Au premier abord, cette proposition de loi semblait très technique : fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs, dont les déchets sont souvent collectés dans le même bac. La filière papiers d'un côté, la filière emballages ménagers de l'autre. Pourtant, derrière cette fusion, le texte sert un autre objectif : éviter une nouvelle contrainte financière pour un secteur en difficulté – la presse.
En effet, à compter de janvier 2023, le droit actuel prévoyait que la presse contribue financièrement à un éco-organisme dans le cadre d'une filière REP. Jusqu'au 1er janvier, les éditeurs de presse avaient un choix simple : payer une écocontribution pour financer la gestion de leurs déchets papiers ou mettre à disposition des encarts publicitaires dédiés au recyclage, à condition d'incorporer 50 % de papier recyclé dans leurs publications.
Avec le texte présenté en première lecture à l'Assemblée nationale, vous proposiez de supprimer la contribution financière au profit de la mise à disposition d'encarts publicitaires sans condition environnementale. Nous aurions, pour la première fois, sorti un secteur du système de REP, à contrecourant de la logique du pollueur-payeur.
Dès l'examen en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale – même si la fusion des filières emballages ménagers et papiers ne nous posait pas de difficulté –, les membres du groupe Écologiste avaient pointé les risques d'une exemption totale de filière REP pour la presse. Nous refusions d'aider un secteur en difficulté en rognant sur ses obligations environnementales. Nous refusions également de créer un précédent, avec le risque de nouvelles exemptions pour d'autres filières REP. Nous refusions, enfin, de mettre en péril les finances des collectivités en charge de la gestion des déchets.
Au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le texte a été très largement réécrit. Notre satisfaction majeure réside dans le maintien de la presse dans une filière REP. Plutôt que l'exemption totale que nous contestions, le Sénat a préféré une écomodulation dans la contribution aux éco-organismes, sur le modèle du système actuel de contribution en nature de la presse, mais avec le maintien de critères de performance environnementale.
En faisant bénéficier les filières contributrices d'une prime, dès lors qu'elles réservent gratuitement des encarts à l'information sur la prévention et la gestion des déchets, le Sénat est parvenu, d'une certaine manière, à faire perdurer la situation en vigueur jusqu'au 1er janvier, tout en prenant toutes les précautions nécessaires au regard du droit européen.
Toutefois, deux difficultés persistent. Elles ont été, je crois, évoquées en CMP. D'une part, la rédaction n'écarte pas formellement le risque de contagion du dispositif d'écomodulation à d'autres secteurs que celui de la presse, qui pourraient donc chercher, eux aussi, à en bénéficier. La commission mixte paritaire n'est pas parvenue à une rédaction suffisamment rassurante en la matière : les décrets d'application devront être à la hauteur.
D'autre part, comment financer le manque à gagner pour l'éco-organisme ? Au sein de la filière REP, qui compensera la prime accordée à la presse ? La réponse est, encore une fois, du ressort du pouvoir réglementaire.
Un travail intelligent sur les décrets d'application pourrait être de nature à écarter ces deux difficultés. Il faut donc s'en remettre – et c'est parfois périlleux – à la bonne foi du Gouvernement.
En définitive, nous pouvons nous satisfaire que les craintes exprimées en première lecture – en particulier par notre groupe – aient été entendues par les sénateurs, puis par la commission mixte paritaire. Cela se traduit par une modification notable : la presse restera intégrée à une filière REP. Elle continuera de fournir gratuitement des encarts en lien avec la prévention des déchets. Enfin, elle restera incitée à respecter des critères de performance environnementale.
Néanmoins, les difficultés soulevées par la rédaction définitive ne sont pas négligeables, en particulier en ce qui concerne le risque de contagion de l'écomodulation. Notre groupe s'abstiendra donc sur ce texte, tout en soulignant son amélioration notable au cours de la navette.
Permettez-moi, pour conclure, de dire un mot du secteur de la presse, dont les difficultés financières sont probablement au fondement de cette proposition de loi. Ces difficultés, sérieuses, s'ajoutent à d'autres menaces qui pèsent sur la qualité de l'information dans notre pays. J'en profite donc pour insister sur le besoin de revisiter le fonctionnement des aides à la presse. Nous pourrions par exemple en débattre à l'occasion du prochain projet de loi de finances et, enfin, lancer les états généraux de l'information, tant attendus par le secteur de la presse.