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Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du lundi 25 septembre 2023 à 16h00
Plein emploi — Discussion générale

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion :

Permettez-moi de revenir sur quelques points évoqués au cours des différentes interventions dans la discussion générale. Nous partageons un même constat : le chômage a certes baissé, chacun peut s'en féliciter, mais il reste très élevé – parmi les plus élevés de l'Union européenne. Toutefois, malgré ce taux de chômage important, des entreprises peinent à recruter et font face à des tensions. Au premier semestre de l'année 2023, deux tiers des PME du secteur industriel affirmaient même renoncer à des possibilités de croissance en raison de problèmes de recrutement et de difficultés à répondre à ces opportunités.

Parallèlement, nous rencontrons une autre difficulté, évoquée par MM. Saint-Huile et Juvin. Comment faire en sorte que le retour à l'emploi soit une opération gagnante pour tous et qu'elle soit systématiquement positive, y compris pour l'allocataire d'un minima social, ayant un ou deux enfants, qui retrouve un emploi à temps plein et au Smic ? La difficulté, c'est qu'elle ne devient parfois positive qu'après trois, quatre ou cinq mois, car les coûts liés à la reprise d'emploi – tels que la garde d'un enfant –, et les pertes de droits dues à cette reprise et à la sortie du système de minima sociaux s'appliquent plus rapidement que l'instauration des nouveaux droits liés à une situation de salarié rémunéré au Smic, affectant le quotidien des foyers concernés. C'est sur cette période intermédiaire que nous devons travailler, pour que le retour à l'emploi soit véritablement et immédiatement positif, quitte à ce que certains droits restent acquis le temps que les nouveaux droits s'installent.

C'est l'une des raisons qui m'ont conduit, dans le cadre de la rédaction de la lettre de cadrage relative à la négociation sur l'assurance chômage, à inviter les partenaires sociaux à réfléchir à des dispositifs de maintien de certaines aides, soit sous forme de primes, soit sous forme d'allocations différentielles, notamment pour les demandeurs d'emploi seniors qui reprennent un emploi et qu'il est nécessaire d'accompagner.

Notre objectif est donc de simplifier et de garantir un retour à l'emploi qui soit systématiquement gagnant.

Je souhaite revenir sur trois points en particulier. Le premier concerne la répartition des compétences et le débat sur la décentralisation, la déconcentration ou la recentralisation des politiques de l'emploi. Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire, j'ai veillé, avec beaucoup d'attention, à ce qu'aucune disposition du texte ne remette en cause la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales. Pas un seul alinéa ne le prévoit. Il en va de même de la répartition des compétences entre les collectivités locales elles-mêmes. Je considère en effet qu'en matière d'organisation territoriale, comme en matière de répartition des compétences, il faut laisser les choses s'installer sans vouloir les modifier de manière systématique.

Le texte ne prévoit donc pas de recentralisation ; au contraire, nous proposons aux collectivités locales, par l'intermédiaire d'un copilotage aux niveaux départemental, régional et national, d'être associées à la définition des orientations du service public de l'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je pense utile, juste et efficace que les collectivités aient leur mot à dire sur la définition de ces orientations, que déploient l'ensemble des opérateurs : Pôle emploi – demain France Travail – au premier chef, mais aussi les missions locales ou encore Cap emploi. En effet, nous ne parviendrons pas à passer de 7 % à 5 % de chômage si nous n'agissons pas en partenariat avec les collectivités sur les questions de mobilité, de garde d'enfant, de logement ou d'accès à la santé. Travailler ensemble, sans recentralisation mais en donnant du poids aux uns et aux autres, est le prix de l'efficacité.

Le deuxième point que je voulais souligner concerne les quinze à vingt heures d'activité. L'expérience a montré, notamment s'agissant du contrat d'engagement jeune, qu'avec ce niveau d'accompagnement et d'investissement social, les possibilités de retour à l'emploi par l'accès à la formation qualifiante ou à l'emploi direct sont renforcées. La condition d'efficacité s'appuie, selon nous, sur une durée d'engagement comprise entre quinze et vingt heures.

Vous avez tous souligné que ces activités d'insertion ou de formation devaient aussi tenir compte des difficultés rencontrées. Mme la députée Garin a évoqué le témoignage d'une femme, mère célibataire d'un enfant souffrant de phobie scolaire, obligée d'assumer un rôle d'aidant et, de ce fait, ayant fait le choix de devenir autoentrepreneuse : elle fait typiquement partie des publics qui doivent faire l'objet d'une attention particulière, voire d'une exemption de cette obligation d'engagement car, à moins de lui proposer une activité adaptée à sa situation, il est impensable d'exiger de sa part quinze à vingt heures d'activité supplémentaires.

J'ai en tête le cas de deux allocataires du RSA que j'ai rencontrées à Genlis, en Côte d'Or, pour le lancement des expérimentations. La première, qui souffrait de douleurs handicapantes au dos et à la jambe à la suite d'un accident, m'a dit vouloir travailler ; elle m'a expliqué qu'en accord avec ses conseillers en insertion sociale et professionnelle, elle prenait auparavant le temps d'effectuer les examens médicaux permettant de déterminer quel type d'activité professionnelle elle serait en mesure d'exercer, sans prendre de risque pour sa santé ni aboutir à un échec professionnel. Cela fait partie des parcours dont nous devons tenir compte.

Elle était accompagnée d'une jeune femme, mère célibataire avec des enfants, qui était depuis dix ans au RSA et a retrouvé une activité de vingt heures par semaine dans le service de cantine d'une collectivité locale. Cette dernière se demandait si elle serait obligée de réaliser quinze à vingt heures d'activité d'insertion ou de formation en plus de ses vingt heures de travail. La réponse est évidemment non. Mais cette même jeune femme me disait souhaiter accéder à un temps plein. Si nous pouvons l'accompagner et lui permettre d'accéder au temps plein, en ne la mobilisant que pour les trois, quatre ou cinq heures d'activité lui permettant d'atteindre le temps plein, nous serons sur le bon chemin.

Ces exemples démontrent qu'il faudra savoir adapter le dispositif. Toutefois, j'ai la conviction que, plus nous aurons d'allocataires accompagnés, grâce à cet investissement social et à cet objectif de quinze à vingt heures pour une meilleure efficacité, mieux ce sera. Cela n'empêche pas de tenir compte des capacités et des difficultés de chacun.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, pardon de le dire ainsi, concernant les personnes en situation de handicap, notamment les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Certains ont évoqué une obligation d'inscription à Pôle emploi : ce n'est pas le cas ! Nous voulons l'inscription automatique pour les allocataires du RSA et les jeunes accompagnés par les missions locales dans un parcours d'insertion vers l'emploi. Pour les autres, qui bénéficient d'un accompagnement global – je pense notamment aux mineurs –, il est évidemment hors de question de prévoir l'automaticité.

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