai problème constitutionnel.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 640 .
Les rodéos urbains créent des troubles à l'ordre public, de l'insécurité et des accidents parfois mortels. Il existe un large consensus pour renforcer la lutte contre ce phénomène. Des mesures ont été prises dans le cadre de la loi du 3 août 2018 ; toutefois, quand on tire le bilan de cette loi, on observe une vraie difficulté à confisquer les véhicules. Par exemple, pour l'année 2020, sur 584 condamnations, seules 145 ont donné lieu à une confiscation, soit un quart d'entre elles. La raison est simple : bien souvent, les auteurs de rodéo utilisent des véhicules prêtés par des tiers auxquels les tribunaux accordent le bénéfice du doute alors que, dans la quasi-totalité des cas, ils sont complices des auteurs.
L'amendement propose que les véhicules utilisés dans le cadre des rodéos soient confisqués, sauf s'ils sont déclarés volés par leur propriétaire avant ou dans un délai d'un mois après les faits. L'objectif est de responsabiliser les propriétaires : soit leur véhicule a été volé et utilisé à leur insu, soit ils sont responsables de l'utilisation qui en a été faite. Je précise que cet amendement ne concerne que les particuliers propriétaires, étant entendu que les entreprises de location de véhicules peuvent difficilement être considérées comme complices de l'utilisation qui en est faite par leurs clients.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Même avis que précédemment, pour la même raison : l'automaticité de la peine.
L'amendement n° 640 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe Horizon et apparentés a fait l'objet d'un travail de Mme la vice-présidente Naïma Moutchou.
Je ne reviendrai pas sur les troubles, les dommages et les drames créés par les rodéos ; je veux seulement rendre hommage ici aux forces de l'ordre qui ont su, grâce à une action résolue, augmenter le nombre d'interpellations et, par là, le nombre de condamnations.
L'amendement vise à ajouter à la liste des peines complémentaires encourues par une personne condamnée pour des faits de rodéo la confiscation de tous les véhicules lui appartenant, que ceux-ci aient été utilisés pour le rodéo ou non.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement n° 774 .
La majorité est résolue à lutter contre toutes les formes d'incivilité, celle des rodéos motorisés au premier chef. Outre que ces rodéos provoquent par leurs nuisances sonores l'exaspération de nos concitoyens, ils sont la source d'un réel danger pour les passants. Ces faits sont inacceptables.
La majorité a pris ce fléau à bras-le-corps dans la loi du 3 août 2018, qui a fait l'objet, en 2021, d'une mission d'évaluation au sein de la commission des lois. Cette loi a permis de doter les forces de l'ordre d'outils efficaces pour lutter contre les rodéos : le nombre de condamnations a été démultiplié et le nombre d'interpellations augmente d'année en année. Il nous paraît toutefois nécessaire de renforcer le dispositif.
La confiscation étant certainement la sanction la plus dissuasive et la plus efficace, cet amendement prévoit une peine complémentaire permettant la confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné, même dans le cas où ces véhicules n'ont pas servi à commettre l'infraction. Cette mesure permet de s'attaquer au prêt croisé de véhicules entre auteurs de rodéo.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sur les amendements identiques n° 767 et 774 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'article 7 bis , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1313 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques.
C'est quasiment un sous-amendement de correction orthographique.
J'émets un avis favorable aux amendements de Mme Pouzyreff et de Mme Moutchou car ils préservent la constitutionnalité du dispositif tout en répondant aux intentions exprimées précédemment par nos collègues sur plusieurs bancs.
Avis favorable également. Je remercie Mme Pouzyreff pour le travail qu'elle a effectué auprès des forces de l'ordre : par deux fois, elle aura amélioré leur droit d'intervenir.
J'ajoute à l'intention des orateurs précédents que les services de police emploient désormais des technologies de suivi des échanges téléphoniques pour démontrer que les motos appartiennent à des tiers complices et que, de plus en plus, les tribunaux condamnent les auteurs sur cette base, ce qui permet de respecter la non-automaticité des peines et la propriété privée des personnes. C'est une expérimentation qui a eu lieu dans le Val-de-Marne et qui sera étendue à toute la France.
Nous sommes tout à fait favorables à la confiscation des engins. C'est globalement l'esprit de l'amendement, ou en tout cas la moitié de son esprit ; pour cette raison, nous nous abstiendrons. Je prends la parole afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté ou de débat sur notre opposition : la confiscation des engins nous paraît bien plus efficace que l'aggravation des peines et des amendes.
Exclamations sur divers bancs
On ne va pas recommencer sur ce sujet ! Vous prenez la parole uniquement pour nous chercher là-dessus !
C'est qu'il y a un délai de cinq minutes à respecter entre l'annonce d'un scrutin public et le scrutin lui-même.
Nous sommes obligés d'attendre après l'annonce de scrutin. Je crois que c'est le droit du groupe majoritaire de prendre la parole, d'autant que nous parlons très peu.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sous la législature précédente, nous avons défendu une proposition de loi qui parlait, pour la première fois, des rodéos urbains. Je crois que ce texte a amélioré les choses même si le phénomène persiste à travers la France, de façon certes moins forte.
L'amendement n° 774 de ma collègue Natalia Pouzyreff, dont je suis cosignataire, apporte une amélioration manifeste car il appuie là où il faut.
J'ajoute que je n'agressais personne, madame la députée, au contraire, je saluais La France insoumise qui, à l'époque, s'était opposée à notre texte, et le fait qu'elle rejoint tranquillement nos positions, ce qui montre que la coconstruction est possible.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le sous-amendement n° 1313 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 74
Contre 0
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dans le même esprit que nos précédents amendements, celui-ci vise à prévoir l'expulsion systématique de son logement social de l'auteur d'un rodéo motorisé.
Avis défavorable. Vous proposez encore une procédure d'automaticité. Aujourd'hui, les juges décident presque toujours l'expulsion du logement social et font preuve d'une grande sévérité à l'égard des auteurs de rodéos. Je préfère qu'on leur laisse la libre appréciation de la sanction. Si l'on regarde les décisions récentes, on constate qu'elles vont dans le bon sens.
Je rappelle à nos collègues de la majorité que, sous la précédente législature, contrairement à ce qui a été dit, nous nous étions abstenus lors du vote de proposition de loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.
Le groupe La France insoumise votera contre l'amendement n° 700 car il inflige une double peine à des familles qui sont déjà dans une situation difficile. Cela ne me surprend pas de la part du Rassemblement national, qui a une propension à vouloir expulser à peu près tout le monde de France, en particulier ceux qui ne viennent pas du bon endroit. Cet amendement est absolument scandaleux !
C'est sûr que nous n'avons pas la même ligne : vous, vous défendez Iquioussen !
L'amendement n° 700 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 74
Contre 5
L'article 7 bis , amendé, est adopté.
Il vise à inscrire dans le projet de loi un cadre juridique permettant d'interpeller des auteurs de rodéos urbains par la méthode du contact matériel tactique.
Il faut descendre un peu de votre nuage, chers collègues : les rodéos sauvages existent en France depuis une vingtaine d'années et, contrairement à ce que vous dites, monsieur Maillard, leur nombre n'a jamais diminué. Allez sur le terrain ! Depuis dix ans, j'ai plutôt observé le phénomène inverse : les rodéos explosent et les drames se multiplient au fil des mois et des années. C'est la raison pour laquelle nous devons donner aux policiers la possibilité d'aller interpeller comme ils pouvaient le faire il y a quelques années.
Pour faire appliquer la loi, il faut interpeller les individus. Ils sont malins et ils s'organisent : ils coupent les caméras de vidéosurveillance, ils se masquent, ils retirent les plaques d'immatriculation et les numéros de série de leurs engins. Laissez les policiers aller au contact direct pour les interpeller : ce sont des professionnels et ils feront de leur mieux, vous verrez ! La méthode britannique a porté ses fruits, alors qu'en France, vous savez bien, monsieur le ministre, qu'une note de la direction centrale de la sécurité publique interdit aux policiers d'interpeller ces chauffards. Dans certaines cités – nous l'avons vu à Pontoise –, les victimes se retournent même contre l'État.
J'ai passé les trois quarts de ma carrière de policier dans les cités. Or que nous disent les habitants à propos des rodéos sauvages ? « Faites quelque chose, au lieu de regarder sans rien faire, parce qu'un jour ils vont tuer nos enfants ! » Il est temps de siffler la fin de la récréation et de faire passer le message en créant un cadre juridique autorisant les policiers à aller au contact.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 697 de M. Julien Odoul est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Vous voulez insérer dans la loi des techniques d'interpellation, des manœuvres opérationnelles, ce qui pose là encore problème. Avis défavorable.
Défavorable. Vous ne pouvez pas présenter les choses comme vous le faites, monsieur Taverne, car ce que vous dites n'est pas exact. Il n'existe pas de note de la direction générale de la police nationale interdisant les interpellations ou les poursuites. C'est une fake news, qui, je le sais, circule, mais répéter quelque chose qui n'est pas vrai n'en fait pas une vérité. J'assume parfaitement l'instruction donnée aux policiers, et par conséquent aux gendarmes, de poursuivre un individu qui commet une grave infraction au code de la route, de type refus d'obtempérer ou rodéo urbain. Cette poursuite doit cependant être proportionnée au risque qu'elle fait courir à l'équipage de police lui-même et aux citoyens – ceux qui sont sur les trottoirs et traversent les passages piétons, ceux qui sont à bord de leur voiture.
Lors des poursuites qui ont lieu en milieu urbain très dense, à proximité des écoles, on croise du monde. Le policier, qui consacre en général sa vie à sauver celle des autres, ne va pas risquer de tuer ceux qui le croisent pour poursuivre une moto en fuite. Ce serait démagogique de proposer cela. C'est très facile à dire depuis un fauteuil de l'Assemblée nationale, mais c'est beaucoup plus difficile d'aller voir, à une heure du matin, comme cela m'est arrivé, la famille de deux enfants morts ou des policiers et des gendarmes mis en examen et condamnés par la justice en raison d'une conduite non conforme à ce que l'on attend d'eux – sans doute influencé par quelque discours démagogique, ces policiers et ces gendarmes n'ont pas écouté leur hiérarchie et se retrouvent en grande difficulté face à la justice. Là, vous n'êtes pas là, monsieur le député !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous n'êtes pas là non plus, parce que vous n'êtes pas le ministre de l'intérieur, quand il faut expliquer à la famille qu'il y avait une poursuite quand une moto est rentrée dans la voiture conduite par une mère avec ses deux gamins à l'arrière. Elle n'avait rien demandé à personne, mais elle a eu le malheur de croiser le chemin d'une course-poursuite…
À la fin, c'est certes la police qui gagne, mais les auteurs des rodéos ne sont pas toujours interpellés grâce à une course-poursuite. Les caméras de vidéoprotection et les drones que nous pouvons désormais utiliser à des fins de renseignement nous aident. Il est aussi possible, avec le procureur de la République, de recourir le lendemain aux techniques de renseignement, à la géolocalisation des téléphones et à des relevés de caméras de vidéoprotection pour récupérer les motos et interpeller les auteurs.
La vérité, monsieur le député, c'est que ce que vous dites est facile à dire ici et maintenant. Vous jouez avec la vie des Français et des policiers avec vos « y a qu'à, faut qu'on ». Cessez de répéter que les policiers ont interdiction de poursuivre les auteurs de rodéos. Ils y sont autorisés sauf si l'équipage de police considère qu'il met en danger la vie d'autrui, ce qui me semble une raison valable. Nous serons d'ailleurs tous d'accord sur ce point le jour où ils croiseront nos femmes, nos enfants ou nos maris.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Sur l'article 8, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élisa Martin.
Vos amendements augmentent le danger pour tout le monde, chers collègues, et vous oubliez que la première qualité des policiers est le discernement. Il faut préserver leur capacité d'évaluer les situations. C'est d'ailleurs parce que nous privilégions la présence humaine que nous sommes opposés au déploiement de technologies telles que la vidéosurveillance. Selon nous, les hommes et les femmes de la police et de la gendarmerie se caractérisent par leur discernement !
Ces deux amendements du Rassemblement national comparent des choses qui ne sont pas comparables, notamment lorsqu'ils parlent de la méthode de contact tactique britannique.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Les Britanniques n'ont pas recouru à cette méthode pour lutter contre les rodéos urbains, mais pour lutter contre un certain type de délinquance dans les rues de Londres.
J'en appelle à votre sagacité, chers collègues. Vous rendez-vous compte du pas que nous franchirions si nous adoptions votre mesure ? Les policiers seraient autorisés à aller au contact avec leur voiture, c'est-à-dire à défoncer d'autres voitures ou des scooters pour les immobiliser.
Les voitures des policiers seraient de nouvelles armes et nous assisterions à une inévitable escalade,…
…avec du stock-car – vous savez, cette course délirante de voitures – dans nos rues !
J'aimerais que vous vous rendiez compte de la vision de l'État de droit que vous défendez : c'est le Far West !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mêmes mouvements.
Je vous ai écoutés ; merci de m'écouter également !
Dans nos campagnes, dans nos rues, dans nos cités, les rodéos urbains donneraient lieu à des courses-poursuites dans lesquelles les forces de l'ordre iraient au contact. Nous serions certains d'avoir des morts.
Mais avec votre méthode, il y aurait beaucoup de victimes civiles – les piétons au bord de la route – et de dommages collatéraux ! Vous êtes complètement à côté de la plaque !
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes nombreux à demander la parole, chers collègues, alors que vous voulez que le débat s'accélère. Nous avons entendu des orateurs opposés aux amendements, avant que nous votions, je propose que s'expriment des orateurs favorables à l'amendement. Je vous invite à être brefs.
La parole est à M. Romain Baubry.
Apparemment, notre collègue Léaument,… je veux dire Balanant – Antoine Léaument, lui aussi, a souvent du mal à comprendre les choses !
Sourires sur les bancs du RN.
Donc, notre collègue ne fait pas la différence entre un refus d'obtempérer et un rodéo motorisé. Souvent, un rodéo motorisé se transforme en refus d'obtempérer parce que les individus concernés savent très bien que la police est démunie, qu'elle a interdiction d'aller au contact et de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour les arrêter. Ces délinquants de la route, ces dangers publics, mettent pourtant nos concitoyens en danger en les blessant et parfois même en les tuant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Erwan Balanant s'exclame.
Le présent article prévoit plusieurs mesures ayant pour objet principal d'étendre les possibilités d'enquête et les outils mis à disposition des enquêteurs lors de la recherche d'une personne en fuite ayant commis des crimes et des délits particulièrement graves. Il prévoit également d'alourdir les peines encourues dans les cas d'abus de faiblesse aggravé.
Ainsi, cet article va indéniablement dans le bon sens. Considérant que seulement deux amendements à cet article ont été déposés, un consensus logique semble avoir émergé. Je m'étonne toutefois que le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ait déposé un amendement de suppression, comme d'habitude. Chers collègues d'extrême gauche, vous vous opposez donc à l'attribution de moyens supplémentaires pour retrouver et punir des gens s'étant rendus coupables de crimes atroces et de délits très graves, tels que, notamment le meurtre et le viol commis en concours, les crimes de torture et d'acte de barbarie en bande organisée, les crimes et délits liés au proxénétisme et au trafic de stupéfiant, le crime d'enlèvement, de séquestration en bande organisée, ou le délit d'abus de faiblesse en concours. Votre laxisme idéologique vous conduit donc à refuser aux forces de l'ordre des moyens permettant notamment de lutter contre les réseaux mafieux, mais aussi contre les dérives sectaires. Dont acte.
En ce qui nous concerne, nous, membres du groupe Rassemblement national, comme nous l'avons toujours fait, nous voterons les mesures allant dans la bonne direction. C'est le cas de cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement n° 855 , tendant à supprimer l'article.
Nous demandons la suppression de cet article, tout d'abord parce que les situations dans lesquelles il s'appliquerait ne nous semblent pas définies de manière suffisamment précise. De manière générale, le même problème d'imprécision affecte la notion de « dérive sectaire » – mais cette question excède le champ de cet article et de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Pour être tout à fait sincère – nous le sommes toujours –, nous craignons que ce dispositif comme d'autres n'instaure une forme de délit d'opinion.
Ensuite, l'article prévoit d'étendre encore la possibilité de recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE), qui ne sont pas rien puisqu'elles permettent des gardes à vue prolongées, la sonorisation de certains lieux ou véhicules et ainsi de suite. Disons stop et faisons un pas de côté nécessaire.
Enfin, le rôle du juge dans le choix de recourir à ces techniques n'est pas suffisamment affirmé, selon nous.
D'aucuns nous reprochent de demander la suppression de nombreux articles. Je m'autorise à rappeler – ou à apprendre à ceux qui ne l'auraient pas encore compris – que nous sommes opposés aux principes et à la philosophie de cette Lopmi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 855 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement n° 498 .
Je crains de ne pas rencontrer un franc succès avec cet amendement, compte tenu de la tendance sourde que j'observe au sein de notre assemblée depuis des années. Je voulais appeler votre attention sur une situation paradoxale, à l'occasion de cet amendement qui vise à revenir sur l'augmentation de la peine encourue pour abus de faiblesse aggravé – elle passerait de cinq à sept ans.
Chers collègues, nous dénonçons régulièrement la surpopulation carcérale, en critiquant les juges, censés recourir trop souvent aux peines d'emprisonnement, et en leur reprochant de ne pas penser à d'autres solutions. Pourtant, le Parlement ne cesse de créer de nouveaux délits punis de peines de prison et d'aggraver celles déjà prévues pour les délits existants, sans que, dans le même temps, les sanctions prévues pour d'autres infractions soient allégées ou punies d'autres peines que de l'emprisonnement. C'est un paradoxe ! J'observe que les juges font l'objet d'injonctions contradictoires.
Pour donner de la crédibilité au projet de régulation carcérale, le Parlement devrait donner l'exemple et faire preuve de modération en matière de recours à l'emprisonnement. Dans le cas d'espèce, l'augmentation prévue par l'alinéa 3 de cet article ne répond à aucun impératif de politique pénale et n'est réclamée par aucun criminologue ou aucun professionnel de la lutte antisectaire. D'ailleurs, elle n'est pas justifiée dans l'étude d'impact. Il serait plus efficace de s'assurer de l'exécution effective des peines prononcées.
Si nous prévoyons une évolution du quantum de peine, c'est parce que les éléments constitutifs de l'infraction évoluent également, pour inclure la présence d'agissements en bande organisée. Mon avis est donc défavorable.
M. Vicot et moi-même, avec l'ensemble des membres du groupe Socialistes et apparentés, soutenons cet amendement frappé au coin du bon sens, car il permet de souligner les injonctions contradictoires auxquelles nous sommes soumis. Alors que nous voulons en finir avec la surpopulation carcérale, nous adoptons de nombreux articles majorant les peines d'enfermement. Cela pose un vrai problème pour nous, comme, du reste, l'ensemble de la Lopmi. Vous surenchérissez dans tous les domaines : de nombreux articles ont été introduits par le Sénat, sans que la justice ait été consultée, il me semble, alors que ce sont les magistrats qui prononcent les peines. Pour toutes les raisons mises en avant par ma collègue, nous voterons cet amendement.
Je suis un peu surpris qu'une députée du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) adopte le même raisonnement que La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.
À cause de la surpopulation carcérale, il faudrait arrêter de condamner à des peines de prison.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Du moins, vous, vous êtes cohérent, monsieur Saulignac, ce qui n'est pas le cas de la majorité. J'invite celle-ci à respecter ses engagements. La construction de 15 000 places de prison supplémentaires entre 2017 et 2022 était prévue : le ministère de la justice n'en a fait construire que 2 000. Il en manque donc 13 000.
On nous explique que c'est formidable et que cela avance très vite alors qu'en réalité, pendant les trois premières années de la précédente législature, alors que la garde des sceaux était proche du Mouvement démocrate, rien n'a été fait pour construire des places de prison. C'est ce qui explique en partie la surpopulation carcérale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 498 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 85
Contre 8
L'article 8 est adopté.
C'est un sujet qui me tient à cœur en tant qu'habitant d'une région frontalière, la Lorraine. Comme le premier confinement l'a révélé, la contrebande est particulièrement importante près des frontières, surtout quand celles-ci recoupent des différences de fiscalité. Monsieur le ministre, je sais qu'alors que vous étiez ministre de l'action et des comptes publics, vous avez travaillé de manière très attentive sur ce sujet.
Sourires.
Or nous constatons qu'en la matière, l'harmonisation n'a pas progressé au niveau européen, ce qui a permis le développement de la contrebande. Avec les augmentations de taxe prévues à l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le phénomène devrait encore s'accélérer.
Le présent amendement vise donc à amplifier la lutte contre la contrebande, en prévoyant, d'une part, l'application de la procédure réservée à la criminalité, à la délinquance organisée et aux crimes, pour les délits de contrebande ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration de produits du tabac manufacturé. L'amendement prévoit, d'autre part, la possibilité de prolonger la durée d'une garde à vue si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent pour de tels délits de contrebande.
M. Ian Boucard applaudit.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement n° 350 .
Il rejoint l'esprit de l'amendement présenté par M. Bazin, en tendant à renforcer les sanctions visant le trafic ou la contrebande de tabac. Le confinement a permis d'observer les quantités de tabac réellement consommées dans notre pays et de mesurer celles habituellement importées. Force est de constater que celles-ci représentent environ un tiers de la quantité totale. Le tabac provient notamment de pays dont le gouvernement mène des politiques beaucoup moins incitatives de lutte contre le tabagisme : le prix du tabac y est donc moins important.
C'est un vrai problème, car les buralistes constatent la baisse de leur chiffre d'affaires, non seulement depuis le confinement, mais depuis des années, au fur et à mesure de l'évolution du prix du tabac. Il est donc absolument nécessaire de renforcer la lutte contre une telle importation du tabac, grâce aux dispositifs prévus dans les deux amendements identiques cosignés par des membres du groupe Les Républicains. Il faut s'assurer que le tabac consommé en France – dont la quantité est toujours trop importante – soit bien acheté en France.
C'est important, car les buralistes remplissent de plus en plus de missions de service public. En tant qu'élu dans une région frontalière de la Belgique, le Pas-de-Calais, je peux vous dire que les marchands de tabac se trouvent dans une situation très difficile, alors même qu'on leur demande d'ouvrir des comptes en banque et qu'ils acceptent le dépôt de colis pendant les horaires de fermeture du bureau de La Poste. Au final, ils constituent souvent le dernier commerce de proximité. Si nous ne sommes pas capables de les maintenir ouverts, de les aider à faire face à leurs frais, certains villages et certains quartiers de zones plus urbanisées se retrouveront dépourvus de tout service de proximité.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1148 .
Il s'agit d'un amendement de repli, qui ne prévoit qu'une mesure : l'application de la procédure réservée à la criminalité et à la délinquance pour les délits précités. Si l'on pouvait adopter l'amendement n° 1151 , ce serait encore mieux !
Cher monsieur Bazin, le problème de l'amendement n° 1151 est qu'il prévoit un dispositif dérogatoire en matière de garde à vue, alors que, comme vous le savez, cela poserait un immense problème de constitutionnalité. L'avis sur cet amendement est donc défavorable.
Quant aux deux amendements identiques, ils ont l'inconvénient de prévoir l'application des techniques spéciales d'enquête tant pour des opérations d'une grande complexité et d'une grande gravité – qui remplissent donc déjà les critères de recours à ces techniques –, que pour de simples particuliers qui consommeraient des cigarettes achetées en contrebande et provenant de l'autre côté de la frontière. Dans ces derniers cas, le juge constitutionnel jugera que les critères de complexité et de gravité ne sont pas réunis et que le recours aux TSE n'est pas justifié. Avis défavorable.
Je soutiens les trois amendements en discussion, avec une préférence pour le premier. Le trafic de tabac prend des proportions considérables. Comme M. Dumont l'a rappelé, le confinement a révélé son ampleur. Les buralistes ont vu d'un coup leur chiffre d'affaires augmenter, car les vendeurs à la sauvette de tabac de contrebande ne pouvaient plus circuler aussi facilement dans les rues.
Il y a près d'un an, nous avons arrêté à Béziers un trafiquant, après une plainte déposée par des buralistes. En effet, les vendeurs à la sauvette agissaient devant les débits de tabac officiels, au vu et au su de tout le monde : leurs prix étaient si attractifs que leurs clients formaient des files d'attente ! Après une enquête, le commissariat de Béziers est intervenu et a saisi pas moins de 1 500 paquets de cigarettes, soit le stock qu'un seul petit revendeur entreposait dans sa voiture et écoulait durant la journée – au vu et au su de tout le monde, encore une fois !
M. Dumont l'a également dit : les régions frontalières sont particulièrement touchées – Béziers, par exemple, n'est pas très loin de l'Espagne –, la proximité des frontières facilitant le trafic.
Il faut donc absolument augmenter les sanctions. Outre les missions de service public que les débits de tabac assurent en effet, nous ne pouvons pas laisser le trafic de tabac de contrebande se déployer ostensiblement. D'ailleurs, j'aimerais savoir ce que contiennent ces cigarettes, parce que le plus souvent, les paquets sont différents de ceux que vendent les débits de tabac. Je voterai donc ces amendements.
L'amendement n° 1151 n'est pas adopté.
Sur l'article 9, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, n° 29 , 257 , 535 et 1032 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 29 .
En découvrant cet article, j'ai d'abord ressenti de l'inquiétude, en particulier s'agissant du respect de la procédure et de la qualité des enquêtes. Mais, après en avoir discuté localement, j'ai constaté que ces mesures étaient attendues.
Je profite néanmoins de sa défense pour souligner que les enquêteurs espèrent fortement que nous reviendrons sur certaines des mesures relatives aux procédures, introduites par Mme Taubira, car elles alourdissent considérablement leur travail et les pénalisent au quotidien. Monsieur le ministre, le sujet est important, il faudrait que vous incitiez le garde des sceaux à modifier ces procédures.
Sourires.
L'amendement n° 29 est retiré.
La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l'amendement identique n° 257 .
L'article 9 est bref mais très important, puisqu'il concerne à la fois la formation et l'expérience des policiers. Il s'agit – passez-moi l'expression – d'un tour de passe-passe. Pour s'inscrire à l'examen d'officier de police judiciaire (OPJ), les policiers doivent justifier de trois ans de service, c'est-à-dire qu'ils doivent avoir trois ans d'ancienneté, donc d'expérience. Or cet article tend à remplacer cette condition par celle de « trente mois de services à compter de leur entrée en formation initiale ».
Certes, ladite formation prévoit six mois d'affectation dans un emploi comportant l'exercice des mêmes attributions mais, puisqu'il s'agit d'une formation, l'emploi en question relève davantage du stage. Même en tenant compte des stages pratiques, l'expérience acquise sera de nature tout à fait différente de celle aujourd'hui attendue. Pour compenser cette réforme, la scolarité a été quelque peu allongée. Toutefois, l'expérience acquise par l'ancienneté nous paraît offrir des garanties bien plus solides de compétences qu'une simple formation, même plus longue. Aussi les députés du groupe Socialistes et apparentés demandent-ils instamment la suppression de cet article.
Pour ce que nous voulons demander aux officiers de police judiciaire, il est essentiel de ne pas confondre la durée de la formation et la durée de l'expérience.
Je partage les arguments de M. Vicot. J'ajoute que la suppression de la condition d'ancienneté entraînera une perte de recul qui risque d'affecter la qualité des enquêtes. Or les magistrats soulignent souvent la dimension essentielle de cet aspect. À la question de la maturité liée à l'expérience, s'ajoute donc celle de la qualité des enquêtes.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1032 .
Nous sommes fermement opposés à l'article 9, qui tend à supprimer la condition d'ancienneté pour acquérir la qualité d'officier de police judiciaire. Les OPJ sont chargés de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Ils jouent un rôle essentiel dans la conduite de l'enquête pénale et, à ce titre, disposent de prérogatives très larges. Il faut donc mesurer les conséquences de la suppression de l'ancienneté à l'aune de cette palette de pouvoirs : placements en garde à vue, réquisitions, perquisitions, visites domiciliaires. Ces actes sont potentiellement attentatoires aux libertés et aux droits ; leur exercice requiert la maîtrise que confère l'expérience. Si nous ne supprimons pas l'article 9, les OPJ recevront demain une formation amoindrie et bénéficieront d'une expérience limitée. Comme Mme Martin l'a souligné, cela peut altérer la qualité des enquêtes.
J'en profite pour m'étonner de l'intervention de M. Bazin, qui retire son amendement mais qui vous demande de gagner des arbitrages auprès du garde des sceaux. Le texte doit préserver l'équilibre entre les pouvoirs de police et la justice, qui suppose de garantir les droits publics.
L'article 9 est en effet essentiel. Après les considérations technologiques, nous abordons l'aspect humain du fonctionnement du ministère de l'intérieur.
Le constat initial est qu'il manque environ 5 000 officiers de police judiciaire dans les commissariats. Il en faudrait 22 000 pour que leur nombre soit proportionné à la délinquance, pour satisfaire les demandes des magistrats et pour mener les enquêtes relatives aux violences intrafamiliales, en nombre croissant – on pourrait multiplier les exemples de contentieux qui n'avancent pas ou dans lesquels les victimes n'obtiennent pas de réponse, parce que nous manquons d'enquêteurs.
Les OPJ sont toujours placés sous l'autorité des magistrats. Il appartient aux procureurs de la République, et non à la hiérarchie de la police nationale, encore moins au ministre de l'intérieur, de leur délivrer leur habilitation ou de la leur retirer, s'ils considèrent qu'ils ne font pas correctement leur travail.
Plusieurs possibilités permettent d'augmenter le nombre des OPJ. Premièrement, nous avons créé une réserve opérationnelle de la police nationale : les policiers qui avaient la qualité d'OPJ peuvent la recouvrer. Deuxièmement, le rapport annexé prévoit de revaloriser le montant de leur prime. Une autre voie consiste à accélérer l'accès au statut d'OPJ. Pour l'obtenir, il faut passer un examen, organisé par le ministère de la justice et présidé par un magistrat. Cela requiert une formation et du temps, aussi les policiers candidats à cet examen prennent-ils quelques semaines de congé, parfois davantage, pour le préparer. En cas d'échec, ils recommencent. Or le code de procédure pénale leur interdit de passer cet examen moins de trois ans après leur sortie de l'école. Voilà ce que nous voulons modifier.
Contrairement à ce que j'ai entendu, la réforme n'amoindrirait pas l'examen : il restera identique, se déroulera de la même manière, selon un même programme, sous la direction des mêmes magistrats. Simplement, cet examen sera possiblement anticipé pendant la formation initiale. Comme M. Vicot l'a expliqué, nous avons allongé la formation initiale de quatre mois. Les gendarmes connaissent un parcours différent – ils doivent préalablement devenir sous-officiers –, mais tous les gardiens de la paix stagiaires reçoivent la première partie de la formation OPJ et passent l'examen. Soit ils sont reçus à l'examen, soit ils sont ajournés. S'ils échouent, ce n'est pas très grave : ils recevront des cours de droit supplémentaires, ce qui ne fait de mal à personne. S'ils sont reçus, ils deviennent OPJ stagiaires, conformément à notre objectif lorsque nous demandons la modification de l'article 16 du code de procédure pénale.
Selon moi, vos arguments ne tiennent pas. D'abord, les policiers sont les seuls acteurs de la chaîne judiciaire à devoir remplir un critère d'ancienneté, indépendamment de l'examen, dont je ne remets évidemment pas en cause le bien-fondé. Le code requiert trois ans d'ancienneté, il faudra désormais trente mois : la perte n'est que de quelques mois, qui seront autant de temps pendant lequel des OPJ seront affectés dans vos commissariats. Ensuite, pour citer Georges Brassens, « le temps ne fait rien à l'affaire ». Il peut y avoir des jeunes idiots, comme des personnes plus âgées pas très intelligentes.
Sourires.
Comme dirait l'autre, quand on n'est pas bon pour être OPJ, on n'est pas bon pour être OPJ : je n'en ferai pas une chanson, mais cet aspect de votre raisonnement me heurte un peu.
D'autant que si on le suit, il est choquant qu'on permette à des magistrats à peine sortis de l'École nationale de la magistrature (ENM) de devenir substituts du procureur. Pour le respect des libertés publiques et l'avenir de chacun, il vaut mieux exiger de l'expérience chez un procureur que chez un OPJ, puisque le premier agit sous sa seule autorité, tandis que le second agit sous l'autorité du premier. Selon votre logique, il existerait deux catégories de fonctionnaires : les magistrats, qui seraient exemptés de justifier de trois ans d'ancienneté, et les policiers, dont on se demanderait toujours s'ils méritent notre confiance. L'argument me paraît peu solide.
J'ajoute, je l'ai dit en commission, mais je ne me suis peut-être alors mal exprimé, que cet article du code de procédure pénale a été adopté dans un temps que peut-être les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : à l'époque, entraient à l'école de police exclusivement des gamins – pardonnez-moi d'employer ce terme, mais ces hommes et ces femmes avaient entre 18 et 20 ans et choisissaient d'embrasser le métier de gardien de la paix dès leur plus jeune âge. Nous avons supprimé les critères d'âge et ce n'est plus du tout le cas : certains passent le concours de la police nationale après une première vie professionnelle – autrefois, certains passaient quarante ans chez Michelin, tandis qu'aujourd'hui d'autres en partent plus tôt. Ils ont été avocats, juristes, clercs de notaire avant d'entrer dans la police nationale. Je serais un drôle de ministre de l'intérieur si je disais à des avocats de 30 ans,…
…comme j'en ai encore rencontré il y a trois semaines à leur sortie de l'école de police, ou à ce clerc de notaire du sud de la France dont je me souviens très bien, tous bien plus qualifiés en droit que ne l'exige l'examen d'OPJ, qu'ils doivent attendre trois ans pour acquérir suffisamment d'expérience avant de s'y soumettre. Ce système est absurde et prive le ministère de l'intérieur d'un grand nombre de compétences. Partout, on recourt à la validation des acquis de l'expérience (VAE), mais le ministère de l'intérieur s'en dispenserait !
En outre, il faut savoir ce que nous voulons. Le ministère de l'intérieur ne peut affecter dans les commissariats que des agents qui sortent de l'école. Pour le reste de leur carrière, ils dépendent du statut de la fonction publique, donc on ouvre des postes, mais si les gens n'y vont pas, nous ne pouvons que constater qu'ils sont restés vacants. Vous m'écrivez tous – certains des intervenants m'ont écrit à ce sujet – que vous voulez des OPJ dans vos commissariats. Connectons les deux parties de notre cerveau ! Je ne peux pas vous les affecter de force, à l'exception de la sortie de l'école. À ce moment-là, je peux décider d'en affecter dix au commissariat de Lille, et quatre à Tourcoing, par exemple.
Si certains sortent de l'école avec la qualification d'OPJ, je pourrai les affecter dès que la loi sera promulguée, puisqu'il existera des sorties d'école classique, si je puis dire, et des sorties d'école « OPJ », et ainsi compenser le manque d'effectif dans les territoires les plus affectés. Je pense aux violences intrafamiliales dans le Pas-de-Calais : à Lens, on manque cruellement d'OPJ pour les prendre en charge. Pour le moment, je ne peux que constater avec les forces de police qu'elles manquent d'enquêteurs : grâce au dispositif que vous allez voter, je pourrai affecter des jeunes enquêteurs directement au commissariat de Lens.
Enfin, le texte encadre fermement le dispositif. La formation est allongée de quatre mois, l'examen reste inchangé, il se déroulera toujours sous l'autorité d'un magistrat et il faudra avoir acquis trente mois d'expérience sous le contrôle de ceux qui valident l'examen d'OPJ.
Franchement, monsieur Vicot, avouez qu'il n'y a pas de grande différence entre trente mois et trois ans ! Il nous faut faire confiance aux policiers, qui passent le même examen que tout le monde, en les libérant de contraintes héritées d'un autre temps. Soit on comprend que la sociologie des policiers qui intègrent l'école de police a changé, soit on ne le comprend pas. Soit on veut des OPJ plus nombreux pour mener des enquêtes, soit on continue à se lamenter quand il n'y en a pas assez, sans en tirer les conséquences.
Faire obstacle à l'article 9 revient à refuser beaucoup de vocations. Plein de gens souhaitent entrer dans la police nationale pour devenir enquêteurs, et non pas agents de sécurité publique : c'est compréhensible. Quand on passe un concours, on consulte les évolutions de carrière possibles. Ainsi, avant de se décider à entrer dans la police nationale, un juriste de 30 ou 35 ans chargé de famille pèsera le pour et le contre : en passant un concours de la fonction publique, il peut devenir gardien de la paix, ce qui n'est pas évident quand on a déjà un métier, mais le service public peut être une vocation. Si, après avoir passé douze mois à l'école de police, sans rémunération, il ne peut pas exercer le métier pour lequel il aura consacré plusieurs mois, parce qu'on lui demandera d'attendre trois ans pour repasser un concours, alors plein d'avocats, de juristes ou de gens désireux de servir les forces de l'ordre se diront qu'on ne veut pas d'eux dans cette belle administration.
Votre position me semble décalée dans le temps par rapport à la sociologie de la police nationale, ainsi que par rapport au besoin de disposer rapidement d'enquêteurs plus nombreux et affectés plus efficacement par le ministère de l'intérieur. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les explications du ministre ont été claires et complètes. Quand j'étais rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur les forces de sécurité, j'ai effectué de nombreux déplacements avec Mme Karamanli et M. Bernalicis. Qu'il s'agisse des commissariats de Drancy et de Dijon, ou de gendarmeries dans les Vosges, nous avons pu constater qu'ils manquaient énormément d'OPJ – ce que nous confirmaient les policiers et les gendarmes sur place.
On a beaucoup parlé de la police, mais l'alinéa 2 de l'article 9 parle aussi des gendarmeries. On dit qu'il y a un gendarme pour mille habitants dans la plupart des territoires mais les brigades de dix à treize gendarmes ne comptent pas plus d'un ou deux OPJ. Nous avons également besoin d'OPJ plus nombreux au sein des brigades de gendarmerie dans les territoires ruraux.
Si on l'examine en profondeur, on constate que l'article 9 n'apporte pas de grands changements. La durée de l'expérience nécessaire passe de trente-six à trente mois après la formation initiale : ce n'est pas une révolution. M. le ministre l'a dit – et c'est important : faisons confiance aux policiers et aux gendarmes. Il serait discriminatoire de leur interdire de passer le concours d'OPJ parce qu'ils n'ont pas la bonne ancienneté ou le bon âge, alors qu'ils en ont toutes les qualifications. C'est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre les amendements de suppression et pour l'article 9.
Monsieur le ministre, vous me faites penser à un joueur de bonneteau : vous êtes très habile pour mélanger, avec une rapidité parfois déconcertante, l'ancienneté, l'expérience et les temps de formation, pour dire finalement : « On passe de trente-six à trente mois, ce n'est pas grand-chose. » En réalité, ce n'est pas du tout ça !
M. Naegelen vient de reproduire presque à l'identique votre discours : c'est bien la preuve que vous êtes efficace et que vous avez réussi à toucher votre cible, mais ce n'est pas la réalité !
Vous êtes un ministre pressé – si vous me permettez ce qualificatif. Il manque des OPJ et vous voulez en fabriquer vite, quitte à en fabriquer mal : c'est le risque que vous nous entraînez à prendre. Si vous discutez avec des officiers de police judiciaire qui ont un peu d'ancienneté, ils vous le diront : la seule formation qui vaille, c'est celle du terrain. Bien sûr, il faut une formation initiale, dans une école ; bien sûr, il faut un examen d'entrée. Mais, ensuite, la seule formation qui vaille est celle du terrain !
M. Christophe Naegelen proteste.
Or, si vous ajoutez un peu de formation initiale, c'est en intégrant la formation dans le calcul de l'ancienneté : vous retirez donc beaucoup d'expérience de terrain. Je le répète : vous nous entraînez sur une pente dangereuse. Par ailleurs, vous avez évoqué, à l'appui de votre argumentation, ces avocats qui passeraient le bloc OPJ : combien sont-ils ? Je crois que vous faites reposer votre argumentation sur une réalité marginale.
Parce que nous pensons que les officiers de police judiciaire doivent faire du terrain avant de disposer de cette qualification, nous ne pourrons pas voter en faveur de l'article 9.
Monsieur Saulignac, alors que vous venez d'un gouvernement qui a réduit la durée de formation des policiers de douze à huit mois …
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem
…et le nombre d'OPJ de 30 % en cinq ans – quand j'étais maire de Tourcoing, les policiers étaient 45 % de moins dans mon secteur –, et d'un parti qui se dit populaire, comment pouvez-vous vouloir conserver pour les policiers un délai de trois ans qui ne se justifie plus ? Du reste, vous ne répondez à aucun de mes autres arguments. Enfin, vous vous étonnez que des avocats passent le concours de policier : c'est très méprisant pour les forces de l'ordre et c'est assez révélateur de l'état d'esprit qui a inspiré vos arguments précédents !
Monsieur le député, nous réparons les erreurs des gouvernements de M. Hollande – nous avons été trop polis jusqu'à présent pour vous le rappeler.
Et vous réparez aussi la RGPP – révision générale des politiques publiques ?
Puisque vous n'avez manifestement pas compris, je le répète : il manque 5 000 OPJ et vous êtes en très grande partie responsable de cette situation.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 295 .
Pourquoi y a-t-il moins d'OPJ ? Parce que la procédure pénale s'alourdit : ils sont submergés de dossiers. Certes, ils perçoivent une prime d'un peu plus de 100 euros, mais elle est insuffisante. Ainsi, beaucoup de mes collègues préfèrent renoncer à leur habilitation d'OPJ et retourner sur le terrain, à la base du métier de policier.
La formation d'OPJ est aujourd'hui accessible après trois ans de métier – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. L'année dernière, vous êtes allé à Roubaix avec le Président de la République pour évoquer la possibilité, pour les gardiens de la paix, de passer le bloc OPJ à la fin de leur scolarité. Mais les formateurs vous le diront : avant d'être OPJ, il faut être un bon APJ – agent de police judiciaire ; il faut avoir été confronté à la procédure pénale, qui est très spécifique ; il faut avoir acquis des habitudes et posséder des éléments de langage.
Cet amendement de repli vise à maintenir une ancienneté d'un an pour passer le bloc OPJ. Vous l'avez évoqué, monsieur le ministre : parmi les élèves gardiens de la paix figurent des diplômés d'autres métiers – juristes, avocats –, même s'ils sont assez peu nombreux. C'est la raison pour laquelle nous proposons que les élèves gardiens de la paix titulaires d'une licence en droit pénal au minimum, puissent passer le bloc OPJ dès la fin de leur scolarité. Les autres collègues devraient quant à eux effectuer un an de service, afin de maîtriser la qualification d'agent de police judiciaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 295 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans la suite de nos discussions d'hier sur la nécessité de former les agents de police à l'enjeu des violences sexuelles et sexistes lors de l'accueil, la prise en charge et l'accompagnement des victimes. L'amendement vise à rendre ces formations obligatoires dans le cadre de l'obtention du statut d'OPJ et de son maintien. En plus de la formation initiale, il s'agit d'instaurer une mise à niveau tous les deux ans, pour que l'ensemble des OPJ soient en mesure d'affronter ce problème national.
Il faut absolument accentuer la formation en la matière : des choses ont été dites hier, sur lesquelles je ne reviendrai pas. Nous sommes favorables à cet amendement, parce qu'il faut prendre en considération la spécificité de ces situations, qui doit être intégrée dans la formation initiale et dans la formation continue. Quand elles évoquent leurs réticences à déposer plainte, les victimes ne disent pas que les policiers ne sont pas bons, mais elles déplorent que certains puissent eux-mêmes être en délicatesse pour les recevoir.
L'amendement n° 920 n'est pas adopté.
Nous avons entendu les explications de M. le ministre et nous avons compris le besoin massif d'OPJ. Il faut également résoudre le problème d'attractivité de l'emploi. La solution trouvée a été de lever les obstacles que constituent la formation et le temps, afin que les OPJ se retrouvent au plus vite dans les commissariats et les brigades. Pourquoi pas !
Je rappelle tout d'abord qu'en 2007, la RGPP a fait disparaître 14 000 postes d'officiers.
Vous nous avez légué un lourd héritage. Bernard Cazeneuve, dont tout le monde ici reconnaît l'important travail au ministère de l'intérieur, a justement fait tout ce qu'il a pu pour créer des postes OPJ et des écoles de formation. En tout état de cause, ces querelles n'apportent rien au sujet qui nous occupe : des erreurs ont été commises, nous les admettons, mais ce combat politique est stérile.
Par ailleurs, nous n'avons jamais voulu dénigrer les policiers ou les gendarmes par rapport aux avocats. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre : il est aberrant qu'un juriste, déjà détenteur d'une formation et d'une pratique, doive suivre une formation et attendre trois ans pour devenir OPJ. Mais cette exception ne justifie pas la règle générale prévue dans le projet de loi. Il faut au contraire trouver des régimes d'exception pour que les juristes puissent devenir OPJ beaucoup plus vite : nous savons le faire.
Ce n'est pas le sens de votre amendement !
Enfin, cet amendement de repli vise à maintenir au moins une année de pratique avant de passer le concours d'OPJ : six mois, ce n'est rien, cela ne permet pas une pratique suffisante. Les OPJ font face à des situations compliquées, au contact des gens ; ce n'est pas rien que de placer quelqu'un en garde à vue, il faut en avoir l'expérience. Il me semble raisonnable et peu attentatoire à votre objectif de majorer de six mois au minimum la pratique nécessaire pour accéder à la qualité d'OPJ. Un an, c'est plus convenable que six mois.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement n° 499 .
Nous avons déposé le même amendement, Mme Untermaier et moi : nous coconstruisons souvent ensemble. Comme elle, j'entends les besoins du ministère de l'intérieur et je sais qu'il faut plus d'officiers de police judiciaire dans les brigades de gendarmerie et dans les commissariats de police. Mais il nous faut trouver un équilibre raisonnable. Monsieur le ministre, vous êtes très habile et il est compliqué – voire impossible – de répondre en deux minutes à l'ensemble de votre argumentation. Il est toutefois trompeur de penser que la durée de service requise est seulement réduite de trois ans à deux ans et demi, puisque la formation initiale est intégrée à l'ancienneté proposée dans le texte. Dans le meilleur des cas, la durée de service est en réalité réduite de moitié.
Les officiers de police judiciaire ont des prérogatives importantes : ils sont les premiers garants des libertés individuelles, sur le terrain, sous l'autorité des services judiciaires. La pratique, l'expérience du terrain sont essentielles. Avec Mme Untermaier, nous sommes très raisonnables, car nous proposons d'allonger de six mois la durée de service sur le terrain, tout en conservant l'essentiel de la réforme.
Monsieur le ministre, je ne peux enfin m'empêcher de rappeler que la durée de service requise en tant qu'auditeurs de justice pour la titularisation des magistrats est importante.
Madame Untermaier, nous ne souhaitons pas lever l'obstacle que constitue la formation, pour reprendre votre expression : c'est faux. M. le ministre a rappelé à M. Saulignac, qui critiquait lourdement ce dispositif, certaines réalités : je ne reviens pas sur les éléments de réponse qu'il a apportés.
Ces amendements conduiraient à faire perdre leurs acquis aux gardiens de la paix et aux sous-officiers de la gendarmerie ayant suivi une formation d'OPJ en formation initiale : ils ne pourraient alors plus exercer ni mettre en pratique les enseignements de leur formation pendant un an. Avis défavorable.
Nous soutenons ces deux amendements. Monsieur le ministre, lorsque vous avez évoqué la formation, vous avez dit qu'il fallait faire confiance aux forces de l'ordre. Ce n'est pas une question de confiance. Vous faites un tour de passe-passe pour recruter des OPJ, en rognant sur l'expérience de terrain, qui est pourtant nécessaire pour exercer correctement son travail. Sur tous les bancs nous avons dit que la police devait offrir un service de qualité, en étant au service de la population. Or, si vous voulez que les fonctionnaires de police exercent leur métier dans de bonnes conditions, il faut leur permettre d'acquérir une expérience de terrain qui soit à la hauteur. Tel n'est pas le sens des mesures prises.
Personne ne nie qu'il manque d'OPJ, mais personne n'évoque l'attractivité du métier, les conditions de travail et salariales :…
Si, c'est dans le rapport annexé !
…c'est la réalité. Répondre au manque d'OPJ en faisant un tour de passe-passe, en rognant sur l'expérience de terrain et la formation n'est pas à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi nous sommes opposés à cet article et que nous voterons ces amendements.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 296 .
L'article 10 conditionne l'obtention de l'habilitation d'OPJ à l'exercice des attributions d'agent de police judiciaire pendant six mois. Cet amendement vise à supprimer cette condition qui constitue une contrainte supplémentaire. Je prends l'exemple d'un avocat gardien de la paix, habilité officier de police judiciaire à la fin de sa scolarité et qui est affecté à la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) : il effectuera donc des opérations de maintien de l'ordre et n'exécutera aucun acte de procédure pénale. Cette contrainte des six mois l'empêchera de devenir OPJ.
Au contraire, vous supprimeriez la possibilité d'acquérir de l'expérience, ce qui serait une grave erreur. Avis défavorable.
L'argument n'est pas valable pour une personne affectée à la DOPC. S'agissant des gendarmes, dans les brigades mobiles, des sous-officiers ont la qualité d'OPJ. Ils peuvent ainsi constater des infractions tout en effectuant les missions dévolues aux gendarmes mobiles. D'ailleurs, vous savez bien que les gendarmes mobiles n'ont pas seulement vocation à contrôler la circulation ou à effectuer des opérations de maintien de l'ordre, ils exercent d'autres activités. À Paris, la DOPC apporte notamment son soutien à la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) lors d'opérations visant des points de deal, par exemple. De même, s'agissant des baqueux – personnels de la brigade anticriminalité (BAC) –, il est préférable qu'un OPJ soit présent dans l'équipe de trois car cela permet de constater les infractions beaucoup plus rapidement.
Au-delà de l'excellent argument de M. le rapporteur, ce ne serait pas une bonne chose. Il faut qu'il y ait davantage d'OPJ dans toute la police nationale, y compris parmi les policiers qui ne seraient pas enquêteurs. La présence d'un OPJ dans une équipe contribue à simplifier l'application de la procédure pénale, notamment en procédant à des constatations.
L'amendement n° 296 n'est pas adopté.
Ils visent à reconnaître la validité de l'habilitation d'officier de police judiciaire sur l'ensemble du territoire national, alors que le projet de loi prévoit que cette habilitation est territoriale.
Des mesures satisfaisantes prévoient l'extension des compétences territoriales des OPJ. Avis défavorable.
Nous sommes d'autant plus défavorables à cet article qu'il paraît entériner la départementalisation des services de police, ce qui, bien entendu, nous préoccupe.
Ça n'a rien à voir !
C'est ce qui est écrit dans l'exposé sommaire de l'amendement. Relisez-le ! Il est donc hors de question d'acter quoi que ce soit avant que les discussions aient lieu.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 70
Contre 16
L'article 9 est adopté.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 922 , portant article additionnel après l'article 9.
De manière générale, nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons. L'un des engagements de campagne de la NUPES était de porter à deux ans la formation initiale des gardiens de la paix. Tel est l'objet de cet ultime amendement de repli, après les tentatives tendant à faire adopter nos amendements. Il prévoit que cette disposition entrerait en vigueur dans plus d'un an et demi, à compter du 31 août 2024, afin de laisser le temps d'adaptation nécessaire.
La formation initiale des gardiens de la paix a déjà été rallongée de huit à douze mois : au total, dès à présent, ils suivent une formation de vingt-quatre mois. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
L'amendement n° 922 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 revêt une importance particulière : il est juste de le reconnaître de prime abord. Il vise en effet à créer un nouvel acteur de la procédure pénale au sein de la police nationale et de la gendarmerie : l'assistant d'enquête. Il sera chargé de suppléer les officiers et les agents de police judiciaire dans la réalisation de certaines formalités procédurales, afin d'améliorer la qualité des enquêtes et de permettre aux OPJ et APJ de consacrer plus de temps aux actes d'investigation de fond, et de se concentrer sur leur cœur de métier.
En effet, la simplification de la procédure pénale doit être la finalité de toute notre action, ne l'oublions pas. Ces assistants doivent être, pour la plupart, issus des effectifs des agents de police judiciaire adjoints (APJA), qui doivent pouvoir rédiger des actes en leur nom, et des personnels de catégorie B relevant du corps des personnels administratifs. Ils devraient être opérationnels rapidement, même si, dans un premier temps, les agents candidats bénéficieront d'un programme de formation spécifique et d'une validation de leur capacité à les exercer.
Je formulerai cependant une inquiétude. En effet, si le but est de permettre, entre autres, à des personnels administratifs de prendre part à l'enquête en déchargeant les enquêteurs de certaines tâches, la liste des actes de police qui pourront être réalisés par ces assistants d'enquête est longue et ne relève pas d'un travail de secrétariat. Elle comprend notamment la consultation des fichiers de police dans lesquels figurent des données sensibles, des transcriptions ou encore la notification des droits aux personnes placées en garde à vue. J'espère donc que la formation initiale délivrée sera à la hauteur des enjeux afin d'éviter les recours. C'est pourquoi nous demandons une évaluation de ce dispositif dans dix-huit mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement n° 536 , tendant à supprimer l'article 10.
Ce sujet vaut la peine que nous nous y arrêtions. La création de la catégorie d'assistants d'enquête nous préoccupe beaucoup. Nous ne sommes pas les seuls : dans son avis, le Conseil d'État a, lui aussi, exprimé son inquiétude
Cet article s'inscrit dans un mouvement visant à pallier le manque d'OPJ de toutes les façons possibles. En effet, à l'instant, nous avons examiné l'article tendant à raccourcir la durée de formation, sans qu'on se formalise du fait qu'ils n'auront pas l'expérience voire la maturité nécessaire pour exercer ces fonctions. L'article 10 crée, lui, la catégorie d'assistant d'enquête qui n'est pas comparable à celle des greffiers de l'ordre judiciaire. Ils n'ont pas seulement pour mission de garantir la régularité de la procédure, ils doivent également réaliser plusieurs actes qui ne sont pas anodins. Il s'agit, par exemple, des convocations, des sollicitations des interprètes, de la notification des droits aux victimes, des réquisitions d'images – heureusement, sous l'autorité du procureur –, des transcriptions des enregistrements issus des écoutes.
Outre une forme de dégradation du travail de la police judiciaire d'une façon générale, nous pouvons également craindre une altération de la qualité des enquêtes, cette inquiétude étant souvent exprimée par les magistrats. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons supprimer cet article. Il serait souhaitable d'examiner plus précisément certains sujets abordés dans ce projet de Lopmi. Nous le ferons s'agissant des questions de police judiciaire.
L'objectif est de décharger les enquêteurs de fonctions formelles : il ne s'agit pas de s'attaquer à la complexité de la procédure pénale.
J'assistais tout à l'heure à l'audition de M. le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, par la mission d'information sur la réforme de la police judiciaire : il reconnaissait la complexité de ces tâches. C'est la question à laquelle nous essayons de répondre, en apportant beaucoup de garanties, en matière de formation mais aussi d'évaluation – une disposition en ce sens a été introduite par le Sénat. Avis défavorable.
Je ne reviens pas sur les assistants d'enquête, dont j'ai longuement parlé lors de mon audition par la commission des lois : leur création est l'une des révolutions de ce texte. Agissant comme des greffiers de police ou de gendarmerie, ils déchargeront de tâches administratives ou du formalisme de l'enquête, donc de la lourdeur de la procédure, les enquêteurs qui pourront ainsi se concentrer sur le cœur de leur métier. Nous ne simplifions pas du tout ici la procédure pénale : ce sera l'objet du texte présenté par le garde des sceaux.
C'est une révolution pour la police nationale, puisque les assistants d'enquête n'existent pas. Bien sûr, il faudra les former ; bien sûr, leurs prérogatives seront importantes, même si elles ne sont pas au cœur de l'enquête. Il ne s'agit pas de leur confier uniquement des tâches de secrétariat : ils feront aussi des retranscriptions d'écoutes, par exemple. Un décret en Conseil d'État viendra préciser certains aspects.
J'entends votre argument sur l'évaluation, monsieur Rambaud, mais dix-huit mois, c'est sans doute un peu court, d'autant plus qu'après la promulgation de la loi, il faudra encore quelques semaines ou quelques mois pour le décret en Conseil d'État. Mais il faut, j'en suis bien d'accord, veiller aux pouvoirs et à l'efficacité des assistants d'enquête. Je suis donc défavorable à cet amendement, mais j'entends les objections qui sont faites. J'aimerais donc proposer, madame la présidente, d'amender le texte pour modifier l'alinéa 41 de l'article 10, en substituant à la date du 1er janvier 2026 quelque chose comme « deux ans après la publication du décret ». C'est plus que dix-huit mois, mais moins que trois ans…
Il faudra nous faire parvenir le texte de cet amendement, monsieur le ministre.
La parole est à Mme Élisa Martin.
Je ne peux pas vous laisser dire que ces tâches seraient des tâches de secrétariat !
Non, non, c'est le contraire !
Ah, d'accord. Cela me rassure. La notification des droits aux victimes, c'est essentiel ; l'information donnée aux avocats sur les faits reprochés, c'est tout aussi essentiel, puisque la défense se construira là-dessus. Ces tâches ne peuvent pas être confiées à l'assistant d'enquête : elles ne peuvent que revenir à l'OPJ.
Oui, absolument.
M. le ministre a bien dit qu'il ne s'agissait pas de tâches de secrétariat.
Une précision : le Conseil d'État appelle notre attention sur la transcription d'enregistrements sonores, en effet, en écrivant que « ces opérations qui exigent que ne soient retranscrits que les éléments utiles à la manifestation de la vérité doivent rester de la compétence des officiers de police judiciaire ». Nous renvoyons à un décret en Conseil d'État : celui-ci sera, j'en suis certain, vigilant sur l'application du principe qu'il rappelle lui-même.
L'amendement n° 536 n'est pas adopté.
Nous sommes, vous l'avez compris, opposés à la création des assistants d'enquête, que nous vous proposons de remplacer par des « greffiers de police », qui auraient le rôle de seconder la police judiciaire, mais en aucun cas de se substituer aux OPJ. Leur mission serait de sécuriser la procédure et d'authentifier les actes, c'est-à-dire une mission similaire à celle que les greffiers exercent auprès des magistrats. Le greffier de police serait ainsi l'assistant le plus proche des OPJ et le garant du respect et de l'authenticité de la procédure – autre différence avec les assistants d'enquête.
L'amendement n° 540 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1130 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1125 est retiré.
Je propose de compléter le dispositif des assistants d'enquête en intégrant au vivier de recrutement les APJA, déjà présents dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, qui disposent d'une qualification judiciaire – j'écarte pour le moment les APJA de la police municipale, qui ont d'autres prérogatives.
Nous disposons d'un vivier de 25 000 agents, présents sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Ils sont déjà en horaires décalés, la nuit, dans les équipages de police secours ou au moment des interpellations. Il serait logique de leur donner la possibilité d'effectuer les actes qui seront attribués aux assistants d'enquête.
De plus, il s'agit des APJ et OPJ de demain : cette mission contribuerait à les former, avant leur entrée dans les écoles de gardiens de la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le vivier principal, ce seront les personnels administratifs de catégorie B, pour qui ce sera aussi, M. le ministre l'a dit, une occasion de progresser dans leur carrière. Mais l'extension aux APJA que vous proposez nous paraît bienvenue. Avis favorable.
L'amendement n° 1246 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 1133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La création de ce corps d'assistants d'enquête est à mon sens une excellente chose, qui facilitera en effet le travail des OPJ – et ils en ont bien besoin. Comme vous le disiez vous-même pour la plainte en ligne ou en visioconférence, c'est une révolution : dès lors, nous devons être vigilants, l'encadrer et ne pas l'étendre à tous les actes possibles. J'appelle ici votre attention sur la convocation par un officier de police judiciaire. Il s'agit là d'un acte de poursuite essentiel dans le procès pénal, puisque c'est lui qui saisit le tribunal correctionnel des faits reprochés au prévenu. Il en détermine strictement le périmètre et fait connaître au prévenu à la fois ce qui lui est reproché et la qualification pénale retenue. Le tribunal est lié par cet acte, dont le magistrat du ministère public – le procureur, pour aller vite – est l'auteur intellectuel. Le tribunal ne pourra pas juger le prévenu sur d'autres faits que ceux qui sont énumérés par la convocation.
Je sais bien que c'est ce que vous me répliquerez, mais c'est un acte qui ne peut pas être considéré comme une diligence procédurale formelle. Le ministère de la justice n'est pas bon en matière informatique, je suis bien placée pour le savoir. Il existe néanmoins des formulaires NATINF – la nomenclature des natures d'infraction. Lorsque le procureur ou son substitut dit par téléphone au policier de convoquer un individu pour telle date, du chef de telle infraction, il y aura un formulaire NATINF.
Ces tâches doivent rester sous le contrôle de l'officier de police judiciaire, qui agit déjà par délégation du procureur. Elles ne sauraient donc être elles-mêmes déléguées à l'assistant d'enquête.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 803 .
Cet amendement identique vient d'être excellemment défendu par Mme Vichnievsky. L'article 390-1 du code de procédure pénale parle bien de citation notifiée par « un officier ou agent de police judiciaire » ; en revanche, le projet de loi dispose que l'assistant d'enquête peut « procéder aux convocations prévues à l'article 390-1 ». On peut ici s'interroger sur la qualité légistique du texte qui nous est soumis ! Le code dit le contraire du projet de loi, mais on ne le modifie pas parce que ce serait gênant quand on est ministre de l'intérieur et non de la justice.
À l'arrivée, les assistants d'enquête, qui ne sont pas des OPJ, vont procéder à des citations à personne, c'est-à-dire des actes qui lient le magistrat, sans que le texte laisse penser que l'OPJ sera bien présent pour superviser cet acte qui, encore une fois, n'a vraiment rien de formel.
Avis défavorable. Bien sûr que cet acte se fera sous le contrôle de l'OPJ ! Le texte le rappelle, il n'y a là aucune ambiguïté.
Vous le dites au fond vous-même, d'ailleurs, madame Vichnievsky : la citation à personne par un OPJ est devenue assez formelle, puisqu'il y a des formulaires NATINF.
Il est d'ailleurs assez fréquent que les agents qui procèdent à cette convocation ne soient pas ceux qui ont engagé la procédure. Nous estimons que ces tâches renforceront l'attractivité de la future mission d'assistants d'enquête. Avis défavorable.
On nous invite souvent à donner des exemples concrets, comme si nous vivions dans un arrière-monde métaphysique : voilà un bon exemple de tâche qui posera des problèmes de procédure.
Encore une question à laquelle il faudra répondre : les assistants d'enquête seront puisés dans le vivier des personnels administratifs, qui ne travaillent pas aux mêmes horaires que les enquêteurs. Autre difficulté : qui effectuera les actes administratifs aujourd'hui dévolus à ceux qui seront, demain, assistants d'enquête ? Il faudra nous le dire, car la trajectoire budgétaire que vous avez bien voulu nous remettre, certes dans des délais un peu discutables, manque de précision sur ce point.
Sur l'article 10, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 259 et 1034 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l'amendement n° 259 .
Ce n'est pas le principe des assistants d'enquête qui pose problème, dès lors qu'ils sont créés pour assister les OPJ dans leur travail et alléger leurs tâches administratives. Cet amendement porte sur un point sensible : celui de la transcription d'enregistrements d'écoutes téléphoniques. En commission, M. le ministre et M. le rapporteur nous ont expliqué que, concrètement, au quotidien, les choses seront nettement plus claires, c'est-à-dire que l'OPJ déterminera la partie de l'enregistrement que l'assistant d'enquête pourra retranscrire.
Problème : en quoi cela allégera-t-il la procédure et en quoi l'assistant d'enquête soulagera-t-il l'officier de police judiciaire, comme il est censé le faire selon les termes de l'article ? Dans la mesure où l'OPJ aura à déterminer à l'avance ce que l'assistant d'enquête pourra retranscrire pour s'assurer que cela entre dans ses attributions, ce fonctionnement n'allégera rien du tout.
Deuxièmement, le Conseil d'État lui-même a très fortement critiqué cette attribution de compétence, l'institution s'opposant « à donner compétence [aux assistants d'enquête] pour procéder aux transcriptions des enregistrements ». Nous devons tenir compte de cet avis dans notre perception de l'article.
Enfin, je souhaite lier la question de la création des assistants d'enquête à ce qui a été dit il y a quelques minutes sur la distinction à opérer entre la formation et l'expérience des OPJ. Avec ce texte, nous aurons des OPJ bien moins expérimentés, à dessein – je ne dis pas qu'ils seront moins formés –, puisqu'ils auront pu accéder à cette fonction après non plus trois ans de carrière, comme c'est le cas actuellement, mais beaucoup moins, et des assistants d'enquête…
Je vous prie de m'excuser, cher collègue, mais votre temps est écoulé.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1034 .
Dans la même logique que l'amendement précédent, celui-ci vise à restreindre les prérogatives attachées à la qualité d'assistant d'enquête. Si ces derniers seront bienvenus pour accomplir des tâches administratives, ils ne sauraient remplacer les OPJ, notamment pour la transcription d'enregistrements. Cela a été dit, le Conseil d'État a pointé ce problème,…
…et je ne reprendrai pas l'argumentation. Le groupe Écologiste – NUPES ne souhaite pas que les transcriptions soient réalisées par les assistants d'enquête et nous vous invitons à suivre l'avis du Conseil d'État.
La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour soutenir l'amendement n° 337 .
Il porte sur le décret d'application en Conseil d'État des dispositions prévues à cet article. En effet, s'agissant des transcriptions d'enregistrements, les collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution peuvent être confrontées à des problèmes linguistiques. C'est pourquoi nous demandons que ce décret tienne compte des spécificités des dix territoires d'outre-mer.
Je comprends votre demande, mais les assistants d'enquête auront vocation à épauler les OPJ et les APJ de la même façon sur l'ensemble du territoire national. Par conséquent, il n'y a pas de mesure d'application spécifique à prendre pour aucun territoire. Avis défavorable.
L'amendement n° 337 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1038 .
C'est un amendement de repli, par rapport au n° 1034. Vous n'acceptez aucun de nos amendements, mais il me semble que vous percevez tout de même que les fonctions importantes qui seront données aux assistants d'enquête poseront problème dans certains domaines. Voilà pourquoi cet amendement vise à rendre le dispositif expérimental s'agissant de la transcription d'enregistrements. J'espère que vous ferez cet effort et émettrez un avis favorable.
Je vais vous répondre, monsieur le député, car je ne voudrais pas que vous vous sentiez méprisé par mon silence. Nous avons déjà fait un compromis, qui consiste à évaluer le dispositif au bout de deux ans, et non plus au bout de trois ans, afin de tenir compte du souhait de l'Assemblée nationale de bien contrôler la création des assistants d'enquête.
Veuillez me pardonner de le présenter ainsi, mais nous avons ici une différence ontologique : vous êtes contre les assistants d'enquête
M. Jérémie Iordanoff proteste
et souhaitez qu'ils n'accomplissent que des tâches administratives
M. Jérémie Iordanoff approuve
– ce qui est déjà le cas s'agissant du personnel civil du ministère de l'intérieur. Or le principe sous-jacent à la création des assistants d'enquête est justement de les faire participer aux enquêtes, qu'ils assistent l'enquête. Si nous les investissons de compétences qu'ils détiennent déjà, tout en complexifiant encore leur formation, mais sans les faire participer aux enquêtes, nous ne serons plus dans l'esprit du texte.
Il s'agit d'un article très important pour la police nationale et la gendarmerie nationale : c'est pourquoi j'estime que nous devons assumer nos différences – qui sont respectables. Nous souhaitons que, sous l'autorité des OPJ, ces assistants soient chargés de l'enquête, et non des personnels affectés aux seules tâches administratives. Commencer par expérimenter ce dispositif ne nous donnerait pas grand-chose, étant donné, je le répète, que nous avons prévu son évaluation au bout de deux ans. Le compromis que nous avons trouvé avec l'Assemblée nationale et le Sénat me paraît bon. Avis défavorable.
L'amendement n° 1038 n'est pas adopté.
Il vise à donner aux agents de police judiciaire adjoints une formation administrative équivalente à celle à laquelle seront soumis les assistants d'enquête.
Je demande le retrait de l'amendement, car le n° 1246 que nous avons adopté il y a quelques minutes vise déjà à ce que les APJA bénéficient de la même formation que les assistants d'enquête, fonction qu'ils auront vocation à exercer plus tard dans leur carrière.
L'amendement n° 1139 est retiré.
Les amendements n° 889 de M. Romain Baubry et 1316 rectifié du Gouvernement, qui peuvent être soumis à une discussion commune, sont défendus.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Veuillez m'excuser, madame la présidente, mais je n'ai pas trace de l'amendement n° 1316 rectifié sur ma tablette.
Vous me dites ne pas avoir l'amendement du Gouvernement sur votre tablette.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Je vais donc vous le lire : vous venez d'arriver, je comprends que vous n'ayez pas pu suivre le débat. À l'alinéa 41, il vise à substituer aux mots « le 1er janvier 2026 » les mots « l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la publication du décret mentionné au dernier alinéa de l'article 21-3 du code de procédure pénale ». Souhaitez-vous vous exprimer sur ces amendements, monsieur Bernalicis ?
Oui, je vous remercie, madame la présidente. Je suis confus de ne vous rejoindre que maintenant : j'auditionnais le directeur central de la police judiciaire dans le cadre de la mission d'information sur la police judiciaire.
Je vous remercie de nous tenir au courant de votre agenda, monsieur Bernalicis. Je ne doute pas que chacun a une bonne raison de ne pas être présent en séance et ne cherchais en rien à vous mettre dans l'embarras.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ce n'est pas le cas : je mentionnais cette audition, à laquelle participait aussi la première questeure, Mme Guévenoux, car elle a un lien avec la question qui nous occupe et parce qu'elle pourrait donc intéresser nos collègues.
Bref, la création des assistants d'enquête pose une question de fond. Nous en avons longuement discuté, monsieur le ministre, lorsque vous nous avez conviés à échanger sur le projet de loi à Beauvau : avant de décider quand ils commenceront à exercer leurs fonctions, il faut savoir qui fera le travail actuellement accompli par les personnels administratifs appelés à évoluer de cette manière dans leur carrière. Car soit je découvre que nombre de mes collègues au ministère de l'intérieur se tournent les pouces, auquel cas ils pourraient effectivement devenir assistants d'enquête, soit il y a une réponse à apporter.
Lundi, vous avez indiqué que des recrutements d'assistants d'enquête pourraient avoir lieu, au nombre de 650 si je ne fais pas erreur, alors que la projection globale est de 3 000 effectifs. C'est pourquoi, avant de nous prononcer sur le délai avant leur entrée en fonction, nous aimerions savoir de quoi il en retourne exactement.
Monsieur le rapporteur, je vous prie de m'excuser, car j'aurais dû vous donner la parole avant M. Bernalicis, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements. Quel est-il ?
Je demande le retrait de l'amendement n° 889 et émets un avis favorable sur le n° 1316 rectifié, qui vise le même objet mais porte le délai à deux ans.
L'amendement n° 889 est retiré.
L'amendement n° 1316 rectifié est adopté.
L'amendement n° 487 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour soutenir l'amendement n° 339 .
Je suis assez surpris d'entendre que les outre-mer n'auraient pas de spécificités justifiant des modalités elles aussi spécifiques d'application du décret. Je reviens donc à la charge s'agissant du rapport d'évaluation qui doit être fait sur la création des assistants d'enquête. Il me semble en effet que la situation particulière des dix outre-mer sur les plans sécuritaire et socioéconomique demande que ce rapport adopte une approche spécifique les concernant. Ayez conscience de ces particularités car, dans le cas contraire, nous risquerions de commettre de lourdes erreurs préjudiciables au bon fonctionnement et à la bonne administration de la justice.
Je n'ai pas remis en cause l'existence de spécificités outre-mer. J'ai simplement souligné que le décret d'application ne fera pas de distinction entre les territoires. Quant au rapport d'évaluation du dispositif, dont nous venons de modifier la date de rendu afin de ramener l'échéance de trois ans à vingt-quatre mois, il est évident qu'il tiendra compte des spécificités des différents territoires de la République. Votre amendement est donc satisfait : avis défavorable.
J'estime également qu'il existe des spécificités dans les outre-mer, y compris s'agissant des assistants d'enquête. En effet, si ces derniers sont actuellement employés comme personnels administratifs dans ces territoires qui en manquent déjà, comment les services vont-ils fonctionner ?
J'ai compris que nous voulions accélérer les débats – vous ferez ce que vous voudrez –, mais Élisa Martin vous a posé la question tout à l'heure, monsieur le ministre, et nous aimerions obtenir cet élément de réponse avant de nous prononcer sur l'ensemble de l'article 10. Nous souhaitons savoir qui fera le travail actuellement accompli par les personnels administratifs qui, demain, deviendront assistants d'enquête. Peut-être escomptez-vous un gain de je ne sais quelle réforme de productivité, qui permettrait de redéployer des ETPT – équivalents temps plein travaillé ?
Selon les chiffres que vous donniez, sur les 3 000 assistants d'enquête qui seraient attendus, il devrait y avoir 650 créations de poste. Si ma soustraction est bonne, 2 350 postes seront donc à prendre sur la bête, si je puis m'exprimer ainsi. Pouvez-vous donc nous donner des éléments sur ce point avant la mise aux voix de l'article 10 ?
Tout d'abord, monsieur Bernalicis, les 3 000 postes d'assistant d'enquête seront créés sur dix ans. En effet, si la Lopmi porte sur cinq ans, l'objectif de doublement de la présence sur la voie publique est fixé sur dix ans.
Je ne sais pas si ce sera 1 500, 2 000 ou un peu moins : ce que je peux vous dire, c'est que l'objectif final de 3 000 assistants d'enquête est à atteindre d'ici à dix ans.
Deuxièmement, vous avez raison de dire qu'environ 650 postes d'assistant d'enquête seront créés. Troisième élément : nous puiserons dans le personnel civil du ministère de l'intérieur, que ce soit auprès de la police ou de la gendarmerie, et dans le personnel militaire de soutien de la gendarmerie nationale.
Comme je vous l'ai expliqué lorsque nous nous sommes vus, de nombreux postes ne sont plus aujourd'hui indispensables à la bonne marche des services, notamment parce que la technologie va nous conduire à modifier notre fonctionnement administratif. De plus, des militaires sont aujourd'hui chauffeurs au ministère de l'intérieur, ce qui n'est pas forcément le meilleur emploi pour un militaire.
Ce qui doit donc nous intéresser, c'est la façon de transformer l'organisation du ministère de l'intérieur pour libérer des équivalents temps plein (ETP) dans le personnel de soutien ou le personnel civil, former les agents, leur délivrer des diplômes et leur faire prêter serment pour en faire des assistants d'enquête. En somme, au-delà de l'aide incroyable qu'apporteront ces assistants dans la résolution des enquêtes, c'est une énorme et profonde transformation des ressources humaines (RH) que nous engageons. Nous disons aux personnels civils du ministère de l'intérieur : vous appartenez à la communauté de la police et de la gendarmerie, nous comptons sur vous et nous croyons suffisamment en vous pour vous confier de nouvelles responsabilités, grâce à des formations et à un fort engagement de notre part.
Nous misons donc, monsieur Bernalicis, à la fois sur des recrutements et des transformations de poste grâce à la modernisation du ministère de l'intérieur. Le déploiement des 3 000 postes est prévu sur dix ans, dont ce projet de Lopmi ne couvre que les cinq premières années. Mais si, dans cinq ans, je suis toujours ministre de l'intérieur et que vous êtes toujours dans l'opposition, nous reparlerons des créations de poste prévues dans le prochain projet de loi de programmation. Mais cela nous laisse un peu de temps.
L'amendement n° 339 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 79
Contre 15
L'article 10, amendé, est adopté.
L'article 10 bis reprend le dispositif prévu à l'article 21 de la première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, déposé en mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il vise à attribuer aux élèves officiers de la gendarmerie nationale la qualité d'agent de police judiciaire, et ce durant leur scolarité en formation initiale. Cela leur permettra notamment d'être en posture active durant leur stage en unité territoriale.
Les élèves de police ainsi que les élèves commissaires possèdent déjà cette qualité d'agent de police judiciaire. Tout comme mon collègue Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur du budget pour la gendarmerie nationale, notre groupe estime qu'il est impératif d'octroyer également cette qualité aux élèves officiers gendarmes, sans quoi le risque est purement et simplement de limiter l'expérience acquise par ces entités durant les stages en unité territoriale.
Cette disposition ne peut qu'avoir un effet positif sur leur formation et renforcer les compétences ainsi que la qualité d'action de la gendarmerie nationale qui, je le rappelle, compte plus de 100 000 personnels, qui protègent plus de la moitié de la population française et couvrent 96 % du territoire français, en métropole et en outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement n° 541 tendant à supprimer l'article.
Le Sénat a voulu jouer sur le parallélisme des formes entre les élèves gendarmes et les élèves policiers. Nous défendons, nous, la logique inverse, en retirant cette qualité à l'ensemble des policiers et des gendarmes en formation, ce qui nous paraît cohérent avec tout ce que nous avons dit ce matin des fonctions d'OPJ. Nous pensons en effet que l'article 10 bis contribuera plutôt à fragiliser une formation, qui mérite au contraire d'être renforcée. Les fonctions d'APJ réclamant de l'expérience et de la maturité, nous proposons de supprimer cet article.
L'amendement n° 541 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons déjà évoqué le distinguo entre formation et expérience, aussi serai-je bref par souci d'accélérer les débats. Nous souhaitons simplement supprimer la possibilité pour les élèves officiers de la gendarmerie d'obtenir la qualité d'agent de police judiciaire, et, parallèlement, pour les élèves officiers de la police nationale.
L'amendement n° 261 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté.
Ce lundi, dans ma circonscription, j'ai rendu visite aux policiers municipaux de Villeparisis, qui m'ont présenté leur système de vidéosurveillance. Face à mes inquiétudes, ils m'ont expliqué que le système offrait des garanties de protection des données personnelles des habitants, notamment, l'obligation pour un enquêteur, quel que soit son statut, de solliciter un agent de la police technique et scientifique pour effectuer des investigations ou une copie des données informatiques sur un support placé sous scellés.
Or voici qu'on nous propose de supprimer cette obligation. La minorité présidentielle a décidément le goût de la simplification, en particulier pour faire des économies, mais à quel prix ? Je vous l'ai déjà dit, la simplification cache parfois des maux terribles.
La vidéosurveillance n'est pas une technologie anodine. Les caméras coûtent cher, sont intrusives et inefficaces ; elles ne contribuent à élucider que 1,13 % des enquêtes, selon une étude commandée par la gendarmerie et non pas d'effet significatif sur le nombre d'infractions constatées. Leur usage est donc tout à fait contestable ; si, en plus, vous facilitez l'accès aux données, à nos données, où va-t-on ?
Par ailleurs, les modifications introduites par le Sénat sont inquiétantes : il s'agit de rendre légitime la technologie de reconnaissance faciale, alors que cette technologie devrait être interdite compte tenu des dangers intrinsèques qu'elle comporte – c'est d'ailleurs la position du Parlement européen, qui préconise l'interdiction des technologies de reconnaissance faciale dans les espaces publics.
La minorité présidentielle a largement contribué à la montée du fascisme dans le pays, maintenant elle fait tout pour simplifier la vie des fascistes, au cas où ils prendraient un jour le pouvoir.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et RN.
Prenez garde : selon une célèbre maxime attribuée à Benjamin Franklin, un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux. Face aux partisans de la technopolice qui vont toujours plus loin, entre caméras piétons, caméras embarquées, drones et utilisation d'algorithmes intelligents, nous souhaitons mettre un terme à cette fuite en avant et revenir à des méthodes de police et d'investigation qui mettent le savoir-faire humain au cœur du système, dans le respect de la vie privée des citoyennes et citoyens. Ainsi, il va de soi que nous voterons contre cet article.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement de suppression n° 670, qui tend à supprimer l'article.
La simplification n'est envisageable que si, par ailleurs, la fiabilité de l'enquête est garantie. C'est un point très important à nos yeux. Or l'article 11 comporte à nos yeux le risque que la simplification ne réduise en réalité la protection, puisqu'il s'agit de supprimer la procédure d'autorisation accordée par le procureur de la République ou le juge d'instruction aux OPJ, quand ils doivent procéder à des examens techniques et scientifiques.
Je l'ai déjà dit mais je le répète, il nous semble qu'au fil du texte, derrière cette idée de simplification, de lutte contre ce que le rapporteur a qualifié, hier, de « république de la paperasse » – c'est évidemment un slogan qui sonne bien – se cache un affaiblissement de la protection des données. Certes, c'est bien pour les réseaux sociaux et pour vos vidéos,…
…mais c'est moins bien pour la protection des données et la fiabilité de l'enquête, voire pour empêcher une action en nullité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Je crains qu'au jeu des capsules vidéo, je sois moins actif qu'un certain nombre de collègues de votre groupe ou, plus généralement, de la NUPES.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
D'ailleurs vérifiez mes réseaux sociaux : même ma fille me dit : « Papa, tu ne tweetes pas assez ! »
Madame Soudais, il n'est pas du tout question de légitimer la reconnaissance faciale ! Le Sénat ajoute simplement les empreintes digitales et les prélèvements papillaires. Permettez-moi certaines précisions pour que les choses soient claires. Aujourd'hui, lorsqu'il faut faire appel à des compétences internes de la police technique et scientifique, il faut à la fois une réquisition judiciaire – alors que, je le répète, il s'agit de faire appel à des compétences internes – et une prestation de serment pour chaque demande d'intervention de la police technique et scientifique. Cela génère chaque année des centaines de milliers de réquisitions, totalement formelles. Nous proposons la suppression de ce formalisme et donc la suppression de la prestation de serment pour chaque demande. En revanche, s'il s'agit de solliciter un laboratoire privé pour examiner non pas des éléments de reconnaissance faciale mais, par exemple, des empreintes digitales ou des prélèvements papillaires, alors une réquisition judiciaire sera nécessaire, ainsi qu'une prestation de serment. C'est ce que dit cet article. Avis défavorable.
Des réquisitions en interne, entre services, participent également de la traçabilité de l'enquête. Elles permettent de savoir qui a réalisé quel acte, à quel moment, si, à un moment donné, la bonne marche de l'enquête exige de connaître la nature des preuves et la façon dont elles ont été obtenues.
Aujourd'hui, cette traçabilité repose sur des documents papiers, qui constituent des masses énormes à compiler pour les policiers et à analyser pour les magistrats. Si, votre seul problème, ce sont ces bouts de papier, vous n'avez qu'à faire en sorte que les logiciels de la police permettent que les réquisitions entre services soient validées par des signatures électroniques, mais conservons des éléments de traçabilité sur qui fait quoi et quand !
M. le rapporteur s'exclame.
Vous protestez, monsieur le rapporteur, mais cette traçabilité disparaît de la procédure, et rien ne nous garantit que, dans son organisation interne, le ministère de l'intérieur en conservera trace : je ne vois pas pourquoi, en effet, on conserverait des éléments de traçabilité inutiles pour la procédure, ou alors, je ne vois pas, si tout est conservé, où serait la simplification.
Ce que propose cet article peut sans doute être séduisant, et je connais des agents de la police technique et scientifique ou des agents de police judiciaire qui, eux-mêmes, disent que toute cette paperasserie les agace. Je les comprends, mais la solution est-elle de tout supprimer ? Je n'en suis pas si sûr car, au bout du compte, ce sont les garanties démocratiques qui s'éroderont et, avec elles, la capacité de l'autorité judiciaire à contrôler l'activité de la police technique et scientifique ou de la police judiciaire – puisque c'est bien sa mission, au-delà de la conduite des enquêtes.
Le groupe LFI – NUPES soutient donc l'amendement d'Elsa Faucillon, qui a mille fois raison. D'autant que je ne suis pas sûr que cette mesure change la face du monde et qu'elle fasse gagner du temps. Elle risque juste d'empêcher toute traçabilité.
L'amendement n° 670 n'est pas adopté.
Sur l'article 11, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 799 .
Il a été préparé en collaboration avec l'association La Quadrature du net qui voit dans les dispositions de simplification un risque très élevé de développer le fichage, notamment par le TAJ – traitement des antécédents judiciaires. Il est en effet prévu la possibilité d'inclure dans ce fichier des éléments nouveaux, sans besoin de réquisition ou d'habilitation, et qui pourront servir et, du reste, servent d'ores et déjà de supports à un traitement algorithmique des données à des fins notamment de reconnaissance faciale.
Si, ces dispositions le favorisent ! Bien sûr, la reconnaissance faciale en temps réel par des caméras ou des drones est interdite, mais vous ne ferez pas croire que les services de police ne l'utilisent pas en temps différé. Vous êtes mal renseigné, monsieur le rapporteur. Je vous invite à vous rendre sur place pour juger sur pièce !
L'amendement n° 799 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 74
Contre 9
L'article 11 est adopté.
La question est celle de l'encadrement et des garanties de la procédure pénale. En proposant la suppression de cet article, nous souhaitons rendre obligatoire la production par les agents dans la procédure d'enquête ou d'information d'une fiche relative à leur habilitation. Une telle obligation, imposée jusqu'à présent par la jurisprudence sous peine de nullité de la procédure, fournit toutes les garanties pour chaque consultation d'un traitement. L'article 12, s'il était voté, allégerait les garanties.
Je reprends la même argumentation que mon collègue. Alors que les simplifications proposées par cet article et les précédents peuvent intéresser le ministère de la justice, je remarque qu'elles ne sont proposées que du point de vue policier, ce que je ne conteste que partiellement. Simplifieront-elles également la vie des magistrats, de la phase de l'enquête à celle du procès ? En ne rendant plus obligatoire, sous peine de nullité, la fiche d'habilitation sur les actes de procédure, cet article risque d'éroder les garanties, car ce qui n'est plus obligatoire devient accessoire avant de disparaître dans les limbes. Compte tenu des flux énormes que les enquêteurs de la sûreté urbaine et de la sûreté départementale et le parquet, dans le cadre des comparutions immédiates, doivent gérer, personne ne perdra son temps pour vérifier les habilitations. Si ce n'est plus une cause de nullité des actes d'enquête, ce sera : « Circulez, il n'y a rien à voir, on continue. »
Posons la question à l'envers : pourquoi ces garanties sont-elles aujourd'hui dans la loi ? Le législateur n'a pas voté ces dispositions pour embêter le monde. Il l'a fait pour répondre à des enjeux démocratiques, car déterminer qui a fait quoi à quel moment permet de garantir une enquête bien ficelée, l'égalité des armes et le droit à la défense. Ces dispositions font partie des éléments constitutifs de l'État de droit et du système judiciaire français.
L'amendement n° 671 de Mme Elsa Faucillon est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je vais profiter des dix minutes qui nous séparent de la levée de la séance pour expliquer l'article 12. Je plaisante, je serai beaucoup plus bref.
Sourires.
Monsieur Bernalicis, vous dites que cet article supprime la nécessité de l'habilitation pour certains actes. Pas du tout ! L'accès aux fichiers n'est pas libéralisé. Nous modifions l'obligation de mentionner l'habilitation sous peine de nullité. L'habilitation pourra toujours être vérifiée à tout moment par le juge et la partie adverse pourra la demander. Vous dites que nous supprimons la nécessité d'une habilitation exprès pour accéder à un fichier. C'est faux ! Vous cherchez à faire peur en faisant croire que nos intentions sont liberticides. Avis défavorable.
Le système français de consultation des fichiers a pour caractéristique d'être très rigoureux, au risque de provoquer des situations ubuesques. On a ainsi vu des policiers municipaux voir leur accès à des fichiers refusé au motif qu'ils n'étaient pas accompagnés d'un OPJ alors que des garagistes pouvaient consulter ces mêmes fichiers. Toutefois, l'obligation pour un agent de mentionner son habilitation est un enjeu démocratique, car cette méthode empêche la consultation tous azimuts. Vous allez me répondre que l'article 12 ne prévoit pas que l'habilitation n'est plus nécessaire.
M. Bernalicis a raison : si l'absence de mention de l'habilitation n'est plus une cause de nullité de la procédure, alors la question de l'habilitation devient accessoire et la garantie que c'est bien la personne habilitée qui a effectivement consulté le fichier risque de disparaître.
Ils visent à supprimer la possibilité, offerte par la rédaction proposée du nouvel article 15-5 du code de procédure pénale, que l'absence de mention de l'habilitation d'accès d'un agent ou d'un officier de police sur un document de procédure n'emporte pas la nullité de celle-ci. Cette disposition, qui vise à simplifier les règles procédurales suivies par les agents, revient à vider de sa substance la notion même d'habilitation et donc à affaiblir les droits de la défense, pourtant essentiels à notre État de droit. Nous proposons donc de préciser que l'absence de la mention de l'habilitation emporte la nullité de la procédure.
Votre dispositif est bien fichu, puisqu'il maintient, en apparence, l'obligation de l'habilitation pour accéder à un fichier. Prenons le cas de figure d'un agent qui a accédé à un fichier sans en avoir l'habilitation. Il aura donc contrevenu à la loi, mais il se fera simplement taper sur les doigts et se verra infliger une sanction disciplinaire, interne à son service. Son absence d'habilitation n'annulera donc pas la procédure, ce qui signifie que l'habilitation n'aura plus d'importance. Certes, le texte prévoit que la personne intéressée et les avocats peuvent demander l'habilitation, mais cela leur fera une belle jambe de savoir que l'agent ne détenait pas cette habilitation ! Cet article revient à dire : l'habilitation, on s'en fiche, en tout cas, elle devient accessoire.
Pour les collègues qui suivent nos débats…
…mais qui n'ont pas tout suivi en commission, je me permets de leur dire qu'il faut bien comprendre que cette disposition, sous prétexte de simplification, change la nature du contrôle et de la qualité des procédures internes concernant les habilitations dans le cadre des enquêtes. Ces amendements sont utiles, car ils remettent les choses à l'endroit en précisant que l'absence d'habilitation entraîne la nullité de la procédure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 63
Contre 18
L'article 12 est adopté.
Cet article vise à insérer les décisions administratives d'autorisation de voyage ainsi que les contrôles de sécurité renforcés préalables à la délivrance de visa par les autorités consulaires et diplomatiques dans l'article 17- 1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Il permet également aux agents des douanes d'accéder au traitement automatisé de données à caractère personnel et, en particulier, au traitement d'antécédents judiciaires.
Avec l'organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques en 2024, le service national des enquêtes d'autorisation de voyage (SNEAV) sera confronté à un nombre très élevé d'enquêtes administratives préalables pour la délivrance d'une autorisation de voyage ou de visa pour les ressortissants de pays tiers. Les épisodes du Stade de France, qui vont ont directement concerné, monsieur le ministre, demandaient déjà une amélioration du service, mais je n'y reviendrai pas.
Pour ces raisons, le groupe Rassemblement national votera cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 800 qui tend à supprimer l'article.
Il vise en effet à supprimer cet article ajouté en commission. Nous saisirons le Conseil constitutionnel, qui le qualifiera sans doute de cavalier, mais je souhaite rester sur le fond.
Le TAJ est monstrueux et tentaculaire puisqu'il suffit d'avoir déposé plainte pour voir ses données enregistrées dans cette base. J'ai lu un rapport informant qu'elle contient 18 millions de fiches ! Il n'est pas récent, ce nombre a donc sans doute augmenté. Elle contient en outre de nombreuses erreurs et de mauvaises informations. Donner un accès plus élargi à une telle base à des fins de répression me semble être une très mauvaise idée. Cet accès doit être encadré et restreint. La France a été épinglée à plusieurs reprises sur sa gestion du TAJ, notamment en raison de la non-suppression des données. Toute personne victime ou ayant déposé plainte a, en effet, le droit de demander la suppression de ses données.
Le texte fait pourtant le choix d'ajouter de nouvelles habilitations d'accès à ce fichier. Nous ne voulons pas de cette société de contrôle et de surveillance généralisés. Nous sommes en faveur du cloisonnement des données, qui est la règle d'or en matière de renseignement à laquelle ne s'astreignent ni le Gouvernement ni sa majorité, qui a voté l'amendement créant cet article – qui me semble, je le rappelle, cavalier.
Je propose de simplifier les choses : utilisons le fichier du recensement de la population française. Tout le monde y est enregistré et il n'y aura plus d'histoire !
L'amendement n° 800 n'est pas adopté.
L'article 12 bis est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra