La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Dans la nuit du 18 au 19 novembre, à Crépol, dans la Drôme, en pleine fête de village, est survenu un drame qui endeuille et choque notre pays tout entier, plongeant chacun d'entre nous dans une infinie tristesse. Thomas, 16 ans, a été poignardé à mort ;
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
seize autres personnes ont été blessées à l'arme blanche, dont trois grièvement. Un déchaînement de violence a fait basculer une commune française dans l'horreur. Je veux dire, au nom de la représentation nationale, toute notre solidarité de cœur et d'esprit devant cette tragédie et saluer la dignité et la gravité de la marche blanche organisée à la mémoire de Thomas. Il importe que justice soit rendue, mais la justice n'est ni la vengeance ni la vindicte.
Pour Thomas, en signe de solidarité avec ses parents, sa famille, ses amis, ses proches, je vous demande, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Comme je l'ai fait au Sénat la semaine dernière, je veux à mon tour adresser mes condoléances et dire ma peine aux parents, aux proches et à tous les habitants de Crépol, après la mort de Thomas.
Thomas avait 16 ans. Il incarnait des valeurs de générosité et de courage si propres à son sport, le rugby, et avait devant lui une vie remplie d'espoir et de promesses. J'ai également une pensée pour les personnes blessées, dont certaines grièvement. Je remercie enfin la maire de Crépol, Mme Martine Lagut, dont l'engagement est remarquable. Hier, le porte-parole du Gouvernement, Olivier Véran, s'est rendu sur place afin d'échanger avec la famille, les habitants et les élus.
La mort de Thomas est un drame qui a touché et ému la France ; elle est la démonstration d'une violence extrêmement choquante. Toute la lumière devra être faite. Neuf personnes ont déjà été interpellées et mises en examen. J'ai toute confiance dans les enquêteurs et les magistrats : c'est grâce à eux – et à eux seuls – que la justice sera rendue.
Certains individus violents rendent impossible le quotidien de nos quartiers, de nos villes et de nos villages. C'est inacceptable ! Je veux le dire aux parents de Thomas et à tous les Français : avec mon gouvernement, nous serons intraitables. J'ai annoncé récemment un projet de loi sur la justice des mineurs pour davantage responsabiliser les parents et mieux sanctionner les jeunes. Face à la désinhibition de la violence chez certains, il nous faut de nouvelles réponses. J'ai ainsi demandé aux ministres Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti de me faire des propositions pour lutter efficacement contre ces bandes et les empêcher de nuire. Nous devons tout faire pour qu'un tel drame ne se reproduise pas.
Mesdames et messieurs les députés, dans un tel moment, nous avons un devoir d'unité et de dignité,…
…sans pour autant minimiser les faits, mais aussi un devoir de décence qui impose de respecter le deuil de la famille et des proches, sans faire de récupération politique ni attiser les haines.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Je condamne avec la plus grande fermeté les démonstrations et les actes de violence de l'ultradroite qu'on a observés ces derniers jours.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR, LFI – NUPES, LR, SOC, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
La justice ne vient jamais de la violence : nous ne laisserons rien passer.
Mesdames et messieurs les députés, toute la lumière doit être faite sur la mort de Thomas et nous y veillerons. Vous pouvez compter sur moi et mon gouvernement pour lutter avec force et détermination contre les violences.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes Dem et HOR, MM. Erwan Balanant et Mohamed Laqhila se levant aussi. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Chers collègues, je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à deux délégations, celle du Parlement de la République Moldavie, conduite par Marcela Adam, présidente du groupe d'amitié Moldavie-France ,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent
…conduite par Egbert Lachaert, président de la section bilatérale Belgique-France.
Mêmes mouvements.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, les connaissances des jeunes entrant en quatrième en 2023 ont fait l'objet d'une évaluation nationale portant sur 7 039 établissements et 795 000 collégiens, qui montre un effondrement sans précédent de leur niveau.
C'est ce qu'on lit dans les premières pages du livre d'Édouard Philippe !
Cela conduit bon nombre de concitoyens à penser que la France est entrée dans une régression éducative continue, qui risque de faire de nous une nation d'illettrés. Si tel est le cas, que va-t-il advenir de notre démocratie ?
Dans quelques jours, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) va publier les résultats de l'évaluation de la performance des systèmes éducatifs et nombreux sont les observateurs qui s'inquiètent de la place de la France dans ce classement.
Le système éducatif a vu se développer des ramifications toujours plus nombreuses dans les programmes scolaires. Le développement des enfants doit être pensé de manière globale. Cependant, nous ne pouvons laisser nos enseignants devant des injonctions contradictoires. Si nous admettons que le français et les mathématiques sont des savoirs fondamentaux prioritaires, nous ne pouvons continuer à refuser de hiérarchiser nos enseignements. Et si chaque élève ne dispose pas des compétences fondamentales en français, en mathématiques et en lecture, il est à craindre que l'ensemble des efforts sur les temps scolaires et périscolaires soient voués à l'échec.
En matière d'éducation – comme en matière de santé, entre autres –, le défi pour notre société est d'assurer une formation plus rapide et qualitative, tout au long de la vie professionnelle. Vous avez annoncé un effort de votre ministère en matière de formation des enseignants, considérant à juste titre qu'elle devait se faire hors du temps scolaire.
Monsieur le ministre, quelles dispositions concrètes prévoyez-vous pour accompagner le développement professionnel des enseignants, afin de permettre à notre nation de retrouver la place qui devrait être la sienne en matière d'apprentissage et de maîtrise des fondamentaux scolaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Depuis 1987, le ministère de l'éducation nationale fait passer la même dictée à un panel représentatif des élèves de CM2. En 1987, on relevait dix fautes en moyenne ; aujourd'hui, on en compte vingt. En 1987, seuls 6 % des élèves commettaient plus de vingt-cinq fautes ; ils sont aujourd'hui près de 30 %. En 1987, près de 15 % des élèves faisaient moins de deux fautes ; ils sont à peine plus de 1 % aujourd'hui.
Oui, on observe une baisse du niveau scolaire ;…
…il faut la regarder sans fard et surtout y répondre.
Point positif, les évaluations rendues à la rentrée montrent qu'un investissement massif et des choix politiques permettent d'inverser une tendance. La réalité, c'est que le niveau des élèves qui entrent en sixième cette année s'améliore par rapport à celui des élèves qui entraient en sixième en 2017. Très concrètement, nous constatons une amélioration du niveau en français et en mathématiques, parce que nous avons investi massivement. Est-ce suffisant ? Non, il faut aller beaucoup plus loin !
Vous l'avez vu, j'ai ouvert un certain nombre de chantiers et j'aurai l'occasion de faire des annonces la semaine prochaine.
J'assume de le dire : laisser entrer au collège un élève qui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter relève d'une forme de maltraitance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Et, compte tenu du retard que cet élève aurait accumulé, il n'est pas envisageable de le laisser entrer au lycée. Je le répète : j'aurai l'occasion d'annoncer des mesures fortes sur le sujet dès la semaine prochaine. Pour cela, j'ai beaucoup échangé avec l'ensemble des acteurs éducatifs. Je veux saluer le travail qui est conduit à l'Assemblée nationale par Annie Genevard et Fabrice Le Vigoureux, corapporteurs de la mission d'information sur l'apprentissage de la lecture.
Oui, nous devons nous interroger sur la place du redoublement – comme j'ai eu l'occasion de le faire – et sur l'opportunité de créer des groupes de niveau au collège pour assurer enfin la progression de tous les élèves. Réfléchissons également au soutien qu'il convient d'apporter à nos enseignants. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour annoncer mon plan d'élévation du niveau général : nous le devons à nos élèves et à notre pays !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Madame la Première ministre, après l'injuste et inutile réforme des retraites menée par votre gouvernement, vous avez décidé, dans un mépris qui n'a d'égal que votre déconnexion à la réalité, de continuer à détrousser les Français. Votre ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, a directement insulté les Français en les exhortant à se « secouer les puces » : une sortie digne des frasques du Président de la République, qu'il espère sans doute remplacer en 2027.
M. Maxime Minot s'exclame.
Mais, loin de s'en satisfaire, il a décidé de s'attaquer à nos seniors, piliers de notre société, en envisageant de réduire la durée de leur allocation chômage.
Votre gouvernement, madame la Première ministre, écrase les Français sous le poids de son mépris, les réduisant à une peine quotidienne. L'âge ne devrait pas être un fardeau : apprenez qu'être au chômage passé 55 ans n'est pas un choix de vie mais une contrainte imposée par les circonstances dont vous êtes responsables.
Les seniors ne se complaisent pas dans une retraite forcée et prématurée, dans une France où il faut désormais choisir entre manger et s'habiller. Madame la Première ministre, allez donc expliquer votre nouvelle lubie aux Français, aux habitants de ma circonscription, comme Corentin, 58 ans, résidant à Allennes-les-Marais, qui recherche désespérément un emploi depuis avril 2022, qui fait tout pour s'en sortir et s'inquiète de l'avenir s'il n'y parvient pas. Votre devoir est de prendre des mesures pour résoudre ces problèmes, et non de plonger ces personnes dans un désespoir encore plus profond.
Quand allez-vous mettre fin à cette oppression systématique des travailleurs français, écouter et répondre à leurs préoccupations légitimes et, surtout, revenir enfin à la réalité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.
Rappelons le contexte : le 10 novembre dernier, les partenaires sociaux ont conclu un accord relatif à l'assurance chômage, qui s'inscrit dans un mouvement réformateur engagé depuis 2019 et qui nous conduit à réfléchir aux conditions d'indemnisation du chômage, en particulier à la modulation de la durée d'indemnisation en fonction de l'état de la conjoncture du marché du travail. L'accord ne prévoit pas de disposition spécifique pour les situations liées à la seniorité. Or au-delà des principes inscrits dans l'accord et du montant des économies visées, il conviendrait de fixer des règles en ce domaine. Ce sujet devra être au cœur des prochaines concertations sociales afin de définir des modalités spécifiques d'indemnisation du chômage des seniors, qui tiennent compte de la réforme des retraites et du report de l'âge d'ouverture des droits. Il est important de nous préoccuper de nos concitoyens que l'entrée dans cette période complexe peut fragiliser. Nous verrons comment nous pourrons accompagner au mieux les seniors dans l'emploi et jusqu'à la fin de leur parcours professionnel.
Cette question sera d'abord débattue entre les partenaires sociaux mais les parlementaires s'en saisiront ensuite.
Si nous devions résumer en deux minutes l'incompétence, l'impuissance et l'incapacité du Gouvernement à réagir aux problèmes des Français, votre intervention suffirait amplement !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Notre groupe s'associe à l'hommage rendu au jeune Thomas.
Suite aux violences imputées à l'extrême droite à Dublin, le Premier ministre irlandais a dénoncé les émeutiers en déclarant qu'ils faisaient honte à Dublin, honte à l'Irlande.
Nous aurions aimé entendre la même indignation de la part du Gouvernement face aux défilés dans plusieurs villes des miliciens d'extrême droite cherchant à casser des Noirs et des Arabes.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit aussi.
Ces démonstrations de force qui fracturent la société française angoissent nos concitoyens qui doutent de la volonté politique à défendre le vivre ensemble. Désormais, une partie de la classe politique ne condamne même plus ces actes abjects. Pire, certains soufflent sur les braises en participant au climat nauséabond qui règne dans notre pays et qui est repris en boucle sur les chaînes d'informations en continu.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cela fait maintenant plusieurs années que nous dénonçons le tapis rouge déroulé à l'extrême droite et à son idéologie raciste, xénophobe et antisémite.
Même mouvement.
Les conséquences de ces discours de haine sont en train de nous exploser au visage. Lentement, ils détruisent les valeurs humanistes et solidaires qui constituent les fondements de notre République de plus en plus fracturée. Il y a urgence à agir. Il faut tout faire pour rétablir le lien social, répondre aux inquiétudes des Français : la crise alimentaire, la crise du logement, les enjeux climatiques, l'insécurité.
Notre République est en danger. Nous sommes face à un tournant qui appelle des politiques fortes et courageuses, éloignées de celles que vous prônez aujourd'hui. Le projet de loi relatif à l'immigration est révélateur, entre autres, d'un alignement politique dangereux avec l'extrême droite. Êtes-vous déterminés à mettre fin à la diffusion de ce poison lent…
La présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous avez raison, madame la députée, ce qui s'est passé à Romans-sur-Isère, à Lyon et ailleurs encore, est scandaleux et mérite une condamnation morale, politique, la plus forte qui soit…
…contre ces milices d'extrême droite qui sont venues, comme vous l'avez si justement dit, taper des Noirs, des Arabes, pour mettre fin à ce qu'ils considèrent comme un « grand remplacement » – je reprends là leurs mots nauséabonds. C'est en tout cas ce qu'il s'est passé à Romans-sur-Isère puisque nous avons des pièces qui en attestent.
Je salue le travail des services du renseignement territorial qui ont permis de rassembler des documents, de suivre des personnes, d'intervenir avant qu'elles ne passent à l'acte et de prévenir ainsi un scénario à l'irlandaise. De nombreuses personnes ont pu être interpellées dans les heures qui ont suivi et, grâce aux services du garde des sceaux, déférées en comparution immédiate et très sévèrement condamnées.
Je salue également l'action des services de la préfecture de Lyon ainsi que celle des policiers et des gendarmes, à la suite de la manifestation sauvage…
…de militants d'ultradroite, d'extrême droite, qui scandaient des discours fascistes, racistes – en un mot, inacceptables.
Nous voulons le dire nous aussi : nous ne comprenons pas pourquoi la condamnation de ceux qui veulent remplacer le droit par la force, de ceux qui veulent déléguer à des milices le travail des policiers et des gendarmes, de ceux qui pensent qu'une race pourrait être supérieure à une autre, n'est pas unanime. Je peux vous assurer qu'à la demande de Mme la Première ministre et de M. le Président de la République, de nombreux moyens sont dédiés à la surveillance des 1 500 personnes radicalisées de l'ultradroite afin de pouvoir les interpeller, d'engager des procédures de dissolution de leurs groupes comme je l'ai fait pour Génération identitaire et comme je le proposerai demain en conseil des ministres pour le groupuscule Division Martel. Nous avons engagé la procédure du contradictoire à l'encontre de deux autres groupuscules qui seront, je l'espère, dissous à leur tour après-demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Dans la nuit de samedi à dimanche, un homme de 55 ans a été tué par des coups de feu qui ciblaient le bâtiment de son domicile, rue Blanqui à Dijon. Il est mort pendant son sommeil. C'est une nouvelle victime collatérale d'un règlement de compte dans une affaire de trafic de stupéfiants.
Je me suis rendu sur place avec mon collègue Philippe Frei pour constater les faits et recueillir le sentiment des habitants du quartier. Ils sont choqués, terrorisés et désemparés.
La drogue est un cancer qui ronge notre pays. Elle tue des innocents, détruit la santé des consommateurs, vampirise des mineurs appâtés par le gain, engraisse des trafiquants qui font régner leur loi dans les quartiers, les rues, les cages d'escalier. Ils pourrissent la vie à des milliers de Français.
La drogue finance des réseaux criminels, la prostitution, les ventes d'armes, qui portent atteinte à la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement et celui du Gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogue et les bons résultats que les forces de l'ordre et les douanes ont présenté en mars dernier.
M. Maxime Minot s'exclame.
Malgré les moyens importants alloués à la justice et l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre, dont la métropole de Lyon a pu bénéficier puisque cinquante policiers supplémentaires lui ont été affectés depuis 2020, le sentiment d'insécurité persiste.
Les habitants des quartiers ne perçoivent pas concrètement, dans leur vie quotidienne, le fruit de cet investissement.
Pas de liberté véritable sans la sécurité, selon Thomas Hobbes. Le fléau de la drogue doit être enrayé au plus vite. Comment pourrions-nous davantage associer les collectivités, les bailleurs et les élus locaux dans cette lutte prioritaire ? Comment redonner de l'espoir aux habitants qui aspirent légitimement à vivre en paix ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Olivier Falorni applaudit aussi.
J'aurai une pensée pour cette famille qui a perdu un homme de 55 ans, tué dans son sommeil par ceux qui utilisent les armes pour se livrer au commerce de la mort. Ce point de deal, à Dijon, est très harcelé par les services de police et de gendarmerie.
Les règlements de compte sont parfois la conséquence extrêmement malheureuse du travail de la justice et de la police. Les moyens très importants accordés à l'agglomération dijonnaise, que le préfet a rappelés et que vous avez pu constater, témoignent de notre action et des coups très durs que nous portons aux réseaux de trafiquants. Lorsque ces coups atteignent leur cible, une bataille de territoires s'ensuit et nous devons la condamner. J'ai donc décidé d'octroyer encore davantage de moyens à Dijon pour l'aider à mener ce combat, comme nous le faisons à Villeurbanne, à Vaux-en-Velin et à Nîmes. Il y a trois mois, un drame similaire s'est produit. Trente personnes ont été interpellées à Nîmes deux mois plus tard, quinze à Villeurbanne, une vingtaine à Vaux-en-Velin, sans parler des démantèlements complets de trafics, de la disparition de certains points de deal et de la présentation des trafiquants devant les services du garde des sceaux qui les condamneront, je l'espère comme vous, à des peines exemplaires.
Pour lutter contre la drogue, il faut des moyens : nous en avons. Il faut une volonté : nous l'avons. Mais il faut aussi que les consommateurs arrêtent de consommer ! Sans consommateur, il n'y aurait pas de dealer.
Mmes Caroline Janvier et Anna Pic font un geste de protestation.
Nous devons tenir le même discours, partout : les consommateurs font naître les trafics.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous devons être intraitables avec les dealers mais aussi avec les consommateurs qui financent le terrorisme, le proxénétisme. Les discours qui condamnent les morts des règlements de compte tout en invitant à débattre de la consommation du cannabis ou de la cocaïne, sont inacceptables.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous lutterons jour et nuit contre la drogue qui gangrène, hélas, nos quartiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la Première ministre, nous commençons l'examen de la loi relative au contrôle de l'immigration et au renforcement de l'intégration. Je voudrais rappeler qu'un migrant est d'abord un être humain. Un migrant, c'est un homme, une femme ou un enfant. Être Français, c'est connaître notre histoire : notre pays s'est construit par vagues successives d'immigration.
Mon grand-père, Louis Rebuzzi, était Italien d'origine. Cette particularité, je la partage notamment avec Éric Ciotti et Jordan Bardella ! Je connais cette histoire, le mépris, les rejets et la bêtise humaine. Un rapport du préfet du nord au début du siècle dernier expliquait que les Italiens vivaient toujours ensemble, ne parlaient pas le français et sentaient mauvais. Il concluait qu'ils étaient inassimilables !
Mon grand-père a combattu à Verdun et deux de ses frères sont morts pour la France. Être Français, c'est défendre les valeurs de la République et faire vivre sa devise Liberté, Égalité, Fraternité.
La loi relative à l'immigration doit nous permettre d'être plus efficaces et plus justes. Les députés du groupe LIOT sont pour le réalisme ; ils ne veulent ni angélisme, ni extrémisme. L'aide médicale de l'État (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de se faire soigner sous certaines conditions, doit être étudiée par ce prisme.
Les sénateurs ont voté sa suppression. En 2012, l'Espagne avait pris la même décision, avant de reculer suite à la hausse des coûts et à l'augmentation de 15 % du taux de mortalité des personnes concernées.
Pas moins de 10 000 professionnels de santé nous alertent : revenir sur l'AME serait catastrophique car cela engorgerait les urgences. Or nous connaissons déjà le triste état de nos services de santé.
Supprimer l'AME, c'est donc prendre un grand risque pour la santé de tous nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Eva Sas et M. Nicolas Sansu applaudissent également.
L'examen du projet de loi relatif à l'immigration, présenté par le ministre de l'intérieur, a commencé hier, en commission des lois. Ce texte vise à relever un double défi, pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens : éloigner plus efficacement ceux qui n'ont pas le droit de rester en France et mieux intégrer ceux que nous choisissons d'accueillir.
Monsieur le président Pancher, je suis certaine que nous pouvons nous retrouver autour de ces objectifs avec les parlementaires de votre groupe comme avec ceux d'autres groupes de l'arc républicain.
Lors de l'examen du texte au Sénat, l'AME a été supprimée au profit d'une aide médicale d'urgence. Le Gouvernement est clair : l'AME est un dispositif nécessaire car il répond à un impératif de santé public en permettant de soigner les personnes malades présentes sur notre sol sans nécessairement passer par les services d'urgence. Il permet de prendre en charge rapidement des maladies et d'éviter leur propagation comme les hépatites, le VIH ou les infections respiratoires.
De surcroît, l'AME est un dispositif extrêmement contrôlé. C'est même celui dont le taux de contrôle est le plus élevé de l'assurance maladie.
Une réforme de l'AME a déjà été menée en 2019, dans le cadre logique de la loi de financement de la sécurité sociale. Comme vous, avec mon Gouvernement, je cherche toujours à ce que nos politiques publiques soient les plus efficaces possible et je suis favorable à ce que l'on fasse évoluer l'AME. Pour y parvenir, nous avons besoin d'un diagnostic complet et objectif. C'est le sens de la mission confiée par les ministres Gérald Darmanin, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo à Patrick Stefanini et Claude Évin.
Cette mission remettra ses conclusions d'ici quelques jours ; naturellement, elles seront rendues publiques. Nous proposerons le cas échéant les évolutions qui apparaîtront nécessaires, dans le cadre d'un texte adapté – car nous sommes déterminés à apporter des réponses justes et efficaces aux Français, sur l'AME comme sur d'autres sujets.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'enfance, vous avez annoncé le maintien de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), dont les missions seront élargies à toutes les formes de violences faites aux enfants.
Les chiffres que je vais citer sont insupportables. Toutes les trois minutes, un enfant est victime d'inceste ou de violence. Chaque année, 165 000 enfants sont victimes d'agressions sexuelles. À l'échelle d'une classe, la proportion est d'un enfant sur cinq. Quatre-vingts pour cent des agressions sont intrafamiliales, et la moitié des victimes disent ne pas avoir été soutenues par leurs parents. Pardonnez ma franchise, mais ces chiffres donnent envie de vomir.
Mme la Première ministre a lancé un plan contre les violences faites aux enfants. Passons maintenant de la parole aux actes. Or des actes, il en existe dans ma circonscription du Forez, dans la Loire, où l'association interprofessionnelle de soins et de prévention des abus sexuels (Aispas) effectue, autour de Mme Lydie Peuvel, un travail remarquable pour repérer les enfants victimes d'agissements monstrueux.
En 2022, l'Aispas avait reçu une subvention de 50 000 euros ; vous l'avez supprimée en 2023, plongeant les bénévoles dans un profond désarroi.
Ma question est simple : l'association Aispas pourra-t-elle à nouveau toucher cette subvention afin de continuer à sauver des enfants victimes d'inceste et de violences ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La Première ministre a présenté un plan de lutte contre les violences faites aux enfants à l'occasion de la réunion du comité interministériel à l'enfance, le 20 novembre. Ce plan ambitieux s'accompagne d'un renforcement des moyens humains et financiers pour les acteurs de la lutte contre ces violences. Vous avez cité les chiffres ; un adulte sur dix en a été victime durant son enfance – c'est beaucoup. La situation est inacceptable, y compris s'agissant des suites données.
Augmentation des moyens financiers, campagne de sensibilisation, plateforme 119 pro, réécriture des programmes d'éducation à la vie affective et sexuelle, renforcement du maillage des unités d'accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped) : ce plan, ambitieux et à la hauteur des enjeux,…
…contient de nombreuses mesures. Nous souhaitons que le travail de la Ciivise continue, avec des modalités et une feuille de route renouvelées et centrées sur certaines missions, dont la lutte contre les violences sexuelles. Éric Dupond-Moretti et moi en présenterons le détail dans les toutes prochaines semaines.
La lutte contre les violences sexuelles est l'affaire de tous et toutes, y compris celle du secteur associatif, dont nous avons besoin. Vous appelez mon attention sur l'association Aispas, qui effectue un travail remarquable dans votre territoire, notamment en milieu scolaire. Cette association a bénéficié d'un financement dans le cadre d'un appel à projets en 2022. Le nouveau plan de lutte contre les violences faites aux enfants prévoit le financement de nouveaux appels à projets ambitieux. Nous regarderons ensemble si cette association peut à nouveau obtenir des sommes pour conduire ses projets.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la secrétaire d'État, je connais les blessures vécues en silence par un enfant loin du regard des autres, comme on dit : je vis au quotidien avec un garçon de 14 ans qui a subi pendant des mois les violences physiques et psychologiques de son père.
« Mon but est de porter la voix de ceux que l'on n'entend pas ». Cette phrase a été prononcée par Mme Brigitte Macron. Elle a raison : nous devons porter la voix des enfants victimes d'inceste ou de violences.
N'attendez pas. Merci de soutenir l'association Aispas, qui sauve des enfants chaque jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Ma question s'adresse à Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Cinquante-deux jours déjà se sont écoulés depuis ce samedi sanglant au cours duquel s'est ouvert un gouffre abyssal dans lequel a été aspirée notre humanité ; un gouffre fait de sang, de tortures, de mutilations et de larmes ; une violence absolue commise au cri de « Allah akbar » par des monstres armés de couteaux et dépourvus de cœur. Le 7 octobre dernier, des terroristes islamistes du Hamas, biberonnés à la haine des juifs, ont pénétré le territoire souverain d'Israël pour commettre des atrocités qu'un esprit humain a du mal à concevoir.
Si cette passion exterminatrice a visé indifféremment des hommes, des personnes âgées, des adolescents, des enfants, des bébés, elle a aussi ciblé spécifiquement des femmes. Les associations féministes, adeptes du Me Too, de l'écriture inclusive et de « On te croit », auraient dû condamner avec force les viols acharnés, les femmes enceintes éventrées, la nudité carbonisée, les adolescentes exhibées comme autant de macabres trophées.
« Eh oui ! » sur divers bancs. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, RN, LR et Dem. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Il n'en a pourtant rien été. Les nouvelles féministes intersectionnelles se sont tues.
Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Elles ont balayé d'un revers de la main les victimes de ces abominations, sous le prétexte évident de leur origine israélienne et juive. Elles ont effacé la douleur de ces femmes suppliciées, allant même jusqu'à idolâtrer la violence de leurs bourreaux, devenus soudainement des résistants.
Ce féminisme à géométrie variable, pour lequel les origines importent davantage que les faits criminels,…
…a choisi d'exclure, samedi dernier, l'accès à la marche contre les violences faites aux femmes aux manifestantes venues rappeler la mémoire des femmes victimes du pogrom du 7 octobre et pour certaines d'entre elles encore retenues comme otages dans les tunnels du Hamas.
Quand on combat les violences faites aux femmes, on les combat partout et tout le temps.
Que comptez-vous faire pour garantir que les subventions de l'État ne profitent qu'à des associations…
La présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements prolongés sur plusieurs bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR, dont certains membres se lèvent. – Mmes Emmanuelle Ménard et Véronique Besse se lèvent et applaudissent aussi. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Ce qui s'est passé en Israël est abominable. Des femmes ont été violées, mutilées, torturées. Le viol est une arme de guerre, laissant de nombreuses femmes et filles psychologiquement traumatisées. Souvent, la violence sexuelle n'est pas simplement perpétrée par des soldats solitaires, elle s'apparente à une tactique de guerre délibérée. La violence sexuelle déplace, terrorise, détruit des individus, des familles et des communautés entières, atteignant des niveaux de cruauté inimaginable à l'égard de femmes de tout âge.
Ces horreurs, qu'elles aient eu lieu en Israël, où de nombreux cas de viol le 7 octobre dernier ont été rapportés, en Ukraine, au Soudan ou dans le reste du monde, je les ai condamnées et je les condamne à nouveau, fermement, ici.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Vous évoquez la manifestation du 25 novembre. Pourquoi a-t-elle été créée ? Pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il s'agit d'un combat universel et je dénonce à nouveau ici l'instrumentalisation qui en a été faite. On ne trie pas les violences en fonction des conflits, des individus ou des nationalités.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur certains bancs du groupe LR. – Mme Claudia Rouaux et M. Stéphane Delautrette applaudissent aussi.
Je m'oppose fermement à toute forme de récupération. C'est là que la diplomatie féministe prend toute son importance. Tous les conflits soulignent la nécessité de mettre en œuvre de l'agenda « Femme, paix et sécurité », qui reconnaît que la participation des femmes aux mécanismes de résolution des crises et de stabilisation est indispensable et a des effets positifs sur la paix. Cent quatre États membres des Nations unies ont déjà adopté ce plan d'action.
À l'échelon national, sachez, madame la députée, que les projets susceptibles de bénéficier de subventions doivent s'inscrire pleinement dans les orientations de mon ministère. Je suis évidemment extrêmement vigilante à ce que les associations qui en sont les destinataires partagent nos valeurs universelles ; elles ne seront soutenues qu'à cette condition.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur certains bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC. – Mme Ségolène Amiot applaudit aussi.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique.
Le 29 mai 2005, le peuple français a dit non à la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe. Par ce vote clair, les Français ont refusé la marche forcée vers le fédéralisme ; ils ont également indiqué qu'ils voulaient avoir leur mot à dire sur la construction européenne.
Nous savons tous que le traité de Lisbonne, pâle copie du précédent, a été imposé contre l'avis des Français par le président Sarkozy et les parlementaires de l'époque réunis en congrès.
La semaine dernière, sur proposition du groupe macroniste et du député Verhofstadt, deux résolutions tendant à réviser les traités et à affirmer la primauté du droit de l'Union européenne sur le droit national ont été adoptées. C'est une étape de plus vers le fédéralisme.
N'ayant pas le temps de revenir sur l'ensemble des mesures néfastes et antidémocratiques contenues dans ces deux textes, je n'en citerai qu'un exemple : le choix d'augmenter le nombre de domaines dans lesquels les actions sont décidées par un vote à la majorité qualifiée en lieu et place de la règle de l'unanimité, garante de la souveraineté des nations.
De son côté, Marine Le Pen a proposé…
…une déclaration des droits des peuples et des nations, qui réaffirme notamment la supériorité du droit national sur toute institution supranationale.
Monsieur le ministre délégué, laisserez-vous le Parlement européen imposer aux Français l'accélération de la marche vers le fédéralisme…
…ou donnerez-vous du sens à votre ministère en interrogeant les Français sur le sujet, notamment par voie référendaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Voulez-vous sortir de l'Union européenne ou pas ? Il faudrait quand même qu'on le sache un jour !
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Tout d'abord, je voudrais excuser la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est retenue à une réunion ministérielle de l'Otan.
Oui, les institutions européennes ont évolué depuis 1950. En l'espace de soixante-treize ans, il y a eu successivement les traités de Paris, de Rome, de Luxembourg, de Maastricht, d'Amsterdam, de Nice et de Lisbonne.
À chaque fois, l'Union européenne s'est transformée pour faire face aux défis liés à son élargissement, à son approfondissement ou encore à un changement de contexte, notamment après la chute du mur de Berlin.
La semaine dernière, le Parlement européen a proposé une révision des traités. Cette révision sera transmise au Conseil européen, qui décidera des suites à lui donner.
Le Parlement européen est parfaitement dans son rôle en proposant une modification des traités dans le contexte actuel, avec notamment le retour de la guerre en Europe et les crises aux marges de l'Union – crises dont il convient de se protéger. Il appartiendra ensuite aux États membres de prendre une décision ; vous savez très bien que cela se fera d'abord à l'unanimité d'entre eux, puis, éventuellement, à l'issue d'un processus démocratique propre à chaque État.
La différence entre nous, monsieur le député, c'est que votre camp s'escrime depuis des années à vouloir déconstruire l'Europe, alors que celle-ci nous protège ,
Exclamations sur les bancs du groupe RN
notamment de la guerre, en nous permettant de vivre la plus longue période de paix que nous ayons connue depuis 2 000 ans. Elle nous aide aussi à faire face aux crises. Cette Europe, nous voulons pour notre part continuer à la construire pour protéger les Français et pour rendre la France plus forte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur certains bancs des groupes Dem et HOR.
Vous n'avez toujours pas compris les Français : ils veulent une autre Europe, une Europe des nations. Vu que vous ne voulez pas leur donner la parole en organisant un référendum, ils ont une date à retenir : celle du 9 juin, pour voter pour la liste que conduira Jordan Bardella.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, il y a quelques jours, dix-huit anciens ambassadeurs de France appelaient à un rééquilibrage de notre diplomatie au Proche-Orient, déplorant que la seule réponse au massacre injustifiable commis par le Hamas soit une guerre totale, un cauchemar humanitaire, des bombardements indiscriminés et disproportionnés ayant fait, à Gaza, 13 000 morts civils, dont 5 300 enfants. Ils s'inquiètent de la politique, que le ministre des affaires étrangères français a lui-même qualifiée de terreur, opérée par les colons en Cisjordanie occupée, avec le soutien du gouvernement israélien.
La trêve en cours à Gaza, prolongée à ce stade de quarante-huit heures, a permis la libération d'otages. Nous partageons notamment votre immense soulagement après la libération des trois otages franco-israéliens mineurs, mais c'est insuffisant au regard de la souffrance des familles. Cette trêve a également permis – enfin ! – la livraison d'aide humanitaire, mais c'est insuffisant au regard des immenses besoins.
Le 9 novembre, le Président de la République a appelé à un cessez-le-feu. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères a elle-même déclaré dimanche : « La France considère qu'il faut […] une trêve qui permette d'aboutir à un cessez-le-feu. » Ces paroles sont bienvenues, mais pour qu'elles soient entendues et suivies d'effet, il faut des actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Que fait la France, concrètement, pour contribuer à l'obtention d'un tel cessez-le-feu ?
Cette étape est décisive, car elle doit être la première vers une solution politique fondée sur le droit international, en particulier vers une solution à deux États. Quoi qu'en disent les sceptiques, elle n'a jamais été tentée. Il faut que la diplomatie française soit au rendez-vous de son histoire et de la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Permettez-moi de nouveau d'excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, retenue par une réunion ministérielle de l'Otan.
Comme vous, je me réjouis du retour des trois enfants que vous avez évoqués, Erez, Sahar et Eitan. Néanmoins, notre joie est contenue : nous pensons toujours aux cinq Français portés disparus, qui sont probablement encore otages du Hamas.
Sachez que nous ne ménageons aucun effort pour les rendre à l'affection de leurs familles. La France n'abandonne aucun de ses concitoyens.
La position de la France est constante ; elle n'a pas évolué depuis les débuts de la V
La diplomatie française ne ménage pas ses efforts, en ce moment même, sur le terrain, pour que la trêve humanitaire soit prolongée – c'est cette trêve, à laquelle nous appelions depuis des semaines, qui a permis la libération des otages – et qu'elle puisse déboucher sur un cessez-le-feu, qui permettra à son tour de réengager le processus politique qui permettra à deux États de vivre en paix et en sécurité. C'est tout le sens de l'engagement de la diplomatie française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je crains que cette voix ne soit pas assez entendue, car elle n'est pas suivie d'actes forts. J'appelle à se joindre à la marche pour la paix, la justice et un cessez-le-feu permanent qui aura lieu à Paris ce samedi à quatorze heures, à l'appel de nombreuses associations, ONG, syndicats et partis politiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit également.
Notre groupe s'associe à la douleur de la famille et des proches du jeune Thomas.
Madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, depuis six ans, nous agissons pour soutenir les professionnels du secteur du handicap. La mission d'accompagnement de ceux qui travaillent dans les établissements et services d'aide par le travail (Esat) vers des parcours professionnels a été considérablement renforcée ces dernières années.
Le projet de loi pour le plein emploi, adopté il y a deux semaines, permettra aux travailleurs handicapés accompagnés en Esat de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés. Grâce à ces mesures, nous offrons aux personnes en situation de handicap la possibilité de s'autodéterminer et facilitons leur recherche d'emploi en milieu ordinaire.
Cependant, j'ai été alerté, notamment par l'association Hestia78, du fait que mon département, les Yvelines, est l'un des moins bien dotés en foyers de vie et établissements médicalisés pour personnes en situation de handicap. L'association nourrit une grande inquiétude, que je partage, quant à l'avenir des établissements qu'elle gère, avec professionnalisme et dévouement – je sais que vous n'en doutez pas, madame la ministre déléguée. En faisant converger les droits des travailleurs des Esat avec ceux des salariés, le Gouvernement fait peser sur ces établissements le financement desdits dispositifs ;…
…ils auront du mal à le supporter. Un déficit annuel de près de 400 000 euros est envisagé pour les seize établissements d'Hestia78 dans les Yvelines. Une fermeture n'est donc pas à exclure, auquel cas les personnes qui y travaillent se retrouveraient sans accompagnement et sans emploi.
Quelles solutions le Gouvernement compte-t-il appliquer pour répondre à ces inquiétudes et garantir, dans les Yvelines comme ailleurs, la pérennité de l'accompagnement par le travail des Français en situation de handicap ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Vous mettez le doigt sur un vrai sujet : la transformation du modèle des Esat. Pourquoi celle-ci est-elle nécessaire ? En alignant les droits des travailleurs des Esat sur ceux des salariés, nous avons mis fin à une véritable injustice sociale. Grâce au projet de loi pour le plein emploi, vous l'avez dit, ces travailleurs pourront désormais bénéficier, par exemple, de la prime de transport, d'une complémentaire santé ou encore d'une prime exceptionnelle ; tel n'était pas le cas jusqu'à présent.
Cela aura, bien sûr, un impact financier sur ces établissements. C'est la raison pour laquelle Olivier Dussopt et moi-même avons lancé une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) qui nous permettra de refonder le système de financement de ces établissements tout en continuant à garantir la qualité de l'accompagnement, en leur sein, des personnes en situation de handicap. Je saisis cette occasion pour saluer la qualité du travail mené par l'ensemble des professionnels du secteur – Marc Fesneau et moi-même avons pu la constater hier encore dans le Loir-et-Cher, où nous étions en déplacement.
Le Gouvernement entend les inquiétudes et agit. Dans un premier temps, 21 millions d'euros ont été versés, notamment par le fonds d'aide à la transformation des Esat. En effet, ces établissements doivent devenir un véritable outil de montée en compétences pour faciliter les parcours vers le milieu ordinaire. Nous attendons désormais les conclusions de la mission, l'objectif étant de garantir leur soutenabilité financière dans la durée.
Nous avons amélioré la situation sociale des personnes en situation de handicap qui travaillent en Esat. Nous sommes en train de travailler sur la situation financière des établissements, afin de pérenniser le modèle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, l'association UFC-Que choisir a déposé un recours contre l'État pour son inaction face à la désertification médicale, qui ne cesse d'avancer. Neuf millions de Français vivent dans un désert médical ; six millions sont sans médecin traitant. Quand un médecin part en retraite, il n'est pas remplacé ; il faut des mois et des mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ; des listes entières de dentistes n'acceptent plus de patients. Telle est la réalité.
Depuis des années, l'État enchaîne les mesures d'incitation pour les médecins. Il y a des chèques à la clé pour qu'ils s'installent là où on a besoin d'eux. Peine perdue : cela n'a rien réglé ; cela coûte « un pognon de dingue », comme dirait le Président de la République ; les inégalités d'accès aux soins se sont aggravées.
Le temps est venu de réguler l'installation des médecins et l'exercice médical ,
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
comme cela se fait pour les pharmaciens, pour les kinésithérapeutes et pour les infirmières, afin de mieux répartir nos forces médicales à l'échelle du territoire national. Notre santé ne peut pas dépendre de notre code postal. Or la majorité et le Gouvernement se refusent à une telle régulation. Le recours d'UFC-Que choisir exprime tout simplement l'incompréhension des Français devant l'incapacité du Gouvernement à résister aux corporatismes.
Le groupe de travail transpartisan de notre assemblée a fait des propositions très précises en ce qui concerne les déserts médicaux, pour sortir des politiques qui ne fonctionnent pas. Quand allez-vous enfin accepter d'y travailler ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
« Inaction », alors que le Président de la République a décidé, dès 2018, de lever le numerus clausus ?
Mme Caroline Abadie applaudit.
Nous formons désormais 10 000 médecins par an contre 3 500 dans les années 1990.
« Inaction », alors que la Première ministre a annoncé à la fin du mois d'août une augmentation de 25 % de la rémunération du travail de nuit dans les hôpitaux, afin d'y recruter des professionnels de santé et de les fidéliser ?
« Inaction », alors que 80 % de la population de notre pays est couverte par une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ?
« Inaction », alors que 2 000 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) sont installées sur le territoire ?
« Inaction », alors que le Gouvernement a engagé des négociations conventionnelles dont le premier objectif est d'améliorer l'attractivité et de favoriser l'installation des professionnels de santé ?
« Inaction », alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à propos duquel vous avez souhaité censurer le Gouvernement la semaine dernière, permettra d'étendre certaines compétences à d'autres professionnels médicaux pour prendre en charge la santé de nos concitoyens ?
Il n'y a pas d'inaction, monsieur Garot, mais peut-être y a-t-il un débat sur la coercition.
La régulation, pas la coercition ! Vous employez tout de suite les grands mots !
Cette coercition, que vous prônez, a fait l'objet de nombreuses discussions dans cet hémicycle.
Il ne faut pas confondre l'inaction, la détermination qui est celle de ce gouvernement et de cette majorité, et la prestidigitation, qui est manifestement plutôt votre orientation.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Madame la Première ministre, « deux France irréconciliables », un « risque de basculement », une « guerre civile » évitée. La récupération, la colère, la violence, la vengeance qui fait monter la haine, alors qu'on en sait encore si peu. Telle est la situation de notre pays depuis le dramatique décès de Thomas dans le petit village de Crépol.
J'ai grandi juste à côté. Je sais l'importance de ces fêtes, à quel point elles rythment nos vies. Je ne peux qu'imaginer l'immense douleur et l'incompréhension de toutes celles et tous ceux qui étaient présents. Thomas avait 16 ans. Jamais il n'aurait dû mourir. Une fête de village, seize blessés, un mort. Pour Crépol et tous les villages des alentours, rien ne sera plus jamais comme avant.
Pour certains, c'est « le miroir d'une partie de la société où l'on plante pour une moquerie » ou encore l'amorçage d'une guerre ethnique. Mais de quoi parle-t-on ? Depuis une semaine, les ratonnades d'extrême droite terrorisent toute personne qui n'aurait pas la bonne couleur de peau ou la bonne religion, qui n'habiterait pas le bon quartier. Ce qui se répand, c'est la haine, des noms que l'on jette en pâture impunément, des représailles et la vengeance aveugle ; c'est du racisme, de l'islamophobie.
La vérité, c'est que cette haine est l'aboutissement d'une série d'échecs et que la promesse républicaine n'a plus de valeur parce que vos politiques l'ont affaiblie. Elle n'est qu'un joli discours, qui masque la fracture territoriale et le sentiment d'être toujours relégué, partagé par toutes les jeunesses de France. La formule « l'ordre, l'ordre, l'ordre » peine à masquer la mise au pas de la jeunesse par le service national universel,…
…les 49.3, les ministres devant la justice, les bras tendus à l'extrême droite et les manifs pour rien.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit également. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.
Certes, les promesses n'engagent que ceux qui y croient, mais la promesse républicaine n'est pas minime : c'est la garantie de notre vivre ensemble, le fondement de ce que nous sommes. À Crépol tout comme à la Monnaie, les habitants ont souvent l'impression qu'elle n'est pas faite pour eux. Elle devrait être votre seul cap. Vous avez failli. Quand allez-vous enfin prendre vos responsabilités ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Sincèrement, en écoutant votre question, j'ai peur…
…que vous ne passiez à côté de ce qui se passe dans notre pays.
Exclamations sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
J'ai peur que vous ne soyez pas à l'écoute des propos que vous et moi avons entendus hier dans la Drôme. Vous n'étiez pas avec moi lorsque j'ai rencontré les habitants de Crépol et la famille de Thomas,…
…mais vous étiez avec moi dans ce lycée où deux peurs se sont exprimées : la peur de la jeunesse de Crépol de subir des représailles de la part des amis des assaillants de Thomas ; la peur des habitants du quartier de la Monnaie, qui n'ont rien à voir avec les assaillants…
…sinon qu'ils portent peut-être certains patronymes ou qu'ils habitent dans le même quartier, de subir à leur tour des représailles de la part d'une partie des habitants.
Le « risque de basculement de la société » – bien évidemment, nous ne souhaitons pas ce basculement et nous luttons contre lui avec détermination – fait référence à une situation où deux France se feraient face et ne seraient plus capable de communiquer,…
…où l'on verserait dans la généralisation ; je laisse cela aux extrêmes.
Exclamations sur divers bancs.
Étant donné la douleur des familles, la douleur et la peur que nous avons ressenties dans la Drôme, la nécessité que la République soit à la hauteur, l'importance de la cohésion nationale, qui est la meilleure réponse à apporter à la haine,…
…vous ne pouvez pas faire le lien, comme vous l'avez fait dans votre question, avec des éléments tels que le 49.3 ou le SNU.
Ce que la population nous demande, c'est de montrer que l'État est ferme,…
Rires sur quelques bancs des groupes RN et LR.
…que l'autorité républicaine est là et que nous sommes capables d'agir sur les inégalités.
L'État de droit est fort. J'étais hier avec le procureur de la République, qui a pu répondre aux interrogations et aux inquiétudes de la population. La justice passera. Jamais une intervention coordonnée de cette nature n'a été aussi bien réalisée dans des délais aussi brefs. Neuf personnes ont été arrêtées en moins de trois jours. Compte tenu des chefs d'accusation retenus par le procureur, l'auteur présumé de l'assassinat est passible de la peine de prison à perpétuité.
C'est cela que la population a besoin d'entendre. La Première ministre l'a dit tout à l'heure, le ministre de l'intérieur l'a répété à l'envi et à raison : nous luttons contre ces bandes armées qui sèment la pagaille et la terreur dans nos villes et dans nos campagnes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La promesse républicaine, ce n'est pas que l'ordre, l'ordre, et l'ordre !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, ma question porte sur la réindustrialisation de notre pays. J'y associe M. Guillaume Kasbarian, député de la première circonscription d'Eure-et-Loir où se trouve la ville de Chartres. Vous venez d'y célébrer, la semaine dernière, en présence du Président de la République, un investissement de plus de deux milliards d'euros d'un groupe médical international.
Cela illustre le succès de notre politique d'attractivité et de soutien à l'investissement : Choose France. Ce résultat est le produit de la mobilisation des acteurs locaux mais aussi de la simplification administrative, de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la fourniture d'une énergie décarbonée bon marché, celle de notre énergie nucléaire. Le régulateur a d'ailleurs récemment affirmé qu'elle pourrait être fournie à des prix contenus par l'énergéticien national.
Vous avez également lancé, hier, la semaine de l'industrie, qui valorisera l'enseignement et les lycées professionnels. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se trouvait quant à lui, il y a quelques jours, en Nouvelle-Calédonie, pour sécuriser la poursuite de la production de nickel, dont l'industrie automobile européenne a tant besoin.
Ma question porte précisément sur la décarbonation des cinquante sites les plus émetteurs de CO
Tout d'abord, quel sera le rythme de passage, et l'effort consenti pour accompagner la transition des sites charbonniers vers la biomasse ? Je pense ici à Saint-Avold et à la transformation du sel à Dombasle-sur-Meurthe.
Le deuxième axe de ma question porte sur l'hydrogène. Pour décarboner la chimie et la sidérurgie…
…dans la vallée de la Moselle ou celle de la Sarre, il faudra des ressources considérables afin de produire et de transporter l'hydrogène vert. Nous attendons un effort décisif pour la recherche et les universités – comme l'université de Lorraine.
Notre industrie lourde est devant une étape décisive. Face aux doctrines de la décroissance, elle est le socle de notre prospérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La semaine dernière nous étions à Chartres – ville chère au président de la commission des affaires économiques – avec le Président de la République, pour annoncer qu'un des plus grands groupes pharmaceutiques, Danois, choisit à nouveau la France pour investir un montant exceptionnel.
Ces bonnes nouvelles n'arrivent pas par hasard. Elles sont le résultat de six ans de travail acharné, par ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé, pour rendre la France attractive. La réindustrialisation doit se faire partout : chez vous, en Meurthe-et-Moselle – territoire d'industrie s'il en est – mais aussi au bout du monde, en Nouvelle-Calédonie, où le développement de la voiture électrique donne de nouvelles perspectives au nickel, ce qui explique le déplacement de Bruno Le Maire.
Deux écueils majeurs font obstacle à cette évolution. D'abord, nous aurons besoin de ressources énergétiques : la biomasse, l'hydrogène, l'électricité décarbonée, que vous avez mentionnés. Avec Mme la ministre de la transition énergétique, nous aurons l'occasion de vous présenter un plan, portant notamment sur l'hydrogène, qui vous est cher ainsi qu'à votre territoire.
Le deuxième défi majeur est celui de talents. L'implantation de Novo Nordisk implique un chantier de 2 000 travailleurs et la création de 500 emplois durables pour cette usine qui en occupe déjà 1 600. J'invite donc tous les parlementaires, sur l'ensemble des bancs, à s'engager pour la semaine de l'industrie et ses 5 500 événements partout en France…
On ne vous a pas vu, ce matin, devant le siège de l'usine Sanofi de Lisieux.
Où étiez-vous lorsqu'il fallait soutenir la papeterie de Chapelle Darblay ?
… qui vont donner envie aux jeunes femmes et hommes de rejoindre l'industrie. La réindustrialisation est un combat qui doit nous rassembler et concerner tout le monde. Au nom de la formation, de l'attractivité, de l'emploi et de la lutte contre la discrimination, nous devons mener nos jeunes vers l'industrie et gagner ce combat de toute une génération.
Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur. Il s'appelait Thomas, il avait 16 ans, il a été tué le dimanche 19 novembre 2023. Je voudrais lui rendre hommage, saluer sa mémoire, et dire ma solidarité à ses proches, sa famille et tous les blessés.
Applaudissement sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Des expéditions vengeresses ont été lancées à Romans-sur-Isère, Grenoble, Lyon et Rennes. Un seuil a été franchi. Qu'avez-vous fait pour protéger nos concitoyens de ces bande néonazies qui menacent, qui agressent, qui terrorisent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'heure est grave. Quelle question poser ? Quels mots utiliser ? Quels faits décrire pour vous faire enfin réagir ? Faut-il vous rappeler les croix gammées taguées sur les murs de nos villes ; la profanation des tombes juives et musulmanes ; les ratonnades et les meurtres racistes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Stéphane Peu et Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudissent également.
Nous vous alertons depuis des mois sur ces milices privées. Expliquez-nous ce que font les services de renseignement ? Comment les agresseurs de Romans-sur-Isère ont-ils eu accès à la liste des suspects.
Mêmes mouvements.
Les dissolutions administratives ne suffisent pas. Fermez les locaux fascistes, cessez de semer la confusion ! L'extrême droite est antisémite, islamophobe et raciste.
Mêmes mouvements.
Les choses sont claires. Pour eux, la République doit être fracturée. Pour nous, elle doit rester unie. Je veux conclure par un message très fort, en particulier pour nos jeunes : nos origines sont une richesse. Tenons notre ligne. Si eux ils divisent,…
La présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Les députés du groupe LFI – NUPES et quelques députés des groupes SOC et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Je pense avoir répondu à votre collègue du groupe communiste qu'il faut – vous avez parfaitement raison – condamner ces milices d'extrême droite, d'ultradroite, qui terrorisent et veulent, à la place de l'État, des policiers et des gendarmes – dont nous remercions le courage – lutter contre ce qu'ils pensent être le grand remplacement. Ils attaquent des Noirs, des Arabes, pour leur couleur de peau. Ils n'acceptent pas l'idée que l'autorité de l'État, l'égalité républicaine, consistent à laisser la police républicaine interpeller, selon des lois de la République votées par le Parlement, les personnes pour ce qu'elles font, pas pour ce qu'elles sont. Vous avez parfaitement raison.
Plutôt que de mettre en cause les services de renseignement, je voudrais les saluer, eux qui ont déjoué treize attentats d'ultradroite et d'extrême droite en France. À Romans-sur-Isère, remercions-les d'avoir permis d'éviter un scénario à l'irlandaise. Des policiers ont pu interpeller une dizaine de personnes, qui ont été présentées aux services de M. le Garde des Sceaux et condamnées, quelques heures après leur interpellation, à des peines extrêmement fermes, que l'on a critiquées, mais qui sont l'honneur de la justice de notre pays.
Nous promettons les dissolutions, comme nous l'avons fait pour Génération identitaire et une dizaine d'associations et de groupuscules d'extrême droite. Je regrette que vous ne nous ayez pas accompagnés sur cette question, puisque votre groupe a voté contre la loi confortant le respect des principes de la République qui permet de dissoudre les associations fascistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
Les dissolutions n'ont pas attendu la loi séparatisme ! Vous n'étiez pas né et déjà il était possible de dissoudre ! Vous êtes un sophiste !
Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, la barbarie se déchaîne dans notre pays et la liste des victimes s'allonge. De l'utilisation d'armes de guerre à celle de couteaux de cuisine, cet ensauvagement n'épargne plus aucun endroit. Chez soi, à l'école, au supermarché, à la campagne ou à la ville : partout s'installe une terreur quotidienne. Mais vous restez plus prompt à dénoncer la légitime indignation de l'opposition qu'à condamner les auteurs de ces violences. Nos vies sont donc plus que jamais en sursis, comme en témoignent les assassinats de Thomas, Lola et Enzo, la mort tragique de Sokayna, Fayed, d'un homme de 55 ans victime des trafics de drogue, ou encore l'agression de deux retraités, il y a deux jours, à Amboise.
L'autorité légitime de l'État ne fait plus peur .
Mme Christine Arrighi s'exclame
Rien d'étonnant, lorsque l'on sait que l'un des agresseurs présumés de Thomas a déjà écopé d'une amende de 200 € pour port d'arme, alors que le troisième alinéa de l'article L. 317-8 du code de sécurité intérieur prévoit, pour les armes de catégorie D, une amende de 15 000 € et un an d'emprisonnement.
Vous allez sans doute me répondre que le nombre des peines augmente. Mais elles restent toujours bien inférieures à la montée de la violence dans notre société. Le rôle de la justice est de dissuader, punir et réparer. Or elle ne remplit aucun de ces critères. Que comptez-vous faire afin que notre justice joue son rôle, pour que plus jamais des jeunes n'aient à porter le cercueil de leurs amis de 16 ans, ou que des petits-enfants n'aillent visiter à l'hôpital leurs grands-parents, victimes de tentatives d'assassinat ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre indécente démagogie
Protestations sur les bancs du groupe RN
fait que vous n'avez pas voulu entendre les mots du grand-père du petit Thomas. Vous préférez opposer la France rurale et tranquille, catholique et blanche, à la France des cités, la France des Mohamed, des Mouloud et des Rachid.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Le ministre de l'intérieur et moi-même faisons en sorte que les trafiquants de drogue et les criminels qui sont dans les cités soient interpellés et jugés de plus en plus sévèrement.
Mais je pense aussi à nos compatriotes, aux « Français de préférence » qui vivent dans ces cités et qui ne méritent pas de lire sur les murs « mort aux Arabes ». Nos frères juifs ont peur. Nos frères musulmans ont peur aussi.
Les députés du groupe RN quittent l'hémicycle.
Vos propos sont incendiaires, ils amènent dans la rue des militants de l'ultradroite, qui sont bien plus proches de vous que de moi. Pour être crédibles, faites le ménage ; chassez de vos rangs les gudards, les identitaires, les nazillons, les racistes, les antisémites, qui sont planqués dans vos officines économiques et qui viennent d'être sévèrement condamnés par la cour d'appel de Paris.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Dem.
Les Français ne sont pas dupes. Vous ne réussirez pas votre entreprise malsaine. Les Français savent que le général Oufkir et Manouchian ne s'appelaient ni Bernard, ni Marcel.
Vous êtes en réalité le miroir inversé de l'extrême gauche.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
M. le garde des sceaux désigne la gauche de l'hémicycle
ils nous font croire que nous détestons les musulmans. Vous ,
M. le garde des sceaux désigne la droite de l'hémicycle
qui n'êtes plus présents, vous faites croire que les blancs sont menacés. Personne n'est dupe.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne parle pas des communistes mais de l'extrême gauche, vos amis, au-dessus de vous.
Ma question aurait pu intéresser les députés du Rassemblement national…
Madame la Première ministre, ces derniers jours, des milliers de nos concitoyens ont reçu un avis de taxe d'habitation.
Recevoir un courrier de l'administration fiscale n'a, certes, rien d'étonnant, mais il est autrement plus incongru que des enfants en aient été destinataires ! Comment en est-on arrivés à cette situation ubuesque ? Eh bien, parce que l'administration a décidé de tout automatiser, en confiant la gestion des impôts locaux à la plateforme « gérer mes biens immobiliers ». Les contribuables auraient donc commis des erreurs en renseignant leurs données. Or, il ne s'agit pas d'un simple bug informatique, qui aurait provoqué des erreurs à la marge.
C'est un problème plus profond et grave, révélateur d'une dérive d'hypercentralisation, déconnectée de tout bon sens. Les Français font face dans leurs démarches à de vraies difficultés, que l'administration entretient et amplifie.
Notre pays détient le bien triste record du niveau d'imposition, de taxe et de cotisation le plus élevé d'Europe.
Pourtant, nos services publics sont de moins en moins efficients, de moins en moins présents dans nos territoires. Nos compatriotes n'ont plus d'interlocuteurs en face d'eux. Malgré leur bonne volonté, ce ne sont pas les agents de maisons France Services qui pourront tout régler. On voit le résultat de la renationalisation de la taxe d'habitation, qui, n'étant plus un impôt local, a perdu l'efficacité de nos territoires qui maîtrisaient parfaitement le sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, ma question est la suivante : quand en finirons-nous avec cette technocratie qui se pose en nouvelle classe dirigeante et prend des décisions déconnectées de la réalité de nos concitoyens…
…aboutissant à des situations surréalistes ? Le pouvoir décisionnel de l'administration fait reculer celui des élus de terrain. Êtes-vous prête à redonner à chacun son rôle et le sens de sa mission ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Je vous prie d'excuser l'absence de Bruno Le Maire, qui…
…est en Nouvelle-Calédonie. Mais je suis là pour vous apporter une réponse.
Bruno Le Maire l'a dit clairement la semaine passée : il ne s'agit pas d'un bug de la plateforme « Gérer mes biens immobiliers », mais bel et bien d'une erreur dans un processus que l'on peut qualifier d'industriel,…
…puisqu'il regroupe 39 millions de foyers fiscaux, 24 millions de propriétaires et 4 millions d'avis de taxe d'habitation sur les résidences secondaires émis chaque année. Il n'est pas question de nous défausser de cette erreur en disant que la machine a mal géré. C'est l'humain et le processus lui-même qui sont en cause, et c'est entièrement notre faute. J'ai à cœur de le préciser.
Chaque année, nous recevons entre 250 000 et 440 000 contestations de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires dont la large majorité est liée à des changements d'adresse non signalés. C'est encore la raison principale des avis envoyés à tort cette année,…
J'ai reçu un avis de taxe d'habitation sur les résidences secondaires pour ma permanence !
…par exemple quand des locataires ne nous ont pas signalé leur changement d'adresse sur leur déclaration automatique de revenus alors que les propriétaires, eux, l'ont fait. Résultat : deux adresses pour une même personne, ce qui entraîne l'émission d'un avis de taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Ce problème concerne principalement les jeunes, qui déménagent souvent. J'insiste donc sur la nécessité pour chacun de vérifier et de modifier son adresse, même sur les déclarations automatiques.
Bruno Le Maire a précisé que la correction de l'erreur serait automatique ; en un mot, il n'y a rien à faire.
La direction générale des finances publiques est en train de corriger l'erreur et elle s'en excuse.
Mme Nadia Hai applaudit.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur Darmanin, vos services ont-ils peur du contrôle citoyen sur les élections ?
Gravée auparavant dans le code électoral, l'annexion des listes de procurations aux procès-verbaux de chaque bureau de vote a été supprimée par le décret du 11 mars 2021. Celui du 22 décembre confirme que les listes doivent rester en mairie. Enfin, la circulaire du 31 décembre 2021, à quatre mois de l'élection présidentielle et à cinq mois des législatives, a ordonné aux maires de ne plus annexer ces listes aux procès-verbaux.
Cet enchaînement méticuleux rend techniquement impossible la vérification d'un scrutin, car la préfecture n'est plus le lieu centralisateur. En dix jours, délai imparti pour un recours, prendre rendez-vous dans les vingt-deux mairies de ma circonscription est quasiment impossible. Pour celles composées de centaines de communes, cela relève du miracle – une capacité peu commune chez les candidats.
Le matériel électoral peut toujours être rapatrié au Conseil constitutionnel sur la demande d'un avocat, qu'il faut payer 3 000 euros pour ce qui se faisait gratuitement en préfecture. Il faut ensuite consulter le tout à Paris, et ce, en une demi-journée. Une gageure !
Nous l'avons pourtant fait pour ma circonscription de Charente : sur 134 procurations manuscrites, 64 n'existaient pas. Le résultat s'étant joué à 24 voix, cela laisse pour le moins perplexe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Des personnes malhonnêtes en ont profité pour tricher.
Triche en Charente, erreurs de bulletins dans les bureaux de l'Ariège, professions de foi non distribuées un peu partout… Comment comptez-vous corriger le tir pour les élections européennes de juin prochain afin d'éradiquer ces pratiques qui abîment notre démocratie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Monsieur le député, je n'ai pas tout à fait compris votre question. S'il y a eu 64 erreurs dans les procurations et que vous avez gagné avec 24 voix d'avance, cela pose la question de votre présence dans l'hémicycle.
Vous posez la question de l'accès aux documents électoraux, qui sont la preuve que le scrutin s'est déroulé dans de bonnes conditions, lorsque l'on peut les vérifier, et qui servent, le cas échéant, de support à sa contestation. Cette question m'étonne : premièrement, vous ne faites manifestement pas confiance aux maires de votre circonscription,…
…puisque c'est à la mairie que l'on conserve les listes électorales pour permettre les vérifications dans un délai de quarante-huit heures. Je ne saurais trop vous recommander d'avoir confiance en eux ; ils n'agissent pas en tant qu'élus, mais en tant que représentants de l'État.
Ce n'est pas un problème de confiance, mais d'impossibilité matérielle de vérifier !
Deuxièmement, vous n'êtes pas obligé d'être le seul à vérifier les listes électorales. Vous pouvez évidemment déléguer cette tâche à d'autres personnes ; c'est tout à fait possible et c'est même moins complexe que de se rendre en moins de quarante-huit heures au centre-ville de la préfecture, où il fallait parfois batailler pour récupérer le matériel électoral dans les délais, comme chacun ici l'a sans doute vécu.
Troisièmement, vous pouvez toujours photographier les listes électorales.
Quatrièmement, vous avez tout à fait le droit d'en demander une ampliation. Ces documents ont tous été validés par le Conseil d'État, juge de l'élection.
M. Didier Parakian applaudit.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Devant vous, je souhaite rendre hommage à Alan, ce jeune Ardennais de 17 ans qui a fait preuve d'un courage exceptionnel lors de l'attaque au couteau qui a eu lieu en Irlande la semaine passée.
Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
En effet, le 17 novembre dernier, Alan, élève de terminale au lycée des métiers de Bazeilles, en stage dans un restaurant de Dublin, a été témoin d'une violente attaque à l'arme blanche. Aidé d'un livreur brésilien, Alan est parvenu à désarmer l'agresseur, se blessant légèrement aux mains et au visage. Au cours de cette attaque, l'homme a poignardé cinq personnes, dont trois enfants ; l'un des trois enfants et une enseignante ont été grièvement blessés. Armé de son courage et au péril de sa propre sécurité, Alan, par son intervention, a probablement permis d'éviter le pire.
À n'en pas douter, Alan est un héros.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sitôt les évènements connus, le Président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, ont appelé le jeune lycéen pour le remercier au nom de la patrie.
M. Maxime Minot désigne M. Pierre Cordier.
…c'était pour moi une évidence que de saluer devant vous le courage et le sang-froid exceptionnels dont Alan a fait preuve et de lui témoigner la reconnaissance de la représentation nationale.
Nelson Mandela disait : « Le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de vaincre ce qui fait peur ». À n'en pas douter, Alan a vaincu sa peur pour réaliser cet acte de bravoure, à l'instar de Mamoudou Gassama, ce jeune Malien de vingt-deux ans qui, en 2018, a sauvé un enfant de quatre ans suspendu dans le vide, en escaladant la façade d'un immeuble parisien, ou encore de ces quatre élèves du lycée Maillol de Perpignan qui, le 30 mars 2023, ont sauvé de la noyade une mère et son jeune fils. Nous pouvons être fiers de cette jeunesse courageuse, responsable et solidaire.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Merci infiniment pour votre question sur l'intervention de ce jeune Français, élève de terminale dans votre magnifique département des Ardennes. Par son courage, Alan a permis d'arrêter un homme dangereusement armé à Dublin, il y a quelques jours. Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui ont témoigné la sincère reconnaissance de la patrie pour son courage et je vous remercie de me donner l'occasion de saluer à mon tour, au nom du Gouvernement, son action héroïque, qui fait l'honneur de la République.
Dans une situation critique, Alan, malgré son jeune âge, a montré une détermination sans égale, en agissant avec calme et altruisme. Cet acte de bravoure nous rappelle notre chance d'avoir une jeunesse engagée, qui n'hésite pas à prendre des risques au nom du principe de solidarité. À travers Alan, c'est cette jeunesse courageuse que je souhaite mettre en avant. Comme d'autres jeunes avant lui, Alan incarne l'engagement républicain. C'est à ce titre que je le rencontrerai prochainement au ministère de l'intérieur, avec le ministre de l'intérieur, vous-même et tous les parlementaires qui voudront bien se joindre à nous pour lui rendre hommage.
Le ministre de l'intérieur a déjà prévu de le décorer. Il existe, dans notre pays, un certain nombre de médailles mais, pour ma part, j'ai une proposition supplémentaire : Je souhaite que nous réfléchissions, avec les deux chambres, à la création d'une distinction spécifique pour saluer l'expression des valeurs universalistes de la République par notre jeunesse, à commencer par celle de la citoyenneté, magnifique sujet dont je suis en charge. L'invitation est lancée ; je vous attends au ministère de l'intérieur.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. William Martinet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur le modèle économique des entreprises de crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements (n° 1110, 1862).
La parole est à M. William Martinet, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je suis chargé de vous présenter la proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête parlementaire sur le modèle économique des crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants.
Vous noterez que le périmètre de cette commission d'enquête a évolué depuis le passage du texte en commission des affaires sociales. En effet, il ne s'agit plus seulement d'enquêter sur les entreprises de crèches, mais d'aborder le modèle économique de toutes les crèches, quel que soit leur gestionnaire – public, associatif ou privé lucratif. Un tel élargissement, permis par l'adoption d'amendements du groupe Les Républicains, illustre le caractère transpartisan de la commission d'enquête. C'est une évolution positive qui nous donnera davantage de marge de manœuvre pour remplir l'objectif qui doit tous nous rassembler : défendre l'intérêt des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Accueillir un enfant dans une crèche implique de répondre à ses besoins premiers : alimentation, hygiène, sommeil. Mais la recherche scientifique nous a conduits ces dernières années à une prise de conscience : nous savons désormais que les besoins des enfants sont infiniment complexes. Les personnes qui s'en occupent doivent assurer leur sécurité physique, mais aussi affective, et leur offrir un cadre permettant leur développement. Garantir la qualité de l'accueil des enfants dans une crèche, c'est, en résumé, construire un environnement protecteur et bienveillant dans lequel leurs besoins sont une priorité.
La question qui se pose à nous est donc la suivante : le modèle économique des crèches – c'est-à-dire leur financement, l'organisation du travail en leur sein et, le cas échéant, la recherche de rentabilité – permet-il de garantir un environnement protecteur et bienveillant ?
« Non ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Malheureusement, le doute et l'inquiétude règnent à ce sujet.
Nous gardons en mémoire le décès d'une petite fille, survenu en juin 2022 dans une microcrèche du groupe People & Baby. Cet événement, dramatique et, nous l'espérons, exceptionnel, a libéré la parole. Les témoignages des parents et des personnels se sont accumulés et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en a tiré un rapport accablant. Chacun a pu prendre conscience de l'existence d'une maltraitance institutionnelle, qui repose sur un déni de prise en compte des besoins des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je pense au non-respect du rythme des bébés, qui n'est pas compatible avec les cadences infernales, avec les soins prodigués à la chaîne et avec l'organisation quasi industrielle du travail dans certains établissements. Je pense aussi au non-respect du besoin de référence, qui renvoie à la construction d'un lien affectif entre l'adulte et l'enfant qu'il accueille. Un tel lien est impossible à mettre en œuvre lorsque les professionnelles concernées sont précaires, interchangeables et soumises à un important turnover.
Ce dont je voudrais vous convaincre, chers collègues, c'est que la maltraitance ne tombe pas du ciel. Elle ne peut pas non plus se résumer à une succession d'erreurs individuelles ou d'actes malveillants : elle trouve son origine dans le modèle économique des crèches.
Rappelons quelles sont les sources de financement d'un établissement d'accueil de jeunes enfants : d'abord, les frais d'inscription payés par les parents, qui sont parfois prohibitifs, surtout lorsqu'il s'agit de microcrèches ; ensuite, le financement de la CAF – caisse d'allocations familiales –, que certains comparent à la tarification à l'acte du milieu hospitalier, car il pousse de la même façon à faire du chiffre au détriment de la qualité ; enfin, le tiers financeur, le plus souvent la commune, pour qui la petite enfance ne relève pas d'une compétence, qui ne dispose pas de financements dédiés et dont les budgets sont déjà exsangues.
Le corollaire de la faiblesse de ces financements, c'est la difficulté à proposer des salaires attractifs pour recruter des professionnelles qualifiées. Le métier est aussi exigeant que les rémunérations sont faibles : la plupart des professionnelles sont au Smic et même les plus diplômées d'entre elles, éducatrices de jeunes enfants (EJE) ou infirmières puéricultrices, commencent leur carrière à peine plus haut que le salaire minimum.
Voilà pourquoi le secteur est confronté à une grave pénurie : selon la CAF, 10 000 places sont fermées faute de professionnelles. Mais au-delà des places fermées, il faut imaginer la souffrance qui se fait jour dans un collectif de travail mis en tension par le sous-effectif, le sentiment de ne pas faire son travail correctement, la culpabilité de prendre des jours de congé ou de se mettre en arrêt maladie, et l'épuisement professionnel se traduisant parfois par un burn-out.
Voilà plus d'une décennie que la réponse politique à la pénurie consiste principalement à baisser les exigences en matière de qualification des professionnelles. Ce mouvement de dérégulation a aggravé le problème qu'il prétendait traiter : moins les professionnelles sont qualifiées et moins elles sont nombreuses, plus les conditions de travail se dégradent. L'attractivité du métier n'a malheureusement jamais été aussi faible.
Résumons : il y a d'un côté des financements insuffisants, de l'autre une pénurie de professionnelles qualifiées. Il paraît donc difficilement contestable que le modèle économique des crèches est à revoir. Il produit une qualité d'accueil des enfants que l'Igas a pudiquement qualifiée d'« hétérogène ». En d'autres termes, il n'est pas possible de garantir que partout, quoi qu'il arrive, les enfants seront bien traités ; en tant que parlementaires, un tel constat devrait suffire pour nous pousser à agir.
Mêmes mouvements.
S'ajoute à cette difficulté générale l'enjeu spécifique du secteur privé lucratif, qui n'est plus l'unique objet de cette commission d'enquête, mais n'a pas pour autant disparu de son périmètre. Il y a vingt ans a été créé un système très avantageux pour les opérateurs privés, notamment grâce à un crédit d'impôt dédié, le très mal nommé crédit d'impôt famille (CIF), qui bénéficie essentiellement aux grandes entreprises. Certains parlent d'un « business biberonné à l'argent public » ; l'Igas évoque plus sobrement un « surcalibrage des financements publics ».
Le privé lucratif est hyperdéveloppé – il représente 80 % des ouvertures de crèches ces dix dernières années –, hyperconcentré – quatre grands groupes gèrent les trois quarts des berceaux privés – et hyperfinanciarisé – les grands groupes sont contrôlés par des fonds d'investissement. Et les fonds d'investissement en question sont capitalisés à hauteur de plusieurs milliards d'euros. Ils ont dans leur portefeuille aussi bien des crèches en France que des pipelines en mer du Nord, de la fibre optique aux Pays-Bas et des lignes ferroviaires en Italie.
Il faut donc bien comprendre que les établissements des grands groupes, malgré leurs noms chaleureux – Les Clochettes, La Maison Kangourou, Lapins et compagnie –, sont soumis à de froides exigences de rentabilité de la part des investisseurs, et que cette financiarisation a indéniablement produit des dérives.
Dans l'ouvrage Le Prix du berceau, publié par les journalistes Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, nous apprenons qu'un de ces grands groupes, Les Petits Chaperons rouges, a instauré un système de primes encourageant à faire des économies sur l'alimentation des tout-petits. Ainsi, dans certaines crèches, le nombre de repas commandés était inférieur au nombre de bébés inscrits, les directions d'établissement misant sur l'absence habituelle de plusieurs enfants. Lorsque, par malheur, il n'y avait pas d'absents, tant pis, les portions étaient divisées et les enfants ne mangeaient pas à leur faim ! Chers collègues, qui peut rester sans réaction face à de telles dérives ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les alertes nous viennent de partout. Selon l'Igas, « la régulation insuffisante du secteur marchand peut laisser prospérer des stratégies économiques préjudiciables à la qualité d'accueil ».
« Voyant rouge sur le modèle économique des crèches privées lucratives », juge de son côté l'Unaf, l'Union nationale des associations familiales. Je pourrais encore citer le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), l'association UFC-Que choisir ou encore le collectif Pas de bébés à la consigne. Tous demandent – chacun à sa façon – que la lumière soit faite sur le système.
Le risque est que se produisent, dans le secteur de la petite enfance, les mêmes dérives que dans celui des Ehpad. Tout le monde ici se souvient des scandales Orpea et Korian. Eh bien, je vous le dis : il nous faut enquêter dès aujourd'hui pour éviter que, demain, éclate un scandale qui serait en quelque sorte l'Orpea de la petite enfance.
Parce que nous n'avons plus l'excuse de l'ignorance. Nous sommes informés des risques de la financiarisation du médico-social. Nous connaissons les problèmes spécifiques posés par la cohabitation entre lucrativité et prise en charge de publics vulnérables. Nous savons que la puissance publique doit prendre ses responsabilités.
Cela ne signifie pas – comprenons-nous bien – que je vous demande, par ce vote sur la création d'une commission d'enquête, de vous prononcer pour ou contre l'ouverture du secteur de la petite enfance aux acteurs privés. Sur ce point, vous connaissez la position de mon groupe parlementaire. Les Insoumis considèrent que certaines périodes de la vie, comme la petite enfance ou le grand âge, et certaines activités sociales, comme l'éducation ou le soin, devraient être préservées de la recherche de lucrativité. Vous pouvez cependant penser le contraire et estimer qu'une meilleure régulation du secteur privé constituerait une réponse suffisante.
Avec ce vote, nous vous demandons de tenir compte des alertes émises ,
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES
d'entendre que ce système a donné lieu à des dérives et de donner à la représentation nationale les moyens d'enquêter pour pouvoir enfin agir.
Je m'adresserai même à présent à ceux qui sont le plus convaincus de la pertinence d'une ouverture du secteur de la petite enfance aux acteurs privés lucratifs. Au fond, de quoi avez-vous peur ? Si vous votez pour cette commission d'enquête, vous pourrez ensuite y participer et défendre votre point de vue. Elle sera composée à la proportionnelle des groupes de l'Assemblée nationale et ses auditions seront publiques. Il faudrait que vos convictions soient bien fragiles pour qu'elles craignent le débat argumenté d'une commission d'enquête.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.
Je tiens à vous préciser qu'une telle commission est très attendue et que nos débats sont particulièrement observés. Je pense aux parents des 460 000 enfants accueillis en crèche, dont l'inquiétude est grandissante. Ils savent que le système dysfonctionne et qu'il existe un risque pour leurs enfants. Ils se posent alors des questions qu'aucun parent ne devrait se poser : mon enfant a-t-il mangé à sa faim ? D'où viennent les ecchymoses apparues sur son bras ? Les professionnels ont-ils eu le temps de lui donner à boire et de changer sa couche ?
Face à ces inquiétudes, les parents se retrouvent, pour l'instant, bien seuls. Il est parfois difficile de se faire entendre d'une administration ou d'un grand groupe privé. S'exprimer en public ou engager une procédure judiciaire, c'est prendre le risque de voir une plainte déposée en représailles ou même de perdre la place qu'on a eu toutes les difficultés du monde à trouver. Ces parents méritent que nous soyons à leurs côtés et que nous mettions les moyens de l'Assemblée nationale à leur disposition pour obtenir la transparence et corriger un système défaillant.
Par notre vote, ne donnons pas l'impression que nous cherchons à enterrer un scandale, à éviter un sujet qui fâche. Ne donnons pas l'impression que nous serions les relais d'un lobby ou d'intérêts privés – et je sais qu'ils se sont fortement activés en coulisses. Assumons notre rôle de parlementaires, garants de l'intérêt général. Quelque chose ne tourne pas rond dans le monde des crèches, l'intérêt de nos enfants est en jeu, alors enquêtons !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également, ainsi que M. Jérôme Guedj.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Aujourd'hui, les jeunes parents de ce pays nous regardent, car nous avons l'occasion de lancer ensemble une commission d'enquête parlementaire sur le modèle économique des crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants. Je remercie mon collègue William Martinet pour cette initiative salutaire.
Car voilà des années que les professionnels du secteur de la petite enfance – comme le collectif Pas de bébés à la consigne, mobilisé depuis 2018 – nous alertent sur la dégradation de leurs conditions de travail et donc de la qualité de l'accueil des petits. Les professionnelles décrivent le manque de personnel, les taux d'encadrement toujours plus insuffisants, le recours à du personnel peu qualifié ou la nécessité, parfois, d'accueillir des enfants en surnombre. En raison de la précarité ainsi entretenue et d'un quotidien émaillé de situations difficiles, ces femmes – car elles sont majoritaires dans ce secteur – sont non seulement épuisées, mais tout près d'adopter des pratiques qu'elles jugent elles-mêmes potentiellement maltraitantes.
Jusqu'au drame. En juin 2022, une petite fille est morte après qu'une employée de crèche lui a fait ingérer du Destop. Il aura fallu l'horreur, la concrétisation du pire cauchemar de tout parent qui confie son enfant lorsqu'il va travailler, pour qu'enfin on entende les mises en garde et que l'Inspection générale des affaires sociales enquête et alerte à son tour les pouvoirs publics sur l'existence d'une maltraitance institutionnelle dans les crèches de notre pays.
Une « maltraitance institutionnelle ». La première fois que j'ai entendu cette expression, c'était au moment du scandale Orpea, lorsque j'ai écouté, comme beaucoup d'entre vous, des aides-soignantes en larmes parler de leurs conditions de travail en Ehpad et du sentiment de ne plus pouvoir, sous la pression, exercer leur métier dignement. Elles expliquaient qu'elles se sentaient inhumaines car maltraitantes, alors que leur volonté première était au contraire de prendre soin. La France découvrait alors, effarée, les économies faites sur les repas, les protections hygiéniques, les soins chronométrés irréalisables dans le temps imparti, l'impossibilité de prendre le temps de parler et d'écouter – bref, le porte-monnaie comme maître du temps.
Or nos tout jeunes enfants ont ceci en commun avec nos anciens qu'ils sont dépendants de nous pour leur bien-être comme pour leur survie. Deux édifiantes enquêtes journalistiques révèlent des pratiques tout aussi inquiétantes pour les petits dans certaines crèches : des repas rationnés et insuffisants, des enfants qui restent dans leur couche souillée toute la journée, leur rythme de sommeil perturbé, et bien sûr un nombre insuffisant de professionnelles, épuisées physiquement comme psychiquement, face à des enfants trop nombreux.
La façon dont nous prenons soin de ceux qui sont en situation de dépendance dit beaucoup de nous. C'est une question de santé publique, mais aussi une vraie question morale. Quelle société voulons-nous ? Et nous, parlementaires, que faisons-nous pour empêcher les dérives, pour protéger les plus fragiles ?
« Les mille premiers jours de vie d'un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c'est là qu'on construit parfois le pire et qu'on peut bâtir le meilleur. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais Emmanuel Macron, le 25 avril 2019. En effet, la recherche en neurologie montre que la petite enfance est une période clé dans le développement cérébral, émotionnel et social. C'est de cela que nous parlons aujourd'hui. Alors, soyons à la hauteur !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La pression est énorme pour les parents : sans mode de garde, il est impossible pour au moins l'un d'entre eux – bien souvent la mère – de travailler, ce qui n'est pas sans conséquences en matière de précarité pour la famille, surtout si elle est monoparentale.
Les places manquent dans les crèches, en particulier publiques, ce qui pousse les parents à se rabattre sur les crèches privées. Et dès lors que la demande est supérieure à l'offre, certains ne tardent pas à voir une manne financière derrière cette mission de service public. Des établissements privés imposent des prix exorbitants, couplés à des logiques de rentabilité à l'excès, le tout encouragé par l'État lui-même à coups d'aides au financement et de crédits d'impôt.
Ces dix dernières années, 80 % des berceaux ont été ouverts par des entreprises de crèches, pour l'essentiel adossées à des fonds d'investissement. Or le dernier rapport de l'Inspection générale des affaires sociales nous apprend que l'arrivée de ces fonds d'investissement au capital des entreprises de crèches coïncide avec une politique de compression de la masse salariale. Autrement dit, on économise sur les rémunérations et les embauches pour maximiser les marges, au détriment des enfants.
Alors oui, il est urgent d'enquêter sur le modèle économique des crèches et sur ses conséquences sur les conditions d'accueil de nos enfants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En commission, le périmètre de l'enquête a été élargi à tous types de crèches. Tant mieux ! Collègues, enquêtons ensemble ! Notre rôle est de contrôler l'action publique et l'utilisation des fonds publics. Voilà une belle occasion d'exercer nos prérogatives de façon transpartisane au service de l'intérêt général.
Face aux multiples alertes, les parents et futurs parents de ce pays ne comprendraient pas un recul de notre assemblée. Je le dis à nos collègues qui préfèrent légiférer d'abord : oui, agissons ! Rien ne nous empêche de légiférer dès maintenant, mais enquêtons aussi pour agir mieux encore.
Votez pour la création de cette commission d'enquête. Votez pour les professionnelles de la petite enfance, pour les parents, pour vos enfants, pour vos petits-enfants, pour vos neveux ou pour ce bébé croisé dans le métro qui a illuminé votre journée par son sourire. Ensemble, assurons-nous qu'il ne soit pas ou plus permis de faire des économies qui menaceraient notre plus grande richesse, notre avenir littéralement : nos tout-petits.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. le rapporteur et M. Jérôme Guedj applaudissent également.
Nous voici réunis pour examiner une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur le modèle économique des entreprises de crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements.
Les mots ont un sens et il me semble important d'approfondir ceux que vous avez utilisés, monsieur le rapporteur, afin de mieux comprendre l'esprit qui vous anime. Vous souhaitez « dévoiler le caractère institutionnel de la maltraitance et le système économique où celle-ci trouve son origine ». Vous parlez de « marchandisation du secteur de la petite enfance, décidée à bas bruit en 2004 ». Vous remettez en cause des « décisions politiques prises il y a vingt ans ». Vous remettez en cause l'accès des acteurs privés aux « subventions de fonctionnement et d'investissement de la caisse d'allocations familiales ». Vous remettez même en cause la « délégation de service public » en soi.
Toutefois, les crèches privées n'ont-elles pas besoin d'un agrément de la PMI, la protection maternelle et infantile, pour fonctionner ? Et ne sont-elles pas soumises à des obligations si elles veulent recevoir des fonds publics de la CAF ? Ces décisions prises il y a vingt ans et que vous dénoncez n'ont-elles pas permis de développer des solutions de garde collective pour les parents qui en avaient besoin ?
Vous souhaitez que soit créée une commission d'enquête et qu'on vous confie la mission de la rapporter. Pourtant, lorsqu'on enquête, on pose des questions. Or vous semblez déjà, par avance, avoir condamné tout un secteur dans son ensemble en procédant par affirmations globalisantes plutôt que par questionnements.
Oui à des enquêtes pour identifier les dysfonctionnements et y remédier, mais non au présupposé selon lequel tout acteur privé serait malintentionné et ne pourrait pas gérer un service public en assurant la qualité d'accueil des enfants !
En France, plusieurs dizaines de milliers de places de crèches sont gérées par des acteurs privés. Elles répondent à des besoins des familles. Certaines s'inscrivent même dans des délégations de services publics conçues et suivies avec attention par des collectivités locales compétentes en matière de petite enfance. Des milliers de professionnels qualifiés s'y impliquent avec dévouement au service des enfants qui leur sont confiés. Je souhaite saluer leur engagement, car certains des mots que nous venons d'entendre ont pu les blesser injustement.
Bien sûr, comme dans tout secteur professionnel, il peut exister des dysfonctionnements. Il faut les reconnaître et travailler sans relâche pour les corriger, mais on ne peut laisser penser que les acteurs privés ne seraient pas contrôlés. La protection maternelle et infantile suit toutes les structures, quel que soit leur statut. Les contrôles de la PMI sont réguliers et leurs recommandations pour l'obtention d'agrément sont exigeantes.
De son côté, la caisse d'allocations familiales veille aux actions menées qui donnent droit au versement de prestations. Le suivi financier et comptable est lui aussi exigeant.
On ne peut pas laisser dire que toute gestion du service public de la petite enfance par des acteurs privés serait, en soi, porteuse de maltraitance et synonyme de détournements de fonds publics.
Ces insinuations sont graves. Nous ne partageons pas votre philosophie, monsieur le rapporteur.
Les collectivités locales font parfois le choix, quand cela leur semble pertinent – et cela relève de leur libre administration –, de déléguer le service public de la petite enfance en confiant la gestion de centres multiaccueil à des acteurs privés.
Déléguer ne signifie pas ne pas contrôler. D'ailleurs les cahiers des charges conçus par les élus peuvent être exigeants…
…et promouvoir des innovations qualitatives. Les acteurs privés ont créé des places dont les familles de France ont besoin. Il serait injuste de les condamner uniquement à cause de leur statut privé.
Cela étant dit, la qualité d'accueil des jeunes enfants au sein des crèches, haltes-garderies et centres multiaccueil nous préoccupe. Au vu des drames que vous avez cités, les pouvoirs publics doivent redoubler de vigilance. Nous tenons d'ailleurs à saluer l'engagement continu des collectivités, de la PMI, de la CAF et de tous les acteurs mobilisés pour l'améliorer.
Cela passe par des bâtiments adaptés, mais aussi par des équipes mieux formées et enfin par une gouvernance qui associe les partenaires et les parents à l'évaluation continue de la qualité d'accueil. De bonnes pratiques existent déjà, dans le public comme dans le privé. Œuvrons à les diffuser et à les promouvoir, car c'est bien en valorisant ce service de qualité que nous assurerons l'attractivité de ce secteur.
Je rappelle au passage que les besoins en recrutement sont importants.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cette proposition de résolution qui, en l'état, condamne a priori toute gestion privée d'un service public, mettant dans le même sac tout un secteur alors qu'il ne faut pas généraliser des dysfonctionnements dont nous ne nions pas l'existence et auxquels il faut remédier avec détermination.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Soyons exigeants envers tous les acteurs de la petite enfance, quel que soit leur statut, car les enfants représentent l'avenir de notre nation. Nous devons les protéger et leur permettre de grandir dans les meilleures conditions.
Les enfants dont les parents font le choix de confier la garde à des structures d'accueil collectif doivent être ainsi bien accueillis, dans de bonnes conditions.
À tous ceux qui travaillent en ce sens, partenaires comme professionnels, nous adressons nos encouragements à poursuivre avec détermination dans cette voie et exprimons notre sincère reconnaissance. Car leur métier effectué au service des enfants a du sens. Les parents ont besoin d'eux, la France a besoin d'eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Michèle Peyron applaudit également.
Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur l'opportunité de la création d'une commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements. Si un tel projet semble louable, il apparaît que, malgré un titre alléchant, le contenu n'y est pas et, qui plus est, que cette demande arrive à contretemps.
Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que, depuis un an, l'Assemblée nationale dispose d'une délégation aux droits des enfants qui s'est saisie de plusieurs questions, notamment celle qui nous intéresse aujourd'hui.
En effet, nous avons mené un cycle d'auditions en début d'année sur ce sujet, recevant le ministre d'alors, Jean-Christophe Combe, des représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, de la caisse d'allocations familiales et des syndicats et fédérations des professionnels de la petite enfance et de l'Igas, laquelle a rendu un rapport très complet démontrant la nécessité d'agir, bien avant d'ailleurs les livres polémiques sur la question. Devant cette urgence à agir en faveur de l'intérêt supérieur de l'enfant, nous avons délégué à deux collègues, Michèle Peyron et Isabelle Santiago, en raison de leur connaissance préalable du sujet, la mission de faire rapidement des propositions pour améliorer la situation actuelle ; après de nombreuses auditions, elles ont rendu leur rapport d'information, axé sur les perspectives d'évolution de la prise en charge dans les crèches et uniquement sous le prisme du bien-être des enfants. Je tiens d'ailleurs à les remercier une nouvelle fois pour ce travail de grande qualité.
Mais, monsieur le rapporteur, votre proposition de résolution porte une accusation à charge contre les crèches. Certes, votre rôle dans l'opposition est forcément plus simple, puisqu'il suffit de dire que ce qui ne va pas, c'est de la faute du Gouvernement et de la majorité présidentielle… Notre rôle dans la majorité, c'est de ne pas céder à la facilité, de faire avec le réel et de tenter de l'améliorer ! Je dis « tenter », car nous devons avoir la modestie de penser que la loi ne peut pas tout. Voilà pour la forme.
Sur le fond, mon inquiétude est double. Tout d'abord, à lire l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, il apparaît que vos conclusions, déjà toutes faites, sont pour le moins caricaturales : pour vous, les entreprises, c'est mal ! Comme cela a déjà été le cas avec la commission d'enquête sur les Uber Files, qui a fait pschitt, la démarche que vous nous proposez ne risque pas de nous apprendre grand-chose ! Nous disposons de tous les documents nécessaires pour améliorer les conditions d'accueil des tout-petits : je pense au rapport de l'Unaf, au rapport de l'Igas, au rapport sur la protection maternelle et infantile de notre collègue Michèle Peyron et évidemment au rapport d'information de la délégation aux droits des enfants.
La création d'une commission d'enquête ne ferait que retarder les actions qui pourraient être mises en pratique, à savoir nous concentrer plus tôt sur les recommandations émises par le rapport d'information de la délégation aux droits des enfants, recommandations qui ont été formulées dans l'unique intérêt des enfants et que vous-même, monsieur Martinet, avez reconnues intéressantes. Ce rapport apporte également des éléments que vous n'évoquez même pas : je pense à la prise en compte des avancées des neurosciences dans le domaine de l'accueil du jeune enfant, grâce auxquelles les besoins spécifiques des enfants en bas âge sont mieux compris et qu'il est impératif d'intégrer dans nos politiques publiques. Ignorer ces avancées reviendrait à négliger les fondements mêmes du développement de nos enfants.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette mission d'information dite flash a par ailleurs préconisé plusieurs mesures cruciales telles que l'interdiction pure et simple des formations au certificat d'aptitude professionnelle « petite enfance » en ligne ou encore la nécessité de revoir le décret Morano, qui a diminué les exigences en termes d'effectif moyen annuel des professionnels chargés de l'encadrement des enfants. Je reprends également la recommandation de calculer le taux d'encadrement au niveau des sections et des groupes d'enfants et non au niveau global de l'établissement, afin de gagner en attractivité par l'amélioration des conditions de travail, notamment matérielles. Notre groupe soutient également la préconisation de l'Igas de définir une trajectoire pour se rapprocher d'un ratio moyen d'encadrement de cinq enfants par adulte.
Pour toutes ces raisons, la création d'une commission d'enquête ne nous semble pas nécessaire. Les quatre premiers alinéas de la proposition de résolution ne nous permettront en aucun cas d'améliorer concrètement la situation des enfants en crèche : à l'évidence, votre seul objectif est de mener une inquisition pour incriminer les responsables de crèches.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour ce qui est des derniers alinéas, les principales recommandations de la mission flash de la délégation aux droits des enfants portant sur les crèches y répondent amplement. Ce dont nous avons besoin, ce sont des actions concrètes basées sur les recommandations de la mission flash afin d'améliorer la qualité de l'accueil des jeunes enfants dans nos crèches.
Enfin, comme vous le savez, mes chers collègues, la ligne du groupe Démocrate sur les commissions d'enquête est claire : celles-ci doivent être limitées au droit de tirage annuel.
Dès lors, plutôt que de perdre du temps dans la constitution d'une commission d'enquête qui ne nous apprendra rien de plus que ce que nous connaissons et n'apportera rien de concret dans la prise en charge des enfants,…
…construisons ensemble un texte contenant les avancées dont tout le secteur a besoin, parce que là est l'urgence ! Vous l'avez compris : le groupe Démocrate votera contre cette proposition de création d'une commission d'enquête qui ne servirait à rien !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Nous avons tous été choqués par le rapport de l'Igas et par les deux enquêtes qui ont démontré les graves défaillances du modèle économique des crèches. La proposition de notre collègue Martinet portant sur la création d'une commission d'enquête sur ce sujet reçoit tout le soutien du groupe Socialistes et apparentés. En effet, il est intolérable que les premiers mois de vie de nos enfants soient en proie à la cupidité de certains groupes privés, prêts à tout pour réaliser toujours plus de profit ! Alors que 80 % des crèches privées à but lucratif sont détenues par quatre fonds d'investissement, il est logique que l'accueil des enfants en pâtisse. C'est pourquoi nous devons enquêter, tout d'abord pour constater l'étendue de ces dérives, mais aussi pour réfléchir collectivement aux modifications législatives que nous pourrons apporter pour garantir un accueil digne et humain dans toutes les crèches ! Nous le devons à nos enfants, car il est de notre devoir de les protéger, de permettre leur épanouissement et leur bonne santé.
Il est dommageable que le périmètre de cette commission d'enquête ait été élargi, dénaturant ainsi la proposition initiale. Cependant, la situation est bien trop grave pour pinailler. Comme ma collègue Isabelle Santiago dans son rapport, je souhaite un renforcement des contrôles des crèches privées à but lucratif.
Nous devons aussi urgemment repenser leur modèle économique afin d'empêcher toute dérive qui placerait l'intérêt des enfants après la recherche permanente du profit financier.
Plus largement, nous, députés du groupe Socialistes, souhaitons repenser le mode de fonctionnement du secteur de la petite enfance : si les crèches, publiques comme privées, manquent de personnel, c'est à cause de rémunérations indignes au vu de l'importance du travail effectué, mais également à cause d'une perte de sens du travail, perte qui frappe tout le secteur du médico-social et même de nombreux autres métiers essentiels à notre nation. Nous refusons cette société où le profit financier passe avant le bien-être et avant la santé ! Pour nos anciens comme pour nos enfants, nous voulons un accueil digne, un environnement sain et des personnels qui travaillent dans de bonnes conditions !
Nous voterons donc pour cette proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête parlementaire sur le modèle économique des crèches et sur la maltraitance institutionnelle dans certains établissements.
Cette demande d'une commission d'enquête partait mal mais, comme nous l'avons dit en commission des affaires sociales, le sujet est suffisamment important pour ne pas y réfléchir à deux fois, et c'est dans cet état d'esprit que le groupe Horizons a étudié votre proposition, monsieur le rapporteur. Initialement, son libellé, son objet et la manière dont elle était présentée étaient caricaturaux, mais la commission a travaillé, elle a voté des amendements et, aujourd'hui, l'affaire est tout autre.
Tout d'abord, il me paraît important de rappeler le contexte dans lequel se situe cette proposition de résolution. Il ne faut pas oublier que la refondation de la politique d'accueil du jeune enfant a vu ses premiers jalons posés lors du précédent quinquennat : je pense en particulier au plan Rebond petite enfance, qui a été d'une ampleur sans précédent en matière d'aide à l'investissement et au développement de l'offre d'accueil, ainsi qu'à la démarche des 1 000 premiers jours, qui vise à lutter contre les inégalités de destin en créant des conditions favorables au développement de l'enfant.
Le travail ne s'est pas arrêté là : un rapport de l'Igas, commandé par le ministère des solidarités et des familles, a fait un état des lieux de la qualité de l'accueil et de la bientraitance des enfants accueillis en crèche, mettant en lumière les éventuelles fragilités du système ; rendu public en avril dernier, il contient trente-neuf recommandations pour accompagner la montée en qualité du secteur et pour renforcer sa capacité à répondre pleinement aux besoins des enfants, tout en montrant que plusieurs progrès ont été réalisés en ce sens dès le précédent quinquennat, qu'il s'agisse de l'institution d'une gouvernance locale de l'accueil du jeune enfant dans le cadre des comités départementaux des services aux familles ou de la mise en place d'un référentiel national pour l'aménagement intérieur des crèches. Une première campagne ambitieuse de valorisation des métiers de la petite enfance a également été lancée pour rendre hommage au travail quotidien de ces professionnels qui jouent un rôle crucial pour les enfants, pour leurs familles et plus globalement pour la cohésion sociale. Il nous faut les valoriser davantage, bien sûr !
En outre, le plan pour garantir un meilleur accueil du jeune enfant, annoncé par la Première ministre l'été dernier, prévoit de dégager une enveloppe de 5,5 milliards d'euros pour la création de 200 000 places supplémentaires en crèche et le recrutement d'assistantes maternelles. Oui, notre majorité présidentielle agit en menant une politique familiale volontariste pour toutes et tous, adaptée aux évolutions de la société et aux attentes des parents pour offrir à chacun les solutions dont il a besoin.
Plus récemment encore, dans le projet de loi pour le plein emploi, adopté définitivement il y a quelques jours, nous avons créé le service public de la petite enfance : cette mesure constitue une avancée importante et met en œuvre un engagement majeur du Président de la République, à savoir garantir l'accueil de chaque jeune enfant, quel que soit son lieu de naissance ou de vie.
Je rappelle par ailleurs qu'une hausse de salaire des professionnels de la petite enfance du secteur public est prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, soit 200 millions d'euros qui accompagneront chaque année les revalorisations – 10 % en moyenne pour les auxiliaires de puériculture. Comme l'a annoncé Mme la ministre des solidarités et des familles, pas un euro de cet argent n'ira aux structures qui n'amélioreraient pas réellement les conditions de travail des professionnels de la petite enfance et qui n'auraient pas d'engagement très clair sur la qualité de l'accueil. C'est une mesure forte, qui permettra de responsabiliser les groupes publics comme privés.
Enfin, deux de nos collègues, Michèle Peyron et Isabelle Santiago, ont su faire œuvre utile avec leurs travaux réalisés dans le cadre de la mission flash pourtant sur les perspectives d'évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches.
S'agissant de la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui et qui s'inscrivait à l'origine dans une approche caricaturale car elle ciblait, vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le rapporteur, uniquement la gestion privée, en des termes qui nous semblent totalement inadaptés par rapport à la réalité de l'offre privée, notre groupe était réservé. Je m'en étais ouvert à la commission des affaires sociales, mais à partir du moment où l'objet de la commission d'enquête a été élargi à l'ensemble des crèches, tous statuts confondus, nos appréhensions ont été dissipées. Si le groupe Horizons et apparentés considère qu'il ne faut pas multiplier les démarches tendant à la création de commissions d'enquête pour recueillir des éléments d'information – pour nous, il convient plutôt d'agir –, il estime néanmoins utile la création d'une telle commission pour permettre d'objectiver le débat. Et nous veillerons à ce que le travail d'enquête parlementaire soit fait avec rigueur et impartialité, et mette ainsi sur le même pied l'ensemble des acteurs de la petite enfance. C'est pourquoi nous voterons la proposition de résolution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
À toutes fins utiles, je rappelle qu'une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête relève d'une décision interne du Parlement et n'appelle donc pas une prise de position du Gouvernement, d'où l'absence de la ministre des solidarités et des familles.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Vous avez aimé le scandale des Ehpad : voici celui des crèches ! Mercredi 22 juin, une fillette âgée de 11 mois est morte empoisonnée dans une crèche privée du 3
De quoi susciter l'inquiétude de parents déjà stressés par le simple fait de confier leur enfant et de devoir trouver un mode de garde. Car oui, en France aujourd'hui, c'est encore la croix et la bannière pour trouver des places : dans certains endroits, on s'inscrit dès le sixième mois de grossesse, parfois on s'entend dire qu'on peut toujours s'inscrire ou de ne pas hésiter à mettre une photo ou à écrire une lettre pour son dossier… Or chacun sait, y compris dans cet hémicycle, combien est importante la garde d'enfants, notamment pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Dans son rapport d'avril dernier, l'Igas s'alarme d'une qualité d'accueil très disparate : aux côtés de crèches de grande qualité, animées par une réflexion pédagogique approfondie, on trouve des établissements de qualité très dégradée, ce qui peut entraîner des carences dans la sécurisation affective et dans l'éveil des tout-petits. Certains faits relatés lors de l'enquête menée par l'Igas sont extrêmement graves : enfants oubliés sur les toilettes, privés de sieste faute de lits en nombre suffisant ou, au contraire, laissés en pleurs jusqu'à ce qu'ils s'endorment ; d'autres témoignages font état d'enfants à qui on ne donne pas à boire – comme cela, on change moins les couches –, qu'on laisse trop longtemps dans leurs couches souillées, que l'on humilie ou insulte en leur disant qu'ils chouinent pour rien, qu'ils sentent mauvais, ou encore d'enfants que l'on nourrit de force en leur pinçant le nez pour qu'ils ouvrent la bouche, voire que l'on maltraite physiquement en leur tirant les cheveux.
Aujourd'hui, 80 % des nouvelles places de crèche appartiennent au privé lucratif, un secteur en plein boom. Ce n'est pas normal, et je remercie mon collègue William Martinet pour l'occasion qu'il nous offre de mettre en lumière ce système opaque et la privatisation, une fois de plus, d'un service public.
Bien sûr, la maltraitance n'est pas l'apanage des crèches privées. Partout, des conditions de travail dégradées peuvent y mener – d'où l'importance de les améliorer et de ne pas se focaliser uniquement sur les contrôles. Au lieu de cela, le Gouvernement n'a cessé de les rendre toujours moins satisfaisantes, avec des arrêtés permettant de recruter en crèche des personnes sans qualification ni expérience, et la baisse du taux d'encadrement : cinq enfants qui ne marchent pas encore pour un professionnel, c'est indigne et irresponsable, et il faut que cela change. Il est urgent de permettre aux professionnels de la petite enfance – souvent des femmes, fréquemment sous-rémunérées – d'exercer leur métier dans les meilleures conditions.
J'aimerais conclure sur une autre préconisation de l'Igas qui rappelle que, pour un bébé de moins d'un an, passer 40 heures par semaine en crèche, avec ce que cela « implique de bruit, d'agitation, de risques de surstimulation », n'est de toute façon pas la réponse la plus adaptée à ses besoins. C'est pour cela que les écologistes soutiennent depuis longtemps la création d'un véritable service public de la petite enfance. L'Igas appelle en conséquence à « revoir la durée et les règles de rémunération des congés maternel, paternel et parentaux » pour « accroître la possibilité de présence parentale auprès de l'enfant pendant la première année de vie ». Je remercie, à ce propos, la ville de Lyon qui vient d'allonger la durée du congé paternité de ses agents, la portant au niveau de celle du congé maternité.
Heureusement que les villes, notamment dirigées par des écologistes, n'attendent pas le Gouvernement pour agir. Nous nous tenons évidemment à la disposition de la majorité présidentielle pour généraliser ce dispositif à l'échelle nationale.
Je terminerai en saluant les échanges que nous avons eus en commission des affaires sociales. Ils ont permis d'élargir le périmètre de la commission d'enquête pour prendre en compte les différentes sensibilités de l'hémicycle. Après ce travail et cette recherche de consensus, il serait incompréhensible que notre assemblée s'oppose à la création de cette commission d'enquête. Je suis d'autant plus surprise d'entendre la majorité nier l'intérêt de récolter davantage de chiffres et d'informations grâce à un travail de fond que, lorsque nous demandons de mettre à l'abri des enfants qui vivent dans la rue, on nous répond qu'au lieu d'ouvrir des places d'hébergement d'urgence, on va créer un observatoire, parce qu'on a besoin de plus de chiffres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Fidèle à la lancée constructive impulsée en commission, le groupe Écologiste votera évidemment pour la création de cette commission d'enquête.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Dans une période où le Parlement se fait marcher dessus à peu près tous les deux jours, l'Assemblée nationale doit avoir l'obsession d'exister, l'obsession de faire ce pour quoi elle a été élue, l'obsession de ne pas subir, l'obsession de faire vivre tout ce qu'elle peut de démocratie. La création de cette commission d'enquête n'y suffira pas, mais elle est ô combien bienvenue.
En avril 2023, l'Igas alertait sur la qualité d'accueil « particulièrement hétérogène » dans les établissements et services d'accueil de la petite enfance, « le secteur présentant des établissements de grande qualité […] comme des établissements de qualité très dégradée ». L'Igas rappelait une réalité simple : les crèches doivent être urgemment resituées comme des lieux prenant en charge des êtres dans une situation d'extrême vulnérabilité et dépendance. Il en va des crèches comme des Ehpad, et il n'est peut-être pas nécessaire d'attendre de nouveaux scandales pour réagir. Car les causes, nous les connaissons, et elles produisent malheureusement toujours les mêmes effets : le sous-investissement public chronique et la déréglementation organisée ont fait la part belle au secteur privé lucratif dont l'exigence de rentabilité se heurte à une activité dont la nature première est l'accompagnement, le soin et déjà – oui, déjà – l'éducation, soit des actes qui cadrent mal avec une logique purement marchande, sinon financière. Ce secteur, pourtant, bénéficie d'un très haut niveau de financement public.
La pénurie de professionnels est tout à la fois un symptôme et une conséquence du désengagement de l'État dans l'accueil de la petite enfance : « Les faibles niveaux de rémunération, la qualité de vie au travail, le sentiment de ne pas pouvoir accorder à l'enfant le temps dont il a besoin ne permettent pas d'attirer et de fidéliser le personnel », notait le rapport de l'Igas. C'est dans ce contexte que Mathieu Périsse a publié, en septembre dernier, son ouvrage Le Prix du berceau, mettant en exergue et interrogeant fort à propos les modalités de financement de quatre grands groupes gérant des crèches et leurs conséquences en matière de qualité d'accueil.
La commission d'enquête proposée par le groupe LFI s'inscrivait dans le droit fil de ces enquêtes. En commission, les députés du groupe LR ont souhaité étendre le périmètre de l'enquête au modèle économique de l'ensemble des crèches, aussi bien publiques que privées. Le sujet n'est pas le même, mais pourquoi pas. À défaut d'avoir pu mener ces débats dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), cette proposition de résolution permettra de clarifier le modèle économique des crèches et de mettre en exergue les différences entre un modèle public et un modèle à visée lucrative, ainsi que les conséquences de celui-ci sur l'accueil des enfants, les conditions de travail des professionnels et la nature de la relation contractuelle entre les parents et le lieu d'accueil.
De plus, cette commission d'enquête pourra aller plus loin en matière d'investigation. Elle viendra utilement compléter certaines recommandations formulées par la mission flash portant sur les perspectives d'évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches, qui a été présentée à l'Assemblée nationale en novembre dernier. Il faudra naturellement s'appuyer sur ce travail antérieur.
Enfin, si le Parlement a adopté l'article 10 bis du projet de loi dit pour le plein emploi, qui visait à renforcer le contrôle des crèches, il avait d'abord rejeté l'article 10, réintroduit subrepticement en commission mixte paritaire (CMP), qui instaurait un prétendu « service public de la petite enfance ». Il n'y avait pas besoin d'une loi pour mettre le perroquet sur l'épaule des collectivités, désormais désignées « autorités compétentes » en matière d'accueil de la petite enfance – mais sans bénéficier de moyens nouveaux pour assurer ce service public. Ce n'est donc pas un service public qui est créé, mais une contrainte sans moyens qui va mettre le secteur privé en position de force pour venir vendre ses produits en disant : « Attention, maintenant la loi vous oblige ! » Nous qui défendons depuis bien longtemps l'idée du service public de la petite enfance ne pouvons tomber dans ce panneau. La commission d'enquête est également bienvenue dans ce contexte nouveau pour les communes puisqu'elle formulera une série de recommandations à destination des décideurs publics.
Chères et chers collègues, notre assemblée décidera-t-elle de ne pas enquêter sur ces enjeux importants qui ne manqueront pas de ressurgir sur le devant de la scène dans les temps qui viennent ? Qu'y a-t-il à craindre, qui voudrait-on protéger ? Pour notre part, voilà plusieurs mois que nous souhaitons une commission d'enquête sur le sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Confier son enfant, même à un professionnel de la petite enfance, est déjà une étape difficile dans la vie d'un parent, sans que de potentielles défaillances soient une source d'angoisse supplémentaire. Nous sommes aujourd'hui tous sensibilisés aux dysfonctionnements, voire aux scandales qui ont été mis en lumière au sein de certains établissements. Des enquêtes ont été publiées, des travaux ont été menés, notamment par l'Igas. Je veux saluer particulièrement le rapport de nos collègues Peyron et Santiago, au sein de la délégation aux droits des enfants. Nous partageons les recommandations qui en découlent pour construire une politique d'accueil collectif de la petite enfance centrée sur des besoins fondamentaux de l'enfant, à l'exclusion, donc, des logiques purement financières.
Néanmoins, le sujet est suffisamment important pour nous pousser à approfondir davantage les travaux, nous saisissant totalement de nos pouvoirs de parlementaires. C'est d'autant plus opportun que les premières évolutions législatives, que nous saluons, ont été adoptées dans le cadre du projet de loi pour le plein emploi – un véhicule législatif peu adapté –, ce qui nous a empêchés d'aller plus loin et d'aborder davantage de sujets tels que le mode de financement, le reste à charge des familles, la rémunération et la formation des professionnels, les taux d'encadrement trop faibles.
Nous ne sommes pas là pour préjuger des conclusions de cette commission d'enquête, mais ne soyons pas non plus naïfs : oui, la financiarisation à l'excès peut avoir des conséquences sur l'accueil des enfants comme sur les conditions de travail des personnels. C'est notre rôle de parlementaires que de comprendre dans quelle mesure le modèle économique des établissements a un impact sur l'accueil et la sécurité de nos enfants, et si un encadrement plus strict est nécessaire. L'objectif n'est pas de jeter l'opprobre sur le secteur privé qui, dans beaucoup de territoires, pallie l'incapacité des pouvoirs publics à garantir des places à toutes les familles, mais il nous paraît sain de nous pencher sur sa financiarisation.
Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec les Ehpad : nous sommes dans des situations similaires, avec un secteur en manque de financements pour accueillir dignement des populations fragiles, une pénurie de professionnels et des dérives liées à la rentabilisation poussée à son paroxysme.
C'est évidemment insupportable, et c'est notre responsabilité de garantir à ces populations vulnérables, les aînés comme les enfants, un accueil dans les meilleures conditions possibles.
D'ailleurs, lorsqu'il s'est agi de s'intéresser au scandale Orpea, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a constitué plusieurs groupes de travail, sur différents aspects ; la gestion financière des Ehpad a été l'un des principaux axes d'étude. Ce travail, qui a démontré que leur modèle économique et l'absence de contrôle engendraient des dérives, a permis d'apporter des réponses législatives dès le budget de la sécurité sociale suivant. Nous devons nous poser la même question s'agissant des crèches, en l'occurrence privées. Toutefois, nous considérons que le sujet excède le seul secteur privé et qu'il est pertinent d'ouvrir le périmètre de la commission d'enquête à l'ensemble des établissements, quel que soit leur statut.
Les amendements que nous avons adoptés en commission permettent justement cet élargissement et répondent aux craintes de certains. La question de la qualité de l'accueil des enfants se pose en effet au sein de toutes les crèches, tout comme celle du modèle économique. Je rappellerai que le mode de financement doit également être scruté pour les collectivités publiques, qui hésitent à développer une offre d'accueil pourtant essentielle face à son coût de fonctionnement parfois écrasant pour leur budget.
Alors que le Gouvernement se donne pour objectif de créer 200 000 places à l'horizon 2030, il semble utile d'analyser au préalable avec précision les équilibres et déséquilibres des différents modèles, les statuts possibles et les exigences qui y sont attachées, afin d'éviter que seul le secteur privé y réponde. Privé, public ou associatif, chacun doit pouvoir trouver sa place, mais avec le même niveau d'exigence, la même qualité.
Mes chers collègues, s'il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à créer un vrai service public de la petite enfance, ne laissons passer aucune occasion de le construire dans les meilleures conditions possibles, pour garantir la sécurité de nos enfants, la qualité de l'accueil et son accessibilité pour toutes les familles ! Le groupe LIOT soutiendra la création de la commission d'enquête.
En juin 2022, un drame est survenu au sein d'une crèche à Lyon. Après ce drame, plusieurs études sont sorties, notamment le rapport de l'Igas, paru en avril 2023. Ce rapport dresse des constats édifiants sur les différents modes d'accueil collectifs dans notre pays, faisant état d'une grande hétérogénéité dans la qualité de l'accueil du jeune enfant au sein des structures collectives, mais aussi de l'existence de négligences dans certains établissements. Il pointe également le problème de la pénurie de personnel.
À la suite des recommandations de l'Igas, le Gouvernement a fait des annonces fortes : dans le cadre du projet de loi pour le plein emploi, il a proposé de créer un service public de la petite enfance et de désigner la commune en tant qu'autorité organisatrice du secteur. La délégation aux droits des enfants s'est immédiatement saisie du sujet en lançant, dès avril 2023, des auditions, puis une mission flash, que j'ai eu l'honneur de mener avec ma collègue Isabelle Santiago. Pendant un mois, nous avons auditionné un grand nombre d'acteurs du secteur, pour proposer des solutions concrètes afin de lancer un plan d'urgence.
Avant tout, il est urgent d'agir sur la pénurie de personnel. En effet, il manque aujourd'hui environ 10 000 professionnels pour garantir les places d'accueil existantes. Il faut donc, au plus vite, mettre en place un plan de formation. L'Igas épingle également le mode de financement des structures, et nous nous sommes inspirées de ses propositions ; une réforme du financement est nécessaire. L'enfant et son développement doivent être au cœur de nos préoccupations. En effet, les solutions d'accueil ne peuvent s'envisager d'une façon unique. Nous devons appréhender le problème par un prisme plus large, en considérant notamment les congés parentaux et les modes d'accueil dits individuels, tout cela dans le seul intérêt de l'enfant.
Le texte que nous examinons aujourd'hui propose la création d'une commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein des établissements.
Notre groupe est persuadé que nous disposons de suffisamment de matière grâce aux rapports publiés, objectifs et étayés. Pour défendre l'adoption de cette proposition de résolution, certains d'entre vous plaident pour une amélioration de la qualité au sein de ces structures, par l'abaissement des taux d'encadrement ou une réforme du financement. De telles recommandations ont déjà été formulées, dans le rapport de l'Igas, mais également dans celui de la mission flash de la délégation aux droits des enfants.
Travaillons plutôt ensemble de manière transpartisane à la rédaction d'un texte législatif qui reprendrait toutes ces mesures. Nous n'avons pas besoin des pouvoirs spécifiques d'une commission d'enquête pour mener ce travail commun sur la qualité de l'accueil.
La proposition de résolution cible spécifiquement le modèle économique des structures – notamment privées. Si l'on ne peut nier que la majorité des négligences pointées dans les rapports et livres récents ont eu lieu au sein de structures privées lucratives, l'exposé sommaire et la rédaction initiale des dispositions de la proposition de résolution de création de la commission d'enquête nous semblent largement à charge.
Lors de son audition devant les membres de la mission flash, Mme Sylviane Giampino, présidente du Conseil de l'enfance et de l'adolescence du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, a affirmé : « Il n'y a pas de compétition entre les différents modes d'accueil ; l'un n'est pas meilleur que l'autre. Le meilleur mode d'accueil, c'est celui qui est choisi par les parents. » J'en suis également persuadée. Il faut mener une politique globale du secteur de la petite enfance et nous sommes déterminés à apporter les réponses nécessaires.
En commission des affaires sociales, notre groupe s'est opposé à la création de cette commission d'enquête pour laquelle, une fois de plus, monsieur le rapporteur, votre groupe n'a pas usé de son droit de tirage. Malgré l'ouverture du champ de la proposition de résolution aux structures publiques, j'insiste, il existe suffisamment de travaux sur le sujet et nous ne souscrivons pas au caractère d'enquête à charge que nous semble revêtir l'exposé sommaire de la présente proposition. C'est pourquoi le groupe Renaissance s'opposera à la création de cette commission d'enquête.
Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Serge Muller.
Le récent rapport de l'Igas sur la maltraitance dans les crèches illustre l'institutionnalisation de cette maltraitance. Ainsi, de la crèche à l'Ehpad, aucun accueil de qualité n'est garanti aux Français. Cela témoigne de l'absence de volonté politique d'Emmanuel Macron.
Les effets délétères de tels comportements pour nos enfants ne devraient laisser personne indifférent ; personne ne devrait donc rester indifférent à la maltraitance infantile. Pourtant, alors qu'il est nécessaire d'agir vite, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée depuis 2017.
Le rapport dresse le constat de dérives inacceptables, guidées par de simples logiques financières : manque de couches ou de gants, commandes de repas intentionnellement inférieures à ce qui est nécessaire afin de faire des économies, refus de donner à boire aux enfants, notamment dans le but de changer plus rarement les couches. En bref, les crèches sont devenues des usines à bébés, des machines à fric pour les actionnaires.
Le rapport fait également état d'une pénurie de professionnels, facteur aggravant des difficultés, autant que symptôme : les faibles niveaux de rémunération, la qualité de vie au travail, le sentiment de ne pas pouvoir accorder à l'enfant le temps dont il a besoin ne permettent pas d'attirer et de fidéliser le personnel ; au contraire, ils le font fuir.
Pour répondre à ces problèmes majeurs, Marine Le Pen a proposé des mesures de bon sens, qui devraient être considérées comme prioritaires.
Le rapport de l'Igas a proposé les mêmes et, après lui, sans doute cela sera-t-il le cas de celui de cette commission d'enquête.
Nous plaidons pour l'inscription dans la convention d'objectifs et de gestion de la branche famille d'une trajectoire ayant vocation à se rapprocher d'un ratio moyen d'encadrement de trois enfants par adulte. C'est la pratique dans bon nombre de pays voisins – comme au Danemark depuis peu.
En France, le taux d'encadrement est d'un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas, et d'un professionnel pour huit enfants qui marchent. Comment parler d'accueil de qualité dans ces conditions ? Comment imaginer que les Français déposent leurs enfants sereinement le matin avant d'aller travailler ?
Nous estimons également nécessaire que l'effectif de personnel présent auprès des enfants dans l'établissement ne soit pas inférieur à deux, quelle que soit la taille de cet établissement. Enfin, Marine Le Pen souhaite que les visites de contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant se déroulent à une fréquence régulière, afin d'éviter les cas réguliers de maltraitances.
Elle n'est pas là ! Vous n'avez pas à prononcer son nom, elle ne contrôlera pas !
En cas de constat d'anomalies importantes, une nouvelle visite obligatoire aurait lieu dans un délai de six mois. En matière de maltraitance infantile, la fermeté doit devenir un mode de gouvernance, et la sanction la réponse. C'est pourquoi nous proposons aussi que le président du conseil départemental puisse prononcer des sanctions progressives à l'encontre des établissements – quel que soit leur statut, public ou privé.
Il reste beaucoup à faire. Chers collègues de la majorité, je vous invite à rappeler au Président de la République que l'accueil de nos enfants est une priorité et que les impôts des Français devraient plutôt être investis dans nos crèches que massivement dans des centres d'accueil pour migrants.
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Une commission d'enquête est plus que nécessaire ; nous voterons donc en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
La parole est à M. William Martinet, rapporteur.
En préalable, je remercie les groupes parlementaires qui ont saisi la main tendue en commission des affaires sociales. La proposition de résolution a évolué, et un travail transpartisan a été engagé – je suis très heureux d'entendre que certains nous rejoignent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'inverse, je suis plus surpris d'entendre d'autres groupes parlementaires estimer que, par définition, une commission d'enquête devrait être partisane, car liée au droit de tirage. Mais la représentation nationale ne saurait voir son droit d'initiative parlementaire limité !
Mêmes mouvements.
Sur le fond, certains estiment que cette commission d'enquête, à charge, condamne à l'avance et stigmatisera le secteur privé lucratif.
Si demander des comptes au secteur privé lucratif, c'est le stigmatiser, alors nous sommes beaucoup à le faire : Igas, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), syndicats du secteur – syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE) et CGT du service à la personne –, UFC-Que choisir, Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, tous alertent sur le modèle économique des entreprises de crèches.
Deux hypothèses : soit vous considérez que tout le monde veut du mal à ces entreprises, ce qui me paraîtrait assez paranoïaque, soit – hypothèse à laquelle je vous propose de vous rallier – nous considérons tous que les signaux qui sont inquiétants et que, sans condamner à l'avance, il est légitime…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ensuite, selon vous, cette commission d'enquête pourrait être considérée comme blessante par les professionnels. Mais c'est un malentendu : les principales organisations syndicales du secteur de la petite enfance – SNPPE et CGT – soutiennent sa création.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi ? Parce qu'ils n'acceptent pas l'idée que la maltraitance des enfants se résume à une série d'actes individuels malveillants et relève de la responsabilité individuelle. Les professionnels du secteur attendent que la représentation nationale mette en lumière un système économique qui, malheureusement, pousse à la maltraitance.
Voter pour la création de cette commission d'enquête, c'est donc, contrairement à ce que vous affirmez, être aux côtés des professionnels et redéfinir leur cadre de travail afin qu'ils puissent correctement exercer leur métier.
Mêmes mouvements.
Enfin, vous opposez la nécessité d'agir, c'est-à-dire de légiférer, à la nécessité d'enquêter.
Cet argument ayant déjà été soulevé en commission, je me suis renseigné. J'ai relu très attentivement le règlement de l'Assemblée nationale, et même notre Constitution. Nulle part il n'y est écrit qu'il est interdit de voter des projets de loi dans cet hémicycle tout en menant une commission d'enquête dans une autre salle. Bien au contraire !
Mêmes mouvements.
Vous ne pouvez prétendre que le rapporteur et son groupe parlementaire vous empêchent d'agir. Le rapport Peyron-Santiago formule différentes recommandations visant à améliorer l'encadrement des enfants, interdire la suroccupation des crèches ou améliorer le niveau de qualification des professionnels, et vous estimez urgent qu'un texte législatif décline ces mesures.
Mais ce rapport n'était pas encore écrit, et ses recommandations pas encore formulées, que mon groupe parlementaire et moi-même déposions des amendements au projet de loi pour le plein emploi reprenant très exactement ces préconisations !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Que s'est-il passé ? La ministre des solidarités et des familles, Mme Aurore Bergé, a donné un avis défavorable et ces amendements ont été rejetés.
Alors, chers collègues macronistes, je veux bien entendre que vous avez changé d'avis et que vous estimez désormais qu'il faut agir très rapidement. Très bien ! Nous serons à vos côtés, mais ne nous empêchez pas d'enquêter sur un secteur encore extrêmement opaque.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, certains estiment que la commission a déjà donné son avis. Non. Certes, en tant que rapporteur, je ne le cache pas, j'ai des convictions sur le secteur de la petite enfance et sa marchandisation – je travaille sur cette question depuis un an. Mais une commission d'enquête est composée à la proportionnelle des groupes de l'Assemblée nationale.
Tous ceux qui ont des convictions, même différentes des nôtres, pourront venir en débattre.
Mêmes mouvements.
Même quand le rapport sera écrit, la commission d'enquête devra voter pour ou contre sa publication. Une commission d'enquête, ce sont des auditions, un débat argumenté et de la transparence. Personne dans cet hémicycle ne devrait en avoir peur !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mme la présidente de la commission va prendre la parole, puis nous devrons examiner trois amendements et, enfin, voter. Je ne doute pas, chers collègues, que, pour quelques minutes, vous allez être capables de maîtriser le volume sonore.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le rapporteur, vous avez déjà écrit les conclusions de cette commission d'enquête proposée par La France insoumise. Vous l'affirmez dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, et l'avez répété lors de la discussion générale : vous êtes contre le secteur privé et souhaitez démontrer à quel point il est nocif quand il s'agit de la garde de nos enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En conséquence, l'intention et le contenu de votre rapport sont déjà connus
MM. Sébastien Delogu et Hadrien Clouet s'exclament
même si, en adoptant les amendements de M. Bazin, la commission des lois a tenté d'atténuer cette tendance.
En outre, votre proposition de commission d'enquête arrive bien trop tard puisque, Perrine Goulet et Michèle Peyron l'ont rappelé, un rapport de l'Igas, que vous avez vous-même qualifié de très complet, détaille la situation et les dysfonctionnements constatés. Certaines propositions ont même été reprises à l'article 10 bis du projet de loi sur le plein emploi, permettant de refondre le système de contrôle.
Enfin, l'Assemblée nationale s'est déjà saisie du sujet, la délégation aux droits des enfants présidée par Perrine Goulet ayant créé une mission flash rapportée par Michèle Peyron et Isabelle Santiago, dont le rapport liste aussi des propositions.
Il ne faut donc plus enquêter, mais agir, puisque nous disposons de propositions très concrètes pour passer à l'action. Par conséquent, j'invite notre assemblée à rejeter la proposition de résolution visant à créer cette commission d'enquête afin, je le répète, de passer à l'action.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution.
Le présent amendement tend à reformuler le dispositif de la proposition de résolution qui évoque le lobbying des entreprises gestionnaires de crèches.
J'en profite pour évoquer le travail transpartisan mené au sein de la commission des affaires sociales. Notre démarche n'a pas seulement consisté à élargir le périmètre de la commission d'enquête pour y inclure tous les gestionnaires de crèches, comme on nous l'a demandé, mais aussi à reformuler certains alinéas de la proposition de résolution pour qu'ils soient plus équilibrés. Le groupe Les Républicains a ainsi déposé sept amendements pour modifier des formulations qui leur paraissaient stigmatisantes, ce que je peux comprendre. Nous avons donc modifié la rédaction pour qu'elle soit plus nuancée, tout en laissant les coudées franches à la commission d'enquête – c'est le plus important. Cette logique de travail transpartisane me semble positive.
La question du lobbying des entreprises de crèches est restée le seul point d'achoppement de notre travail au sein de la commission des affaires sociales. Par cet amendement, j'ai pris l'initiative de reformuler l'alinéa pour qu'il soit plus équilibré.
Je regrette que le collègue Bazin n'ait pas souhaité collaborer avec moi pour trouver une nouvelle rédaction ,
Huées et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
mais c'est son droit, et il défendra son propre amendement.
Nous souhaitons réaffirmer le caractère équilibré et transpartisan de cette proposition de résolution.
Monsieur le rapporteur, vous m'avez en effet proposé de travailler à une rédaction commune. Mais en politique, il faut être sincère ! Je ne voulais pas vous faire croire, en acceptant de travailler avec vous, que j'allais valider l'ensemble de la proposition de résolution.
Nous ne connaissons toujours pas le sort de cette commission, qui dépendra de nos votes. Malgré les amendements adoptés en commission des affaires sociales, vous semblez avoir déjà conclu que toute gestion du service de la petite enfance par un acteur privé s'accompagne nécessairement de maltraitances,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
…c'est en tout cas ce que vos propos introductifs semblent indiquer. Ils me préoccupent, et je pense que vous vous trompez de cible.
Mêmes mouvements
mais sans tirer de conclusions hâtives. Nous risquerions de remettre en cause les délégations de service public et les élus investis, qui sont soucieux de la qualité du service fourni et qui suivent de près les dossiers.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les normes d'encadrement et les conditions d'agrément s'appliquent sans distinction aux acteurs privés et publics. Vous prétendez que c'est un certain modèle économique qui expliquerait les dysfonctionnements, et qu'en le soutenant nous justifierions les maltraitances. Quel que soit le statut des structures mises en cause, ces dysfonctionnements sont inadmissibles, et nous devons les combattre. Cependant, viser un modèle spécifique est une erreur. Il faut effectivement étudier le sujet en profondeur, mais j'espère que la commission d'enquête ne verra pas le jour sous cette forme. Comme l'a dit Mme la présidente de la commission, nous devons travailler pour qu'il n'y ait plus de dysfonctionnements et que la qualité du service soit assurée.
Il ne faut pas être de parti pris…
…en considérant, comme vous le faites, que toute gestion par un acteur privé est problématique. Pensons aux familles et aux professionnels engagés pour assurer le service public de la petite enfance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
La solution au manque criant de places en crèche dans notre pays passera par l'implication de tous les acteurs, publics et privés !
Mêmes mouvements.
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
et sans rapport avec le discours que j'ai tenu tout à l'heure à la tribune et surtout avec le dispositif de cette demande de commission d'enquête.
Je vous ai donné mon opinion sur la marchandisation de la petite enfance. Espériez-vous qu'en déposant cette demande de commission d'enquête, je fasse semblant de ne plus avoir d'avis sur le sujet ?
Si je suis favorable à la création de cette commission, et flatté de la place que vous semblez déjà m'accorder en son sein, je vous rappelle que je n'en ai pas été nommé rapporteur : je suis simplement rapporteur de la proposition de résolution visant à la créer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Si la commission d'enquête voit ensuite le jour, elle sera composée à la proportionnelle des groupes de l'Assemblée nationale. Il faudra en choisir les présidents, les rapporteurs et peut-être les corapporteurs. Sa constitution fera également l'objet d'un vote.
Prenons garde aux arguments qui pourraient sembler de mauvaise foi aux observateurs extérieurs qui sont nombreux à nous écouter. Personne ne peut contester qu'il existe dans les crèches privées lucratives, mais aussi publiques ou associatives, des dysfonctionnements qui entraînent des maltraitances dont les enfants sont victimes. Ces maltraitances sont inacceptables, ne trouvons pas de prétexte – c'est ainsi que je perçois certains arguments – pour ne pas agir.
Mêmes mouvements.
S'agissant de l'amendement de M. Bazin, il me semble autoriser par principe toute forme de lobbying auquel se livreraient les entreprises de crèches, quitte à franchir la ligne jaune. J'ai fait une proposition plus équilibrée. Je vous demande donc de retirer votre amendement, collègue Bazin, et à défaut, j'émettrai un avis défavorable ; en tout état de cause, j'appelle notre assemblée à adopter mon amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Monsieur le rapporteur, vous continuez à parler de marchandisation, alors que les acteurs privés répondent parfois à des délégations de service public (DSP), et qu'ils sont soumis à un cahier des charges et à des contrôles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Vous jetez l'opprobre sur l'ensemble d'un secteur, sans nuance et sans égard pour les professionnels de la PMI et de la CAF et pour les élus engagés en coulisses pour assurer un service de qualité.
Vous refusez mon amendement en prétendant qu'il ne fixerait pas de limite au lobbying des acteurs privés : ce n'est pas le cas. Ayons une vision plus équilibrée et plus respectueuse de tous les acteurs, qui souhaitent se mettre au service des familles en attente d'une place en crèche et leur offrir un accueil de qualité. Vos propos initiaux ne correspondent pas à la philosophie qui peut nous rassembler. Nous devons continuer à travailler. Il faut reconnaître les dysfonctionnements et y remédier – mais pas de cette manière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue 168
Pour l'adoption 176
Contre 158
L'article unique est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des amendements à l'article unique et au titre.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 349
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue 170
Pour l'adoption 178
Contre 161
La proposition de résolution est adoptée.
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – De nombreux députés du groupe du groupe RE quittent l'hémicycle.
Aujourd'hui, en se donnant les moyens de lutter contre les dérives de certains groupes privés et contre les maltraitances dans les crèches, la représentation nationale s'est honorée. Nous pouvons dire aux parents inquiets que nous sommes à leur côté, et aux professionnels dans la souffrance que nous nous battrons avec eux. Bravo !
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
…lorsque j'ai été nommé rapporteur de la commission des lois sur cette proposition de résolution européenne, je ne partageais pas l'état d'esprit initial qui avait présidé à son dépôt par le groupe Les Républicains – je suis désolé, monsieur Pradié, j'étais justement en train d'échanger avec son auteur.
Sous couvert d'appeler au respect du droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée, son exposé des motifs associait les ONG secourant les personnes en détresse à des réseaux de passeurs. Un tel amalgame relève soit d'une manipulation politique et populiste, soit d'une méconnaissance profonde de la situation actuelle en mer Méditerranée.
C'est bien d'un cimetière à ciel ouvert que nous parlons, de la route migratoire la plus meurtrière au monde, sur laquelle plus de 26 000 personnes ont péri en moins de dix ans et qui représente près de 80 % des décès recensés dans l'ensemble de la mer Méditerranée. Face à ces événements insupportables, je souscris néanmoins à l'enjeu de cette proposition de résolution : la survie des migrants en mer ne peut plus être ignorée, tant l'urgence de la situation est devenue évidente. À ce titre, je tiens à souligner le travail effectué par Pierre-Henri Dumont en commission des affaires européennes pour faire évoluer ce texte et éclairer avec nuance l'ensemble de ses enjeux complexes, tenant autant à la situation géopolitique qu'à l'articulation du droit d'asile et du droit de la mer.
Au moment de commencer son examen par notre assemblée, plutôt que d'agiter des peurs irrationnelles, je vous propose de préserver deux points cardinaux de notre boussole : l'humanisme et le droit. L'humanisme, car la présence des ONG en mer Méditerranée permet de répondre à notre obligation fondamentale d'humanité, qui se fonde sur le principe ancestral des gens de mer selon lequel tout capitaine de navire a le devoir de secourir « quiconque est trouvé en péril en mer ». Au plus fort de la crise migratoire qui a touché l'Union européenne en 2016, les navires des ONG ont permis de sauver 4 000 vies. Nous devons saluer cette action et en aucun cas, la criminaliser ; je m'opposerai fermement à toute demande allant en ce sens.
L'humanisme, encore, pour ne pas laisser penser que la présence de ces navires favoriserait les tentatives de traversée, à la manière d'un appel d'air. Les études menées à ce sujet, notamment celle publiée en 2021 par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), montrent qu'aucune corrélation ne peut être établie entre la présence de ces navires et l'augmentation des tentatives de traversée. Par ailleurs, je tiens à rappeler que la majorité des opérations de sauvetage sont effectuées par des navires des autorités publiques ou de commerce, conformément à leur obligation.
L'humanisme, enfin, car il est de notre devoir de lutter contre les réseaux de passeurs, qui exploitent la misère des demandeurs d'asile. Pour cela, nous devons ne pas faire preuve de naïveté et inciter pleinement les pays tiers à jouer leur rôle dans la lutte contre le développement de ces réseaux sur leur sol et dans la maîtrise de leurs frontières. Dans le projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, nous renforcerons d'ailleurs les outils de lutte contre les réseaux, que nous allons criminaliser.
Le second point cardinal que nous devons préserver est le droit. Comment prétendre que la mort de 2 500 personnes en Méditerranée cette année, d'après les chiffres de l'ONU, ne révèle pas des défaillances que nous devons pallier ?
Ce texte invite à adopter une approche européenne commune dans la conduite des opérations de sauvetage en mer. D'une part, en assurant une meilleure coordination entre les États signataires de la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, dite SAR, responsables des opérations de recherche et de sauvetage dans leurs zones respectives et en garantissant que ceux-ci déploient des moyens suffisants pour répondre aux situations de détresse. D'autre part, en définissant des lignes directrices communes pour l'application du droit de la mer. Les notions de droit international régissant le secours en mer n'ont pas été conçues pour répondre spécifiquement à la prise en charge de migrants ni pour encadrer l'action de navires dont l'activité principale a pour but de rechercher et de secourir les embarcations en détresse, comme le font les navires des ONG.
Les divergences d'interprétation des notions de port de débarquement le plus proche ou de lieu sûr, notamment, conduisent à des situations conflictuelles entre États membres, révélées par la crise de l'Ocean Viking. L'action européenne doit également permettre d'assurer une plus grande solidarité dans la prise en charge des demandeurs d'asile, en particulier à l'issue de leur débarquement après un sauvetage en mer. Le pacte sur la migration et l'asile, qui devrait être adopté dans les prochains mois par les législateurs de l'Union européenne, constituera à cet égard un progrès important. Fixer ce cadre ne doit cependant pas conduire à instrumentaliser les outils de coopération, comme le vise la proposition de conditionner l'aide publique au développement (APD) ; n'étant pas seulement destinée aux États, mais aussi aux populations, celle-ci fait partie des solutions à ces problèmes.
Pour ces différentes raisons, j'ai déposé plusieurs amendements – tardivement, il est vrai – que je vous invite à voter, mes chers collègues ; ils permettront d'équilibrer ce projet de résolution, du point de vue humain et juridique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur de la commission des affaires européennes.
En avril dernier, lorsque j'ai présenté cette proposition de résolution en commission des affaires européennes en tant que rapporteur, je faisais le constat qu'il ne se passait pas une semaine sans que l'on apprenne le naufrage d'embarcations et la mort de plusieurs personnes en mer Méditerranée. Six mois plus tard, force est de constater que la situation ne s'est guère améliorée. Les traversées depuis la rive sud de la Méditerranée n'ont jamais été aussi nombreuses depuis le pic constaté lors la crise migratoire de 2015. Les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne, qui connaissent un nouveau record, se concentrent principalement en Méditerranée centrale. Sur cette route, plus de 130 000 traversées ont été enregistrées par Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, au cours des neuf premiers mois de l'année 2023.
L'Italie, en première ligne face à ces flux provenant de Libye ou de Tunisie, connaît une situation catastrophique sur l'île de Lampedusa ; au début du mois de septembre, 10 000 personnes y ont été débarquées en l'espace de quelques jours, conduisant les autorités à déclarer l'état d'urgence. Ce constat sans appel démontre que le sens et l'objectif de cette proposition de résolution européenne, déposée il y a plus d'un an par le groupe Les Républicains, demeurent entièrement pertinents.
Nous ne pouvons fermer les yeux sur cette situation tragique aux portes de l'Europe. Derrière l'augmentation du nombre de ces traversées, on découvre le développement des réseaux de passeurs, qui prospèrent sans scrupule en exploitant la misère humaine et la vulnérabilité des personnes souhaitant se rendre en Europe. En plaçant les migrants – parfois des femmes enceintes et des enfants – dans des embarcations de fortune, souvent sans gilets de sauvetage, les passeurs portent la responsabilité de la mort de milliers de personnes. En 2023, plus de 2 500 d'entre elles seraient décédées en tentant la traversée.
Face à cette situation, nous devons collectivement faire preuve de responsabilité. La crise engendrée par l'accueil du navire Ocean Viking en novembre dernier – qui a motivé la présentation de cette résolution – est révélatrice du manque de coopération entre États membres. Si l'impératif humanitaire impose bien entendu de porter secours aux personnes en détresse, il serait hypocrite de ne pas mener une véritable réflexion sur les défaillances de la politique européenne, qui conduisent à ces situations tragiques.
Le travail mené au sein de la commission des affaires européennes a permis de mettre au jour l'inadaptation du droit de la mer, qui encadre les activités de sauvetage en mer, à la situation que nous connaissons en mer Méditerranée. L'absence de définition claire des lieux de débarquements des migrants et des ports considérés comme sûrs constitue un vide juridique que les ONG exploitent, se transformant progressivement en passeurs.
Que cela soit clair, personne ne conteste l'obligation morale de sauver les bateaux en détresse. En revanche, il n'est pas normal de laisser cette mission à des entités privées qui poursuivent leur propre agenda politique, débarquant en Europe des migrants qu'ils sont parfois allés chercher dans les eaux territoriales libyennes, alors même que des lieux sûrs existent en Afrique. Ce faisant, elles violent le droit international et, prenant l'opinion publique à témoin, exercent un ignoble chantage sur la vie de ces malheureux.
La difficulté d'identifier des lieux de débarquement est accentuée par le fonctionnement du régime européen d'asile commun. Celui-ci repose sur le système issu du règlement dit Dublin III, lequel définit l'État membre de première entrée comme responsable du traitement des demandes d'asile ; mécaniquement, les pays dans lesquels les migrants sont débarqués deviennent ainsi responsables de la prise en charge des demandeurs d'asile.
C'est pourquoi la proposition de résolution européenne que j'ai défendue devant la commission des affaires européennes appelle l'Union européenne et les États membres à reprendre la main sur la situation en mer Méditerranée, en faisant preuve d'une extrême fermeté à l'encontre des passeurs et en instaurant un véritable encadrement des opérations de sauvetage en mer. Cela nécessite de définir des lignes directrices au niveau européen, afin d'identifier les ports sûrs de débarquement des migrants. En outre, la coopération avec les pays de la rive sud de la Méditerranée doit être intensifiée, afin de les inciter à lutter efficacement contre les réseaux de passeurs sur leur sol et à mieux maîtriser les départs illégaux depuis leurs côtes.
La répression juridique des actes des passeurs doit également être accrue. Le lien entre les activités des passeurs et les réseaux de traite des êtres humains est incontestable. L'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) mentionne l'esclavage, « y compris dans le cadre de la traite des êtres humains », comme un crime contre l'humanité. Les conditions dans lesquelles sont traités les migrants par les réseaux de passeurs, notamment en Libye, semblent qualifiables comme telles. Il est nécessaire que ces agissements soient poursuivis devant la CPI avec le soutien de l'Union européenne et des États membres.
Mes chers collègues, cette résolution européenne promeut un message équilibré et réaliste face à une situation tragique. Alors que les travaux au sein du groupe de contact sur la recherche et le sauvetage en mer de la Commission européenne semblent s'enliser, le vote de ce texte enverrait un message clair en faveur d'une action européenne renforcée. C'est pourquoi les députés du groupe Les Républicains qui le défendent vous invitent à voter massivement ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous débattons d'un sujet qui, malheureusement, fait trop souvent la une de l'actualité, en raison de la multiplication des drames humains que constituent les naufrages. C'est pourquoi je remercie le président Marleix et M. le député Dumont, qui ont fourni un travail exigeant sur cette question, conduisant la commission des affaires européennes à adopter cette résolution le 12 avril.
Au cœur de cette résolution, aujourd'hui soumise au vote de notre assemblée, résonne le même objectif que celui qui anime les intentions du Gouvernement : il est indispensable que cesse l'exploitation par des réseaux criminels des espoirs de milliers de personnes aspirant à une vie meilleure. Ces réseaux sont au cœur d'une entreprise funeste : ils provoquent la mort de centaines de personnes en Méditerranée, et ailleurs, notamment dans la Manche. Je souhaite avoir une pensée pour toutes ces victimes et leurs proches.
C'est notamment sur la route migratoire de Méditerranée centrale, qui passe principalement par la Tunisie et la Libye, que nous observons la plus forte augmentation des flux depuis le début de l'année, avec les conséquences que nous connaissons en termes de vies humaines – le drame de Cutro, parmi d'autres, nous l'a dramatiquement rappelé.
Contre cela, nous devons agir avec humanité, fermeté et détermination, dans le plein respect notre cadre constitutionnel et de nos engagements européens et internationaux. C'est le sens de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement français, notamment au niveau européen. Dès l'année dernière, alors que les flux migratoires s'intensifiaient, c'est à la demande de la France que le groupe de contact entre États membres en matière de recherche et de sauvetage s'est de nouveau réuni pour lancer des travaux visant à améliorer la coordination européenne en la matière – j'y reviendrai. La détermination de la France et de tous les États membres s'est poursuivie et intensifiée avec l'augmentation significative des flux en provenance de Tunisie cette année. C'est en instaurant une coopération approfondie avec les États tiers de transit ou d'origine des flux migratoires que nous trouverons des solutions pérennes à ce défi humain.
La proposition de résolution aborde ainsi de nombreux volets qui s'inscrivent dans la lignée des ambitions du Gouvernement et de nos initiatives européennes. D'abord, la lutte contre les trafics d'êtres humains est au cœur de nos priorités, et vos propositions en la matière rejoignent les ambitions du Gouvernement. Il s'agit de combattre, sur l'ensemble des terrains où il nous est possible de le faire, les pratiques et l'influence des réseaux de passeurs. Les juridictions internationales peuvent également avoir un rôle à jouer pour enquêter et punir ces trafics. Ainsi, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale a d'ores et déjà fait des crimes commis contre les migrants l'un de ses axes d'investigation dans le cadre de l'enquête en cours sur la situation en Libye. Ce bureau poursuit actuellement ses travaux afin que les suites nécessaires soient données aux exactions commises contre les migrants et les réfugiés sur le territoire libyen. La France, en tant que signataire du Statut de Rome, encourage avec vigueur la poursuite de cette enquête, ainsi que de toutes celles qui seront ouvertes par le bureau du procureur.
Cependant, nous devons être conscients que cette action est, de facto, limitée par la juridiction des cours internationales, dont seuls relèvent les États parties. Du reste, cette compétence est complémentaire de celle des juridictions nationales.
Ensuite, la relance du groupe de contact entre États membres en matière de recherche et de sauvetage et la poursuite des travaux relatifs à l'instauration d'une coordination européenne sur cette question vont dans le sens de vos propositions. En effet, il est essentiel de renforcer notre compréhension commune du cadre légal en vigueur pour fluidifier la coopération entre les États et éviter que des drames ne se répètent en Méditerranée. Un projet pilote entre l'Italie et Frontex, que la France a rejoint, est notamment en cours, afin de faciliter le partage d'information, l'identification des embarcations en détresse et la coordination des missions de sauvetage.
Par ailleurs, en matière de sauvetage en mer, il est également essentiel d'aborder l'enjeu des débarquements, qui sont étroitement liés aux discussions actuellement menées au niveau européen, et avec nos partenaires des pays tiers, pour prévenir les flux migratoires et traiter les causes profondes des migrations. Tous les États membres sont ainsi engagés dans la mise en œuvre de partenariats avec les pays tiers, afin d'atteindre ces objectifs que nous souhaitons être mutuellement bénéfiques, aussi bien en matière migratoire qu'économique ou politique. En aucun cas, il ne doit s'agir de réduire les relations avec nos partenaires à un dialogue relatif à la question migratoire, mais bien de renforcer nos liens, afin que ces objectifs soient atteints dans la confiance et le respect de nos engagements internationaux.
Les dialogues menés avec la Tunisie et l'Égypte en sont des exemples majeurs. La France y prend toute sa part, en multipliant les déplacements au niveau technique et politique, dans un format bilatéral et avec les institutions européennes. De manière constante depuis 2015, l'Union européenne est engagée, notamment dans le renforcement des capacités de surveillance et de contrôle aux frontières de nos partenaires, et s'attache à entretenir un dialogue fourni et équilibré avec eux, ainsi que l'ont rappelé les chefs d'État et de gouvernement européens lors de chacune des réunions du Conseil européen depuis le mois de novembre 2022.
Nous sommes également conscients que l'ensemble de ces engagements mutuels ne sauraient être pris sans que des leviers efficaces et persuasifs soient mis à disposition de la politique migratoire menée avec nos partenaires. Aussi pouvez-vous compter sur le Gouvernement pour que la France mobilise à Bruxelles l'ensemble des moyens nécessaires au respect de la parole donnée par nos partenaires. Madame la députée Karamanli, vous l'avez souligné à juste titre en commission : c'est à l'échelon européen que nous pourrons agir efficacement afin d'obtenir les résultats que nous escomptons. C'est dans ce cadre que s'inscrit, par exemple, l'accomplissement de démarches diplomatiques auprès des autorités des pays tiers avec lesquelles la coopération n'est pas satisfaisante en matière de réadmission. L'Union européenne peut même aller jusqu'à appliquer des mesures visant à restreindre la délivrance de visas par l'ensemble des États membres de l'Union européenne aux ressortissants de pays tiers qui n'amélioreraient pas la coopération avec l'Union européenne. D'autres mesures sont également à l'étude sur différents volets. Gardons à l'esprit que nous devons atteindre nos objectifs migratoires avec efficacité ; cela doit demeurer notre principe-cadre.
Par ailleurs, dans le cadre des travaux au niveau européen, nous avons rappelé avec constance la vision française de la notion de lieu sûr. D'une part, ce lieu doit être situé à proximité du port de débarquement, d'autre part, il est absolument nécessaire que les personnes qui y sont secourues ne subissent aucun mauvais traitement ni aucune discrimination. Cette vision est indissociable de la position que nous défendons dans les instances internationales. Au regard du droit qui en découle, elle doit être préservée.
Enfin, la révision du cadre législatif européen sur la migration et l'asile, à laquelle nous nous sommes tous – États membres et Parlement – engagés à parvenir avant les élections européennes, doit traduire notre volonté commune de renforcer la protection des frontières extérieures de l'Union, mais également de mieux répartir la gestion des flux migratoires entre les États membres. L'application d'une procédure obligatoire à la frontière et d'un filtrage aux frontières extérieures de l'Union, que nous appelons de nos vœux, sera le double gage d'une Europe qui, d'une part, accueille et reconnaît au plus vite les personnes ayant besoin de protection, d'autre part, réaffirme sa volonté de lutter contre les réseaux qui cherchent à détourner l'asile de sa fin première.
La proposition de résolution souligne la nécessité que nous agissions à tous les niveaux pour prévenir les départs et lutter contre les réseaux criminels, afin d'éviter de nouveaux drames en Méditerranée. Tel est le sens de l'engagement de la France, pris aussi bien auprès de ses partenaires européens que dans le cadre des dialogues avec les pays tiers.
Il importe d'être intransigeants à l'égard des passeurs et d'agir en Européens, en s'inscrivant dans une démarche qui concilie justice, humanité et solidarité. Le pacte sur la migration et l'asile qui, je l'espère, sera adopté au Parlement européen avec le soutien d'une grande majorité de groupes politiques, traduira également cette exigence. La résolution devra refléter cet équilibre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes.
En introduction, je veux souligner que la proposition de résolution européenne visant à faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée a un mérite, celui de permettre de débattre de la politique européenne en matière migratoire – à cet égard, je salue le travail réalisé par nos collègues en commission, notamment par M. Dumont.
J'étais hier à Madrid à l'occasion de la réunion de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes de l'Union européenne – Cosac –, au cours de laquelle nous avons débattu de cette question. Un constat clair s'est imposé à toutes et tous, au-delà de nos étiquettes partisanes : nous devons agir à vingt-sept pour répondre à ces défis complexes. C'est une condition essentielle pour avancer vers une Europe pleinement souveraine.
Pour être souveraine, l'Europe doit d'abord être capable de maîtriser ses frontières. Il faut reconnaître que nous n'avons pas pleinement atteint cet objectif, pour de nombreuses raisons. Néanmoins, nous espérons que le pacte sur la migration et l'asile sera prochainement adopté. Il s'agit d'une condition indispensable pour assurer la cohésion des Européens, pour relever le défi migratoire, et pour éviter que le droit d'asile, que notre continent a inventé et qui lui fait honneur, ne se trouve dévoyé.
Le modèle européen consiste également à construire notre rapport au reste du monde, à nos frontières, à nos voisins, à nos partenaires les plus proches, tant en Afrique qu'à l'est de notre continent. Assumons-le, un projet politique – et l'Union européenne en est un – n'existe pas sans tracer de frontières claires et sûres. En outre, ce projet ne peut fonctionner sans coopération. Chacun le constate, nous ne pourrons prévenir les crises migratoires, de nature très différente les unes des autres, que nous vivons depuis des années en Europe, sans travailler ensemble afin de limiter les arrivées en amont ; démanteler les réseaux de passeurs ; casser les filières clandestines et reconduire les personnes en situation irrégulière. Ces mesures visent à préserver le droit d'asile.
À cet égard, je me réjouis des avancées obtenues dans le cadre des discussions relatives au pacte sur la migration et l'asile. Le compromis du 4 octobre, fruit du travail entre le Parlement européen, la Commission européenne et les vingt-sept États membres, devrait apporter une réponse européenne plus efficace. Il doit être conclu rapidement pour trois raisons.
D'abord, les migrations sont une réalité mondiale, en Méditerranée ou ailleurs, et chacun comprend que les approches nationalistes, parfois défendues en Europe, sont des impasses. Mme Meloni, qui avait fait campagne contre l'Europe en fustigeant sa politique migratoire, l'appelle désormais à l'aide. Au Royaume-Uni, les défenseurs du Brexit – les alliés de Mme Le Pen – promettaient de reprendre le contrôle. En réalité, ils ont menti, puisqu'on n'a jamais dénombré autant de traversées illégales de la Manche que depuis le Brexit.
Ensuite, tous les régimes autoritaires qui nous entourent ont compris que les migrations étaient la faiblesse des Européens. Nous ne pouvons laisser les ennemis de l'Europe mener des guerres hybrides en utilisant la pression migratoire contre nos intérêts. En Pologne – il y a un an –, en Finlande et en Estonie, la Russie instrumentalise les migrants pour diviser nos sociétés. Orbán, Wilders, Le Pen et Bardella n'ont que le mot « immigration » à la bouche, mais restent silencieux lorsque leur allié Poutine manipule les migrants à nos frontières. Tel est le cas aujourd'hui en Finlande qui, confrontée à la pression migratoire, en est venue à fermer son dernier poste-frontière.
Cette extrême droite européenne trahit les Européens et nos intérêts en faisant, au fond, le sale boulot de Poutine.
Enfin, si nous devons protéger les frontières de l'Europe, nous devons aussi garantir la solidarité et l'humanité qui fondent notre identité d'Européens. En effet, si le présent débat est utile, il ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel. Lorsque quelqu'un se noie, on ne lui demande pas son passeport, on lui lance un gilet de sauvetage. Les ONG sauvent des vies et évitent des morts en Méditerranée. Elles incarnent nos valeurs communes européennes d'humanité et de dignité.
Il n'est pas ici question de les confondre avec les passeurs et je tiens à souligner le travail réalisé pour faire évoluer ce texte, car la version initiale associait, dans son exposé des motifs, les ONG qui secourent en mer les personnes en détresse à des réseaux de passeurs. Un tel amalgame, le rapporteur l'a dit, n'est pas acceptable.
Cela ne nous rend pas naïfs pour autant. Au contraire, notre détermination à lutter sans relâche contre les passeurs et les filières clandestines qui font commerce de la misère en sort renforcée. Contre ceux-là, la lutte doit être implacable.
Le rapporteur a annoncé, en conclusion de son propos, avoir déposé plusieurs amendements afin que cette résolution parvienne à un équilibre plus juste sur les plans humain et juridique. Je les soutiendrai afin de répondre à la nécessité de protéger les frontières de l'Europe et de témoigner en même temps de la solidarité et de l'humanité qui sont le socle de l'Europe humaniste.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union Populaire écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Gabriel Amard.
Permettez-moi de commencer mon propos avec une pensée empreinte de solidarité et pleine d'affection pour celles et ceux qui, à l'instant où je vous parle, sont mobilisés en mer, portant au plus profond d'eux-mêmes le meilleur de l'humanité : le don de soi, l'assistance à autrui, le devoir moral de l'aide inconditionnelle et de la main tendue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je salue les sauveteurs de l'ONG SOS Méditerranée, ses bénévoles, son équipage, mais aussi celui du navire Geo Barents de Médecins sans frontières et tous les autres qui, loin de l'agitation des propagandistes racistes, tiennent bon, souvent sous les flots d'insultes et de menaces, pour poursuivre une mission humaine – sauver des vies – quand nos gouvernements regardent ailleurs.
Je ne peux m'empêcher d'évoquer à cet instant la mémoire des centaines de milliers de morts en Méditerranée, les 30 000 personnes disparues depuis 2014, dont 2 000 cette année – la plus meurtrière depuis 2017, selon l'ONU. À ce funeste bilan s'ajoute la mort, la semaine dernière, dans la Manche, de deux exilés d'une trentaine d'années.
Devant la tragédie des morts en Méditerranée, j'use de mon temps de parole pour observer un instant de recueillement.
L'orateur observe quelques instants de silence. – Les députés des groupes LFI – NUPES, Dem et GDR – NUPES ainsi que Mme Christine Decodts et M. Alain David se lèvent.
Votre proposition de résolution, collègues, s'inscrit en opposition frontale à l'histoire de l'accueil, aux réalités des déplacements de population. Au prétexte de « faire respecter le droit international dans le secours des migrants », elle ne fait rien d'autre que de dévoyer les règles existantes, bien commun des marins du monde entier.
En réalité votre texte traduit une vision du monde abjecte, laquelle nie une réalité indiscutable, celle de la condition humaine, qui est aussi celle de l'exil ! L'exil appartient invariablement à l'histoire des femmes et des hommes depuis la préhistoire. Avant même les migrations remontant de la vallée du Nil vers le Proche-Orient, une autre migration, venant des hauts plateaux d'Éthiopie, avait traversé le sud de la péninsule Arabique en direction du sous-continent indien et de l'Asie du Sud-Est. Dès l'Antiquité, sur les rives de la Méditerranée, les peuples cherchant à fuir la sécheresse se sont mis en mouvement, s'installant partout autour pour y implanter des comptoirs et donner vie à tant de belles cités.
Ces réalités nous imposent une tout autre approche. La France n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais une nation ethnique, ne vous en déplaise. Le droit du sang n'existe pas, et le droit du sol, promulgué dès François 1er , est le socle sur lequel s'est construite la République.
M. Hadrien Clouet applaudit.
Dire le contraire, c'est nier la France. Le devoir de notre patrie, c'est la fidélité la plus concrète à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, héritage commun de la grande Révolution de 1789.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Honte à ceux qui cherchent, au moyen de ce texte violent, à pousser notre peuple à se haïr lui-même, alors que nous avons mis trois siècles à nous débarrasser des guerres de religion ! Honte à vous qui vous accrochez à je ne sais quelle idée invraisemblable de pureté ethnique, alors que la France est le pays qui a le plus profondément pratiqué la créolisation, héritage merveilleux d'amour et de partage.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à votre texte, cheval de Troie du dangereux et méprisable projet sur l'asile et l'immigration, messieurs que portent en commun Les Républicains et la minorité présidentielle. D'abord, parce que nous n'accepterons jamais qu'à la mort s'ajoutent l'indicible cruauté des mots, la haine, la stigmatisation des sauveteurs et des personnes secourues. Ensuite, parce que votre proposition méconnaît à tel point le droit et la réalité du sauvetage en mer qu'elle en devient risible.
Nous connaissons votre mépris pour les exilés mais jamais nous n'aurions pu imaginer que vous méconnaissiez à ce point le droit maritime. Votre proposition de résolution, en effet, repose tout entière sur des mensonges et des éléments de langage. Vous avez de la chance, de ce point de vue, car l'exposé des motifs initial a disparu de la version finale du texte. La représentation nationale aurait pu rire en chœur de votre incompétence, puisque vous alléguiez dès la première phrase de votre proposition : « La France a accueilli le 11 novembre dernier le bateau humanitaire Ocean Viking avec 230 migrants secourus en mer à son bord, dans les eaux territoriales libyennes ». Vous aviez bien écrit « dans les eaux territoriales libyennes ». Mes chers collègues, puisque vous prétendez réformer le droit maritime, imposez-vous le devoir d'en maîtriser ses réalités : L'Ocean Viking n'est jamais entré dans les eaux territoriales libyennes !
Une règle simple dicte toute l'action maritime : l'octroi d'un port sûr. Votre proposition prétend la remodeler alors que l'attachement à cette règle garantit le respect de la dignité des exilés.
Par ailleurs, comme en commission, je le réaffirme ici catégoriquement : vous mentez. L'opération Triton de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, avait pour seul objectif de surveiller les frontières, pas de sauver les migrants, comme vous essayez de le faire croire. L'opération Themis, actuellement en cours, n'a pas non plus pour mandat principal la recherche et le sauvetage. D'ailleurs, aucun bâtiment maritime de Frontex déployé dans la zone n'aurait la capacité de mener des opérations de sauvetage en Méditerranée centrale. Vous souhaitez donner des prérogatives à Frontex pour organiser les sauvetages alors que Frontex n'a ni bateau dans la zone ni mandat pour le faire !
Cette proposition de résolution exige en outre que la France reconnaisse les crimes commis par les passeurs comme des crimes contre l'humanité. Allons-y ! Si vos paroles sont suivies d'actes, vous nous trouverez à vos côtés : Exigeons du Gouvernement qu'il fasse la lumière sur les financements européens qui, en Libye, participent, d'une manière directe ou indirecte, à alimenter un système dénoncé par les enquêteurs de l'ONU, fait de prisons secrètes où les migrants sont réduits en esclavage, subissent des sévices sexuels et des crimes contre l'humanité. Oui, les Français ont le droit de savoir où va leur argent et à quoi il sert !
Je dénonce enfin votre hypocrisie : pointer du doigt les ONG, c'est nier les causes des migrations. Collègues, il faut remonter à la racine des problèmes. Notre devoir de représentant du peuple nous commande de dire que l'immigration est toujours un exil forcé, une déchirure profonde pour quiconque doit s'arracher à sa terre, à sa famille, à ses écoles et à ses cimetières.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Écoutez le témoignage d'Angèle, 27 ans, Camerounaise rescapée des flots : « En Libye, j'ai vécu l'enfer sur terre. J'ai vécu pire que l'enfer. » « À un moment donné, le viol n'avait plus aucune signification pour moi. Je les laissais faire. Si tu refuses, ils peuvent te tuer. Ça arrive tous les jours. Si tu as de la chance, ils peuvent te vendre. […] J'avais une amie qui n'a pas eu de chance. L'homme qui l'a achetée était encore plus pervers que les gardiens de la prison. Elle n'a pas survécu. […] J'ai des brûlures de cigarettes partout. Je porte les preuves de ces violences sur tout le corps. » « Je me disais que si les garde-côtes libyens venaient nous intercepter, je me jetterais à l'eau. » Voilà ce que nous finançons en Libye.
Il faut aller à la racine des maux et les éradiquer. Nous ne devons plus accepter les traités inégaux qui engendrent la misère pour les peuples, l'exploitation des corps et de l'esprit. Il est temps d'en finir avec les maux qui ravagent ces pays !
Collègues, rien ne vous oblige à choisir l'inhumanité, sauf à vouloir chasser sur les terres de l'extrême droite. Ne vous trompez pas de cible. Il y a urgence à procéder différemment. Chaque jour, des personnes meurent en Méditerranée centrale, les rapports de naufrage et les disparitions se multiplient. Pendant ce temps, les navires des ONG, équipés pour mener des opérations de sauvetage, avec des équipages formées et prêts à aider les personnes en détresse, sont retenus par les autorités italiennes et empêchés d'intervenir – à treize reprises en 2023 !
Pour conclure, j'invite chacun et chacune à s'en remettre à la sagesse de Victor Hugo : « Le législateur, en élaborant la loi, ne doit jamais perdre de vue l'abus qu'on peut en faire. » Votre texte n'est pas la voix de la France, collègues ; rejetez-le. Vive la France, vive la République universelle !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Arrighi et MM. Alain David et Hubert Wulfranc applaudissent également.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur.
Je vous remercie, cher collègue, pour vos explications toujours très amicales et empreintes de bienveillance. Vous savez, ici, il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants.
Il n'y a pas d'un côté les porte-drapeaux de la paix, ceux qui ont un cœur et symbolisent la vertu mondiale…
…quand les autres seraient frappés d'indignité nationale. Cela ne fonctionne pas comme ça, mais on peut procéder ainsi, si vous voulez ; allons-y !
L'objectif que nous visons tous est très clair, très simple : sauver des vies. Il est en effet parfaitement intolérable – et nous sommes tous d'accord sur ce point – que la mer Méditerranée, comme la Manche et la mer du Nord, du reste – notamment chez moi, au large de Calais, de Dunkerque et du Touquet –, se transforme progressivement en un cimetière à ciel ouvert. Il est donc nécessaire de trouver des moyens d'agir.
Or ce n'est pas en multipliant, comme vous le faites, les envolées lyriques, les accusations et les anathèmes que nous y parviendrons. C'est, au contraire, en favorisant l'entraide au niveau européen ; c'est l'objet du pacte en cours de discussion. Si notre proposition de résolution est si importante, c'est précisément parce qu'elle rappelle l'enjeu des actuelles négociations européennes.
Oui, il y a, pardon de vous le dire, des ONG qui font un travail de passeur…
…dès lors qu'elles se rendent dans les eaux territoriales de certains pays pour y chercher des migrants.
Comment pouvez-vous dire cela ? Les passeurs gagnent de l'argent et violent des femmes au passage !
Celles-là doivent être dénoncées parce qu'elles mettent à mal le travail de toutes celles qui n'ont pas de but politique et dont le seul objectif est de sauver des vies. Ne pas le dire, c'est oublier une réalité et faire le lit de toutes celles et de tous ceux…
…qui dénoncent, hélas ! le travail de l'ensemble des organisations non gouvernementales.
L'objectif de notre proposition de résolution est de définir quels sont les lieux, les ports sûrs, où les personnes sauvées peuvent être débarquées. Ce n'est pas au capitaine d'un navire de décider unilatéralement où il va débarquer les personnes qu'il a repêchées.
Cela doit relever du droit international : c'est aux États de se mettre d'accord entre eux pour définir, selon des critères fiables, les lieux où les migrants – chaque personne sauvée en mer, quel que soit son statut – peuvent être débarqués.
Je conclurai, cher collègue, en vous disant que j'ai été ému et heureux de vous entendre enfin évoquer les viols. Car, dimanche dernier, à Paris, les militants de votre parti politique, La France insoumise, ont, lors de la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles,…
Tu manifestes contre les violences sexistes et sexuelles, toi ? Pour qui tu te prends ?
…interdit aux militantes qui voulaient dénoncer les viols commis par le Hamas de participer à cette manifestation.
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les protestations s'amplifient, au point de couvrir la voix de l'orateur
dénoncer les viols à la tribune de l'Assemblée nationale et empêcher de manifester contre d'autres viols, au prétexte que ceux-ci ont été commis par vos amis du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), qui ont récupéré certains otages du Hamas !
M. Jean-Louis Thiériot applaudit.
Sourires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux à mon tour exprimer l'indignation qui est la nôtre face à ce qui se passe depuis maintenant près de dix ans en Méditerranée. Monsieur Dumont, celle-ci n'est pas en train de devenir un cimetière : elle l'est. Tous les moyens doivent donc, bien entendu, être mis en œuvre pour porter secours aux personnes qui la traversent au péril de leur vie.
Quant à la motion de rejet préalable, elle doit être rejetée afin que nous puissions débattre. Je ne vous le cache pas, cher collègue Dumont : je suis moi-même tombé de ma chaise lorsque j'ai lu l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, et mon premier mouvement, en tant que rapporteur de la commission des lois, a été, je vous l'ai dit, de la rejeter totalement. Puis j'ai lu attentivement le texte lui-même, sachant que l'exposé des motifs n'est plus.
Or il ne porte pas sur la criminalisation des ONG, qui pallient bien souvent les défaillances des États en Méditerranée ; il soulève des questions qui méritent un débat, qu'il s'agisse de l'amélioration de la coordination entre États dans le cadre de l'action qui doit y être menée ou de la définition de notions qui, parce qu'elles ne font pas consensus entre les États, sont à l'origine de situations de crise qui mettent en danger la vie des personnes qui traversent la Méditerranée. Je pense notamment à la notion de lieu sûr et à celle de port de débarquement, où les conditions d'accueil doivent être les meilleures possibles afin que les demandes d'asile puissent y être traitées rapidement.
Parce que ces questions sont légitimes, j'ai déposé, ainsi que d'autres collègues, des amendements visant à apporter des clarifications juridiques sur un certain nombre de points qui font l'objet de débats au niveau européen.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Vincent Seitlinger.
Chers collègues de La France insoumise, vous avez fait vous-mêmes la démonstration que la question dont nous discutons est d'une haute importance en ce qu'elle touche à la vie de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. Le débat en séance publique est donc absolument nécessaire. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre la motion de rejet préalable.
Alors que nous sommes réunis pour examiner une proposition de résolution visant à faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée, le groupe La France insoumise a déposé une motion de rejet préalable. Je regrette que, sur chaque texte, quels que soient l'objet du débat, le travail fourni ou le degré de compromis auquel nous sommes parvenus, ce groupe marque son opposition à toute discussion.
Car, entendons-nous bien, adopter la motion de rejet préalable, c'est opposer un non ferme, total, au contenu de cette proposition de résolution européenne, et ce dès avant le débat ; c'est un non stérile. Or le groupe Démocrate, que je représente, a des idées à défendre. J'espère pouvoir le faire lors de la discussion générale. C'est pourquoi notre groupe, qui choisit toujours le débat, votera contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
On ne peut ignorer une situation humanitaire aussi critique que celle qui prévaut en mer Méditerranée. Celle-ci est une route de migration majeure vers l'Europe : 90 000 personnes sont arrivées irrégulièrement par cette voie sur notre continent durant la seule année 2022. Surtout, 26 000 personnes – hommes, femmes et enfants – y ont perdu la vie depuis 2014, faisant de cette route migratoire la plus meurtrière du monde.
Nous soumettre cette motion de rejet préalable, c'est vouloir que nous ignorions cet enjeu et, au fond, que nous détournions le regard des drames qui se jouent au quotidien. Le groupe Horizons et apparentés ne peut s'y résoudre. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable, notamment par souci de cohérence, car nous voulons un Parlement qui agit.
Nous examinons actuellement en commission un texte majeur sur l'immigration, mais nous devons garder à l'esprit que le contrôle de celle-ci est également tributaire de la coopération bilatérale – avec les pays d'origine –, européenne – avec l'agence Frontex – et internationale, puisque nous avons signé différentes conventions sur le droit d'asile ou le secours en mer.
Cette proposition de résolution est un complément essentiel des travaux effectués par notre assemblée ces derniers jours. On ne peut décemment adopter une motion de rejet préalable qui condamnerait le sérieux de ces travaux.
M. Vincent Thiébaut applaudit.
Le groupe Renaissance votera contre la motion de rejet préalable : nous souhaitons le débat ! Nous ne voyons pas quelle logique vous conduit, chers collègues de La France insoumise, à balayer d'un revers de main la possibilité pour l'Assemblée nationale de débattre de sujets européens et de légitimement discuter de questions aussi cruciales que celles de la lutte contre l'immigration irrégulière et des tragédies répétées qui ont meurtri notre Méditerranée.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est d'autant plus inconséquent que vous avez, par ailleurs, largement utilisé la faculté qui vous est donnée, ainsi qu'à tout groupe parlementaire, de déposer des amendements sur la proposition de résolution. Nous n'avons pas peur du débat.
Il est important de traiter de ces questions : discuter des lieux sûrs, c'est important ; discuter de la coopération avec les États d'origine et les États de transit des flux migratoires,…
…c'est important ; renforcer la mobilisation et la lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants d'êtres humains, c'est essentiel. Nous voulons en débattre, défendre un certain nombre de propositions et vous entendre sur les convergences qui pourraient apparaître entre nous, par exemple, sur la question de la lutte contre les trafics d'êtres humains. C'est pourquoi nous rejetterons la motion de rejet préalable !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous parlons d'une question grave, humaine, qui touche à la vie d'hommes et de femmes, mais il s'agit aussi d'évoquer les responsabilités partagées.
Si la Méditerranée est un cimetière, c'est notamment de la faute des Républicains, qui ont déstabilisé la Libye sous Nicolas Sarkozy.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes, chers collègues du groupe LR, entièrement responsables de cette situation, que vous entretenez en soutenant les politiques européistes de relocalisation forcée des migrants, donc en incitant ces derniers à prendre tous les risques en Méditerranée.
Si la Méditerranée est un cimetière, c'est de la faute de La France insoumise ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
ne condamne jamais les passeurs, les trafiquants d'êtres humains, laisse l'esclavage se développer en Libye et ne condamne jamais l'action complice d'ONG qui sont ses amies et sont grassement subventionnées par l'argent public.
Mêmes mouvements.
C'est aussi la faute de François, qui ne condamne pas les ONG. Dénoncez le pape !
Si la Méditerranée est un cimetière, c'est aussi de la faute des macronistes ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RE
qui entretiennent l'immigration massive, participent à des politiques européistes, signent le pacte européen sur la migration et l'asile, qui prévoit de relocaliser les migrants chez nous et les incite à prendre tous les risques, au mépris de leur vie et du développement des pays africains.
Nous, nous souhaitons une politique d'humanité,…
…c'est-à-dire une politique de fermeté qui garantit la sécurité des migrants et celle de nos compatriotes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous nous battons actuellement en commission des lois contre un projet de loi fondé sur des postulats mensongers, utilitaristes et xénophobes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je pense au projet de loi « immigration » de M. Darmanin, le ministre de l'intérieur. À l'instar de ce texte, votre proposition de résolution, dont le calendrier semble bien opportun, est porteuse d'un message sécuritaire nauséabond. Elle n'est qu'un écran de fumée qui nous masque la véritable urgence : l'organisation, dans notre pays, d'une politique d'accueil digne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous refusons de nous associer à un texte qui vise à faire condamner les ONG de sauvetage en mer pour crime contre l'humanité au même titre que les passeurs.
Nous refusons de nous associer à un texte qui poursuit une logique de coopération sécuritaire en matière d'immigration,…
…y compris avec des États qui bafouent les droits fondamentaux des exilés eux-mêmes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous refusons de nous associer à un texte qui a la prétention de s'affranchir du droit international. Il n'est pas de notre ressort de tordre le cou au droit de la mer et de renverser encore un peu plus la hiérarchie des normes.
Vous tentez de faire diversion en proposant des dispositions coups de poing mais sans substance. Votre texte est le résultat d'une confusion totale des priorités qui doivent être les nôtres en Méditerranée.
Depuis 2014, 22 435 personnes y ont péri ; depuis 2016, 39 000 personnes y ont été sauvées par les ONG. En soutenant ce texte, qui a pour principale ambition de bâillonner ces dernières, nous savons de quel côté vous vous trouvez et de quel côté nous voulons être.
Pour toutes ces raisons, nous voterons pour la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Les députés du groupe GDR voteront évidemment cette motion de rejet préalable. D'autres l'ont rappelé avant moi : depuis un peu moins de dix ans, on recense un peu plus de 28 000 morts dans ce cimetière qu'est la mer Méditerranée, et nous savons malheureusement que le chiffre réel est certainement bien plus important puisque de nombreuses personnes n'ont pas été identifiées. Celles et ceux qui œuvrent pour les ONG, en particulier SOS Méditerranée, Médecins sans frontières (MSF), devraient recevoir les honneurs de la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Les honneurs pour aller secourir en mer des personnes en détresse – ainsi que l'exige le droit maritime. Dès lors qu'un canot de sauvetage, en haute mer, se retrouve en difficulté ou dès lors que les personnes qui se retrouvent sur un radeau sont sans eau, sans aliments, il est du devoir de celles et ceux qui sont à proximité de les sauver.
Pourquoi ne pas les raccompagner au port d'origine ou vers le port le plus proche ?
Sachez aussi que celles et ceux qui œuvrent au sein de ces ONG et qui vont porter secours, ne retrouvent pas toujours, dans les canots de sauvetage, des corps vivants mais, parfois, des corps d'enfants, de femmes et d'hommes morts.
Ces corps, ils les recueillent dans des conteneurs qu'ils ont sur leur bateau et ils s'occupent de les identifier pour pouvoir les rendre aux familles quand c'est possible.
Je dis cela parce qu'il faut se rendre compte de ce que signifie travailler pour ces ONG et vouloir porter secours à ces personnes qui traversent la Méditerranée non pas seulement au péril de leur vie, mais tout simplement pour leur survie. Donc, oui, nous devons être au plus près de ces ONG et non les criminaliser – comme le propose le présent texte, qui tente d'établir un signe d'égalité entre ONG et passeurs, ce qui est abject.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 201
Nombre de suffrages exprimés 168
Majorité absolue 85
Pour l'adoption 82
Contre 86
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
En 2022, 90 000 personnes ont emprunté clandestinement la route de la Méditerranée centrale pour rejoindre le sol européen. Depuis 2014, ce sont 26 000 vies qui se sont brisées aux portes de l'Europe en tentant la traversée. Chaque mois, chaque semaine, un naufrage a lieu. Cette immigration clandestine se caractérise d'un côté par des passeurs sans états d'âme, de l'autre par des candidats à l'exil désespérants de courage.
Chaque fois se rejoue la même scène : enfants et femmes enceintes sans gilets de sauvetage et qui s'entassent dans des embarcations de fortune surchargées. Ces traversées représentent un triple défi pour l'Union européenne, à la fois sécuritaire, humanitaire et moral.
Sécuritaire car les mouvements migratoires sont une aubaine pour les réseaux de trafic, mais aussi parce que ces migrants arrivent plus rapidement que ne le permet notre capacité d'accueil, parce qu'ils se retrouvent donc dans des conditions précaires et fragilisent notre cohésion sociale. Humanitaire car derrière ces chiffres, tellement énormes qu'ils en deviennent abstraits, se cachent les histoires d'hommes, de femmes et d'enfants dont la vie a été anéantie. Moral enfin car notre vision politique est fondée sur l'appartenance des individus à une même communauté et que laisser faire revient à renier les principes les plus élémentaires d'humanité.
Dans un contexte où la crise migratoire en Méditerranée a atteint des niveaux critiques, de nombreuses ONG se sont spécialisées dans le sauvetage en mer. Ainsi est née une gestion de fait de la misère, une douzaine de navires se répartissant les interventions de sauvetage.
Cela a été prouvé par de nombreuses enquêtes, par le rapport remis à la commission des affaires européennes par notre collègue Pierre-Henri Dumont, par le président Olivier Marleix, ces ONG agissent, sinon en collusion du moins dans une relation de proximité avec les trafiquants, cela afin d'être avertis à l'avance des départs de bateaux transportant des migrants. L'affaire de l'Ocean Viking, bateau ayant secouru 234 migrants et ayant finalement accosté en France à la suite du refus de la Tunisie et de l'Italie d'offrir un port sûr, a mis à elle seule en évidence les limites des conventions de droit international.
En effet, ce droit ne répond plus aux enjeux actuels : d'abord car il n'a pas été conçu pour régir la situation de bateaux d'ONG qui se donnent pour mission le sauvetage en mer ; ensuite car il ne permet pas une répartition claire des responsabilités entre États. Ce vide profite aux réseaux de passeurs et, dans une moindre mesure, aux sauveteurs qui, croyant bien faire, se retrouvent, malgré leur bon vouloir, à jouer un rôle qui les dépasse. Les subtilités normatives du droit international ne sont plus suffisantes face à une telle urgence. Nous devons agir avec la conviction que seule la coopération juridique et politique entre les États permettra de faire face au défi migratoire.
Ainsi, nous sommes satisfaits que cette proposition de résolution vise à permettre à l'Union européenne de reprendre la main en mer Méditerranée, afin de ne pas laisser faire et de ne pas laisser face à face les ONG et les passeurs. En nous engageant dans cet accord, nous consolidons notre diplomatie et nous montrons que l'Europe sait s'adapter. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera cette résolution.
Je commencerai mon propos en rappelant que le groupe Démocrate soutiendra toujours le secours aux personnes en danger et qu'il est donc pour lui inenvisageable de détourner le regard du sujet qui nous réunit aujourd'hui. Il s'agit là d'un principe fondamental sur lequel on ne peut transiger, et nous devons agir de manière responsable pour assurer des conditions de secours dignes.
Je reviens à présent sur quelques généralités relatives à l'élaboration de cette proposition de résolution européenne. Lorsqu'elle nous a été présentée en commission, en avril dernier, votre exposé des motifs, monsieur le rapporteur, a, je dois le dire, suscité de nombreuses inquiétudes – des inquiétudes relatives notamment à votre conception du rapport entre les ONG de secours en mer et les réseaux de passeurs. Si l'essentiel des traversées sont le fait de passeurs qui prennent des risques démesurés, la collusion de ces deux acteurs telle que vous la présentiez nous a semblé, au groupe Démocrate, tout à fait inappropriée.
Cela dit, nous avons tout de suite reconnu la qualité du rapport présenté et la proposition a été adoptée après un travail de rédaction qui a permis, en assouplissant certaines dispositions, d'aboutir à un texte d'équilibre et de vigilance. C'est donc une résolution commune que nous examinons, et que nous saluons.
Pour ce qui est du contenu, j'appelle votre attention sur la prudence dont nous devons faire preuve sur ces sujets ô combien sensibles. Il faut rappeler la nécessité impérieuse de progresser sur le sauvetage en mer, qui fait bien trop souvent la une de l'actualité, et rappeler la vigilance dont nous devons faire preuve sur la qualification des crimes commis par les passeurs comme crimes contre l'humanité. Il appartient en effet aux juridictions internationales de déterminer si ceux-ci peuvent ou non être ainsi qualifiés.
Cette proposition de résolution européenne, c'est aussi, sur les enjeux de sauvetage et de gestion des flux migratoires, le rappel de notre volonté de nous positionner toujours en faveur du dialogue, du débat entre les États membres de l'Union européenne et les pays tiers, plutôt que de nous contenter d'injonctions à l'action.
Ensuite, si, au niveau national, il est important d'agir contre les passeurs, je tiens à souligner que le groupe Démocrate n'envisage l'encadrement de l'activité de secours que par une action coordonnée au niveau européen. Ce n'est pas à chaque État d'exercer son contrôle sur les navires : nous devons agir en Européens. Il en va de même pour le débarquement des personnes secourues : le droit de la mer nous impose de nous organiser pour qu'il ait lieu le plus vite possible, à l'endroit le plus proche des personnes, selon un principe de non-refoulement. Il s'agit donc d'identifier des lieux sûrs, selon une coopération renforcée qui ne peut se penser qu'à l'échelle européenne.
Il nous importe enfin de bien dissocier l'activité de secours de l'action des ONG humanitaires. C'est pourquoi, sous réserve que les amendements du rapporteur suppriment la mention des ONG de sa proposition de résolution et que les amendements du Gouvernement soient adoptés, le groupe Démocrate votera en faveur du texte.
La raison en est triple : d'abord, la nécessité impérieuse de lutter contre les réseaux de passeurs qui donnent lieu au trafic d'êtres humains ; ensuite, l'importance de développer une coopération européenne qui renforce notre compréhension commune entre États membres sur le cadre légal et les enjeux de coordination des missions de sauvetage et de débarquement ; enfin, le renforcement de la coopération avec les pays tiers, pour prévenir le développement des réseaux de passeurs et pour gérer les flux migratoires de la meilleure façon possible.
Pour conclure, il s'agit bien de nous rassembler afin d'assurer une meilleure protection des frontières extérieures de l'Union, tout en replaçant au cœur de notre action les notions d'accueil et de sécurité des personnes très vulnérables qui se tournent vers nous. L'objectif est bien que cesse l'exploitation par des réseaux criminels de personnes fuyant leur pays pour une vie meilleure.
M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur, applaudissent.
Nous voici réunis cet après-midi pour débattre d'une proposition de résolution européenne visant à faire respecter le droit international sur le secours des migrants en mer Méditerranée, texte défendu par le groupe Les Républicains et dont notre collègue Pierre-Henri Dumont est à l'initiative.
Cette proposition de résolution européenne a été discutée le 12 avril dernier en commission des affaires européennes et substantiellement amendée par les députés du groupe Renaissance, avant d'être votée, ce qui en a fait une proposition de résolution commune. C'est donc sur la base de ce texte que commencent nos travaux en séance.
Cette proposition de résolution européenne s'attache à un sujet capital et tragique, qui fait trop souvent la une de l'actualité française et européenne : celui des drames humains – naufrages et disparitions – en Méditerranée. En cet instant, je pense avec émotion aux très nombreuses victimes.
Point n'est besoin d'être un adepte distingué de l'historien Fernand Braudel pour s'intéresser à la Méditerranée et être touché au cœur par ce qui survient dans cette mer commune, que les Romains nommaient déjà Mare nostrum. Cette histoire méditerranéenne partagée doit nous conduire à un devoir de solidarité, de vigilance et d'exigence quant à l'immigration irrégulière qui la traverse.
La lutte contre l'immigration irrégulière doit être une priorité française et européenne. Elle exige que nous tenions l'équilibre entre le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, le devoir du secours humanitaire, et l'ardente obligation de coopération avec les pays d'origine ou de transit des flux migratoires.
Rappelons quelques chiffres : au cours des trois premiers trimestres de cette année, plus de 143 600 traversées de la Méditerranée ont été détectées ; en 2022, 328 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'UE avaient été dénombrés.
Comment ne pas souligner de nouveau, et avec force, la responsabilité des passeurs et des réseaux criminels qui entassent femmes, hommes et enfants dans des embarcations de fortune, souvent hors d'état de naviguer, les envoyant ainsi à la mort ?
L'activité de ces réseaux criminels et de ces trafiquants, qui exploitent la détresse humaine en se livrant à toutes sortes d'abus et d'agressions – y compris sexuelles – sur leurs victimes, doit être dénoncée pour ce qu'elle est : une traite d'êtres humains.
La lutte contre les réseaux de passeurs est une priorité du Gouvernement – vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État. Nous rejoignons, à cet égard, les objectifs et propositions de ce texte.
Il faut également évoquer l'enjeu des débarquements, lié à celui des ports dits sûrs. La France défend, de manière constante, dans les instances européennes comme internationales, une définition des lieux sûrs qui tienne compte de la proximité des ports de débarquement, et du niveau de sécurité et de protection des personnes débarquées.
À ce sujet, les travaux européens et internationaux doivent se poursuivre et s'intensifier. Ici comme ailleurs, c'est à l'échelle européenne et par la coopération avec les États de départ, d'origine et de transit que nous pouvons espérer réguler efficacement les flux migratoires et traiter leurs causes en profondeur.
Nous devons également, en tant que Français et Européens, utiliser tous les leviers à notre disposition dans le dialogue avec nos partenaires extra-européens : le commerce et les visas, par exemple, peuvent permettre d'obtenir de certains pays une meilleure coopération.
Enfin, s'agissant de l'agence Frontex, sa mission mérite une discussion plus approfondie, dans le cadre de la prochaine campagne électorale européenne, que la rapide référence qu'y fait cette proposition de résolution.
À ce stade, nous considérerons avec beaucoup d'attention les différents amendements proposés, et nous soutiendrons la démarche du rapporteur de la commission des lois, en appuyant et votant ses amendements. Si la proposition de résolution devait être amendée favorablement, nous pourrions la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La mer Méditerranée constitue l'une des routes migratoires les plus dangereuses et les plus meurtrières du monde. Chaque année, ils sont des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants à tenter une traversée périlleuse sur des embarcations précaires. Depuis 2014, plus de 26 000 personnes y ont perdu la vie. Nous ne pouvons laisser perdurer ces drames quotidiens aux portes de l'Europe.
Il est de la responsabilité partagée de l'Union européenne et des États du Maghreb de renforcer leur coopération en matière migratoire, afin de réduire les flux et d'assurer les secours en mer. C'est pourquoi nous soutenons cette proposition de résolution européenne, qui recense l'ensemble des priorités qui doivent guider l'action de la France et de ses partenaires européens dans ce domaine.
Notre première priorité doit être le renforcement de la coopération européenne en matière d'accueil et de conduite des opérations de sauvetage en mer. C'est l'objet du pacte sur la migration et l'asile, qui doit être adopté avant la fin de la neuvième législature européenne en 2024. Les actes juridiques européens associés permettront l'instauration de procédures d'asile à la frontière, et de filtrage aux frontières extérieures de l'UE. Ils ouvriront surtout la voie à une meilleure répartition de l'effort d'accueil et de traitement des demandes – qui pèse encore trop sur les pays de première entrée –, en facilitant les relocalisations et en renforçant les mécanismes de solidarité en temps de crise. Un débat européen sur l'évolution de la mission de Frontex est également nécessaire, afin que l'agence puisse s'engager plus largement dans le sauvetage en mer.
Notre deuxième priorité concerne la lutte contre les réseaux criminels de passeurs. Ces réseaux exploitent la misère et la détresse des migrants, et enfreignent les droits humains les plus fondamentaux. Notre combat contre les passeurs doit être mené en pleine collaboration avec les juridictions internationales. Par cette proposition de résolution, nous les encourageons à enquêter sur les crimes des passeurs, afin de déterminer s'ils relèvent de crimes contre l'humanité.
Enfin, notre troisième et dernière priorité doit être l'action diplomatique, particulièrement en direction des pays d'origine des migrants. La France et les pays européens gagneraient à ce que les conventions internationales de navigation évoluent, afin de mieux encadrer l'activité des ONG. C'est la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas laisser ces dernières assurer seules, et sans cadre juridique précis, la sécurité en mer. Notre diplomatie avec les pays tiers doit également aider à identifier et à combattre à la racine les réseaux de passeurs.
Au-delà de ces priorités, une approche globale est à privilégier. Les migrations ne relèvent pas seulement d'une politique d'accueil ou de secours en mer. Leur dynamique s'accroît au gré des crises politiques auxquelles nous assistons au sud de nos frontières, crises nourries par le manque de perspectives auquel est confrontée une population de plus en plus jeune, crises amplifiées, demain, par les conséquences du changement climatique. Ainsi, une politique migratoire efficace doit actionner l'ensemble des leviers disponibles : la diplomatie, le commerce, l'octroi de visas, sans oublier l'aide publique au développement.
Si l'Union européenne veut s'imposer demain comme une puissance capable à la fois de combattre l'immigration illégale et d'aider les pays d'origine à renforcer leur attractivité économique, elle n'aura d'autre choix que de conditionner son soutien à la coopération des pays tiers en matière migratoire. C'est aussi ce que propose ce texte.
Cette proposition de résolution européenne s'inscrit dans cette approche globale. Aussi le groupe Horizons et apparentés votera-t-il en sa faveur.
Nous sommes les acteurs d'un monde en profonde mutation. Cette transformation se caractérise d'abord par l'évolution des rapports entre les pays du Sud et l'Occident. Une ère nouvelle s'est ouverte, marquée par une défiance croissante envers l'hégémonie occidentale, et une instabilité grandissante, particulièrement palpable en Afrique et au Moyen-Orient.
La misère et les conflits ne sont plus des échos lointains mais des réalités vives et douloureuses. La progression de l'extrême pauvreté – une première depuis les années 1990 – et la régression de l'indice de développement humain (IDH), pour la deuxième année consécutive, soulèvent de graves difficultés pour ceux qui, comme nous, sont engagés dans la construction d'un monde plus juste et équitable. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques, mais le reflet d'une souffrance humaine qui ébranle notre conscience et sollicite notre action.
S'agissant des conflits, il est crucial de reconnaître le rôle significatif joué par la France et les pays européens, bien qu'ils ne soient pas seuls en cause. Notre approche internationale est trop souvent guidée par la recherche d'une hégémonie politique et économique, au détriment des populations concernées.
Notre approche du changement climatique suit un schéma similaire. Cette crise, qui constitue le grand défi de notre siècle, affecte en premier lieu les pays du Sud, et particulièrement l'Afrique. Toutefois, l'Europe, qui représente seulement 10 % de la population mondiale, a réalisé environ 23 % des émissions cumulées de dioxyde de carbone depuis 1850 – un fardeau historique qui pèse lourdement et souligne notre responsabilité climatique.
Face à ces enjeux, nous devons repenser notre action internationale. Il faut abandonner une vision du monde définie par un libéralisme sans frein, pour embrasser une approche plaçant l'humain et l'environnement au cœur des préoccupations.
Le contexte international qui se dessine entraînera inéluctablement des mouvements massifs de populations vers l'Europe. Ces personnes, déracinées, arrachées à leurs familles et à leurs foyers, ne fuient pas par caprice ou pour de simples motifs économiques ; elles sont poussées par la guerre, par le réchauffement climatique, et par des conditions de vie devenues insoutenables.
Chaque année, chaque jour, dans ce voyage forcé, des familles entières périssent : en 2022, plus de 1 500 hommes, femmes et enfants sont morts ou disparus en Méditerranée, soit plus de deux fois et demie le nombre des députés.
Dans ce contexte, il est inacceptable de stigmatiser ceux qui viennent en aide à ces personnes en profonde détresse. Des ONG comme SOS Méditerranée effectuent un travail remarquable, souvent au péril de leur propre sécurité, pour sauver des vies. Accuser ces organisations de complicité avec les passeurs est non seulement injustifié et injuste, mais aussi profondément déconnecté de la réalité. C'est une inversion scandaleuse des valeurs.
Alors que le Président Macron a refusé à plusieurs reprises l'accueil de bateaux tels que l'Ocean Viking, je le dis et le répète : nous avons, plus que jamais, besoin d'un élan humaniste.
Le règlement Dublin, plusieurs fois révisé, a montré son inefficacité face aux défis de la migration. Le remplacer par le pacte sur la migration et l'asile proposé par la Commission européenne risque d'accentuer cette dérive, et de perpétuer une politique publique migratoire exclusivement centrée sur la sécurité, au détriment des droits de l'homme et de la dignité.
Frontex est en réalité incapable de protéger les droits fondamentaux des personnes qu'elle arrête aux frontières extérieures de l'UE. Des organisations non gouvernementales internationales, tels Human Rights Watch, ont à maintes reprises signalé des abus – violences, refoulements illégaux, déni d'accès à l'asile – perpétrés par des fonctionnaires des États membres de l'UE où opère Frontex. Cette agence a pourtant le devoir de suspendre ou de mettre fin à ces opérations en cas d'abus graves ; mais elle n'a exercé ce pouvoir qu'une fois, en Hongrie, à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne.
Dans ce contexte de crise migratoire, le rôle des ONG devient plus prépondérant encore. Ces organisations, souvent seules contre tous, réalisent un travail essentiel et vital. Alors que la réglementation est en retard sur les besoins urgents d'accueil des migrants, le soutien aux ONG mériterait d'être renforcé, le temps que les systèmes d'accueil s'adaptent et se réforment pour assurer une gestion humaine et équitable.
Il est impératif de renouer avec une politique d'accueil humaniste, fondée sur les droits et la dignité de chaque individu. L'Union européenne doit se réinventer, non seulement en matière de capacités politiques et financières, mais aussi en redéfinissant son socle démocratique. Il est temps de repenser notre politique migratoire, non plus sous l'angle d'un défi sécuritaire, mais comme une question profondément morale, ouverte aux richesses humaines à venir. Nous voterons donc, évidemment, contre cette proposition de résolution.
Mme Elsa Faucillon applaudit.
« En nous approchant davantage, nous commençons à discerner les corps. Derrière la première rangée d'hommes, se dessine une femme à moitié dénudée […], elle surplombe d'autres corps écrasés sous son poids. Le tout forme un tas étonnamment bien rangé. Impossible de les compter précisément. Leurs membres ne respectent plus aucune géométrie connue et je ne discerne pas bien le plancher sur lequel repose cet amas de chair. Mais des mains et des pieds, il y en a beaucoup. Je vois des seins, des bouches ouvertes, des yeux vidés. Leur peau est griffée et leurs vêtements arrachés, comme si la vie leur avait été dérobée après une lutte acharnée. »
Ces mots sont ceux du marin Antoine Laurent dans Journal de bord de l'Aquarius. Je vous invite tous, chers collègues, à lire cet ouvrage qui, loin des fantasmes aussi abjects que hors-sol, donne à voir les visages, les mots de celles et ceux qui traversent la mer Méditerranée.
Depuis 2014, plus de 28 000 personnes sont mortes en Méditerranée, le chiffre étant même bien supérieur puisque ne sont comptabilisés que les décès connus. Ce drame humanitaire mobilise les ONG depuis plusieurs années. Essentiellement financées par des dons privés et quelques collectivités locales, elles se trouvent bien seules, face à la démission des États, pour réaliser des missions de sauvetage.
D'autant que ces ONG sont criminalisées et entravées dans leur devoir d'assistance par certains pays européens – logique d'ailleurs reprise par cette proposition de résolution, qui met ONG et passeurs sur le même plan. Ce raisonnement repose évidemment sur des mythes, à commencer par celui de l'appel de l'air, selon lequel sauver des gens aurait pour conséquence de les faire venir plus nombreux. Mais comment peut-on penser ainsi ? S'il faut essayer de convaincre, sachez, chers collègues, que, même pendant le grand confinement mondial, quand il n'y avait pas de sauveteurs, des gens ont continué de chercher à traverser la Méditerranée.
En réalité, les ONG ne font que combler l'absence criminelle de l'Union européenne dans ce domaine.
Je l'affirme, elles agissent dans le strict respect du droit maritime international. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) établit en effet l'obligation de prêter assistance, obligation renforcée par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention Solas) et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes. Ainsi, l'obligation de secourir s'applique à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer, indépendamment de sa nationalité ou de son statut juridique, ou encore des circonstances dans lesquelles elle est retrouvée.
Face à ce drame humain, la proposition de résolution plaide pour le transfert de missions de sauvetage à Frontex, alors que l'objectif de l'agence est tout autre, en l'occurrence le contrôle des frontières européennes.
Fusionner la gestion des frontières et l'assistance aux personnes en détresse nous semble totalement contradictoire. À l'inverse de ce que vous proposez et compte tenu du drame qui s'y déroule, la Méditerranée devrait plutôt être considérée comme un espace humanitaire – espace au cœur duquel une flotte européenne devrait être chargée de sauver les personnes en détresse. Je rappelle que, depuis la fin de l'opération Mare Nostrum, le 31 octobre 2014, aucune action n'a été menée par les États dans le domaine de la recherche et du sauvetage en Méditerranée centrale.
M. Gabriel Amard applaudit.
Par ailleurs, la proposition de résolution survole la question des zones SAR ,
Search and Rescue
pourtant centrale en matière de sauvetage en mer. En effet, le redécoupage de ces zones en 2018 en a attribué une à la Libye. Or cet État failli n'a ni les moyens ni les compétences pour superviser des opérations de sauvetage dans une zone aussi élargie que la Méditerranée centrale, dans laquelle le plus grand nombre de passages sont enregistrés.
Chers collègues, si vous voulez trouver des passeurs, regardez plutôt du côté des garde-côtes libyens. C'est un État dont les ports ne peuvent être considérés comme sûrs selon les critères du Comité de la sécurité maritime. De nombreux actes de traite d'êtres humains et de torture ont été largement documentés par des chercheurs et les quelques ONG encore présentes sur place. Renvoyer des exilés en détresse en Libye est contraire au droit international. Pourtant, et la proposition de résolution que nous examinons demeure bien silencieuse à ce sujet, l'Union européenne valide ces manquements au droit international, au nom de l'externalisation des frontières.
Résoudre la crise de l'accueil en Europe et mettre fin à cette hécatombe en mer Méditerranée nécessitent, à notre sens, une politique européenne ambitieuse, fondée sur le strict respect du droit international, ainsi qu'une solidarité entre États européens afin de ne pas en laisser l'entière gestion à la Grèce ou à l'Italie, par exemple, comme nous le faisons depuis des années. Cela nécessite aussi, bien sûr, une révision de l'injuste règlement Dublin III.
De nombreuses raisons de rejeter cette proposition de résolution ont été évoquées, et je ne doute pas qu'il en existe d'autres pour lesquelles nous le ferons, avec détermination.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et LIOT.
Depuis près de dix ans, la Méditerranée est devenue une route meurtrière. Ni les États, ni l'Europe, ni même les ONG ne parviennent à éviter les milliers de morts récurrentes.
Selon l'Organisation internationale pour les migrations, le premier trimestre 2023 fut le plus meurtrier depuis 2017 en Méditerranée. Mais notre regard s'est détourné en raison de la succession des crises, qu'il s'agisse de l'arrivée de migrants ukrainiens, des coups d'État au Sahel, ou de la nouvelle flambée de violence au Proche-Orient. La terrible vérité, c'est que nous nous sommes habitués depuis dix ans à ce que la route de la Méditerranée soit chargée du sang des innocents. Or ce qui importe, à chaque instant, c'est de sauver des vies, le lieu où les hommes et les femmes débarqueront étant secondaire.
Dès lors, l'intitulé de la proposition de résolution a de quoi interroger. Vous entendez en effet « faire respecter le droit international dans le secours des migrants ». Or ni dans l'exposé des motifs ni dans le contenu du texte, je ne vois une volonté de s'attaquer aux sources du problème, c'est-à-dire à la crise libyenne, à l'insécurité sur le continent africain, à la dictature de Bachar al-Assad, et à tant d'autres causes.
Vous proposez de condamner les activités des passeurs et d'améliorer la lutte contre les réseaux grâce à des coopérations : nous soutenons bien sûr ces mesures, mais nous craignons qu'elles ne soient des vœux pieux, tout comme l'idée de s'en remettre aux juridictions internationales. Proposer une saisine de la CPI afin que le trafic d'êtres humains soit considéré comme un crime contre l'humanité est, comme vous le savez, dénué de tout caractère opérationnel. La Libye, la Syrie, la Somalie ou encore l'Érythrée, d'où sont originaires de nombreux migrants et passeurs, ne sont pas États parties au Statut de Rome, si bien que les faits qui s'y déroulent n'entrent pas dans le champ de compétence de la Cour.
La proposition de résolution demande également d'« encadrer l'activité des ONG en mer Méditerranée ». Je salue à cet égard la réécriture du texte en commission et tiens à rappeler que la première version tendait très clairement, dans son exposé des motifs, à criminaliser les ONG, les accusant même de complicité avec les passeurs. Il fallait quand même oser ! Des concours d'inhumanité ont-ils lieu au Parlement ? Ces propos étaient intolérables.
Permettez-moi de rappeler ce que l'Italie entend par « encadrer l'activité des ONG » : une obligation de prouver que l'embarcation secourue risquait de couler, sous peine de recevoir une amende, de voir son navire séquestré ou encore d'avoir l'interdiction de transférer des migrants d'un navire à un autre. Il faudrait donc attendre de voir un bateau couler et les migrants gigoter avant d'intervenir ! Mais où va-t-on ?
Il convient de pointer une hypocrisie de la part des États du pourtour méditerranéen, qu'ils soient européens ou africains. Ces pays ne souhaitent pas instaurer des dispositifs suffisants pour protéger les migrants, afin de ne pas entraîner un prétendu appel d'air, mais en déléguant implicitement le sauvetage en mer à des acteurs internationaux et militants, ils donnent malgré tout aux ONG un poids dans la gestion des crises.
Monsieur le rapporteur Dumont, vous avez dit en commission des affaires européennes qu'il « n'est pas normal de laisser cette mission à des entités privées qui poursuivent leur propre agenda plutôt que de consacrer des moyens publics en luttant contre l'origine des naufrages en démantelant les réseaux de passeurs ». Mais, si les États ne veulent pas que d'autres acteurs gèrent la crise à leur manière, qu'ils assument leur responsabilité de puissances publiques en Méditerranée ! Réclamez donc qu'ils affrètent des bateaux, de sorte de sauver tous ceux qui crèvent en Méditerranée ! Notez d'ailleurs que, quand bien même vous ne respecteriez pas les principes humanitaires élémentaires et bloqueriez l'action des ONG, les réfugiés n'en continueraient pas moins de traverser la mer.
Enfin, vous ne proposez aucune véritable solution concrète. Pour créer des hotspots en Afrique du Nord, encore faut-il que les pays hôtes soient d'accord ! Or ni la dégradation de nos relations bilatérales avec le Maroc, ni la proposition de résolution appelant à la dénonciation, par les autorités françaises, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'inciteront ces États à faire droit à vos demandes.
Les hotspots sont la nouvelle bonne idée, mais aucun pays ne veut en accueillir un ! Que fait-on alors ? Il est toujours plus simple de renvoyer à la responsabilité des États d'Afrique et des ONG les sujets que nous ne parvenons pas à régler entre pays européens.
Car la crise de l'Ocean Viking fut non seulement un drame humain, mais aussi la preuve de nos profonds désaccords avec notre voisin italien sur cette question.
En définitive, vous comprendrez que nous ne pouvons nous associer à votre démarche.
M. Jérôme Legavre applaudit.
Les questions de l'asile et de l'immigration sont à la fois liées et distinctes : la première n'est qu'une partie de la seconde. Elles sont toutes deux révélatrices de tensions et objets d'instrumentalisation dans les différents pays concernés.
En France comme dans d'autres États membres de l'Union européenne, la situation migratoire est mauvaise. Selon plusieurs sources, plus de 330 000 arrivées irrégulières auraient été comptabilisées en Europe en 2022, soit 100 000 de plus que l'année précédente.
Faute d'orientations communes ces dernières années, les Européens ont laissé perdurer une situation problématique. Une majorité d'États penche désormais plutôt en faveur de l'augmentation des retours de migrants, qu'en faveur de la recherche d'une solution globale. Seules 16 % des décisions de retour prises par les États membres sont suivies d'un accord de réadmission dans le pays tiers vers lequel les personnes concernées devraient retourner.
En l'état actuel des choses, les parlementaires nationaux sont donc dans l'expectative. Un nouveau pacte européen est annoncé, prévoyant la création de règles minimales communes, d'une agence européenne dédiée, d'un poste de coordonnateur du ou des retours, ainsi qu'une politique de filtrage et une solidarité volontaire avec les pays sous pression.
La présente proposition de résolution s'inscrit dans le cadre non stabilisé que je viens de décrire. À cet égard, je souhaite appeler l'attention sur quatre points importants, qui sont autant d'impensés de ce texte.
Le premier porte sur l'invitation à explorer la possibilité de qualifier le crime de passeur de migrants, au péril de la vie de ces derniers et de leur dignité, comme un crime contre l'humanité. Sans entrer dans un débat technique, notons que cette incrimination correspond à une définition juridique stricte reconnue aux niveaux international et européen. Si le champ de cette infraction venait à évoluer, il pourrait être envisagé d'inclure d'autres crimes, eu égard à la gravité de leurs effets pour les victimes concernées.
Deuxièmement, la proposition de résolution engage la France à participer à l'encadrement des ONG en Méditerranée. Or cet objectif est défini de façon large et pourrait même laisser entendre qu'il faudrait réglementer contre ces organisations. Rappelons que c'est à la suite de l'opération Mare Nostrum, lancée par l'Italie, puis de l'opération Triton, conduite par Frontex au nom de l'Union européenne, que les États membres ont renoncé à agir et que les ONG ont pris leur suite en Méditerranée ; ne l'oublions pas.
Ainsi, envisager maintenant de les encadrer me semble manquer de cohérence. Le texte devrait être plus clair, un mandat devrait être donné à Frontex et la coordination opérationnelle des sauvetages devrait être menée sous l'autorité d'un ou plusieurs États.
Troisième élément, la référence à des ports « sûrs » pour le filtrage des migrants sauvés en mer ou refoulés est également ambiguë.
En effet, certains ports dits sûrs ne le sont pas pour les migrants. Une définition simple, excluant les États non respectueux des droits et de la dignité humaine devrait être adoptée, même si nous savons que cette définition demeure très liée aux intérêts stratégiques des différents pays.
Enfin, dernier point, à aucun moment la proposition de résolution n'évoque la nécessité de consacrer des moyens à la hauteur des enjeux non seulement humains, mais aussi de souveraineté de l'espace européen.
Là encore, il convient de faire preuve de réalisme : sans moyens humains et matériels, et sans les moyens de la police et de l'armée, l'appel à une mobilisation ne sera qu'une simple possibilité et ne deviendra jamais une politique effective.
Notre groupe a déposé un certain nombre d'amendements pour rappeler que la criminalisation d'ONG ou d'acteurs non étatiques effectuant des opérations de sauvetage en mer, dans le respect du droit applicable, constitue une violation du droit international. Je rappellerai enfin qu'il est essentiel que les États membres, en vertu du droit international, se conforment à leur obligation de porter secours aux personnes en détresse.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas cette proposition de résolution ,
Mme Nadège Abomangoli et M. Gabriel Amard applaudissent
trop ambigüe quant aux intentions poursuivies et trop peu exigeante au regard des enjeux humains, de la solidarité et de la responsabilité qu'elle exige de tous les États.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Christine Arrighi et M. Gabriel Amard applaudissent également.
En 2022, plus de 133 200 migrants ont traversé la mer Méditerranée en payant une fortune pour rejoindre le continent européen. Derrière ce chiffre en augmentation se cachent des mafias de passeurs qui, bénéficiant de la complicité de nombreuses ONG de secours en mer, comme SOS Méditerranée, encouragent ces périples périlleux et dramatiques. Depuis 2014, ce sont près de 20 000 personnes qui ont perdu la vie ou ont été portées disparues sur cette autoroute migratoire.
À ces migrants, qui sont majoritairement des hommes, on a fait croire que la France serait un eldorado, où chacun pourrait vivre plus dignement. À cause de ces mensonges colportés par de nombreux irresponsables politiques et relayés par des ONG coupables,…
…des dizaines de milliers de personnes sont privées chaque année de leur jeunesse ou d'une vie de famille sur leur terre natale. Elles quittent tout : leurs racines, leur pays, leur famille, leur culture et leur civilisation, dans l'espoir d'un futur prometteur.
Chacun sait que cette promesse n'est en réalité qu'une terrible escroquerie en bande organisée, dont les conséquences sont fatales pour les candidats à l'immigration, mais aussi pour nos compatriotes, qui subissent la cohabitation imposée. Si l'Europe ne peut pas continuer à subir cette immigration de masse, le continent africain, lui, ne doit pas tolérer le départ de ses forces vives nécessaires à la croissance de ses pays.
Aujourd'hui, il est clair que les ONG promigrants, SOS Méditerranée en première ligne, sont responsables de ces hécatombes en mer,…
…mais également des conditions déplorables dans lesquelles les migrants sont embarqués et acheminés.
Surpopulation, violences physiques et sexuelles, manque de nourriture, déshydratation et conditions d'hygiène désastreuses : de nombreux témoignages attestent de l'enfer vécu au cours de ces traversées pouvant durer plusieurs semaines, sans que jamais la responsabilité des ONG ne soit pointée du doigt.
Exploiter la misère du monde, encourager la mise en danger et cautionner un ensemble de violations des droits humains est devenu le business détestable des ONG d'extrême gauche, qui travaillent main dans la main avec les négriers du XXI
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Bertrand Pancher s'exclame.
Comme le mentionne l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution, une enquête du juge italien Maurizio Agnello, en 2021, a permis de mettre en lumière les liens avérés entre plusieurs ONG de secours en mer et des mafias de passeurs.
Oui, elles se rendent complices, avec les bateaux affrétés, d'un trafic d'êtres humains, à des fins idéologiques.
Quelle honte ! C'est sûr que si vous étiez sur le bateau, vous les laisseriez mourir !
Mme Nadège Abomangoli s'exclame.
Être humaniste, ce n'est certainement pas instrumentaliser la misère humaine ni faire miroiter le paradis à des populations qui se retrouveront sur un bout de carton ou dans une tente porte de la Chapelle ou place Stalingrad, à Paris.
Comme le propose Marine Le Pen depuis des années, les migrants qui traversent clandestinement la Méditerranée doivent être secourus en mer, puis reconduits vers les ports africains les plus proches,…
Aussi, aucune demande d'asile ne doit être traitée sur le territoire national ; elles doivent l'être dans les ambassades et les consulats d'origine, ce dans le but d'éviter des prises de risque inconsidérées. Mais – car il y a un « mais » –, jamais nous ne laisserons les technocrates de Bruxelles décider de notre avenir et nous contraindre à l'accueil ininterrompu des bateaux de passeurs !
Le pacte sur l'asile et la migration, qui est en fait un plan organisé de submersion de l'Europe, signerait évidemment la fin de la souveraineté des États membres en matière de politique migratoire. Pourtant, vous, les membres du groupe Les Républicains, et vous, les Macronistes, appelez la France à le voter : c'est inacceptable ! Fervent défenseur de notre souveraineté et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à rester eux-mêmes, le Rassemblement national ne votera pas cette proposition de résolution européiste. Marine Le Pen, une fois parvenue au pouvoir, n'agira pas en Européenne soumise à la commission ;…
…elle agira au nom du peuple français, pour assurer sa sécurité et celle des populations migrantes.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Celles et ceux qui prétendent le contraire ont la mémoire courte ou ignorent l'histoire de l'humanité, notre histoire commune, indéfectiblement liée aux mouvements de populations de nos ancêtres.
Homo sapiens a été une espèce invasive et chacune, chacun d'entre nous, dans cette assemblée, porte l'héritage des migrations et des foisonnements culturels qui en ont résulté. Évidemment, les premiers déplacements massifs de populations, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, différaient en intention des mouvements récents, guidés par la nécessité économique, sécuritaire ou désormais climatique. Mais la logique reste la même : celle de la mobilité, de la liberté, de l'exploration, de la recherche d'une meilleure vie pour soi et pour les siens.
Pourtant, aujourd'hui, les mots « immigrés », « migrants » ou « réfugiés » effraient. Dans le langage d'un camp politique de plus en plus large, ces mots riment avec « problème », « insécurité », « menace », « invasion ». Certains ici, en particulier à la toute droite de cet hémicycle, font de ces rimes imaginaires leur idée unique, le mantra sur lequel ils prospèrent. Le rejet de l'autre, en raison de sa couleur de peau, de sa religion ou de sa culture, n'est que l'expression de la plus crasse bêtise et l'assurance d'un malheur en construction.
Malgré cette évidence dont l'histoire charrie toutes les preuves, certains, ici, encouragent le racisme, l'exclusion, le repli sur soi, la haine de l'étranger et même les groupuscules racistes, qui se rassemblent depuis quelques jours, partout dans notre pays, parfois pour mener des ratonnades contre des Français accusés de ne pas l'être assez. Je parle de ces groupuscules d'extrême droite qui hurlent que les immigrés sont des barbares et des ennemis qu'il faut chasser de ce pays.
Voici où mène la détestation de l'autre érigée en philosophie politique : à la violence, au chaos, à la mise en cause de la République et de ses valeurs fondamentales.
Honte à celles et ceux qui tentent de plonger notre pays dans l'obscurité
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
en entretenant le fantasme d'un danger venu des étrangers ou de leurs descendants récents,…
…ces étrangers dont nous représentons nous-mêmes la diversité, puisque nous sommes toutes et tous membres d'une communauté indivisible, la communauté humaine,…
Mais ce lien, cette obligation, beaucoup ici les ont oubliés, parce qu'ils sont nés au bon endroit, parce qu'ils n'effleurent la guerre et la misère que dans les pages des journaux, parce qu'ils défendent avant tout leur confort personnel qu'ils imaginent en péril, ou parce qu'ils se sont laissés gangrener par la paresse intellectuelle et qu'ils se sont mis à croire à la propagande que l'extrême droite rabâche depuis les années 1980, désormais aidée par certains médias.
Il est d'ailleurs paradoxal que celles et ceux qui refusent de secourir les exilés se réclament des valeurs chrétiennes pour justifier leur message d'exclusion. Alors que précisément, les valeurs chrétiennes invitent à l'accueil et à la solidarité. Voici ce qu'a rappelé le pape François : « Nous sommes à un carrefour [entre] la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine, [et] l'indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. »
Depuis 2014, 30 000 personnes au moins sont mortes noyées en tentant de franchir cette mer, en consentant au sacrifice de l'exil ; 30 000 hommes, femmes et enfants, qui ont souvent enduré l'enfer dans plusieurs pays avant de finir asphyxiés, les poumons remplis d'eau, à quelques kilomètres de la terre qui portait leur espoir. Notre devoir est d'empêcher ces morts de se produire.
Bien sûr, il faut condamner les passeurs qui prospèrent sur le malheur, mais il est inacceptable d'entraver l'action des navires humanitaires qui viennent en aide aux exilés et de laisser entendre qu'ils prolongeraient l'action des passeurs. D'ailleurs, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe rappelle aux États membres leur obligation d'assurer la recherche et le sauvetage des migrants en mer et demande que soit mis fin à tout harcèlement politique, judiciaire et administratif à l'encontre des ONG humanitaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
D'autant que, contrairement à une croyance commune, les opérations de sauvetage n'ont pas d'influence sur les tentatives de traversées, qui ne sont pas motivées par l'espoir d'être secouru en mer, mais seulement par la nécessité de fuir un conflit, une répression ou une situation économique catastrophique.
Tous les pays de l'Union européenne se doivent d'aider à accueillir, dans des conditions dignes, celles et ceux qui prennent le risque de tout quitter, poussés par la contrainte ou le désespoir. Chaque demande d'accueil doit être examinée avec humanité, et la France doit montrer une solidarité à la hauteur de ce qu'elle peut offrir en tant que septième puissance économique mondiale.
Rien de tout cela ne transparaît dans le texte sur lequel nous devons nous prononcer : il ne suggère rien qui permette d'améliorer la politique migratoire indigne de l'Union européenne ; au contraire, il consacre un statu quo sécuritaire sur la question migratoire, qui est un contresens politique et humanitaire. C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mare nostrum : tel est le nom ancestral qu'ont donné à la mer Méditerranée les Romains, ceux-là mêmes qui après l'avoir pacifiée et soumis ses rivages y faisaient sillonner par milliers leurs bateaux marchands pour faire commerce. Aujourd'hui, « notre mer » n'est pas seulement celle des bateaux de commerce ou de plaisance, c'est aussi celle des passeurs et des quelque 2 500 cadavres de migrants qui jonchent ses abysses, rien que pour cette année.
Ces drames n'arrêtent en rien la macabre et juteuse traite des migrants, qui embarquent par centaines dans des conditions inhumaines sur des rafiots de fortune en provenance de Turquie ou d'Afrique du Nord, pour tenter de rejoindre les côtes européennes au péril de leur vie.
Les passeurs, esclavagistes des temps modernes, se remplissent les poches avec des traversées vendues à prix d'or, parfois jusqu'à 6 000 dollars. Malheureusement, ces crimes se perpétuent main dans la main avec certaines ONG qui, engluées dans leur idéologie mortifère, n'hésitent pas à braver le droit international, méprisant par la même occasion la situation sanitaire et humanitaire des passagers pour les faire traverser coûte que coûte vers l'Europe, eldorado de l'immigration.
C'est ce que nous révèle l'autopsie du débarquement de l'Ocean Viking, le 11 novembre 2022, qui n'est autre qu'un échec sécuritaire, judiciaire et administratif.
Un échec sécuritaire d'abord, car parmi les 230 migrants accueillis sur notre sol, au moins trois présentaient un profil à risque, au point d'être fichés S par la suite. Il est dommage qu'entre-temps nous ayons perdu leur trace. Mais, qui sait, de malheureux faits divers nous permettront peut-être de les retrouver…
Un échec judiciaire ensuite, car les juges des libertés et de la détention (JLD) ont refusé le maintien des migrants dans la zone internationale d'attente créée pour leur arrivée. La décision de les libérer a été prise dans plus d'une centaine de dossiers, pour lesquels le parquet et la préfecture du Var ont fait appel, estimant que le grand nombre de saisines concomitantes aurait dû permettre aux juges de repousser leurs décisions de vingt-quatre heures. C'est un délai nécessaire car, lorsqu'il est écoulé, les migrants sont libres de partir, passant ainsi entre les mailles des vérifications essentielles et sécuritaires les plus élémentaires.
Un échec administratif enfin, car selon les autorités judiciaires, il suffit qu'une vingtaine de migrants arrivent en même temps et que leurs dossiers soient examinés pour que le tribunal administratif de Toulon se retrouve dépassé et incapable de faire face à la situation.
Sur les dizaines de cas à examiner, un seul a pu être traité dans les délais légaux de vingt-quatre heures. Ce triple naufrage aurait pu être évité si l'Ocean Viking n'avait pas défié les règles les plus élémentaires du droit de la mer qui, fort d'au moins trois conventions internationales, celle des Nations unie relative au droit de la mer, celle concernant la recherche et le sauvetage maritime de 1979, ou encore celle pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974, auraient dû conduire le navire à se diriger vers le port le plus proche, en l'occurrence en Tunisie et non en Italie, puis en France.
Embourbée entre la nécessité de faire appliquer le droit international et celle de secourir des migrants dont l'état de santé commençait à inquiéter, la France a cédé. Ou plutôt, Emmanuel Macron a cédé. Créant au passage, comme l'indique très bien la proposition de résolution dont nous discutons, un précédent dont les conséquences humanitaires, sécuritaires et politiques sont catastrophiques.
Parce que l'inaction ne peut être notre réponse, je souscris des deux mains à cette proposition de résolution. D'une part, parce qu'elle envoie un message clair aux passeurs : vous êtes des trafiquants de mort, des criminels qui sévissez contre l'humanité et vous allez être traités comme tels. Sans pitié. Sans compromission. Mais aussi parce qu'elle invite le Gouvernement français à rejoindre l'initiative commune de l'Italie, la Grèce, Chypre et Malte, pour amener l'Union européenne à mieux encadrer l'activité des ONG en mer Méditerranée.
Parce qu'elle engage aussi le Gouvernement à demander de confier à la seule agence Frontex le soin de recueillir les migrants en détresse en Méditerranée et d'administrer des hotspots hors territoire de l'Union européenne, pour traiter en exclusivité les demandes d'asile des migrants.
Enfin, parce qu'elle engage la France à demander à l'Union européenne de conditionner l'aide au développement aux pays membres de l'Union africaine à leur coopération en matière migratoire. Ce sont autant de mesures de bon sens qu'il est, je crois, plus que temps de faire nôtres.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de résolution européenne visant à faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée ;
Discussion de la proposition de résolution européenne relative aux suites de la conférence sur l'avenir de l'Europe.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra