Nous arrivons au terme de l'examen de la proposition de loi visant à fusionner les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier. Si ce texte pouvait, à première vue, sembler assez anodin, il nous a finalement donné un peu de fil à retordre.
En effet, nous avons rapidement été écartelés entre des intérêts aussi divergents que justifiés et des risques induits pour toutes les parties, lesquelles demandaient à revoir finement la copie.
D'un côté, nous devions être à l'écoute d'une filière des papiers à usage graphique qui n'a pas été épargnée ces dernières années – loin de là –, les fermetures d'usines à papier, partout en Europe, peuvent, hélas, en témoigner. La faute en revient à de nouveaux usages liés à une numérisation galopante. On préfère envoyer un mail plutôt que de glisser un courrier dans une enveloppe, on trouve plus facile de lire son journal sur sa tablette que de se rendre dans un kiosque.
De tels changements d'habitudes ont bien sûr chamboulé tout un secteur amené, pour survivre, à se tourner vers d'autres débouchés comme le carton, grand gagnant du développement exponentiel de la vente en ligne et de la fin du tout-plastique. L'usine de Chapelle-Darblay, près de Rouen, est le parfait exemple de cette indispensable adaptation.
La faute en revient également à une crise qui n'épargne personne et a entraîné une flambée notable du prix des matières premières – dans ce secteur comme dans tant d'autres – ainsi qu'une explosion du coût de production du papier, son augmentation atteignant plus de 60 %.
Par effet rebond, les secteurs de la presse et du livre en ressortent profondément atteints. Ainsi les journaux de la presse quotidienne coûtent-ils plus cher depuis le mois de janvier, ce qui risque encore d'en détourner certains lecteurs. C'est le serpent qui se mord la queue. Des conséquences plus graves sont bien sûr à craindre. De nouveaux titres de la presse quotidienne régionale, incapables de résister bien longtemps, pourraient par exemple être condamnés à disparaître.
D'un autre côté, nous devions être à l'écoute des collectivités territoriales, dont les finances ont été – bien assez – mises à mal ces dernières années. Alors qu'elles subissent déjà la hausse de la TGAP, elles ne pouvaient voir que d'un très mauvais œil la perte financière induite par la sortie du secteur de la presse de la filière REP. J'ajoute au passage qu'une telle exclusion aurait représenté un fort mauvais signal en matière de politique de développement durable puisque, pour la première fois, un gisement se serait vu exonéré de ses obligations de recyclage.
Nous ne pouvons dès lors que nous féliciter qu'à force d'analyses et de discussions entre nos deux assemblées, ce texte ait finalement atteint un sage équilibre permettant de concilier les intérêts des uns et des autres.
En effet, le Parlement a abouti à un compromis qui permettra, d'une part, de protéger à la fois les finances du service public et le secteur de la presse et, d'autre part, de ne pas créer – et c'est important – un appel d'air qui aurait pu encourager d'autres secteurs à demander une sortie de la filière REP.
Ainsi, nos collègues sénateurs ont proposé de maintenir le secteur de la presse dans le dispositif de la filière REP sans pour autant le soumettre à une contribution financière. La presse n'en sera nullement pénalisée puisque ses contributions financières pourront être écomodulées, notamment au moyen d'encarts d'information et de sensibilisation citoyenne sur la prévention et la gestion des déchets – on peut cependant se demander qui décidera de leur contenu.
Les collectivités locales ne seront pas lésées pour autant puisque les primes consenties seront compensées par une augmentation des contributions des autres metteurs sur le marché soumis à la filière REP, ce que le groupe LIOT juge parfaitement légitime au vu de la croissance de cette filière.
Il est cependant à noter que les taux de couverture des coûts seront fixés par décret et non par le législateur, comme c'était le cas auparavant. Cela constitue selon nous, parlementaires, un recul. Une telle décision, fondamentale s'agissant du fonctionnement de la filière REP, mériterait un débat public et l'intervention du législateur.
Enfin, alors que le groupe LIOT craignait, au début de l'examen du texte, qu'une fusion de deux filières aux objectifs de recyclage différents induise une dilution des responsabilités des producteurs, la nouvelle rédaction, précisant que la prime accordée à la presse pèsera désormais sur le secteur de l'emballage, nous semble finalement légitimer cette fusion.
Dès lors, vous l'aurez compris, ce beau travail de compromis a apaisé nos réserves et doutes initiaux et conduit aujourd'hui le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires à accueillir favorablement la proposition de loi.