La question de la sécurité maritime est primordiale quand il s'agit des relations géopolitiques. C'est ici de la sécurité maritime entre la France et le Royaume-Uni dont il est question, dans un contexte post-Brexit. Rappelons que notre pays possède le deuxième plus grand territoire maritime au monde, ce qui implique que les moyens humains, logistiques et financiers à déployer dans ces zones soient conséquents afin de garantir sa souveraineté. Les questions de sûreté maritime, plus précisément celles relatives à l'antiterrorisme, nous intéressent, au point d'y avoir consacré un livret entier. Pour notre part, à La France insoumise, nous défendons une lutte antiterroriste qui répond à la raison en renforçant les moyens en personnels et en matériels d'une part, et en insistant sur la prévention et sur le renseignement humain d'autre part.
Le texte que nous discutons porte sur la lutte antiterroriste vue sous l'angle de la coopération entre deux pays encore meurtris par le souvenir des actes terroristes qui ont eu lieu sur leur territoire. Cependant, nous envoyons un signal d'alerte car deux points de cet accord sont problématiques.
Premier point : pour assurer des missions de sécurité aussi importantes, il est absolument nécessaire que l'État se dote de forces de police bien formées. Or nous craignons que cet accord annonce le désengagement de l'état de ses missions régaliennes et la place toujours plus grande donnée au privé.
Le fumeux continuum de sécurité, en ouvrant le marché aux sociétés de sécurité privées, ouvre en fait des opportunités de profits. Notons que cette mise en concurrence généralisée est déjà effective au sein de la police nationale, sous prétexte de méthodes managériales prétendument innovantes. Cela se fait toujours à coups de restructurations et de politiques du chiffre ; c'est l'obligation de résultat et l'injonction de la rentabilité.
L'article 7 est consacré au « déploiement d'agents privés » : mon collègue Jean-Paul Lecoq et moi-même l'aurions volontiers supprimé. L'article 9 autorise l'intervention en situation d'urgence des agents privés. C'est d'autant plus préoccupant que la question de la formation se pose aussi dans le privé, où il existe peu ou pas de moyens de contrôle en ce domaine alors que les structures adéquates existent pour les forces de police. Nous avons largement fait connaître notre volonté de confier le contrôle à une structure indépendante. À cet égard, revenons sur l'argument avancé en commission par le rapporteur : dans les faits, dit-il, personne n'a recours à des boîtes privées et les compagnies de ferries ont certifié que ce ne sera pas leur cas. Cet argument ne suffit en aucun cas car pourquoi alors en ouvrir cette possibilité dans l'accord ?
Nous fabriquons la loi, c'est donc à nous que revient le pouvoir de définir le périmètre où celle-ci s'applique. En l'occurrence, si nous considérons à juste titre qu'il faut assurer la sécurité maritime entre la France et ses voisins britanniques, notamment en vue des Jeux olympiques de 2024, il faut alors ouvrir des postes de police et de gendarmerie nationales dans ce secteur.
J'en viens au second point problématique, que l'actualité tragique des dernières semaines ne peut que nous inciter à avoir en tête. Il serait en effet absolument désastreux qu'un tel accord devienne le prétexte à des expériences de laboratoire juridiques. Quelles garanties avons-nous que la portée de ce texte ne sera pas élargie notamment aux questions migratoires, d'autant qu'elles occupent de plus en plus le devant de la scène puisqu'on ne s'attaque pas aux causes qui poussent les gens à quitter leur pays ?
Nous pensons aux vingt-sept migrants qui ont trouvé la mort dans la Manche le 24 novembre 2021. Ils avaient lancé de multiples appels à l'aide mais ils n'ont jamais été secourus. Je pense également, comme ma collègue Sabrina Sebaihi, à ces centaines de migrants qui meurent chaque année dans la Manche. L'accord entre le Royaume-Uni et la France qui prévoit que, moyennant une somme d'argent, notre pays mobilise policiers et gendarmes sur les plages pour empêcher les traversées ne saurait constituer une stratégie de long terme.
Certes, la lutte contre le terrorisme doit être sérieuse et intransigeante, et c'est pourquoi l'État doit se donner tous les moyens pour la mener. Les enjeux relatifs à la sécurité nécessitent des effectifs, des capacités de renseignement et l'exercice du pouvoir régalien en toutes circonstances. Or en l'état, ce texte n'apporte pas toutes les garanties en la matière. C'est pourquoi le groupe La France insoumise – NUPES choisit une abstention de vigilance.