La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Deux drames ont touché notre pays ce dimanche. Aux Contamines-Montjoie, six personnes ont perdu la vie dans une avalanche. À Marseille, dans le centre-ville, un immeuble de quatre étages s'est effondré ; six personnes sont décédées tandis que deux – au moins – sont toujours recherchées.
En notre nom à tous, je souhaite adresser mes pensées émues aux victimes, à leurs familles et à leurs proches. L'Assemblée nationale se tient à leurs côtés et aux côtés des forces de secours mobilisées, dont je salue l'engagement inconditionnel.
Je vous invite à respecter une minute de silence en mémoire des victimes.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Nous accueillons aujourd'hui à l'Assemblée nationale Mme Martine Froger, élue dimanche 2 avril 2023 députée de la première circonscription de l'Ariège. Je lui adresse toutes mes félicitations et lui souhaite la bienvenue.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT, sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes GDR et Écolo – NUPES. – Plusieurs députés des groupes RE et LIOT se lèvent.
À partir du 25 avril, la France ne pourra plus exporter sa production céréalière dans certains pays très demandeurs en dehors de l'Europe, conséquence d'une décision de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui prévoit d'interdire l'utilisation dans notre pays de la phosphine, insecticide utilisé pour traiter les cargaisons de céréales dans les cales des bateaux. Alors que la France est le cinquième pays exportateur de céréales au monde, la filière se trouve ainsi dans une impasse totale.
L'utilisation de ce produit est pourtant une obligation sanitaire exigée dans le cahier des charges de nombreux pays – dont l'Algérie – qui souhaitent importer notre blé. En outre, la phosphine est un produit communément utilisé dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
La France, encore une fois, s'automutile, pourrait-on dire, puisque, en raison de cette décision, plus de 11 millions de tonnes de céréales, représentant une valeur de 3,8 milliards d'euros, ne pourront plus être exportées vers des pays qui sont pourtant nos clients depuis très longtemps, et ce alors même que les céréales traitées à la phosphine et importées en France ne seront, elles, pas concernées par la décision de l'Anses.
Cette décision aura d'ailleurs des conséquences assez désastreuses pour certains pays qui ont besoin de notre blé et pourraient, dès lors, se retrouver eux aussi dans une impasse.
Comment l'Anses, agence de l'État, peut-elle prendre une décision aussi importante sans en avoir discuté avant avec le Gouvernement, sans en mesurer les conséquences sur la vie quotidienne de nos entrepreneurs et de nos agriculteurs mais aussi de nos ports français ? On peut en effet imaginer que nous passions désormais par les ports de Gênes ou d'Anvers mais cela signifierait moins de travail pour les ports français, plus de carbone dans l'atmosphère et un surcoût pour la filière céréalière.
Comment l'Anses peut-elle motiver une décision qui ignore le droit européen en vigueur ? Elle outrepasse son champ de compétences, règlementairement limité au territoire français, en s'octroyant le droit d'édicter des normes dans le secteur de l'exportation. Sa décision va à l'encontre des règlements européens, notamment…
Le micro de l'orateur est coupé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Vous avez raison, la phosphine est un produit phytosanitaire dont l'utilisation se concentre principalement sur le blé. Elle est requise par certains pays vers lesquels nous exportons, notamment ceux du Maghreb mais aussi certains pays d'Afrique subsaharienne comme la Côte d'Ivoire ou le Sénégal. Plusieurs millions de tonnes de blé sont concernées.
La décision de l'Anses interpelle évidemment le Gouvernement, d'autant plus que la phosphine n'est pas interdite au niveau européen – en la matière, le cadre est clair. Il est totalement permis de l'utiliser, notamment pour les exportations, lorsque les pays importateurs l'exigent.
Nous ferons le nécessaire.
Des clarifications juridiques doivent encore être apportées mais je peux vous garantir que des décisions seront prises d'ici au 25 avril pour que les exportations puissent se poursuivre.
C'est important pour nos agriculteurs et pour nos exportations mais surtout pour les pays importateurs. C'est un enjeu en matière de sécurité alimentaire mondiale mais aussi de géopolitique dans le cadre de la guerre que mène la Russie en Ukraine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et Dem.
Dimanche, à minuit quarante-six, une explosion a frappé soudainement le 17, rue de Tivoli à Marseille. L'immeuble s'est effondré dans la foulée, emportant ses habitants dans les décombres. À l'heure où je parle, six personnes ont perdu la vie, deux sont encore portées disparues et plus de 200 ont dû quitter leur logement.
Nos pensées vont aux proches des victimes, aux délogés et à toutes les personnes frappées par ce drame.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Je tiens à souligner ici le dévouement des marins-pompiers de Marseille, des sapeurs-pompiers, des effectifs de la protection civile, des policiers municipaux et nationaux et de toutes les femmes et hommes mobilisés sans relâche depuis plus de soixante heures dans des conditions de dangerosité extrême.
Je tiens à saluer aussi la solidarité extraordinaire dont font preuve les Marseillaises et les Marseillais, déjà lourdement meurtris il y a quatre ans par la catastrophe de la rue d'Aubagne – même si les circonstances de ces deux drames semblent bien différentes.
Le moment est à la poursuite des recherches et au recueillement. Vient aussi le temps des inquiétudes pour les personnes qui se retrouvent démunies et hors de leur logement.
Madame la Première ministre, que compte faire le Gouvernement pour aider, aux côtés de la ville de Marseille, les personnes touchées par ce terrible événement ? Êtes-vous en mesure de nous indiquer par exemple quelles aides seront débloquées pour les familles des victimes, notamment pour permettre un relogement ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Je veux à mon tour adresser mes condoléances, ainsi que celles du Gouvernement, aux familles des victimes et exprimer le soutien plein et entier du Gouvernement aux personnes qui sont encore – vous l'avez dit – privées de logement.
Je tiens à vous remercier – vous et les autres parlementaires qui ont fait le déplacement – pour avoir été présents aux côtés de Gérald Darmanin dimanche et à mes côtés hier pour écouter les informations données par le vice-amiral des marins-pompiers de Marseille.
Je salue également le magnifique travail accompli par les marins-pompiers de Marseille depuis les premières heures de ce terrible drame.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent.
Je veux aussi saluer, comme vous l'avez fait, le travail des forces de police municipale et nationale, présentes elles aussi pour assurer la sécurité du site.
Bien évidemment, le temps de l'enquête a commencé tandis que celui de la recherche des victimes se poursuit. Comme vous l'avez constaté hier, le travail mené de manière conjointe par le maire et la municipalité de Marseille, par la métropole et par les services de l'État est constant. Car nous devons être présents aux côtés des familles des victimes, aux côtés des familles qui ont été délogées – vous l'avez dit, 200 personnes n'ont toujours pas pu rejoindre leur domicile, une cinquantaine, dont sept enfants, ayant dormi à l'hôtel.
Notre priorité sera de reloger et d'accompagner ces familles. Le Gouvernement se tiendra aux côtés des familles jusqu'à ce chacune ait pu regagner un domicile – vous pouvez en être assuré. Ce matin encore, j'étais au téléphone avec le préfet et avec la direction générale des services de la ville de Marseille pour évoquer ce dossier.
Je continuerai à vous informer – vous et les autres députés marseillais – des mesures que nous prendrons.
Effondrement d'un immeuble à Marseille
Dans la nuit de samedi à dimanche, Marseille a été frappée par un drame, une catastrophe. J'ai une pensée émue pour toutes les familles des victimes du terrible événement qui s'est déroulé rue de Tivoli, au cœur de la cité phocéenne. Je pense également aux 200 personnes évacuées avec réactivité et efficacité par nos marins-pompiers.
Avec l'ensemble de mes collègues députés de Marseille, nous tenons à rendre hommage au courage et au travail des marins-pompiers, des forces de secours, des forces de l'ordre, des services de l'État, de la ville de Marseille et de la métropole.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Marseille est l'une des plus anciennes villes de France. Elle revêt par nature des spécificités. Son urbanisme est le fruit de son histoire. Le centre-ville, qui n'a cessé de se redéfinir, se caractérise par une cohabitation de styles architecturaux de différentes époques.
Toutefois, ce drame nous oblige car la crise du logement est une immense préoccupation des Français et parce que le logement est une clé de la cohésion de la nation, il détermine les trajectoires d'intégration ou d'exclusion. La crise polymorphe que traverse le secteur est prise à-bras-le-corps grâce à la stratégie du plan « Marseille en grand » du Président de la République.
Marseille est résiliente et solidaire. Elle a toujours su faire face, elle fait face, elle saura faire face.
Au-delà des spécificités de notre ville – comme d'autres villes anciennes en France – le chantier du logement est titanesque : rénovation urbaine, redémarrage de la construction, rénovation énergétique des bâtiments, développement de l'offre des logements sociaux ou encore lutte contre les marchands de sommeil et contre les logements insalubres. Autant de défis auxquels nous devons collectivement nous atteler.
Ma question est la suivante : comment allier les exigences des nouveaux enjeux de la politique de la ville avec les spécificités urbanistiques de Marseille mais aussi des autres villes anciennes de France ? Plus globalement, quelle doit être notre vision de l'urbanisme en France pour répondre aux différents enjeux relatifs au logement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je m'associe évidemment, nous l'avons fait en nous levant par trois fois déjà, à l'hommage aux victimes, à leurs proches et à l'ensemble des forces de secours qui sont intervenues, à un titre ou à un autre, ainsi qu'aux services de l'État et de la ville, mais votre question est plus large.
En effet, au-delà du drame, elle conduit à s'interroger sur la politique du logement dans notre pays et plus particulièrement sur la façon de reconstruire la ville sur elle-même. On sait bien que, quels que soient les logements qui pourraient être construits dans des secteurs non encore urbanisés, il y a un nouveau défi en raison de la planification écologique, celui de reconstruire la ville sur elle-même. Et Marseille, de ce point de vue, est emblématique car elle concentre les enjeux du mal-logement, des friches, des quartiers dits de la politique de la ville ainsi que de la rénovation urbaine.
Pour faire face à ce défi et à ces enjeux, le Gouvernement est mobilisé autour de deux piliers. Tout d'abord, sous l'autorité du Président de la République, puisque cela faisait partie de ses engagements de campagne, de la Première ministre et en liaison étroite avec Dominique Faure et Olivier Klein, j'ai lancé le chantier de la décentralisation du logement ; car faut-il continuer à décider, depuis Paris, des zones tendues et de celles qui ne le sont pas, des zones où peuvent être bloqués les loyers et de celles où ce n'est pas possible, des zones où peuvent être réglementés les meublés touristiques et les autres ? Si nous ne redonnons pas davantage de pouvoirs aux maires, nous aurons une difficulté du côté de la signature des permis de construire alors qu'il y a un enjeu crucial de simplification des procédures tout en veillant à une meilleure association de l'échelon local.
Le second levier, c'est le Fonds friches : 1 382 projets en France, 750 millions d'euros, 3 375 hectares de friches qui, d'ici la fin de l'année 2024, laisseront place à 95 000 logements, dont un tiers de logements sociaux, 4 millions de mètres carrés d'équipements publics et près de 5 millions de mètres carrés de bâtiments à usage économique. En pérennisant le Fonds friches dans le cadre du Fonds vert, nous continuons à utiliser un outil puissant qui va nous permettre d'accompagner les territoires pour qu'ils se reconstruisent sur eux-mêmes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
Le groupe socialiste devait accueillir une nouvelle députée aux côtés de Mme Pic, où est-elle ?
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.
Onze journées de mobilisation, des millions de Françaises et de Français dans la rue – pour la première fois pour beaucoup d'entre eux –, une intersyndicale au grand complet toujours aussi déterminée et historiquement soudée…
…et 70 % de Français opposés à votre réforme, quasiment autant d'entre eux étant favorables au blocage. Voici le bilan catastrophique de votre gouvernement depuis que vous avez fait le choix d'engager, « quoi qu'il en coûte », une réforme des retraites aussi injuste et injustifiée sur le fond que brutale sur la forme.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Face à cette gronde sociale historique, un pouvoir exécutif toujours aussi inflexible ! Notre Constitution permet pourtant de sortir de l'impasse démocratique dans laquelle vous nous avez enfermés en ayant recours d'abord au 47-1, puis au 44.3, puis au 49.3.
Mêmes mouvements.
En quelques semaines, outre le contexte inflationniste et la crise énergétique, vous avez fait entrer le pays dans une crise politique, sociale et démocratique dont les Françaises et les Français se seraient volontiers passés !
Mêmes mouvements.
Votre entêtement et l'accumulation de contre-vérités, notamment sur la retraite à 1 200 euros et le nombre de bénéficiaires, sont délétères et dangereux, et enfoncent chaque jour un peu plus le pays dans la crise dont vous êtes la cause. En lieu et place du mépris perpétuel affiché par le Président de la République, nous avons collectivement besoin d'apaisement. Madame la Première ministre, vous l'avez vous-même reconnu récemment en appelant à respecter une période de convalescence… Force est de constater que vous avez vu juste : cette réforme s'apparente à une pathologie. Mais nous ne sommes pas encore en convalescence car la bonne prescription, c'est le retrait !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cette reconnaissance de la réalité, vous avez fait le premier pas. Il ne tient qu'à vous d'en faire un deuxième pour que cette erreur démocratique ne devienne pas un échec fracturant irrémédiablement notre pacte social. Madame la première ministre, allons-nous enfin vers l'apaisement ?
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous avez évoqué plusieurs sujets, mais permettez-moi de revenir sur trois points.
Premièrement, le texte arrive à la fin d'un cheminement : vendredi prochain, le Conseil constitutionnel rendra sa décision puisqu'il a été saisi, notamment par Mme la Première ministre mais aussi par un certain nombre de parlementaires. Ce texte a fait l'objet de concertations pendant quatre mois, j'ai eu l'occasion de le dire maintes fois,…
Quelle blague ! Vous ne croyez pas à ce que vous racontez ! Votre disque est rayé !
…puis de 175 heures de débats dans cet hémicycle et dans celui du Sénat. Il a été validé par une commission mixte paritaire composée de représentants des deux chambres et, je le rappelle, voté à deux reprises par le Sénat. À l'initiative de la Première ministre, nous avons reçu ensemble, la semaine dernière, l'intersyndicale et constaté qu'il y a toujours un désaccord, bien évidemment, sur la question de l'âge, mais aussi qu'il y a d'autres sujets sur lesquels nous devrons travailler. Et, lorsque les organisations syndicales y seront prêtes, la porte de Matignon comme celle du ministère du travail leur seront évidemment ouvertes pour continuer à avancer.
Deuxièmement, vous dites que cette réforme ne comporte pas d'avancées. Vous évoquez la pension minimale, mais rappelez-vous que les débats ont montré qu'elle va permettre à 1,8 million sur les 17 millions de retraités actuels de voir leur pension revalorisée, la moitié d'entre eux bénéficiant d'une revalorisation mensuelle de 70 euros à 100 euros.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Si vous considérez, mesdames, messieurs de la NUPES, que 70 euros à 100 euros de plus par mois, ce n'est rien pour des retraités qui perçoivent aujourd'hui 900 euros, passez le périph' et regardez la réalité en face !
Mêmes mouvements.
Troisièmement, vous dites que cette réforme devrait être retirée. J'ai siégé sur vos bancs pendant longtemps, et en 2010 je me suis opposé à la réforme des retraites comme vous aujourd'hui, et en 2013, qu'avons-nous fait ?
Mêmes mouvements.
Nous avons allongé la durée de cotisation. Non seulement nous ne sommes pas revenus sur la réforme de 2010, mais nous l'avons renforcée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire… qui est absent.
La semaine dernière, les céréaliers se sont indignés d'une nouvelle décision totalement incompréhensible de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail : celle de ne plus permettre l'usage de la phosphine, un insecticide utilisé pour protéger les céréales lors de leur transport en bateau. À partir du 25 avril, cette décision unilatérale conduira la France à ne plus pouvoir exporter près de 12 millions de tonnes de céréales, soit un préjudice de 3,8 milliards d'euros par an pour sa balance commerciale, comme si nous avions encore besoin de cela !
Cette décision, unique en Europe, va fermer à nos céréaliers des marchés essentiels, provoquant des tensions sur les prix et le renforcement du pouvoir alimentaire de la Russie, notamment sur l'Afrique du Nord. Comment une décision aussi lourde de conséquences a-t-elle pu être prise sans que ni M. Fesneau ni Mme Borne ne soient intervenus ? Le Gouvernement est incapable de protéger nos agriculteurs de normes absurdes, d'une bureaucratie étouffante et de distorsions de concurrence imposées par Bruxelles qui lui lie les mains, et voilà que sa propre administration devenue folle échappe à son contrôle ! Les Français découvrent, effarés, un gouvernement en panne, qui n'a comme programme que consultations et bavardages, et se demandent quelle est encore l'utilité de M. Fesneau à la tête de ce ministère !
J'ai entendu ce que vous avez répondu il y a quelques instants, monsieur le ministre délégué chargé du commerce extérieur, mais, alors que cette décision de l'Anses a été prise en octobre dernier, comment pouvez-vous venir devant la représentation nationale sans avoir aucune réponse à lui apporter alors qu'il faut en trouver une dans les tout prochains jours ? On ne peut gouverner sans assumer des choix politiques courageux. Quand le Gouvernement va-t-il enfin reprendre le contrôle et agir pour protéger nos agriculteurs et les intérêts de la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Oui, comme vous l'avez dit, l'Anses a souhaité en effet l'interdiction de l'usage de la phosphine pour les exportations de céréales. Je rappelle qu'aucune règle européenne n'empêche l'utilisation de ce produit lorsque les céréales concernées sont à destination de l'étranger et que le pays importateur l'autorise. Ces exportations sont indispensables à la sécurité sanitaire de nombreux pays importateurs, notamment de l'Algérie, du Maroc, du Sénégal et de la Côte d'Ivoire ou les céréales françaises représentent parfois, en ce qui concerne le blé, de 65 % à 95 % des importations. Nous avons donc besoin que la phosphine demeure autorisée pour les produits destinés à l'exportation…
…et c'est ce qui sera fait d'ici au 25 avril. Nous cherchons le cadre juridique clair qui permette de le faire. Il n'y a pas aujourd'hui de souci à se faire pour les exportations : elles continueront. C'est bon pour nos exportateurs, c'est bon pour la sécurité alimentaire de ces pays, c'est bon également d'un point de vue géopolitique. Je l'ai dit tout à l'heure : dans le contexte de la guerre d'agression de la Russie en Ukraine et pour le bien de l'ensemble de ces pays, nous continuerons les exportations.
Mme Stéphanie Rist et M. Laurent Croizier applaudissent.
Les betteraviers se souviennent de l'impuissance et de l'incapacité du ministère de l'agriculture à être autre chose que le ministère du constat. Nous demandons à ce qu'il soit le ministère de l'action : il reste moins de quinze jours pour le prouver !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce gouvernement agira, nous vous le prouverons d'ici au 25 avril !
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre des transports, j'associe à cette question mon collègue Jean-Marc Zulesi, député de la plus ancienne cité de France vers qui se tournent nos regards aujourd'hui, à savoir Marseille, et par ailleurs président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et à ce titre en charge des transports.
Le Président de la République, le 27 novembre, a donné pour objectif de créer de véritables RER métropolitains, et le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures de mon collègue David Valence a permis de remettre une première liste à la Première ministre. Un tel objectif crée une immense attente.
Ma question porte d'abord sur l'utilisation des 100 milliards annoncés par Mme la Première ministre. Au-delà de la poursuite des projets de lignes nouvelles, de la relance des trains de nuit et des trains d'équilibre du territoire – les TET –, il faut créer pour les RER métropolitains de nouvelles infrastructures, fournir de nouveaux matériels et, surtout, passer au cadencement. Monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu à Nancy tout récemment, vous avez fait état des problèmes rencontrés à Strasbourg pour le passage au cadencement, mais cela ne doit pas nous décourager. Vous avez aussi évoqué l'idée de fournir à la Lorraine un véritable RER du sillon lorrain, qui irait du Luxembourg jusqu'à Nancy : nous en faisons la promesse aux habitants.
Dans la prolongation de la loi d'orientation des mobilités, ma question porte ensuite sur la méthode que vous comptez adopter. Le grand chantier sera-t-il mené par l'État comme en Île-de-France, ou par des sociétés dédiées comme la Société du Grand Paris avec SNCF Réseau ? Comment seront associés les exécutifs locaux à cette priorité nationale ? Et puis faut-il prendre des mesures législatives pour offrir aux voyageurs du quotidien, aux familles et aux étudiants des parcours à la fois décarbonés, complets, fiables, réguliers et accessibles ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'ambition des RER métropolitains affichée par le Président de la République à la fin de l'année dernière est une immense ambition pour notre pays, une immense ambition pour développer le transport public, pour faire face à la transition écologique et réduire notre dépendance à la voiture, quand beaucoup de nos compatriotes voudraient trouver des transports publics qui leur permettent notamment d'accomplir les trajets entre le domicile et le travail, mais qu'ils ne les trouvent pas, ou en tout cas pas dans des conditions satisfaisantes. C'est aussi l'ambition de la Première ministre qui a présenté le plan d'avenir pour les transports, sur la proposition du Conseil d'orientation des infrastructures, lequel a identifié dix à quinze métropoles dans lesquelles ce type de projet pourrait se développer au cours de la décennie. Il ne s'agit d'ailleurs ni seulement de RER ni seulement d'un objet métropolitain car il faudra adapter les projets à chaque territoire, à chacune des métropoles concernées. Il pourrait y avoir des logiques de transports plus légers, voire de cars express si cela fait diminuer l'usage de la voiture individuelle. Surtout, je souligne qu'il ne s'agit pas de projets pour les centres-villes seulement, mais aussi pour celles et ceux qui sont à 20, 30 ou 40 kilomètres, parfois plus loin encore, et qui n'ont aujourd'hui aucune option de transport public pour rejoindre l'autre bout de la métropole ou le cœur de la ville.
À Nancy en particulier, dans le cadre du Sillon lorrain, un projet déjà mûr a été travaillé ; il fait partie de ceux qui ont été identifiés au terme des travaux menés sous la présidence de David Valence, et je sais à quel point vous y êtes attentif. Mais pour mener ce type de projet à bien, nous devrons changer de méthode. Ainsi, parmi les 100 milliards d'euros qu'a annoncés la Première ministre, il y aura bien sûr des crédits pour les RER métropolitains dès la prochaine génération de contrats de plan État-région, mais nous ne devrons exclure aucune piste, et les sociétés de projet, comme nous en avons utilisées pour certaines lignes à grande vitesse, seront un outil important. Il faudra alors faire évoluer notre cadre législatif si, comme le Gouvernement, la représentation nationale le souhaite. Je sais que des travaux sont déjà engagés, notamment à l'initiative du président Zulesi, et je vous invite donc à continuer ce travail pour que nous puissions déployer ces RER le plus rapidement possible.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question d'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Ces mots sont d'Albert Camus. Incendies monstres, manque de fourrage, sécheresse historique : ce monde qui se défait, nous le voyons chaque jour devant nous. Et pourtant, ces derniers mois, c'est à l'écologie que certains s'en prennent.
…élus, paysans, sommes abasourdis, épuisés, inquiets. Dans le Lot-et-Garonne, dans les Deux-Sèvres, partout, les appels à incendier les fermes, les agressions de journalistes, les saccages de préfectures, les actions illégales et intimidantes pleuvent, toujours de la part de franges radicalisées d'un modèle agricole dépassé.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Entre autres accusations d'« écoterrorisme » de la part du Gouvernement, les invectives, les coups de pression, le régime de terreur – oui de terreur ! – règnent, dans votre silence.
Le 18 novembre dernier, un militant de Bassines non merci ! a été roué de coups par deux hommes devant chez lui, sous les insultes d'« écolo de merde ! ». Le 30 janvier, Paul François, agriculteur, victime des pesticides, a été cagoulé, ficelé et menacé par trois hommes qui en avaient « marre de voir sa gueule à la télé ». À Sainte-Soline, il nous semble qu'un cap a encore été franchi.
Quelle est la prochaine étape ? Attendez-vous des morts ? En ne condamnant pas ces faits, en désignant les écologistes comme vos ennemis à travers la cellule Déméter, vous affirmez qu'en France, aujourd'hui, il est normal et même bienvenu d'insulter et de menacer des militants, des élus, et même des fonctionnaires, comme après l'incendie de l'Office français de la biodiversité (OFB) à Brest. Comment s'étonner, dans ce climat d'impunité que vous entretenez sciemment, que beaucoup ne croient plus au dialogue ?
Monsieur le ministre, alors que certains menacent et agressent,…
…parfois avec la complaisance, voire la complicité de l'État, voici la question que je veux vous poser : êtes-vous du côté de l'agrobusiness, de ces factieux, de ces mafieux qui détruisent nos terres et ceux qui les travaillent ,…
« Elle a raison ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
…ou bien êtes-vous du côté de nos paysans, de la planète et de celles et ceux qui la protègent ? De quel côté est votre ministère ? De quel côté est notre République ?
Les députés des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe GDR – NUPES applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je vous prie de bien vouloir excuser Marc Fesneau pour son absence ; aussi, c'est moi qui répondrai à votre question. Il s'agit non pas d'être d'un côté ou de l'autre, mais d'être de ceux qui dénoncent toutes les violences et les intimidations, qui dénoncent ceux qui préfèrent les agressions aux décisions de justice et les insultes ou les mises en causes au suivi des processus démocratiques.
Vives protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le simple fait que vous réagissiez de la sorte témoigne du rapport trouble que vous avez à ces questions.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Vous devriez acquiescer : il n'y a pas d'un côté des violences qui sont légitimes et, de l'autre, celles qui ne le sont pas.
En en minimisant certaines et en voulant les opposer, vous légitimez des comportements qui n'ont pas leur place dans la République.
« Exactement ! Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La question de l'eau est cruciale. Peut-on, sur ce sujet, éviter de se faire la guerre et se dire en face qu'il n'y a pas d'autre solution que la sobriété ?
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Tous ceux qui prétendent hurler ou proposer des réponses binaires se font les complices des individus qui, en simplifiant les choses, finissent par se comporter en écervelés, quel que soit l'endroit où ils se trouvent !
S'il vous plaît, trouvons des consensus au lieu de nous jeter des anathèmes à la figure – nous en sommes capables !
Mme Mathilde Panot s'exclame de nouveau.
D'autant que le réchauffement climatique et le dérèglement sont une réalité non pas politique, mais naturelle !
Protestations continues sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Cessez d'en faire des objets de polémique et rejoignez-nous sur les solutions ! Regardons au cas par cas, et en fonction des territoires, ce que nous pouvons mettre en œuvre ! Arrêtez l'idéologie et ouvrez la porte au pragmatisme et aux solutions : c'est à ce prix-là que nous parviendrons à réconcilier nos concitoyens avec l'écologie, et non pas en faisant de celle-ci un champ de bataille stérile !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Madame la Première ministre, la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, est entrée en vigueur le lundi 3 avril dernier. Elle plafonne désormais les salaires des médecins intérimaires.
Nous en saluons l'objectif, tout d'abord dans un souci de justice à l'égard des praticiens hospitaliers titulaires qui, même s'ils sont bien plus investis dans l'hôpital public, sont bien moins rémunérés. Il s'agit également d'empêcher la pratique d'enchères indécentes. Malheureusement, l'application de cette loi conduit à la fermeture de lits et de services, comme à Remiremont, dans ma circonscription : trente lits y ont été fermés, dont vingt dans le service de soins de suite et de réadaptation (SSR). Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ; je pense que, sur ces bancs, tous nos collègues sont concernés.
Cette loi entraîne des problèmes non seulement pour les usagers, mais aussi pour l'organisation interne à l'hôpital : des infirmières, des aides-soignantes et des agents de service hospitalier (ASH) se trouvent, de fait, affectés dans d'autres services, avec des conditions de travail encore plus dégradées.
Madame la Première ministre, mes questions seront très simples. Quel est l'état de la situation ? Autrement dit, combien y a-t-il de médecins qui, du fait du plafonnement, se sont désengagés de l'hôpital public ? Quelles mesures envisagez-vous à court terme ? La transformation du numerus clausus en numerus apertus n'a pas fondamentalement changé les choses. Nous avons besoin d'investir davantage dans nos facultés de médecine afin qu'elles puissent former plus de futurs médecins. À cet égard, que prévoyez-vous ? Cette question est essentielle pour lutter contre la désertification médicale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LR.
« Oh là ! » sur quelques bancs du groupe LR.
Comme vous, je connais les difficultés et les craintes de nos concitoyens en matière d'accès à la santé et aux soins : nous avons eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises ; je peux témoigner de votre engagement sur ces questions. Avec mon gouvernement, nous sommes déterminés à bâtir des solutions adaptées à chaque territoire, à garantir à chacun, partout en France, l'accès aux soins dont il a besoin. C'est précisément au nom de cette conviction que je me suis rendue en Aveyron vendredi dernier, avec les ministres François Braun et Agnès Firmin Le Bodo, auprès des professionnels de santé et des élus locaux.
Vous m'interrogez sur quelques points précis, à commencer par l'intérim. En ce domaine, les nouvelles règles ont fait l'objet de larges concertations ; elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre hôpital. Un très important travail d'anticipation a été réalisé par les ministres, en lien avec les agences régionales de santé (ARS). Nous suivons attentivement la situation, notamment dans certaines maternités. Des organisations territoriales sont mises en place et des solutions sont recherchées, en lien permanent avec les élus locaux. Notre objectif est clair : limiter au maximum l'impact sur les services qui faisaient beaucoup appel à l'intérim, mais aussi appliquer le principe de plafonnement pour assainir des pratiques déloyales et décourageantes pour les praticiens hospitaliers.
Ensuite, en matière de formation, la fin du numerus clausus était une décision attendue.
Si elle avait été prise plus tôt, nous n'en serions pas là. Le nombre d'étudiants en médecine est en augmentation, mais les effets de cette décision vont demander du temps. Parallèlement, je souhaite que nous travaillions à la complémentarité entre les professions de santé, l'enjeu étant de gagner toute de suite du temps médical. Sans détailler toutes les mesures à cet effet, je citerai tout de même la création de 10 000 postes d'assistants médicaux d'ici la fin de l'année 2024 et le développement des maisons de santé : elles étaient au nombre de 1 000 en 2017 ; on en compte désormais 2 250, soit plus du double. Je pense aussi aux nouveaux actes que peuvent désormais accomplir les infirmiers ; nous expérimentons par exemple la délivrance de certificats de décès, très attendue par les maires.
Bien entendu, nous devons aller plus loin, construire avec les professionnels de santé et les élus locaux des solutions adaptées à chaque territoire. Le week-end dernier, comme je l'avais annoncé, nous avons publié un décret qui permet aux agences régionales de santé d'adapter les règles aux besoins spécifiques des territoires. Notre volonté est claire : les règles nationales ne doivent pas faire obstacle aux solutions locales. Dès cette semaine, j'engagerai des discussions avec les associations d'élus pour faciliter l'installation des jeunes soignants…
…et apporter des réponses à leur besoin de logement.
L'accès aux soins est une priorité pour les Français. Aussi, avec les soignants et les élus, nous sommes déterminés à trouver des solutions adaptées à chaque territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Madame la Première ministre, selon vous, la France est en « période de convalescence ». Non, la France n'est pas convalescente, elle est malade ; malade de voir ses principes démocratiques et sociaux foulés aux pieds ! C'est votre loi sur les retraites qui a donné la fièvre à la France : sa température est à 49.3.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, c'est bien votre 49.3, dégainé le 16 mars dernier, qui a provoqué un mal si intense que la mobilisation a redoublé. Les Français sont malades de vous voir parler de « cheminement démocratique » alors que, depuis le début, vous refusez de justifier en droit l'usage de la procédure prévue à l'article 47-1 de la Constitution, détournant en réalité son usage pour organiser votre passage en force.
Ce vendredi, le Conseil constitutionnel rendra sa décision. Avec votre trucage, vous l'avez mis dans l'embarras : s'il censure votre texte, il assume un rôle politique qui n'est pas le sien ; s'il ne le censure pas, il renonce à défendre la Constitution dont il a la garde et affaiblit alors irrémédiablement la V
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Et si vous assumiez votre responsabilité, madame, et deveniez l'antidote à la maladie que vous avez vous-même causée ? Le pays ne s'en porterait-il pas mieux ? Retirez la loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Voilà le message qui sera encore porté en masse à travers les mobilisations ce jeudi 13 avril.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours, mais tenez-vous-le pour dit : quelle que soit sa décision, vendredi, il n'y aura pas de guérison sans retrait de la loi !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
L'aspiration démocratique est profonde et puissante. Les Français tiennent de la Constitution certains droits fondamentaux, dont celui de faire grève et de manifester. Ils sont en droit de combattre la promulgation de votre loi sur les retraites – leur détermination est intacte.
Encore une fois, retirez la loi !
Les députés du groupe LFI – NUPES et Mme Sandrine Rousseau se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Je dois vous avouer que votre question me laisse perplexe. J'ai la grande chance de siéger dans cet hémicycle depuis 2007. Or, durant toutes ces années, je n'ai jamais entendu un parlementaire préjuger d'une décision du Conseil constitutionnel, comme vous le faites.
Je n'ai jamais entendu un parlementaire remettre en cause, par avance, la légitimité d'une décision.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La vérité, c'est que vous cherchez, comme depuis le début du débat sur les retraites, à délégitimer les institutions,…
…à abîmer la parole du Parlement, l'action publique, nos institutions et, finalement, la République.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Par vos propos, vous entendez remettre en cause, par avance, une décision au cas où elle vous serait défavorable.
Mme Raquel Garrido proteste.
Vous voulez déjà la discréditer, comme vous voulez discréditer l'ensemble de la V
Vous avez voulu filer la métaphore médicale. En vous écoutant, j'ai pensé à cette phrase du Malade imaginaire : « [I]l en est comme de ces beaux songes, qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus. »
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
L'an dernier, dans une étude intitulée « Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance », le Conseil d'État encourageait vivement les pouvoirs publics à intégrer l'intelligence artificielle comme un paramètre majeur des politiques publiques, notamment dans sa version décisionnelle, pour la mettre au service de nos concitoyens, permettant ainsi d'en maîtriser les usages et de rassurer. Ce travail, au demeurant excellent, incitait les pouvoirs publics à s'approprier ce que l'on peut considérer, sans emphase, comme un bouleversement technologique majeur dont il est urgent d'anticiper les impacts.
Depuis quelques mois, l'agent conversationnel d'OPenAI, ChatGPT, fait le buzz dans les médias, et même dans cette assemblée, pour laquelle il a déjà écrit un amendement, débattu lors de l'examen du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et une question orale, posée au ministre de la transition numérique, la semaine dernière.
Face à la progression extrêmement rapide de cette technologie et de ses performances, ainsi qu'au caractère inéluctable de son usage, il devient urgent que l'État puisse la réguler, sans manquer de prendre en considération ses bénéfices. Concernant l'action publique, l'intelligence artificielle décisionnelle devrait pouvoir améliorer le temps d'instruction et la pertinence du traitement des dossiers administratifs. Les agents ainsi libérés pourraient être affectés à l'accueil des usagers qui en auraient besoin, afin de limiter les frustrations que pourrait provoquer un « État-plateforme » déshumanisé.
Pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de votre feuille de route ? Comment nos administrations envisagent-elles de s'approprier ce nouvel outil. Comment permettre l'émergence d'une intelligence artificielle souveraine, donc indépendante des Gafam et protectrice des données des Français ? La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) étant en première ligne en la matière, le Gouvernement envisage-t-il de renforcer ses prérogatives et ses effectifs ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
L'année 2022 a effectivement été marquée par la percée décisive des modèles d'intelligence artificielle, porteuse d'importantes conséquences, voire de grands bouleversements en matière de transformation de l'emploi, notamment public, de protection des données personnelles et de souveraineté. Ce que vous avez dit est juste, ce sont autant de bonnes raisons pour l'État de s'emparer de la question, de ne pas subir ces évolutions et de réfléchir à l'impact de ces technologies sur nos organisations, en construisant un cadre de régulation.
Le premier enjeu est d'identifier des cas d'usage vertueux et maîtrisé de ces technologies au sein de nos administrations. Dans les prochaines semaines, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, et moi-même allons annoncer une série d'expérimentations très concrètes, qui pourront concerner la réponse aux usagers, la simplification des démarches administratives ou encore la codification normative – nous n'excluons, à ce stade, aucun sujet.
Le deuxième enjeu, vous l'avez évoqué, est de développer nos propres outils, qui correspondent à nos valeurs de protection des données personnelles, de sécurité et de souveraineté. ChatGPT, que vous avez mentionné, est la solution la plus connue, du fait de ses performances spectaculaires, mais il existe des solutions alternatives, européennes ou françaises, de logiciels libres. Nous devons capitaliser sur ces solutions alternatives pour nourrir la stratégie française en matière d'intelligence artificielle, qui est déjà bien engagée grâce au plan France 2030.
Je tiens à mentionner un troisième enjeu : l'accompagnement de nos agents pour l'utilisation de ces outils. Là encore, ne subissons pas ; anticipons les transformations des métiers et les besoins en formation, pour que l'on n'oppose jamais la numérisation et l'humanisation de nos services publics.
M. Paul Midy applaudit.
Ma question pourrait s'adresser à M. le ministre des armées.
Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 nous laissait espérer une « autonomie stratégique ». L'espoir a été de courte durée : nous apprenons que l'entreprise Segault, qui équipe en robinets nos bâtiments militaires à propulsion nucléaire, va être rachetée par une société américaine. Vos gouvernements n'en sont pas à leur première trahison industrielle : Alstom, Exxelia, Alcatel… la liste des fleurons nationaux sacrifiés sur l'autel de l'attractivité est longue.
Il faut expliquer aux Français qui nous écoutent les conséquences d'un rachat américain. Dès lors que nos sous-marins auront toujours besoin de robinets, deux solutions s'offrent à nous : acter la création d'une nouvelle filière de robinetterie nationale, tout en rachetant les brevets et le génie industriel que des générations de Français ont eux-mêmes conçus ; se résigner à acheter dorénavant américain, en prenant le risque de se plier à leur réglementation agressive, la norme Itar – International Traffic in Arms Regulations –, véritable outil de guerre économique permettant le maintien de l'hégémonie américaine en matière d'exportation d'armement.
Après le scandale lié à l'Aukus – l'alliance entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis –, voulons-nous vraiment accentuer notre dépendance aux États-Unis ? Au Rassemblement national, nous considérons que la France doit se défendre par elle-même et pour elle-même. Cela peut passer, le cas échéant, par des coopérations avec des partenaires étrangers alliés, mais la souveraineté de notre défense nationale doit être à la base de nos raisonnements.
Par ailleurs, des solutions existent : à court terme, nous pouvons employer le décret Montebourg afin de bloquer ce rachat et protéger nos emplois, nos brevets et notre souveraineté ; à long terme, il nous faudra renouer avec une politique de défense visionnaire, afin de ne pas se contenter de réagir au fait accompli. Marine Le Pen a proposé en ce sens la création d'un fonds souverain pour protéger nos entreprises d'éventuelles prédations étrangères.
S'affirmer en tant que ministre des armées, c'est aussi faire face aux commissaires-priseurs des intérêts nationaux, à Bercy ou à Matignon. M. le ministre des armées compte-t-il agir enfin pour les intérêts de la France en bloquant ce rachat ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Monsieur Gonzalez, je ne vous rappellerai pas l'histoire de Segault, car vous la connaissez. C'est un important robinetier qui relève du cœur de l'industrie française et intervient principalement dans la fabrication des sous-marins nucléaires, mais aussi dans les réacteurs nucléaires.
Segault est actuellement détenue par l'entreprise canadienne Velan.
La famille Velan a fait état récemment de discussions poussées avec Flowserve, grand robinetier américain. Un accord de rachat par Flowserve des activités de Velan, incluant Segault, pourrait intervenir d'ici à l'été.
Le calendrier est important. Avec le respect que je vous dois, monsieur le député, je vous indique donc que rien n'est fait. Bien sûr, nous sommes particulièrement vigilants.
Rires sur les bancs du groupe RN.
En effet, Segault est une entreprise stratégique et, vous l'avez mentionné, les États-Unis ont une réglementation très offensive, qui pourrait menacer la confidentialité des informations relatives aux technologies développées par Segault. Bien sûr, cette opération sera soumise à la procédure de contrôle des investissements étrangers.
« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe RN.
Bien sûr, le ministre de l'économie, le ministre des armées et la ministre chargée de l'énergie statueront sur les risques d'un tel rachat et sur les suites à donner.
Le retour à l'industrie, il y a ceux qui en parlent et ceux qui le réalisent.
« Excellent ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Grâce à la politique menée par la majorité et le Gouvernement, les investissements industriels ont augmenté de 32 % dans notre pays depuis 2017 – certes, je sais que vous n'aimez pas les chiffres.
Nous avons inversé la tendance, ce qui ne fait pas vos affaires – cela ne m'a pas échappé. Vous avez évoqué le décret Montebourg, mais vous devriez vous référer à ce qu'a fait Bruno Le Maire depuis lors :…
…en 2022, je vous le rappelle, il a maintenu au même niveau le plafond des investissements étrangers dans les entreprises stratégiques. Nous sommes vigilants…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en 2022, la France a exporté près de 30 mégatonnes de céréales, se plaçant ainsi au septième rang mondial des exportateurs de céréales brutes. La France s'impose comme le premier producteur européen de céréales et le premier exportateur de blé de l'Union européenne.
Or, à partir du 25 avril prochain, la France ne pourra plus exporter sa production céréalière en dehors de l'Europe, en raison de l'interdiction, à partir de cette date, de l'utilisation de la phosphine pour traiter les cargaisons de céréales dans les cales des bateaux. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui est à l'origine de cette décision, impose à présent de « ne pas appliquer le produit au contact des céréales ». De nombreux exploitants céréaliers le déplorent, car ils n'ont pas d'autre choix de molécules pour garantir les caractères « sain, loyal et marchand » et « exempt d'insectes vivants » des cargaisons de céréales destinées au grand export.
Cette nouvelle restriction aura de nombreux effets, à plusieurs niveaux. En effet, l'utilisation de ce produit est obligatoire, avant le débarquement de la marchandise, dans de nombreux pays clients de l'Hexagone. C'est notamment le cas en Afrique du Nord, l'Algérie étant l'un des premiers clients de la France au grand export.
En conséquence, l'exportation de céréales françaises sera bloquée. Dans la mesure où les autres pays européens exportateurs pourront continuer à utiliser la molécule de phosphine, cela mettra la France dans une position très désavantageuse.
Cela représente un risque immédiat pour notre filière céréalière et notre commerce extérieur.
La décision de l'Anses porte une atteinte grave aux exportations d'une filière stratégique pour la France. Comment le Gouvernement compte-t-il y réagir, afin de ne pas laisser les céréaliers sans solution et de ne pas faire subir à la France des contraintes à l'export qui seraient dévastatrices ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vous remercie de votre question, qui complète celles qui ont été posées sur le même sujet avant mon arrivée et auxquelles a répondu mon collègue Olivier Becht.
La France continuera d'exporter des céréales vers les pays tiers, même après le 25 avril. Elle le fera dans le cadre du droit, notamment européen, qui permet, en cas d'exportation, de déroger à l'interdiction d'utiliser de tels produits. Elle le fera en outre, je le rappelle, à la demande des pays d'importation. La France continuera à appliquer cette molécule sur les céréales, parce que les pays d'importation le réclament.
Elle le fera aussi au nom de sa vocation exportatrice, que vous avez rappelée, et au nom de nos exigences concernant la sécurité et la souveraineté alimentaires en Europe et dans le monde. Elle le fera, enfin, parce que l'Allemagne et la Bulgarie le font lorsqu'elles exportent vers l'Algérie, de même que la Roumanie lorsqu'elle exporte vers la Côte d'Ivoire. Il n'y a aucune raison que nous nous distinguions des autres pays européens en la matière.
À votre inquiétude, qui peut paraître légitime, je réponds que la France continuera bel et bien à exporter des céréales, dans le cadre réglementaire,…
…en ayant un seul souci : répondre à l'exigence des pays d'importation, qui est de trouver, sur le marché mondial, des produits céréaliers leur permettant de couvrir leurs besoins alimentaires.
M. Jean-Louis Bourlanges applaudit.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Les prix flambent. La situation devient insupportable pour les Français : ils sont contraints de débourser de plus en plus pour subvenir à leurs besoins vitaux ; c'est le cas pour l'énergie, pour les carburants et, surtout, pour la nourriture.
Des millions de Français ont faim ; ils doivent faire des sacrifices et des choix difficiles, simplement pour boucler leurs fins de mois. Ils font les courses la calculatrice à la main et ne s'en sortent plus : quatre sur dix déclarent sauter un repas. Les bailleurs sociaux ont constaté une augmentation des impayés de 10 %. Les pâtes deviennent du caviar, et les grandes enseignes y apposent des antivols. Même les associations caritatives ont du mal à se fournir en aliments de base.
Dans ce contexte, comment peut-on accepter que quelques-uns s'enrichissent indûment pendant que la majorité de nos concitoyens doit se serrer la ceinture ? Le fossé économique entre les plus riches et les travailleurs est gigantesque ! C'est une véritable injustice sociale et économique qui est en train de se jouer sous nos yeux.
Nos collectivités et nos centres communaux d'action sociale (CCAS) sont en première ligne. Ils se battent désormais pour le droit de manger, alors qu'ils se battaient auparavant pour le droit aux vacances, à la culture et à l'éducation.
La solution ne se trouve pas dans les mains des grands industriels ou des grands distributeurs ; elle ne dépend pas de leur bon vouloir. Les Français ne veulent pas l'aumône ; ils veulent vivre de leur travail ; ils ne veulent ni de chèque alimentaire ni de panier anti-inflation !
Quand le Gouvernement comprendra-t-il que la solution est l'augmentation générale des salaires et des pensions ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
J'espère que vous comprendrez que je réponde au nom de Bruno Le Maire, actuellement en déplacement.
Je ne nie pas que la situation est difficile pour un certain nombre de nos compatriotes. Je ne nie pas non plus que vous avez cité les difficultés dans le bon ordre : énergie, transport, alimentation. Il s'agit, précisément dans cet ordre, des trois postes de dépense les plus importants pour les ménages. C'est pourquoi, depuis l'été 2021, nous avons pris des mesures successivement dans ces trois domaines – énergie, carburants, alimentation.
Nous avons instauré le bouclier tarifaire, auquel nous avons consacré 110 milliards d'euros depuis le mois d'août 2021. Ce n'est pas anodin : il représente pour les ménages une économie de 150 à 200 euros par mois. Nous avons créé une indemnité carburant destinée aux travailleurs et revalorisé l'ensemble des minima sociaux ainsi que les retraites. Nous avons institué l'aide exceptionnelle de rentrée. Nous avons continué à supprimer des impôts, notamment la redevance audiovisuelle.
Nous avons agi non seulement par la loi – 44 milliards d'euros dès le projet de loi de finances rectificative pour 2022 –, mais aussi en dehors de la loi, grâce au trimestre anti-inflation.
Vous dites que cela ne sert à rien, mais c'est inédit : jamais, dans l'histoire de la grande distribution, les distributeurs ne s'étaient engagés à appliquer tous ensemble des promotions pendant trois mois.
J'aurai l'occasion de vous faire part dans les prochains jours des premiers bilans des paniers et du trimestre anti-inflation. Ils montrent que les prix commencent à stagner et, pour certains, à baisser.
Les prix des matières premières baissent et les consommateurs doivent le ressentir. C'est pourquoi Bruno Le Maire et moi-même avons écrit la semaine dernière à l'ensemble des industriels pour leur demander d'ouvrir des négociations en ce sens. Nous avons été présents et continuerons de l'être.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition énergétique. Depuis janvier 2022, l'installation des chaudières à gaz est interdite dans les constructions individuelles. À partir de 2025, cette prohibition s'appliquera aussi dans l'habitat collectif. Aujourd'hui, le bannissement du gaz ne concerne que le neuf, mais qu'en sera-t-il demain ? La filière s'inquiète. Les discussions au plus haut niveau laissent à penser que les chaudières au gaz pourraient être interdites lors du renouvellement dans les bâtiments anciens, avant d'être purement et simplement prohibées partout. Une telle interdiction aurait des conséquences importantes. Le remplacement d'une chaudière à gaz produite en France ou en Allemagne se fera par des pompes à chaleur qui coûtent environ quatre fois plus cher et dont les composants proviennent d'Asie, ce qui ne sera pas sans effet sur notre déficit commercial. Surtout, ce changement provoquera une augmentation de la consommation d'électricité : pour remplacer l'ensemble des chaudières à gaz, il faudrait produire une quantité d'électricité équivalente à neuf EPR – réacteur pressurisé européen. Dans le contexte actuel de pénurie de production d'électricité, cela peut susciter quelques inquiétudes.
Par ailleurs, de nombreux agriculteurs ont investi dans la méthanisation, c'est-à-dire la production de gaz vert directement injecté dans les réseaux. Ces gaz verts font désormais partie intégrante de l'économie de nos territoires. Ils nous permettent de décarboner la filière gaz et de sortir de notre dépendance au gaz russe. Ce n'est pas le moment de mettre fin à une filière aux retombées positives, qui a besoin d'être rassurée sur son avenir.
Je vous pose donc quelques questions simples : avez-vous pour but d'interdire le renouvellement des chaudières à gaz et de prohiber le chauffage au gaz ? Si tel est le cas, pouvez-vous nous assurer que la production d'électricité sera suffisante pour répondre à l'électrification massive du secteur du chauffage et que le gaz vert ne sera pas purement et simplement abandonné ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Permettez-moi d'excuser l'absence d'Agnès Pannier-Runacher. L'ambition du Président de la République est claire : nous devons être le premier grand pays industriel à se libérer de la dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone avant 2050. C'est un objectif ambitieux mais nécessaire : nécessaire pour nos concitoyens, nécessaire pour la planète. Sous l'égide de la Première ministre chargée de la planification écologique, nous travaillons à décliner cette ambition, secteur par secteur.
Concernant le chauffage à gaz, la réglementation environnementale RE2020 impose, depuis le 1er janvier, une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles : l'obligation s'étendra progressivement à l'habitat collectif et aux bâtiments tertiaires. Vous l'avez dit, c'est un objectif nécessaire. Notre but est de produire l'énergie la plus décarbonée possible, d'assurer le confort des logements et de faire baisser les charges – individuelles ou de copropriété – supportées par nos concitoyens, en même temps que de diminuer notre empreinte carbone.
Il n'y a pas, à ce jour, d'objectif d'interdiction de la production de chauffage et d'eau chaude sanitaire au gaz dans le logement ancien. C'est un travail que nous devons mener collectivement avec l'ensemble des acteurs et des fournisseurs pour parvenir à un résultat équilibré, en tenant l'objectif de décarbonation qui est le nôtre.
Le gaz vert peut évidemment être utilisé pour autre chose, en particulier pour la mobilité. Il faut regarder où l'on va.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en tant que rapporteur de la mission d'information de la commission des affaires économiques sur la gestion de l'eau, je tiens à saluer le plan présenté par le Président de la République le 30 mars dernier. Ce plan ambitieux comprend des mesures pour protéger les ressources, garantir un accès équitable à l'eau potable et lutter contre les pollutions de l'eau ! ces mesures s'inscrivent dans la droite ligne des préconisations formulées dans le cadre de notre mission.
Je souhaiterais vous entendre plus précisément sur les moyens financiers mobilisés dans le cadre de ce plan, sur les actions de lutte contre la surexploitation des nappes phréatiques, sur la préservation de la biodiversité des milieux aquatiques, sur l'accès à une eau potable de qualité, notamment dans les zones rurales, pour nos concitoyens les plus isolés, et sur la réduction de la pollution de l'eau. Comment envisagez-vous de travailler avec les parlementaires, les collectivités locales et les acteurs de l'eau pour relever ce défi qui concerne le quotidien de nos concitoyens au même titre que la souveraineté alimentaire, agricole et industrielle ? Quels partenariats publics et privés pourraient être conclus à cette fin ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Vous avez cité le rapport du président Morenas, dont le corapporteur était Loïc Prud'homme.
Mme Véronique Riotton applaudit.
Je salue les députés, encore très nombreux ici, qui y ont contribué, comme Pascale Boyer, Hubert Wulfranc, Vincent Thiébaut et vous-même, qui avez beaucoup travaillé dans le cadre de cette mission.
Le plan présenté par le Président de la République à Savines-le-Lac acte le retour d'expérience de l'été dernier. Il s'inscrit dans la suite des rapports rendus par la Cour des comptes et par le Parlement, y compris celui de juin 2018 auquel vous faites référence, lequel était très complet sur le sujet. Le Comité national de l'eau et les agences de l'eau y ont été associés en amont. C'est sur cette base que nous avons déterminé les niveaux financiers et les axes nécessaires : optimiser la ressource, organiser la sobriété, renforcer la gouvernance, améliorer la qualité et prévoir les moyens.
L'eau représente 20 milliards d'euros de dépenses annuelles dans notre pays. Différents rapports, y compris ceux du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que les retours des acteurs de terrain pointent le fait qu'il faudrait entre 5 et 6 milliards d'euros supplémentaires par an pour lutter contre les fuites, proposer des systèmes d'irrigation permettant d'éviter les prélèvements sauvages et organiser une hydraulique agricole qui permette de résoudre la question de la sobriété à l'hectare en tenant compte des besoins de la transition agricole. Pour cela, nous appliquons le modèle qui existe aujourd'hui. Un peu plus de 2 milliards d'euros seront mis à la disposition des agences de l'eau qui génèrent ces 20 milliards. Nous avons besoin de 5 à 6 milliards supplémentaires : nous ajoutons donc 475 millions d'euros. L'enveloppe des Aqua prêts gérés par la Caisse des dépôts et consignations sera doublée. Ces mesures feront l'objet d'un contrôle parlementaire, puisqu'elles figureront dans le projet de loi de finances : vous aurez donc bientôt l'occasion d'entrer dans le détail. Je me réjouis d'être auditionné prochainement par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, présidée par M. Zulesi, pour répondre à vos questions de manière plus précise.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, sans bruit, ils se lèvent chaque matin avec, pour seule boussole, l'envie de prendre soin des autres. Quand ils sont déçus du mépris et de l'ignorance dont votre Gouvernement fait preuve à leur égard, ils ne sont pas les premiers à crier haut et fort leurs revendications. Mais cette fois-ci, c'en est trop ! L'exaspération des infirmiers libéraux est longtemps restée silencieuse. Pourtant, la colère gronde depuis 2019 et l'avenant qui les contraint à éviter les prises en charge lourdes, car ces dernières sont moins bien rémunérées.
Leur forfait résulte d'un algorithme classant les patients en trois niveaux, du plus léger au plus lourd, le montant versé étant journalier. Cette situation est un supplice pour eux, puisqu'elle entraîne une dégradation évidente de la prise en charge des patients. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a été le coup de grâce. En effet, l'article 102 les rend redevables d'un indu à l'Assurance maladie en cas d'irrégularité sur les règles de tarification. L'amalgame qui est fait entre eux et les fraudeurs les blesse et les pénalisera fortement.
Ils le perçoivent comme une preuve supplémentaire de l'acharnement à l'encontre de leur profession. Il est estimé que 60 professionnels sur 100 envisagent d'abandonner leur métier dans les cinq ans à venir. Vous ne pouvez nier l'urgence et la gravité de la situation. Quand allez-vous répondre à leurs revendications ? Elles sont simples : la revalorisation de leur nomenclature, gelée depuis 2012,…
…une compensation pérenne de l'augmentation des prix du carburant, la prise en compte de la pénibilité de leur profession et, enfin, un plan pour reprendre en main les soins en ville. Sauver l'hôpital, oui, mais le libéral aussi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Notre système de santé marche sur deux jambes, une jambe libérale et une jambe hospitalière. Il est hors de question de favoriser l'une par rapport à l'autre. Les infirmiers libéraux sont un élément essentiel de la chaîne des soins et de l'accès à la santé dans les territoires. Dans les territoires les plus éloignés, ce sont souvent les seuls qui vont au plus près des patients âgés, isolés ou dépendants.
L'objectif est de reconnaître au mieux leurs compétences et le rôle qu'ils jouent dans la chaîne des soins. Pour cela, nous actionnons trois leviers. Le premier est de faire évoluer les compétences des infirmiers. Sans même parler des infirmiers en pratique avancée, je me réjouis que la proposition de loi de Mme Rist, qui a eu une conclusion favorable, reconnaisse le rôle clé des infirmiers dans le cadre de l'accès direct – je pense en particulier à la prise en charge des plaies chroniques. Le deuxième consiste à maintenir la reconnaissance de la permanence des soins en donnant aux infirmiers libéraux la possibilité de participer aux gardes de nuit, en particulier dans les Ehpad, avec une rémunération spécifique – cela a été fait l'été dernier. J'annoncerai dans quelques jours d'autres mesures, comme l'expérimentation de la réalisation des certificats de décès par les infirmiers, qui répondent à des problèmes pratiques dans les territoires.
Troisièmement, nous ferons évoluer la formation des infirmiers pour refléter l'évolution de leurs compétences. Leur décret de compétences – à l'heure actuelle, c'est une liste d'actes qui se lit comme un inventaire à la Prévert – sera modifié avant la fin de l'année ; le nouveau leur donnera plus de liberté dans la réalisation de leurs missions. Concernant la rémunération, le BSI, le bilan de soins infirmiers mis en place en 2020, a été augmenté en 2022 pour la période 2022-2024 : son financement a doublé pour monter à 217 millions d'euros. Nous maintenons le financement des frais kilométriques en étoile, qui permet un meilleur remboursement. Enfin, je suis attentif aux effets de l'inflation sur les frais des professionnels de santé libéraux.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Les infirmiers libéraux vous demandent de la considération et des actions en faveur de leur métier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette question s'adresse à M. le ministre de la santé.
Jour après jour, des scandales sanitaires sont révélés dans une indifférence qui confine à la cécité. Dernière révélation en date, par un rapport de l'Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail : un tiers de l'eau potable distribuée est contaminé par les métabolites du chlorothalonil, pesticide interdit en France depuis 2020, alors même que l'on savait au moins depuis 2006, par la Commission européenne, qu'il avait la capacité de polluer massivement notre eau potable. Comment se fait-il que ce métabolite n'ait pas fait l'objet d'une surveillance plus précoce par les services de l'État, alors que le risque était parfaitement connu ?
Ils sont occupés à empêcher nos exportations de céréales, voilà pourquoi !
Les autorités publiques savaient depuis très longtemps et n'ont pourtant rien fait. Cette inaction est coupable et révèle la faillite du suivi post-homologation de ce pesticide et le non-respect du principe de précaution. Aujourd'hui, le scandale continue : à la suite des révélations de l'Anses, le Gouvernement s'est voulu rassurant, expliquant que les résidus de chlorothalonil dans l'eau ne présentent pas de risque sanitaire. Cette légèreté confine à l'inconscience : en réalité, aucune recherche probante sur la toxicité des métabolites n'a été conduite. Il n'existe donc aucune certitude…
…sur les effets sanitaires à long terme d'une exposition répétée, même à petites doses, aux métabolites du chlorothalonil. Une étude censée nous rassurer sera menée par le géant de l'agrochimie Syngenta. Cette étude, par la méthodologie choisie, ne nous apprendra rien sur les effets à long terme. Par ailleurs, comment accepter que le pollueur, en l'occurrence Syngenta, soit aussi le commanditaire de cette étude ? On ne peut pas être juge et partie. La santé publique ne doit pas être subordonnée aux intérêts des multinationales de l'agrochimie.
Monsieur le ministre de la santé, allez-vous demander l'application du principe de précaution ? Le Gouvernement auquel vous appartenez va-t-il cesser d'autoriser des pesticides dont on sait qu'ils aggravent les risques de la civilisation des toxiques dont il est impératif de sortir ? Allez-vous défendre nos vies plutôt que les lobbys ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
L'eau est notre bien le plus précieux. La qualité de celle qui destinée à la consommation humaine et la surveillance de cette qualité constituent des enjeux majeurs en matière de santé publique, à la fois au niveau national et au niveau européen. C'est la raison pour laquelle, sous l'autorité du ministère de la santé et de la prévention, la direction générale de la santé confie régulièrement des missions aux agences d'expertise françaises afin de disposer de données sanitaires sur les pesticides et leurs métabolites. De toute évidence, il est essentiel de connaître l'exposition de la population à certains contaminants présents dans l'eau potable pour évaluer les risques sanitaires et compléter la liste des substances à surveiller.
L'Anses a publié la semaine dernière les principaux résultats de la dernière campagne exploratoire 2020-2022 de mesure de l'occurrence de composés émergents dans les eaux destinées à la consommation humaine. Que nous disent ces résultats ? Ils mettent en évidence la contamination des ressources en eau destinées à la consommation humaine et utilisées en France métropolitaine par différents métabolites, dont celui du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020. Cette pollution représente-t-elle un risque sanitaire ? À ce stade et à ce jour, la campagne exploratoire de l'Anses a révélé des concentrations maximales de 2 microgrammes par litre. Or la valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir un risque sanitaire est de 3 microgrammes par litre. Les échantillons prélevés ne présentent donc pas de risques sanitaires, il faut le rappeler.
Plusieurs responsables de la production et de la distribution d'eau ont déjà intégré le chlorothalonil et ses métabolites dans leur plan de surveillance. De même, dans le but de fournir des résultats fiables, le programme de contrôle des agences régionales de santé intégrera progressivement, à partir de 2023, le chlorothalonil et ses métabolites dans le contrôle sanitaire des eaux. Ces décisions permettront de poursuivre le travail d'amélioration de la qualité des eaux, en particulier dans les zones de captage, et d'adapter les mesures nécessaires aux spécificités territoriales, conformément aux annonces du Président de la République lors de la présentation du plan Eau le 30 mars dernier. Soyez donc assuré que ce sujet fait l'objet de la plus grande vigilance de la part du Gouvernement.
Madame la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, j'associe mon collègue Bruno Millienne à ma question.
L'industrie, porteuse des emplois d'aujourd'hui et de demain, est l'un des moyens de la transition écologique et conditionne la souveraineté de la France. Elle est aussi créatrice de richesses à redistribuer et à partager. Les crises et les chocs économiques provoqués par la covid-19 et la guerre en Ukraine ont démontré de manière incontestable le rôle crucial de l'industrie pour l'économie et les impasses auxquelles se heurte un pays privé d'usines. Vous le constatez tous, mes chers collègues, lorsqu'une industrie en difficulté menace de fermer ses portes dans votre circonscription.
Au-delà de ces constats, soulignons que l'industrie sera pour nous une alliée précieuse dans les transitions que nous devons mener. Je pense évidemment aux transitions énergétique et climatique, mais aussi aux enjeux de justice sociale liés à la redistribution des richesses et au partage de la valeur par la rémunération du travail. Dès lors, il convient d'amplifier la dynamique de réindustrialisation de la France d'ores et déjà engagée. Nous devons viser un projet d'industrie bas-carbone conjuguant prospérité et économie circulaire. La France ne doit pas se laisser distancer par les pays européens et les autres pays étrangers qui s'engagent dans ce virage. Construire une industrie viable, vivable et équitable est un rendez-vous à ne pas manquer, pour aucun territoire, ni aucune entreprise, des PME aux plus grandes.
Madame la ministre déléguée, le prochain projet de loi sur l'industrie verte permettra-t-il à la France d'être présente à ce rendez-vous ? Les leviers de la simplification, de la fiscalité, de la commande publique et de la formation auront-ils des retombées sociales, économiques et environnementales pour tous les Français, dans tous les territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie. Ce dernier est aux Pays-Bas avec le Président de la République,…
Sourires.
… précisément pour parler de l'industrie. En France comme au plan international, le Gouvernement est à la tâche pour soutenir notre industrie, en particulier l'implantation de projets industriels dans notre pays. Hier, la France ne produisait plus ; aujourd'hui, elle produit de nouveau.
La taxation du capital avait conduit à l'appauvrissement du pays.
La politique conduite depuis 2017, notamment sur le plan fiscal – la baisse des impôts de production –, permet à la nation française de redevenir enfin une nation de production, une nation industrielle, ce qui se traduit dans les chiffres. La France crée davantage d'emplois industriels aujourd'hui que par le passé. Plus de 90 000 emplois industriels ont été créés en cinq ans. Le solde de créations de nouvelles usines est également positif. Mais cela ne sert pas les intérêts de tout le monde, puisque certains construisent leur politique sur le malheur des circonscriptions.
Force est de constater que les projets industriels sont de retour en France et que des emplois sont créés dans le secteur de l'industrie. Nous devons cependant aller plus loin. C'est la raison pour laquelle Bruno Le Maire défendra au cours des prochaines semaines, avec Roland Lescure, un nouveau projet de loi sur l'industrie verte, qui sera présenté au Conseil des ministres et débattu cet été au Parlement – je ne doute pas que vous serez force de proposition. L'objectif est simple : après plus de 300 consultations, notamment auprès des parlementaires, nous voulons aboutir à un consensus et donner les moyens aux acteurs économiques d'implanter des industries vertes dans leur territoire, en leur facilitant la tâche. Les technologies qui s'imposeront sont connues : il s'agit de l'hydrogène, des batteries, des semi-conducteurs, des photovoltaïques et des pompes à chaleur. Si le dérèglement climatique est clairement le défi de ce début de siècle, la réindustrialisation en est le défi économique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, les aéroports régionaux et les lignes d'aménagement du territoire traversent aujourd'hui des zones de turbulence.
Certains aéroports ont signé des obligations de service public (OSP), comme l'aéroport de Brive-Vallée de la Dordogne, en Corrèze. Dans notre OSP, l'État s'était engagé à hauteur de 50 % de participation financière, soit 20 millions d'euros sur quatre ans.
À l'issue de la première année d'exploitation, il s'avère qu'il n'a participé qu'à hauteur de 34 % au financement de l'aéroport, car les recettes sont plafonnées aux recettes réalisées et non aux recettes prévisionnelles. Il faut ajouter à cela une explosion du coût du carburant et de la taxe carbone, ce qui oblige les compagnies à dénoncer les OSP pour obtenir des financements supplémentaires.
Dans nos territoires ruraux, ces aéroports sont de véritables outils d'attractivité économique, touristique et d'aménagement du territoire. Les collectivités – départements, régions et agglomérations – qui participent au financement des aéroports sont prises en otage du fait de leur besoin impérieux d'une ligne vers Paris et de leur situation financière difficile, que j'ai déjà évoquée. Les Corréziens ne peuvent plus compter sur le train Paris-Brive-Toulouse, systématiquement en panne ou en retard – il met aujourd'hui quarante-cinq minutes de plus qu'en 1970 pour faire son trajet !
D'où la nécessité de l'avion pour soutenir le développement économique. Ma question est donc double : quelle est la stratégie du Gouvernement pour les lignes aériennes d'aménagement du territoire, notamment après les conclusions des assises nationales du transport aérien, organisées en mars 2019 par Élisabeth Borne, alors ministre chargée des transports ?
Par ailleurs, quelle politique appliquerez-vous afin de limiter les coûts inflationnistes pratiqués par les transporteurs qui daignent encore répondre aux OSP ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison d'insister sur la nécessité de lignes, y compris aériennes, d'aménagement du territoire. Vous avez évoqué une ligne ferroviaire essentielle, la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), qui concerne directement votre département, la Corrèze, et la ville de Brive-la-Gaillarde, et sur laquelle le Gouvernement a décidé de réinvestir massivement depuis dix-huit mois, par un effort de renouvellement intégral des rames – dont certaines sont parfois vieilles de plus de cinquante ans. Le réseau va être modernisé et rénové grâce à un financement intégral de l'État, pour un total de plus de 2 milliards d'euros.
M. Francis Dubois s'exclame.
Ce dossier est notre priorité absolue.
Dans le prolongement des assises nationales du transport aérien pilotées par Élisabeth Borne, nous assumons de mener une stratégie fondée sur la complémentarité entre le train et l'avion. Dans l'attente de certains travaux ou en complément de certaines lignes ferroviaires, quand le désenclavement d'un territoire ne peut pas être assuré de manière satisfaisante, nous subventionnons des aéroports régionaux. Mon ministère soutient dix lignes d'aménagement du territoire chaque année, pour un total de 25 millions d'euros par an, soit un effort important.
En ce qui concerne l'aéroport de Brive-Vallée de la Dordogne, au début de l'année 2022, nous avons renouvelé pour quatre ans la ligne Brive-Paris Orly et ses obligations de service public. Vous avez décrit le mécanisme de financement de l'aéroport : je rappelle que l'État est le premier contributeur au déficit d'exploitation. Comme nous l'avons fait pour d'autres lignes encore récemment, nous sommes prêts à adapter notre soutien à votre aéroport pour tenir compte de l'augmentation des coûts de l'énergie. Néanmoins, nous devons le faire de manière responsable, c'est-à-dire de manière partagée avec les collectivités concernées par les OSP, afin que le surcoût soit assumé de manière équitable par les différents financeurs. Je suis prêt, en tout cas, à examiner la situation de l'aéroport de Brive avec vous.
Notre priorité est de réinvestir dans le réseau ferroviaire et, en complément, pour lutter contre le désenclavement de certains territoires, d'accompagner les lignes aériennes d'aménagement du territoire de manière ciblée et temporaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le 30 mars dernier, l'Insee, dans le silence médiatique, a publié son rapport sur l'immigration légale, dont les résultats viennent confirmer les analyses et les mises en garde du Front national, puis du Rassemblement national, depuis cinquante ans. Selon les chiffres de l'Insee, en cinquante ans, l'immigration africaine a augmenté de 515 % – une personne sur dix en est issue – et l'immigration asiatique de 1 166 %. La majeure partie de cette population immigrée ne vient pas de pays en guerre. En 2021, un résident français sur dix était un immigré, sans compter les clandestins. Où sont l'intégration et l'assimilation ? Certains diront que la France a toujours été une terre d'asile, mais dans quelle proportion ?
La France n'a jamais été confrontée à une telle situation. En 1911, une personne sur trente-six était immigrée ; aujourd'hui, c'est une personne sur dix. La population immigrée a été multipliée par six alors que la population totale n'a même pas doublé.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'exemple de l'Île-de-France est révélateur. Près d'une personne sur cinq est immigrée : 20 % à Paris, 21 % dans le Val-d'Oise, 22 % dans le Val-de-Marne et 31 % en Seine-Saint-Denis.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Cette immigration déborde aujourd'hui dans les départements limitrophes, en particulier dans l'Oise. Elle a des conséquences sociales et économiques : selon l'Insee, 30 % des immigrés sont sans activité et 50 % des titres de séjours délivrés concernent une migration économique et familiale.
Huées sur les bancs des groupes LFI – NUPES.
Chaque année, entre 150 000 et 200 000 nouveaux individus migrent légalement en France, soit l'équivalent d'une ville comme Rennes. Enfin, 50 % des étrangers continuent de pratiquer leur langue d'origine avec leur famille…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre temps de parole est écoulé, cher collègue.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté.
Je vous prie de bien vouloir excuser Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui reçoit actuellement des représentants de la Nouvelle-Calédonie. La France fait effectivement face à des flux migratoires dont le niveau atteint pratiquement celui des flux que nous avons connus pendant la crise migratoire de 2015. Regarder cette réalité en face, avec objectivité et mesure, est la condition nécessaire pour préparer notre pays aux défis qui l'attendent.
Mme Rachel Keke s'exclame.
Le Gouvernement mobilise des moyens sans précédent pour lutter contre l'immigration irrégulière – je pense notamment aux moyens déployés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). La plus grande fermeté s'applique aux étrangers auteurs d'actes de délinquance, de crimes ou de délits. Ils bafouent la tradition d'accueil dont la République s'honore. Leur éloignement est notre priorité.
En 2022, 2 500 titres de séjour ont été retirés pour cause de troubles à l'ordre public, 90 000 refus de délivrance de titres ont été prononcés et 3 615 étrangers en situation irrégulière ont été expulsés. On retrouve cette même ambition de fermeté dans le projet de loi défendu par le ministre de l'intérieur et le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt.
Ce texte entend assouplir les conditions d'expulsion des étrangers en levant les protections existantes. La fermeté n'est pas attendue seulement par les Français : elle est aussi demandée par les étrangers qui ne veulent plus être confondus avec ceux qui abîment leur réputation et mettent à mal leurs efforts d'intégration. Et c'est une fille d'immigrés qui vous le dit.
Cette fermeté va de pair avec l'amélioration de notre politique d'asile et de nos dispositifs d'intégration par la maîtrise du français, le travail et le respect des valeurs républicaines.
À la demande du Président de la République, pour conduire une politique d'accueil plus efficace et plus humaine, nous assumons pleinement de vouloir accueillir moins, pour accueillir mieux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
En février, M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique annonçait : « Il n'y aura pas de mars rouge. Je réfute cette expression […] qui fait peur aux Français. » Résultat : au mois de mars, l'inflation des prix alimentaires a dépassé pour la première fois 15 %. C'est du jamais-vu depuis les années 1980. Hélas, la hausse des prix alimentaires affecte en premier lieu les Français les plus pauvres.
Dans ma circonscription, les étudiants de l'université d'Évry font la queue par centaines aux Restos du cœur. Dans les quartiers populaires de Corbeil-Essonnes, certains se privent et ne mangent qu'une seule fois par jour pour garantir un repas du soir à leurs enfants. Dans la ville de Lisses, certains retraités sont contraints de voler au supermarché pour se nourrir. Aujourd'hui, une famille de deux personnes dépense 521 euros par mois au supermarché : c'est quasiment 100 euros de plus qu'il y a un an. Le prix du riz a augmenté de 25 %, celui du beurre de 22 % et celui des steaks hachés de 33 %. Aujourd'hui, en France, plus de 8 millions de personnes ont recours à l'aide alimentaire. C'est votre bilan !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous le savez pertinemment, la hausse des prix dans les supermarchés est dopée par les profits de l'industrie agroalimentaire, qui sont responsables de 60 % de l'inflation ce trimestre – ils ont doublé, passant de 3 milliards à 6 milliards d'euros. Mais vous refusez de voir la réalité en face : à la mise en place des repas à 1 euro pour nos étudiants, vous préférez l'installation d'antivols sur les sachets de pâtes. Quand allez-vous maîtriser les marges et les profits des multinationales, qui gonflent les prix et alimentent la faim en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand allez-vous instaurer le blocage des prix et l'indexation des salaires, afin d'éviter que des émeutes ne surviennent en France ?
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
La lutte contre l'inflation et ses conséquences sur nos concitoyens est au cœur des préoccupations du Gouvernement.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous le savons : même si l'inflation est moins forte en France qu'ailleurs, elle frappe plus durement les ménages dotés des revenus les plus modestes, les personnes âgées ainsi que ceux qui vivent le plus loin des villes. Sur douze mois, elle a atteint 5,6 % ; c'est heureusement moins qu'ailleurs en Europe, et nous le devons notamment aux 46 milliards d'euros dépensés par l'État pour contenir la hausse des prix de l'énergie. Mais il était nécessaire d'atténuer les effets de l'inflation sur les ménages les plus modestes : c'est pourquoi le Gouvernement a agi dès l'été 2022, notamment en augmentant les minima sociaux de plus de 4 % en juillet, mesure complétée au 1er avril par une nouvelle revalorisation de 1,6 %, qui permet de rattraper le niveau de l'inflation – 5,6 % sur un an.
À cela s'ajoute une allocation exceptionnelle de solidarité distribuée aux ménages les plus modestes et dont le montant s'élève en moyenne à 160 euros, ainsi qu'un chèque énergie pouvant aller jusqu'à 200 euros par famille, versé à 11 millions de ménages pauvres ou modestes. Par ailleurs, les moyens des associations de solidarité ont été renforcés grâce au triplement des crédits de l'aide alimentaire : ils sont passés à 140 millions d'euros, ce qui nous a notamment permis de débloquer une aide de 10 millions d'euros en urgence cet automne en faveur des étudiants.
Sur le volet alimentaire, nous continuons, bien entendu, à aider les plus fragiles et les classes modestes. Ma collègue Olivia Grégoire a, tout à l'heure, fait référence au trimestre anti-inflation, et je signale également l'existence du programme Mieux manger pour tous, dont le déploiement est en cours : 60 millions d'euros seront dévolus aux associations d'aide humanitaire, au niveau national, ainsi que dans les territoires, pour permettre aux familles modestes et à celles issues des classes moyennes d'accéder à une alimentation saine et de qualité.
Un paquet de pâtes et un steak haché coûtent 2,46 euros de plus qu'il y a un an ! Les chiffres ne mentent pas, monsieur le ministre, et j'ai entre mes mains un ticket de caisse qui le prouve, si vous voulez le voir !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, après vous avoir sollicité pour sauver la production de cerises et pour développer celle de la châtaigne, je reviens vers vous concernant une autre spécialité française. Cette spécialité, qui fait le bonheur de nos voisins européens et d'autres pays dans le monde, nous a conduits à perdre notre souveraineté alimentaire au profit de l'importation de nombreux produits, comme la moitié des fruits que nous consommons : je veux évidemment parler de la spécialité française de surtransposition de normes agricoles.
Le 26 octobre 2022, nous avons eu un nouvel exemple de l'ingéniosité de notre pays en la matière :…
…l'Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – a décidé d'interdire, à partir du 25 avril prochain, l'utilisation d'un insecticide utilisé pour l'exportation des céréales. Dans une dizaine de jours, les agriculteurs français ne pourront donc plus exporter des céréales hors de l'Union européenne : or ces exportations représentent environ 11,5 millions de tonnes de grains d'hiver, soit 3,8 milliards d'euros – une paille ! Et ce n'est pas le pire car, dans le même temps, nous pourrons, nous, Français, continuer à importer des céréales traitées avec cet insecticide. Une telle situation interroge ; elle pourrait même prêter à sourire, si elle n'avait pas autant de conséquences pour nos agriculteurs, pour les habitants des pays importateurs de céréales et même sur les équilibres géopolitiques existants.
Que l'Anses n'interroge pas l'existence d'un passe sanitaire, l'émergence de solutions en matière phytosanitaire ou encore la pérennité de nos exploitations, c'est une chose, car son rôle est d'évaluer les risques pour la santé des Français. Mais quelle est la place du politique dans la définition du niveau de danger acceptable ? Nous ne pouvons laisser faire : nous ne pouvons être aussi inactifs que les gouvernements de droite et de gauche qui ont désindustrialisé la France et laissé mourir notre agriculture. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim, la revalorisation des retraites agricoles et la réforme de l'assurance récolte le prouvent : nos ambitions pour la souveraineté alimentaire et pour nos agriculteurs sont claires depuis six ans. Alors, monsieur le ministre, comment comptez-vous concilier l'exigence de souveraineté alimentaire avec les objectifs relatifs à l'environnement et à la santé publique ?
Les surtranspositions françaises sont-elles une fatalité, ou allons-nous nous donner les moyens…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Merci de votre question qui me permettra de compléter la réponse que j'ai déjà apportée sur ce sujet de la phosphine et, globalement, à propos des produits phytosanitaires. Une autre question, je crois, me sera posée ensuite sur le même sujet. Je veux d'abord rappeler, comme je l'ai fait tout à l'heure, que sur ce type de sujets, il est bon de lire ce que dit le droit ; je vais donc le faire. À propos de la phosphine, le droit procède à la dérogation suivante : « Les limites maximales applicables aux résidus de pesticides établies conformément au présent règlement ne s'appliquent pas aux produits couverts par l'annexe I destinés à l'exportation vers des pays tiers et traités avant l'exportation, lorsqu'il a été prouvé […] que le pays tiers de destination exige ou accepte ce traitement particulier afin de prévenir l'introduction d'organismes nuisibles sur son territoire. » Ce dont nous parlons est strictement couvert par cette disposition, qui se trouve dans le troisième paragraphe de l'article 2 du règlement (CE)396/2005 du Parlement européen et du Conseil du 23 février 2005.
Si je le précise, c'est parce qu'il faut d'abord agir en droit, dans ces affaires-là : il faut donc rappeler l'état du droit européen, qui permet cette dérogation. C'est donc à bon droit que nous allons produire la dérogation en question, et je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de notre volonté d'encourager les exportations.
Ensuite – c'est le deuxième aspect de ma réponse –, le droit européen étant clair, il faut aussi que nous répondions aux besoins des pays vers lesquels nous exportons, je pense en particulier aux pays de la rive sud de la Méditerranée. Nous sommes dans une situation particulière qui exige de réfléchir aussi aux niveaux politique et géopolitique, et non seulement juridique : de ce point de vue, nous devons également assurer la sécurité alimentaire de nos voisins.
C'est la responsabilité et la vocation de la France : il est nécessaire, dans le moment particulier de la guerre en Ukraine, que nous faisions en sorte de couvrir les besoins de nos voisins, pour que ce ne soit pas d'autres – y compris ceux qui mènent la guerre sur le territoire européen – qui s'en chargent. Sans cela, nous aurions pu nous abstenir de procéder à ces exportations. Nous allons donc à la fois nous conformer au droit et nous adapter à la situation politique et géopolitique. C'est peut-être ce que vous appelez de vos vœux : quoi qu'il en soit – je le dis au nom du Gouvernement, car nous partageons tous cette volonté –, nous nous efforçons de tout faire pour que la France, dans ce domaine, retrouve son rang.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Au vu de son caractère interministériel, ma question, qui va détonner par rapport aux trois précédentes concernant l'Anses, s'adresse à Mme la Première ministre. Les dernières déclarations du Gouvernement sur le S-métolachlore nous ont paru pour le moins confuses, au moment où notre pays a besoin de se rassembler dans la clarté. J'espère vous donner l'occasion, dans la réponse que vous m'apporterez, de faire la clarté en droit, comme vient de le dire le ministre de l'agriculture. Je veux d'abord rappeler ce qu'il y a d'anachronique dans la remise en cause de la décision de l'Anses. Elle est simplement la réponse à une saisine des ministères chargés de l'agriculture, de la santé et de la transition écologique, datant du 17 mai 2021. Par ailleurs, l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, s'apprête à rendre des conclusions équivalentes. Enfin, nous le savons, d'autres solutions existent.
Sur le fond, il nous semble que ces déclarations remettent en cause l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, modifié par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui a donné à l'Anses le pouvoir de déterminer quand un produit est autorisé et quand il ne l'est pas. Toute reprise en main politique serait une fiction : elle reviendrait de fait à donner les pleins pouvoirs à l'économie, selon une vision paradoxale qui réserverait les bénéfices à quelques-uns et les risques à tous les autres.
Nous aimerions, madame la Première ministre, que vous nous rassuriez sur ce point. Nous sommes prêts à vous suivre sur l'ensemble du plan Écophyto 2030, qui reprend en grande partie les préconisations qui avaient été enterrées en 2014 avec le rapport que j'avais rendu au Premier ministre de l'époque, intitulé « Pesticides et agro-écologie : les champs du possible. » Je voudrais que vous nous répondiez sur un point très précis : nous disons oui aux transitions dans ce domaine et oui aux synchronisations entre droit européen et droit français mais, de grâce, ne touchez pas à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, car il est le contrat de confiance entre notre pays et l'agriculture. Il est très clairement la garantie de la santé des sols, de la terre et des hommes. Les députés du groupe Socialistes et apparentés sont fortement attachés aux institutions républicaines et scientifiques en matière de sécurité nucléaire et de sécurité sanitaire. Garantissez-nous que vous ne remettrez pas en cause nos institutions et que vous renforcerez leur autorité, au nom de l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
En vous entendant, je me disais que votre lecture de mes propos ne correspond pas à ce que j'ai vraiment dit, en particulier sur ce sujet du S-métolachlore, au sujet duquel vous nous interpellez. La seule chose que j'ai dite, et je continue à le faire, c'est qu'il est nécessaire – vous l'avez vous-même reconnu – de synchroniser nos décisions nationales avec les décisions européennes. Cela ne me semble pas être une injonction contradictoire avec la volonté, que nous partageons, de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires en France.
Mais comme nous nous trouvons dans un marché commun – le marché unique –, si nous procédons à des décisions complètement désynchronisées par rapport à celles que prennent les autres, il arrivera ce qui est déjà arrivé à propos d'autres produits : nous perdrons en compétitivité et en souveraineté, et nos voisins européens se feront fort, parce qu'ils sont aussi compétitifs que nous, de nous fournir. Voilà la question à laquelle nous faisons face, et j'ajoute que nous avons besoin de changer de méthode. J'insiste : nous avons besoin de changer de méthode, c'est-à-dire de faire en sorte que chacun se sente concerné par la nécessité de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, pour la santé et pour l'environnement, mais qu'en même temps chacun s'implique aussi dans l'objectif de souveraineté alimentaire, afin que la ferme France reste productive.
Si nous ne concilions pas ces deux éléments, nous ne nous en sortirons pas. C'est ce que nous voulons, et rien d'autre : il n'est pas question de remettre en cause quoi que ce soit, sinon une méthode. Tout le monde est responsable de la souveraineté, comme tout le monde l'est de l'environnement et de la santé publique. Voilà la vérité, et voilà ce sur quoi nous devons travailler. La méthode qui a été définie avec Mme la Première ministre est donc simple : elle consiste à regarder, pour chaque produit, pour chaque molécule et pour chaque filière, où sont les impasses et quelles sont les autres solutions.
Nous avons besoin d'accélérer pour trouver d'autres solutions monsieur Potier. Vous dites qu'il y en a, mais les mêmes nous disaient qu'il y avait d'autres solutions pour la betterave, alors que ce n'est pas le cas, ou pour les cerises, et nous avons perdu en compétitivité dans ce domaine. Les solutions, je veux les voir !
Ma question a trait à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique !
Permettez-moi de le dire. Il faut que les solutions soient mises sur la table pour qu'elles soient proposées plus facilement aux agriculteurs concernés. Il est donc question non pas de sortir du dispositif légal existant,…
…mais d'avancer en changeant de méthode.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, lors de la commission d'enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, nous avons proposé, conformément aux attentes des Français, différentes mesures pertinentes, dont un moratoire sur le sujet et l'annulation de tous les projets en cours. Avec plus de 500 éoliennes implantées, mon département de l'Aisne a largement contribué à l'effort national pour la transition écologique.
Face à l'inaction du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, dix-sept maires courageux ont pris la décision, le 2 avril dernier, de mener simultanément une consultation locale au sujet d'un énième projet de construction d'éoliennes géantes de 180 mètres de haut. Malgré les pressions exercées par vos préfets et sous-préfets, le vote a eu lieu et le non l'a emporté à plus de 87,5 %. Vous le prétendez illégal, mais avec plus de 43 % de participation, il est plus légitime qu'un grand nombre de députés ici présents.
Vous-même, monsieur Béchu, avez été élu maire grâce à la participation de seulement 34,25 % des inscrits, ce qui vous rend, vous aussi moins légitime que ce scrutin. Les Axonais attendent des pouvoirs publics qu'ils respectent leur volonté. Alors, monsieur le ministre, vous engagez-vous à ce qu'aucun projet éolien ne voie le jour sur le territoire de ces dix-sept communes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Vous évoquez deux sujets, à commencer par ce référendum ou cette consultation locale, dont je ne remets pas en cause la légitimité tout en soulignant qu'il serait dangereux de considérer qu'un taux de participation entraîne un niveau de reconnaissance ou de légitimité particulier pour ceux qui siègent dans une enceinte quelle qu'elle soit. Sans prendre votre remarque comme une critique, je réponds par anticipation à d'éventuelles critiques.
J'en viens au fond de votre question : le nombre et l'importance de parcs éoliens érigés sur telle ou telle partie du territoire. Au passage, je vous prie d'excuser l'absence d'Agnès Pannier-Runacher, chargée de ce dossier et d'un texte ambitieux voulu par le Gouvernement, la loi relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables, qui a donné lieu à de nombreux débats dans cette enceinte.
L'idée était de faire en sorte que la France soit la première nation à sortir des énergies fossiles, grâce à plus de sobriété et une meilleure efficacité, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous avons concentré nos efforts d'accélération sur l'éolien offshore et le photovoltaïque. Au cours des débats, certains ont alerté sur le fait que l'éolien terrestre pourrait provoquer des crispations supplémentaires sur le terrain. Ils ont été entendus. Tout d'abord, les zones d'accélération sont soumises à un avis conforme des communes.
Ensuite, l'Assemblée nationale et le Sénat ont été d'accord pour permettre aux collectivités locales de créer des zones d'exclusion ou de limitation. Enfin, la notion de saturation visuelle, que vous évoquez en filigrane dans votre question, a été consacrée par la loi et devient l'un des éléments d'appréciation de l'autorité environnementale. De là où je suis, je ne connais pas dans le détail le projet dont vous parlez, mais je sais ce qu'est l'état du droit. Je peux aussi témoigner que, sur tous ces points, nous avons essayé de refaire de la concertation ascendante, en partant du terrain, ne serait-ce que pour une raison d'efficacité : quand les riverains sont contre, les projets finissent par ne pas sortir.
Ne comprenant pas un tel refus, certains de nos concitoyens pourraient devenir suspicieux. Afin de lever tout doute sur le fonctionnement de l'éolien en France et par volonté de transparence, au nom du groupe Rassemblement national, je demande la création, dans les six mois à venir, d'une commission d'enquête parlementaire sur le financement de l'éolien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, la plupart de nos politiques publiques, notamment celles relatives à la transition écologique, passent par les collectivités territoriales : leur réussite dépend de ces dernières. Le combat stratégique de la transition écologique nécessite donc une ingénierie soutenue pour accompagner les porteurs de projet et surtout les élus locaux. L'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP), dont je salue la présidente Josiane Corneloup, l'a d'ailleurs réaffirmé récemment dans un vade-mecum dédié à l'ingénierie du développement local et des transitions, qui a fait l'objet d'une pétition signée par 12 000 élus locaux.
On peut y lire : « Par ingénierie du développement local et des transitions, est entendue une ingénierie d'accompagnement des porteurs de projet locaux qui, par leur expertise, savent articuler des outils réglementaires aux dispositifs contractuels, comme le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) ou les fonds européens, à une échelle supracommunautaire. C'est une ingénierie financière et d'animation de la fonction publique territoriale. »
Nos élus, spécifiquement ruraux, évoquent régulièrement leur désarroi quant à leur manque d'ingénierie. À cet effet, il est préconisé le « 1 % ingénierie », à savoir le financement de cette ingénierie par la mobilisation de 1 % des volumes financiers dédiés à l'investissement. En clôture du congrès des maires, le 24 novembre dernier, Mme la Première ministre a annoncé un fonds de soutien en ingénierie de 200 millions d'euros. Que pensez-vous de la proposition « 1 % ingénierie » ? Quelle sera la traduction opérationnelle du fonds de soutien évoqué par Mme la Première ministre ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
La question de l'ingénierie territoriale est essentielle pour soutenir l'aménagement et le développement durable des territoires. Afin d'accompagner les collectivités territoriales, le Gouvernement a dégagé des moyens inédits au cours des dernières années par le biais de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à l'image des 900 chefs de projet et des programmes d'ingénierie tels que Petites villes de demain ou Action cœur de ville, que vous connaissez bien. La proposition « 1 % ingénierie » émane quant à elle de plusieurs associations d'élus, dont l'ANPP, dont nous avons lu la contribution avec beaucoup d'attention. Elle a aussi été formulée par les sénateurs Charles Guené et Céline Brulin, que j'ai reçus le 8 février dernier, à l'occasion de la remise de leur rapport sur l'ANCT.
Cette idée d'un fonds national, alimenté par et pour les collectivités, nécessite une étude approfondie qui nous permette d'imaginer les scénarios crédibles. Ce 1 % a du sens s'il est consacré à l'ingénierie prospective, financière ou technique. Mais serait-il dédié à l'ingénierie de projets pour lesquels les crédits d'investissement étaient prévus ? Peuvent-ils être mutualisés entre plusieurs collectivités et à quel niveau ? En fait, c'est l'objet de cette étude qui explorera les modalités précises d'un tel dispositif. Dans l'attente de ces résultats, je vous rappelle que différents dispositifs visent d'ores et déjà à renforcer l'ingénierie dans le cadre de toutes les transitions territoriales que nous sommes amenés à traverser. Le Fonds vert en est un exemple frappant. Sur la question de l'ingénierie en milieu rural, cible de cette proposition, le Gouvernement lancera, au cours des prochaines semaines, un programme France ruralité qui inclura toute l'ingénierie que vous souhaitez.
Merci, madame la ministre déléguée, pour votre réponse. Soyez sensible au fait que ce sont les derniers élèves des territoires qui pâtissent le plus de ce manque d'ingénierie.
Le dernier rapport de la Défenseure des droits, confirmant ce que nous savons déjà tous, fait le triste constat de décisions de justice inexécutées affectant, d'une part, nos compatriotes justiciables et leurs familles, et, d'autre part, l'autorité des magistrats. Cet ensemble participe, hélas, au non-respect du droit et de la justice. L'actualité locale de la Martinique et de la Guadeloupe offre un triste exemple de ces dysfonctionnements. Monsieur le ministre de la justice, le 6 avril dernier, mon collègue Jean-Philippe Nilor a pris l'initiative de vous envoyer une lettre ouverte des parlementaires de Martinique et de Guadeloupe sur la situation de M. Noël Daufour, justiciable placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Ducos en Martinique.
Bien que le juge d'instruction ait autorisé par ordonnance M. Daufour à se rendre au chevet de sa fille de 3 ans, gravement malade et hospitalisée, il n'a pu le faire qu'une seule fois, pour seulement quelques heures, après des délais anormalement longs. Si votre cabinet a répondu à mon collègue concernant l'interprétation de cette ordonnance, il faut néanmoins relever des difficultés liées à l'application des décisions judiciaires urgentes. Je ne cherche pas à faire de cette affaire un procès politique, mais je veux vous signaler les dysfonctionnements structurels des services dont vous avez la charge.
Le sujet concerne aussi le ministère de l'intérieur puisque les services de transfèrement et d'escorte sont assurés par la gendarmerie et la police nationale. Les syndicats pénitentiaires ont exprimé leur souhait d'assurer ces missions pour une plus grande efficacité avec les moyens qui s'imposent. En cette occasion, je vous rappelle que les parlementaires ultramarins ont saisi votre cabinet pour travailler sur la justice dans nos territoires. Nous avons des propositions concrètes à vous faire. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous recevrez les parlementaires ultramarins pour traiter ces problématiques en profondeur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Mathilde Panot applaudit également.
Monsieur le député William, vous êtes le bienvenu à la chancellerie quand vous le souhaitez pour évoquer les propositions que vous avez à me faire.
J'en viens à la situation particulière de M. Daufour qui, comme vous l'avez rappelé, est détenu. Par l'intermédiaire de ses avocats, il a demandé au juge d'instruction l'autorisation de se rendre au chevet de sa petite fille, âgée de 3 ans et demi et atteinte d'une pathologie que l'on peut qualifier de très lourde. Très vite, dans les heures qui ont suivi la saisine, le juge d'instruction a accordé une autorisation exceptionnelle à M. Daufour, précisant que ce dernier devait réintégrer l'établissement pénitentiaire après la visite. Il y a eu une difficulté d'exécution. Dès le lendemain, après une nouvelle saisine, le juge d'instruction, dans les heures qui ont suivi, a rendu une nouvelle ordonnance. Le préfet et la justice – le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice – ont fait en sorte que cet homme puisse très vite voir sa petite fille. Si de nouvelles autorisations doivent intervenir, elles se feront non pas sur une autosaisine du magistrat instructeur, mais sur une nouvelle demande des avocats de cet homme qui est mis en examen et dont vous rappelez dans votre courrier qu'il est présumé innocent – un rappel superfétatoire.
En ce qui concerne l'outre-mer, nous avons augmenté le nombre de personnels pénitentiaires et nous avons spécifiquement créé pour Cayenne et Mayotte des brigades de l'urgence, afin que des magistrats et des greffiers puissent être embauchés très rapidement et partir durant six mois et un jour pour prêter main-forte aux magistrats sur place. Pour le reste, je le répète, je serais tout à fait ravi de vous recevoir, monsieur le député, et d'analyser les différentes propositions que vous me ferez.
L'heure est grave. La sécheresse record de l'été dernier s'est soldée par trente-trois jours de vague de chaleur et plus de 66 000 hectares d'espaces naturels partis en fumée. Cette année, après trente-deux jours sans pluie, on compte déjà 20 000 hectares brûlés. Je veux ici rendre hommage aux 200 pompiers mobilisés au cours des derniers jours dans l'Hérault pour lutter contre le feu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais vous, en bons pompiers pyromanes, vous ne faites rien pour prévenir et contrer ces incendies, malgré les alertes incessantes du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et de Météo France.
Le cycle de l'eau est perturbé et en grand péril. Avec lui, ce sont tous les écosystèmes – l'agriculture et la consommation humaine – qui sont menacés. En 2019, vous annonciez une baisse de 10 % des prélèvements à l'horizon 2025, mais rien n'a changé, rien n'est planifié. Vous réitérez ces fausses promesses pour 2027. Les effets d'annonce, vous ne connaissez que cela ! Incapables de planifier les usages de l'eau, vous êtes à la botte des industriels qui, à l'image du capitalisme, accaparent toutes les richesses, même quand il s'agit de bien communs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En 2021, l'ONU annonçait que « la sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et qu'il n'existe aucun vaccin pour la guérir ». Mais vous, quand vous annoncez que « nous sommes en guerre », ce n'est pas contre la sécheresse. Vous êtes en guerre contre le discours de la raison qui appelle à rationaliser les usages et garantir l'accès à l'eau potable. Vous êtes en guerre contre les Mahorais, ces Français qui sont 30 % à ne pas être raccordés à l'eau courante et pour lesquels la crise humanitaire guette.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes en guerre pour l'agro-industrie, en croisade seuls et contre tous sur un sujet qui vous dépasse à l'heure où la réponse doit être et ne sera que collective. Qu'attendez-vous pour décréter l'état d'urgence sanitaire à Mayotte ? Qu'attendez-vous pour vous occuper des 500 000 Français qui n'ont pas d'eau chez eux ? En résumé, qu'attendez-vous pour planifier ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ne pas connaître un sujet est un avantage dont il ne faut pas abuser.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enchaîner autant de contrevérités en si peu de temps est une insulte – je comprends que cela fasse réagir vos collègues, mais leur réaction me fait craindre qu'eux-mêmes refusent la vérité des chiffres. Citons l'Office national des forêts (ONF) – vous croyez cette organisation. Dans son bulletin du 31 mars, elle indique que 1 635 hectares ont été brûlés depuis le 1er janvier et non pas 20 000 hectares. Que l'écart aille de 1 à 10 par rapport à vos chiffres n'est pas sans poser un problème.
Ensuite, je vous entends expliquer que nous n'avons pas de stratégie,…
…alors que nous avons réuni le premier comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash) dès le 23 février. Nous ne fondons pas notre action à partir d'une vérité que le Gouvernement détiendrait, nous avons créé ce comité avec tous les acteurs de l'eau, les agences de bassin qui sont sur le terrain.
Vous êtes dans l'incantation : vous répétez des éléments de langage sans lien avec la réalité !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous faites comme s'il suffisait de claquer des doigts pour régler les problèmes. Peut-être pensez-vous que si Jean-Luc Mélenchon faisait une danse de la pluie, il pleuvrait partout sur le territoire ? C'est de l'incantation ! Regardez la réalité en face : voyez quelles trajectoires ont été fixées et quel travail est mené sur le terrain !
« Du calme ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Si le niveau de décibels des interruptions de Mme Panot faisait pleuvoir, nous aurions un problème d'inondation dans l'hémicycle, et non un problème de sécheresse !
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Continuez sur ce registre : cela ne résout rien ! Écoutez ceux qui travaillent…
…dans les comités de bassin, dont font partie les élus locaux. Regardez le plan que nous avons lancé en outre-mer et que nous déclinons à Mayotte. Sur toutes ces questions, il existe une réalité objective que vous refusez de voir, pour des raisons idéologiques. C'est désolant !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Polémiquer sur tout, c'est désolant !
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, depuis la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière, le Gouvernement a engagé une action forte contre toutes les formes de fraude, en augmentant les capacités d'enquête à disposition de l'autorité judiciaire grâce à la création du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) ; en adoptant des mesures de publicité en cas de fraudes fiscales graves ; en prévoyant la possibilité de poursuivre les intermédiaires ; et en révisant le mode de calcul des amendes pénales en cas de fraude fiscale – sans compter la suppression du verrou de Bercy. L'action du Gouvernement a été volontaire et résolue. Elle est d'ailleurs couronnée de succès, puisque la lutte contre la fraude fiscale a rapporté 14,6 milliards d'euros en 2022, soit 1,2 milliard de plus qu'en 2021 et presque deux fois plus qu'en 2020.
En dépit de ce succès évident, chacun sait que la lutte contre la fraude est un combat permanent. La numérisation de l'économie favorise l'apparition de nouveaux mécanismes frauduleux, par exemple en matière de TVA. En tant que ministre chargé des douanes, vous avez, avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, engagé une réflexion afin de définir une stratégie d'ensemble concernant l'action des douanes françaises et de consolider les instruments de lutte contre la fraude douanière, le contournement des droits à l'importation, la contrefaçon, l'utilisation des actifs numériques et le trafic de tabac.
Capter l'argent sali par ces infractions doit constituer un objectif prioritaire : il ne saurait y avoir d'unité de la nation française sans la présence visible et efficace de l'État régalien que les douanes incarnent. Pouvez-vous rappeler les chiffres exceptionnels qui montrent l'efficacité de l'activité des services douaniers…
…et indiquer quelles orientations vous entendez suivre dans le cadre du projet de loi qui pourrait être prochainement dédié aux douanes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Éric Martineau applaudit également.
Merci de mettre en valeur des agents dont on parle finalement assez peu : si nous avons souvent l'occasion, dans cet hémicycle, de mettre en lumière le travail remarquable effectué par les policiers et par les gendarmes, c'est plus rarement le cas des douaniers, qui réalisent pourtant un travail absolument exceptionnel pour protéger nos frontières et contrôler les marchandises.
On parle régulièrement des douaniers ! C'est parce que vous ne lisez pas la presse.
C'est un très grand honneur pour moi que d'être le ministre des douaniers. Cela implique aussi une responsabilité : celle de leur donner les moyens d'agir efficacement – ce qu'ils font d'ailleurs déjà. Gérald Darmanin et moi-même avons présenté, voilà quelques semaines, les chiffres relatifs au trafic de stupéfiants en 2022. Il en ressort que les douaniers ont réalisé plus de 70 % des saisies de stupéfiants en France.
J'ai fixé une priorité très claire : la lutte contre le trafic et la contrebande de tabac et de cigarettes.
Un chiffre est particulièrement édifiant : en 2022, 640 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies, contre 400 tonnes en 2021. Cette explosion est évidemment liée non seulement à l'efficacité grandissante de nos services,…
…mais aussi à l'augmentation des trafics. Or le trafic de tabac en France est une plaie pour la sécurité, puisqu'il permet de financer des réseaux criminels mettant en péril la sécurité des Français ; une plaie aussi pour la santé, puisque fumer, a fortiori des cigarettes de contrefaçon, est évidemment mauvais ; une plaie, également, pour le réseau des buralistes, dont nous avons besoin partout sur le territoire pour créer du lien social et assurer l'accès aux services publics ;…
…une plaie, enfin, pour les finances publiques. Les trafics augmentent. L'an dernier, pour la première fois, nous avons ainsi démantelé cinq usines de contrefaçon de tabac installées sur le sol national et dont la capacité de production s'établissait entre 1 million et 2 millions de cigarettes par jour.
J'ai donc annoncé un plan d'action d'envergure, qui prendra la forme d'un projet de loi, que vous avez évoqué et que je présenterai ce jeudi en conseil des ministres. Il s'agira du premier texte dédié exclusivement à la douane depuis près de soixante ans. Le cœur en sera, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre dernier, l'encadrement du droit de visite douanière. Le travail qu'Éric Dupond-Moretti et moi-même avons mené sur cette question nous a permis, je le crois, d'atteindre un équilibre entre le respect des libertés publiques et la nécessaire efficacité des services douaniers. Mais nous irons plus loin pour moderniser et renforcer l'action des douaniers, en leur accordant des moyens supplémentaires pour les aider à détecter les stupéfiants ou le tabac dissimulés dans les convois pénétrant sur notre territoire et pour leur permettre de mieux réguler la contrefaçon en ligne.
Nous créerons également une réserve opérationnelle des douanes, comme il en existe déjà pour la police et pour la gendarmerie. Vous l'aurez compris : nous avons défini un plan d'envergure pour renforcer l'action des douaniers. Nous pouvons tous être fiers du travail remarquable qu'ils mènent partout sur le territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (n° 1066).
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Nous arrivons au terme de l'examen du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Je salue mes collègues rapporteurs, Mme Christine Le Nabour, pour la commission des affaires sociales, ainsi que Mme Béatrice Bellamy et MM. Bertrand Sorre et Stéphane Mazars pour la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Au cours des dernières semaines, nous avons eu avec le Sénat des échanges approfondis et constructifs, qui nous ont permis d'aboutir au texte adopté par la commission mixte paritaire (CMP) mardi 28 mars. Il est le fruit d'un compromis qui respecte les grands équilibres du projet de loi initial. Pour la majorité des articles, nous avons conservé la rédaction issue de l'examen par l'Assemblée nationale, après les modifications apportées par le Sénat. Plusieurs dizaines d'amendements défendus par les groupes d'opposition ont été adoptés lors de l'examen à l'Assemblée, notamment sur l'article 7, ce qui montre toute la richesse du travail parlementaire, au-delà des réflexes partisans.
Les discussions avec nos collègues sénateurs ont principalement concerné deux articles. L'article 7, relatif à l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente, soulevait une double difficulté. D'une part, le Sénat avait fixé au 30 juin 2025 le terme de l'expérimentation et notre assemblée l'avait ramené au 31 décembre 2024. D'autre part, le Sénat avait plafonné la durée de conservation des données d'entraînement des algorithmes selon les règles de droit commun – soit trente jours pour les caméras de vidéoprotection et sept jours pour les caméras aéroportées – et nous avions adopté une durée maximale identique à celle de l'expérimentation.
Le texte issu de la CMP parvient à un point d'équilibre : la date finale de l'expérimentation est fixée au 31 mars 2025 et la durée maximale de conservation des données d'entraînement s'élèvera à douze mois, ce qui garantit que le dispositif sera pleinement opérationnel. Je souligne que la date du 30 juin 2025 votée par le Sénat correspondait à une préconisation du Conseil d'État. Il faut donc appréhender le compromis à l'aune d'un calendrier pratique.
Les premiers traitements algorithmiques ne seront pas déployés sur le terrain avant la fin de l'automne 2023, eu égard aux échéances administratives préalables. Il est donc indispensable de prévoir un allongement dérogatoire de la durée de conservation des images de vidéoprotection, uniquement à des fins d'apprentissage des algorithmes. Je pense aux images qui seront captées lors de la Coupe du monde de rugby, en septembre et octobre 2023 : elles pourront être utilisées, selon des conditions très strictes évidemment, pour garantir la mise au point des algorithmes d'ici aux Jeux organisés à l'été 2024. Dans les faits, l'expérimentation se déroulera sur une période de dix-huit mois tout au plus, soit une durée trois fois inférieure à celle de l'expérimentation des traitements automatisés des données de connexion instaurée en matière de renseignement par la loi du 24 juillet 2015.
Nous nous inscrivons ainsi dans le cadre prévu par l'article 37-1 de la Constitution : en tant que législateur, il nous reviendra d'établir le bilan de cette expérimentation au premier trimestre 2025, à la lumière du rapport d'évaluation qui sera rendu public le 31 décembre 2024. N'anticipons pas aujourd'hui les débats que nous aurons dans deux ans, ou plutôt assumons ces débats pour ce qu'ils sont : les uns rejettent par principe l'application des outils d'intelligence artificielle en matière de préservation de la sécurité de nos concitoyens, tandis que les autres, dont je suis, comme une large majorité de cette assemblée, sont convaincus de l'intérêt d'un usage régulé, encadré et sécurisé de ces technologies pour rendre plus efficace l'action des services de sécurité. Dans la pratique, je maintiens qu'il faudra vite en venir à l'élaboration de lois relatives à la technoéthique, sur le modèle des lois relatives à la bioéthique, afin de débattre sereinement de ces sujets et d'en faire apparaître l'importance à nos concitoyens.
Je crois que nos deux assemblées, dont le travail a renforcé les outils de protection des libertés individuelles, au cours même de la CMP, ont abouti à un résultat remarquable. J'espère qu'il sera considéré comme exemplaire et qu'il nourrira les débats en cours dans le cadre de la rédaction du règlement européen relatif à l'intelligence artificielle.
Nous avons ensuite longuement discuté de l'article 18 qui prévoit d'attribuer à titre expérimental de nouvelles licences de taxi, en vue de développer en Île-de-France les transports de personnes en fauteuil roulant. Le projet de loi initial prévoyait un seuil de dix licences. Face à l'urgence de la situation, l'objectif était clair : cibler prioritairement les entités économiques capables d'investir et d'acquérir les véhicules concernés, pour que ces derniers soient disponibles à temps pour les Jeux. J'ai toutefois été sensible aux arguments du Sénat, qui craignait qu'un seuil défini selon des critères trop subjectifs entraîne un risque d'inconstitutionnalité. Nous avons donc supprimé ce seuil, tout en encadrant et en précisant les critères d'attribution des nouvelles licences.
Je ne reviendrai pas en détail sur les autres aspects du texte. Ils ont suscité un accord rapide avec le Sénat, qu'il s'agisse des dispositifs d'offre de soins, de la lutte antidopage ou de la sécurité dans les stades. Le texte soumis à nos débats est respectueux des volontés de chaque chambre : notre objectif, que j'espère partagé, est de faire de cet événement majeur une réussite pour notre pays. Je vous invite donc à le soutenir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Je suis heureuse de me présenter à nouveau devant vous à l'occasion de l'examen du texte de la commission mixte paritaire, dont je salue la réussite, à l'issue d'un véritable travail d'enrichissement mené dans les deux assemblées, avec l'aide de nombreux groupes parlementaires. Au cours de nos échanges, d'abord au Sénat puis au sein de cet hémicycle, nous avons su rallier la conviction des parlementaires sur les différents sujets qui pouvaient susciter des doutes. Je pense en particulier aux dispositions relatives au renforcement de notre édifice antidopage. Nous avons également su prendre en considération vos observations et propositions, afin d'améliorer ensemble le texte chaque fois que nécessaire, y compris s'agissant de mesures très concrètes, ou qui continueront à s'appliquer après les Jeux, comme la mobilisation des vétérinaires lors des compétitions olympiques et paralympiques, l'affichage d'un signe distinctif visant à reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant, la meilleure articulation entre l'interdiction judiciaire et l'interdiction administrative de stade ainsi que les précisions apportées au régime de pointage associé pour mieux lutter contre les violences et les incivilités.
Le texte issu des travaux parlementaires atteint les objectifs que nous nous étions collectivement fixés au début de son examen. Il demeure concis, avec moins de trente articles, centré sur des mesures indispensables et entièrement consacré au déploiement opérationnel des Jeux, afin de réunir les conditions de leur réussite tout en respectant pleinement les droits et libertés de nos concitoyens. Ce texte satisfera donc l'ensemble de nos besoins, sans renoncer à nos exigences. Une polyclinique et des professionnels de santé seront mobilisés au service des athlètes et des délégations, sans prélever sur des moyens existants ni peser sur l'offre de soins. La formation aux gestes qui sauvent connaîtra un élan nouveau, afin de développer chez nos concitoyens le sens de l'engagement et du premier secours. Notre dispositif de lutte contre le dopage restera à l'avant-garde mondiale, conformément à nos engagements internationaux : en héritage des Jeux, l'ensemble du territoire conservera un édifice solide en matière de contrôle, de techniques d'analyse et de partage de l'information.
La navette parlementaire a également permis d'améliorer significativement nos outils de sécurisation et de coordination des moyens lors des grands événements sportifs. Je salue à ce titre le cadre renforcé du traitement par algorithme des images, dont les conditions d'emploi font désormais l'objet de très nombreuses garanties et d'un contrôle permanent de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui assurera, de bout en bout, le respect des droits et libertés, avec une échéance de l'expérimentation désormais fixée au 31 mars 2025. S'agissant de la lutte contre les violences et incivilités, je salue également l'ajout d'un axe dédié à la prévention, grâce à l'instauration d'une billetterie sécurisée et modernisée, ainsi qu'aux ajustements apportés aux mesures d'interdiction de stade pour assurer leur caractère proportionné. Dans le domaine des transports, la CMP a permis d'ultimes améliorations pour garantir la sécurité juridique du déploiement, d'ici à l'année prochaine, de près de 800 licences supplémentaires de taxis accessibles dans le ressort de la préfecture de police.
Enfin, pour que ces Jeux soient ceux de la France entière, au-delà de Paris et de la Seine-Saint-Denis, nous disposons désormais de tous les outils nécessaires pour les faire vivre dans les territoires, avec l'autorisation de maintenir l'activité commerciale le dimanche dans certains sites proches des zones de compétition, désormais circonscrite dans la période du 15 juin au 30 septembre 2024, ainsi qu'en permettant des animations festives autour du relais de la flamme et des différents sites de compétition.
Plus généralement, je me réjouis que soient abordés dans ce texte les principaux marqueurs emblématiques des Jeux de Paris 2024. Ce sont autant d'exigences que nous tâchons de promouvoir au cœur de notre modèle sportif, notamment l'impératif de rendre accessibles les sites et les transports. Cela contribuera à changer le regard sur le handicap, d'ailleurs mieux pris en considération dans le texte, grâce à vos soins. Le projet de loi contient également des engagements forts en matière de responsabilité environnementale, en particulier dans le domaine des mobilités durables.
Au terme de ce cycle parlementaire de près de deux mois et demi, je tiens à vous dire, sincèrement, le plaisir que j'ai eu à avoir ces débats avec vous. Leur qualité reflète l'esprit de responsabilité qui n'a cessé de les animer et démontre, lorsqu'il s'agit de faire gagner la France en organisant impeccablement le principal événement sportif planétaire, il n'est de clivages partisans qui ne sauraient être surmontés.
Dès l'adoption et la promulgation, que je souhaite, de ce texte, avec mes collègues Gérald Darmanin, François Braun et Clément Beaune, nous mettrons tout en œuvre pour en assurer l'application rapide, afin de tenir les engagements pris devant vous. Nous avons déjà commencé à préparer l'important travail réglementaire qui nous attend : nous aurons à cœur de le conduire avec précision et agilité.
Je reste bien entendu à la disposition de la représentation nationale pour la tenir informée des prochaines étapes de notre préparation opérationnelle, en lien avec la commission des affaires culturelles et de l'éducation, avec le groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux et avec la mission d'information sur leurs retombées économiques et sociales. Je vous tiendrai également informés de l'avancement des nombreux projets que nous promouvons au bénéfice du développement de la pratique sportive de tous les Français. Je vous remercie beaucoup de votre attention et de votre confiance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Protestations sur quelques bancs des groupes RE et LR.
Nous voici au terme de l'examen du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. À propos de Jeux paralympiques, force est de constater que, pour les personnes porteuses de handicap, le compte n'y est pas. Les associations se sont d'ailleurs vivement exprimées en ce sens. Des Jeux olympiques et paralympiques non accessibles, il fallait oser : vous l'avez fait !
M. Philippe Vigier proteste.
À notre corps défendant cependant, puisque le groupe LFI – NUPES a déposé plusieurs amendements à ce sujet, qui n'ont même pas été examinés au motif, selon l'article 45, alinéa 1, de la Constitution, qu'ils ne faisaient pas référence au projet de loi : celui-ci devait pourtant bien traiter du caractère paralympique des Jeux !
Commençons, si vous le voulez bien, par un petit jeu de devinettes. Quel pays est visé par le rapporteur spécial des Nations unies et par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe pour menaces sur l'expression pacifique d'opinions et pour usage excessif de la force ?
Quel pays est visé par ses propres avocats, qui parlent d'une dérive inacceptable digne d'un pays autoritaire ?
Quel pays est dénoncé pour l'usage de la technique de la nasse, dangereuse et liberticide ? Quel pays est visé par un syndicat de journalistes et une société de journalistes d'une chaîne publique – il en existe encore –, qui dénoncent les consignes de rédactions interdisant l'usage des mots « violences policières » ? Quel pays a osé classer sans suite une pétition signée en quelques jours par plus de 250 000 Français pour dissoudre une forme de police motorisée violente et effrayante ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel pays remet en cause la liberté d'association et menace les défenseurs historiques des droits humains ? La Chine, la Corée du Nord, la Russie ? Eh bien non ! C'est notre pays, la France.
Mais cela ne suffisait pas ! Les Jeux olympiques (JO) permettent d'en ajouter encore, pour construire une société liberticide et sécuritaire, où l'autre est un danger potentiel.
J'en veux pour preuve les scanners corporels à ondes millimétriques et les enquêtes administratives de sécurité, qui visent autant de personnes qu'il y a d'habitants à Paris, sans surenchère pénale inutile, bien entendu ; sans oublier la vidéosurveillance algorithmique, multipliant à l'infini les regards inquisiteurs et normatifs, et criminalisant certains comportements, en particulier ceux des plus précaires et des militants.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Souriez, monsieur Minot, vous êtes filmé !
Ceux qui voudraient critiquer la dimension consumériste ou écocide des Jeux olympiques savent à quoi s'en tenir ! Nous avons dit, répété et argumenté tout cela, avec bien peu ou pas de réponses de la part du Gouvernement, notamment du ministre de l'intérieur, M. Darmanin.
Le fait nouveau qui explique cette motion de rejet est le résultat de la commission mixte paritaire : le peu de choses concédées d'une main par le Gouvernement a allégrement été repris de l'autre ! Je m'explique et déroule ce jeu malsain. Tout d'abord, le travail du dimanche, dont l'extension dans le temps et dans l'espace avait été vivement critiquée par les groupes de la NUPES, s'accompagne désormais de la possibilité d'une prolongation de quinze jours. Pourquoi ? Personne ne le sait !
Nous devons montrer la France des acquis sociaux, de la culture et du patrimoine, celle qui n'a pas besoin d'ouvrir les magasins, les enseignes et les boutiques le dimanche. De là à penser qu'il s'agit d'un ballon d'essai, il n'y a qu'un pas que nous franchissons allégrement, comme les salariés auxquels le travail du dimanche sera imposé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a ensuite l'enjeu de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
M. Frédéric Mathieu applaudit.
Sommes-nous hors jeu ou hors sujet ? Pas du tout, puisque nous constatons que ces violences augmentent pendant les manifestations sportives. D'amendements de repli en amendements de repli, nous avions obtenu dans l'hémicycle la réalisation d'une campagne par voie d'affichage – la belle affaire !
MM. Frédéric Mathieu et Ugo Bernalicis s'exclament.
Elle a été purement et simplement supprimée en commission mixte paritaire. Franchement, toutes les couvertures de magazines, quels qu'ils soient, ne régleront pas ce problème ! Voilà comment a été traité ce sujet considéré comme première cause nationale par le Gouvernement.
Dans le projet du Gouvernement, la vidéosurveillance algorithmique devait être expérimentée entre l'adoption de la loi – vraisemblablement très bientôt – et le 30 juin 2025, bien au-delà de la fin des Jeux. Les députés, dans leur sagesse, avaient décidé de conclure cette période le 31 décembre 2024. La commission mixte paritaire s'est autorisée à l'allonger à nouveau jusqu'au 31 mars 2025.
Cela devient fort troublant quand on sait que cette réduction avait été décidée par des députés qui adhèrent majoritairement à ce dispositif technologique. Pourquoi rallonger la période ? Là non plus, on ne sait pas ! Quels critères inconnus permettent de fixer ce calendrier ? Nous l'ignorons. Même ces miettes ont été remises en cause lors de la CMP. Nous y voyons la marque des lobbys industriels.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Autre chose : la suppression de l'arrêté préfectoral qui fixera la zone dans laquelle la vidéosurveillance…
…algorithmique sera appliquée empêchera tout recours contre celle-ci. C'est malin, nous le reconnaissons, mais particulièrement antirépublicain et liberticide – ce qui est la même chose. Enfin, ce sont non seulement des entreprises européennes ou françaises qui pourraient être amenées à utiliser les données issues des dispositifs de vidéosurveillance, quels qu'ils soient, mais des entreprises seulement dites conformes.
Le projet de loi prévoit que ces dispositifs s'appliqueront aux manifestations sportives, culturelles ou récréatives qui, par leur ampleur et leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteinte à la sécurité des personnes. Autant dire qu'à peu de chose près, toute manifestation pourra être concernée.
Le projet de loi issu de la CMP ne prévoit pas de prendre réellement en considération les personnes porteuses de handicap, ni de donner la priorité aux entreprises françaises ou européennes, ni de protéger les données personnelles qui seront collectées. Il prévoit en revanche l'augmentation du travail le dimanche, ainsi qu'un nouvel allongement de la période d'expérimentation, contre l'avis des députés. Est-ce cela que vous voulez ? Est-ce là l'intérêt de ce projet de loi ?
En mon nom et au nom du groupe LFI – NUPES,…
…je veux demander à ceux qui se préoccupent de la sécurité des publics des Jeux olympiques et paralympiques par le biais de ces dispositifs technologiques : après cette commission mixte paritaire, pensez-vous sincèrement que ce projet de loi réponde à ses objectifs initiaux ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous avons eu de nombreux débats, mais je ne croyais pas, en parlant tout à l'heure des postures des uns et des autres, que vous me donneriez le loisir d'une telle caricature.
En réalité, vous ne parlez pas des Jeux olympiques. Si vous ne comprenez pas que les Jeux seront non seulement une occasion fantastique de rayonnement pour notre pays ,
M. Ugo Bernalicis s'exclame
mais aussi une cible pour tous ceux qui voudraient lui nuire, alors vous n'avez pas compris ce qui va se passer. Évidemment, les outils que nous développons garantiront la liberté des spectateurs, mais aussi leur sécurité.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans l'exercice qui devrait pourtant commencer à être familier à beaucoup d'entre vous, celui de la CMP, vous n'avez même pas noté l'amélioration, par rapport au texte de l'Assemblée, concernant la préservation des données.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
Ces dernières seront justement limitées, de façon à garantir un usage proportionné des algorithmes, qui ne seront utilisés que pour aider à l'analyse des captations d'images. Vous pouvez vous exclamer, monsieur Bernalicis, il n'en demeure pas moins que ce texte est équilibré…
…et pourrait inspirer l'Union européenne dans la rédaction de la réglementation de l'intelligence artificielle, qui sera bientôt rendue publique.
Ce texte de loi permettra de garantir la liberté et la sécurité de tous ceux qui voudront participer à cette fête. Je vous invite, évidemment, à ne pas voter pour cette motion de rejet.
Je suis saisie par les groupes d'explications de vote.
La parole est à M. Philippe Pradal.
Il ne faut pas se payer de mots : cette motion de rejet préalable a pour but de rendre plus compliquée l'organisation des Jeux olympiques.
Elle présente trois types de risques : tout d'abord, le risque de ne pas disposer de toutes les avancées voulues pour l'organisation des Jeux olympiques, que ce soit en matière de mobilité ou en matière de santé. Je remercie le rapporteur de l'avoir rappelé. Le deuxième risque concerne la sécurité : il nous faut sécuriser ces Jeux, qui représentent un enjeu important pour notre pays et pour l'organisation sportive internationale. Or le vote de la motion de rejet préalable ne permettrait pas ces avancées, indispensables pour qu'ils se déroulent bien. Enfin, le troisième risque consisterait à se priver de l'occasion extraordinaire donnée par ces grands événements sportifs de tester, d'expérimenter et de progresser.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
En 1924, nous avions accueilli les Jeux olympiques. Il a fallu attendre un siècle pour les accueillir à nouveau : ne gâchons pas cette occasion ! Voter cette motion de rejet préalable serait faire preuve d'un raisonnement à courte vue : nous nous priverions de la possibilité de progresser dans les domaines que j'ai évoqués. Le groupe Horizons et apparentés votera donc avec énergie contre cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous avez dit que des amendements déposés par des oppositions avaient été intégrés au texte et qu'un dialogue avait été possible. Certes, nous avons pu parler ; en revanche, dire que nous avons dialogué serait peut-être excessif, puisque nos amendements ont été rejetés jusqu'en CMP. Par opposition, vous entendiez sans doute les députés du groupe Les Républicains – leur opposition m'aura échappé.
Même si j'en plaisante, ce texte ne porte pas à rire. Examen après examen du texte, les reculs ont été de plus en plus nombreux, jusqu'à la CMP qui a fait voler en éclats le consensus trouvé dans cet hémicycle pour ne pas prolonger jusqu'en 2025 les dispositions de l'article 7 instaurant une vidéosurveillance algorithmique, c'est-à-dire introduisant la reconnaissance biométrique partout. Dans l'article 7, il n'y a plus aucun lien entre les Jeux olympiques et paralympiques et l'installation de ces caméras :
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
ce n'est donc plus une expérimentation. Enfin, si : c'est l'expérimentation de dispositifs qui n'existent nulle part ailleurs dans le monde,…
…tant ils remettent en question les libertés fondamentales, qu'il s'agisse des libertés individuelles ou des libertés collectives.
Nous aurions pu discuter mais, étape après étape, vous vous êtes appuyés sur la droite et l'extrême droite
« Ah, ça va ! » sur les bancs du groupe RN
pour faire passer ce texte, « quoi qu'il en coûte » – c'est un choix politique, après tout, les députés siégeant sur les rangs opposés doivent en être ravis. Or il en coûte nos libertés, ainsi mises en danger.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je le répète, seule la Chine a osé faire pire, en instaurant un permis social à points, à l'occasion des Jeux olympiques de 2008. Nous voterons donc pour la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises lors de ce débat, nous pensons qu'un autre chemin était possible pour parvenir à un deuxième texte consensuel sur les Jeux olympiques, afin que notre pays soit uni pour les accueillir dans les meilleures conditions possibles. Je ne doute pas que ce soit le souci de tous les députés dans l'hémicycle. Mais au lieu de choisir la voie du consensus et de la concorde, vous avez introduit des dispositions qui étaient des points de discorde et qui, surtout, visaient à pérenniser dans le temps des expérimentations qui n'avaient pas leur place et qui n'étaient pas nécessaires pour l'organisation des Jeux olympiques.
Bien que je partage plusieurs préoccupations exprimées par ma collègue Élisa Martin, toutefois – je l'ai dit lors des débats en première lecture, je le répète après la CMP –, nous ne voterons pas la motion de rejet et nous nous abstiendrons sur le projet de loi.
En effet, nous devons à tout prix nous donner les moyens de bien accueillir et de bien organiser les Jeux, même si nous regrettons que le chemin du consensus n'ait pas été parcouru jusqu'au bout par le Gouvernement et la majorité, qui auraient pu éviter d'insérer certaines dispositions dans le texte.
Les députés du groupe LIOT ne voteront pas non plus la motion de rejet. Certes, le texte n'est pas parfait – nous avons quelques regrets – mais nous l'avons travaillé et amendé. Surtout, eu égard à l'enjeu, nous devons faire preuve de responsabilité. Les Jeux doivent être une réussite pour la France. Le projet de loi nous permettra d'atteindre cet objectif. Nous le devons à notre pays, il y va de notre image.
Je tiens à saluer le travail accompli par M. le rapporteur, M. Vuilletet, et Mme Canayer, rapporteure du Sénat. Nous sommes arrivés à un texte d'équilibre, à l'issue de la commission mixte paritaire. De nombreuses avancées,…
…que nous avons défendues en commission des lois, puis dans l'hémicycle, ont été conservées. Parmi elles, figurent notamment la disposition relative aux images génériques produites par les scanners millimétriques, l'amendement de notre collègue Stella Dupont visant à autoriser les agences de sécurité à embaucher des étudiants étrangers car nous rencontrons un important besoin, ou enfin la disposition qui prévoit la délivrance de 1 000 licences supplémentaires aux personnes morales exploitant des taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant – nous avions un différend sur ce point avec le Sénat. C'est donc un bon texte.
Je regrette le dépôt de la motion de rejet, qui révèle la vérité sur La France insoumise. D'ailleurs, Danielle Simonnet, lorsqu'elle avait défendu un amendement, avait dit avec beaucoup d'honnêteté qu'elle était contre cet événement.
Les députés du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale devraient assumer qu'ils sont contre l'organisation de ces grands événements.
Comment voudriez-vous que nous organisions un événement de cette ampleur sans mettre en œuvre les moyens de sécurité que ce texte prévoit ? Alors que nous accueillerons plus de 100 000 athlètes et des millions de visiteurs, vous souhaiteriez que nous utilisions de vieux dispositifs de sécurité. Nous avons besoin de l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente, laquelle est déjà utilisée par certains pays contrairement à ce que j'ai entendu dire. Nous voterons donc contre cette motion de rejet.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
…car la France accueillera des millions de visiteurs lors des Jeux olympiques,…
…qui sont pour nous une vitrine formidable. Je sais que vous n'aimez pas mettre en avant notre pays, notre patrimoine ou même nos athlètes français. Nous sommes dans une opposition sérieuse. Tout au long de l'examen de ce texte, vous vous êtes opposés aux caméras et aux forces de l'ordre. Vous rejetez les institutions, le Parlement, la V
M. Frédéric Mathieu applaudit
et, de manière générale, ces Jeux olympiques. Vous êtes dans une opposition de destruction et vous faites peur aux Français, d'après les sondages.
Aussi voterons-nous contre la motion de rejet car nous voulons accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qui sont une vitrine formidable – je l'ai dit. Cet événement doit être réussi. Nous n'avons pas une grande confiance dans ce gouvernement et nous sommes inquiets sur les outils que ce texte prévoit. Nous vous l'avons dit, nous en avons largement débattu. Néanmoins, nous ferons en sorte d'accueillir les Jeux, en donnant le plus de moyens possibles aux forces de l'ordre. Car oui, il faut des moyens technologiques importants pour accueillir des millions de visiteurs et des centaines de milliers d'athlètes. Alors pourquoi voulez-vous rejeter le texte ? Une fois de plus, vous n'aimez pas les Jeux olympiques,…
…vous ne voulez rien accueillir en France, vous ne voulez rien faire. Je le répète, vous êtes dans une opposition de destruction. La différence entre vous et nous, c'est que vous voulez tout détruire quand nous voulons tout reconstruire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Fidèle à son tropisme orwellien, avec ce projet de loi, le Gouvernement fait le contraire de ce qu'il dit vouloir faire. D'abord, il présente ce projet de loi comme étant relatif aux Jeux olympiques et paralympiques. Ce n'est pas le cas, comme l'a signalé le Conseil d'État : plusieurs dispositions s'appliquent à des manifestations hors Jeux olympiques et d'autres s'appliquent pour une durée qui excède largement leur période. Le Gouvernement prétend nous protéger, en légalisant la surveillance par drone et le traitement algorithmique de toutes les images. Or une étude commandée par la gendarmerie conclut que « l'exploitation des enregistrements de vidéoprotection constitue une ressource de preuves et d'indices peu rentable pour les enquêteurs ». Les seuls véritables gagnants seront les entreprises privées de sécurité qui développent ses outils.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sous prétexte de protéger les lieux publics, le Gouvernement prévoit, là encore, de réduire les libertés en rendant obligatoires les enquêtes administratives portant notamment sur les bénévoles et les salariés : c'est très grave. Selon le Conseil d'État, près de 750 000 enquêtes seront conduites, impliquant la consultation des fichiers de police et la conservation de ces données pendant cinq ans. Imaginez simplement qu'un gouvernement totalitaire hérite de ces fichiers ! Belle façon de nous protéger, chers collègues. En outre, le Gouvernement nous dit améliorer la justice. Le texte prévoit que les peines seront plus lourdes pour les délits commis lors des manifestations sportives ou dans les fans zones : ce n'est pas notre conception de la justice.
Le Gouvernement ment concernant la dérogation au repos dominical. Nous avons fait nos calculs. Celle-ci s'appliquera non pas quelques dimanches dans l'année seulement, mais plus d'un dimanche sur deux. Enfin, le Gouvernement, qui a soi-disant découvert le concept de sobriété, prévoit d'étendre les dérogations aux règles de publicité aux sponsors. Consommer plus pour faire gagner plus d'argent à TotalEnergies, Toyota ou Coca-Cola, n'est pas compatible avec la lutte contre le changement climatique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous préférerons toujours protéger, en faisant appel à des moyens humains, plutôt que de surveiller, en utilisant l'intelligence artificielle. Nous préférons toujours respecter les libertés individuelles, plutôt que les sacrifier à l'impératif de sécurité. Nous préférons défendre la planète et les intérêts des travailleurs, plutôt que ceux des multinationales. Nous voterons donc en faveur de la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Minot.
Après plusieurs heures de débats à l'Assemblée nationale, tant en commission qu'en séance, nous avions abouti à un texte doté d'outils nécessaires à la bonne organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Lors de la commission mixte paritaire à laquelle j'ai assisté, certains sujets ont continué d'être au cœur des discussions, notamment le fameux article 7 qui inquiète sur de nombreux bancs. En effet, la question des dérives de l'intelligence artificielle et de l'utilisation que peut en faire l'État, notamment les forces de l'ordre, mérite bien entendu une discussion approfondie, qui a eu lieu non seulement à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais également en commission mixte paritaire.
Si nous regrettons la modification de la date de fin de l'expérimentation de cet outil, adoptée en commission mixte paritaire, cette seule déception ne remet pas pour autant en question l'ensemble du texte.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, l'organisation des Jeux est une réelle opportunité pour notre pays, pour le sport amateur français et pour nos territoires. Pour en faire la plus grande réussite possible, il nous faut doter le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), la préfecture de police de Paris et toutes les parties prenantes de tous les moyens nécessaires.
Au-delà des inquiétudes concernant les outils technologiques, nous voudrions tous obtenir plus de garanties, notamment en matière de transport et d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Bref, nous devons continuer à soutenir l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Voter ce projet de loi est une nécessité.
C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre la motion de rejet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les députés du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) voteront, bien entendu, contre la motion de rejet. Le texte est équilibré, depuis que nous avons adopté plusieurs amendements en séance. En commission mixte paritaire, nous avons débattu du report de la date de fin d'expérimentation au 31 mars 2025, souhaité par le Sénat – notre collègue Maxime Minot l'a rappelé. C'est le seul réel point de divergence que nous avons eu avec le Sénat.
Pour le reste, la rédaction du texte retenue est celle qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale, preuve que nous avions fait un très bon travail dans l'hémicycle en adoptant des mesures protectrices. Ce texte comporte des dispositions très importantes : le rôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est renforcé dans le cadre de la protection des libertés
et un ensemble de garanties des libertés individuelles et des libertés publiques de très haut niveau est prévu. Il doit constituer la base des discussions que nous aurons ensuite au niveau européen sur le projet de règlement européen relatif à l'intelligence artificielle. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion de rejet.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Nous voterons contre la motion de rejet. Je souhaite revenir à la définition de la motion de rejet préalable. Elle vise soit à rejeter un texte dont plusieurs dispositions seraient anticonstitutionnelles – du reste, nous ferons plusieurs remarques sur ce sujet dans les jours qui viennent –, soit à décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Or nous pensons qu'il y a lieu de délibérer.
L'année prochaine, nous accueillerons à Paris et en France une manifestation unique au monde. Nous l'avons dit dès le début de l'examen du projet de loi : à manifestations exceptionnelles, circonstances exceptionnelles. Il est donc légitime de débattre de mesures exceptionnelles. Par conséquent, il est pertinent et même responsable de délibérer sur l'organisation d'une telle manifestation. Nous ferons donc preuve de responsabilité et voterons contre la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 292
Nombre de suffrages exprimés 292
Majorité absolue 147
Pour l'adoption 60
Contre 232
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'engagement d'une nation tout entière : voilà ce qu'est l'accueil des Jeux olympiques. Notre pays a pris un engagement devant le Comité international olympique (CIO), la plupart des États de la planète et les athlètes du monde entier. Il ne peut donc y avoir de revers ou de demi-succès : l'image et le rayonnement de la France sont en jeu, ainsi que notre propre fierté.
Pour les députés du groupe Horizons et apparentés, les Jeux olympiques et paralympiques sont une immense opportunité pour nos générations et les générations futures parce que les yeux du monde seront fixés sur le pays de Coubertin, que les retombées économiques seront considérables et que l'héritage des JO construit déjà la France de demain.
Dans cette assemblée, nous avons tous conscience du défi collectif que représente pour notre pays l'organisation d'un événement hors norme, que ce soit en matière d'aménagement du territoire, d'accueil, d'inclusion ou de sécurité. C'est avec cette responsabilité chevillée au cœur que nous nous retrouvons pour sceller ce texte.
Je me réjouis, comme l'ensemble de mon groupe, qu'on ait pu aboutir à un accord équilibré entre les positions des deux chambres lors de la réunion de la commission mixte paritaire. J'appelle votre attention, chers collègues, sur les compromis et les consensus trouvés. Nos travaux ont permis de consolider le texte initial, en le rendant plus cohérent et plus protecteur. Ce travail parlementaire efficace, issu de débats au cours desquels se sont exprimés des avis divergents, rehausse le Parlement.
La rédaction de l'article 7, particulièrement sujet à discussion sur nos bancs, est la preuve de ce travail collectif. En effet, l'expérimentation souhaitée par le Gouvernement se terminera finalement le 31 mars 2025, et cette décision est le fruit d'un compromis entre les chambres, qui avaient retenu deux dates différentes. Cela permettra une parfaite connaissance du dispositif, même au-delà de la période des Jeux. Après le rapport rendu au Parlement, les représentants de la nation pourront décider ou non de la prolongation de l'usage de cet outil. En tout état de cause, le groupe Horizons et apparentés salue cette avancée majeure en matière de vidéoprotection augmentée.
Du texte de la CMP, je retiens aussi le retour à la rédaction adoptée par notre assemblée concernant les peines et amendes encourues par les personnes entrant frauduleusement dans un stade. Nous saluons également les peines d'interdiction de stade qui pourront être prononcées contre les personnes ayant commis des délits graves. Pour le bon déroulement des épreuves et par respect pour les sportifs, nous soutenons cette mesure.
La lutte contre le fléau du dopage est une priorité pour le bon déroulement des compétitions sportives et l'équité des Jeux ; il y va de l'esprit même des JO. C'est pourquoi la proposition des sénateurs de pérenniser dans le code du sport les comparaisons d'empreintes génétiques ou les examens de caractéristiques génétiques a été retenue. Cette mesure n'est autre qu'une mise en conformité de notre droit national avec le code mondial antidopage ; je la salue.
Le groupe Horizons et apparentés est convaincu que ce projet de loi donnera à la France les moyens de réussir ses Jeux et permettra aux collectivités de suivre la dynamique, à la fête populaire de prendre son envol, aux athlètes de réaliser sereinement leurs performances et à tout l'écosystème de profiter de ce moment d'exception.
Nous approuvons donc les conclusions de la commission mixte paritaire ; nous voterons pour le texte issu de ses travaux, tout en restant particulièrement attentifs à l'héritage des Jeux olympiques et à la mobilisation des territoires. Pour cela, nous comptons sur vous, madame la ministre, et nous vous remercions par avance.
À 472 jours de cette grande fête universelle, la France franchit les haies les unes après les autres. Il en reste de nombreuses, mais en voilà une de moins, grâce à ce texte. J'attends avec impatience le sprint final !
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Les Jeux olympiques et paralympiques sont une fête, une fête qui promeut les valeurs de respect, de partage, de paix et de dialogue. Nous n'en sommes pas tout à fait là, avec ce projet de loi. Nous avons eu plusieurs occasions, je ne dirai pas de débattre – ce serait un tantinet excessif – mais de parler du texte.
En première lecture, les sénateurs avaient fait le choix d'adopter des mesures qui étaient particulièrement dures contre les libertés sans avoir un grand impact sur la sécurité des populations, aggravant encore les dispositions du texte initial, dénoncées par les associations de protection des droits et libertés.
La liberté est une valeur fondamentale de notre démocratie et de notre République. Pourtant, la défendre est un combat de chaque instant : rien n'est jamais acquis dans ce domaine, qu'il s'agisse des libertés individuelles ou collectives. Ce texte vient nous rappeler combien il est difficile de combattre pour ces droits : on ne mesure la disparition des libertés que lorsque, trop abîmées pour pouvoir encore nous protéger, elles imposent le silence.
Soutenus par la droite et l'extrême droite, le Gouvernement et sa majorité proposent de doter le pays de moyens qui permettraient de traquer – traquer, oui – les personnes à l'aide d'une vidéosurveillance à analyse biométrique. À l'heure où les ennemis que désigne ce gouvernement ne sont plus les ennemis de la République mais les défenseurs des droits, cette perspective a de quoi inquiéter.
Dans aucun pays européen, dans aucun pays démocratique, on n'est allé aussi loin que ce texte. Nous aurions pu rêver d'une France leader de la transition ou de la bifurcation écologique, d'une France qui offre des perspectives de développement social, écologique et économique à sa population, en particulier à sa jeunesse ; nous avons eu un projet de loi qui n'a d'olympique que le nom et qui traduit les choix d'un pays leader dans le recul des libertés et le développement de la surveillance automatisée de sa population.
Belle perspective pour la jeunesse qui, dans les lycées, les écoles et les universités, réclame le droit à un avenir et propose de construire une société du vivre mieux. À cette jeunesse, vous répondez de manière cynique par l'article 12, spécialement calibré contre les modalités d'action qu'elle adopte pour nous alerter sur l'urgence environnementale. Comme nous, les jeunes ont bien reçu le message : plus vite dans la répression, plus haut dans le déni et plus fort dans la surveillance généralisée de la population !
L'Assemblée avait pourtant réussi à restreindre, à la marge, certains des reculs de ce texte. Pas assez à notre goût, bien entendu, mais, dans sa sagesse, elle avait limité dans le temps l'application des dispositifs de surveillance prévus à l'article 7 ; ceux-ci devaient commencer à s'appliquer bien avant le début des JO et rester en vigueur bien après leur fin, mais au moins ces expérimentations devaient-elles prendre fin avec l'année 2024.
La CMP a, hélas ! choisi de repousser leur terme au printemps 2025, de sorte que le dispositif ressemble de moins en moins à une expérimentation et de plus en plus à l'instauration par étapes de systèmes dangereux pour nos libertés. Quel recul dans un pays où le mot « liberté » est inscrit sur le frontispice de tous les bâtiments publics !
Le territoire français pourra donc, sans qu'aucun lien ne soit établi avec les Jeux olympiques et paralympiques, être couvert de caméras dotées d'algorithmes en mesure d'identifier des comportements dits anormaux. Nous en avons longuement disserté ici, sans obtenir la moindre qualification juridique de tels comportements : quel agent, quel juge, pourra quantifier la dose de normalité acceptable ? Nous l'ignorons.
De nombreuses organisations nous ont pourtant alertés sur les dangers que l'article 7 en particulier représente pour les droits et libertés des Françaises et des Français. Je pense, par exemple, au Conseil national des barreaux ou à la Ligue des droits de l'homme, à laquelle je veux rendre ici hommage pour le travail qu'elle a accompli sans relâche au service de nos droits et libertés et contre les forces obscurantistes ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
du XIX
Cerise sur le gâteau : la CMP a choisi de revenir sur les maigres victoires que nous avions remportées en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en supprimant l'article 1er bis, qui prévoyait des campagnes de prévention. Comme lors des précédentes CMP, les sénateurs ont choisi de supprimer tout ce qui permet de lutter contre ces violences, sans rencontrer la moindre opposition de la part des députés siégeant dans la CMP. Tout un symbole, en particulier aujourd'hui !
Ce texte aurait pu tenir les promesses olympiques en matière de sport, d'écologie, d'accessibilité et concernant le fameux héritage, mais le seul héritage que laisseront ces Jeux, ce sont les maladies chroniques que développeront les enfants du groupe scolaire Anatole-France de Pleyel, exposés aux particules fines, ou la disparition du site de l'école Louis-Lumière. Tout cela est si éloigné de l'esprit de l'olympisme que nous voterons évidemment contre le texte issu des travaux de la CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La loi olympique achève son parcours législatif. Celui-ci aurait pu se dérouler sans accroc si le texte s'était limité aux mesures permettant d'organiser un événement aussi important pour notre pays que les Jeux olympiques et paralympiques. Cette loi aurait dû être à l'image de ce que nous attendons de ces Jeux : un moment de concorde, d'union nationale autour d'un objectif commun.
Seulement, le Gouvernement a fait le choix d'y introduire un nombre important de dispositions sans lien direct avec les Jeux olympiques : l'article 7, relatif au traitement algorithmique de la vidéoprotection, est un point de désaccord important, et nous regrettons que le Gouvernement s'obstine à utiliser cet événement comme une expérimentation à visée pérenne.
De même, les nouvelles dérogations aux règles encadrant le travail dominical ne nous paraissent pas justifiées et nous déplorons qu'elles aient été conçues sans que soient associés les membres du comité de la charte sociale Paris 2024 ni les syndicats. Même si nous avons apprécié les avancées obtenues au cours du débat, nous avons noté qu'elles s'étaient réduites comme une peau de chagrin au cours des travaux de la commission mixte paritaire.
Enfin, les dispositifs renforçant la répression nous paraissent une mauvaise réponse à la lutte contre la violence dans les stades, lutte que nous approuvons. Nous soutenons cependant toute une série de mesures relatives à la bonne organisation des Jeux, à la lutte antidopage en particulier, l'article 5 étant rédigé dans le respect de chacun, grâce au travail du président Brotherson notamment.
De Saint-Denis à Tahiti en passant par Marseille et Châteauroux, les Jeux ne seront réussis que s'ils sont populaires. Les événements sportifs tels que la semaine olympique doivent se multiplier, et des labels comme Terre de Jeux 2024 ou Génération 2024 doivent avoir du contenu.
Stéphane Mazars et moi sommes les corapporteurs d'une mission d'information sur les retombées des Jeux. Le mouvement sportif, le sport scolaire et universitaire nous disent placer beaucoup d'espoirs dans les Jeux : ils attendent qu'ils enclenchent des politiques publiques et que la pratique sportive bénéficie de moyens supplémentaires mais, pour l'instant, c'est encore beaucoup trop timide.
Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, le sport à l'école est la mère des batailles. Mais il faut en convaincre le ministre de l'éducation nationale et mettre fin aux centaines de suppressions de poste de professeur d'éducation physique et sportive (EPS) intervenues depuis la dernière législature.
Mme Andrée Taurinya applaudit.
Surtout, il faut consacrer l'EPS comme une véritable matière scolaire.
Nos préconisations en la matière sont sur la table depuis que nous avons déposé, sous le précédent quinquennat, une proposition de loi sur la démocratisation du sport. Nous souhaitons que collégiens et collégiennes suivent quatre heures hebdomadaires d'EPS, que le diplôme national du brevet des collèges inclue une épreuve à part entière dans cette discipline et que se développe l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (Usep), qui existe dans 20 % des établissements pour l'instant mais qui licencie 700 000 enfants.
À l'instar de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), le sport scolaire est une passerelle entre l'école et les clubs. C'est un outil autrement plus puissant que les trente minutes d'activité physique quotidienne. Nous souhaitons également la nomination, dans chaque école élémentaire, d'un référent EPS parmi les professeurs, épaulé par des conseillers pédagogiques.
Mais il y a tant à faire ! Profitons des Jeux pour impulser une grande loi-cadre en faveur du sport, qui prévoirait une trajectoire budgétaire ascendante. Le sport, si présent dans la vie de nos concitoyens, ne représente que 0,3 % du budget de l'État ! Alors, dès l'adoption de cette loi, mettons-nous enfin au travail pour construire le service public du sport en faveur de la culture sportive pour toutes et tous que nous appelons de nos vœux
Madame la ministre, la Seine-Saint-Denis accueille le centre aquatique olympique, et c'est une excellente nouvelle ; le département sera ainsi équipé de nouveaux bassins. Mais si dans deux, trois ou quatre ans, plus de la moitié des enfants de ce département ne savent toujours pas nager, alors toutes les médailles remportées par nos athlètes ne pourront masquer l'échec des ambitions affichées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, les transports seront l'un des grands enjeux de l'organisation des Jeux olympiques. Les difficultés sont importantes à cet égard, et tout le monde s'accorde à reconnaître que, dans ce contexte, l'ouverture à la concurrence du réseau de bus de la région parisienne au 31 décembre 2024 n'est absolument pas raisonnable. Il faut y surseoir, comme je le suggère dans une proposition de loi dont l'examen en commission débutera ce soir.
Le groupe GDR est très favorable aux Jeux olympiques. Nous pensons qu'ils sont une chance et une responsabilité pour la France. Aussi voulons-nous nous donner tous les moyens pour les réussir. Nous aurions aimé voter ce texte mais, la teneur de plusieurs articles nous en empêchant, nous nous abstiendrons.
Je pense que nous avons tous hâte de dire : « Que les Jeux commencent ! » Et, désormais, nous devons tous être mobilisés pour permettre le bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris, dans d'autres villes et dans d'autres territoires du 24 juillet au 8 septembre 2024. Il nous reste, pour cela, à valider l'accord trouvé en CMP sur le présent projet de loi. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires le soutient puisqu'il s'inscrit dans la continuité du travail mené à l'Assemblée, qui a permis de trouver un meilleur équilibre entre enjeux sécuritaires et libertés publiques, et permis des avancées que nous saluons concernant en particulier l'offre de soins, l'inclusion des personnes en situation de handicap et la lutte contre le dopage.
Tout d'abord, nous comprenons les mesures liées à la sécurité pendant les Jeux mais nous appelons à leur utilisation dans le cadre strict des garanties fixées par la loi, et nous estimons qu'il est important de maintenir un juste équilibre avec les libertés fondamentales. La puissance des outils de surveillance appelle des garde-fous et laisse craindre une pérennisation du dispositif. En première lecture, plusieurs amendements du groupe LIOT ont été adoptés afin de mieux encadrer le recours inédit à l'intelligence artificielle en matière de vidéosurveillance. La CMP a décidé d'encadrer plus encore cette expérimentation et nous saluons notamment le choix d'inscrire dans la loi l'obligation d'éviter, lors de la phase d'apprentissage, le développement de toute mauvaise utilisation. À l'utilisation de scanners corporels pour l'accès aux enceintes sportives, notre groupe n'oppose pas d'objection de principe et il a fait adopter un amendement pour améliorer l'information du public : celle-ci doit être préalable et doit rappeler aux spectateurs la possibilité de refuser de se soumettre aux scanners.
Nous saluons également les efforts du Sénat pour renforcer la prévention. Il était important de prévenir et sanctionner davantage les violences lors des manifestations sportives. De fait, les peines individuelles applicables sont durcies et les infractions liées à l'intrusion dans une enceinte sportive ou sur un terrain de sport sont renforcées.
Nous avons cependant un regret. L'article 1er bis tel que l'Assemblée l'avait adopté prévoyait une campagne de prévention des violences sexistes et sexuelles sur les sites des Jeux olympiques, mais cette disposition a été supprimée. Notre groupe rappelle que par un passé pas si lointain, plusieurs sportifs et associations ont dénoncé les pratiques et comportements sexistes dans le milieu sportif. La campagne envisagée n'était par conséquent pas superflue et allait indéniablement dans le bon sens.
Enfin, si nous savons que malheureusement ces jeux ne seront pas à 100 % accessibles aux personnes en situation de handicap, comme l'auraient voulu certaines associations, je pense au Collectif Handicaps, nous tenons tout de même à souligner l'importance de l'effort pour améliorer l'accessibilité des transports publics pendant les épreuves.
Pour conclure, on ne peut certes pas faire fi d'inquiétudes persistantes. Ainsi, sur le chantier des transports, on note des retards sur les lignes du Grand Paris Express (GPE) ; Île-de-France Mobilités est contrainte de relancer un appel d'offres pour le transport des athlètes et des officiels après un premier appel infructueux. Ensuite, les besoins estimés de recrutement de 20 000 à 25 000 agents de sécurité privés se heurtent aux pénuries de personnel. Un rapport de la Cour des comptes du mois de janvier dernier souligne un risque de dérapage financier. Enfin, il faut compter avec les inévitables dérapages budgétaires liés à ce genre de manifestation.
Mais, madame la ministre, je vous sais pleinement engagée pour la réussite de cet événement. Ce texte est un soutien indispensable pour l'organisation de ce rendez-vous planétaire qui doit nous fédérer afin qu'il soit une réussite pour la France et pour ses visiteurs. Aussi le groupe LIOT votera-t-il majoritairement pour ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – M. Belkhir Belhaddad applaudit également.
Je commencerai par des remerciements, d'abord à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, puis à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour leur écoute, l'intérêt et la précision de leurs réponses tout au long de la procédure législative, réponses qui ont grandement facilité l'avancement et la qualité de nos travaux. J'adresse également mes remerciements au rapporteur Guillaume Vuilletet et aux rapporteurs pour avis Béatrice Bellamy, Stéphane Mazars, Bertrand Sorre et Christine Le Nabour.
C'est avec honneur et fierté que nous recevrons le monde en 2024 et ces Jeux olympiques seront plus qu'un rendez-vous sportif : un moment de cohésion nationale, de fraternité humaine, de grande fête populaire partout en France et dans les territoires d'outre-mer. Le puissant pouvoir unificateur des Jeux se traduit aussi par plus de solidarité entre les sociétés et plus de solidarité au sein des sociétés. La solidarité signifie beaucoup plus que le simple respect ou la non-discrimination. La solidarité, c'est s'aider, partager et prendre soin les uns des autres. Quand nous disons être ouverts sur le monde, cela signifie par exemple que nous accueillerons les athlètes réfugiés, et nous démontrerons à quel point les réfugiés sont un enrichissement pour la société. Comment alors peut-on être contre les Jeux olympiques et paralympiques ?
Organiser un tel événement, qu'il s'agisse de la logistique, de la sécurité, de la billetterie, des transports, avec quatre cérémonies d'ouverture et de clôture, est un défi monumental que nous relèverons collectivement. Nous allons innover avec la cérémonie d'ouverture qui mettra la Seine en scène aux yeux du monde entier. Nous devons être au rendez-vous de ces enjeux – parmi lesquels celui de la durabilité.
Ce projet de loi nous rassemble. Il s'agit d'un texte de compromis auquel chaque groupe aura contribué. Et je salue, au nom du groupe Renaissance, l'accord trouvé en CMP qui nous permet de franchir une étape importante avec de nombreuses améliorations. J'en citerai quelques-unes.
La première concerne la lutte contre le dopage : la rédaction finale permettra d'assurer l'information expresse du sportif au moment de son inscription à la compétition. Ensuite, s'agissant des deux nouveaux délits réprimant l'entrée frauduleuse dans une enceinte sportive, je salue le travail du président de la commission des lois, cher Sacha Houlié, et je me réjouis des modifications apportées au régime des interdictions administratives de stade (IAS). En outre, la CMP a renforcé les garanties apportées en matière de protection des données dans le cadre de l'expérimentation du traitement algorithmique de la vidéosurveillance prévue à l'article 7. Je salue sur ce point le compromis équilibré trouvé avec nos collègues sénateurs quant au terme de l'expérimentation fixé au 31 mars 2025. Je me réjouis enfin du maintien de la rédaction de l'Assemblée s'agissant du ciblage de l'expérimentation sur les taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant – faire en sorte que les Jeux soient pleinement inclusifs est une priorité.
Les dispositions de ce projet de loi sont justifiées et proportionnées, compte tenu de l'ampleur de l'événement. Elles permettent de concilier nécessité absolue de sécurité et respect des libertés individuelles. La sécurité n'est pas une option, elle est une nécessité face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés.
Je regrette que plusieurs de nos oppositions prennent le débat en otage. C'est un manque de responsabilité à moins de 500 jours du début de la compétition car ces Jeux sont d'abord une chance et la formidable occasion de créer des vocations, de susciter le développement des pratiques sportives partout, pour tous, en métropole et en outre-mer, d'en faire un vecteur d'émancipation et d'inclusion, de rénover et de créer des équipements, en somme, de faire de la France une nation sportive.
Notre regard porte au-delà de l'horizon des Jeux. C'est celui de l'héritage. Réussir est un impératif et accueillir les Jeux olympiques et paralympiques nous oblige à tout point de vue. Comme le voulait Pierre de Coubertin nous avons vu loin, nous avons parlé franc et nous avons agi ferme.
Je vous appelle toutes et tous à voter pour un texte qui ne peut que nous réunir afin que nous fassions ensemble de ces jeux un succès, un motif de fierté et un facteur d'unité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
À chaque mois son scandale, à chaque mois une affaire. Chaque mois notre pays est ridiculisé, et à chaque fois vous faites mine de ne rien voir et de ne rien entendre. Alors que nous discutons des Jeux olympiques de 2024, nous venons d'apprendre que la France a été écartée – donc punie, selon le journal L'Équipe – de l'organisation de l'Euro féminin de 2025 à cause du fiasco de la dernière finale de la Ligue des champions et de la situation sécuritaire dans le pays. Une question : sommes-nous prêts à accueillir les Jeux olympiques de 2024 ?
Ce texte – et la manière dont il a évolué – illustre l'incohérence du Gouvernement et de sa majorité : nous alertions depuis le début de l'examen de ce projet de loi sur votre méthode qui vise à tromper le plus possible la représentation nationale. Voilà que vous – vous, le Gouvernement – continuez à utiliser ces Jeux comme prétexte, afin de mettre en œuvre des petites mesures sécuritaires que vous n'assumez même pas. La tergiversation des dates sur l'expérimentation des caméras algorithmiques est la meilleure illustration de votre « en même temps ». Vous n'assumez pas le fait d'installer ces caméras dans le temps et l'espace : vous utilisez des dates d'expérimentation pour une généralisation durant neuf mois, alors que les Jeux olympiques durent à peine deux mois.
Votre majorité semble perdue, qu'il s'agisse du texte lui-même ou de votre gestion du travail parlementaire : même sur un projet de loi destiné à être consensuel vous parvenez à diviser l'Assemblée. En effet, vous utilisez le texte à des fins politiques. Dès lors, nous vous faisons une réponse politique.
Je note que même l'amendement transpartisan qui visait à stocker les données de nos concitoyens en Europe a été modifié, si bien que vous vous faites sectaires même quand il est question d'un amendement de bon sens.
Tout d'abord, nous sommes inquiets de la multiplication des expérimentations, que ce soit pour les caméras mais aussi pour les formations accélérées de la sécurité privée. En réalité, il vous a fallu presque cinq ans pour donner quelques moyens aux forces de l'ordre – à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) –, et maintenant vous attendez les Jeux olympiques de 2024 pour doter la France d'équipements à la hauteur de l'enjeu. Mais ces technologies ne seront efficaces que si votre volonté politique s'affirme réellement, et que vos réponses sont fermes vis-à-vis des délinquants. Votre seule fermeté est celle de vos propos quand les Français attendent des actes. Et c'est bien le problème : vous êtes des communicants, absolument pas des acteurs de la sécurité. C'est pour cela que l'Union des associations européennes de football (UEFA) dénonce votre impréparation dans l'affaire du Stade de France. Est-ce sérieux de se contenter d'expérimenter alors que la France va accueillir des millions de visiteurs l'année prochaine ?
Pour en revenir à l'affaire du Stade de France, vous réagissez par des mots, paniqués par le scandale mondial provoqué, mais vous refusez ici d'augmenter les peines et de mettre en place des amendes forfaitaires délictuelles dissuasives pour sanctionner rapidement et fermement ceux qui pénétreront sans billet dans les stades. Même après cette affaire, vous refusez de nous écouter, et de renoncer à votre laxisme.
Votre gouvernement est d'ailleurs déconnecté de la réalité car il ne traite jamais les causes et, malheureusement, la réalité nous donne raison. Même Didier Lallement, ancien préfet de police de Paris, nous donne raison. Il donne raison au Rassemblement national qui dénonce depuis des années la politique d'immigration. Il écrit en effet dans son dernier ouvrage : « La population délinquante est nourrie par une immigration chaotique. À Paris, un délit sur deux est commis par un étranger, dont beaucoup sont en situation irrégulière. Ils sont à l'origine de 90 à 95 % des vols à la tire. » Nous avions donc raison depuis le début sur l'immigration, et vous le saviez très bien.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
Alors qu'attendez-vous pour appliquer les obligations de quitter le territoire français (OQTF), ou pour appliquer la loi, tout simplement ? Prenez enfin la mesure de l'ampleur de votre négligence politique, alors que la délinquance, avec une agression gratuite toutes les quarante-quatre secondes, est devenue le quotidien des Français.
Alors, sans enthousiasme, sans grande confiance en vous, mais dans le seul but de donner les quelques moyens utiles à l'organisation des Jeux olympiques, nous voterons le texte de la CMP. Ce vote nous le décidons pour les forces de l'ordre, pour que les Jeux olympiques et paralympiques se déroulent dans les meilleures conditions. Ce n'est donc pas un vote de confiance – confiance, d'ailleurs, que vous n'avez jamais vraiment eue puisque, en juin 2022, le peuple Français vous a placé en situation de minorité présidentielle et puisque, en mars 2023, l'Assemblée vous a placé à neuf voix de la censure. Votre « en même temps » vous divise de l'intérieur, vous amène à passer en force et vous a même conduits à voter contre une proposition de loi sur la récidive, présentée par vos propres alliés. Vous n'avez plus de légitimité politique, vous avez perdu le combat des idées depuis bien longtemps, vous avez perdu le peuple français qui ne vous fait plus confiance.
Toute cette impréparation et toutes ces incohérences devraient vous faire changer, mais vous ignorez la réalité. Et, puisque vous refusez de changer contre l'avis du peuple, celui-ci vous remplacera car, pour changer la politique, il faut changer les politiques, et cela, les Français l'ont bien compris.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mes chers collègues, je vous informe que, sur l'ensemble du texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Coquerel.
Avant de donner les raisons de mon opposition et de celle de mon groupe à cette loi olympique, je souhaitais dire d'où je parle, comme on dit.
Tout d'abord, je parle de ma circonscription d'élection, la première de Seine-Saint-Denis, qui concentrera une part importante des activités olympiques. S'y trouveront le village olympique, qui se situera sur les communes de Saint-Denis, de L'Île-Saint-Denis et de Saint-Ouen, le Stade de France, ou encore le Centre aquatique olympique.
Je parle ensuite, et surtout, fort de mon activité professionnelle passée, qui m'a amené à travailler dans le cadre des Jeux d'Athènes, de Pékin et de Londres.
C'est d'ailleurs parce que je les connais bien que je tiens à dire aujourd'hui que je ne rejette pas les Jeux olympiques et paralympiques par principe. Je témoigne que les Jeux olympiques et paralympiques constituent indéniablement une grande fête sportive et populaire, souvent fraternelle, tant sur les sites sportifs que dans les tribunes. C'est aussi l'occasion, une fois tous les quatre ans, de mettre en avant des disciplines et des sportifs qui, le reste du temps, vivent dans l'indifférence médiatique, avec les conséquences que l'on imagine sur leur pratique de masse.
Cependant, j'observe aussi que, postérieurement, les Jeux olympiques et paralympiques ont eu un bilan négatif dans plusieurs des pays qui les ont accueillis. Ce fut notamment le cas de la Grèce, du Brésil et évidemment du Japon, qui a organisé les JO en pleine crise du covid-19. La démesure prise par ces événements, la rigueur du cahier des charges du CIO – sous la contrainte de sponsors qui sont autant de multinationales –, ainsi que le gonflement des budgets nécessaires, ont laissé bien des plaies pour les habitants des villes hôtes.
Récemment, des athlètes reconnus se sont aussi interrogés sur l'empreinte carbone de telles épreuves à l'heure de l'urgence environnementale. Je pense à Nikola Karabatic qui, le 18 septembre dernier sur France Inter, a appelé à changer de modèle, et à passer toutes les organisations d'épreuves sportives au crible d'un fair-play écologique.
Ces inquiétudes, je les partage également à propos des Jeux de Paris de 2024. Je les évoque non pour remettre en cause leur existence, car ils auront lieu, mais parce qu'il est encore possible d'influer sur leur organisation, leur déroulement et leur héritage. Les points d'alerte sont nombreux et ce texte, c'est tout le problème, les aggrave.
La première alerte concerne la dimension sécuritaire. C'est l'une des caractéristiques des JO modernes que d'imposer un dispositif policier toujours plus important autour des sites sportifs et des différents villages, à tel point que les populations résidentes sont privées d'accès à des zones de vie qui font pourtant partie de leur quotidien. À cet égard, ce qui s'est déroulé lors de la finale de la Ligue des champions de football en mai dernier autour du Stade de France, et bien que le rapport impute principalement les responsabilités à l'organisation, n'a fait que renforcer ce climat sécuritaire, au point de proposer des innovations et des expérimentations inquiétantes en matière de libertés publiques.
La légalisation de la surveillance de masse, grâce à l'association de la vidéosurveillance et de traitements algorithmiques, constitue une nouvelle étape inquiétante de la surveillance généralisée des populations, sachant que d'autres mesures d'exception s'y ajouteront, avec notamment l'établissement d'une longue liste de délits qui feront l'objet d'aggravations de peines s'ils sont commis dans les enceintes sportives.
Mme Sarah Legrain applaudit.
Enfin, la surveillance et le fichage de dizaines de milliers de personnes sont entérinés dans ce texte. Ces opérations fourniront des données qui, sur décision administrative, pourront être conservées pendant cinq ans. Cette disposition est bien maintenue, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, monsieur le rapporteur.
De plus, ces JO nous ont été présentés comme inclusifs à l'égard des populations des territoires qui les accueillent. Cependant, avec de tels dispositifs et une certaine idéologie que l'on peut qualifier de ségrégative, laquelle cible les jeunes de nos villes populaires comme des ennemis de l'intérieur – je me réfère ici au sous-titre d'un quotidien de droite bien connu qui, à 500 jours de la cérémonie inaugurale, entendait dévoiler « le plan de bataille de l'exécutif pour pacifier la Seine-Saint-Denis » –, je crains que les premières victimes de ces mesures sécuritaires ne soient les populations, notamment jeunes, de notre département.
Il est aussi encore temps de revoir à la baisse la configuration de certaines cérémonies, à commencer par celle d'ouverture, si elles appellent des dispositifs sécuritaires hors de proportion avec les Jeux humains qui nous ont été promis.
La deuxième alerte porte sur la marchandisation à outrance de l'espace public avec, entre autres, des dérogations aux règles de publicité et d'affichage grand format, au profit des partenaires des JO.
Quant à la troisième alerte, elle a trait au recul des droits des travailleurs, le texte prévoyant d'étendre la dérogation au repos dominical.
Ce dernier aspect renvoie d'ailleurs à une autre crainte, que je sais partagée par le tissu économique de mon département : celle que les répercussions économiques ne profitent guère aux habitants des territoires concernés. J'observe en effet que si les dérogations ont été facilement votées s'agissant de la publicité ou du tout-sécuritaire, ce ne fut pas le cas de celles visant à favoriser des entreprises ou les travailleurs de Seine-Saint-Denis. Les règles libérales du CIO et des marchés publics ont souvent favorisé le moins-disant financier pour décrocher des contrats. De manière générale, je crains que les jeunes de Seine-Saint-Denis ne se partagent surtout les postes de volontaires, de bénévoles et de stagiaires, plutôt que les emplois directement induits par les Jeux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Même si ce n'est pas l'objet du texte, je tiens aussi à faire part de mon inquiétude concernant l'héritage urbanistique des JO.
Si je tiens à rendre hommage à la Solideo – Société de livraison des ouvrages olympiques – et si l'on peut se féliciter de parvenir à aménager un espace où tout sera disponible en même temps – bâtiments, écoles, services publics, dispositifs écologiques – grâce à la planification écologique, je dis mon inquiétude quant au renchérissement du prix des logements qu'induiront les JO ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES
entre autres facteurs. Ce renchérissement pourrait inciter certains habitants à déménager toujours plus loin.
En conclusion, j'appelle à toujours plus de vigilance citoyenne sur les libertés publiques, les retombées économiques et l'héritage sportif des Jeux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous voici enfin dans la dernière ligne droite. À moins de 500 jours des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le Parlement, d'un accord commun entre les deux chambres, s'apprête à doter l'État et les organisateurs de tous les moyens nécessaires pour faire de ces Jeux la plus grande des réussites. Nous avons pris le temps d'étudier chaque composante de ce texte et d'en faire un outil abouti pour répondre aux enjeux qu'impose une telle organisation.
Lors de la commission mixte paritaire, très peu de changements ont été effectués en comparaison avec le texte que nous avions voté ici il y a deux semaines.
Nous regrettons néanmoins certaines de ces modifications, à commencer par l'abandon de l'organisation d'une campagne de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein des villages des athlètes et des médias. Si les sénateurs ont souligné qu'un travail était déjà engagé entre le Cojop et les associations, il ne semblait toutefois pas superflu d'inscrire cette disposition de manière explicite dans le texte.
Cette question, malheureusement encore bien trop souvent présente dans l'actualité, notamment dans le monde du sport, doit être au cœur de toutes les vigilances durant l'événement.
Mme Sandra Regol applaudit.
De plus, l'article 7, qui a fait l'objet de discussions intenses, notamment au sein de cet hémicycle, a connu plusieurs changements, qui laissent planer quelques doutes. Le report du 31 décembre 2024 au 31 mars 2025 de la fin de la période d'utilisation des outils liés à l'intelligence artificielle ne semble pas utile alors que les inquiétudes sont réelles vis-à-vis de l'émergence de tels outils technologiques. Les Républicains soutiennent bien évidemment l'extension des dispositifs, mais nous devons faire preuve de vigilance à ce sujet, et nous mettons en garde le Gouvernement quant à d'éventuelles dérives.
Par ailleurs, durant les semaines de compétition, nos forces de l'ordre devront être préparées, en nombre suffisant, et armées des bons outils pour à la fois lutter contre la délinquance, protéger les sites de compétition, et intervenir en cas de nécessité.
Nous ne pouvons pas être dépassés par la situation à l'heure où le monde aura les yeux rivés sur nous.
Il est de la responsabilité de l'État et du Cojop de maintenir une protection de tout instant pour tous les spectateurs, les habitants et les touristes.
Face à cet impératif, les forces de l'ordre et l'armée seront grandement sollicitées. La solution était toute trouvée : faire appel aux réservistes. Mais en vain : l'amendement que je défendais en la matière – le Gouvernement en avait déposé un identique – a été déclaré irrecevable. J'ai donc décidé, avec plusieurs de mes collègues du groupe Les Républicains, mais aussi avec les membres du groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et d'autres députés venus de tous les bancs, de plaider pour cette solution grâce à une proposition de loi, que j'ai déposée la semaine dernière.
Nous espérons tous que ce texte sera étudié prochainement dans l'hémicycle.
Je dis bien que nous l'espérons, car le bruit court depuis plusieurs jours que le groupe Renaissance aurait changé de position à ce sujet, ses membres ayant reçu l'ordre de retirer leur signature de mon texte.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne puis d'ailleurs cacher mon étonnement étant donné, je le rappelle, que ce dispositif avait été élaboré conjointement avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et avec le soutien de la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Quelle déception ce serait si cette proposition de loi venait à ne pas être inscrite à l'ordre du jour, avec pour seule raison éventuelle l'envie de punir certains d'entre nous d'avoir voté la motion de censure ayant fait suite à l'examen de la réforme des retraites !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Je n'ose imaginer que le jeu politique puisse prendre le dessus sur un sujet aussi transpartisan et aussi important que l'organisation des Jeux.
J'ai été présent de la première à la dernière seconde de l'examen du projet de loi.
Vous le savez, nous avons tous nos convictions. Cependant, en tant qu'élus de la nation, nous avons pour seule responsabilité de répondre aux attentes de nos concitoyens. Je vous ai souvent combattus, mais j'ai défendu ce texte aussi bien à l'Assemblée que hors les murs.
Oui, je l'ai pleinement soutenu et malgré votre sectarisme, je continuerai d'être un appui fidèle…
J'espère donc sincèrement pouvoir compter sur la sagesse de tous pour que cet outil que nous défendons avec plusieurs de mes collègues voie le jour et serve l'intérêt commun lors des Jeux olympiques et paralympiques.
J'ai bien conscience que ma proposition n'est pas à proprement parler révolutionnaire, mais elle représenterait un pas de plus pour une meilleure sécurité des Jeux.
Aujourd'hui plus que jamais, notre pays a besoin que nous soyons mobilisés ensemble, au-delà de toute divergence politique. Faisons du rêve de ces Jeux une réalité : ouvrons grand les Jeux ! C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – M. Stéphane Lenormand applaudit également.
Nous voici arrivés au terme du parcours législatif de ce projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
À l'occasion de la commission mixte paritaire qui s'est déroulée au Sénat, le texte n'a fait l'objet que d'une modification notable par rapport à la version adoptée par l'Assemblée en première lecture : celle relative à l'expérimentation de la vidéoprotection, qui se terminera finalement le 31 mars 2025. L'Assemblée souhaitait fixer le terme de l'expérimentation au 31 décembre 2024 et le Sénat au 30 juin 2025 : il s'agit donc d'un compromis, qui correspond d'ailleurs à un amendement de repli que nous avions déposé lors de l'examen du texte.
Je ne le martèlerai jamais assez, ce texte garantit, grâce à l'ensemble des institutions politiques et à nos autorités administratives indépendantes, le respect des libertés individuelles. Nous n'avons en effet pas cédé à la tentation du solutionnisme technologique, contrairement à ce que prétendent nos détracteurs qui confondent, d'ailleurs souvent avec une bonne dose de mauvaise foi, vidéoprotection algorithmique et biométrie. Nous ne suivons donc pas un modèle à la chinoise, nous ne serons ni dans le monde d'Orwell, ni en démocrature : les Français peuvent être rassurés.
Pour ma part, je m'engage à me montrer particulièrement vigilant le moment venu, lors de l'application des dispositions sur le terrain, s'agissant notamment des matériels et logiciels utilisés, afin que le curseur demeure bloqué sur une position d'équilibre entre la protection et la sécurité des participants et la préservation des libertés. Cet équilibre n'était pas facile à trouver, mais j'ai la conviction que nous y sommes parvenus, ce qui, dans le contexte général actuel souvent houleux, représente une victoire à laquelle le groupe Démocrate, toujours soucieux de trouver des compromis, a pleinement participé.
On a tendance à l'oublier, ce texte ne se limite pas à son article 7, si âprement discuté, ni aux enjeux de sécurité. Il balaie l'ensemble des problèmes posés par l'organisation d'un événement d'une telle ampleur, qu'il s'agisse de la lutte contre le dopage, avec la mise en conformité de nos règles avec les recommandations du Comité international olympique, ou de la sécurisation de la délivrance des billets, afin d'éviter les escroqueries.
Ne l'oublions pas, ces Jeux doivent aussi être éthiques. Ils doivent contribuer au rayonnement international de notre pays, à redorer une image passablement ternie par les événements du Stade de France ou le spectacle offert par Paris et certaines grandes villes, défigurées par les poubelles et les dégradations des casseurs. Nous sommes plus que jamais contraints à l'excellence et ce texte devrait, je le pense sincèrement, nous aider à y parvenir.
J'ajoute que cet épisode législatif a particulièrement mis en exergue le rôle essentiel joué par la Cnil et souligné, si besoin était, l'action déterminante et grandissante de cet organisme pour la protection de nos libertés individuelles et collectives.
Par ailleurs, le groupe Démocrate remercie à nouveau le ministère de l'intérieur et des outre-mer ainsi que celui des sports et des Jeux olympiques et paralympiques pour la qualité des échanges et du travail fourni avec le Parlement, et ce à chacune des étapes du processus législatif. Cela étant dit, pour leur bonne qualité, nos échanges auraient mérité d'être constamment nourris grâce à notre interlocuteur naturel et privilégié qu'est le ministère des relations avec le Parlement, lequel fut absent, comme il l'est encore aujourd'hui. Dommage ! Une coconstruction active est pourtant le gage de la défense de l'intérêt général.
Quoi qu'il en soit, notre groupe votera ce texte issu de la CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
La manifestation exceptionnelle que sont les Jeux olympiques méritait ce texte exceptionnel. Il aurait dû être l'occasion de créer les conditions d'un débat beaucoup plus ouvert et ainsi de faire avancer plusieurs points au nom de l'intérêt général. Cela n'a malheureusement pas toujours été le cas. Nous achevons donc son examen avec un léger sentiment de déception. Le groupe Socialistes et apparentés a tenté, au cours des débats en commission puis en séance, de faire vivre le mot « coconstruction ». On l'entend beaucoup depuis le début de la législature et plus particulièrement au cours des derniers jours, pendant lesquels il a repris force et vigueur, mais il semble qu'il ne soit resté qu'un mot pendant l'examen de ce texte.
Sur des questions relevant de l'intérêt général et qui semblent, cela a été souligné par mes prédécesseurs, appeler des réponses de bon sens, nous n'avons obtenu l'adoption que de quelques amendements – on peut les compter sur les doigts d'une main. Même ceux, placés en fin de texte, qui proposaient le dépôt d'un certain nombre de rapports, ont été repoussés ! Nous aurions tous dû et tous pu nous réunir autour de propositions légitimes, mais elles ont été systématiquement rejetées. Je pense notamment à cette grande campagne de prévention et de communication sur les violences sexistes qui aurait dû nous rassembler à l'occasion de l'examen de ce texte.
Surtout, la CMP est revenue sur la durée de l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique alors qu'il nous semblait légitime qu'elle n'excède que de quelques mois la période des Jeux olympiques, puisque, au cours des débats, nous nous avions fixé son terme au mois de décembre 2024. Finalement, cette expérimentation a été prolongée jusqu'au 31 mars 2025.
Madame la présidente, je n'ai pas de chance : à chaque fois que je prends la parole, l'hémicycle se remplit et je me vois obligé de faire des pauses de quelques secondes pour que ma parole puisse être entendue.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous avez raison. J'en suis navrée. Chers collègues, un peu de silence s'il vous plaît.
Merci, madame la présidente.
Cette décision de repousser la durée de l'expérimentation est à la fois incompréhensible et très compréhensible puisqu'elle valide l'idée que ce texte ne concerne pas seulement la sécurité des Jeux olympiques, mais, plus largement, la politique de sécurité du Gouvernement.
Madame la ministre, je me suis permis de vous relancer plusieurs fois en séance sur une question, pour laquelle nous n'avons jamais obtenu de réponse précise : il y a un écart énorme entre les images issues des scanners corporels à ondes millimétriques telles qu'elles nous ont été transmises – on n'y distingue qu'une vague silhouette – et celles qui apparaissent sur certains documents officiels. Dans le document faisant état de l'avancement des travaux du rapporteur, ce dernier soulignait le caractère fortement intrusif du scanneur corporel, et demandait au moins le floutage des visages sur ces images. Face à ce décalage entre les travaux du rapporteur et les images qui nous ont été transmises, l'incompréhension est totale.
Sur le mariage dangereux entre la vidéosurveillance et les algorithmes, peu de réponses nous ont été apportées et nous avons été renvoyés en permanence à des slogans dont l'objectif était de nous rassurer ainsi qu'à un futur décret, dont nous ne savons rien. Aujourd'hui, nous ne savons toujours pas ce que les algorithmes surveilleront, ni ce qu'ils identifieront, ni comment ils le feront et nous ne connaissons pas la durée de cette surveillance. Nous ferons parvenir nos observations sur l'article 7 au Conseil constitutionnel.
Vous avez deviné que la position du groupe Socialistes et apparentés serait la même qu'en première lecture : l'abstention.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue 151
Pour l'adoption 244
Contre 57
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier. (n° 1029).
La parole est à M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission mixte paritaire.
C'est avec grand plaisir que je vous retrouve aujourd'hui au terme d'une procédure législative dense, qui s'est achevée jeudi 30 mars par une commission mixte paritaire (CMP) conclusive. Avant de revenir sur le contenu du texte que nous nous apprêtons à voter, je tiens à en redire le contexte.
La presse est aujourd'hui dans une situation très critique : elle souffre de difficultés conjoncturelles majeures qui viennent s'ajouter aux fragilités structurelles du secteur. En 2022, 3,6 millions d'exemplaires des titres de la presse régionale étaient imprimés chaque jour, contre 5,6 millions dix ans auparavant. Ce seul chiffre illustre la baisse des ventes et la raréfaction du lectorat.
Le prix de la tonne de papier a doublé en un an pour atteindre près de 900 euros en 2022. Selon les estimations de la filière, la hausse du coût du papier pourrait représenter un manque à gagner de 120 millions. Si l'ensemble du secteur de la presse est touché à des degrés divers, la presse quotidienne régionale, dont la pagination est importante, l'est particulièrement. La hausse du coût de l'énergie affecte également les coûts de la distribution, du transport et de fabrication. La presse numérique n'est pas épargnée et subit l'augmentation des tarifs des hébergeurs. En somme, si les éditeurs parviennent à absorber une part de la hausse de ces coûts – grâce notamment à l'augmentation des prix et à une réduction de la pagination déjà mise en œuvre par une majorité d'entre eux –, le risque de déstabilisation est réel pour tout le secteur.
En parallèle, il convient de rappeler que la presse est, depuis 2017, incluse dans la filière à responsabilité élargie des producteurs des papiers graphiques. La responsabilité élargie des producteurs (REP) – c'est-à-dire la gestion des produits par les producteurs, de leur mise sur le marché à la fin de leur cycle de vie – est la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, dont la France est un pays moteur. Nous sommes en effet les premiers en Europe à avoir mis en place le système de REP.
La presse est donc incluse depuis 2017 dans la filière REP des papiers graphiques, mais, étant considérée comme un secteur particulièrement sensible au même titre que les livres, elle bénéficiait d'une dérogation lui permettant de contribuer à la filière sous la forme de prestations en nature, par la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier. Ce système existait bien avant 2017, mais, à partir de cette date, il est devenu une alternative obligatoire au paiement d'une écocontribution à l'éco-organisme. La loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, a mis un terme à ce régime dérogatoire. Elle prévoit que, à compter du 1er janvier 2023, l'écocontribution de la presse doit être numéraire. La charge que représente ce financement direct pour la presse est estimée entre 15 et 22 millions d'euros.
J'en viens maintenant au contenu de ce texte. La commission mixte paritaire, qui s'est tenue le 30 mars dernier, a été conclusive : députés et sénateurs sont parvenus à se mettre d'accord sur un texte qui, tout en étant le résultat d'un compromis, répond à l'objectif d'un soutien efficient à la presse au sein de la filière REP.
La principale évolution du texte aujourd'hui soumis à votre approbation, par rapport à sa version initiale, tient sans nul doute dans le maintien de la presse au sein de la filière REP. Il s'accompagne de la mise en œuvre d'une écomodulation pour les produits de la REP contribuant à une information d'intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment grâce à la mise à disposition gratuite d'encarts d'information, sous réserve que les produits respectent bien par ailleurs des critères de performance environnementale.
Je croyais que je disposais encore de cinq minutes, madame la présidente !
Alors, pour conclure, c'est aujourd'hui un texte enrichi, prenant en compte l'ensemble des propositions du Sénat et de l'Assemblée nationale, que nous nous apprêtons à voter. Son objectif est simple : accompagner la presse dans un monde extrêmement compliqué, tout en assurant le financement des collectivités territoriales pour le traitement des déchets.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Jean-Marc Zulesi, vice-président de la commission mixte paritaire, applaudit également.
Nous y sommes ! Après une commission mixte paritaire conclusive, lors de laquelle s'est construit un véritable consensus entre les chambres, nous nous retrouvons aujourd'hui pour porter cet accord au vote. Nous avons abordé pour la première fois la question de l'avenir de la filière REP papiers en janvier dernier, lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi déposée par M. le rapporteur, Denis Masséglia. Trois mois après, le texte issu de la CMP prouve, encore une fois, qu'en faisant confiance au dialogue, il est possible d'aboutir à un texte qui satisfasse l'ensemble des parties prenantes. Ce n'était pas chose aisée : la problématique que M. le rapporteur a souhaité traiter dans ce texte est complexe. Il nous fallait apporter une solution au secteur de la presse confronté à des difficultés économiques, tout en maintenant sa responsabilité environnementale en application du principe du pollueur-payeur.
Ce texte prévoit un maintien de la fusion des filières REP emballages et papiers. Nous pouvons nous en féliciter, car ce maintien apparaît comme la meilleure voie possible. Nous prenons nos responsabilités, car nous anticipons les difficultés que connaît déjà la filière papiers et nous lui permettons de disposer d'un cadre qui lui donne une meilleure assise et davantage de visibilité économique. Nous espérons tous que la performance environnementale de la filière sera à la hauteur des ambitions. Elle le sera, car cette fusion permettra aussi une stratégie d'écoconception commune concernant des déchets qui sont déjà traités dans les mêmes centres de tri avant d'être recyclés ensemble.
Pour la presse, l'équation était complexe et deux solutions s'offraient à nous : construire un modèle de responsabilité propre au secteur de la presse en la sortant de la filière REP – tout en exigeant d'elle une contribution en nature aux contours bien définis, qu'il s'agisse du bénéfice et de l'implication des collectivités ou des critères environnementaux – ou maintenir la presse dans la filière REP en lui permettant de réduire sa contribution financière par le mécanisme d'écomodulation conditionné à des critères de performance environnementale.
Le débat parlementaire était nécessaire sur ce sujet, les deux chambres nous l'ont prouvé. L'Assemblée nationale avait adopté la première option, tout en consolidant la place et les contreparties pour les collectivités. Des amendements de différents groupes politiques avaient d'ailleurs enrichi le texte. Le Sénat a eu, de son côté, une autre lecture, en privilégiant la seconde option. La commission mixte paritaire a finalement retenu cette seconde solution en complétant la version du Sénat. Ces ajouts bienvenus renforcent les garanties de progrès écologique du texte. Ainsi, il est notamment prévu que les encarts donnant lieu à un bonus ne pourront être à visée promotionnelle pour le bénéficiaire, de manière directe ou indirecte ; en outre, le bonus ne pourra être attribué si la mise à disposition d'encarts gratuits augmente la quantité de déchets, notamment à cause du suremballage – c'était l'un des travers identifié et il n'était pas concevable de laisser un dispositif aller à l'encontre des politiques publiques construites ces dernières années avec vous et qui font figure d'exemple sur la scène européenne et internationale.
Monsieur le rapporteur, je salue votre implication pour construire ce consensus. Je remercie également madame Danielle Brulebois, pour sa contribution lors de la discussion du texte, tout comme la sénatrice Marta de Cidrac, qui a eu à cœur de faire aboutir favorablement la commission mixte paritaire.
Vous êtes nombreux dans cette enceinte à partager une ambition environnementale élevée, notamment en matière d'économie circulaire. L'ambition du Gouvernement est également forte. Nous lançons avec ambition et fermeté les filières REP dans de nombreux secteurs. Le travail visant à instaurer un affichage environnemental progresse sérieusement. Nous avons réformé la filière REP textile, pour la rendre encore plus performante et notre performance de recyclage des emballages plastiques a fait un bond significatif, notamment grâce à la généralisation du bac jaune. Les chantiers sont encore nombreux et ma volonté reste intacte.
Nous avons un rendez-vous important : du 29 mai au 2 juin, nous accueillerons à Paris les négociations pour la signature du futur traité international contre la pollution plastique. Ce sera une occasion formidable pour partager cette ambition avec le monde entier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Avec cette proposition de loi au titre trompeur – puisqu'il mentionne avant tout la « fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers » –, le Gouvernement et sa majorité ont voulu nous embarquer dans une galère consistant à choisir entre deux inconvénients : soit prolonger le système de contribution en nature du secteur de la presse au service public de gestion des déchets – au détriment des collectivités qui financent ce service ; soit maintenir la presse dans sa filière REP pour ne pas créer de précédent – en étranglant un peu plus ce secteur déjà en crise, alors que la presse quotidienne régionale comme la presse d'information générale sont si précieuses pour notre démocratie.
Pierre, ce ton ne te va pas, toi, un homme mesuré, soucieux de compromis et de dialogue !
La fin annoncée, sous la pression de normes européennes, du système d'encarts publicitaires, le 1er janvier 2023, était connue de longue date, mais elle n'a pas été anticipée. Le 31 janvier dernier, en première lecture de ce texte, les membres du groupe Les Républicains ont dénoncé cette impréparation et défendu le droit pour la presse à conserver sa contribution en nature, tout en restant dans sa filière REP. Les arguments juridiques opposés par la majorité nous avaient alors empêchés de trouver une porte de sortie honorable pour tous.
À cette occasion, nous avions indiqué que, plutôt que de simplement faire payer la presse pour ne pas léser les collectivités, la moins mauvaise solution consistait à compenser cet effort de la presse par une augmentation équivalente des aides de l'État à celle-ci. Cela aurait exigé que le Gouvernement mette la main au portefeuille et verse 20 millions d'euros. La réalité, c'est que l'exécutif préférait renvoyer ce choix au Parlement et aux collectivités !
Au-delà de cette tare d'origine, la proposition de loi nous invitait aussi à envisager la fusion de deux filières, celle des emballages ménagers et celle du papier, solution étonnante puisqu'elle n'est réclamée ni par les acteurs de ces deux filières, ni par les éco-organismes, ni par les collectivités locales. Elle faisait même l'objet d'une franche hostilité de la part des entreprises de l'industrie papetière, également confrontées à une crise majeure, qui voyaient dans ce mariage forcé le risque d'un déséquilibre inacceptable en leur défaveur, notamment au profit de la filière carton et des emballages du commerce en ligne.
Il ne reste plus qu'une seule usine pour le papier de presse en France !
Très attachés à soutenir la presse mais conscients des effets pervers de ce texte pour les collectivités et la filière papetière, les membres du groupe Les Républicains s'étaient donc abstenus. Finalement, nous pouvons remercier nos collègues sénateurs du groupe Les Républicains, notamment la rapporteure de ce texte, Marta de Cidrac. Elle a largement remanié et amélioré le texte pour concilier au mieux les différentes contraintes entre lesquelles le Gouvernement s'était refusé d'arbitrer. Le Sénat n'est pas tombé dans le piège du choix entre la presse et les collectivités ! Il a refusé de laisser un manque à gagner de 20 millions d'euros pour les collectivités, alors qu'elles sont déjà étranglées par l'inflation, la hausse des coûts de gestion des déchets, et la réforme désastreuse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), comme celle de la tarification incitative.
Il a refusé de faire supporter au contribuable une augmentation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères équivalente aux dépenses que le Gouvernement n'a pas eu le courage de consentir pour soulager le secteur de la presse. Le Sénat a donc réintégré la presse dans la filière REP unifiée et a habilement maintenu le recours possible à une contribution en nature grâce à une écomodulation qui permettra de soulager la charge financière de la presse tout en restant conforme au droit européen. C'est donc le compromis que notre groupe avait proposé en première lecture à l'Assemblée qui est retenu. Nous nous félicitons qu'il ait été validé à l'issue de la commission mixte paritaire.
Cette proposition de loi a tout de même un inconvénient : elle fait payer par les autres secteurs de la filière, a priori plutôt les producteurs d'emballages ménagers, la contribution financière à laquelle nous permettons à la presse d'échapper. Ce point d'arrivée n'est pas improvisé, il est en fait un point de départ. Le législateur a fait son travail. C'est désormais au Gouvernement de faire le sien et d'assumer sa responsabilité, en trouvant une solution pour restaurer l'équité de financement entre les contributeurs de la filière REP nouvellement créée. Le Gouvernement connaît les solutions possibles ; il les avait à sa disposition dès le début, à défaut de les avoir étudiées. Nous l'avons dit, il peut soit augmenter les aides publiques à la presse, soit prévoir une compensation pour la filière des déchets ménagers, soit augmenter les dotations pour les collectivités.
Madame la secrétaire d'État, il revient désormais au Gouvernement de choisir, après avoir préféré une tentative de diversion avec cette proposition de loi. Après que vous avez tenté de nous contraindre en ne vous attaquant pas au cœur du problème, c'est-à-dire à la crise de la presse, c'est maintenant nous qui vous contraignons. En conclusion, nous votons pour ce texte, grâce aux sénateurs du groupe Les Républicains et pour ne pas pénaliser les différents acteurs de la filière, tout en formant le vœu que vous et votre majorité effectuerez le bon choix.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le texte issu de la commission mixte paritaire et soumis à notre vote vise, d'une part, à fusionner les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers à usage graphique, et d'autre part, à instaurer une modulation des contributions financières pour les produits participant à informer le public sur la gestion des déchets.
La première mesure est prise par cohérence avec l'instauration d'un repère unique pour le consommateur : le bac jaune, destiné à recueillir tant le papier que les emballages – on constate malgré tout que tout n'est pas encore suffisamment uniformisé sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, si la fusion des filières est annoncée comme vectrice de synergies nouvelles, de gains dits structurels, la gouvernance du nouvel ensemble devra être attentivement étudiée, la filière des papiers à usage graphique ne pesant que 10 % de celui-ci. Le papier ne saurait être considéré autrement que comme une matière en devenir, au vu de sa haute recyclabilité et de son moindre impact environnemental – et malgré son ancienneté.
Par ailleurs, ce texte ouvrira la possibilité, pour les producteurs dont les produits participent à l'information d'intérêt général sur la gestion des déchets, grâce à la mise à disposition d'encarts publicitaires, de bénéficier d'une modulation des contributions. Celle-ci prendrait la forme d'une prime versée par les éco-organismes aux producteurs et permettrait de pérenniser un dispositif déjà existant, absolument essentiel à un acteur majeur de la filière des papiers à usage graphique : la presse.
Comme chacun sait, la presse subit une situation des plus compliquées depuis plusieurs années, avec une baisse continue du nombre de lecteurs de journaux ou de magazines ; c'est un acteur économique fragile. Ainsi, la France ne dispose plus que d'un seul site de production de papier destiné à la presse, l'usine de Golbey dans les Vosges. Le secteur fait de plus face à des difficultés majeures du fait de l'inflation, qui renchérit le papier et l'énergie. Ainsi, en un an seulement, le prix de la tonne de papier journal est passé de 400 à 1 000 euros.
La modulation de la contribution, sous forme de prime, permettra donc de rappeler la responsabilité de la presse dans la gestion des déchets. Ses acteurs n'ont d'ailleurs cessé ces dernières années de s'investir pleinement pour améliorer celle-ci, par le choix des encres ou l'utilisation du papier recyclé – à hauteur de 95 % pour le papier vosgien. La mesure permettra en même temps à la presse de convertir sa contribution sous forme d'encarts publicitaires pour former chacun de ses lecteurs à une meilleure gestion des déchets. C'est ainsi une adaptation intelligente qui se poursuit, pour un secteur à vocation d'intérêt général économiquement fragile mais qui peut très utilement participer à une gestion améliorée de la production et du tri des déchets.
En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation en première lecture, je suis convaincue qu'il n'aurait pas été dénué de sens d'exempter la presse de la REP, comme les livres le sont déjà. Quand il s'agit des livres ou de la presse – originellement porteuse de pluralisme et de liberté d'expression, valeurs fondamentales de nos démocraties –, le papier est constitutif d'un support culturel, contrairement aux cas où il sert d'emballage. Le journal sera parfois conservé comme les livres le sont, quoique sans doute moins régulièrement qu'eux. Il n'entre donc pas tout à fait dans la catégorie du simple produit jetable. Le compromis adopté au Sénat, s'il ne nous satisfait pas pleinement, a au moins le mérite de préserver une possibilité d'exemption totale de contribution pour la presse, par la mise à disposition d'encarts publicitaires, comme c'était le cas jusqu'à cette année. J'appelle toutefois votre attention sur trois points particulièrement importants.
Tout d'abord – mais ce ne devrait pas poser de difficulté – j'appelle à la vigilance quant à la part de financement prise en charge par l'éco-organisme. Jusqu'ici, le code de l'environnement fixait ce niveau à 80 % pour les emballages ménagers et à 50 % pour les papiers à usage graphique. Le texte renvoie la fixation du niveau de prise en charge à un décret. Je sais bien que les intérêts des collectivités et ceux de l'éco-organisme financé par les industriels – Citeo, pour ces filières – convergent difficilement et que le coût des emballages ménagers supporté par les collectivités s'est accru, à cause de la forte inflation et la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes, toutefois le taux qui s'appliquera devra ne pas pénaliser les filières, dont on connaît, au moins pour celle des papiers à usage graphique, la fragilité.
Deuxièmement, je vous interpelle sur le taux d'acquittement dont bénéficie la filière des papiers à usage graphique, qui résulte du rapport entre le poids de déchets de papiers à usage graphique pour lesquels une contribution est versée et celui de l'ensemble des papiers assujettis à la REP. De fait, ce taux ne prend pas en compte les freeriders, ou passagers clandestins. Les acteurs de la filière du papier à usage graphique ont exprimé leur inquiétude de voir à terme ce taux d'acquittement disparaître. Compte tenu de la précarité de sa situation, la filière papiers ne peut se permettre de payer pour ces passagers clandestins.
Enfin, j'appelle votre vigilance sur les décrets qui fixeront les conditions de modulation de la contribution, si ce texte est adopté.
Il faudra en effet veiller à exclure de cette prime les industries qui n'ont pas à en bénéficier ; il ne serait pas normal que les emballages ménagers, par exemple, bénéficient de cette exemption.
Ces clarifications faites, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem – M. le rapporteur applaudit également.
À l'heure du vote sur cette proposition de loi, je dois vous dire la déception que partagent de nombreux parlementaires, sur les bancs de la majorité comme de l'opposition. Pour autant, je tiens à saluer le travail du rapporteur, Denis Masséglia.
Malgré nos discussions sur le fond, nous ne sommes pas parvenus à vous convaincre que les dispositions de ce texte auront de lourdes conséquences sur notre capacité à atteindre nos objectifs en matière d'économie circulaire, de prévention, et de recyclage des déchets.
Depuis le début des débats, nous avons appelé à une clarification sur le véritable objet de cette proposition de loi : l'exemption du secteur de la presse de ses écocontributions financières, plutôt que la fusion des filières REP papiers et emballages, qui n'aura été qu'un prétexte. Si nous ne contestons nullement la pertinence d'un soutien supplémentaire à la presse, nous nous opposons fermement à l'approche qui consiste à utiliser la responsabilité élargie des producteurs comme variable d'ajustement.
En effet, nous avons dénoncé dans le texte initial la conception de la prime bénéficiant aux éditeurs de presse. Plutôt que les éco-organismes, ce sont les autres metteurs en marché de la filière des papiers à usage graphique et emballages ménagers qui auraient dû la régler.
Nous partageons l'analyse de Citeo qui estime que le dispositif est injuste et déresponsabilisant. Le groupe Socialistes et apparentés considère en effet qu'il n'est pas responsable de faire peser une facture de 20 millions d'euros sur les autres secteurs industriels, dont la plupart subissent également les conséquences de la situation économique du pays. C'est une question de justice et de responsabilité. Lors de l'examen en commission, nous avons été nombreux, sur tous les bancs, à vous alerter sur les risques liés aux exemptions au profit de la presse. Je salue d'ailleurs les membres de la majorité qui ont pris position à nos côtés. C'est bien la preuve que ce combat ne s'arrête pas aux frontières des groupes politiques.
Toujours sur le fond, nous sommes en désaccord avec votre lecture de la directive européenne de 2008 portant sur la gestion des déchets. Contrairement à vos explications en commission comme en séance, elle autorise les États à garantir une part minimale de 50 % de contribution en numéraire.
C'est pourquoi les élus socialistes, de l'Assemblée nationale comme du Sénat, vous ont proposé une solution de compromis, avec un partage à égalité entre une part financière et une part en nature. Mais vous n'en avez pas voulu !
Au final, nos collègues sénateurs sont parvenus à une rédaction du moindre mal, reposant sur le principe des écomodulations. Ainsi, la presse est maintenue dans la filière REP, au prix d'un contribution financière, qu'elle pourra désormais intégralement convertir en prestations. Comme de nombreuses associations, telles qu'Amorce, le Cercle national du recyclage et Intercommunalités de France, nous sommes satisfaits du maintien – mais à quel prix – de la presse dans la filière.
En ouvrant la possibilité pour la presse de convertir intégralement sa contribution financière en prestations, on prend le risque d'un important manque à gagner pour l'éco-organisme Citeo, à moins d'une répercussion de l'ensemble des coûts sur les autres metteurs en marché. Cela aura, dans tous les cas, pour conséquence de déstabiliser durablement l'organisation de la REP, avec le risque d'un effet boule de neige sur les autres filières.
Plus grave encore, après modification en CMP, la rédaction renvoie au décret la fixation du taux de couverture des coûts actuellement prévus dans le code de l'environnement par la loi Agec de février 2020. Mes chers collègues, il faut que vous entendiez que le fait que le taux ne soit plus fixé par la loi, mais au niveau réglementaire, entraînera une instabilité économique pour les entreprises adhérentes. En faisant le choix de se dessaisir au profit du pouvoir réglementaire, le législateur consent à sa propre impuissance, inquiète les acteurs économiques et s'expose à l'inconstitutionnalité.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur ce texte, qui risque de désorganiser le fonctionnement des filières REP, sans apporter de solution de fond susceptible de résoudre les difficultés que rencontre le secteur de la presse.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La France est l'un des pays qui recourt le plus aux filières REP ; elle compte ainsi douze filières de gestion des déchets. Des emballages ménagers aux véhicules hors d'usage, en passant par les bateaux de plaisance ou de sport, notre pays est largement investi, et l'objectif est simple : mettre en place une société plus responsable des déchets qu'elle produit grâce au principe du pollueur-payeur. Vous le savez, plus que jamais, le contexte nous impose d'agir vite et efficacement – changer nos habitudes de consommation et produire de manière plus verte en incitant et en accompagnant nos producteurs.
Le principe de responsabilité élargie du producteur s'inscrit dans cette logique. Les filières REP visent à la prévention et à la gestion des externalités négatives en matière de déchets de certains types de produits, afin de lutter contre le gaspillage et d'inciter à l'innovation en matière d'écoconception. Parce qu'elles sont essentielles, la loi Agec prévoit la création de onze filières REP supplémentaires entre 2021 et 2025.
La proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier, présentée par M. Denis Masséglia, dont je salue le travail, s'inscrit dans une logique simple : simplifier ces filières REP, mais également adapter la loi et ses objectifs qui, en l'état, mettent en difficulté la filière papiers et la presse, qui doit faire face à de nombreux enjeux – dont le développement des pratiques numériques.
L'importance de ces deux filières rend nos débats d'autant plus importants. Ainsi, celle des imprimés papiers et papiers à usage graphique représente près de 1,3 million de tonnes de déchets de papiers traités, et ces déchets n'étaient recyclés qu'à hauteur de 57 % en 2018.
En outre, les deux filières ne font pas face aux mêmes enjeux : alors que la filière REP papiers compte des quantités de moins en moins importantes de déchets du fait de la numérisation des pratiques, celle des emballages ménagers ne cesse de monter en puissance, en raison de l'essor du commerce en ligne notamment. Par conséquent, la fusion proposée par le texte s'inscrit dans une volonté de plus grande efficacité, mais aussi dans la dynamique soutenue par la loi Agec, afin de renforcer les synergies entre les deux filières.
Pour autant, la simplification ne peut se faire au prix d'effets de bord qui pourraient nuire à la filière ou aux collectivités. Il est essentiel de préserver le principe du pollueur-payeur qui a fait ses preuves en matière environnementale. En outre, dans la rédaction initiale de la proposition de loi, les collectivités territoriales étaient les principales perdantes puisque, conformément aux dispositions prévues par la loi Agec, elles auraient dû percevoir près de 20 millions d'euros par an en soutien à leur politique de gestion des déchets.
Aussi, dès l'examen en commission, le groupe Horizons et apparentés a alerté. Il a défendu et fait adopter une demande de rapport au Gouvernement afin d'évaluer les impacts de la proposition de loi et l'opportunité d'étendre au secteur de la presse, à terme, l'obligation d'écocontribution, comme prévu par la loi Agec. C'est un enjeu important, compte tenu du rôle de cette écocontribution dans le financement des collectivités territoriales.
Nos collègues sénateurs ont partagé cette analyse et ont donc décidé de maintenir la presse dans le champ de la REP. Par ailleurs, une modulation des contributions financières a été introduite sous forme de prime, ce qui permettra de prendre en compte la spécificité du secteur, tout en offrant des garanties environnementales. Je tiens donc à remercier nos collègues sénateurs pour leur travail, ainsi que tous les collègues membres de la CMP : le texte que ces derniers ont adopté nous semble particulièrement équilibré. C'est pourquoi les membres du groupe Horizons et apparentés le voteront.
Mme Maud Petit et M. le rapporteur applaudissent.
Au premier abord, cette proposition de loi semblait très technique : fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs, dont les déchets sont souvent collectés dans le même bac. La filière papiers d'un côté, la filière emballages ménagers de l'autre. Pourtant, derrière cette fusion, le texte sert un autre objectif : éviter une nouvelle contrainte financière pour un secteur en difficulté – la presse.
En effet, à compter de janvier 2023, le droit actuel prévoyait que la presse contribue financièrement à un éco-organisme dans le cadre d'une filière REP. Jusqu'au 1er janvier, les éditeurs de presse avaient un choix simple : payer une écocontribution pour financer la gestion de leurs déchets papiers ou mettre à disposition des encarts publicitaires dédiés au recyclage, à condition d'incorporer 50 % de papier recyclé dans leurs publications.
Avec le texte présenté en première lecture à l'Assemblée nationale, vous proposiez de supprimer la contribution financière au profit de la mise à disposition d'encarts publicitaires sans condition environnementale. Nous aurions, pour la première fois, sorti un secteur du système de REP, à contrecourant de la logique du pollueur-payeur.
Dès l'examen en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale – même si la fusion des filières emballages ménagers et papiers ne nous posait pas de difficulté –, les membres du groupe Écologiste avaient pointé les risques d'une exemption totale de filière REP pour la presse. Nous refusions d'aider un secteur en difficulté en rognant sur ses obligations environnementales. Nous refusions également de créer un précédent, avec le risque de nouvelles exemptions pour d'autres filières REP. Nous refusions, enfin, de mettre en péril les finances des collectivités en charge de la gestion des déchets.
Au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le texte a été très largement réécrit. Notre satisfaction majeure réside dans le maintien de la presse dans une filière REP. Plutôt que l'exemption totale que nous contestions, le Sénat a préféré une écomodulation dans la contribution aux éco-organismes, sur le modèle du système actuel de contribution en nature de la presse, mais avec le maintien de critères de performance environnementale.
En faisant bénéficier les filières contributrices d'une prime, dès lors qu'elles réservent gratuitement des encarts à l'information sur la prévention et la gestion des déchets, le Sénat est parvenu, d'une certaine manière, à faire perdurer la situation en vigueur jusqu'au 1er janvier, tout en prenant toutes les précautions nécessaires au regard du droit européen.
Toutefois, deux difficultés persistent. Elles ont été, je crois, évoquées en CMP. D'une part, la rédaction n'écarte pas formellement le risque de contagion du dispositif d'écomodulation à d'autres secteurs que celui de la presse, qui pourraient donc chercher, eux aussi, à en bénéficier. La commission mixte paritaire n'est pas parvenue à une rédaction suffisamment rassurante en la matière : les décrets d'application devront être à la hauteur.
D'autre part, comment financer le manque à gagner pour l'éco-organisme ? Au sein de la filière REP, qui compensera la prime accordée à la presse ? La réponse est, encore une fois, du ressort du pouvoir réglementaire.
Un travail intelligent sur les décrets d'application pourrait être de nature à écarter ces deux difficultés. Il faut donc s'en remettre – et c'est parfois périlleux – à la bonne foi du Gouvernement.
En définitive, nous pouvons nous satisfaire que les craintes exprimées en première lecture – en particulier par notre groupe – aient été entendues par les sénateurs, puis par la commission mixte paritaire. Cela se traduit par une modification notable : la presse restera intégrée à une filière REP. Elle continuera de fournir gratuitement des encarts en lien avec la prévention des déchets. Enfin, elle restera incitée à respecter des critères de performance environnementale.
Néanmoins, les difficultés soulevées par la rédaction définitive ne sont pas négligeables, en particulier en ce qui concerne le risque de contagion de l'écomodulation. Notre groupe s'abstiendra donc sur ce texte, tout en soulignant son amélioration notable au cours de la navette.
Permettez-moi, pour conclure, de dire un mot du secteur de la presse, dont les difficultés financières sont probablement au fondement de cette proposition de loi. Ces difficultés, sérieuses, s'ajoutent à d'autres menaces qui pèsent sur la qualité de l'information dans notre pays. J'en profite donc pour insister sur le besoin de revisiter le fonctionnement des aides à la presse. Nous pourrions par exemple en débattre à l'occasion du prochain projet de loi de finances et, enfin, lancer les états généraux de l'information, tant attendus par le secteur de la presse.
M. Stéphane Delautrette applaudit.
Sous son aspect technique, ce texte aborde deux enjeux majeurs pour notre pays, que nos débats et nos travaux essaient de concilier depuis la première lecture dans notre assemblée : le recyclage des emballages – avec le principe du pollueur-payeur – et la préservation d'un secteur fragile, mais indispensable en démocratie, la presse.
Nous estimions que la presse ne pouvait intégrer la responsabilité étendue des producteurs sans prise en compte de ses spécificités. D'autres l'ont rappelé, l'article 72 de la loi Agec prévoyait qu'au 1er janvier 2023, les éditeurs de presse ne pouvaient plus verser leur écocontribution en nature, sous forme d'encarts destinés à informer le lecteur sur les gestes de tri et le recyclage. La fin de ce régime dérogatoire devait se matérialiser par une taxe sur les éditeurs de presse, estimée entre 15 et 22 millions d'euros en 2023.
Or, le secteur de la presse est, structurellement et conjoncturellement – à cause de l'explosion du coût du papier – en très grande difficulté. C'est pourquoi, depuis le début de l'examen de ce texte, nous soutenons pour la presse, à l'instar de ce qu'il se fait pour le livre, le principe d'un dispositif en dehors du champ classique de l'écocontribution.
Rappelons quelques éléments sur la situation de la presse, pilier de notre démocratie. Ces dernières années, la situation se dégrade : faillite de Presstalis, liquidation du Journal de l'île de La Réunion, de La Dépêche de Tahiti, difficultés d'organes de presse régionale essentiels tels que France-Guyane, France-Antilles, Les Nouvelles calédoniennes, chute du nombre de lecteurs, situation financière fragile. Tout cela entraîne les fermetures massives des éditeurs de presse, restreignant encore plus l'audience des médias écrits.
S'ajoute un phénomène de concentration et d'accaparement des médias – presse écrite comprise – par les multimilliardaires qui vient mettre à mal le pluralisme.
Cela provoque des difficultés importantes pour une presse indépendante qui s'efforce de se développer. Nous disposons de nombreuses propositions pour y remédier, comme une meilleure attribution des aides à la presse ou la création d'une loi anticoncentration aux seuils modernisés. Il nous faut agir – et vite – si nous ne voulons pas voir tout un secteur de l'information disparaître. Nous devons avoir ce contexte à l'esprit à l'heure où nous examinons ce texte.
Cependant, nous entendons la difficulté que peut représenter le fait d'exclure un secteur entier de la responsabilité étendue des producteurs. Il est en effet indispensable que les producteurs assument le coût du traitement de leurs déchets. D'autre part – et peut-être même surtout –, il importe de diminuer le volume des déchets, qui continue d'augmenter en raison de l'accroissement de la population. Oui, la priorité reste la diminution des emballages et la lutte contre le suremballage car le meilleur déchet est bien celui qui n'existe pas.
La version initiale du texte avait soulevé de nombreuses interrogations car elle excluait purement et simplement la presse de la filière REP. En instaurant une modulation qui permet de prendre en considération les spécificités de la presse sans exclure ce secteur du régime classique, la rédaction issue de la commission mixte paritaire apparaît comme une position d'équilibre entre les deux chambres.
Reste la question de la fusion des deux filières qui, au fil de nos débats, semble présenter des avantages et des inconvénients. D'un côté, il existe un risque de déséquilibre car les deux filières sont de taille très différente et il faut en outre tenir compte des traitements distincts des matières. De l'autre, la fusion va dans le sens d'une harmonisation des filières, prévue par la loi Agec de 2020. Par ailleurs, le principe de modulation apparaît plus favorable aux finances des collectivités territoriales, ce dont nous nous réjouissons.
Enfin, il faudra prendre des dispositions réglementaires afin d'éviter tout phénomène de contagion. D'autres secteurs pourraient en effet chercher à moduler leurs contributions au risque d'affaiblir considérablement les mécanismes prévus par la loi Agec.
Toutes ces précisions faites, les députés du groupe GDR voteront ce texte.
M. le rapporteur applaudit.
Nous arrivons au terme de l'examen de la proposition de loi visant à fusionner les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier. Si ce texte pouvait, à première vue, sembler assez anodin, il nous a finalement donné un peu de fil à retordre.
En effet, nous avons rapidement été écartelés entre des intérêts aussi divergents que justifiés et des risques induits pour toutes les parties, lesquelles demandaient à revoir finement la copie.
D'un côté, nous devions être à l'écoute d'une filière des papiers à usage graphique qui n'a pas été épargnée ces dernières années – loin de là –, les fermetures d'usines à papier, partout en Europe, peuvent, hélas, en témoigner. La faute en revient à de nouveaux usages liés à une numérisation galopante. On préfère envoyer un mail plutôt que de glisser un courrier dans une enveloppe, on trouve plus facile de lire son journal sur sa tablette que de se rendre dans un kiosque.
De tels changements d'habitudes ont bien sûr chamboulé tout un secteur amené, pour survivre, à se tourner vers d'autres débouchés comme le carton, grand gagnant du développement exponentiel de la vente en ligne et de la fin du tout-plastique. L'usine de Chapelle-Darblay, près de Rouen, est le parfait exemple de cette indispensable adaptation.
La faute en revient également à une crise qui n'épargne personne et a entraîné une flambée notable du prix des matières premières – dans ce secteur comme dans tant d'autres – ainsi qu'une explosion du coût de production du papier, son augmentation atteignant plus de 60 %.
Par effet rebond, les secteurs de la presse et du livre en ressortent profondément atteints. Ainsi les journaux de la presse quotidienne coûtent-ils plus cher depuis le mois de janvier, ce qui risque encore d'en détourner certains lecteurs. C'est le serpent qui se mord la queue. Des conséquences plus graves sont bien sûr à craindre. De nouveaux titres de la presse quotidienne régionale, incapables de résister bien longtemps, pourraient par exemple être condamnés à disparaître.
D'un autre côté, nous devions être à l'écoute des collectivités territoriales, dont les finances ont été – bien assez – mises à mal ces dernières années. Alors qu'elles subissent déjà la hausse de la TGAP, elles ne pouvaient voir que d'un très mauvais œil la perte financière induite par la sortie du secteur de la presse de la filière REP. J'ajoute au passage qu'une telle exclusion aurait représenté un fort mauvais signal en matière de politique de développement durable puisque, pour la première fois, un gisement se serait vu exonéré de ses obligations de recyclage.
Nous ne pouvons dès lors que nous féliciter qu'à force d'analyses et de discussions entre nos deux assemblées, ce texte ait finalement atteint un sage équilibre permettant de concilier les intérêts des uns et des autres.
En effet, le Parlement a abouti à un compromis qui permettra, d'une part, de protéger à la fois les finances du service public et le secteur de la presse et, d'autre part, de ne pas créer – et c'est important – un appel d'air qui aurait pu encourager d'autres secteurs à demander une sortie de la filière REP.
Ainsi, nos collègues sénateurs ont proposé de maintenir le secteur de la presse dans le dispositif de la filière REP sans pour autant le soumettre à une contribution financière. La presse n'en sera nullement pénalisée puisque ses contributions financières pourront être écomodulées, notamment au moyen d'encarts d'information et de sensibilisation citoyenne sur la prévention et la gestion des déchets – on peut cependant se demander qui décidera de leur contenu.
Les collectivités locales ne seront pas lésées pour autant puisque les primes consenties seront compensées par une augmentation des contributions des autres metteurs sur le marché soumis à la filière REP, ce que le groupe LIOT juge parfaitement légitime au vu de la croissance de cette filière.
Il est cependant à noter que les taux de couverture des coûts seront fixés par décret et non par le législateur, comme c'était le cas auparavant. Cela constitue selon nous, parlementaires, un recul. Une telle décision, fondamentale s'agissant du fonctionnement de la filière REP, mériterait un débat public et l'intervention du législateur.
Enfin, alors que le groupe LIOT craignait, au début de l'examen du texte, qu'une fusion de deux filières aux objectifs de recyclage différents induise une dilution des responsabilités des producteurs, la nouvelle rédaction, précisant que la prime accordée à la presse pèsera désormais sur le secteur de l'emballage, nous semble finalement légitimer cette fusion.
Dès lors, vous l'aurez compris, ce beau travail de compromis a apaisé nos réserves et doutes initiaux et conduit aujourd'hui le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires à accueillir favorablement la proposition de loi.
M. le rapporteur applaudit.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail remarquable et constructif mené par notre rapporteur Denis Masséglia. C'est lui qui, à l'origine, a relayé au sein de l'assemblée les préoccupations du secteur de la presse, lequel craignait d'être mis un peu plus en difficulté par certaines dispositions s'appliquant cette année.
Je veux également le féliciter car son travail porte sur un sujet plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, il fallait à la fois soutenir le secteur de la presse, singulièrement la presse quotidienne régionale à laquelle nous sommes tous attachés, sans pour autant renier les engagements pris par la majorité lors de la législature précédente.
La rédaction qui nous est présentée aujourd'hui démontre qu'un travail parlementaire, associant l'Assemblée nationale et le Sénat, peut être fécond et constructif, les préoccupations des deux chambres étant mutuellement prises en considération. Nous savons en particulier que les sénateurs sont attentifs à la préservation des finances des collectivités territoriales.
Grâce à cette rédaction, nous proposons de maintenir le secteur de la presse dans la filière dite de responsabilité élargie des producteurs et ainsi de conserver notre position, acquise grâce aux lois votées sous le quinquennat précédent, de leader européen s'agissant du principe pollueur-payeur, auquel le groupe Renaissance est attaché et pour lequel la France fait figure de précurseur. Nous souhaitons souligner le travail accompli en la matière lors de l'élaboration de la loi Agec.
Les travaux de la commission mixte paritaire et, auparavant, les débats au sein des commissions des deux chambres, nous ont amenés à faire le choix d'une écomodulation due par les producteurs, avec l'attribution d'un bonus aux publications de presse qui mettraient à disposition des encarts d'information générale sur la prévention et la gestion des déchets. Nous précisons également que la modulation sera désormais conditionnée au fait que ces « dispositifs d'intérêt général du public » ne conduisent pas à une augmentation du volume d'emballages mis sur le marché et qu'ils ne doivent pas avoir de visée publicitaire. Cette préoccupation a souvent été exprimée, notamment lors de l'examen du texte par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.
Le texte a fait l'objet de vives discussions, parfois même de critiques, en commission, non seulement à propos de la mesure visant à dispenser la presse d'appliquer le principe pollueur-payeur – à cet égard, le texte de compromis que nous étudions aujourd'hui constitue une réponse satisfaisante –, mais aussi à propos de la fusion des filières des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier. Sur ce point, les sénateurs sont finalement allés beaucoup plus loin que ce que souhaitaient à l'origine la majorité et le rapporteur puisqu'ils ont proposé une fusion intégrale. C'est sur cette question qu'il y a eu un arbitrage.
Désireux de demeurer attentifs aux conséquences de la présente loi, nous demandons que soit publié un rapport relatif à l'instauration de la modulation des contributions financières de la filière REP.
Nous pouvons être fiers de cette version de compromis. Grâce à ce texte, nécessaire à l'expression de la vie démocratique, nous sommes au rendez-vous pour soutenir une filière en grande difficulté mais aussi pour prendre en considération, comme il se doit, la gestion responsable de nos déchets. C'est pourquoi le groupe Renaissance votera en faveur des conclusions de la commission et donc en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – M. le rapporteur applaudit également.
Nous sommes amenés une deuxième fois à nous prononcer sur la proposition de loi qui prévoit la fusion de la filière à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et de la filière des producteurs de papiers à usage graphique.
Lors de la première lecture à l'Assemblée, la fusion des deux filières REP, assortie d'une exemption d'écocontribution pour la presse, avait été votée. Cette exonération a été remise en question par le Sénat afin de ne pas créer une exception qui aurait pu avoir des conséquences sur les filières REP. Il a en revanche inséré un dispositif de prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque les produits contribuent à une information d'intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets.
Cette disposition permettra une fois de plus à la presse d'échapper à l'écocontribution. Pire : tous les contributeurs de la nouvelle REP – née de la fusion des REP emballages ménagers et producteurs de papier – pourront bénéficier de cette prime.
Comme nous l'avions dénoncé en première lecture, la fusion des REP n'est qu'un prétexte pour éviter à la presse de payer une écotaxe. Cette proposition, élaborée rapidement, n'a fait l'objet que de peu de concertation avec les différents acteurs de ces filières.
Le Rassemblement national n'aime pas la presse ! Il n'aime pas la presse quotidienne régionale !
Nous pensons que cette proposition de loi n'améliore en rien le système existant et n'apportera pas les supposées économies annoncées par le rapporteur. En revanche, elle aura eu le mérite de montrer que notre système de recyclage, arrivé à la fin d'un cycle de vie, doit être repensé afin de mettre fin à l'aberration suivante : « plus on trie, plus on paie ».
Il est donc nécessaire de repenser le système de recyclage afin de rendre son financement plus équitable pour tous et de retrouver un cercle vertueux. Notre assemblée doit prendre ce sujet à bras-le-corps. Les contribuables et les collectivités territoriales sont en attente de perspectives, de propositions visant à faire baisser les taxes.
Vous l'aurez compris, nous voterons contre cette proposition de loi qui n'apporte rien aux contribuables, ni aux collectivités territoriales, ni aux entreprises concernées par cette fusion.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous informe que sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Hendrik Davi.
En première lecture, j'avais déjà exposé les réserves de La France insoumise concernant cette proposition de loi. Certaines d'entre elles demeurent après son passage en commission mixte paritaire. Rappelons que ce texte fusionne les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers d'une part, et celles des producteurs de papier d'autre part.
Avant de s'interroger sur la pertinence d'une telle fusion, je voudrais revenir, monsieur le rapporteur, sur votre conception des déchets qui irrigue la proposition de loi et apparaît incompatible avec la nôtre. En effet, vous ne questionnez jamais l'ensemble du modèle de production et de consommation qui est à la source des déchets ; pire, comme les déchets sont valorisés, ils ne constituent plus un problème écologique mais deviennent une source de profits. Je tiens à rappeler l'absence de baisse du volume des ordures ménagères : les ménages français produisent 39 millions de tonnes de déchets par an aujourd'hui contre 36 millions de tonnes en 2005. Chaque Français peut d'ailleurs se rendre compte de la multiplication des emballages, notamment pour des raisons de marketing ou de packaging, et on demande au consommateur de payer le recyclage d'emballages qui, hélas, lui sont souvent imposés par la société de consommation et son lot de publicités.
C'est sur le cycle global des marchandises que nous devons travailler pour avancer vers la sobriété. Alors que le Giec – le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – a rendu récemment encore un rapport alarmant sur le climat et qu'un vortex de déchets s'étend entre le Japon et les États-Unis sur une surface d'environ trois fois la France, nous devons de façon urgente changer de logiciel.
Il est essentiel de réduire la quantité de déchets que nous produisons, sachant que le meilleur déchet est celui qui n'est pas produit. Et des solutions existent : il est, par exemple, urgent d'interdire immédiatement les plastiques à usage unique et le suremballage, de rendre obligatoire le recyclage et le compostage, de généraliser les consignes et de développer les filières de réutilisation des matériaux. Mais rien dans cette proposition de loi ne permet d'avancer dans cette direction.
Venons-en à la fusion. La filière REP des emballages ménagers couvre cinq matériaux – papier/carton, plastique, acier, aluminium et verre –, alors que la filière REP papiers couvre tous les imprimés – papier gratuit ou non, ainsi que les publications de presse et les imprimés découlant d'une mission de service public. Ces deux filières sont très différentes, tant par le volume produit qu'en dynamique, leur fusion n'était peut-être pas une priorité et elle est difficile pour certaines raisons. Et puis surtout, le texte initial prévoyait que les publications de presse et les livres soient exemptés et ne soient pas soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur mais, contre l'avis du groupe Renaissance, le texte issu de la CMP maintient la presse dans la filière REP comme nous le souhaitions. Néanmoins, ce résultat a été obtenu au prix d'un tour de passe-passe que je vais tâcher d'expliquer.
C'est un compromis ! Nous, on discute avec les gens, contrairement à LFI !
Ainsi, qui devrait payer ? Je rappelle qu'en 2015, le Syndicat national de l'édition lui-même indiquait que la hausse de la production était due aux plus grands groupes du secteur. Il est dès lors inacceptable que la presse, qui représentait alors 17 % des déchets, soit exonérée de toute contribution financière alors qu'elle est largement dominée par les grands groupes. Une telle exonération représente un manque à gagner de 14 millions d'euros, sachant que la filière devrait générer 63 millions d'euros d'écocontributions. Il y avait d'autres moyens pour protéger la presse menacée, et nous en avons discuté en première lecture.
Mais qui va payer finalement ? On ne le sait pas et c'est bien le problème. Actuellement, le code de l'environnement prévoit que les producteurs d'emballages ménagers, cela a été rappelé, prennent en charge 80 % du coût de la gestion publique des déchets d'emballages contre 50 % pour la presse, et le texte ici présenté recourt à une astuce pour reporter le problème plutôt que de le régler. Il propose en effet que le niveau de prise en charge des coûts ne soit plus inscrit dans la loi mais fixé par décret, sans que l'on sache pour autant qui va accepter de compenser l'exonération accordée à la presse. La proposition de loi issue de la CMP est, hélas, muette sur le sujet. Les producteurs d'emballages pourraient combler une partie du déficit, et les collectivités également mises à contribution si les modulations sont revues globalement à la baisse.
Pour toutes ces raisons et compte tenu des interrogations que je viens d'exprimer, j'annonce que notre groupe s'abstiendra sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, telle qu'elle est issue de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 101
Contre 35
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je serai rapide parce que, vu l'heure, je pense que chacun veut aller manger un petit morceau. Je veux juste exprimer mes remerciements, que j'adresse tout d'abord à l'ensemble des députés qui ont travaillé longuement sur ce sujet, l'enrichissant de leur réflexion, et qui ont permis beaucoup d'avancées. Et puis je remercie les sénateurs, principalement la rapporteure Marta de Cidrac qui a, elle aussi, avec ses collègues, participé à la construction de ce compromis. J'ai entendu certains critiquer l'idée même d'un compromis, mais cela ne consiste pas à demander aux autres d'accepter sa propre volonté : il s'agit de faire un pas vers l'autre chaque fois que nécessaire. Et je tiens vraiment à souligner qu'on a forgé tous ensemble celui-ci. Enfin, je tiens bien sûr à remercier l'administratrice qui m'a accompagnée pendant ces deux mois.
Merci encore à chacun d'entre vous. Finalement, nous avons réussi à trouver une solution qui protégera et la presse, et la REP. C'est donc une vraie solution de compromis, positive pour tout le monde.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra