France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par le Président de la République par décret du 11 septembre 2023.
J'informe l'Assemblée que le 20 août 2023, à minuit, Mme Aurore Bergé, MM. Thomas Cazenave, Philippe Vigier et Mmes Fadila Khattabi, Sabrina Agresti-Roubache et Prisca Thevenot, nommés membres du Gouvernement par décret du 20 juillet 2023, ont été remplacés respectivement par M. Philippe Emmanuel, Mme Alexandra Martin, MM. Laurent Leclercq, Philippe Frei, Didier Parakian et Mme Virginie Lanlo.
J'informe également l'Assemblée de la cessation, le 20 août 2023 à minuit, du mandat de député de M. Fabien Lainé et de la reprise de l'exercice du mandat de Mme Geneviève Darrieussecq, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin par décret du 20 juillet 2023.
Par ailleurs, la Présidente de l'Assemblée nationale a reçu de la Première ministre une lettre l'informant de sa décision de prolonger la mission temporaire confiée à Mme Barbara Pompili, députée de la 2
En notre nom à tous, je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues.
Applaudissements sur divers bancs.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
M. Louis Boyard s'exclame.
Je suis très heureux de vous retrouver en ce début de session extraordinaire pour vous présenter le projet de loi pour le plein emploi. Vous le savez, c'est l'objectif majeur que les gouvernements successifs et notre majorité ont visé depuis 2017, sous l'autorité du Président de la République. En effet, nous sommes convaincus que, loin de se réduire à un résultat statistique du marché du travail, cet objectif recouvre en réalité un projet collectif : celui d'une société plus productive, et donc plus riche et plus souveraine, mais aussi celui d'une société qui donne une place à chacun. Car nous l'affirmons : l'accès à l'emploi est le meilleur moyen, l'outil le plus efficace, pour lutter contre la pauvreté et pour donner ou restaurer l'autonomie et la dignité, et donc l'émancipation.
Il y a encore quelques années, parler de plein emploi aurait suscité au mieux des moues dubitatives, au pire des sarcasmes, tant nous nous étions habitués à vivre avec le chômage de masse. L'État, disait-on, avait fait tout ce qu'il pouvait. La puissance publique était dans l'impasse et une forme de fatalisme collectif nous avait saisis, conférant au plein emploi le rang d'une utopie à l'horizon sans cesse repoussé.
Ce fatalisme mortifère explique largement notre décrochage productif après des décennies de résignation : notre taux d'emploi reste de plus de 10 points inférieur à celui de la moyenne européenne ; notre produit intérieur brut par habitant est de 15 à 20 % inférieur à ceux de l'Allemagne et du Danemark. Revenir au niveau de ces pays, rarement considérés comme des îlots ultralibéraux ou des lieux de servitude, permettrait à nos finances publiques de bénéficier de recettes telles que l'idée même de déficit serait rendue obsolète !
C'est pour faire mentir le fatalisme français que nous agissons depuis 2017. Vous le savez, nous avons fait une partie du chemin au cours des six dernières années puisque le taux de chômage est passé de 9,5 % à 7,1 %, atteignant ainsi son niveau le plus bas depuis quarante ans. Le taux d'emploi et le taux d'activité sont au plus haut depuis que l'Insee a commencé à les mesurer en 1975.
M. Maxime Minot s'exclame.
Il reste encore beaucoup à faire, mais nous avons mis fin à des décennies de chômage de masse grâce aux réformes ambitieuses menées depuis 2017.
Pour faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, nous avons mené les réformes de l'apprentissage et du contrat d'engagement jeune (CEJ) et engagé celle du lycée professionnel. Pour inciter au retour à l'emploi, nous avons conduit la réforme de l'assurance chômage. Pour poursuivre l'amélioration du taux d'emploi des seniors et l'augmentation du nombre de personnes en emploi, nous avons mené la réforme des retraites. Dans le droit fil de notre engagement en faveur de l'emploi des seniors, nous souhaitons que les partenaires sociaux aboutissent à un accord interprofessionnel sur le sujet. En réalité, nous avons surtout mis un terme au fatalisme ambiant qui a trop longtemps dominé la question de l'emploi en France, au détriment des demandeurs d'emploi de longue durée, souvent les mêmes, toujours les plus fragiles d'entre nous.
Aujourd'hui, nous en sommes convaincus, nous pouvons atteindre le plein emploi. Pour finir de nous donner les moyens d'atteindre cet objectif, nous réformons le service public de l'emploi, nous modernisons l'accompagnement des plus fragiles et nous continuons de lever les freins à l'emploi auxquels se heurtent trop de nos concitoyens, notamment ceux en situation de handicap.
La démarche qui sous-tend le projet de loi s'appuie sur un constat et une conviction. Le constat, tout d'abord, est que les entreprises françaises peinent à recruter alors que le chômage reste important dans notre pays – l'un des plus importants en Europe –, ce qui signifie que nous avons du mal à résoudre l'inadéquation entre la formation des demandeurs d'emploi et les besoins des entreprises. Nous devons donc renforcer l'efficacité de notre service public de l'emploi pour faire se rencontrer l'offre et la demande de travail. Notre conviction, ensuite, est que personne n'est inemployable. Le projet de loi doit permettre au marché du travail d'inclure ceux qui en sont les plus éloignés et de rendre un emploi aux plus fragiles, ceux-là mêmes qui, pendant des décennies, ont été relégués au second rang par la fatalité du chômage de masse, souvent les mêmes, souvent aux mêmes endroits.
Avant de vous présenter les principales dispositions du texte, je souhaite rappeler qu'elles reposent sur une méthode précise de concertation et d'écoute. Ainsi le texte s'inspire-t-il très directement du rapport de la mission de préfiguration France Travail, que j'ai confiée à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, au mois d'octobre dernier. Cette mission a mené une large concertation sur la base d'une dizaine de principes que nous reprenons dans le projet de loi et formulé de nombreuses propositions, dont le texte s'inspire dans un souci d'efficacité.
M. Louis Boyard s'exclame.
Le titre III, dédié aux demandeurs d'emploi handicapés, retranscrit quant à lui les mesures issues de la concertation menée en amont de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est tenue le 26 avril dernier sous l'autorité du Président de la République.
Le premier volet du projet de loi concerne l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Sur ce sujet, certains constats sonnent comme des alertes : 60 % des allocataires sont toujours inscrits au RSA plus de cinq ans après leur première inscription, 42 % le sont toujours après sept ans et 16 % le sont même plus de dix ans après. Ce n'est pas ainsi que la République s'acquitte de son devoir de solidarité. Il faut en finir avec le totem de l'aide contre la pauvreté qui serait par essence meilleure que toutes les autres parce qu'elle est sans contrepartie.
En réalité, elle enferme une large partie de ceux qui en bénéficient dans la misère et la précarité. Faire preuve de solidarité, ce n'est pas accepter que se créent des trappes à précarité.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Atténuer les symptômes de la précarité n'en fera jamais disparaître les causes.
Les personnes les plus fragiles doivent être accompagnées globalement et s'insérer dans la société grâce au travail. Je l'ai dit et je le répète : la République n'est pas quitte de son devoir de solidarité quand elle a versé à une personne 607 euros par mois ; elle l'est quand elle lui a rendu les moyens de son autonomie et quand elle lui permet d'accéder à l'emploi. Avec ce projet de loi, nous voulons tenir pour de bon, avec une série de mesures concrètes, la promesse de solidarité du RSA.
Ne parlez pas de travail, vous ne connaissez pas le sujet !
Protestations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à vous exprimer sur les sujets que vous connaissez. Or je n'ai pas le sentiment que le travail et l'emploi soient votre première spécialité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout d'abord, l'ensemble des personnes à la recherche d'un emploi, notamment les allocataires du RSA et les jeunes accompagnés par les missions locales, seront inscrites auprès de l'opérateur France Travail : c'est le meilleur moyen de garantir un accompagnement à chacun et d'éviter les ruptures de parcours. Le projet de loi prévoit également la reconnaissance et la sécurisation du rôle des acteurs, souvent associatifs, chargés de repérer et d'aller vers les personnes les plus isolées, qui ne sont plus suivies par aucune structure, pour leur proposer des solutions d'accompagnement et d'insertion adaptées, grâce au sport et à la culture, mais pas seulement. Ces acteurs reconnus seront intégrés au réseau France Travail afin qu'aucune des solutions qui marchent ne soit perdue.
Ensuite, le parcours d'accompagnement sera formalisé dans le cadre d'un contrat d'engagement rénové et unifié. Pour plus de lisibilité et d'efficacité, ce nouveau contrat sera proposé à tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur situation.
Il détaillera les engagements réciproques de l'organisme référent et de la personne accompagnée, et intégrera un plan d'action précisant les objectifs d'insertion sociale et professionnelle du demandeur d'emploi. Ce contrat tiendra compte de la situation individuelle de la personne, ce qu'il est important de souligner.
Après un diagnostic complet, si nécessaire, avant le parcours d'insertion professionnelle, la personne sera orientée vers un parcours d'insertion sociale, pour lever les freins rencontrés en matière de logement, de garde d'enfant, de santé ou de mobilité. Il sera ainsi tenu compte des situations particulières des proches aidants et des familles monoparentales qui n'ont pas de solution de garde – le Sénat a enrichi le texte sur ce point, auquel la commission des affaires sociales de l'Assemblée semble également très attachée.
Nous allons, je crois, réussir le pari d'un accompagnement rénové, car nous préparons ces nouvelles formes d'accompagnement dans le cadre d'une expérimentation avec dix-huit départements. Une réunion a encore eu lieu vendredi dernier pour faire le point sur son déroulement et les retours sont positifs, s'agissant notamment de l'entretien de diagnostic, réalisé simultanément par Pôle emploi et un travailleur social du département.
Je salue le travail partenarial de grande qualité engagé avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et son président François Sauvadet. Nous avançons en nous écoutant les uns les autres et en cherchant à atteindre le même objectif d'insertion et de plein emploi. Dans les départements concernés, les expérimentations s'appuient sur des initiatives locales et confortent des outils souvent efficaces.
Nous allons poursuivre ces expérimentations et les élargir en 2024 pour préparer l'entrée en vigueur de la loi début 2025. Il s'agit d'anticiper et d'identifier les pratiques les plus efficaces, qui relèvent de la gestion et non de la loi, pour réussir la généralisation du dispositif en 2025. Un premier bilan d'étape est prévu début 2024 avec les départements concernés.
Le régime de contrôle et de sanction des allocataires du RSA sera par ailleurs rénové pour être rendu plus progressif, mais aussi plus effectif. Un nouveau premier niveau de sanction est introduit, la « suspension-remobilisation », qui permettra de suspendre temporairement l'allocation au premier manquement sans interrompre l'accompagnement. Si la personne respecte ses engagements, elle bénéficiera d'un versement rétroactif des droits.
À défaut, le RSA pourra être supprimé, comme c'est le cas depuis 1988.
Cette nouvelle sanction sera exercée par le président du conseil départemental dans le respect de ses prérogatives et de ses compétences.
Enfin, dans l'esprit du contrat d'engagement jeune, le nouveau contrat permettra de proposer un accompagnement intensif et personnalisé. Pour les allocataires du RSA les plus éloignés de l'emploi, France Travail proposera, selon leur situation personnelle, jusqu'à quinze à vingt heures hebdomadaires d'activités consacrées à leur parcours : ateliers, formations, accompagnement, appui et solutions locales. Il ne s'agit ni de travail gratuit ni de bénévolat obligatoire, mais bien d'activités d'insertion et de formation pour permettre le retour à l'emploi. Cet accompagnement sera renforcé par la prise en compte des difficultés de nature sociale qui empêchent le retour à l'emploi.
Mme Clémentine Autain et M. Hadrien Clouet s'exclament.
Les freins à l'emploi feront l'objet d'un diagnostic complet, qui permettra d'y répondre précisément. C'est tout l'enjeu de ce partenariat, qui doit permettre d'apporter des solutions concrètes aux demandeurs d'emploi.
On parle de quinze à vingt heures ! On ne laissera pas cette mesure passer.
Je sais que la question des quinze à vingt heures hebdomadaires d'activités a suscité le débat avant et pendant les travaux de la commission.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Permettez-moi de vous dire ma conviction : plus les allocataires concernés par ces heures d'activités seront nombreux, mieux cela sera ; toutefois, nous devons aussi tenir compte tant des capacités des personnes accompagnées – souvent en grande difficulté après des années de précarité, parfois même en mauvaise santé – que de notre capacité collective à proposer partout et à tous des activités adaptées et personnalisées.
Enfin, pour que cet accompagnement puisse intégrer une offre de formation adaptée, nous renouvelons le principe d'une contractualisation pluriannuelle entre l'État et les régions pour la formation des demandeurs d'emploi, avec un plan d'investissement dans les compétences (PIC) en complément de l'investissement des régions. À cet égard, je viens d'annoncer à l'association Régions de France (ARF) et aux présidents des régions que l'État était prêt à investir à leurs côtés près de 4 milliards d'euros entre 2024 et 2027. Je suis heureux que les régions accompagnent et amplifient cette mobilisation continue en faveur de l'emploi, heureux aussi que notre travail commun conduise sept régions métropolitaines à participer aux protocoles de préfiguration de France Travail.
Avec l'ARF, nous avons expliqué comment nous comptons avancer et préparer la seconde génération du plan d'investissement dans les compétences. Nous le savons tous, former ramène vers l'emploi. Atteindre le plein emploi passera par la formation des demandeurs d'emploi et par l'amélioration de notre capacité à répondre aux besoins de compétences des entreprises. Dans ce cadre, la priorité sera donnée à l'insertion des publics fragiles, aux formations aux métiers en tension, aux formations à distance et aux formations courtes avant embauche, mais aussi à l'élargissement des publics bénéficiaires des formations financées par le PIC. Nous allons supprimer les conditions de diplôme et de formation pour les allocataires du RSA et les demandeurs d'emploi handicapés, et, pour les autres demandeurs d'emploi, passer de formations inférieures au niveau bac à des formations inférieures au niveau bac + 2.
Le deuxième volet du projet de loi vise à améliorer la gouvernance du service public de l'emploi. C'est là aussi un chantier essentiel, puisque les remontées de terrain témoignent toutes d'une difficile adaptation aux problématiques locales et d'un sentiment de manque de communication entre les acteurs. Bien entendu, beaucoup d'initiatives fonctionnent : il s'agit de les conforter, mais aussi d'aller plus loin.
Pour commencer, le projet de loi définit un patrimoine commun aux membres du réseau, pour le coordonner. Ce patrimoine rassemblera des méthodes, des règles de coordination, des critères d'inscription et d'orientation ou encore des référentiels métiers et formations, qui seront mis en commun et partagés au sein du réseau des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion. Concrètement, cela sera rendu possible par la mise en réseau des données. Le système d'information de Pôle emploi évoluera en plateforme France Travail, de manière à faciliter l'accès à l'information de chacun des acteurs. Les collectivités et leurs élus disposeront ainsi de davantage d'informations : on partagera régulièrement avec eux des données agrégées sur les parcours et les accompagnements, dont ils ne disposent pas aujourd'hui, ce qui leur permettra de faire des comparaisons.
Ensuite, nous allons instaurer une gouvernance territorialisée et simplifiée du réseau France Travail. Elle reposera sur un copilotage entre l'État et les collectivités locales à chaque échelon territorial pertinent, et associera les partenaires sociaux au niveau national et régional. Cette gouvernance partagée est le moyen le plus sûr d'assurer la cohérence du réseau tout en réduisant le nombre d'instances existantes. Nous allons donc créer une instance nationale, qui définira les orientations stratégiques et les modalités de pilotage du réseau France Travail : le comité France Travail. Localement, des comités territoriaux assureront un pilotage au niveau des régions, des départements et des bassins d'emploi, en copilotage avec les collectivités.
J'insiste sur ce point : France Travail ne réduit pas le champ de compétence des collectivités locales. J'ai veillé à ce qu'aucun article ne remette en question la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, pas plus qu'entre les collectivités elles-mêmes. Ainsi, les régions gardent leurs prérogatives sur la formation, les départements sur l'insertion, et les communes et les intercommunalités sur le reste de l'action sociale, mais aussi sur les questions liées à la garde d'enfants, la mobilité ou encore le logement.
Ainsi, l'État et les collectivités locales auront conjointement la main pour orienter l'action des opérateurs et des partenaires du réseau. Les collectivités n'auront donc pas moins de compétences, mais plus de visibilité, obtenant un pouvoir d'orientation plus fort sur l'ensemble des enjeux d'insertion et d'emploi, et une meilleure appréhension des résultats des politiques publiques menées sur leur territoire.
Nous souhaitons que Pôle emploi prenne en charge de nouvelles missions au service du collectif. Ce n'est pas une recentralisation, bien au contraire : Pôle emploi, devenu France Travail, devra mettre sa capacité de soutien technique et opérationnel au service de tous et produire le patrimoine commun en lien avec tous les acteurs concernés. Comme les autres opérateurs, il inscrira son action dans le cadre des orientations arrêtées par la gouvernance nationale. Pôle emploi sera chargé de mettre en œuvre les orientations définies dans les différents comités : il en sera l'opérateur principal plus que le coordonnateur, sans lien de subordination. Le changement de nom, de Pôle emploi en France Travail, témoigne de l'importance du changement de positionnement de l'organisme et rend visible sa transformation.
Par ailleurs, les inquiétudes qui avaient pu naître au début de la concertation ont été levées : ainsi, la place des missions locales est renforcée auprès du public jeune. Elles continueront de jouer leur rôle central auprès des jeunes en difficulté, l'État conventionnera toujours directement avec elles et les collectivités locales resteront présentes dans leurs instances de coordination, sans que leur gouvernance soit modifiée. Leur rôle sera même renforcé puisqu'elles participeront aux réseaux, à la définition des orientations et à la gouvernance ; il n'est donc en aucun cas question de fusion.
Le troisième chantier du projet de loi concerne la poursuite de l'engagement pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Mes deux collègues, Aurore Bergé et Fadila Khattabi, reviendront sur ce sujet, mais je le souligne s'agissant des politiques d'emploi : les personnes en situation de handicap rencontrent encore trop de difficultés pour accéder ou retourner à l'emploi. Nous voulons donc prolonger les mesures instaurées au cours du précédent quinquennat.
Premièrement, il s'agit d'améliorer l'orientation professionnelle des personnes en situation de handicap, en la confiant au service public de l'emploi. Pour ce faire, nous supprimons l'orientation vers le marché du travail ordinaire par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), cette orientation devenant un droit pour chacun. Le service public de l'emploi proposera un accompagnement à toute personne en situation de handicap et sans emploi. C'est uniquement en cas d'impossibilité d'accès à l'emploi ordinaire que sera préconisée une orientation en milieu adapté, prononcée par les MDPH. Nous souhaitons ainsi mettre fin aux orientations uniquement sur la base d'un dossier.
Par ailleurs, le ministère du travail sera chargé de définir la trajectoire de développement de l'emploi accompagné jusqu'en 2027, pour soutenir les personnes en situation de handicap invisible.
Deuxièmement, nous améliorons l'accès aux droits des personnes en situation de handicap. Les personnes reconnues handicapées, bénéficiaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité, auront les mêmes droits prévus dans le code du travail que les personnes titulaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), sans passer par la MDPH : elles pourront notamment être recrutées en entreprise adaptée, bénéficier de l'emploi accompagné ou toucher une rémunération majorée en formation professionnelle. De la même manière, les conditions de travail des personnes en établissements et services d'aide par le travail (Esat) évolueront et leurs droits sociaux convergeront avec les droits individuels et collectifs des salariés.
Troisièmement, nous favorisons l'engagement des employeurs privés et publics. Certaines mesures relevant du code du travail seront ainsi pérennisées, comme les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) et les CDD tremplins, jusque-là expérimentaux.
Mes deux collègues reviendront sur le quatrième volet du projet de loi, consacré au service public de la petite enfance.
Enfin, le dernier volet du projet de loi prévoit la transposition des mesures du texte aux territoires d'outre-mer. Sur ce sujet, je salue la qualité des échanges que j'ai eus avec les parlementaires ultramarins. Je sais que tous les députés préfèrent débattre et voter au sein de cette assemblée, mais les spécificités de chaque territoire d'outre-mer le rendent matériellement difficile. Les ordonnances que nous proposerons seront écrites en lien avec les parlementaires d'outre-mer, mais aussi avec les présidents des collectivités concernées, comme je l'ai indiqué vendredi dernier au président du conseil départemental de La Réunion, qui participe à l'expérimentation en matière d'accompagnement des allocataires du RSA.
Je termine par un mot sur les moyens financiers car, pour être efficace, le projet de loi devra mobiliser des moyens financiers significatifs sur toute la durée de sa mise en œuvre. En effet, pour atteindre le plein emploi, nous devons créer 700 000 emplois d'ici 2027. Cet objectif est atteignable, à condition de sonner la mobilisation générale ; il l'est d'autant plus que 1,7 million d'emplois ont été créés au cours du précédent quinquennat. Nous devons investir plus fortement encore pour accompagner vers l'emploi celles et ceux qui sont restés sur le bord du chemin. Ce retour à l'emploi est rentable pour les finances publiques, au-delà de la question de l'emploi et de l'insertion : accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi est moins coûteux que le chômage de longue durée, cela augmente l'activité et, en retour, les moyens de l'État.
Pour atteindre cet objectif, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 proposera d'augmenter les moyens de Pôle emploi de 300 millions d'euros, avec une montée en charge progressive pour atteindre 1 milliard d'euros par an en 2027. Ces financements proviendront à la fois d'un effort de l'État et de la contribution de l'Unedic, dont la trajectoire excédentaire, fruit des économies réalisées grâce à la réforme de l'assurance chômage, le permet largement.
Comme je l'ai dit aux partenaires sociaux en cette rentrée, notre budget est un budget de plein emploi. Plutôt que d'augmenter l'endettement public, il implique de mobiliser une partie des excédents issus des réformes engagées par le Gouvernement pour les réinvestir dans les politiques de l'emploi et de la formation.
Par ailleurs, dans le cadre du partenariat qui l'unit aux conseils départementaux, l'État proposera aux départements une contractualisation spécifique à hauteur de 170 millions d'euros en 2024 pour accompagner la création de France Travail, avec un partenariat dans chaque département. Par ce moyen, nous souhaitons préparer la transition vers un nouveau modèle et conforter nos stratégies d'insertion, mais aussi consolider et élargir les expérimentations avec les départements volontaires.
Mesdames et messieurs les députés, vous allez vous saisir d'un texte qui a évolué de manière positive : le Sénat y a ainsi introduit la prise en compte des proches aidants et des représentants des usagers, et a donné davantage d'importance à la réponse aux besoins de recrutement des entreprises, notamment au lien avec l'éducation nationale. Les sénateurs ont enfin veillé à la pérennisation de l'organisation de l'emploi accompagné sous forme de plateformes départementales.
La semaine dernière, votre commission des affaires sociales a, à son tour, fait évoluer le texte, y apportant des précisions, notamment sur la mise en œuvre des quinze ou vingt heures d'accompagnement. Je ne doute pas que nos débats nous permettront de continuer à avancer et à améliorer ces dispositions.
Le nom de l'opérateur et du réseau a également été clarifié ; afin d'éviter la confusion que pointaient certains sénateurs, nous souhaitons que Pôle emploi se transforme en France Travail et anime le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi.
Votre commission a également choisi de ne pas revenir sur la suppression de la charte d'engagement, mais de la remplacer par une charte de coopération en abrogeant la conditionnalité, pour les collectivités, en matière d'accès à la coprésidence des instances de coordination : c'est une bonne chose.
Enfin, vous avez enrichi la composition du comité national France Travail et des comités territoriaux, et amélioré les formations réalisées exclusivement à distance au bénéfice des personnes en recherche d'emploi, en sécurisant leur assise juridique.
En conclusion, je crois que nous pouvons être nombreux à nous accorder sur ces objectifs. Il faut ne pas avoir connu la précarité pour penser que le statu quo est une solution, et ne jamais avoir été élu local pour considérer que nous pouvons aller vers le plein emploi sans la mobilisation de tous les acteurs et la prise en compte de la situation de chacun. Je compte sur nos débats pour nous doter collectivement des outils nécessaires à cette marche vers le plein emploi, et pour continuer à enrichir et à améliorer ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Puisque c'est la première fois que j'ai l'honneur de m'exprimer dans cet hémicycle en tant que ministre des solidarités et des familles, permettez-moi de vous dire mon émotion, d'autant plus au regard des sujets que nous allons aborder : il s'agit d'abord de nos tout-petits et du service public de la petite enfance ,
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE
mais aussi d'une société plus inclusive pour toutes les personnes en situation de handicap.
Solidarité et famille : ces deux mots rythment ce projet de loi. Solidarité et famille, parce que ce texte parle de ce que nous avons de plus précieux : nos enfants, nos tout-petits,…
…la manière dont nous les considérons dans notre société, et la possibilité d'avoir recours, en toute sécurité, à la garde d'enfants.
Le projet de loi nous invite, enfin, à nous interroger sur la prise en compte du handicap dans notre société. La ministre déléguée Fadila Khattabi l'évoquera ; mais j'espère que nous pourrons accepter à l'unanimité qu'enfin, les personnes qui travaillent en Esat ne soient plus considérées comme des usagers mais bien comme des travailleurs et qu'elles se voient appliquer le droit commun.
C'est une avancée très importante que consacre ce projet de loi.
Je veux répondre à plusieurs questions que certains ont soulevées au sujet des articles 10 et 10 bis, relatifs au service public de la petite enfance, soit au Sénat, soit au sein de la commission des affaires sociales, où j'étais présente la semaine dernière.
Les ministres sont à la disposition du Parlement, quelle que soit l'heure à laquelle les parlementaires siègent en commission ou dans l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le service public de la petite enfance a été repoussé trop longtemps. La raison, je crois, en est que la société, au sens général, ne s'intéressait pas particulièrement aux enfants âgés de moins de trois ans – par société, j'entends à la fois notre hémicycle, les élus, les politiques publiques…
Il a fallu Boris Cyrulnik, des chercheurs, des sociologues, des éducateurs, des encadrants, des auxiliaires de puériculture et d'autres professionnels du secteur pour nous alerter :…
…en effet, les mille premiers jours de la vie sont déterminants pour le développement des petits, leur sécurité physique et affective, et leur capacité à devenir des enfants, des adolescents puis des adultes pleinement ancrés dans la société.
Certains se sont étonnés que le service public de la petite enfance figure dans un projet de loi consacré au plein emploi. Pourtant, les deux sujets sont intimement liés, dès lors que l'on croit à l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet, 160 000 personnes – 160 000 femmes, disons-le ! – renoncent à l'insertion professionnelle ou à la reprise d'activité professionnelle parce qu'elles ne trouvent pas de solution de garde d'enfants. Aussi, si nous souhaitons rompre avec ce cercle vicieux et garantir l'égalité entre les femmes et les hommes,…
…devons-nous offrir une telle solution à toutes les familles.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le contexte dans lequel nous débattons est marqué par une pénurie de professionnelles.
J'accorde le mot au féminin, car il s'agit majoritairement de femmes. Elles vivent une situation professionnelle alarmante caractérisée par la perte de sens au travail et parfois par le burn-out. En conséquence, elles ont grand besoin de reconnaissance, d'une revalorisation et de nouvelles manières d'appréhender leur métier.
Pendant trop longtemps, on a considéré que travailler dans le secteur de la petite enfance ne constituait pas une profession à part entière ; pourtant, il s'agit d'un réel métier nécessitant une formation, car c'est aux professionnelles de la petite enfance que nous confions chaque matin ce que nous avons de plus précieux, à savoir nos enfants. Or la pénurie, déjà conséquente – 10 000 professionnelles manquent à l'appel – risque de s'aggraver si nous ne prenons pas dès maintenant les décisions qui s'imposent. En effet, 120 000 assistantes maternelles, pour ne citer qu'elles, partiront à la retraite d'ici à 2030. C'est dire l'énormité de la marche qu'il nous faut impérativement gravir !
La première urgence consiste donc à revaloriser les professionnelles, ce à quoi l'État dédie des moyens sans précédent, actés par la signature de la convention d'objectifs et de gestion (COG) entre notre ministère et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Dans ce cadre, 6 milliards d'euros seront déployés entre 2023 et 2027 pour construire le service public de la petite enfance.
En effet, c'est historique. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la présidente de la Cnaf, qui attendait depuis des années une telle revalorisation.
Je me réjouis que nous ayons eu le courage d'y procéder. De plus, dès le 1er janvier 2024, 200 millions d'euros seront consacrés chaque année à la revalorisation des plus bas salaires. Je pense notamment aux auxiliaires de puériculture, qui bénéficieront enfin d'un treizième mois et d'un salaire décent.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous ne pouvons pas non plus faire abstraction du contexte décrit dans le rapport de l'Igas, l'Inspection générale des affaires sociales, diligenté par le ministère à la suite du drame absolu du décès d'une petite fille dans une structure privée le 22 juin 2022. Après le rapport de l'Igas, deux livres, Babyzness et Le prix du berceau, traitant du même thème, sont récemment parus. Aussi tiens-je à répéter que, sur ces 200 millions, pas un seul euro ne sera accordé à un groupe privé avant que les conventions collectives ne soient révisées pour garantir une meilleure organisation du temps professionnel, la revalorisation des salaires, la mobilité professionnelle ou encore la reprise d'ancienneté lors du passage d'une structure à une autre. Tel est le rôle de l'État : en fléchant l'argent public et en s'assurant de sa bonne utilisation, il garantira que les subventions soutiendront efficacement l'ensemble des politiques publiques menées en faveur de la petite enfance.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Si vous décidez de voter le projet de loi, que changera-t-il ? Il contient deux articles, 10 et 10 bis, relatifs au service public de la petite enfance. L'article 10 en confie le pilotage aux communes, désignées comme autorités organisatrices de ce service public, et garantit aux maires la liberté et les moyens d'agir dans ce domaine. En cela, le texte tient de la loi de décentralisation. Nous avons tenu compte des apports du Sénat et travaillé de concert avec les associations représentatives d'élus, en particulier avec l'AMF – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – et l'association France urbaine. Nous sommes parvenus à un compromis nécessaire à l'entrée en vigueur du projet de loi dans les meilleures conditions possibles. Il consiste à revenir à un seuil de 3 500 habitants pour constituer un véritable maillage territorial dans l'ensemble du pays, tout en assouplissant les obligations des communes de moins de 10 000 habitants, qui disposent d'une ingénierie moindre.
Afin d'éviter, conformément à la demande des élus locaux, que ces dispositions n'entrent en vigueur en période d'élections municipales, la date du 1er janvier 2025 a été retenue. Là encore, nous en avons adapté les modalités à la taille des communes : les communes de plus de 10 000 habitants qui doivent créer un relais petite enfance (RPE) auront jusqu'au 1er janvier 2026 pour ce faire.
Pour favoriser la décentralisation et donner aux communes les moyens d'agir, l'État leur apportera un soutien massif, tant financier – les 6 milliards d'euros dont dispose la Cnaf dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion seront déployés en lien étroit avec les collectivités – que technique, car il importe de compenser l'écart d'ingénierie entre les communes.
Quant à l'article 10 bis, ajouté en commission des affaires sociales – dans la nuit, certes –, je le crois déterminant, car il traite de la capacité de contrôle de l'État. Les départements, compétents en matière de protection maternelle et infantile (PMI), peuvent déjà effectuer des contrôles inopinés au sein des établissements. Toutefois, il existe un trou dans la raquette, car l'État n'est pas en mesure d'envoyer l'Inspection générale des finances (IGF), l'Igas ou encore l'agence régionale de santé (ARS) contrôler le siège d'un grand groupe privé. L'article lui en donnera la possibilité : en inspectant les livres de compte ou encore les contrats de travail afin de comprendre l'organisation du groupe, l'État pourra désormais assurer un contrôle efficace.
Dès la parution des deux ouvrages révélant les pratiques de certaines crèches privées, j'ai convoqué les quatre grands groupes concernés. Je les reverrai dans deux mois afin d'examiner très précisément les mesures qu'ils auront instaurées. Nous aurons besoin de tous les acteurs pour assurer le bon fonctionnement du service public de la petite enfance. Il ne s'agit pas de substituer un modèle économique à un autre. Toutefois, il revient à l'État de garantir la qualité d'accueil et la sécurité des enfants dans l'ensemble des établissements et de surveiller le montant du reste à charge pour les familles.
J'ai rencontré également tous les préfets et les directeurs départementaux de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour leur demander que l'ensemble des informations dont disposent les services de l'État soient coordonnées sous l'autorité du préfet, afin que des contrôles plus efficaces puissent être immédiatement diligentés.
En somme, l'objectif de ces deux articles consiste à réarmer le secteur de la petite enfance, en lui accordant des moyens inédits – 6 milliards d'euros en cinq ans –, en remettant les professionnels de la petite enfance au cœur du service public dédié, en faisant de la qualité d'accueil et de la sécurité des enfants une priorité et en ménageant la possibilité de contrôler tant les établissements que les sièges des grands groupes privés.
Nous comptons poursuivre la méthode de concertation que nous avons employée jusqu'ici au Parlement. En effet, j'ai dialogué avec l'ensemble des groupes qui ont soumis des propositions et j'ai accepté des amendements venant de chaque groupe qui s'est montré constructif. Telle sera également notre méthode en séance publique et lors des échanges avec le Sénat.
Par ailleurs, nous maintenons aussi le dialogue avec les associations représentatives d'élus comme l'AMF – je remercie d'ailleurs le président de l'AMF de s'être montré si disponible, ce qui a facilité l'atteinte d'un compromis –, France urbaine ou encore l'ADF, avec laquelle nous avons abordé le sujet des contrôles. Les défis auxquels nous faisons face sont trop importants et trop structurants pour agir autrement.
Je conclurai en citant une phrase très belle et très éclairante de Rebecca Lighieri : « La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance quand elle s'est mal passée : on y reste coincé à vie. » Faisons en sorte que nos enfants vivent la meilleure enfance possible, en toute sécurité.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je suis très heureuse de vous retrouver, après une pause estivale dont j'espère qu'elle a été agréable ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
pour parler d'un défi dont je sais qu'il tient à cœur à chacun d'entre nous : l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, une de nos grandes priorités.
Mes collègues l'ont expliqué, l'objectif du texte est ambitieux : il vise à atteindre le plein emploi pour tous les Français.
Pour cela, nous devons continuer à lever les obstacles encore trop nombreux auxquels se heurtent nos concitoyens en situation de handicap. Le taux de chômage des personnes handicapées, qui se situait à 19 % en 2017, est descendu à 12 % en 2023 grâce à l'action gouvernementale et à l'implication de la majorité.
Je veux saluer à cet égard l'engagement sans faille de mon collègue Olivier Dussopt, qui a su, lors de la Conférence nationale du handicap, se saisir pleinement de ce sujet. Cette méthode de travail, rappelée par la Première ministre mercredi dernier à l'occasion du comité interministériel du handicap (CIH), doit nous permettre de rendre nos politiques publiques plus efficientes et de faire respecter les droits des personnes en situation de handicap. Elle a déjà permis de faire émerger des mesures ambitieuses pour l'emploi, saluées par les personnes concernées, par les acteurs associatifs et par les entreprises, qui doivent désormais être déployées et déclinées au niveau législatif. Tel est précisément l'objet du projet de loi.
Concrètement, la première étape consiste à mieux orienter les demandeurs d'emploi et à mieux prendre en considération leurs compétences et aspirations,…
…pour mieux sécuriser leur parcours professionnel. Demain, grâce à France Travail, ce nouveau service public de l'emploi sera la porte d'entrée unique pour tous les Français, qu'ils soient ou non en situation de handicap. Chaque demandeur d'emploi pourra être informé, orienté et accompagné dans son projet professionnel par un conseiller.
Olivier Dussopt, Aurore Bergé et moi souhaitons répondre aux aspirations des demandeurs d'emploi en situation de handicap en fluidifiant et en sécurisant leur parcours. Les Esat resteront des acteurs majeurs, mais nous ne devons pas pour autant assigner à résidence des personnes désireuses et capables de travailler en milieu ordinaire. En d'autres termes, l'orientation en milieu ordinaire sera de droit et exercer son métier dans un Esat sera un choix.
Je me réjouis, monsieur le ministre, des belles avancées en matière de droits que contient le texte : l'alignement des droits des travailleurs en Esat sur ceux des autres salariés constitue un véritable progrès social.
Vous devriez vous en féliciter, messieurs et mesdames les députés. En effet, comment justifier que ces 120 000 personnes qui travaillent ne jouissent pas du droit de grève ni du droit de se syndiquer ?
C'est bien la première fois que vous vous souciez du droit de se syndiquer !
Comment expliquer qu'ils n'aient le droit ni à une complémentaire santé, ni à la prime transport, ni au ticket restaurant ? En votant ces avancées essentielles, nous améliorerons leur pouvoir d'achat.
Les mesures que nous défendons sont historiques, ne vous en déplaise.
Enfin, plus largement, le projet de loi contribuera à changer le regard que notre société porte sur les personnes handicapées, qui, trop souvent encore, restent exclues. Il est certes question de prise de conscience, mais surtout d'égalité des chances et des droits.
En tant que ministre déléguée chargée des personnes handicapées, je revendique une société véritablement inclusive qui considère ses citoyens pour ce qu'ils sont réellement, en tenant compte de leurs compétences et de leurs aspirations.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les titres I et II.
Après trente heures de débats en commission des affaires sociales, durant lesquelles nous avons examiné plus de 1 130 amendements, j'ai l'honneur de vous présenter une réforme équilibrée et ambitieuse qui vise notamment à intensifier l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du revenu de solidarité active grâce à une transformation du service public de l'emploi.
La France peut se targuer de posséder un marché du travail extrêmement dynamique, comme en atteste le taux de chômage historiquement bas de 7,2 %. Lors du précédent quinquennat, 1,7 million d'emplois ont été créés, auxquels s'ajouteront plusieurs dizaines de milliers d'emplois prévus pour la réindustrialisation du pays.
Le plein emploi est donc bien à notre portée. Pour l'atteindre, nous devons aider nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi et les chefs d'entreprise à se rencontrer. En effet, 350 000 emplois sont restés non pourvus au quatrième trimestre 2022 et 61 % des recrutements durant cette même année ont été jugés difficiles. L'écrasante majorité des entreprises de moins de cinquante salariés ne dispose pas d'un service de ressources humaines alors qu'elles représentent 70 % des embauches. Il est donc crucial de les accompagner. Cependant, parce que son image n'est pas à la hauteur du service rendu, Pôle emploi ne capte qu'un quart des offres disponibles. Ce projet de loi apporte des solutions concrètes à ces différents enjeux.
Le principe de l'inscription généralisée auprès de l'opérateur France Travail de toutes les personnes en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles, prévu à l'article 1er , vise à améliorer l'orientation de ces personnes.
Parallèlement, l'article 2 modifie le régime des droits et devoirs des demandeurs d'emploi à travers un contrat d'engagement réciproque, qui a été précisé par la commission.
Nous sommes convaincus – et nous n'avons pas honte de le dire – que l'emploi reste le meilleur moyen de sortir de la pauvreté. Toutefois, jusqu'à présent, les contrats signés par les allocataires du RSA ne définissent, trop souvent, aucune action d'accès à l'emploi. Par conséquent, sept ans après l'entrée au RSA, seuls 11 % des bénéficiaires ont trouvé un emploi durable. Nous ne pouvons accepter que des personnes capables de travailler ne puissent pas sortir de la pauvreté faute d'un accompagnement suffisamment intensif. Quand ce projet de loi sera adopté, l'allocataire et son référent pourront, par des objectifs progressifs et raisonnables, lever les freins à la reprise d'un emploi et construire ensemble un projet professionnel choisi.
Aux dispositions figurant initialement dans le projet de loi, les sénateurs ont ajouté une obligation d'activité d'au moins quinze heures par semaine. Par voie d'amendement, nous avons fait le choix collectif d'assouplir cette formule afin que la situation particulière du demandeur d'emploi et les difficultés qu'il rencontre, qu'elles relèvent de la santé, du logement, de la mobilité, de la garde d'enfant ou qu'elles tiennent à sa situation de proche aidant, soient prises en compte. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, ce dispositif repose sur le dialogue et l'écoute ; tels sont les termes utilisés par les allocataires du pôle expérimental de Tourcoing que j'ai eu le plaisir de rencontrer.
Pour remettre l'humain au cœur du dispositif et favoriser un accompagnement intensif pour tous, le Gouvernement prévoit un budget de 2,5 milliards d'euros d'ici à 2027, qui permettra dès 2024 d'ouvrir 300 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Nous sommes conscients que l'échec du système relève en partie de notre responsabilité ; c'est pourquoi nous avons décidé d'investir pour l'avenir. Néanmoins, l'allocataire doit également s'engager par la signature de ce contrat à respecter des règles qu'il connaît dès le départ, puisqu'il participe à leur définition. En cas de manquements répétés, il doit être sanctionné. C'est pourquoi l'article 3 prévoit une nouvelle sanction de suspension-remobilisation, qui ne doit pas faire oublier que l'accompagnement reste notre priorité absolue. Après des entorses répétées à ses obligations, le demandeur d'emploi aura la possibilité de montrer sa volonté de reprendre son parcours et les devoirs qui y sont liés. Si tel est le cas, ses droits seront restaurés et ses allocations lui seront restituées, ce qui est préférable à la situation actuelle qui le prive de tout reversement.
J'en viens à présent au titre II qui constitue la réforme du service public de l'emploi. Les acteurs auditionnés ont tous souligné l'effort de territorialisation des politiques de l'emploi opéré par le projet de loi.
En effet, l'article 4 crée un réseau national réunissant l'ensemble des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion autour d'une charte de coopération commune visant à définir un nouveau cadre pour l'exercice de leurs compétences, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales consacrée par l'article 72 de la Constitution.
Pour favoriser le consensus et la lisibilité, la commission a choisi de différencier le nom du réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi de celui de son principal opérateur, France Travail, dont l'article 5 définit les missions.
L'article 6 vise à mieux repérer les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'article 7 tend à développer, en concertation avec les régions, une offre nationale complémentaire de formation à distance.
Nous aurons l'occasion de débattre plus d'une semaine de la pertinence de cette réforme. Pour ma part, je reste persuadé qu'elle nous permettra de mieux accompagner nos concitoyens et de les aider ainsi à sortir de la pauvreté. Je ne renonce pas à l'idée de vous en convaincre.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
La parole est à Mme Christine Le Nabour, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les titres III, IV et V.
Je suis très heureuse d'être rapporteure pour les titres III et IV de ce projet de loi, qui abordent deux sujets qui me tiennent à cœur : l'insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap et l'offre d'accueil des jeunes enfants. Ce projet de loi comporte des mesures qui doivent contribuer à atteindre l'objectif de plein emploi dans notre pays, le bon emploi pour tous et partout.
Jamais notre pays n'a compté autant de travailleurs en situation de handicap. Aujourd'hui, 1,1 million d'entre eux exercent une activité professionnelle. Le taux de chômage est passé de 19 à 12 %. Le taux d'emploi direct des bénéficiaires de l'obligation d'emploi a augmenté. Ces résultats témoignent de l'engagement du Gouvernement et de la majorité pour améliorer l'accès à la formation et à l'emploi des personnes en situation de handicap.
L'amélioration que nous constatons est encourageante mais elle n'est pas encore suffisante. Nous devons mieux accompagner les demandeurs d'emploi en situation de handicap, car il est encore trop compliqué pour eux de trouver un emploi ou de se maintenir dans l'emploi.
La réponse se trouve dans la construction collective d'un monde du travail dans lequel chaque personne, quelle que soit sa situation, doit trouver sa place, accéder à un emploi qui corresponde à ses besoins et à ses aspirations, évoluer dans son parcours professionnel et contribuer à la vie économique du pays. Il faut également accompagner les entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Nous devons sensibiliser et former les personnels, les aider à recruter, à bien accueillir et à adapter l'environnement de travail.
L'article 8 pose le principe selon lequel l'orientation en milieu ordinaire est l'orientation de droit commun : elle est ouverte à tous sans validation préalable. C'est une avancée considérable pour les personnes en situation de handicap, qui attendaient plusieurs mois et qui étaient trop souvent orientées automatiquement vers le milieu protégé. L'article élargit l'application des dispositifs associés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à toutes les catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Cela signifie que chacun pourra bénéficier de ces dispositifs, tels que l'emploi accompagné ou l'accès aux entreprises adaptées, sans avoir besoin de la reconnaissance formelle de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
D'autres mesures ont été introduites au Sénat, tel que le sac à dos numérique pour faciliter la mise en œuvre rapide des aménagements nécessaires ou encore la portabilité des équipements de compensation, à l'occasion d'une mobilité professionnelle, par convention entre deux entreprises. Il transfère à l'État la gestion de l'emploi accompagné et pérennise les dispositifs expérimentaux qui ont prouvé leur efficacité, le CDD tremplin et les entreprises adaptées de travail temporaire.
L'article 9 tend à faire converger les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé, qui exercent dans les établissements et services d'aide par le travail, avec ceux des salariés. Ces mesures d'équité pour les 120 000 travailleurs en Esat respectent les engagements internationaux de la France en matière de droits des personnes handicapées.
Ensuite, le manque d'offre de garde du jeune enfant est un véritable frein à l'accès à la formation et à l'emploi des parents et en particulier des familles monoparentales : 160 000 personnes, le plus souvent des femmes, renoncent à chercher un emploi parce qu'elles ne trouvent pas de places d'accueil pour leur enfant. Ce n'est pas acceptable.
L'article 10 vise à conforter le rôle des communes en matière d'accueil du jeune enfant, rôle qu'elles exerceront en lien avec le département, tout en ayant la possibilité de déléguer cette compétence à l'intercommunalité. Cet article a fait l'objet de nombreuses modifications au Sénat puis en commission des affaires sociales à l'Assemblée. En effet, la commission n'a pas souhaité rétablir les dispositions relatives à l'élaboration de la stratégie nationale. Toutefois, elle a décidé que le ministre chargé de la famille arrêterait des objectifs de développement quantitatif et qualitatif en matière d'accueil du jeune enfant, après consultation des représentants des collectivités territoriales, de la Cnaf, de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), de l'Union nationale de l'agriculture française (Unaf), du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), et des professionnels et gestionnaires de structures et services concernés. Ces objectifs, qui seront indiqués dans le schéma départemental des services aux familles, feront l'objet d'un suivi annuel et d'une évaluation pluriannuelle.
Les régions devront prendre en compte les besoins nationaux de formation professionnelle dans le secteur de l'accueil du jeune enfant, en plus des besoins prévisionnels de professionnels recensés à l'échelon départemental. En outre, la commission a rétabli l'obligation pour les communes de plus de 3 500 habitants de mettre en œuvre le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant.
La question de l'accessibilité financière et géographique de l'offre d'accueil, notamment pour les familles confrontées à des difficultés liées à leurs conditions de vie ou de travail, à leur état de santé ou à la faiblesse de leurs ressources sera prise en compte.
L'article 10 bis, introduit par un amendement du Gouvernement, vise à rénover les modalités d'inspection et de contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant.
Mes chers collègues, je ne doute pas que ces articles seront votés à l'unanimité. En effet, les personnes en situation de handicap actuellement à la recherche d'un travail et les parents qui ne disposent pas de mode de garde suivent nos débats et attendent ces dispositions.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
C'est une joie de nous retrouver dans l'hémicycle après la suspension estivale ; c'est une fierté pour la commission des affaires sociales d'examiner, grâce au rapport de Paul Christophe et de Christine Le Nabour, un projet de loi d'une telle importance.
La commission des affaires sociales a adopté ce projet de loi la semaine dernière, après avoir débattu pendant trois jours et examiné 1 133 amendements. Au cours des trente heures de débat, chacun a pu s'exprimer et 216 amendements ont été adoptés.
J'ai souhaité que la commission achève ses travaux dans la nuit du mercredi au jeudi afin de garantir, comme l'exige la Constitution, que nous puissions débattre aujourd'hui sur la base du texte que la commission des affaires sociales avait la responsabilité d'adopter. Cette responsabilité a été assumée ; en tant que nouvelle présidente de la commission des affaires sociales, et dans la lignée de mes prédécesseurs jusqu'à Mme Fadila Khattabi, à laquelle j'adresse mes pensées amicales, je l'affirme : il n'aurait pas pu en être autrement.
Nous disposons de huit jours dans l'hémicycle pour étudier, sous le regard des Français et avec l'aide du Gouvernement, les dispositions relatives au plein emploi, aux droits des travailleurs en situation de handicap et à l'organisation de la garde d'enfants pour les travailleurs. Nous aurons donc tout le temps nécessaire pour confronter les opinions. Telle est notre priorité et le sens de notre présence dans cet hémicycle : poursuivre notre action pour atteindre le plein emploi.
Comme le rapporteur Paul Christophe, je suis députée et conseillère départementale du Nord ; nous constatons chaque jour les ravages du chômage, qui touche parfois plusieurs générations d'une même famille. Depuis que, à partir de 2018, le conseil départemental s'est activement engagé dans une politique volontariste d'aide au retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA, nous entrevoyons enfin le bout du tunnel. Grâce au partenariat noué avec l'État, le nombre de bénéficiaires du RSA est passé de plus de 108 000 en 2018 à environ 95 352, ce qui représente une baisse de 12 %. Je tiens à saluer l'engagement des agents du département du Nord, de Pôle emploi et des partenaires, qui ont permis que désormais, dans le Nord, RSA ne signifie plus « désespoir » mais « réussir sans attendre ».
Du temps s'est écoulé avant que, dans le Nord et dans la France entière, nous puissions nous réjouir des succès que nous enregistrons désormais sur le front de l'emploi. Nous osons désormais parler de plein emploi. Pour atteindre cette ambition, nous devrons mettre encore du cœur à l'ouvrage mais, mesdames et monsieur les ministres, nous savons pouvoir compter sur vous. Vous savez que vous pouvez également compter sur nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
Après un été catastrophique, où votre gestion a privé d'eau et de médicaments des régions entières de notre pays, vous ne trouvez pas d'autre priorité que de terroriser…
…toutes celles et ceux qui ont eu un accident de parcours dans leur vie. Voilà qu'un gouvernement de millionnaires et ses collaborateurs lepénistes veulent retirer 500 balles aux familles qui se battent au quotidien pour survivre.
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Cette manœuvre détestable consiste à leur faire payer vos erreurs, car ce projet n'est que l'acte II de votre réforme des retraites. En effet, lors de l'acte I, nous vous avions avertis que repousser l'âge de départ à la retraite créerait automatiquement des allocataires du RSA ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
dès lors que les chômeurs âgés devraient tenir deux ans de plus sans que leurs droits au chômage ne soient prorogés. Nous vous avions avertis que repousser l'âge de départ créerait des travailleurs en situation de handicap, car, après soixante ans, plus d'un accident du travail sur six cause des dommages irréversibles, en bloquant le bras, le dos ou les jambes de ceux qui en sont victimes pour le restant de leur vie.
Mêmes mouvements.
Et nous y voilà : vous savez que des dizaines de milliers de personnes vont se retrouver au RSA ou en situation de handicap, mais comme d'habitude, vous réfléchissez avec six mois de retard.
J'imagine qu'un ministre s'est dit qu'il connaissait bien le dossier parce qu'il gagnait un RSA par demi-journée avant d'être élu ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem
puis que vous vous êtes concertés pour pondre cette idée aussi simpliste que farfelue : inscrire tout le monde sur la liste des demandeurs d'emploi – les chômeurs, bien sûr, mais aussi les personnes en situation de handicap, les allocataires du RSA et même leurs conjoints. Encore heureux que vous ayez pour l'heure épargné les gosses !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous voulez même obliger les invalides à chercher un emploi que, par définition, ils ne peuvent pas occuper – heureusement, sur ce point, on vous a battus en commission la semaine dernière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi inscrire tout le monde sur la liste des demandeurs d'emploi ? Uniquement pour les obliger à signer un nouveau bout de papier, le contrat d'engagement. Vu que vous ne recrutez pas de conseillers et qu'en dépit des engagements de l'État, 20 % des actuels allocataires du RSA ne sont d'ores et déjà pas accompagnés, les nouveaux inscrits à Pôle emploi devront en effet se contenter d'un courrier dans la boîte aux lettres ou d'un e-mail. Mais s'ils dérogent au contrat d'engagement, on leur coupera absolument toutes les aides jusqu'au dernier euro. Évidemment, si, de son côté, l'État ne remplit pas sa part, il ne passera absolument rien.
À quel moment vous êtes-vous dit qu'on aidait les gens en les plongeant dans la misère ? Voilà qui nous dépasse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.
Une personne qui n'a plus un rond sur son compte courant ne se rendra évidemment pas au forum de l'emploi, ne fera pas le plein pour rouler jusqu'à Pôle emploi et n'ira pas voir ses anciens collègues pour savoir quelle est la situation dans son ancien secteur d'activité. Les députés macronistes l'ont d'ailleurs admis la semaine dernière en commission : avec les 500 euros du RSA, on ne vit pas. On survit.
Vous estimez pourtant que le droit de survivre doit être conditionné, que dans notre pays, des individus qui ne respecteraient pas un contrat d'engagement devraient en être privés : nous n'acceptons pas cette logique morale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Un être humain a le droit de continuer à exister, sans condition, car quels que soient son comportement, son parcours, son histoire ou son activité, qui que soient ses proches, il reste notre frère ou notre sœur en humanité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mesurez bien la cruauté des mesures que vous voulez instaurer : si un demandeur d'emploi rate un rendez-vous en visio parce que son wifi est en rade, ou s'il se trompe d'adresse en se rendant à une de vos formations de qualité – post-it ou coloriage, on ne sait jamais trop –,…
…on lui retire absolument tous ses droits, son allocation chômage mais aussi le RSA, qui est pourtant une allocation familiale, versée à l'adulte bénéficiaire pour lui-même, mais aussi pour sa famille, en particulier ses enfants.
Je traduis : demain, pour un wifi en panne ou un GPS défectueux, des gamins ne seront plus soignés, n'auront plus de fournitures scolaires, n'iront plus à la cantine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que le droit international interdit les punitions collectives, vous voilà décidés à châtier des gamins pour les erreurs ou les accidents de leurs parents. J'imagine que c'est ce que la ministre Bergé appelle « prendre soin des enfants », comme elle l'a dit à la tribune il y a quelques minutes.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Parlons des contreparties que vous exigez des parents en échange du droit de survivre, puisque vous le qualifiez ainsi vous-mêmes : jusqu'à quinze heures d'activités obligatoires par semaine.
Autrement dit, on va bloquer quinze heures qui pourraient être consacrées à la recherche d'un emploi pour assister à des ateliers gommettes ou effectuer des tests de personnalité – on ne sait jamais trop. Quand, alors, les demandeurs d'emploi passeront-ils leurs coups de téléphone pour trouver un emploi ? La nuit, à trois heures du matin ? Bien sûr que non – sinon bon courage aux patrons pour répondre au téléphone !
Collègues, la plupart des allocataires bossent déjà d'arrache-pied. Votre contrat d'engagement aura essentiellement pour conséquence de les empêcher de continuer leurs activités actuelles parce qu'une bureaucratie aura décidé qu'elles ne sont pas légitimes.
Prenons un exemple : j'étais hier à Mondonville, dans ma circonscription, où était organisée une grande course sportive. Parmi les bénévoles qui montaient les chapiteaux et accompagnaient les enfants se trouvaient de nombreux allocataires du RSA et plusieurs personnes en situation de handicap, qui sont venus me demander quelles garanties ils avaient de pouvoir, demain, continuer à se rendre utiles en parallèle de leur recherche d'emploi et à s'investir, par exemple en préparant un évènement sportif qui contribue à la santé publique. Je leur ai répondu qu'il y en avait une : l'adoption de cette motion de rejet.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Alain David applaudit également. – M. Bruno Millienne s'exclame.
Au début, vous nous avez raconté des salades, nous assurant que ces quinze heures serviraient par exemple à découvrir des associations, à prendre des cours de théâtre ou à se découvrir soi-même. Mais mardi dernier, à vingt-deux heures dix, en commission, le rapporteur a finalement vendu la mèche : il a confirmé face caméra – tout le monde pourra le vérifier – que ces heures d'activités obligatoires comprendraient des stages, des immersions dans le monde du travail, la simulation de mises en poste ou du bénévolat.
Vous avez inventé le bénévolat forcé – c'est contradictoire, un peu comme si on parlait du « macronisme de gauche ».
Très chers collègues macronistes et lepénistes, je vais vous confier un secret : même si cela vous déplaît, les stages, les formations dans le milieu professionnel, la simulation d'une mise en poste, sont bel et bien du travail !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et même si cela vous déplaît, il y a encore des lois, dans ce pays, qui imposent de rémunérer le travail. Or, vous n'aimez le travail que lorsqu'il est gratuit.
Mêmes mouvements.
Lorsque vous dites « France Travail », nous entendons « France extorsion » ! Mais j'ai une bonne nouvelle pour vous : si vous pouvez imposer quinze heures d'activités non rémunérées à 7 millions de demandeurs d'emploi,…
…vous avez de quoi embaucher à plein temps 3 millions de personnes – mais il va falloir sortir le portefeuille et les payer !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux donc sonner l'alerte pour tous les salariés du pays. Alors que le pouvoir d'achat a reculé de 2 % en un an, seuls les grands patrons et les grands actionnaires, qui détournent chaque année l'équivalent de neuf années de RSA, n'ont toujours aucune obligation envers la République : pas de contrat d'engagement pour les remettre dans le droit chemin, le gavage est offert par la maison !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Alain David applaudit également.
Mais si on laisse faire le Gouvernement, les salariés risquent d'avoir demain à leurs côtés, sur leurs postes de travail, des stagiaires et des personnes en formation qui n'étaient pas volontaires – un euphémisme pour dire qu'elles auront été affectées de force : c'est une menace pour tous les salariés mal payés,…
…qui seront alors mis en concurrence avec des personnes non rémunérées qui peuvent les remplacer dans leur activité.
D'ailleurs, les employeurs ne le demandent même pas, conscients que cette mesure désorganisera tout l'appareil de production. Imposer aux gens de passer deux jours par-ci, par-là, dans un secteur ou une entreprise qu'ils n'auront pas choisis, ne résultera qu'en un grand jeu de bonneteau généralisé : chacun rêvera d'être dans la boîte d'à côté, et personne n'ira travailler avec un minimum de bonne humeur et de motivation, conditions nécessaires à l'acquisition de compétences. Je rappelle que ces quinze heures sont imposées à tous les demandeurs d'emploi. Vous êtes licencié après 35 ans de travail dans l'aéronautique ? Vous êtes concerné par le contrat d'engagement ! Vous êtes agriculteur et percevez le RSA pour les non-salariés agricoles après une mauvaise récolte ou la grippe aviaire ? Vous êtes concerné par le contrat d'engagement ! Vous êtes une mère isolée jonglant avec l'emploi du temps de vos enfants à charge ? Vous êtes concernée par le contrat d'engagement ! Vous êtes en situation de handicap et vous ne pouvez effectuer certains mouvements fondamentaux de la vie ? Vous êtes concerné aussi !
« Si ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Gouvernement se gargarise d'ouvrir aux personnes en situation de handicap travaillant en Esat des droits identiques à ceux de tous les travailleurs. Certes, sauf le droit le plus essentiel : celui de percevoir un salaire ! Voilà que vous avez inventé le salariat sans salaire. Si c'est le genre de superbe idée que vous avez quand vous réfléchissez à 200, je n'ose imaginer ce que ça donne en petit comité. Quoi qu'il en soit, au prétexte qu'une personne travaille en Esat, vous payez sa force de travail deux fois moins cher que sur le marché conventionnel : c'est inacceptable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsque le ministre du travail dit : « Personne n'est inemployable », il faut comprendre : « Personne n'est inexploitable ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Murmures sur les bancs du groupe RE.
Telle est l'idée fondamentale, le fil rouge de ce texte ! Personne n'est protégé, tout le monde peut boucher les trous du marché du travail et accomplir les tâches les plus indignes, celles qui ne trouvent pas preneur pour une bonne raison.
M. Bruno Millienne s'exclame.
Si vous confiez l'orientation des personnes en situation de handicap aux agents de France Travail, qui ne sont pas formés à recevoir ce public, plutôt qu'aux maisons départementales des personnes handicapées, c'est justement pour vous assurer qu'ils les dirigent vers des postes inadaptés à leur condition. Cela semble absurde ? Forcément, puisque c'est un sujet que vous avez étudié jeudi, à trois heures du matin !
À l'inverse, le texte ne dit pas un mot de tous les postes de travail qui, en raison d'un défaut de machinerie ou d'un déficit de protection lors de son utilisation, exposent les salariés à une blessure, voire un handicap pour le reste de leur existence. Tel est l'objectif du texte : plutôt que de contraindre le grand patronat à protéger l'ensemble des postes de travail pour limiter l'exposition à des blessures graves, on met la pression sur les gens pour qu'ils aillent vers n'importe quel boulot, y compris ceux qui mutilent et handicapent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Évidemment, comme en témoigne la grève prévue demain dans le service public de l'emploi, les conseillers de Pôle emploi n'acceptent pas que vous les empêchiez d'aider leur public
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également
et refusent de recevoir 3 millions d'inscrits supplémentaires à effectifs constants. J'en profite pour adresser au nom de mon groupe un salut fraternel à tous les conseillers de Pôle emploi qui tiennent bon, qui refusent de radier les chômeurs, comme on le leur demande, ou de les forcer à accepter des offres illégales ou indignes.
Les députés des groupes LFI – NUPES et SOC se lèvent et applaudissent.
J'adresse aussi un salut fraternel à tous les conseillers des missions locales, véritables vigies de la citoyenneté sociale dans notre pays,…
…qui savent bien que pour aider un jeune en difficulté à reprendre sa vie en main et à diriger son existence, il faut commencer par résoudre ses problèmes de santé, de qualification et d'accès aux droits, plutôt que de lui faire signer des contrats d'intérim à la chaîne. Bref, un salut à tous ces métiers menacés par votre texte d'une fusion qui leur fera perdre leur identité. Il fera disparaître tout droit à l'expérimentation et à l'innovation sociale, mais aussi toutes les compétences, au profit d'un traitement en dix minutes au guichet, par des agents débordés qui ne pourront plus accompagner personne et dont l'unique recours sera d'envoyer par mail des offres d'emploi dont ils n'auront pas pu vérifier la conformité.
Évidemment, mes propos déplaisent à une partie de nos collègues,…
…mais il existait une manière très simple de trancher les débats : attendre le résultat de l'expérimentation d'un guichet unique France Travail lancée en début d'année. Si elle concernait initialement dix-huit départements, la Seine-Saint-Denis s'est depuis retirée et La Réunion a adopté un vœu par lequel elle refuse le programme de sanctions.
M. le ministre semble avoir les conclusions de cette expérimentation : bravo, mais c'est manifestement le seul. Nous aimerions nous aussi pouvoir les lire et examiner le texte à leur aune.
M. Antoine Léaument s'exclame.
Vous inventez le concept d'expérimentation au résultat caché : je n'appelle pas ça une expérimentation, mais une excuse, comme vous en cherchez depuis le début.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les volontaires que vous avez enrôlés pour cette expérimentation n'ont été qu'un prétexte, et si les conclusions n'existent pas, c'est pour obliger les parlementaires à adopter votre texte à l'aveugle. C'est une pratique inadmissible : pour gagner deux semaines de débat parlementaire, vous avez transformé les gens, les allocataires, les conseillers, les usagers, en rats de laboratoire ; leurs échecs, leurs difficultés, leurs souffrances ne vous intéressent pas, vous vous en fichez éperdument. Rejeter ce texte dès maintenant, c'est leur dire que leur expérience compte, que ce qui leur est arrivé a un sens, que nous voulons prendre le temps de réviser ensemble l'organisation générale du service public de l'emploi pour l'améliorer, plutôt que de nous contenter d'expérimentations aussi cyniques que vaines.
En conclusion, si votre texte est adopté, il n'y aura plus dans ce pays ni de minimum de subsistance, puisque vous avez conditionné le droit à la survie, ni de liberté du travail, puisque vous aurez renforcé les pressions sur les demandeurs d'emploi, notamment en supprimant toute échappatoire en décidant de la suspension massive des droits et en sabrant dans les subventions aux Territoires zéro chômeur de longue durée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Ce sera la fin de cette grande idée qui vit en nous depuis la Révolution française : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler. ». Cette idée, nous la chérissons, et nous savons que le seul obstacle à sa réalisation, c'est la fortune indécente de quelques milliardaires auxquels vous n'imposerez jamais de contrat d'engagement en dépit de ce qu'ils nous coûtent. En conséquence, collègues, rejetons ce texte !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Les députés du groupe LFI – NUPES et plusieurs députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. François Gernigon.
La France insoumise a déposé une motion de rejet contre un texte qui défend la noble ambition du plein emploi. Depuis 2017, la majorité œuvre à réduire le chômage et à dynamiser notre économie, et les résultats parlent d'eux-mêmes : le taux de chômage est le plus bas enregistré depuis plus de quarante ans, et le taux d'emploi au plus haut, avec plus de 1,7 million d'emplois créés depuis 2017. Néanmoins, ces réussites ne doivent pas nous faire oublier la nécessité d'aller plus loin et de renforcer nos dispositifs pour que chaque citoyen trouve sa place sur le marché du travail.
Le groupe Horizons et apparentés ne saurait soutenir la présente motion de rejet. Nous croyons en ce projet de loi, incarnation de nos efforts incessants
« Quelle conviction ! » et « Incessants ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et de notre volonté indéfectible d'offrir à chaque citoyen une chance égale sur le marché du travail et un service public de l'emploi de qualité, à un moment où les entreprises rencontrent des difficultés de recrutement et où plus de 2 millions de personnes touchent le RSA, depuis plusieurs années pour une majorité d'entre elles.
Oui, nous assumons de proposer un contrat d'engagement assorti de droits et de devoirs renforcés, pour un accompagnement plus important et plus personnalisé en fonction des besoins. C'est pour cette raison que nous avons adopté en commission un amendement précisant que la durée minimale de quinze heures d'activité s'appliquera seulement « si cela s'avère adapté à la situation particulière du demandeur d'emploi et aux difficultés qu'il rencontre ».
Je regrette que certains ici semblent, depuis le début, choisir l'opposition systématique…
…plutôt que de soutenir des politiques qui portent manifestement leurs fruits. Je pense utile de rappeler à la NUPES que s'opposer pour s'opposer, ce n'est pas une vision ; c'est simplement une impasse. Le groupe Horizons et apparentés votera contre cette motion…
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le groupe Écologiste – NUPES votera, bien sûr, cette motion de rejet. Avec ce projet de loi, c'est la traque aux précaires qui continue. Vous nous proposez un nouveau texte fondé sur la sanction, comme si les chômeurs l'étaient de leur plein gré. Bah oui, nous dites-vous, c'est logique, puisque c'est le plein emploi et qu'il y a des métiers en tension ! Pourtant, notre pays compte plus de 5 millions de chômeurs et seulement 300 000 emplois disponibles. Comment pouvez-vous parler de plein emploi ?
Vous nous vendez un projet d'organisation renouvelée du service public de l'emploi, pour accompagner au plus près les personnes éloignées de l'emploi. Or, il n'en est rien : en réalité, vous assumez de présenter ici un projet de rationalisation des moyens. En voici la preuve : votre première version du budget pour 2024, publiée sur le site de Bercy, annonce pour Pôle emploi un nombre d'agents identique à celui de cette année.
Dès lors, peut-être s'agit-il de faire appel à des prestataires privés ? On sait ce que le recours au privé a donné pour d'autres services publics. Je pense notamment à la formation professionnelle : nous avons toutes et tous été démarchés sans arrêt pour financer, avec notre compte professionnel de formation, du développement personnel, du permis de conduire ou je ne sais quoi encore. Non, ce n'est pas cela un bon service public de l'emploi !
Vous affirmez que vous mettrez au pot quelques centaines de millions d'euros. En réalité, ce n'est pas vous qui les verserez ; ce sont les chômeurs et les chômeuses qui, par la restriction des allocations chômage, permettent à l'Unedic de dégager de nouveaux crédits. Vous ne nous proposez nullement un investissement de la solidarité nationale pour financer un magnifique service public de l'emploi : grâce à la loi que vous avez adoptée l'année dernière, vous retirez des allocations aux demandeurs et demandeuses d'emploi, ce qui permet de payer le service public de l'emploi, qui va en outre sanctionner les intéressés. Ah, vraiment, je vous félicite !
« Merci ! » sur quelques bancs du groupe RE.
C'est extrêmement malin et plein de cynisme !
Est-ce la loi « plein emploi » ? Non, c'est la loi « bas salaires ».
En effet, vous refusez aux salariés la capacité de négocier, puisque vous allez imposer des sanctions aux demandeurs et demandeuses d'emploi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
À nos yeux, ce projet de loi est un nouveau texte de guerre sociale, après celui relatif aux retraites et après les multiples entailles au code du travail que vous avez organisées depuis que vous êtes au pouvoir. Oui, il faut lutter contre le chômage, mais il ne faut pas lutter contre les chômeurs et les chômeuses.
D'après la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), il y avait 365 700 offres d'emploi vacant au deuxième trimestre 2023, sachant qu'il y a 5,4 millions de chômeurs selon Pôle emploi. Vous le voyez bien, il ne suffit pas de « traverser la rue » pour trouver un emploi, comme l'avait dit le Président de la République. Telle est pourtant la logique que vous êtes en train d'appliquer, une logique adéquationniste.
Oui, il faut mieux accompagner les personnes privées d'emploi, mais cela ne se règle pas par l'injonction et la punition. En réalité, vous allez de nouveau porter atteinte à la qualité de l'emploi et au niveau des salaires ; vous voulez ôter aux salariés ce qu'ils ont pu gagner en rapport de force au cours de la période, ce qui a permis un léger rééquilibrage en leur faveur.
Qui plus est, vous mélangez tout : la protection sociale et la solidarité nationale ; l'allocation chômage et le RSA ; le public et le privé. Dans le nouveau grand tout que vous êtes en train d'organiser, vous ouvrez bien évidemment de nouveaux espaces au marché. Au passage, vous allez piocher dans les caisses de l'Unedic. Vous allez modifier les missions des agents.
Quant aux expérimentations que vous aviez commencé à conduire, nous n'en savons rien que ce qui vous arrange. Vous mettez la charrue avant les bœufs : vous avez décidé de déposer ce projet de loi avant même que nous sachions de quoi il retourne.
Enfin, votre loi n'est pas prête pour une autre raison : vous n'y écrivez rien sur l'outre-mer. Vous allez simplement vous autoriser à légiférer tout seuls à ce sujet, et c'est inacceptable.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Depuis six ans, notre majorité agit pour réconcilier les Français avec la valeur travail.
Exclamations et rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est de la triche ! Elle lit la même fiche que son collègue du groupe Horizons !
Il s'établit à 7,2 % en 2023, contre 9,4 % en 2017, soit une baisse de plus de 2 points.
Concrètement, 1,7 million d'emplois ont été créés dans notre pays au cours du précédent quinquennat.
Ce projet de loi fixe un cadre qui permettra une amélioration de l'offre de services proposée aux personnes en recherche d'emploi. Par votre motion de rejet, vous refusez le renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Vous refusez l'instauration d'un contrat d'engagement qui a déjà fait ses preuves auprès des jeunes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous dites non à un accompagnement individuel et intensif favorisant une entrée rapide et durable dans l'emploi. Vous refusez une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs de l'emploi – les collectivités, les opérateurs, les acteurs de l'insertion – au service des usagers et des entreprises.
Par cette motion de rejet, vous vous opposez à la création du service public de la petite enfance. Nous le savons, la garde d'enfants est un des principaux freins périphériques en matière d'emploi, notamment pour les femmes. Comment pouvez-vous vous y opposer ?
Enfin, vous allez contester la création de nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap. Ce texte favorise leur accès à l'emploi en simplifiant la RQTH
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et fait converger les droits des travailleurs en Esat avec ceux des autres salariés. Si l'on vous écoute, on ne devrait rien changer ; tout va bien.
Mêmes mouvements.
Vous ne proposez rien. Nous soutenons des mesures structurantes et fondatrices d'un nouveau modèle pour le plein emploi. Le groupe Renaissance s'opposera bien évidemment à cette motion de rejet.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Ce texte était censé traiter de la question de l'emploi dans notre pays. Il est clair qu'il s'est écarté de son objectif initial.
Notre pays connaît une situation sociale extrêmement tendue : les Français subissent au quotidien l'inflation, la perte progressive de leur pouvoir d'achat, ainsi que la montée de la violence et de l'insécurité. Dans un tel contexte, monsieur le ministre, il n'est pas concevable de demander à celles et ceux qui vivent déjà avec presque rien de faire encore plus d'efforts. Il n'est pas concevable de demander aux personnes en situation de handicap, aux proches aidants et aux parents isolés de faire abstraction de leur situation et de leurs obligations pour faire encore plus d'efforts. Il n'est pas concevable de demander à celles et ceux qui ont travaillé, cotisé et acquis des droits d'abandonner ces droits et de faire encore plus d'efforts ; il n'est pas concevable non plus de conditionner ces droits à un contrat d'engagement irréalisable.
Il n'est pas concevable de baptiser un projet de loi « plein emploi » lorsque vous en excluez les jeunes et que vous accordez des miettes aux travailleurs handicapés et aux professionnels de la petite enfance. Près d'un an après la réforme des retraites, il n'est pas concevable de ne pas inclure les seniors dans ce projet. Vous aviez là une chance d'agir pour nos aînés, et vous ne l'avez pas saisie.
Votre texte n'est qu'un camouflet, qui vise une nouvelle fois à opprimer un peu plus nos concitoyens les moins fortunés, à rogner nos droits et acquis sociaux. Il révèle à nouveau le véritable visage, hypocrite, de la Macronie, qui se fiche de la vie des Français, qui se fiche de savoir s'ils pourront terminer la semaine, tant qu'ils continuent de travailler, même dans les pires conditions.
Néanmoins, nous reconnaissons qu'il est absolument nécessaire de légiférer à ce sujet.
Le plein emploi est un objectif que tout gouvernement se doit de chercher à atteindre, dans l'intérêt de nos concitoyens. C'est pourquoi il nous paraît essentiel de débattre de ce texte dans cet hémicycle, de faire valoir nos positions et nos idées, par le débat et par le vote, et non par le rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce projet de loi montre une fois de plus que vous n'aimez pas les pauvres, que vous accusez de tous les maux de la société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi les traitez-vous comme des parias ? Où placez-vous l'humain dans votre politique ? Nulle part, hélas. Pensez-vous sincèrement que les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA sont contents de leur situation ? Croyez-vous vraiment que c'est pour eux un plaisir de ne pas se nourrir correctement, de ne pas pouvoir se soigner dignement, de ne pas avoir de petits loisirs, ni pour eux-mêmes ni pour leurs enfants ? Ce texte est immoral et honteux !
Mêmes mouvements.
Comment osez-vous agiter le fouet contre ceux qui ont peu ? Où est la solidarité ? Où est la liberté ? Où est l'égalité ? Où est la fraternité ? Ce texte menace de supprimer les allocations si le bénéficiaire rate un seul rendez-vous ; il livre une attaque très grave et sans précédent contre le salariat ; il tend à fliquer toute la famille en obligeant les concubines et concubins des bénéficiaires du RSA à s'inscrire à Pôle emploi. Même les handicapés ne trouvent pas grâce à vos yeux ! C'est lamentable !
Mêmes mouvements.
Vous prétendez favoriser le plein emploi. Or, dans le même temps, vous annoncez la suppression de 15 000 contrats aidés l'année prochaine,…
…sans oublier la remise en cause des Territoires zéro chômeur de longue durée. Quelle hypocrisie ! Les conséquences de votre projet de loi seront terribles dans l'Hexagone, catastrophiques et inhumaines dans les outre-mer.
Enfin, si ce projet de loi est voté, vous entendez appliquer ses dispositions par ordonnance dans les outre-mer. Nous vous disons très fermement que nous ne voulons pas des ordonnances !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre texte est dangereux, monsieur le ministre !
Pour toutes ces raisons et celles évoquées dans l'exposé humain, très humain, de mon collègue Clouet,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Clouet, la situation sur le plan du chômage n'est pas bonne ; elle est très mauvaise.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au sein de l'Union européenne, notre pays se classe au vingt-troisième rang sur vingt-sept. Autrement dit, nous sommes de mauvais élèves. Or vous nous dites : tout va mal mais, surtout, on ne débat de rien.
Comment voulez-vous que les choses changent ? Monsieur Clouet, pour quoi un député est-il payé ? Pour que la loi améliore les conditions de vie des Français.
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous dites : tout va mal mais, surtout, chers collègues, rentrez chez vous ; ne débattez pas ! C'est inaudible !
Sur le fond, nous ne sommes pas d'accord du tout. Nous l'avons constaté la semaine dernière, en commission des affaires sociales. Vous considérez que le RSA est un droit inconditionnel.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous croyons absolument l'inverse : nous pensons que le RSA doit être assorti de contreparties.
C'est un sujet important, passionnant. Or vous voulez l'évacuer, en refusant d'en discuter. Monsieur Clouet, prenez le risque du débat ! C'est la démocratie ; vous verrez, ça fait du bien !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ça ne fait pas de bien à LR ! D'ailleurs, les députés LR ne sont pas tous là !
Chers collègues de La France insoumise, il est clair que vous et nous ne lisons et ne comprenons pas les textes de la même façon. Durant toutes vos interventions en commission, vous n'avez cessé de voir derrière chaque article et chaque alinéa du texte une attaque contre les demandeurs d'emploi et les allocataires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Au contraire, nous voyons dans ce texte un progrès permis par une meilleure gouvernance et coordination des acteurs, au plus près des territoires, ainsi qu'une volonté ambitieuse de miser sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, ce projet de loi mise sur l'accompagnement, sur l'humain. Nous le savons, c'est ce qui fonctionne.
En déposant cette motion de rejet, vous estimez qu'aucune des mesures présentes dans ce texte ne saurait avoir une incidence positive.
M. Antoine Léaument applaudit.
Vous considérez que mieux accompagner les 1,9 million de foyers bénéficiaires du RSA vers un parcours social, socioprofessionnel ou professionnel ou vers une formation n'est pas une avancée. Vous considérez qu'améliorer le service public de la petite enfance, notamment pour aider les 160 000 femmes empêchées de chercher un emploi faute de solution de garde, n'est pas une avancée.
Vous considérez que mieux accompagner les travailleurs handicapés en reconnaissant leurs spécificités et en améliorant les droits des milliers de personnes qui travaillent en Esat n'est pas une avancée.
En somme, vous considérez que tout va bien et qu'il est urgent de ne rien changer. Ne rien faire pour les demandeurs d'emploi, voilà votre programme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Ayant assisté à toutes les auditions, j'ai pu constater que la quasi-intégralité des acteurs de l'emploi était favorable à ce projet de loi. Des suggestions d'amélioration ont été faites, évidemment. Certaines ont été satisfaites par des amendements acceptés en commission, venant de la majorité comme de l'opposition ; d'autres pourraient l'être dans le cadre de la séance. Nous, Démocrates, croyons fondamentalement que le travail est source d'émancipation, d'insertion,…
…de réinsertion, et qu'il œuvre à la réduction de la pauvreté. Notre groupe votera contre cette motion de rejet préalable.
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Arthur Delaporte. Pour qu'il puisse s'exprimer dans de bonnes conditions, je prie nos collègues qui rejoignent l'hémicycle de le faire discrètement.
Ce texte sur le plein emploi est bien loin d'être plein. Il s'organise autour d'un grand vide : un vide de sens, un vide de moyens, un vide de tout ce qui permettrait de réparer notre contrat social abîmé par vos réformes successives, celle de l'assurance chômage et celle des retraites. Ce texte est mal ficelé, bâclé. Vous osez tout de même le présenter ici sans étude d'impact, sans aucune analyse sur le rôle des sanctions, sans éléments sur son effet sur l'égalité femme-homme – alors que les femmes sont les allocataires du RSA les plus pauvres – et sans bilan des expérimentations.
Brouhaha.
Votre amateurisme, ce sont aussi les changements de pied permanents. Un jour, c'est France Travail. Le lendemain, c'est Pôle emploi. Le surlendemain, c'est à nouveau France Travail et puis, finalement, cela devient le rail, le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi – curieuse terminologie !
Le Brouhaha se poursuit.
En définitive, Pôle l'emploi devient France Travail. Comprenne qui pourra ! Votre texte en finit surtout avec l'insertion, en instaurant l'inscription automatique et forcée des allocataires du RSA comme des demandeurs d'emploi !
M. Boris Vallaud applaudit.
Vous inscrivez même ceux qui ne peuvent pas travailler et les conjoints qui travaillent déjà.
Comment se satisfaire d'un texte dans lequel les sujets majeurs – le handicap, la petite enfance – se trouvent insérés fortuitement, alors qu'ils auraient mérité de plus grandes ambitions, de véritables débats et de véritables textes ? Nous en aurions volontiers discuté en commission si ce texte n'avait pas été adopté au forceps, en catimini et au milieu de la nuit.
À aucun moment ce texte n'aborde les raisons qui empêchent de retrouver un emploi : niveau de rémunération, qualité, pénibilité de l'emploi. À aucun moment, il ne considère véritablement et sérieusement les freins périphériques, comme la mobilité. Depuis que nous avons chiffré votre projet à 10 milliards d'euros, nous n'avons jamais été contredits. Or ces milliards font défaut. Cessons donc la plaisanterie, car elle est tragique. Votons cette motion de rejet.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 229
Nombre de suffrages exprimés 210
Majorité absolue 106
Pour l'adoption 62
Contre 148
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Brouhaha.
Je vous prie, chers collègues, de bien vouloir quitter l'hémicycle en silence.
Depuis 2017, notre majorité a eu pour ambition claire et résolue de donner la priorité à la politique de l'emploi. Aujourd'hui nous est présenté un projet de loi audacieux qui s'inscrit dans une vision à long terme ; il vise à améliorer le service public de l'emploi pour tous, à renforcer le dialogue et l'accompagnement, et à préciser la confiance en nos collectivités territoriales.
Regardons les chiffres. Notre taux de chômage n'a jamais été aussi bas depuis quarante ans : au deuxième trimestre 2023, il s'établissait à 7,2 % de la population active. Depuis 2017, 1,7 million d'emplois ont été créés, amenant notre taux d'emploi à son niveau le plus élevé depuis qu'il est mesuré par l'Insee. Cette dynamique est le fruit de nombreuses réformes, de nombreux textes ambitieux. La tendance à la baisse est particulièrement notable chez nos jeunes ; cela montre que la vision d'un marché du travail dynamique n'est pas seulement un idéal mais une réalité en construction, avec pour objectif le plein emploi d'ici à 2027.
Le rapport de préfiguration de France Travail présente un tableau qui, bien que réaliste, nous interpelle. Il mentionne des accompagnements « peu intensifs », des suivis « tardifs, voire plus formels que réels » et des actions « peu tournées vers l'emploi ou l'entreprise ». Il montre combien les parcours peuvent être éclatés et manquer cruellement de coordination. Les entreprises peinent à recruter, et 18 % des allocataires du RSA ne sont suivis par aucun organisme : ce sont ces constats qui poussent à l'action.
C'est pourquoi, au-delà des chiffres, ce projet de loi vise une transformation profonde, avec l'ambition de renforcer l'accompagnement vers l'emploi de chacune et chacun, tout particulièrement de ceux qui sont les plus éloignés du monde professionnel. Cet accompagnement se doit d'être plus efficace, plus tangible et plus personnalisé, afin de faciliter leurs parcours.
La création de la bannière commune France Travail – une étape importante – s'accompagnera de l'inscription désormais automatique de toutes les personnes sans emploi, dont les allocataires du RSA et les bénéficiaires d'un accompagnement par Cap emploi ou par une missions locale. Au-delà de cette simplicité, l'enjeu premier est de garantir un suivi adapté et continu pour chaque individu, de manière coordonnée. Le contrat d'engagement unique vient remplacer la mosaïque actuelle, clarifiant les droits et devoirs de chacun. Sur ce sujet, notre groupe soutiendra l'introduction d'une clause visant à s'assurer que les quinze heures d'activité des bénéficiaires du RSA sont adaptées à leurs besoins et difficultés.
Le texte prévoit également un ensemble de mesures pour les travailleurs en situation de handicap, dont le taux de chômage – 12 % en 2022 – est au plus bas depuis huit ans. C'est une avancée notable, particulièrement en comparaison du taux de chômage global qui est passé de 8 % à 7 % entre juin 2021 et juin 2022. Mais nous pouvons, et nous devons, faire mieux. C'est pour cette raison que le projet de loi vise également à renforcer notre dispositif dans ce domaine. Le titre III vise spécifiquement à faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
Avec ce texte, nous reconnaissons, consolidons et développons en outre le rôle crucial des missions locales au sein du réseau France Travail. Elles sont en première ligne pour accompagner les jeunes nécessitant un soutien socio-professionnel. À la suite de son examen par la commission des affaires sociales, le texte précise désormais que tous les jeunes suivis par les missions locales ne sont pas nécessairement en attente d'un accompagnement professionnel et n'ont donc pas tous vocation à être inscrits à Pôle emploi.
Enfin, pour éliminer les obstacles périphériques à l'emploi, le texte instaure le service public d'accueil des jeunes enfants, définissant sa gestion et son déploiement à l'échelle territoriale. Il attribue également aux communes la responsabilité de cet accueil ; il modernise et intensifie le contrôle des crèches, qu'elles soient publiques ou privées.
Chaque mesure de ce texte reflète notre engagement en faveur du plein emploi, un objectif que nous poursuivrons aussi avec d'autres textes à venir ; je pense notamment au travail en cours avec les partenaires sociaux sur l'emploi des seniors, qui sera lui aussi capital pour atteindre les objectifs ambitieux qui ont été fixés. Le groupe Horizons et apparentés soutiendra évidement ce texte.
Applaudissements sur les bancs des commissions. – M. Frédéric Valletoux applaudit également.
Pour préparer l'examen de ce texte sur le plein emploi, j'ai lancé un appel à témoignages. J'en ai reçu des dizaines en quelques jours, comme on en reçoit tous et toutes au cours de notre mandat. J'ai décidé d'appeler aujourd'hui votre attention sur deux d'entre eux, car je trouve qu'ils sont plus parlants que certains discours.
Emma, d'abord, m'a écrit : « Je suis au RSA depuis quelques années. Ma situation personnelle rend difficile mon retour à l'emploi car je suis maman solo à 100 %, mon enfant n'a pas de deuxième parent. Je n'ai pas de famille et de relais gratuit à proximité. Mon enfant a fait une phobie scolaire en 2021 et j'ai dû la déscolariser car elle était en grande souffrance. Je suis donc "H24" avec elle. Avant de commencer l'instruction en famille, j'ai bien essayé de postuler à des offres d'emploi mais en étant maman solo sans relais, c'était compliqué. Les employeurs n'étaient pas intéressés par mon profil trop contraignant. Pourtant, j'étais vraiment motivée. Le RSA permet de survivre mais on doit sauter des repas. Personne ne reste au RSA par confort. Aujourd'hui, avec l'instruction en famille, mon enfant va mieux, heureusement. Je me suis tournée vers le statut d'auto-entrepreneur en télétravail pour pouvoir assumer toutes mes responsabilités. Mais cela prend du temps, je m'occupe de mon enfant toute la journée, je fais son instruction du mieux possible. Et je m'occupe de mon projet professionnel le soir quand elle dort, et le matin avant qu'elle se réveille. Moi, je dors peu. »
Quant à Victor, voici ce qu'il m'a écrit : « J'ai travaillé pendant trois ans à Travailler et apprendre ensemble, l'entreprise qui a servi de laboratoire aux Territoires zéro chômeur de longue durée : deux ans comme peintre en bâtiment et un an comme homme de ménage et cuisinier. Je pense que l'emploi, ça ne suffit pas. Les collègues avaient un emploi garanti, dans une entreprise faite pour s'adapter à leurs conditions. Et ça n'a fait que ralentir la chute. Personne n'en sort par le haut. La plupart, en fait, quittent l'entreprise avant la retraite – en décédant. Il ne faut pas juste penser à l'emploi, mais aussi au reste, à l'entourage, au soutien psy, au logement. Parce que quand tu vis dans un logement squatté, ou chez un type qui t'héberge pour des motifs louches, comment tu fais pour gérer un boulot ? Quand tu es mère célibataire de trois enfants, et que tu parles mal français ? Quand tu fais de l'arthrose à 55 ans mais que tu as bossé pour ton mari tenancier de bar qui n'a pas déclaré ton salaire pendant vingt ans ? Quand tu es schizophrène et que tu vis seul avec ton père, que tu prends plus ou moins tes médocs, que tu te mets à parler aux murs et à insulter l'air ? Qui va leur donner, à ces gens-là, le plein emploi, un emploi qu'ils soient capables de tenir et dont ils puissent se sentir fiers ? »
Au fond, monsieur le ministre, votre projet de loi me met mal à l'aise. D'abord parce qu'il fait porter toute la responsabilité de leurs conditions de vie sur ces gens, qu'il suffit pourtant de fréquenter un après-midi pour se rendre compte de la situation inextricable dans laquelle ils et elles se trouvent. Le renforcement des contraintes qui pèsent sur eux ne fait que renforcer la peur et la stigmatisation. On l'a dit : ces personnes ont avant tout besoin d'un accompagnement bienveillant, de proximité, assuré par quelqu'un qui ait du temps à leur consacrer. Aujourd'hui, les conseillers Pôle emploi gèrent parfois plus de cent demandeurs d'emploi. Nos travailleurs sociaux, monsieur le ministre, n'ont pas les moyens de vos ambitions.
Par ailleurs, c'est la responsabilité de l'État de faire en sorte que les plus vulnérables puissent accéder à leurs droits. Cela fait six ans que vous nous promettez chaque année d'avancer sur la question du non-recours aux minima sociaux, et nous attendons toujours. C'est la responsabilité des entreprises de s'adapter et de proposer de meilleures conditions de travail, avec l'aide de l'État quand c'est nécessaire. Pourquoi certains secteurs ne trouvent-ils plus de candidats ? Faut-il y orienter les travailleurs de force ? Le feriez-vous pour vos fils et vos filles ? Réfléchissez-y, car ce texte ne prévoit aucune exigence à l'égard des entreprises.
Enfin, c'est la responsabilité des femmes et des hommes politiques d'anticiper l'avenir et d'encourager le développement de certains métiers au détriment des autres. En effet, la raréfaction des ressources, la multiplication des événements climatiques extrêmes et la hausse des températures vont profondément modifier nos façons de vivre et donc de travailler. Il va nous falloir rapidement adapter notre législation et notre modèle social, mieux protéger les gens au travail, penser la semaine de quatre jours et le revenu de base. Des tas de régions en Europe, parmi lesquelles des régions françaises, réalisent des expérimentations. Vous devriez les soutenir et les développer plutôt que de vous enfermer dans un vieux modèle productiviste dans lequel tout ce qui ne produit pas, ne cotise pas ou ne consomme pas n'a pas de valeur – j'ai nommé les jeunes, les aînés, les chômeurs. Puisque vous êtes la start-up nation, ayez le courage d'innover !
Je conclurai par un dernier témoignage, celui de Laura : « Tout le monde fait semblant de ne pas constater la désindustrialisation comme cause première de la baisse des emplois disponibles. L'individu sans emploi est alors blâmé et c'est un sentiment de honte qui émerge. Avant je reprenais l'expression d'une amie qui disait : "vivement la retraite". Mais ça, c'était avant ! »
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Dans ce projet de loi, que de préjugés, que de stigmatisation vis-à-vis des demandeurs d'emploi et des personnes au RSA, qui profiteraient de la solidarité nationale et qui ne voudraient pas travailler, alors qu'il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi ! De quoi justifier une attaque sans précédent contre le travail ! Avec votre projet de loi, en effet, le travail n'est plus un outil qui contribue à l'épanouissement individuel pour faire société, mais une contrainte devant répondre aux seuls besoins économiques du marché. À votre société du plein emploi, les députés communistes et ultramarins opposent une société du travail avec de bons emplois.
Pour commencer, sachez qu'être privé d'emploi est toujours un drame qui engendre des difficultés innombrables et durables, touchant notamment à la vie familiale et à la santé. Personne ne s'en réjouit. C'est vrai, nous rencontrons régulièrement, dans nos permanences, des employeurs qui ne trouvent pas de main-d'œuvre. Mais nous rencontrons tout aussi souvent des demandeurs d'emploi qui cherchent du travail mais n'en trouvent pas. Il faut partir d'un diagnostic honnête de l'état de l'emploi et du chômage dans notre pays. Cela a été rappelé plusieurs fois : selon les chiffres de Pôle emploi, plus de 5 millions de personnes sont privées de travail, dont 3 millions en catégorie A ; et selon la Dares, 367 500 emplois sont vacants. Il y a donc aujourd'hui huit fois plus de demandeurs d'emploi de catégorie A que d'emplois disponibles – et ces emplois sont aussi bien des CDI que des CDD ou des emplois saisonniers.
Vous avez beau parler de plein emploi, votre texte ne contient aucune proposition pour la création d'emplois de qualité. Vous pouvez toujours vous réjouir de la baisse du chômage – comme M. le ministre vient de le faire –, mais encore faut-il que les retours à l'emploi soient réels et de qualité. Or vous ne précisez jamais que la baisse toute relative du chômage a pour corollaire une augmentation sans précédent des retours à l'emploi avec des contrats très précaires : le nombre de contrats de moins de vingt heures a crû de plus de 26 % en un an, et une sortie sur dix des chiffres du chômage est désormais due à une radiation. Votre projet de loi vise précisément à accentuer ces tendances. C'est un projet du « plein de mauvais emplois ».
Si nous reconnaissons qu'il faut clarifier les circuits et rendre le service public de l'emploi plus accessible et plus performant, votre projet de réforme ne va pas dans ce sens. Ainsi, la description de l'entité France Travail, de ses comités à tous les échelons territoriaux et de son réseau associant tous les organismes d'accompagnement – publics comme privés, sans plus de distinction – est assez difficile à appréhender, jusqu'à ce qu'on comprenne que le comité national présidant aux grandes orientations sera entre les seules mains de votre ministère. Cette concentration du pouvoir laisse perplexe quant à votre projet politique et à la marge de manœuvre des différents opérateurs publics de l'insertion et de l'emploi.
Vous choisissez d'en finir avec Pôle emploi ; mais que Pôle emploi devienne France Travail n'est pas anodin : la notion de travail, plus vaste, introduit l'idée qu'il faut être en activité, sans quoi on risque d'être identifié à un oisif. Dans le même esprit, la réforme du RSA conditionne le versement de ce dernier à quinze heures d'activité par semaine, sans préciser la nature de ladite activité. Ce faisant, vous remettez en cause frontalement nos principes de solidarité ; vous transformez le RSA en une allocation de retour à l'emploi, quand il est une allocation de subsistance. Vous entretenez une confusion entre l'allocation chômage et le RSA, entre le revenu de remplacement assurantiel et la prestation sociale, assise sur la solidarité et financée par l'impôt, pour, à terme, supprimer l'un ou l'autre.
Avec votre projet de loi, tout le monde est inscrit d'office sur la liste des demandeurs d'emploi, jusqu'au conjoint ou au concubin d'un allocataire du RSA – votre texte initial y incluait même les personnes invalides. Tout le monde est soumis au même contrat d'engagement, et surtout à des menaces de sanction plus fortes. Pôle emploi, rebaptisé France Travail, devient une sorte de gare de triage.
Si vous escomptez véritablement un meilleur accompagnement sur mesure de chacun, il faut y mettre les moyens. Or l'étude d'impact se contente de renvoyer au PLF pour 2024. En parallèle, une lettre de cadrage d'une rare violence a été adressée aux organisations syndicales et patronales dans le cadre de l'actuelle négociation de l'Unedic. On y découvre que l'Unedic doit devenir l'un des contributeurs majeurs de votre réforme, sans que les députés aient leur mot à dire. Ce choix de financement pose un grave problème : un mélange des genres et un détournement d'argent public normalement destiné à l'assurantiel. Les organisations ne s'y trompent pas, elles qui ont unanimement refusé vos orientations.
Enfin, sachez-le, ce ne sont pas les dispositions relatives à l'accueil de la petite enfance, dont nous n'avons pu débattre en commission, qui détourneront le regard des députés communistes et ultramarins des enjeux dévastateurs de ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
« D'expérience, oui, demander des aides sociales, c'est ressentir le poids du jugement des autres ; le fait de se sentir assisté, voire parasite, comme beaucoup le pensent et comme le vendent certains médias. Plus facile et économique de culpabiliser et punir que d'accompagner dignement des citoyens dans une passe difficile. » Ce témoignage de Pierre, que j'ai reçu ce week-end, est lumineux de vérité. En renforçant et en axant autour des sanctions le contrat d'engagements prétendument réciproques – l'ajout du mot « réciproques » ayant été obtenu par les députés de gauche –, à aucun moment vous ne réconciliez l'emploi avec la solidarité que l'État doit pourtant à celles et ceux qui sont éloignés du travail.
J'ai à ma droite un formulaire que les comptables des entreprises doivent remplir chaque année pour obtenir des réductions et des crédits d'impôt.
L'orateur montre quelques feuillets.
Il fait deux pages. Ces aides coûtent chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros à l'État ; elles sont versées sans conditions.
J'ai à ma gauche un formulaire de demande de RSA.
L'orateur montre d'autres feuillets.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Ces aides sont conditionnées. Le demandeur doit sans cesse mettre à jour ses informations et n'a pas le droit de se tromper, sous peine de devoir rembourser le trop-perçu ou d'être catalogué comme fraudeur. Toutes ses ressources sont comptabilisées, jusqu'au moindre revenu et à la moindre allocation – ce, pour recevoir au mieux 607 euros pour une personne seule, ou 1 093 euros pour un couple avec enfant.
L'orateur brandit les deux liasses.
C'est en tout cas, pour le RSA, un revenu inférieur au seuil de pauvreté monétaire, qui décroche de plus en plus par rapport au Smic : 607 euros par mois au maximum, c'est trop peu pour maintenir légèrement la tête hors de l'eau, trop peu pour échapper à la très grande pauvreté, trop peu pour survivre dignement. Le RSA demande de remplir sept pages fastidieuses, et 30 % des allocataires potentiels n'y ont pas recours. Derrière ces sept pages se cache un contrôle déjà très présent : une absence à un rendez-vous ou un déménagement non signalé, et c'est la mise à l'amende, 50 %, 80 % voire 100 % du montant en moins, et la radiation au bout du chemin.
Ces sept pages traduisent votre philosophie de la sanction, celle que vous voulez renforcer et démultiplier ; c'est finalement celle du café du commerce, qui voit les pauvres comme des assistés ou des paresseux – le témoignage que j'ai cité en préambule y faisait référence. L'allocation n'est-elle pas, après tout, la réponse des lâches, comme le suggérait Christophe Castaner ? Peu importe l'inefficacité prouvée des sanctions, peu importe si les enfants trinquent parce que leurs parents auront été considérés comme défaillants, peu importe si les conjoints sont inscrits de force à Pôle emploi, même s'ils ont déjà un travail.
Ce texte partage la philosophie de celui que nous avons examiné il y a un an concernant l'assurance chômage : tout est fait pour créer un droit complexe, un droit illisible – qui ne peut donc avoir d'effet incitatif ou dissuasif –, une belle usine à gaz.
Comme le montrent toutes les études, cela accentuera surtout le non-recours aux droits.
En pointant du doigt les plus écorchés, vous installez peu à peu votre idéologie néolibérale qui désengage toujours plus l'État. Nous aurions pourtant pu saisir cette occasion pour renouer avec l'histoire, celle de notre protection sociale et de l'État providence, en réengageant l'État dans des dépenses d'insertion, pour garantir un revenu minimum d'existence inconditionnel, versé automatiquement. Vous préférez la mise sous contrôle des allocataires, en qui vous voyez au mieux des travailleurs en puissance, au pire des fraudeurs paresseux qui pénalisent la société. C'est la logique terrible du workfare déployée au Royaume-Uni, qui conduit, par la privatisation et la déshumanisation du service de l'emploi, à produire en série des Daniel Blake, héros éponyme du film de Ken Loach qui révèle les ravages de la transformation kafkaïenne du service public de l'emploi.
Quant au projet d'accompagnement que vous essayez de présenter en miroir, il est aussi creux que votre trajectoire budgétaire est impressionniste et insuffisante. À aucun moment vous n'évoquez les effectifs et les moyens nécessaires. L'accompagnement et le retour à l'emploi sont un mythe que vous entretenez pour faire reposer sur les collectivités locales le coût de votre irresponsabilité, tout en réussissant l'exploit de pressuriser encore les agents de Pôle emploi.
Avec ce texte, vous créez toujours plus de pauvreté, et une société où l'emploi lui-même ne protège plus contre la pauvreté. Avec ce texte, vous fabriquez un monstre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Depuis 2017, nous prônons la valeur travail à travers différents textes, qui ont été adoptés, telles la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la réforme de l'apprentissage et des lycées professionnels ou la réforme du régime de l'assurance chômage. Le projet de loi relatif au plein emploi en prend la suite : il vise un emploi pour tous, en proposant un accompagnement socioprofessionnel renforcé aux personnes qui en ont le plus besoin, et en transformant le service public de l'emploi et de l'insertion. L'objectif est d'aider les personnes à accéder à l'autonomie et à la dignité par le travail, et d'aider les entreprises à recruter, dans un contexte où nombre d'entre elles peinent à pourvoir leurs postes.
Faisant suite au rapport de Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, et après une large concertation territoriale et nationale, quatre-vingt-dix-neuf propositions ont été émises sur la base de dix principes, parmi lesquels : inscrire tous les demandeurs d'emploi à France Travail ; rassembler les acteurs du service public de l'emploi et de l'insertion dans le réseau France Travail, au sein duquel Pôle emploi deviendra l'opérateur France Travail ; accompagner les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA, en leur permettant de participer à des activités d'une durée de quinze à vingt heures à visée de réinsertion progressive ; faire converger les droits des travailleurs des Esat avec ceux des salariés ; améliorer le développement de l'offre d'accueil du jeune enfant, grâce à une gouvernance rénovée.
L'article 1er prévoit l'inscription de tous les demandeurs d'emploi auprès de France Travail et leur orientation vers l'organisme le plus adapté à la situation de chacun, sur la base de critères communs, en identifiant les freins bloquant le retour à l'emploi – notamment le logement, la mobilité, la garde d'enfant ou la situation de proche aidant.
L'article 2 prévoit la signature d'un contrat de coopération entre les personnes et l'organisme responsable pour définir les objectifs, les actions, le délai et l'accompagnement nécessaire, qu'il soit professionnel, social ou médico-social.
L'article 3 traite des droits et devoirs des bénéficiaires du RSA, pour éviter les manquements qu'a connus le revenu minimum d'insertion (RMI) en matière d'insertion. En cas de non-respect des engagements est prévue la possibilité d'une sanction – de type suspension ou remobilisation –, pour inciter la personne à reprendre son accompagnement, avec un versement rétroactif des sommes limité à trois mois.
Les articles 4 et 5 prévoient que le réseau France Travail définisse des règles communes concernant les procédures, les critères, les indicateurs, les outils numériques et le partage des données, dans le respect des règles administratives. Les instances de gouvernance se déclinent aux échelons national, régional, départemental et local. En lien avec les missions du réseau, chaque organisme est chargé du repérage, du diagnostic et de l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, comme le font actuellement Cap emploi et les missions locales.
À l'article 7, il est prévu qu'une convention lie l'État et les régions pour mettre en œuvre l'offre nationale de formation professionnelle, en lien avec les opérateurs de compétences (Opco), y compris pour les formations à distance, en gardant une organisation nationale.
Afin de renforcer l'insertion dans l'emploi des personnes en situation de handicap, l'article 8 élargit l'application des dispositions relatives aux titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à toute personne relevant d'une autre catégorie. Il pose le principe selon lequel l'orientation en milieu ordinaire relève du droit commun, sous des formes diverses : CDD tremplins, travail intérimaire, autres options favorisant l'inclusion en milieu protégé.
Nous proposons également le sac à dos numérique, qui consiste en une compilation des aménagements précédemment réalisés, ainsi que la portabilité de ces équipements, toujours avec l'accord de la personne concernée.
L'article 9 prévoit de calquer les droits des personnes qui travaillent en Esat sur ceux des autres salariés. Une mission étudie par ailleurs la possibilité de faire évoluer le statut des entreprises d'insertion par le travail.
L'article 10 prévoit de définir les orientations nationales de l'accueil du jeune enfant à partir des conclusions du chantier des 1 000 premiers jours, de celles du Conseil national de la refondation (CNR) sur le service public de la petite enfance, mais aussi en s'appuyant sur le Pacte de solidarité. Le Gouvernement compte ainsi recenser l'offre pour l'adapter aux besoins, en multipliant les types d'accueil, en renforçant l'attractivité des métiers et en formalisant le contrôle des établissements d'accueil des jeunes enfants.
Les communes recevront par ailleurs la qualité d'autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Celles de plus de 3 500 habitants seront chargées de déployer, en lien avec les caisses d'allocations familiales (CAF) et les départements, un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant, tandis que les communes de plus de 10 000 habitants créeront un relais petite enfance.
Cette compétence pourra être transférée à l'intercommunalité et, en cas de difficulté ou de manquement, des mesures d'accompagnement pourront être prises.
Enfin, l'article 11 prévoit d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure nécessaire pour adapter les dispositions de ce texte aux territoires d'outre-mer, afin d'éviter qu'ils ne soient confrontés à des difficultés trop importantes.
Nous voterons ce texte d'insertion et d'inclusion, après l'avoir enrichi de nos amendements mais sans l'avoir dénaturé.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
Quelle occasion manquée ! Bien que ce texte prévoie quelques améliorations pour les travailleurs handicapés, elles restent insuffisantes et n'ont pour objectif que de les rendre plus employables, sans prendre en compte les freins inhérents à leur situation, notamment en termes de mobilité. Ainsi, le Gouvernement pourra les intégrer au fichier de Pôle emploi et leur supprimer le RSA s'ils manquent aux obligations du contrat d'engagement.
Bien que ce texte prenne en compte les difficultés liées à la garde d'enfant, qui peut représenter un véritable frein à l'emploi, les réponses qu'il prévoit mettront en difficulté les communes, qui se verront imposer une compétence supplémentaire au titre d'autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Elles devront prendre à leur charge l'audit de l'offre de garde et en pallier les lacunes, dans un délai que les travaux en commission ont encore écourté. Comment le maire d'une commune de 9 000 habitants pourra-t-il estimer le nombre de places supplémentaires à créer, budgéter la construction d'un établissement recevant du public, le financer et le bâtir, avant le 1er janvier 2025 ?
Madame la ministre des solidarités, nous reconnaissons là votre méconnaissance du fonctionnement d'une commune et de ses contraintes administratives.
Pour ce qui est du cœur de ce texte, le Gouvernement a beau partir d'un constat juste, à savoir la saturation du territoire en organismes chargés de l'emploi à l'échelon local ou national, il ne propose aucune fusion. Pire, en regroupant dans une même gouvernance le préfet, les différents services déconcentrés, la commune, la communauté d'agglomération, les départements, les régions, les partenaires sociaux, il voue cette nouvelle hydre à neuf têtes à un immobilisme certain. On imagine déjà les réunions avec tout ce beau monde, les discussions interminables pour élaborer une stratégie commune et ne s'accorder finalement que sur la couleur du papier sur lequel ils écriront le compte rendu de leurs échanges et la date de la prochaine réunion, au cours de laquelle ils tomberont peut-être d'accord sur la couleur du ciel ! Ce nouveau-né, loin d'être le petit Hercule qu'on espérait, se verra lourdement handicapé dès la naissance.
D'autre part, le Gouvernement, à notre grande perplexité, semble vouloir regrouper dans un même fichier les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi et les allocataires du RSA. Si les premiers recherchent activement du travail, les seconds regroupent des profils bien différents les uns des autres, comme des mères au foyer, des proches aidants, des parents d'enfants atteints de maladie grave, des personnes handicapées en inaptitude professionnelle ou des étudiants. Ces personnes, alors qu'elles ne sont pas demandeurs d'emploi, seront contraintes de signer un contrat d'engagement de quinze heures d'activité, dans une marche forcée vers un emploi incompatible avec leur situation. Du reste, le terme d'activité n'est même pas clairement défini. Les hypothèses les plus farfelues peuvent se faire jour dès lors que l'on parle de « resociabilisation en prenant soin de soi » : doit-on comprendre qu'aller chez le coiffeur ou dans une salle de sport sera considéré comme une activité ?
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite réintroduire le changement de nom de Pôle emploi en France Travail, que le Sénat avait supprimé. Le texte, déjà confus, en deviendrait incompréhensible pour les Français.
Quel gâchis ! Quelle perte de temps ! Quelle occasion manquée ! Ce projet de loi, attendu depuis des décennies par les professionnels du secteur, aurait pu être l'occasion de fusionner tous les acteurs publics de l'emploi et de renforcer le maillage territorial, en répartissant les agents dans des antennes rurales de proximité.
Savez-vous, monsieur le ministre, qu'il faut une demi-journée à un habitant de Neuilly-Saint-Front ou de Villers-Cotterêts pour se rendre à un rendez-vous de Pôle emploi ? Assurément non, sans quoi vous n'auriez pas proposé un texte aussi éloigné de la réalité. C'est là que se trouve le cœur du problème : dans la mobilité et l'accessibilité à l'emploi, pas dans le changement de nom ni de couleur du nouveau logo de France Travail.
Votre loi sera aussi floue qu'inefficace. Mais le plus choquant, ce qui révèle votre amateurisme, c'est que vous ne l'avez même pas budgété. En huit ans, votre Gouvernement a plongé le pays à plus de 3 200 milliards d'euros de déficit public. Vous prétendez disposer des 2,7 milliards nécessaires : où les trouverez-vous ? Qui paiera la note ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une loi intitulée « plein emploi », c'est très séduisant. C'est surtout très nécessaire car les chiffres du chômage ne sont pas bons. Nous occupons la vingt-troisième place sur vingt-sept au sein de l'Union européenne. Autant dire que nous ne sommes pas avec les mauvais élèves : nous sommes les mauvais élèves.
Notre pays compte 5 millions de chômeurs, et pourtant je ne connais pas un seul chef d'entreprise qui ne se plaigne de ne trouver personne à embaucher. Comment en sommes-nous arrivés à cette situation folle ?
La formation en est la première en cause. Les écoles ne forment pas aux vrais besoins du pays. Ensuite, ce sont les entreprises que l'on taxe alors qu'elles créent des emplois. Surtout – et c'est le cœur du sujet – la France manque d'une vraie culture de l'accompagnement au travail.
Alors que notre système social devrait ramener les gens au travail, il les dissuade de trouver un emploi !
En un an, un bénéficiaire du RSA n'est contacté, en moyenne, que trois fois par le service public chargé de l'accompagner. Trois malheureux coups de fil ou mails ! Comment voulez-vous obtenir des résultats si personne ne s'occupe des gens ?
Nous voulons que tous les bénéficiaires du RSA soient inscrits à Pôle emploi, accompagnés, et qu'ils accomplissent les quinze heures d'activité hebdomadaire obligatoires, qu'il s'agisse d'un stage d'insertion, d'une formation ou d'un travail. Il faut rompre avec cette idée que le RSA pourrait être versé sans accompagnement ni contrepartie.
Bien sûr, il arrivera que l'intéressé soit dans une situation personnelle qui l'empêche de s'acquitter de ces quinze heures. Il fera moins, dans ce cas, mais il n'est pas question qu'il ne fasse rien.
C'est une grande différence avec les dispositions de ce texte qui sont rédigées de telle sorte que ces quinze heures pourraient ne pas être réalisées du tout. Or nous voulons que le RSA ne soit versé qu'en échange d'une contrepartie. Tous ceux qui perçoivent le RSA et peuvent travailler, doivent travailler.
Nous proposerons cependant deux exceptions en faveur des personnes en situation de handicap et des parents isolés sans garde d'enfant, à leur demande.
Vous dites que le RSA est un droit inconditionnel. Nous pensons exactement le contraire. Quand on perçoit le RSA, on a le devoir de faire un effort pour s'insérer. Au risque d'aggraver mon cas, j'ajoute que la société a le droit d'évaluer les efforts consentis, parce que le RSA, c'est l'argent des Français.
Contrairement à ce que j'ai entendu, les quinze heures ne sont pas une sanction.
C'est une participation active à la société et une chance de réinsertion. Dans une république, on a des droits mais aussi des devoirs. Le groupe Les Républicains en est convaincu : nous devons faire beaucoup plus pour celui qui travaille, qui cherche un emploi ou se forme, et beaucoup moins pour l'assisté professionnel permanent qui ne fait aucun effort ou pour celui qui revendique de ne pas vouloir travailler, tout en prétendant aux aides de l'État.
Cela relève du bon sens.
D'autre part, votre texte pèche par un excès de procédures trop complexes. Il faut simplifier le maquis de l'insertion pour faciliter la vie des allocataires.
Depuis des années, on nous vend des lois de décentralisation qui ne sont, en réalité, que des lois de recentralisation. Je vous le dis avec gravité : notre groupe sera très attentif à ce que ce texte ne cache pas un processus de recentralisation ni de transfert de charges. C'est bien de mieux payer les personnels de crèche mais qui paiera la générosité de l'État si ce n'est la commune ? À ce propos, je dirai un mot de l'article 10 : l'État n'a pas à se mêler des politiques communales. Qu'il s'occupe déjà de ses affaires et qu'il laisse les maires gérer leurs crèches.
Enfin, il manque à ce projet de loi d'être financé. C'est vrai, c'est un détail. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que l'État s'en chargerait. C'est préférable à l'utilisation des excédents de l'Unedic, qui doivent servir en priorité à apurer la dette de l'Unedic.
Vous aurez compris nos priorités : une dépense publique efficace, pas de RSA sans contrepartie, pas de recentralisation. Laissez tranquilles les élus locaux et ne leur faites pas payer la note.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez brutalisé un pays tout entier durant des mois en proposant une réforme des retraites injuste et injustifiée.
En bafouant le Parlement, en méprisant les organisations syndicales, en réprimant les manifestants, vous avez fait le choix politique de condamner les Français à deux ans ferme.
Votre réforme des retraites fera basculer 100 000 personnes de plus au RSA et plusieurs milliers de travailleurs supplémentaires en situation d'invalidité.
Notre pays a compté 400 000 pauvres supplémentaires après le premier quinquennat mais, après avoir réalisé 7 milliards d'économies sur le dos des chômeurs en réduisant la durée des droits à l'assurance chômage, vous poursuivez votre répression à l'encontre des plus pauvres.
Alors qu'en France les 500 familles les plus riches possèdent la moitié des richesses de notre pays et que les entreprises du CAC40 engrangent des bénéfices records, les 11 millions de pauvres se privent et font la queue par milliers aux Restos du cœur.
Votre texte vise à faire la chasse aux chômeurs et aux bénéficiaires du RSA, qui se verront imposer quinze heures d'activité chaque semaine. L'objectif sous-jacent est clair : multiplier les sanctions et les radiations pour réaliser des économies sur le budget de l'État. Mais on ne fait pas d'économies sur le dos des misérables ! Les bénéficiaires du RSA doivent déjà survivre avec 600 euros par mois. Les obliger à travailler quinze heures par semaine, c'est les contraindre à travailler pour 7 euros de l'heure, c'est ouvrir la porte au travail gratuit !
Tous les salariés du pays entendent votre message : désormais, ils seront en concurrence avec des personnes forcées de travailler pour moins de 600 euros par mois.
Sans même attendre les résultats de votre expérimentation, vous prenez le risque de pénaliser des millions de familles : rendez-vous raté à Pôle emploi, plus de RSA ; refus d'effectuer quinze heures d'intérim hebdomadaires, plus de RSA ; panne de wifi rendant impossible de se connecter pour un rendez-vous en visioconférence, plus de RSA ! Par cette brutalisation, vous allez sanctionner des familles entières, notamment des familles monoparentales. Comment suivre en effet 15 heures de formation quand on est une mère seule avec des enfants à charge ?
Avoir faim, vivre avec la peur du lendemain n'a jamais permis d'obtenir un travail et encore moins d'atteindre le plein emploi ! Chaque année, le chômage tue directement 14 000 personnes en France. Personne n'est au chômage par plaisir. Si les gens sont au RSA, c'est parce qu'ils n'ont pas le choix.
Il y a une pénurie d'emplois en France. En 2022, vous promettiez 3 millions d'embauches, or seuls 300 000 emplois ont été créés dans le secteur privé. Vous annonciez en grande pompe que le nombre de chômeurs était de 2,2 millions mais, en réalité, 7,5 millions de personnes sont sans emploi. Pôle emploi propose 1,6 million d'offres d'emploi alors que les travailleurs inscrits sur cette plateforme sont six fois plus nombreux. Il ne sert à rien de contraindre les personnes privées d'emploi alors que c'est l'offre d'emploi qui est insuffisante.
Pour ne rien arranger, votre projet de loi prévoit également de poursuivre la privatisation du service public de l'emploi. Après le scandale d'Orpea et les révélations chocs concernant la privatisation des Ehpad et des crèches, vous poursuivez la casse du service public. Compte tenu de l'absence de moyens supplémentaires et du flou de son architecture, votre réforme va provoquer des souffrances des deux côtés du guichet.
Parce qu'un autre service public de l'emploi est possible, il est urgent de refonder un Pôle emploi humain pour les personnes privées d'emploi comme pour les agents.
Pour créer des emplois décents, accessibles et proches, il est nécessaire de rétablir une assurance chômage protectrice et de créer une garantie d'emploi pour les chômeurs de longue durée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Après la pause estivale, nous reprenons nos travaux avec le projet de loi pour le plein emploi, et une question se pose d'emblée : allons-nous saisir cette occasion pour faire collectivement œuvre utile pour nos concitoyens, notamment les plus fragiles, ou bien renouerons-nous immédiatement avec des combats politiques dignes d'une guerre de tranchées, nourris par l'énergie renouvelée de la rentrée ?
Sur ces bancs, nous nous réclamons quasiment tous de l'équilibre trouvé à la sortie de la Seconde Guerre mondiale entre communistes et gaullistes autour d'une société du travail où les cotisations des uns permettent de protéger les autres, face à la maladie, à l'accident ou à la perte d'emploi, et contribuent aussi à proposer des logements au plus grand nombre. Cet équilibre est le cœur constitutionnel de la sécurité sociale à la française. Or ce cœur est malade depuis de longues années, du fait d'un taux de chômage endémique. L'effort de cotisation devient insupportable pour ceux qui travaillent et la solidarité n'est plus à la hauteur pour ceux qui ont besoin d'en bénéficier, car le rapport entre actifs et inactifs s'est dégradé.
Depuis six ans, notre ambition a été de renouer avec une société de l'emploi. L'emploi est bien sûr une richesse économique mais c'est surtout une richesse sociale. Avec 2 millions d'emplois créés depuis 2017, nous avons été à la hauteur de nos responsabilités. Ce n'est toutefois pas suffisant, car des millions de gens sont encore exclus de l'emploi alors que, paradoxalement, nos entreprises n'arrivent pas à recruter.
À mon sens – et c'est en cela que j'aimerais vous inviter à mettre nos oppositions politiciennes de côté –, ce projet de loi coche toutes les cases du modèle de société à la française. Tout d'abord, il réaffirme la volonté de développer une société de l'emploi. Ensuite, il part du constat qu'il y a des millions de gens sans emploi en France et qu'ils sont très éloignés des attendus du monde du travail.
Cela implique de dépasser une approche fondée uniquement sur les compétences et la formation, impératif auquel ce projet de loi répond en proposant une meilleure coopération des différents acteurs de l'emploi et des solidarités. Le système actuel est en effet complexe et repose sur une architecture en silo. Les mailles du filet sont trop larges pour qu'il soit possible de s'occuper de tout le monde. Introduire de la cohérence dans cette organisation est une nécessité : c'est l'ambition du réseau France Travail.
Il faut aussi appliquer à ces publics éloignés de l'emploi une approche à 360 degrés. À quoi me sert-il d'être formé à tel ou tel poste, si je n'ai pas de véhicule pour me déplacer ou si je ne peux pas faire garder mes enfants ? Cette approche tous azimuts a permis d'obtenir des résultats tangibles parmi les jeunes grâce aux missions locales ou parmi les personnes en situation de handicap avec Cap emploi. Nous devons la généraliser à tous ceux qui sont éloignés de l'emploi depuis longtemps, notamment les bénéficiaires du RSA.
La question du RSA sera, j'en suis sûr, au centre de nos débats, comme elle l'a été en commission. Renforcer l'inclusion des allocataires du RSA est à la fois un devoir et une nécessité. La société le doit aux personnes en souffrance car nul n'a à être laissé au bord du chemin ; dans le même temps, chaque Français a la possibilité et la responsabilité de contribuer à l'effort collectif.
Les bénéficiaires du RSA sont souvent réduits à une identité stigmatisante – pauvres, profiteurs, oisifs –, très éloignée de la réalité pour la plupart d'entre eux. On ne vit pas avec 600 euros par mois, on survit !
L'ambition de ce texte est de leur proposer un accompagnement progressif, tenant compte de toutes leurs difficultés et les mettant en condition d'être les acteurs de leur rebond personnel et professionnel. Pour eux comme pour toutes les personnes éloignées de l'emploi, saisirons-nous l'occasion offerte par ce projet de loi ou nous en tiendrons-nous, à nouveau, à nos oppositions stériles ? Le groupe Démocrate a très clairement choisi son camp et j'espère que beaucoup ici iront dans le même sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Après l'assurance chômage, après les retraites, le Gouvernement fait le choix de présenter un projet de loi sur le plein emploi, choix surprenant tant le calendrier retenu nous semble étrange. Au groupe LIOT, nous sommes attachés à la valeur travail, au mérite, à l'émancipation par le travail et nous nous demandons ce que sont devenus les mécanismes qui privilégient le travail. Il n'y a toujours pas eu de conférence sociale sur les salaires laquelle, en remettant l'église au milieu du village– vous pardonnerez cette expression –,…
…permettrait à chacun de tirer des fruits suffisants de son travail. Il n'y a toujours rien concernant les conditions de reprise d'emploi, sujet sur lequel nous avons eu l'occasion d'échanger en commission : en France, dans certains cas, reprendre une activité temporaire est moins intéressant financièrement que de rester inactif. Cela appelle des correctifs, qui sont une condition première pour atteindre le plein emploi.
Calendrier étrange car ce texte ne formule aucune proposition globale s'agissant des freins à l'emploi. Il prend seulement en compte la petite enfance. Nous y reviendrons.
Calendrier étrange car vous n'avez pas attendu le retour sur les expérimentations en cours.
Vous souhaitez néanmoins que nous parlions du service public de l'emploi et du RSA, alors parlons-en. Certains évoqueront à son propos la capacité à vivre, voire à survivre, d'autres y verront une version moderne de l'oisiveté et de la paresse. Chacun aura choisi son camp.
Relevons d'abord que, dans le système de droits et de devoirs sur lequel repose déjà le RSA, c'est plutôt du côté des droits que la défaillance est nette. Les chiffres que vous avez vous-même cités, monsieur le ministre, au sujet des allocataires toujours au RSA plus de cinq ans après leur première inscription témoignent de l'échec du dispositif, échec que nous devons combattre ensemble.
Dans ce texte, malheureusement, il n'y a que peu de choses sur les droits. Le flou règne : les moyens les concernant restent à préciser. S'agissant des devoirs, en revanche, vous avez été inspirés : inscription automatique et aveugle sur la liste des demandeurs d'emploi, bénéfice du RSA soumis à la condition sine qua non d'effectuer quinze à vingt heures d'activité et nouvelle sanction. M. le rapporteur me dira que cette dernière est progressive, je lui répondrai qu'elle est plus facilement mobilisable, mais sans doute faut-il voir là l'effet de la parade nuptiale que vous êtes forcés d'effectuer devant les collègues du groupe LR, puisque vous êtes condamnés à trouver avec eux une solution pour que ce texte soit voté.
La solidarité nationale, pourtant inscrite dans la Constitution, se décline désormais au conditionnel : la solidarité, oui, mais 607 euros, ça se mérite. Or, comme l'ont dit certains de mes collègues en commission et à cette tribune, avec une telle somme, on ne vit pas, on survit. Pourtant, vous mettez en place des procédures de suspension qui vont mécaniquement créer un affaissement des revenus des allocataires du RSA. Vous prenez le risque de les appauvrir dans un contexte, rappelons-le, d'inflation galopante, de pouvoir d'achat ébranlé et de pauvreté accrue, comme nous le constatons tous, chaque jour, dans nos territoires.
Une autre réforme plus juste et plus équilibrée est pourtant possible. Fondée sur le mérite, valeur chère à beaucoup d'entre nous, elle rendrait l'adhésion volontaire et non pas automatique à un contrat d'engagement procédant d'une réciprocité renforcée. Les allocataires effectuant des heures d'activité recevraient dans ce cadre une bonification pour les efforts supplémentaires qu'ils consentent. Nous ne sommes pas fermés à la possibilité d'interroger le régime des sanctions mais nous voulons éviter toute disproportion. Les sanctions doivent passer par une remobilisation et non par un appauvrissement des familles.
Nous estimons que les mesures concernant la gouvernance vont dans le bon sens puisqu'elles reposent sur un rapprochement avec les territoires, mais elles pourraient aller plus loin. Un regret : vous avez choisi de légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions de ce texte aux outre-mer, ce qui signifie que dans cet hémicycle, silence sera fait sur des sujets importants les concernant.
M. Frédéric Maillot applaudit.
Je relèverai par ailleurs les avancées non négligeables concernant la petite enfance et le handicap. Toutefois, de manière générale, nous considérons que ce projet de loi est avant tout un texte d'affichage et de communication politique, bien éloigné malheureusement de la réalité vécue par les Français.
La légère baisse du chômage au deuxième trimestre 2023 poussait certains– parmi lesquels vous étiez, monsieur le ministre – à se féliciter et laissait croire au retour du plein emploi. Force est de constater que les chiffres du chômage en France ne sont pas si bons que cela : notre pays n'est en effet que vingt-deuxième sur vingt-sept au sein de l'Union européenne avec un taux de chômage qui stagne à 7,1 %, alors qu'à l'échelle de l'UE, la moyenne s'établissait à 5,9 % en juin dernier.
Ce sont malheureusement les jeunes de moins de 25 ans qui sont les plus touchés, avec près de 17 % de chômeurs, et certains territoires sont encore frappés par un chômage de masse – je pense notamment à Mayotte, où le nombre de chômeurs a connu une hausse de plus de 22 % en un an.
Le titre du texte que nous examinons est ambitieux et je ne peux que souscrire à son objectif, à l'heure où pas un secteur ne peine à recruter et où le plancher des 3 millions de chômeurs ne semble pouvoir être franchi.
Au-delà de la tournure prise par les discussions en commission – laquelle, vous le reconnaîtrez, n'est pas de très bon augure pour la suite de nos travaux –, je ne peux que me féliciter de certaines mesures qui vont dans le bon sens. Que les allocataires du RSA et leurs conjoints soient inscrits au chômage est une bonne chose. Avec près de 2 millions de foyers au RSA, résultat d'une hausse de 46 % depuis dix ans, et 40 % d'allocataires non inscrits à Pôle emploi, il était temps ! Il en va de même pour l'obligation faite aux allocataires d'accomplir quinze heures d'activité par semaine. Certains députés de gauche y voient un « recul social impressionnant » et même une « coercition » et je ne peux que déplorer une fois encore cette triste philosophie du travail puisque ces quinze heures sont destinées à aider les demandeurs d'emploi à réintégrer le marché du travail.
Rassurez-vous, j'en rencontre suffisamment chez moi, à Béziers, pour savoir que les bénéficiaires du RSA ne sont pas homogènes et que s'il est irréaliste de vouloir tous les remettre au travail, notamment ceux qui rencontrent de gros soucis de santé, il est nécessaire d'aider, voire d'inciter les autres à aller vers l'emploi. Certains sont trop « cassés » pour occuper un poste classique mais sont en mesure de travailler en emploi aidé ; ils devraient donc percevoir les revenus du RSA contre un emploi, même très peu qualifié, de quinze ou vingt heures par semaine, qui leur redonnerait à la fois stabilité et sens de leur utilité sociale. En bref, la fierté de ne plus être assistés et de gagner leur propre argent.
D'autres ont connu une rupture dans leur vie et doivent rebondir. Si certains ont effectivement besoin d'un délai pour y parvenir, d'autres s'accommodent de la situation et, parfois, travaillent au noir. Arrêtons de nous mentir ! Ceux-là sont employables et devraient bénéficier d'un accompagnement renforcé de Pôle emploi et d'une date butoir avant de se voir supprimer leurs droits.
Je crois que la majorité des Français désirent plus que tout vivre de leur travail : c'est une question d'amour-propre et de dignité. Le contrat d'engagement prévu dans votre projet de loi doit fixer avec clarté les droits, mais aussi les devoirs des allocataires. Car là où le contribuable se voit dans l'obligation de participer à la solidarité, il est normal d'imposer des devoirs à celui qui en bénéficie.
Pour mémoire, le RSA concentre 60 % des 351,4 millions d'euros de versements frauduleux recensés par la Caisse nationale des allocations familiales en 2022. Il est fort dommage que votre texte n'en fasse pas mention, alors qu'on nous répète à l'envi que les caisses de l'État sont vides.
Par ailleurs, votre projet de loi suscite de fortes inquiétudes chez les acteurs de Pôle emploi car, si l'on doit avoir les mêmes chances de sortir du chômage à Lille et à Béziers, il faut savoir s'adapter aux spécificités locales. Vouloir fondre un outil national avec les missions locales d'insertion, par exemple, témoigne d'une sérieuse méconnaissance des réalités.
Permettez-moi de dire un mot, enfin, à propos de l'article 10, consacré à la petite enfance. Si je m'étonne de le trouver dans un texte relatif au plein emploi, je serai particulièrement attentive à ce que les communes ne soient pas encore une fois les dindons de la farce de cette nouvelle organisation, en étant financièrement frappées par de nouvelles charges salariales.
En conclusion, à l'heure où certains youtubeurs incitent à tricher avec le système afin de vivre des allocations,…
…à l'heure où l'absentéisme a augmenté de 20 % dans certains secteurs d'activité, il est urgent de redonner aux Français envie et fierté de travailler, au risque de voir, sinon, notre système s'écrouler.
Permettez-moi de revenir sur quelques points évoqués au cours des différentes interventions dans la discussion générale. Nous partageons un même constat : le chômage a certes baissé, chacun peut s'en féliciter, mais il reste très élevé – parmi les plus élevés de l'Union européenne. Toutefois, malgré ce taux de chômage important, des entreprises peinent à recruter et font face à des tensions. Au premier semestre de l'année 2023, deux tiers des PME du secteur industriel affirmaient même renoncer à des possibilités de croissance en raison de problèmes de recrutement et de difficultés à répondre à ces opportunités.
Parallèlement, nous rencontrons une autre difficulté, évoquée par MM. Saint-Huile et Juvin. Comment faire en sorte que le retour à l'emploi soit une opération gagnante pour tous et qu'elle soit systématiquement positive, y compris pour l'allocataire d'un minima social, ayant un ou deux enfants, qui retrouve un emploi à temps plein et au Smic ? La difficulté, c'est qu'elle ne devient parfois positive qu'après trois, quatre ou cinq mois, car les coûts liés à la reprise d'emploi – tels que la garde d'un enfant –, et les pertes de droits dues à cette reprise et à la sortie du système de minima sociaux s'appliquent plus rapidement que l'instauration des nouveaux droits liés à une situation de salarié rémunéré au Smic, affectant le quotidien des foyers concernés. C'est sur cette période intermédiaire que nous devons travailler, pour que le retour à l'emploi soit véritablement et immédiatement positif, quitte à ce que certains droits restent acquis le temps que les nouveaux droits s'installent.
C'est l'une des raisons qui m'ont conduit, dans le cadre de la rédaction de la lettre de cadrage relative à la négociation sur l'assurance chômage, à inviter les partenaires sociaux à réfléchir à des dispositifs de maintien de certaines aides, soit sous forme de primes, soit sous forme d'allocations différentielles, notamment pour les demandeurs d'emploi seniors qui reprennent un emploi et qu'il est nécessaire d'accompagner.
Notre objectif est donc de simplifier et de garantir un retour à l'emploi qui soit systématiquement gagnant.
Je souhaite revenir sur trois points en particulier. Le premier concerne la répartition des compétences et le débat sur la décentralisation, la déconcentration ou la recentralisation des politiques de l'emploi. Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire, j'ai veillé, avec beaucoup d'attention, à ce qu'aucune disposition du texte ne remette en cause la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales. Pas un seul alinéa ne le prévoit. Il en va de même de la répartition des compétences entre les collectivités locales elles-mêmes. Je considère en effet qu'en matière d'organisation territoriale, comme en matière de répartition des compétences, il faut laisser les choses s'installer sans vouloir les modifier de manière systématique.
Le texte ne prévoit donc pas de recentralisation ; au contraire, nous proposons aux collectivités locales, par l'intermédiaire d'un copilotage aux niveaux départemental, régional et national, d'être associées à la définition des orientations du service public de l'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je pense utile, juste et efficace que les collectivités aient leur mot à dire sur la définition de ces orientations, que déploient l'ensemble des opérateurs : Pôle emploi – demain France Travail – au premier chef, mais aussi les missions locales ou encore Cap emploi. En effet, nous ne parviendrons pas à passer de 7 % à 5 % de chômage si nous n'agissons pas en partenariat avec les collectivités sur les questions de mobilité, de garde d'enfant, de logement ou d'accès à la santé. Travailler ensemble, sans recentralisation mais en donnant du poids aux uns et aux autres, est le prix de l'efficacité.
Le deuxième point que je voulais souligner concerne les quinze à vingt heures d'activité. L'expérience a montré, notamment s'agissant du contrat d'engagement jeune, qu'avec ce niveau d'accompagnement et d'investissement social, les possibilités de retour à l'emploi par l'accès à la formation qualifiante ou à l'emploi direct sont renforcées. La condition d'efficacité s'appuie, selon nous, sur une durée d'engagement comprise entre quinze et vingt heures.
Vous avez tous souligné que ces activités d'insertion ou de formation devaient aussi tenir compte des difficultés rencontrées. Mme la députée Garin a évoqué le témoignage d'une femme, mère célibataire d'un enfant souffrant de phobie scolaire, obligée d'assumer un rôle d'aidant et, de ce fait, ayant fait le choix de devenir autoentrepreneuse : elle fait typiquement partie des publics qui doivent faire l'objet d'une attention particulière, voire d'une exemption de cette obligation d'engagement car, à moins de lui proposer une activité adaptée à sa situation, il est impensable d'exiger de sa part quinze à vingt heures d'activité supplémentaires.
J'ai en tête le cas de deux allocataires du RSA que j'ai rencontrées à Genlis, en Côte d'Or, pour le lancement des expérimentations. La première, qui souffrait de douleurs handicapantes au dos et à la jambe à la suite d'un accident, m'a dit vouloir travailler ; elle m'a expliqué qu'en accord avec ses conseillers en insertion sociale et professionnelle, elle prenait auparavant le temps d'effectuer les examens médicaux permettant de déterminer quel type d'activité professionnelle elle serait en mesure d'exercer, sans prendre de risque pour sa santé ni aboutir à un échec professionnel. Cela fait partie des parcours dont nous devons tenir compte.
Elle était accompagnée d'une jeune femme, mère célibataire avec des enfants, qui était depuis dix ans au RSA et a retrouvé une activité de vingt heures par semaine dans le service de cantine d'une collectivité locale. Cette dernière se demandait si elle serait obligée de réaliser quinze à vingt heures d'activité d'insertion ou de formation en plus de ses vingt heures de travail. La réponse est évidemment non. Mais cette même jeune femme me disait souhaiter accéder à un temps plein. Si nous pouvons l'accompagner et lui permettre d'accéder au temps plein, en ne la mobilisant que pour les trois, quatre ou cinq heures d'activité lui permettant d'atteindre le temps plein, nous serons sur le bon chemin.
Ces exemples démontrent qu'il faudra savoir adapter le dispositif. Toutefois, j'ai la conviction que, plus nous aurons d'allocataires accompagnés, grâce à cet investissement social et à cet objectif de quinze à vingt heures pour une meilleure efficacité, mieux ce sera. Cela n'empêche pas de tenir compte des capacités et des difficultés de chacun.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, pardon de le dire ainsi, concernant les personnes en situation de handicap, notamment les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Certains ont évoqué une obligation d'inscription à Pôle emploi : ce n'est pas le cas ! Nous voulons l'inscription automatique pour les allocataires du RSA et les jeunes accompagnés par les missions locales dans un parcours d'insertion vers l'emploi. Pour les autres, qui bénéficient d'un accompagnement global – je pense notamment aux mineurs –, il est évidemment hors de question de prévoir l'automaticité.
Mme Danielle Simonnet s'exclame.
S'agissant des personnes en situation de handicap bénéficiaires de l'AAH, j'ai, comme mes collègues du Gouvernement, dit et répété que les mesures que nous prenons visent à favoriser l'accès ou le retour à l'emploi de ceux qui le souhaitent, en tenant compte de leurs particularités ; le texte ne prévoit donc pas, pour ces bénéficiaires, d'inscription automatique. Elle se fera sur la base du volontariat. Chaque fois qu'une personne en situation de handicap souhaite être accompagnée sur le chemin de l'emploi, le service public de l'emploi doit l'accompagner, comme n'importe quel demandeur d'emploi, en veillant aux aménagements nécessaires, sans la renvoyer systématiquement à son statut de personne en situation de handicap.
Enfin, le troisième point concerne les questions de financement. En définitive, les décisions sont dans les mains du Parlement. Le budget pour 2024 consacrera 170 millions d'euros à la contractualisation avec les départements de France. Qu'est-ce que cela signifie ? D'abord, la transition, pour tous les départements, vers France Travail – ce n'est pas le plus coûteux –, afin que les modèles informatiques et les systèmes d'information soient partagés. Cela inclura aussi le financement d'activités, telles que la garantie d'activité départementale, qui doivent évoluer vers le modèle France Travail – cela représente quelques dizaines de millions d'euros. Enfin, cet argent permettra de financer l'expérimentation que mènent actuellement dix-huit départements, et que d'autres veulent rejoindre.
Pourquoi présentons-nous ce projet de loi avant la fin de l'expérimentation ?
Parce que nous souhaitons que le projet de loi soit pleinement en vigueur à partir de 2025 et que la meilleure façon de généraliser un accompagnement d'ici à cette date, c'est de l'expérimenter. Nous n'inscrirons pas dans la loi ni dans les décrets les modalités pratiques d'accompagnement, qui relèvent des politiques départementales et sociales. En revanche, expérimenter et essayer permet aussi de partager les bonnes pratiques…
…afin d'être efficace partout dans le territoire, d'ici à 2025.
Enfin, je l'ai déjà évoqué, l'Unedic affiche une trajectoire très importante d'excédents et nous prévoyons, effectivement, qu'une partie de ceux-ci financent des politiques de formation, d'insertion ou de développement de l'apprentissage – ce sont ce que l'on appelle des dépenses actives : chaque fois qu'un demandeur d'emploi retourne vers l'emploi, cela se traduit par moins d'allocations versées et davantage de cotisations perçues.
Pour répondre à M. Juvin, ce que nous prévoyons n'empêchera pas l'Unedic de se désendetter à hauteur de 50 % de sa dette d'ici à la fin du quinquennat. C'est la démonstration que nous pouvons à la fois mettre à contribution, d'une certaine manière, l'Unedic pour financer des dépenses actives en faveur du retour à l'emploi, sans contrarier une trajectoire de désendettement de plus de 50 % à l'échelle du quinquennat,…
…ce qui, vous en conviendrez, est positif et doit être soutenu. Voilà ce que je souhaitais évoquer, avant que mes collègues reviennent sur les questions liées au handicap et à la petite enfance.
Je souhaite répondre à quelques interrogations. S'agissant du non-recours aux droits, l'objectif est d'aller au bout d'un chantier absolument déterminant, dont vous savez qu'il changera profondément nos politiques publiques si nous parvenons à l'appliquer – et nous devons y arriver –, je veux parler de la solidarité à la source. Il ne s'agit pas seulement du préremplissage des déclarations – ce qui serait déjà une avancée par rapport à la situation décrite par le député Delaporte –, mais il s'agit d'assurer un accompagnement plus digne des personnes, notamment celles qui sont les plus éloignées de l'emploi. C'est tout l'enjeu de ce dispositif et des arbitrages qui sont en cours de manière à en définir le périmètre et à le rendre effectif avant la fin du quinquennat. La meilleure réponse à la lutte contre le non-recours, c'est la solidarité à la source et l'expérimentation en cours dans trente-neuf territoires zéro non-recours. Je me tiens à la disposition de chacun, si vous souhaitez qu'on aille plus loin dans cette démarche.
Expérimenter, c'est justement faire confiance aux départements et poursuivre la logique de partenariat, pour ne pas tout imposer d'en haut, mais plutôt faire ensemble.
C'est ainsi que nous réussirons à fonctionner.
Le ministre du travail a répondu s'agissant de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. De nombreux cas ont été cités, notamment ceux des proches aidants : nous aurons l'occasion de revenir, début octobre, sur les solutions que nous devons aux aidants, qui s'oublient trop souvent et négligent leurs propres conditions de santé pour accompagner les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables dont ils ont la responsabilité. Encore une fois, l'idée n'est pas de considérer tout le monde de la même manière, mais bien de prendre en compte les spécificités de chacun, dont la situation très particulière des aidants.
En ce qui concerne le handicap, nous considérons, avec la ministre déléguée Fadila Khattabi, – je ne comprends même pas que cela puisse faire l'objet d'une polémique – que, par principe, toutes les personnes en situation de handicap sont employables.
Par principe, ces personnes ne doivent pas être considérées comme différentes, mais comme faisant partie intégrante de la société : nous devons faire en sorte que la société s'adapte à elles, plutôt que de leur demander de s'adapter aux contraintes trop souvent imposées par l'État – à charge ensuite pour les entreprises de s'organiser pour permettre cette adaptation. Si deux articles seulement devaient nous réunir, ce seraient donc vraiment, selon moi, ceux consacrés aux personnes en situation de handicap.
Un mot concernant la fraude – puisque plusieurs d'entre vous y ont fait référence, même si ce n'est pas l'objet du présent texte –, pour vous donner deux chiffres intéressants : en 2022, la caisse d'allocations familiales a réalisé plus de 32 millions de contrôles, qui ont conduit à recouvrer 260 millions d'euros perçus par des personnes qui avaient délibérément fraudé. Une vidéo promouvant ce type de comportements a malheureusement été largement partagée et commentée ces derniers jours. Sachez que j'ai saisi toutes les instances nécessaires pour que des contrôles spécifiques soient effectués sur cette personne.
Je crois en effet que nous pouvons tous nous accorder sur le fait que si nous devons nous réjouir d'avoir un modèle social très généreux, il est hors de question que certains l'utilisent à mauvais escient en fraudant. Nous irons même plus loin, en créant un délit de promotion de la fraude sociale, comme cela a été fait pour la fraude fiscale.
Mme Danielle Simonnet s'exclame.
Si nous voulons garder un modèle social généreux et solide, nous devons être impitoyables avec ceux qui entendent frauder délibérément et tricher – c'est d'autant plus vrai quand ils osent le faire pour percevoir l'allocation aux adultes handicapés. Ce cas a été suffisamment commenté, mais il me semblait nécessaire de rappeler quelques principes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Enfin, j'imagine que nous aurons l'occasion, au cours de nos débats, de revenir sur l'article 10, qui crée le service public de la petite enfance. Tout l'objectif de la façon dont nous avons cheminé en réécrivant le texte transmis par le Sénat – que nous n'avons pas écrasé, conservant au contraire de nombreuses évolutions apportées par la chambre haute – est d'engager une démarche partenariale avec les collectivités. Nous ne réussirons pas le service public de la petite enfance contre les maires et les collectivités, mais seulement grâce à eux.
C'est la raison pour laquelle nous entendons renforcer leurs prérogatives : non seulement nous assumons le fait que les collectivités soient, de facto, les pilotes de cette politique, car ce sont généralement elles qui ont réussi à déployer un service public de la petite enfance, qu'il prenne la forme d'une délégation de service public (DSP) ou fonctionne selon d'autres modalités – là aussi, il faut accepter que plusieurs modèles puissent coexister ; mais nous renforçons aussi le pouvoir des maires en prévoyant qu'ils émettent un avis préalable avant toute nouvelle installation, ce qui n'est pas le cas actuellement. Aujourd'hui, n'importe qui peut en effet, s'il le souhaite, s'installer dans une collectivité, par exemple en créant une micro-crèche.
Surtout, nous voulons accompagner les maires. Nombre d'entre eux expliquent ne pas avoir les moyens de leurs ambitions en matière d'accueil du jeune enfant, parce qu'ils n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour l'organiser ni les moyens pour le financer. C'est pourquoi 6 milliards d'euros seront mis sur la table, entre 2023 et 2027, pour garantir aux CAF les moyens budgétaires, financiers et humains requis pour accompagner les collectivités. Je tiens à la disposition de tous les parlementaires le courrier du président de l'AMF, qui fait état du dialogue très fructueux et utile que nous avons mené en la matière et du compromis que nous avons trouvé pour garantir à nos enfants les meilleures conditions d'accueil possible.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 326 .
Chacun sait combien la recherche d'emploi peut constituer un parcours difficile et éprouvant. Les demandeurs d'emploi se sentent parfois éloignés de la société, voire de leurs proches. Ils peuvent également se sentir tenus à l'écart de la solidarité nationale s'ils ne peuvent échanger que trop rarement avec leur conseiller référent.
Cet amendement vise donc à permettre aux demandeurs d'emploi qui en font la demande d'être systématiquement reçus physiquement par leur conseiller référent dans les locaux du service public de l'emploi. La recherche d'emploi est en effet un processus social, qui nécessite des interactions humaines avec des employeurs, des recruteurs et d'autres demandeurs d'emploi. Les personnes ayant des difficultés d'insertion et de communication ont besoin de multiplier ces interactions pour retrouver un emploi.
L'adoption de cet amendement leur permettrait de bénéficier de cet accompagnement si nécessaire. Je vous demande donc de le voter, pour tous les demandeurs d'emploi dont la solitude et l'isolement font obstacle à leur volonté de retrouver leur place dans la vie active.
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
Nous partageons bien évidemment votre objectif sur le fond. Reste que, sur la forme, l'esprit de cet article principiel, positionné avant tous les autres articles, me semble satisfait, dans la mesure où nous reviendrons sur ces questions lorsque nous examinerons les articles 1er et 2. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. La défense de cet amendement me donne l'occasion de préciser en séance que le fait d'être reçu physiquement par un conseiller constitue bien un droit. Il est bien prévu qu'il en soit ainsi, à tel point que nous engageons l'ensemble des agents des différents services de l'emploi à accompagner les usagers éprouvant des difficultés à utiliser le numérique. Votre demande est donc satisfaite. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 326 est retiré.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 315 .
Il vise à permettre aux demandeurs d'emploi de demander à être ponctuellement accompagnés par téléphone par leur conseiller référent du service public de l'emploi. Ces personnes peuvent se sentir perdues dans la jungle de l'emploi et n'ont parfois, pour les guider vers le retour à la vie active, que leur conseiller référent pour seule balise. Avoir leur conseiller Pôle emploi au téléphone leur permet de bénéficier d'un accompagnement personnalisé et de rester en contact régulier avec un interlocuteur qui connaît leur parcours, les aide à renforcer leurs compétences et les incite à respecter leurs engagements. C'est pourquoi les demandeurs d'emploi doivent pouvoir joindre facilement leur conseiller lorsqu'ils font face à une difficulté ou si une opportunité se présente : quelqu'un doit être là pour les aider où leur répondre. Nous devons soutenir les demandeurs d'emploi qui demandent de l'aide et être présents pour eux.
Là aussi, votre demande est satisfaite : je vous renvoie aux articles 1er et 2 qui tiennent particulièrement compte de ces questions, au même titre que des freins périphériques à l'emploi, de la situation familiale du demandeur, etc. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 315 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Il s'agit de revenir sur des dispositions introduites en commission en supprimant l'alinéa 5, qui ne garantit pas le caractère opérationnel du dispositif, le complexifie et alourdit inutilement le texte proposé. Qui plus est, ces dispositions contreviennent au code des relations entre le public et l'administration. Enfin, vous l'aurez noté, cet alinéa s'appuie sur une notion relativement floue sur le plan juridique, l'expression « sans délai » n'étant pas reconnue par la légistique.
Favorable.
Je tiens à répondre au rapporteur sur deux points. D'abord, le Conseil d'État a bel et bien défini les termes « sans délai » – je vous renvoie à son dossier thématique du 2 décembre 2019 consacré aux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Il existe donc bien un fondement juridique à l'usage de cette expression : elle signifie, d'après le Conseil d'État, « le plus vite possible » au regard des conditions et des infrastructures existantes. Un cadre existe donc bien. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle ces termes n'auraient pas de base légale me semble étonnante, les mots « sans délai » étant utilisés 104 fois dans le code du travail. Il me semble donc qu'on parvient parfaitement à vivre en prévoyant des obligations devant s'appliquer « sans délai ».
Ensuite, vous justifiez votre amendement de suppression en soulignant qu'il est déjà prévu que les décisions individuelles qui seront prises soient motivées en droit. Formidable ! C'est une très bonne nouvelle. Puisque cette obligation existe déjà, autant la faire figurer dans la loi – cela évitera que le Gouvernement ne la supprime par voie réglementaire.
Deux raisons de fond distinctes – la notion d'information « sans délai », contrairement à ce que vous prétendez, existe bien et elle est nécessaire – imposent donc, à mon sens, de maintenir l'alinéa 5 dans sa rédaction actuelle. Vous aurez d'ailleurs noté que, pour vous faire une fleur – puisque nous sommes apparemment engagés dans une démarche de coconstruction avec les territoires… – l'amendement suivant vise à remplacer cette expression par les mots « dans un délai de huit jours ». Le fait de ne pas adopter cet amendement permettrait ainsi d'améliorer le texte – ce qui constitue une troisième raison de voter contre.
M. Louis Boyard applaudit.
L'article 1er A, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1114 portant article additionnel après l'article 1er A.
Nous demandons que soit précisé que « le service public de l'emploi est gratuit ». Ce principe doit être inscrit dans le code du travail car, figurez-vous que nous sommes très inquiets. Depuis les années 1990, on le sait, le recours à des opérateurs privés de placement (OPP) a explosé.
On voit bien que se met en place une privatisation totale du service public de l'emploi. Pourtant, les études de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) de 2009 et de la Dares de 2012 montrent que le service public de l'emploi est plus efficace que le recours au secteur privé. On ne peut donc que déplorer cette obstination libérale à recourir à des opérateurs privés, que certains d'entre vous, ici, connaissent bien. Je ne m'étalerai pas sur Secafi Alpha et tout ce business des opérateurs privés, mais j'aimerais bien que chacun se regarde dans la glace à propos de ces questions. En outre, nous savons que les opérateurs privés utilisent la méthode de l'écrémage : de toute évidence, ils vont d'abord s'occuper des demandeurs ou des personnes privées d'emploi les plus proches de l'emploi pour empocher des subventions, mais s'empresser d'abandonner les autres.
Aujourd'hui, le service public de l'emploi est gratuit. Mais le sera-t-il encore demain ? Il faut défendre le principe d'un service public de l'emploi gratuit. C'est pourquoi nous souhaitons mettre un terme à l'externalisation et à la privatisation de Pôle emploi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre amendement est bien évidemment satisfait : j'en demande le retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne m'habituerai jamais à ce qu'un ministre ne réponde pas sur le fond à la question qui lui est posée – nous avons beau rentrer de vacances, je ne m'y habituerai pas ! Le service public dont nous parlons ici doit être garanti comme gratuit. Tel est ce que nous voulons réaffirmer dans le texte avant l'article 1er , afin d'être bien sûrs de ce dont nous parlons. Vous le savez, et ma collègue Danielle Simonnet vient de l'expliquer, des parts du service public de l'emploi sont progressivement cédées au secteur privé, ce qui suscite notre inquiétude. Celle-ci est d'ailleurs plus générale : malheureusement, le service public de l'emploi n'est pas le seul à être confronté à ce phénomène ; des parts toujours plus grandes de nos services publics sont cédées au privé. En conséquence, un service public censé être gratuit devient progressivement payant pour les usagers, qui cotisent non seulement quand ils s'acquittent des impôts, mais aussi lorsqu'ils utilisent le service public.
Nous voulons réaffirmer cette gratuité du service public et nous souhaiterions savoir, par la voix du ministre, pour quelle raison cet amendement, qui se contente de répéter des choses qui devraient être entendues entre nous, est rejeté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma réponse est simple, madame la députée : cet amendement est inutile.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il n'y a pas une disposition, pas un alinéa, qui modifie le rôle des opérateurs privés de placement ou d'emploi et de formation. Vous ne trouverez aucun alinéa dans le texte qui change quoi que ce soit à la règle en la matière.
Le service public de l'emploi dont nous parlons est bel et bien gratuit. Ce n'est pas parce que nous l'écririons, pour le plaisir de faire un texte bavard, que cela changerait quoi que ce soit. Encore une fois, votre amendement est totalement inutile, parce qu'il est satisfait.
L'amendement n° 1114 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement n° 1119 .
Il s'agit d'un amendement assez simple, qui vise à remplacer les mots « demandeurs d'emploi » par les mots « personnes privées d'emploi ». C'est une différence tout à fait substantielle. Nous devons prendre en considération le fait qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois aujourd'hui au regard du nombre de personnes qui souhaitent avoir un emploi. En réalité, il y a un emploi pour six chômeurs : vous voulez forcer tout le monde à aller travailler, mais je suis désolée de vous dire que votre politique ne va pas pouvoir fonctionner. C'est d'ailleurs le fondement de ce projet de loi sur France Travail, qui repose sur l'idée qu'il y aurait suffisamment d'emploi pour tout le monde. Or, ce n'est absolument pas le cas. Voilà pourquoi nous voulons changer les termes du texte : celui de « demandeurs d'emploi » ne convient pas, car il bien question de personnes privées d'emploi.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait que votre loi vise à modifier la logique même de la prestation sociale – l'allocation RSA – qui devrait être inconditionnelle. Il y a donc deux raisons pour lesquelles le terme de « demandeurs d'emploi », auquel vous tenez, ne convient pas du tout. D'abord, il est faux d'un point de vue pragmatique, compte tenu de ce qu'il se passe concrètement dans la société : si tout le monde devient demandeur d'emploi, il n'y a de toute façon pas suffisamment d'emplois. Ensuite, parce que vous remettez en cause la logique même de l'allocation, de la prestation sociale, qui doit être inconditionnelle ; elle ne saurait être conditionnée à une demande, au fait d'être activement chercheur d'un emploi.
Le terme de « demandeur d'emploi » est celui qui est employé dans tout le code du travail. Il ne serait donc pas logique de le retirer seulement à l'article L. 5311-1, comme vous le proposez. Sur le fond, ce terme ne nous paraît pas stigmatisant. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis.
Je voudrais, à ce stade des discussions, faire deux remarques. Premièrement, vous videz le terme de « demandeurs d'emploi » de son sens en voulant, par l'article 1er , inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi des gens qui en réalité n'en sont pas. Je ne comprends donc pas tout à fait l'argument qui vient d'être présenté et qui ne vise finalement qu'à empêcher d'introduire cette notion de « personnes privées d'emploi ». La plupart de celles et ceux que l'on désigne sous le terme de « demandeurs d'emploi » en sont en réalité privés.
Deuxièmement, M. le ministre vient d'affirmer que le texte de loi ne changerait rien aux relations entre les opérateurs, y compris avec les opérateurs privés. Mais il y a tout de même quelque chose qui risque de changer, c'est le volume du recours au secteur privé. Or vous n'en avez rien dit – je vous vois hocher de la tête, monsieur le ministre. Cela m'intéresserait que vous nous apportiez des précisions sur l'évolution des choses, telle que vous la prévoyez.
L'amendement n° 1119 n'est pas adopté.
Au fond, notre désaccord sur ce texte tient au fait de savoir si l'on peut vous faire confiance ou non. En voulant inscrire beaucoup de personnes comme demandeurs d'emploi, vous prétendez qu'elles disposeront d'un accompagnement, qu'elles seront bien entourées, qu'elles bénéficieront des meilleurs conseils. Nous ne vous croyons pas ! Nous pensons que votre objectif est de prendre des personnes qui sont déjà dans une situation de précarité et de les pressionner…
Quel néologisme !
…– la dernière réforme sur l'assurance chômage a pu être utile à cet égard – afin de les employer dans des métiers précaires. Le Président de la République a d'ailleurs détaillé les choses en ce sens, hier : selon lui, l'objectif de la présente réforme est d'orienter les personnes précaires vers les métiers en tension, notamment dans les secteurs du bâtiment et travaux publics (BTP) et de la restauration.
Mais nous avons envie de vous faire confiance, d'autant que la Première ministre nous a appelés à la coconstruction. Malgré des dizaines de 49.3 et l'effet de déflagration produit sur la réforme des retraites, nous avons encore une lueur d'espoir. Aussi, nous vous proposons d'être les témoins de votre honnêteté. Le présent amendement vise à inscrire comme mission fondamentale du service public de l'emploi le conseil sur l'accès aux droits, aux allocations familiales et aux aides pour les parents isolés.
Cet amendement ne résoudrait pas tous les problèmes, mais il vous permettrait au moins de nous montrer que vous êtes de bonne foi, que vous cherchez réellement à accompagner les personnes pour leur ouvrir tous leurs droits. En gage de votre honnêteté, nous vous appelons à voter cet amendement !
J'ai bien compris que votre confiance pouvait être très relative… À ce stade, je me permettrai de vous lire l'article L. 5311-1, afin que nous soyons au moins d'accord sur ce postulat : « Le service public de l'emploi a pour mission l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion ; il comprend le placement, le versement d'un revenu de remplacement, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et l'aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés. » L'information et le conseil aux personnes sont évidemment inclus dans les missions que je viens d'énumérer. Au-delà de la confiance relative que nous pouvons avoir les uns envers les autres, faites confiance au texte ! Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
C'est avec une confiance toujours relative, mais avec un engouement jamais démérité, que nous avons écouté les propos de M. le rapporteur, qui nous confirme donc qu'aucun soutien pour l'établissement et la connaissance de ses droits n'est prévu à l'heure actuelle dans le code du travail. C'est un plaidoyer assez efficace pour vous convaincre d'adopter cet amendement : merci, monsieur le rapporteur !
L'amendement n° 1119 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 810 .
Cet amendement a été travaillé avec le collectif Alerte et le Secours catholique. Pour un certain nombre de personnes qui doivent être suivies par le service public de l'emploi, la dématérialisation représente une difficulté. Les travaux du Défenseur des droits ont en effet témoigné des difficultés éprouvées par une partie de nos concitoyens qui voient leur situation traitée strictement par voie dématérialisée.
Cet amendement vise donc à prévoir la possibilité d'un accueil physique dans un délai raisonnable, que nous avons fixé à un maximum de deux mois – vous voyez que la définition du délai raisonnable peut varier.
Cela rejoint les débats que nous avons eus en commission. À ce stade, rien n'empêche de prévoir un accueil physique : l'amendement est donc satisfait. Quant au délai de deux mois, il peut avoir un effet pervers. En ce sens, je ne pense pas que ce soit dans la loi qu'il faille l'inscrire, même si nous devrions l'encourager, voire le réduire. Avis défavorable.
Je l'ai dit tout à l'heure à Mme Galzy : l'accueil physique est prévu, nous l'encourageons et il est hors de question de sanctionner un demandeur d'emploi en raison de difficultés liées à la dématérialisation, soit pour des questions matérielles – la couverture –, soit pour des questions de maîtrise – l'illectronisme. J'insiste, l'accueil physique est déjà prévu. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. Saint-Huile souhaitait le retirer. Si l'amendement est repris, il n'est pas possible de le défendre ; il est mis aux voix sans discussion.
M. Arthur Delaporte proteste.
L'amendement n° 810 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 155 .
Je suis assez sidéré par ce que je viens d'entendre à l'instant. L'amendement de notre collègue Saint-Huile tend à garantir un accès non dématérialisé au service public de l'emploi. Le ministre a indiqué qu'un individu ne pourrait être sanctionné faute de disposer d'un accès physique. Mais la réalité, monsieur le ministre, c'est que jusqu'à un temps extrêmement récent, il y avait des endroits où l'accès physique à Pôle emploi n'était pas assuré. Aujourd'hui, on se rend compte que la dématérialisation totale est un échec absolu et qu'on va droit dans le mur. À l'amendement précédent, on vous proposait simplement de reconnaître la nécessité d'assurer un accueil physique.
Par ailleurs, vous avez affirmé qu'un individu ne pouvait être sanctionné s'il rencontrait un problème d'accès au numérique. Or ce n'est pas vrai. C'est pourquoi je vous propose d'adopter le présent amendement, qui vise à reconnaître un droit à réparation en cas de préjudice subi par un allocataire. Je vous renvoie à la page 62 du rapport du Médiateur national de Pôle emploi pour 2022 : « Le Médiateur régional a été saisi de la situation de Monsieur S. R par le délégué de la Défenseure des droits. À la suite d'une erreur d'attribution d'une attestation employeur, sur le compte d'une autre personne, Pôle emploi lui notifie un trop-perçu de 33 952,88 euros. Monsieur R. était SDF à ce moment-là. » À quel moment a-t-il pu justifier de sa situation, alors qu'il était incapable d'avoir une adresse physique et de recourir au service de Pôle emploi ? Vous voyez bien que des préjudices peuvent survenir. Un individu doit pouvoir être indemnisé en cas de préjudice, notamment moral, mais pas seulement.
Encore une fois, c'est une discussion que nous avons eue en commission et je me bornerai à vous livrer la même réponse. Votre amendement est déjà satisfait. Aujourd'hui, il y a une jurisprudence constante en la matière : bien entendu, les plaignants peuvent déjà percevoir des dommages-intérêts en cas d'action en justice.
M. Arthur Delaporte proteste.
Même avis.
En ce qui concerne Pôle emploi, l'accès à l'information doit être objectivement égal pour tout le monde. Dans les zones rurales, il y a des personnes qui n'ont pas d'accès internet ou qui n'ont pas forcément les moyens de s'offrir un ordinateur. Je le disais tout à l'heure, lors de la discussion générale : avec ce texte, vous avez l'occasion de créer un maillage territorial qui permettrait d'ouvrir des antennes de proximité rurales et assurerait que tout le monde puisse avoir accès, dans un temps raisonnable, à un agent de Pôle emploi.
Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Certaines personnes sont obligées de demander à d'autres de les accompagner, ou perdent beaucoup de temps dans les transports en commun, ou encore n'ont pas les moyens de payer un billet de train pour se rendre dans la ville voisine. Ce manque aurait pu être comblé.
En ce qui concerne l'amendement, nous nous abstiendrons.
Je soutiens l'amendement du collègue Delaporte.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. Quand bien même cette possibilité serait déjà offerte, inscrivons-la dans le texte de loi, car le présent texte fait l'objet d'une certaine suspicion – et, pour notre part, d'une opposition.
Il a été indiqué que nombre de personnes qui touchent le RSA ne sont pas au courant de leurs droits et que, lorsqu'elles se trouvent dans une situation difficile, ne pouvant accéder à ce dont nous sommes en train de parler, pour des raisons dont elles ne sont pas responsables, bien souvent elles ne saisissent pas les instances qui leur permettraient d'obtenir un dédommagement. Envoyons donc un signal clair. Puisque vous êtes d'accord avec l'esprit de l'amendement, faites-le, monsieur le rapporteur, au lieu de le balayer d'un revers de la main, ce qui conduira à laisser les choses en l'état, c'est-à-dire à ce que beaucoup d'ayants droit ne bénéficient pas de leurs droits faute d'en avoir connaissance.
Mme Danielle Simonnet applaudit.
L'amendement n° 155 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 1241 .
Cet amendement vise à prendre acte d'un des constats récurrents du Médiateur national de Pôle emploi, à savoir le déficit d'informations dont les usagères et les usagers ont connaissance. Le rapport de 2022 en donne un nombre incroyable d'exemples. Une dame a perçu 4 000 euros à tort parce qu'on avait rouvert ses droits après les mesures covid ; un monsieur s'est vu, lui, notifier un trop perçu de 2 800 euros en raison d'une mauvaise gestion par Pôle emploi de son activité, par suite d'une confusion entre microentreprise et entreprise individuelle. Bref, des personnes se trouvent régulièrement prises à la gorge parce que l'institution leur réclame de manière illégitime la restitution de sommes importantes.
Dès lors, il convient de rappeler qu'une des missions imparties à l'opérateur public est de faire le point non seulement sur les droits existants mais aussi et surtout d'indiquer aux personnes concernées quels documents sont nécessaires pour établir leur projet de retour à l'emploi et tout ce qui permettra de garantir et de stabiliser leur vie.
Enfin, monsieur le ministre, vous prétendez qu'il n'y a rien dans le texte sur les OPP, mais l'article 6, alinéa 4 indique clairement que des organismes privés pourront être chargés du repérage des personnes dites éloignées de l'emploi. Or le projet de loi ne définit pas ces organismes de manière rigoureuse : il renvoie à un décret. La porte est donc ouverte pour que les OPP, qui ont déjà brillé avec des ateliers gommettes ou je ne sais quoi, continuent à faire des miracles en prenant en charge des personnes – sans qu'on sache qui, ni comment, ni à quelle fin.
L'objectif de mieux informer est louable. Néanmoins, ce que vous proposez relève d'une circulaire plutôt que de la loi. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes motifs.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Pour l'heure, nous ne disposons d'aucun engagement formel. Je ne vois pas ce qu'on perdrait à fixer dans la loi des principes de vie commune. C'est pour cela que nous sommes ici, pour contribuer au texte de loi, et non pour vous faire confiance et vous signer des chèques en blanc – auquel cas, autant agir directement par voie réglementaire.
L'amendement n° 1241 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons sanctuariser le droit de tout demandeur d'emploi à être accompagné par un tiers de son choix lors des entretiens réalisés auprès des organismes du service public de l'emploi.
Chers collègues, vous êtes toutes et tous, je pense, conscients de la violence que représente le fait d'être privé d'emploi. S'y ajoute l'angoisse de toutes les démarches, souvent compliquées, à effectuer. C'est pourquoi il nous semble essentiel du point de vue humain de sanctuariser le droit de pouvoir être accompagné.
J'imagine que, dans vos permanences, vous rencontrez souvent des personnes qui sont accompagnées – car il n'est pas toujours facile de parler de soi et des difficultés dont on essaie de se dépêtrer.
Si ce qui vous motive ici est réellement l'intérêt général, la recherche d'une meilleure insertion et d'un meilleur accompagnement des personnes privées d'emploi, vous ne pouvez que souscrire à cette demande. Je compte sur vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1758 .
Le présent amendement est issu d'une proposition du groupe La France insoumise. Nous proposons de sanctuariser le droit pour les personnes en situation de handicap d'être accompagnées de la personne de leur choix lors d'un entretien avec un opérateur.
Trouver un emploi lorsqu'on est en situation de handicap relève du parcours du combattant. C'est une formule qui revient souvent, qu'il s'agisse des transports, du logement, de l'espace public ou des procédures administratives : 37 % des personnes handicapées déclarent ainsi avoir subi une discrimination lors d'un entretien. Nous n'avons aucune garantie, ni en termes financiers, ni en termes humains, que les référents uniques du service public de l'emploi soient tous bien formés sur les questions de handicap – il faudrait beaucoup de temps pour qu'ils le soient. C'est pourquoi il est crucial de sanctuariser le droit pour la personne en situation de handicap d'être accompagné par la personne de son choix.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Sur le fond, nous partageons tous l'objectif visé, mais les amendements sont satisfaits : il est déjà possible de se faire accompagner par la personne de son choix lors d'entretiens.
Même avis : c'est un droit qui est consacré. En revanche, les règles qui définissent l'accueil des usagers du service public de l'emploi permettent aussi aux agents des services en question d'exercer leur faculté de discernement. Dans l'immense majorité des cas, tout se passe très bien, mais il peut arriver que des personnes accompagnantes n'aient pas un comportement adéquat, voire se montrent menaçantes.
Il est donc important de laisser aux agents la capacité de faire preuve de discernement dans le fait d'accepter ou non l'accompagnant.
Pour les personnes en situation de handicap, le droit est d'autant plus consacré que nous avons rapproché il y a maintenant deux ans le réseau Cap emploi du réseau Pôle emploi, dans le souci, précisément, d'assurer un meilleur accueil. D'ailleurs, Cheops, le Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés, qui gère et coordonne le réseau des Cap emploi, souligne que cela a été bénéfique tant pour les usagers – cela ressort de toutes les enquêtes de satisfaction – que pour les professionnels concernés.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Ce que nous venons d'entendre est extrêmement contradictoire. D'un côté, le rapporteur affirme qu'on peut être accompagné, de l'autre, le ministre dit qu'il est possible qu'on ne puisse pas l'être. Or l'objet de l'amendement n° 1155 est précisément de reconnaître à chacun le droit à être accompagné.
Nous ne sommes pas tous égaux face à l'emploi, et nous ne le sommes pas non plus face à la perspective d'un rendez-vous – ce qui peut être extrêmement intimidant pour certains – ni face à la langue. Pouvoir être accompagné par quelqu'un afin de bénéficier d'un supplément d'âme ou de franchir la barrière de la langue, c'est quelque chose que l'on pourrait reconnaître dans la loi.
Votre réponse, monsieur le ministre, n'est pas satisfaisante. Vous exercez une forme de suspicion sur la personne qui est en situation de demande d'emploi ou allocataire du RSA, comme si elle était par nature une menace potentielle. Le service public ne peut pas fonctionner ainsi ! De même qu'on peut, dans le milieu professionnel, être accompagné par un syndicat lors d'un entretien comportant un risque de sanction, on doit pouvoir être accompagné par quelqu'un quand on se rend à un entretien avec un conseiller Pôle emploi, parce que l'on est en situation de stress. Un tiers peut aider à mieux comprendre et à faire retomber la tension. Ne le voyez pas simplement comme une source potentielle de violence !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
J'ai rencontré cet été les différents acteurs de l'emploi de mon département et je les ai questionnés sur cette pratique. Très fréquemment, la personne qui est reçue peut être accompagnée, mais il arrive, selon certains témoignages, que l'accompagnant joue un rôle négatif, soit par excès de violence verbale, soit parce que le conseiller a l'impression qu'il est là pour surveiller plutôt que pour accompagner. Que l'accompagnement soit possible tout le temps et par n'importe qui ne me semble donc pas une bonne idée. Je voterai contre l'amendement.
D'abord, je tiens à vous rassurer : M. le rapporteur et moi sommes d'accord sur chacun des aspects du texte. Vous vous y habituerez au fil du débat : nous disons la même chose et défendons les mêmes positions.
Ce que je dis, en revanche, c'est que ce droit existe déjà et que, malheureusement,…
Pouvez-vous me laisser terminer ma phrase, madame Simonnet ? Cela s'appelle la politesse – mais peut-être vous y habituerez-vous aussi.
Malheureusement, disais-je, certains accompagnants peuvent, de manière très marginale, représenter une menace pour les agents. Laisser à ces derniers une capacité de discernement pour pouvoir dire, lorsqu'ils sont menacés, que l'accompagnement n'est pas possible, c'est aussi les protéger. D'où l'avis défavorable.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l'amendement n° 1205 .
Le fait que les exploitants agricoles et, plus généralement, les non-salariés agricoles soient inclus dans ce projet de loi est à notre sens une grave anomalie. Cela concerne à peu près 11 000 personnes.
En réalité, les exploitants agricoles bénéficiaires du RSA et leurs conjoints travaillent – et souvent de 50 à 70 heures par semaine. S'ils se trouvent dans cette situation, c'est parce que leurs revenus agricoles ne suffisent pas, soit qu'ils aient fortement diminué, soit qu'il s'agisse des premières années d'installation, avec des enfants à charge, soit que les prix agricoles ne couvrent pas les coûts de production, soit que ces prix chutent – ce qui est souvent le cas, comme vous le savez, depuis qu'on a dérégulé les marchés agricoles. Et vous leur demandez quinze heures d'activité supplémentaires ? Devront-ils les effectuer avant ou après la traite ? Avant six heures du matin ou après vingt et une heures ? Feront-ils des tests de personnalité après avoir ramené leurs troupeaux des pâturages ?
D'autre part, il existe déjà des dispositifs d'accompagnement dans le monde agricole. Malheureusement, les chambres d'agriculture, les centres d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural – les Civam – et la Mutualité sociale agricole, la MSA, manquent de moyens.
Le présent projet de loi est donc inadapté aux non-salariés agricoles et à leurs conjoints, à leurs réalités et à leurs besoins. C'est pourquoi nous proposons de les exclure du champ du texte. J'imagine que tous ceux qui défendent la cause des agriculteurs dans ce pays voteront pour cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
Je ne partage pas votre analyse. D'ailleurs, vous mentionnez vous-même des cas d'accompagnement de non-salariés agricoles, qui seraient susceptibles de bénéficier de l'aide proposée ; vous parlez de la reconversion d'exploitants agricoles pluriactifs. Il serait dommage d'exclure toutes ces personnes du dispositif d'accompagnement. L'accueil resserré que nous mettons en place a justement pour objet de saisir la particularité de chaque situation.
Avis défavorable.
Même avis.
Les cas de reconversion ou de pluriactivité parmi les agriculteurs bénéficiaires du RSA sont très rares, vous le savez bien. Je retiens donc que vous proposez – disons les choses clairement – à ceux qui travaillent déjà soixante-dix heures par semaine à la ferme et touchent des revenus bien trop faibles d'y ajouter au moins quinze heures d'activité, par exemple un atelier de test de personnalité, avant ou après la traite de leurs animaux, à l'aube ou tard le soir. C'est très grave et j'espère que le monde agricole entendra ce que vous êtes en train de faire. De la part de personnes qui disent défendre les agriculteurs, je trouve cette proposition tout à fait déplacée.
Nous sommes au cœur du problème que pose cet article : vous entendez rassembler tous les demandeurs d'emploi dans un fichier leur imposant un programme d'une quinzaine d'heures d'activité hebdomadaire – voire davantage, à en juger par les prémisses de votre texte. Or vous ne prenez pas en considération certains profils auxquels le dispositif est inadapté. Pour les travailleurs du monde agricole, c'est évidemment une hérésie, mais ce le sera tout autant pour les mères au foyer qui doivent s'occuper de leurs enfants, pour les proches aidants ou encore pour les personnes handicapées en incapacité professionnelle. Nous voterons pour l'amendement.
Après nos travaux en commission de la semaine dernière, je suis stupéfait par ce que j'entends. Il suffit de se projeter aux articles 1er et 2, que nous avons adoptés en commission, pour prendre toute la mesure de la notion d'accompagnement renforcé. C'est de la personne concernée dans son ensemble qu'il est tenu compte : à la fois ses caractéristiques propres mais aussi les freins périphériques d'ordre général – jusqu'aux proches aidants. Tous ces aspects sont pris en considération – c'est écrit noir sur blanc aux articles 1er et 2. Ne feignons donc pas, à ce stade de la discussion, de croire qu'ils sont ignorés. Je maintiens naturellement mon avis défavorable.
L'amendement n° 1205 n'est pas adopté.
L'article 1er présente un problème majeur sur lequel nous aurons l'occasion de revenir pendant l'examen des amendements : l'inscription automatique des demandeurs de RSA, de leurs conjoints, concubins et partenaires pacsés – malgré de nombreux débats en commission, les motifs justifiant l'inscription des partenaires n'ont toujours pas été éclaircis – mais aussi des jeunes accompagnés par une mission locale et des personnes handicapées qui demandent le RSA mais ne recherchent pas d'emploi.
Pour nous, tout cela n'est que la première étape d'un pilotage à marche forcée du marché du travail. Au fond, c'est un Big Brother géant du marché du travail qui s'annonce, et qui occulte une question pourtant essentielle, déjà posée à plusieurs reprises : le choix – comme condition nécessaire de la dignité des personnes. On ne peut respecter la dignité des personnes sans leur laisser le choix. Différents groupes ont déjà abordé ce point qui devrait faire consensus.
L'inscription automatique des bénéficiaires du RSA laisse entendre qu'ils seraient de facto des demandeurs d'emploi, alors que, dans certains cas, ils ne peuvent pas l'être. Nous craignons que France Travail ne devienne France Trafic, qui aura pour mission de piloter la vie des citoyens sans jamais leur demander de donner leur feu vert.
Sur le fondement de l'article 45 : une fois de plus, l'effet des cavaliers a frappé. Nous souhaitions défendre des amendements portant article additionnel après l'article 1er A, notamment sur les Territoires zéro chômeur longue durée – sans lien aucun avec le plein emploi, cela va de soi ! L'un de nos amendements visait par exemple à fixer la contribution de l'État au fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Alors que nous débattons des solutions permettant de retrouver durablement le plein emploi, on nous empêche d'aborder certains points. Je m'en indigne, et cette indignation, j'en suis sûr, dépasse largement les bancs de mon groupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Les méthodes du Gouvernement à l'égard des territoires ultramarins restent inchangées : vous appelez en discussion un article 1er qui prévoit la possibilité pour le représentant de l'État dans le département de définir des critères motivant la décision d'orientation, et ce – écoutez bien – « lorsque les circonstances locales le nécessitent ». Il s'agit donc d'une faculté d'adaptation. Je constate cependant que vous n'avez pas fait preuve du même sens du détail ni du même volontarisme à l'égard des anciennes colonies, qui agacent sans doute, avec leurs taux de chômage défiant toutes les statistiques hexagonales. Quoi de mieux que de traiter les problèmes de l'outre-mer dans l'entre-soi, sans les parlementaires ? Au lieu de faire de ce texte un modèle démocratique, vous préférez qu'on vous donne un blanc-seing en nous privant de toute initiative parlementaire.
La population doit comprendre ce que vous faites. En choisissant d'agir pour nous par voie d'ordonnance sur tous les textes à fort enjeu, vous confisquez notre mandat, vous confisquez la démocratie et la voix du peuple ,
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES
vous nous empêchez de proposer des adaptations nécessaires en cohérence avec les politiques publiques. Nou paka achté chat an sak – nous ne voulons pas acheter chat en poche. J'en appelle à la responsabilité de chacun. Vous, pour qui nous avons voté, devez prendre un minimum d'engagements en refusant que les difficultés des territoires ultramarins soient balayées sous un paillasson et en rejetant la pratique systématique – je dirais même systémique – de l'ordonnance.
Mêmes mouvements.
Nous débattons d'un fichier qui recensera l'ensemble – ou du moins la plus grande partie – des bénéficiaires du RSA. J'ai parlé tout à l'heure des territoires ruraux et M. William vient d'évoquer les territoires d'outre-mer. Certaines régions sont victimes de la désindustrialisation liée à la vente des fleurons de notre industrie à des acteurs étrangers qui ont délibérément délocalisé leur production vers l'Europe de l'Est ou le Maghreb. Dans l'Aisne, par exemple, le taux de chômage dépasse 10 %, soit un niveau supérieur à la moyenne nationale. Pourquoi ? Les Picards et les Nordistes seraient-ils plus fainéants que les autres ? Je ne le crois pas. La vraie raison, c'est qu'il n'y a plus d'industrie parce que vous en avez vidé nos territoires.
Vous ciblez désormais les bénéficiaires du RSA, qui connaissent des difficultés très graves et sont parfois dans l'incapacité de trouver un travail. Vous voulez les pousser à rejoindre les bancs de Pôle emploi alors qu'il n'y a déjà pas assez de travail pour les personnes qui sont en recherche active d'emploi. Voilà pourquoi nous proposerons la suppression de cet article, qui va dans le mauvais sens.
Le contexte, très particulier, est celui de l'explosion de la pauvreté. Les Restos du Cœur et les banques alimentaires ne cessent de nous alerter : ça craque. Les gens n'arrivent pas à payer le caddie. L'inflation vide les porte-monnaie. Et quelle est votre priorité ? Augmenter le RSA pour qu'aucun minimum social ne soit plus inférieur au seuil de pauvreté ? Assurer l'automaticité du versement du RSA pour remédier aux 35 % de non-recours ? Non. Votre priorité, par ce texte, est d'inscrire tout le monde à Pôle emploi. C'est quand même dingue !
Heureusement, en commission, nous avons fait évoluer l'article, mais pas complètement. On inscrira donc automatiquement au RSA les femmes et les hommes ainsi que leurs conjoints ou conjointes, et les jeunes accompagnés par les missions locales – heureusement, nous avons demandé que ceux d'entre eux qui ne recherchent pas d'emploi ne soient pas concernés. On inscrira aussi les personnes handicapées accompagnées par Cap emploi. Vous aviez même prévu d'inscrire automatiquement les invalides ! Mais où allez-vous ?
Et tout cela pour quoi faire, puisqu'il n'y a que 300 000 offres d'emploi pour 7,5 millions de chômeurs ? Pour leur faire endosser la responsabilité de l'échec de vos politiques à lutter contre les suppressions d'emplois et à créer des emplois qui répondent aux besoins sociaux et écologiques. Mais pas seulement : vous promettez un accompagnement social vers l'insertion sans moyens, avec trop peu d'équivalents temps plein.
Votre objectif n'est-il pas, au fond, de faire accepter aux demandeurs d'emploi n'importe quel sous-job pourri, l'ubérisation, le statut d'autoentrepreneur ? Ou, carrément, de réduire les dépenses des départements à qui vous confiez la gestion du RSA ? De réduire le nombre d'allocations de RSA ? Le RSA doit être une aide inconditionnelle. De l'humanité, chers collègues, quand explose la misère !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a dans cet article toute la philosophie du projet de loi. C'est un texte infantilisant : vous considérez que celles et ceux qui touchent le RSA ne sont pas assez grands pour savoir s'il leur faut simultanément chercher un emploi. En effet, en les inscrivant automatiquement au fichier des demandeurs d'emploi, vous les faites entrer dans cette catégorie statistique. Quel en sera l'effet ? Un effet artificiel, celui de la hausse du nombre de chômeurs, que vous pourrez ensuite radier. Oui, il en résultera de nouvelles radiations. Les chiffres dont vous ne cessez de vous gargariser pour illustrer l'amélioration de la situation de l'emploi reposent avant tout sur la hausse des radiations à Pôle emploi. De plus en plus de chômeurs sont considérés comme défaillants et se trouvent exclus.
Cet article infantilisant suscite plusieurs craintes. Tout d'abord, certaines personnes qui ne sont pas en situation de demande d'emploi seront inscrites à Pôle emploi – c'est le cas des agriculteurs qui perçoivent le RSA, qu'évoquait Mme Trouvé. Plus surprenant, et plus choquant : tous les conjoints de demandeurs de RSA seront inscrits en tant que demandeurs d'emploi. Et ainsi jusqu'à l'absurde : vous prévoyiez même l'inscription des invalides en incapacité de travailler. Nous nous sommes heureusement mobilisés en commission pour obtenir qu'ils soient exclus du dispositif. Reste que des personnes en incapacité de travailler seront inscrites comme demandeurs d'emploi, monsieur le rapporteur ; c'est pourquoi nous voterons contre cet article.
Je l'ai dit : nous sommes opposés à la philosophie de cet article. Allons au-delà du présupposé selon lequel les allocataires du RSA seront mieux accompagnés demain qu'ils ne le sont aujourd'hui. Le copieux rapport de la Cour des comptes, que M. le ministre a forcément lu avant de venir, comporte plusieurs éléments sur la qualité de l'accompagnement proposé aux allocataires du RSA. Il n'est évidemment pas question de jeter la pierre aux agents de Pôle emploi, qui font de leur mieux. Selon la Cour des comptes, cependant, il apparaît que lorsqu'un allocataire du RSA est inscrit à Pôle emploi, il est moins bien accompagné que la moyenne des allocataires et, surtout, que la moyenne des demandeurs d'emploi.
L'écart le plus significatif concerne les entretiens et les contacts avec les conseillers : les bénéficiaires du RSA accusent en la matière un retard de 17 à 24 % selon le type d'accompagnement.
L'inscription automatique des allocataires du RSA sur la liste des demandeurs d'emploi est donc totalement absurde. Si les agents de Pôle emploi sont déjà dans l'incapacité d'accompagner pleinement les allocataires du RSA, comment pourraient-ils faire mieux demain ?
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 9 .
J'avais posé en commission, avec un brin de malice, une question à laquelle j'ai obtenu une réponse tout aussi malicieuse de M. le rapporteur. : à quoi sert d'inscrire tout le monde, de manière automatique, dans un fichier de demandeurs d'emploi qui ne sont pas tous des demandeurs d'emploi ?
On me parle de suivi social. Soyons un peu sérieux ! Pour reprendre un exemple cité par plusieurs orateurs avant moi, les conjoints de certains allocataires du RSA seront inscrits dans ce fichier contre leur gré, alors qu'ils ne sont pas demandeurs d'emploi. Relisons ensemble le code du travail : un demandeur d'emploi est en situation de recherche active, dans une logique d'adhésion. J'ai du mal à comprendre votre intention, si ce n'est de faire disparaître la définition même de demandeur d'emploi, puisque l'inscription ne sera pas assortie d'une garantie d'accompagnement. C'est tout à fait contestable. Nous proposons donc de retirer cette proposition d'automaticité qui ne règle rien.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 125 .
Il propose, lui aussi, la suppression de l'inscription automatique.
Un chiffre a été donné lors de la discussion générale – je ne sais plus si c'était par M. rapporteur ou par M. le ministre –, selon lequel Pôle emploi ne capterait actuellement qu'un quart des offres disponibles. Avec l'inscription automatique au fichier, votre but ne serait-il donc pas de dire aux entreprises : « Voyez, nous avons un vivier de main-d'œuvre disponible » ? L'argument peut s'entendre, même si nous ne le jugeons pas satisfaisant. J'ai l'impression que vous voulez réaliser une opération d'attractivité en augmentant l'offre de travail à disposition des entreprises, au détriment du choix et de la dignité des personnes qui seront inscrites de force dans ce fichier, mais aussi au détriment des travailleurs sociaux qui sont déjà bien à la peine et dont vous allez augmenter le volume de travail.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 385 .
L'article 1er contient effectivement tous les marqueurs néfastes, à nos yeux, de votre réforme.
En premier lieu, Pôle emploi y est rebaptisé « opérateur France Travail » par un tour de passe-passe qui ne correspond pas à ce qui avait été annoncé. J'ajoute que le terme France Travail ne reflète pas véritablement ce que l'on attendra de cet opérateur ; il faudrait plutôt l'appeler France Turbin, ou France Activité, dans le meilleur des cas. Le travail est une notion beaucoup plus vaste et, en réalité, France Travail ne s'occupera pas du travail. Quant à l'emploi, dont s'occupe effectivement Pôle emploi, ce projet n'en parle pas véritablement : il ne traite ni de la qualité des emplois, ni de l'accès à l'emploi, ni de la réalité des emplois disponibles, ni de la création d'emplois nécessaires.
Ce texte met également à l'ordre du jour une réforme du RSA, dont vous voulez conditionner le versement à quinze heures d'activité hebdomadaires, sans préciser la nature de cette activité. Ce faisant, outre qu'il s'agit d'une remise en cause frontale de notre système de solidarité, vous entretenez la confusion entre les allocations chômage et le RSA, entre un revenu de remplacement assurantiel et des prestations sociales assises sur la solidarité financée par l'impôt, peut-être pour les fusionner à terme ou pour supprimer l'un ou l'autre.
L'inscription automatique à France Travail généralisée jusqu'au conjoint ou au concubin d'un allocataire du RSA supprime la notion de demandeur d'emploi telle que définie dans le code du travail, puisqu'on pourra trouver sur cette liste des gens qui demandent un emploi, ou pas. Allez comprendre ! Cette immense liste regroupera un ensemble de personnes dont la situation ne relève pas toujours de la recherche d'emploi et elle sera plus un outil de fichage et de contrôle qu'un outil d'accompagnement. La liste qui grandira demain, c'est celle des radiés : Pôle emploi, devenu France Travail, sera non pas le lieu de l'accompagnement individuel, global et durable des demandeurs d'emploi, mais une sorte de gare de triage des inscrits et d'adressage vers des opérateurs qui, par la force des choses, seront de plus en plus des opérateurs privés.
Ce sont à nos yeux des dispositions très contestables et, contrairement à ce que vous prétendez, elles ne sont pas accueillies avec ferveur par les agents de Pôle Emploi.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 819 .
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, le principal problème de l'article est qu'il propose de fusionner les fichiers. En effet, vous voulez intégrer tous les allocataires du RSA dans le fichier de Pôle emploi. Les agents de Pôle emploi auront une charge de travail bien supérieure à celle qu'ils ont actuellement, puisqu'ils verront la taille de leur fichier doubler. De plus, vous allez y intégrer des personnes qui ne sont pas en mesure de trouver du travail. On a parlé tout à l'heure des mères au foyer, sujet sur lequel M. le rapporteur ne nous a pas répondu. On a également parlé des étudiants, sur lesquels nous n'avons pas non plus reçu d'éléments.
Par ailleurs, vous proposez un retour au nom France Travail, alors que le Sénat avait décidé de conserver le terme Pôle emploi, qui offrait une meilleure lisibilité pour les Français.
Un dernier point me chagrine. On attend le bilan des expérimentations menées dans dix-huit départements, dont le département de l'Aisne. Pourquoi présentez-vous ce projet de loi, alors que nous n'avons que des résultats partiels ? De deux choses l'une : soit le travail réalisé ne vous intéresse pas, soit ses résultats sont importants et vous voulez aller plus vite que la musique alors que, techniquement, il n'y a pas d'urgence.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1175 .
Voilà un article qui a reçu un avis défavorable de plusieurs syndicats, du conseil d'administration de Pôle Emploi, et j'en passe. Cet article contrevient aux principes fondamentaux de notre modèle de protection sociale. Il vise surtout à ajouter à la catégorie des demandeurs d'emploi des personnes dont le régime relève non pas de l'assurance chômage, mais de la branche famille de la sécurité sociale : leurs conjoints, les personnes atteintes d'invalidité ou en situation de handicap et tout jeune suivi par une mission locale.
Rappelons que le statut de demandeur d'emploi suppose une démarche volontaire et des conditions précises de disponibilité. Par l'inscription automatique des personnes sans emploi, le Gouvernement réduit l'insertion au seul enjeu du placement dans l'emploi. Nous rappelons que le bloc de constitutionnalité consacre l'emploi comme un droit et non un devoir.
Les moyens actuels du service public de l'emploi ont tant été dégradés qu'ils ne permettront pas une gestion efficace de l'afflux des deux millions d'allocataires du RSA et de leurs conjoints. Nous n'avons aucune assurance concernant les moyens déployés afin de garantir le droit à un réel accompagnement. Voilà les raisons qui motivent la suppression de cet article.
Sur l'ensemble des amendements de suppression, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés, Écologiste – NUPES et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements ?
Sans surprise, ce sera un avis défavorable. Cet article est au cœur de notre texte.
Il me semble qu'il y a eu une mauvaise compréhension. Là où vous croyez que nous pensons « radiation », nous pensons « retour à l'emploi », nous pensons « émancipation », nous pensons « meilleur accompagnement ». L'inscription systématique vise à offrir à chacun le meilleur accompagnement qui soit. Bien évidemment, si vous êtes proche de l'emploi, vous bénéficierez d'un accompagnement professionnel adapté. Mais si vous êtes éloigné de l'emploi pour des motifs d'ordre social tels que ceux que vous avez évoqués, vous recevrez un accompagnement adapté pour tenir compte de l'ensemble des freins périphériques à l'emploi tels que la mobilité, la garde d'enfants, la situation d'aidant, ou encore les aspects touchant à la formation.
L'idée première du texte, outre que nous entendons favoriser le retour à l'emploi et l'émancipation par l'emploi, est de permettre à chacun de vivre dignement de son travail, plutôt que d'être assigné à résidence avec des minima sociaux. C'est ce que nous proposons au travers de notre réforme. À ce titre, je confirme l'avis défavorable exprimé en commission.
Avis défavorable, mais je souhaite clarifier trois points.
Premièrement, l'inscription automatique de celles et ceux qui ont vocation à aller vers l'emploi – les allocataires du RSA, mais aussi les jeunes suivis par les missions locales dans le cadre de programmes d'insertion vers l'emploi – est une manière de garantir un double accompagnement social, par les services des départements et de la CAF, et socioprofessionnel, par les services de Pôle emploi ou d'autres opérateurs du réseau des acteurs de l'emploi et de la formation. Cela permet d'être plus efficace et d'éviter les erreurs de parcours.
Deuxièmement, l'inscription automatique des conjoints, que chacun redécouvre avec ce débat, ou plus exactement le fait que les conjoints soient concernés par les contrats d'engagement réciproque, n'est pas une invention de ce projet de loi. Elle date de 1988.
Depuis 1988, le RMI – puis le RSA – étant un minimum social conjugalisé, les conjoints des allocataires du RSA sont concernés par les mêmes engagements et par les mêmes obligations que les bénéficiaires.
Je précise que, depuis 1988, le conjoint d'un allocataire du RSA qui dispose d'un revenu d'activité égal ou supérieur à 500 euros est dispensé de toute forme d'obligation ou d'engagement ; ce montant est régulièrement mis à jour par décret. Cela signifie que seront inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi les conjoints d'allocataires du RSA dont le revenu d'activité est inférieur à 500 euros. On peut convenir qu'un tel revenu n'est pas suffisant pour vivre et qu'il est utile pour ces personnes de continuer la recherche d'emploi et de bénéficier d'un accompagnement.
Enfin, je veux revenir sur la question posée par M. Dessigny. L'expérimentation que nous menons vise à améliorer l'accompagnement des allocataires du RSA. Elle ne relève ni du domaine réglementaire ni du domaine législatif, puisqu'elle est à la main des présidents de département, de la CAF et de Pôle Emploi. Ces deux années d'expérimentation, 2023 et 2024, visent à déterminer ce qui fonctionne le mieux, non pas pour l'inscrire dans la loi mais pour partager les bonnes pratiques lors de la généralisation du dispositif. C'est la raison pour laquelle nous ferons un point d'étape début 2024. C'est aussi la raison pour laquelle nous voulons élargir cette expérimentation avec les départements qui le souhaitent, uniquement sur la base du volontariat. Nous devons et nous pouvons avancer pour voir ce qui marche bien, et nous le faisons à droit constant.
J'ai reçu plusieurs demandes de prise de parole. Toutefois, je me limiterai à un orateur pour, un contre, car près de 200 amendements ont été déposés sur l'article, ce qui devrait permettre une discussion suffisamment fournie.
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Je réitère sincèrement à M. Dussopt la question concernant l'ajout systématique et automatisé des conjoints et conjointes au fichier, en y ajoutant une piste de réflexion. J'ai du mal à voir l'intérêt de contraindre les gens à s'inscrire, quand on sait – comme cela a été rappelé en long, en large et en travers – quel poids cette inscription rajoute, quelle pression elle fait peser sur certains bénéficiaires du RSA.
J'ai eu l'écho, la semaine dernière, des propos de M. le ministre délégué Barrot, qui nous informait que l'un des objectifs du Gouvernement était que plus de 80 % de la population soit inscrite sur France Connect ou n'importe quel autre portail administratif gouvernemental d'ici à 2027. Pourquoi vouloir à tout prix ficher les gens ? Quel est le but, si ce n'est de pouvoir radier plus vite, si ce n'est de pouvoir, excusez-moi du terme, fliquer les gens ? Vraiment, je vous interroge : pourquoi voulez-vous absolument que les conjoints et conjointes des bénéficiaires, qu'ils y aient consenti ou non, soient automatiquement inscrits sur ces fichiers ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes au cœur du sujet. Il est déjà très compliqué de retrouver un travail quand on est inscrit à Pôle emploi ; mais quand on ne l'est pas, ce n'est certainement pas plus facile – c'est même encore plus compliqué. J'insiste : nous sommes au cœur du sujet. Pour quelqu'un qui est au RSA, l'objectif doit être de retrouver une voie vers l'emploi. Plutôt que de rester bloqué au RSA, il faut s'engager dans une démarche d'insertion. Or les démarches en général mises en œuvre dans le cadre des programmes départementaux d'insertion (PDI) ne sont pas majoritairement tournées vers l'emploi ; elles sont néanmoins indispensables et ne vont pas disparaître mais, si on veut que les personnes concernées puissent sortir du RSA pour aller vers l'emploi, il faut qu'elles soient inscrites à Pôle emploi. Nous soutenons donc ce principe.
L'article 1er a évidemment des qualités mais il a aussi des défauts ; nous proposerons donc de l'amender. Mais sa suppression reviendrait en fait à abandonner l'idée selon laquelle il faut proposer un projet de retour à l'emploi – et pas seulement à l'activité – aux bénéficiaires du RSA. Nous voterons donc contre les amendements de suppression à l'article 1er .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 41
Contre 62
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour le plein emploi.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra