Après la pause estivale, nous reprenons nos travaux avec le projet de loi pour le plein emploi, et une question se pose d'emblée : allons-nous saisir cette occasion pour faire collectivement œuvre utile pour nos concitoyens, notamment les plus fragiles, ou bien renouerons-nous immédiatement avec des combats politiques dignes d'une guerre de tranchées, nourris par l'énergie renouvelée de la rentrée ?
Sur ces bancs, nous nous réclamons quasiment tous de l'équilibre trouvé à la sortie de la Seconde Guerre mondiale entre communistes et gaullistes autour d'une société du travail où les cotisations des uns permettent de protéger les autres, face à la maladie, à l'accident ou à la perte d'emploi, et contribuent aussi à proposer des logements au plus grand nombre. Cet équilibre est le cœur constitutionnel de la sécurité sociale à la française. Or ce cœur est malade depuis de longues années, du fait d'un taux de chômage endémique. L'effort de cotisation devient insupportable pour ceux qui travaillent et la solidarité n'est plus à la hauteur pour ceux qui ont besoin d'en bénéficier, car le rapport entre actifs et inactifs s'est dégradé.
Depuis six ans, notre ambition a été de renouer avec une société de l'emploi. L'emploi est bien sûr une richesse économique mais c'est surtout une richesse sociale. Avec 2 millions d'emplois créés depuis 2017, nous avons été à la hauteur de nos responsabilités. Ce n'est toutefois pas suffisant, car des millions de gens sont encore exclus de l'emploi alors que, paradoxalement, nos entreprises n'arrivent pas à recruter.
À mon sens – et c'est en cela que j'aimerais vous inviter à mettre nos oppositions politiciennes de côté –, ce projet de loi coche toutes les cases du modèle de société à la française. Tout d'abord, il réaffirme la volonté de développer une société de l'emploi. Ensuite, il part du constat qu'il y a des millions de gens sans emploi en France et qu'ils sont très éloignés des attendus du monde du travail.
Cela implique de dépasser une approche fondée uniquement sur les compétences et la formation, impératif auquel ce projet de loi répond en proposant une meilleure coopération des différents acteurs de l'emploi et des solidarités. Le système actuel est en effet complexe et repose sur une architecture en silo. Les mailles du filet sont trop larges pour qu'il soit possible de s'occuper de tout le monde. Introduire de la cohérence dans cette organisation est une nécessité : c'est l'ambition du réseau France Travail.
Il faut aussi appliquer à ces publics éloignés de l'emploi une approche à 360 degrés. À quoi me sert-il d'être formé à tel ou tel poste, si je n'ai pas de véhicule pour me déplacer ou si je ne peux pas faire garder mes enfants ? Cette approche tous azimuts a permis d'obtenir des résultats tangibles parmi les jeunes grâce aux missions locales ou parmi les personnes en situation de handicap avec Cap emploi. Nous devons la généraliser à tous ceux qui sont éloignés de l'emploi depuis longtemps, notamment les bénéficiaires du RSA.
La question du RSA sera, j'en suis sûr, au centre de nos débats, comme elle l'a été en commission. Renforcer l'inclusion des allocataires du RSA est à la fois un devoir et une nécessité. La société le doit aux personnes en souffrance car nul n'a à être laissé au bord du chemin ; dans le même temps, chaque Français a la possibilité et la responsabilité de contribuer à l'effort collectif.
Les bénéficiaires du RSA sont souvent réduits à une identité stigmatisante – pauvres, profiteurs, oisifs –, très éloignée de la réalité pour la plupart d'entre eux. On ne vit pas avec 600 euros par mois, on survit !