Nous débattons d'un sujet qui, malheureusement, fait trop souvent la une de l'actualité, en raison de la multiplication des drames humains que constituent les naufrages. C'est pourquoi je remercie le président Marleix et M. le député Dumont, qui ont fourni un travail exigeant sur cette question, conduisant la commission des affaires européennes à adopter cette résolution le 12 avril.
Au cœur de cette résolution, aujourd'hui soumise au vote de notre assemblée, résonne le même objectif que celui qui anime les intentions du Gouvernement : il est indispensable que cesse l'exploitation par des réseaux criminels des espoirs de milliers de personnes aspirant à une vie meilleure. Ces réseaux sont au cœur d'une entreprise funeste : ils provoquent la mort de centaines de personnes en Méditerranée, et ailleurs, notamment dans la Manche. Je souhaite avoir une pensée pour toutes ces victimes et leurs proches.
C'est notamment sur la route migratoire de Méditerranée centrale, qui passe principalement par la Tunisie et la Libye, que nous observons la plus forte augmentation des flux depuis le début de l'année, avec les conséquences que nous connaissons en termes de vies humaines – le drame de Cutro, parmi d'autres, nous l'a dramatiquement rappelé.
Contre cela, nous devons agir avec humanité, fermeté et détermination, dans le plein respect notre cadre constitutionnel et de nos engagements européens et internationaux. C'est le sens de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement français, notamment au niveau européen. Dès l'année dernière, alors que les flux migratoires s'intensifiaient, c'est à la demande de la France que le groupe de contact entre États membres en matière de recherche et de sauvetage s'est de nouveau réuni pour lancer des travaux visant à améliorer la coordination européenne en la matière – j'y reviendrai. La détermination de la France et de tous les États membres s'est poursuivie et intensifiée avec l'augmentation significative des flux en provenance de Tunisie cette année. C'est en instaurant une coopération approfondie avec les États tiers de transit ou d'origine des flux migratoires que nous trouverons des solutions pérennes à ce défi humain.
La proposition de résolution aborde ainsi de nombreux volets qui s'inscrivent dans la lignée des ambitions du Gouvernement et de nos initiatives européennes. D'abord, la lutte contre les trafics d'êtres humains est au cœur de nos priorités, et vos propositions en la matière rejoignent les ambitions du Gouvernement. Il s'agit de combattre, sur l'ensemble des terrains où il nous est possible de le faire, les pratiques et l'influence des réseaux de passeurs. Les juridictions internationales peuvent également avoir un rôle à jouer pour enquêter et punir ces trafics. Ainsi, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale a d'ores et déjà fait des crimes commis contre les migrants l'un de ses axes d'investigation dans le cadre de l'enquête en cours sur la situation en Libye. Ce bureau poursuit actuellement ses travaux afin que les suites nécessaires soient données aux exactions commises contre les migrants et les réfugiés sur le territoire libyen. La France, en tant que signataire du Statut de Rome, encourage avec vigueur la poursuite de cette enquête, ainsi que de toutes celles qui seront ouvertes par le bureau du procureur.
Cependant, nous devons être conscients que cette action est, de facto, limitée par la juridiction des cours internationales, dont seuls relèvent les États parties. Du reste, cette compétence est complémentaire de celle des juridictions nationales.
Ensuite, la relance du groupe de contact entre États membres en matière de recherche et de sauvetage et la poursuite des travaux relatifs à l'instauration d'une coordination européenne sur cette question vont dans le sens de vos propositions. En effet, il est essentiel de renforcer notre compréhension commune du cadre légal en vigueur pour fluidifier la coopération entre les États et éviter que des drames ne se répètent en Méditerranée. Un projet pilote entre l'Italie et Frontex, que la France a rejoint, est notamment en cours, afin de faciliter le partage d'information, l'identification des embarcations en détresse et la coordination des missions de sauvetage.
Par ailleurs, en matière de sauvetage en mer, il est également essentiel d'aborder l'enjeu des débarquements, qui sont étroitement liés aux discussions actuellement menées au niveau européen, et avec nos partenaires des pays tiers, pour prévenir les flux migratoires et traiter les causes profondes des migrations. Tous les États membres sont ainsi engagés dans la mise en œuvre de partenariats avec les pays tiers, afin d'atteindre ces objectifs que nous souhaitons être mutuellement bénéfiques, aussi bien en matière migratoire qu'économique ou politique. En aucun cas, il ne doit s'agir de réduire les relations avec nos partenaires à un dialogue relatif à la question migratoire, mais bien de renforcer nos liens, afin que ces objectifs soient atteints dans la confiance et le respect de nos engagements internationaux.
Les dialogues menés avec la Tunisie et l'Égypte en sont des exemples majeurs. La France y prend toute sa part, en multipliant les déplacements au niveau technique et politique, dans un format bilatéral et avec les institutions européennes. De manière constante depuis 2015, l'Union européenne est engagée, notamment dans le renforcement des capacités de surveillance et de contrôle aux frontières de nos partenaires, et s'attache à entretenir un dialogue fourni et équilibré avec eux, ainsi que l'ont rappelé les chefs d'État et de gouvernement européens lors de chacune des réunions du Conseil européen depuis le mois de novembre 2022.
Nous sommes également conscients que l'ensemble de ces engagements mutuels ne sauraient être pris sans que des leviers efficaces et persuasifs soient mis à disposition de la politique migratoire menée avec nos partenaires. Aussi pouvez-vous compter sur le Gouvernement pour que la France mobilise à Bruxelles l'ensemble des moyens nécessaires au respect de la parole donnée par nos partenaires. Madame la députée Karamanli, vous l'avez souligné à juste titre en commission : c'est à l'échelon européen que nous pourrons agir efficacement afin d'obtenir les résultats que nous escomptons. C'est dans ce cadre que s'inscrit, par exemple, l'accomplissement de démarches diplomatiques auprès des autorités des pays tiers avec lesquelles la coopération n'est pas satisfaisante en matière de réadmission. L'Union européenne peut même aller jusqu'à appliquer des mesures visant à restreindre la délivrance de visas par l'ensemble des États membres de l'Union européenne aux ressortissants de pays tiers qui n'amélioreraient pas la coopération avec l'Union européenne. D'autres mesures sont également à l'étude sur différents volets. Gardons à l'esprit que nous devons atteindre nos objectifs migratoires avec efficacité ; cela doit demeurer notre principe-cadre.
Par ailleurs, dans le cadre des travaux au niveau européen, nous avons rappelé avec constance la vision française de la notion de lieu sûr. D'une part, ce lieu doit être situé à proximité du port de débarquement, d'autre part, il est absolument nécessaire que les personnes qui y sont secourues ne subissent aucun mauvais traitement ni aucune discrimination. Cette vision est indissociable de la position que nous défendons dans les instances internationales. Au regard du droit qui en découle, elle doit être préservée.
Enfin, la révision du cadre législatif européen sur la migration et l'asile, à laquelle nous nous sommes tous – États membres et Parlement – engagés à parvenir avant les élections européennes, doit traduire notre volonté commune de renforcer la protection des frontières extérieures de l'Union, mais également de mieux répartir la gestion des flux migratoires entre les États membres. L'application d'une procédure obligatoire à la frontière et d'un filtrage aux frontières extérieures de l'Union, que nous appelons de nos vœux, sera le double gage d'une Europe qui, d'une part, accueille et reconnaît au plus vite les personnes ayant besoin de protection, d'autre part, réaffirme sa volonté de lutter contre les réseaux qui cherchent à détourner l'asile de sa fin première.
La proposition de résolution souligne la nécessité que nous agissions à tous les niveaux pour prévenir les départs et lutter contre les réseaux criminels, afin d'éviter de nouveaux drames en Méditerranée. Tel est le sens de l'engagement de la France, pris aussi bien auprès de ses partenaires européens que dans le cadre des dialogues avec les pays tiers.
Il importe d'être intransigeants à l'égard des passeurs et d'agir en Européens, en s'inscrivant dans une démarche qui concilie justice, humanité et solidarité. Le pacte sur la migration et l'asile qui, je l'espère, sera adopté au Parlement européen avec le soutien d'une grande majorité de groupes politiques, traduira également cette exigence. La résolution devra refléter cet équilibre.