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Intervention de Guillaume Gouffier Valente

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Respect du droit international dans le secours des migrants en mer méditerranée — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

…lorsque j'ai été nommé rapporteur de la commission des lois sur cette proposition de résolution européenne, je ne partageais pas l'état d'esprit initial qui avait présidé à son dépôt par le groupe Les Républicains – je suis désolé, monsieur Pradié, j'étais justement en train d'échanger avec son auteur.

Sous couvert d'appeler au respect du droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée, son exposé des motifs associait les ONG secourant les personnes en détresse à des réseaux de passeurs. Un tel amalgame relève soit d'une manipulation politique et populiste, soit d'une méconnaissance profonde de la situation actuelle en mer Méditerranée.

C'est bien d'un cimetière à ciel ouvert que nous parlons, de la route migratoire la plus meurtrière au monde, sur laquelle plus de 26 000 personnes ont péri en moins de dix ans et qui représente près de 80 % des décès recensés dans l'ensemble de la mer Méditerranée. Face à ces événements insupportables, je souscris néanmoins à l'enjeu de cette proposition de résolution : la survie des migrants en mer ne peut plus être ignorée, tant l'urgence de la situation est devenue évidente. À ce titre, je tiens à souligner le travail effectué par Pierre-Henri Dumont en commission des affaires européennes pour faire évoluer ce texte et éclairer avec nuance l'ensemble de ses enjeux complexes, tenant autant à la situation géopolitique qu'à l'articulation du droit d'asile et du droit de la mer.

Au moment de commencer son examen par notre assemblée, plutôt que d'agiter des peurs irrationnelles, je vous propose de préserver deux points cardinaux de notre boussole : l'humanisme et le droit. L'humanisme, car la présence des ONG en mer Méditerranée permet de répondre à notre obligation fondamentale d'humanité, qui se fonde sur le principe ancestral des gens de mer selon lequel tout capitaine de navire a le devoir de secourir « quiconque est trouvé en péril en mer ». Au plus fort de la crise migratoire qui a touché l'Union européenne en 2016, les navires des ONG ont permis de sauver 4 000 vies. Nous devons saluer cette action et en aucun cas, la criminaliser ; je m'opposerai fermement à toute demande allant en ce sens.

L'humanisme, encore, pour ne pas laisser penser que la présence de ces navires favoriserait les tentatives de traversée, à la manière d'un appel d'air. Les études menées à ce sujet, notamment celle publiée en 2021 par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), montrent qu'aucune corrélation ne peut être établie entre la présence de ces navires et l'augmentation des tentatives de traversée. Par ailleurs, je tiens à rappeler que la majorité des opérations de sauvetage sont effectuées par des navires des autorités publiques ou de commerce, conformément à leur obligation.

L'humanisme, enfin, car il est de notre devoir de lutter contre les réseaux de passeurs, qui exploitent la misère des demandeurs d'asile. Pour cela, nous devons ne pas faire preuve de naïveté et inciter pleinement les pays tiers à jouer leur rôle dans la lutte contre le développement de ces réseaux sur leur sol et dans la maîtrise de leurs frontières. Dans le projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, nous renforcerons d'ailleurs les outils de lutte contre les réseaux, que nous allons criminaliser.

Le second point cardinal que nous devons préserver est le droit. Comment prétendre que la mort de 2 500 personnes en Méditerranée cette année, d'après les chiffres de l'ONU, ne révèle pas des défaillances que nous devons pallier ?

Ce texte invite à adopter une approche européenne commune dans la conduite des opérations de sauvetage en mer. D'une part, en assurant une meilleure coordination entre les États signataires de la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, dite SAR, responsables des opérations de recherche et de sauvetage dans leurs zones respectives et en garantissant que ceux-ci déploient des moyens suffisants pour répondre aux situations de détresse. D'autre part, en définissant des lignes directrices communes pour l'application du droit de la mer. Les notions de droit international régissant le secours en mer n'ont pas été conçues pour répondre spécifiquement à la prise en charge de migrants ni pour encadrer l'action de navires dont l'activité principale a pour but de rechercher et de secourir les embarcations en détresse, comme le font les navires des ONG.

Les divergences d'interprétation des notions de port de débarquement le plus proche ou de lieu sûr, notamment, conduisent à des situations conflictuelles entre États membres, révélées par la crise de l'Ocean Viking. L'action européenne doit également permettre d'assurer une plus grande solidarité dans la prise en charge des demandeurs d'asile, en particulier à l'issue de leur débarquement après un sauvetage en mer. Le pacte sur la migration et l'asile, qui devrait être adopté dans les prochains mois par les législateurs de l'Union européenne, constituera à cet égard un progrès important. Fixer ce cadre ne doit cependant pas conduire à instrumentaliser les outils de coopération, comme le vise la proposition de conditionner l'aide publique au développement (APD) ; n'étant pas seulement destinée aux États, mais aussi aux populations, celle-ci fait partie des solutions à ces problèmes.

Pour ces différentes raisons, j'ai déposé plusieurs amendements – tardivement, il est vrai – que je vous invite à voter, mes chers collègues ; ils permettront d'équilibrer ce projet de résolution, du point de vue humain et juridique.

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