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Intervention de Gabriel Amard

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Respect du droit international dans le secours des migrants en mer méditerranée — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Amard :

Honte à ceux qui cherchent, au moyen de ce texte violent, à pousser notre peuple à se haïr lui-même, alors que nous avons mis trois siècles à nous débarrasser des guerres de religion ! Honte à vous qui vous accrochez à je ne sais quelle idée invraisemblable de pureté ethnique, alors que la France est le pays qui a le plus profondément pratiqué la créolisation, héritage merveilleux d'amour et de partage.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à votre texte, cheval de Troie du dangereux et méprisable projet sur l'asile et l'immigration, messieurs que portent en commun Les Républicains et la minorité présidentielle. D'abord, parce que nous n'accepterons jamais qu'à la mort s'ajoutent l'indicible cruauté des mots, la haine, la stigmatisation des sauveteurs et des personnes secourues. Ensuite, parce que votre proposition méconnaît à tel point le droit et la réalité du sauvetage en mer qu'elle en devient risible.

Nous connaissons votre mépris pour les exilés mais jamais nous n'aurions pu imaginer que vous méconnaissiez à ce point le droit maritime. Votre proposition de résolution, en effet, repose tout entière sur des mensonges et des éléments de langage. Vous avez de la chance, de ce point de vue, car l'exposé des motifs initial a disparu de la version finale du texte. La représentation nationale aurait pu rire en chœur de votre incompétence, puisque vous alléguiez dès la première phrase de votre proposition : « La France a accueilli le 11 novembre dernier le bateau humanitaire Ocean Viking avec 230 migrants secourus en mer à son bord, dans les eaux territoriales libyennes ». Vous aviez bien écrit « dans les eaux territoriales libyennes ». Mes chers collègues, puisque vous prétendez réformer le droit maritime, imposez-vous le devoir d'en maîtriser ses réalités : L'Ocean Viking n'est jamais entré dans les eaux territoriales libyennes !

Une règle simple dicte toute l'action maritime : l'octroi d'un port sûr. Votre proposition prétend la remodeler alors que l'attachement à cette règle garantit le respect de la dignité des exilés.

Par ailleurs, comme en commission, je le réaffirme ici catégoriquement : vous mentez. L'opération Triton de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, avait pour seul objectif de surveiller les frontières, pas de sauver les migrants, comme vous essayez de le faire croire. L'opération Themis, actuellement en cours, n'a pas non plus pour mandat principal la recherche et le sauvetage. D'ailleurs, aucun bâtiment maritime de Frontex déployé dans la zone n'aurait la capacité de mener des opérations de sauvetage en Méditerranée centrale. Vous souhaitez donner des prérogatives à Frontex pour organiser les sauvetages alors que Frontex n'a ni bateau dans la zone ni mandat pour le faire !

Cette proposition de résolution exige en outre que la France reconnaisse les crimes commis par les passeurs comme des crimes contre l'humanité. Allons-y ! Si vos paroles sont suivies d'actes, vous nous trouverez à vos côtés : Exigeons du Gouvernement qu'il fasse la lumière sur les financements européens qui, en Libye, participent, d'une manière directe ou indirecte, à alimenter un système dénoncé par les enquêteurs de l'ONU, fait de prisons secrètes où les migrants sont réduits en esclavage, subissent des sévices sexuels et des crimes contre l'humanité. Oui, les Français ont le droit de savoir où va leur argent et à quoi il sert !

Je dénonce enfin votre hypocrisie : pointer du doigt les ONG, c'est nier les causes des migrations. Collègues, il faut remonter à la racine des problèmes. Notre devoir de représentant du peuple nous commande de dire que l'immigration est toujours un exil forcé, une déchirure profonde pour quiconque doit s'arracher à sa terre, à sa famille, à ses écoles et à ses cimetières.

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