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Intervention de William Martinet

Séance en hémicycle du mardi 28 novembre 2023 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaWilliam Martinet, rapporteur de la commission des affaires sociales :

S'ajoute à cette difficulté générale l'enjeu spécifique du secteur privé lucratif, qui n'est plus l'unique objet de cette commission d'enquête, mais n'a pas pour autant disparu de son périmètre. Il y a vingt ans a été créé un système très avantageux pour les opérateurs privés, notamment grâce à un crédit d'impôt dédié, le très mal nommé crédit d'impôt famille (CIF), qui bénéficie essentiellement aux grandes entreprises. Certains parlent d'un « business biberonné à l'argent public » ; l'Igas évoque plus sobrement un « surcalibrage des financements publics ».

Le privé lucratif est hyperdéveloppé – il représente 80 % des ouvertures de crèches ces dix dernières années –, hyperconcentré – quatre grands groupes gèrent les trois quarts des berceaux privés – et hyperfinanciarisé – les grands groupes sont contrôlés par des fonds d'investissement. Et les fonds d'investissement en question sont capitalisés à hauteur de plusieurs milliards d'euros. Ils ont dans leur portefeuille aussi bien des crèches en France que des pipelines en mer du Nord, de la fibre optique aux Pays-Bas et des lignes ferroviaires en Italie.

Il faut donc bien comprendre que les établissements des grands groupes, malgré leurs noms chaleureux – Les Clochettes, La Maison Kangourou, Lapins et compagnie –, sont soumis à de froides exigences de rentabilité de la part des investisseurs, et que cette financiarisation a indéniablement produit des dérives.

Dans l'ouvrage Le Prix du berceau, publié par les journalistes Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, nous apprenons qu'un de ces grands groupes, Les Petits Chaperons rouges, a instauré un système de primes encourageant à faire des économies sur l'alimentation des tout-petits. Ainsi, dans certaines crèches, le nombre de repas commandés était inférieur au nombre de bébés inscrits, les directions d'établissement misant sur l'absence habituelle de plusieurs enfants. Lorsque, par malheur, il n'y avait pas d'absents, tant pis, les portions étaient divisées et les enfants ne mangeaient pas à leur faim ! Chers collègues, qui peut rester sans réaction face à de telles dérives ?

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