France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie. Le spectre de la crise financière de 2008 rôde-t-il à nouveau en Europe et en France ? En quelques jours, trois banques ont fait faillite outre-Atlantique, dont la seizième et la vingt et unième des banques américaines. Nous avons appris vendredi que la SVB, la Silicon Valley Bank s'était effondrée, en quarante-huit heures. Quinze ans après la faillite de Lehman Brothers, les États-Unis n'ont visiblement rien appris, ou si peu.
Certes, en Europe, nous avons tiré les leçons de la crise de 2008 et les banques se sont dotées de règles prudentielles plus strictes. Vous avez affirmé hier que la panique bancaire aux États-Unis était une crise lointaine, qu'elle résultait de cas isolés. Mais êtes-vous sûr que toutes les banques européennes ont les reins solides, et un bilan sain ?
Ainsi, le Crédit suisse, cette grande institution historique helvète, connaît de profondes difficultés. Le Crédit suisse est pourtant à nos portes, au cœur de la finance européenne. Il s'agit surtout d'une banque systémique, qui remplirait tous les critères d'un maillon faible.
Ne pensez-vous pas qu'il existe un risque d'effet domino, de propagation par le biais de banques européennes que les marchés identifieraient comme des maillons faibles ? Avez-vous une vue d'ensemble, précise, de la solidité financière des banques européennes ? Pouvez-vous garantir que les banques françaises ne risquent pas de manquer de liquidités et de se retrouver insolvables dans les prochaines semaines ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Il n'y a pas de risque sur le système bancaire français.
Et comparaison n'est pas raison. La SVB présentait trois caractéristiques : elle était exposée à un seul secteur d'activité, celui des technologies ; les bons du Trésor américain étaient ses seuls placements, si bien que lorsque les taux ont remonté, rendant les performances moins bonnes, les épargnants ont retiré leurs avoirs et la banque s'est trouvée à court de liquidités ; son seul superviseur était celui de San Francisco, un superviseur régional. Je rappelle que 13 banques, sur les 3 500 que comptent les États-Unis, sont soumises aux règles plus strictes de supervision de Bâle III, contre 400 banques en Europe.
Le système bancaire français est un système universel – six grandes banques réunissent plus de 90 % des dépôts des épargnants et des entreprises – et très diversifié, avec des placements variés. Les ratios de liquidité et de solvabilité figurent parmi les meilleurs au monde. Je rappelle que, depuis la crise de 2008, les banques françaises ont renforcé leurs fonds propres de 550 milliards d'euros.
Je veux donc vous rassurer, et à travers vous, rassurer nos compatriotes : le système bancaire français est solide, il n'y a pas de risque sur les banques françaises.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
La réforme des retraites, que nous allons finaliser cette semaine après des mois de concertation et de travail, est à nos yeux essentielle et nécessaire.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agit ni plus ni moins de sauver notre régime par répartition, presque unique au monde pour la solidarité qu'il crée entre les générations.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Sans cette réforme, le système, avec 1,5 cotisant pour 1 retraité en 2035, ne sera pas pérenne, la baisse du pouvoir d'achat des retraités sera inacceptable et le déficit cumulé que nous laisserons à nos enfants dépassera 150 milliards d'euros.
Alors oui, nous voulons cette réforme par responsabilité vis-à-vis des retraités d'aujourd'hui et des jeunes générations, qui n'ont pas à porter la charge des inconsciences passées. En outre, pour être plus acceptable, la réforme sera étalée dans le temps.
Madame la Première ministre, nous devons aussi, c'est notre rôle, rassurer les Français et leur donner des garanties quand nous leur demandons de travailler plus longtemps. Qu'en est-il des mesures destinées à ceux qui ont commencé à travailler tôt ? La prise en compte de la pénibilité – des pénibilités, devrais-je dire – est-elle garantie, en particulier pour les carrières « actives » ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les femmes, après toutes ces réformes qui les ont ignorées, vont-elles enfin voir leur situation s'améliorer et leur droit à une retraite digne garanti ?
Mêmes mouvements.
Enfin, alors que deux tiers des seniors ne travaillent plus, nous améliorerons leur taux d'emploi et mettrons un terme à ce gâchis humain. Tous ces points, madame la Première ministre, sont l'assurance du respect de notre contrat social.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Dans quelques jours, nous arriverons au terme d'un long processus de concertation et de débats.
M. Ugo Bernalicis éclate de rire.
Il y a un an, le Président de la République s'est présenté au suffrage des Français en s'engageant à défendre une réforme pour garantir l'avenir du système de retraite par répartition. Cet automne, nous avons lancé avec Olivier Dussopt, ministre du travail, des concertations avec les organisations syndicales et patronales et les groupes parlementaires. Leurs propositions ont permis d'enrichir le projet de loi qui vous a été ensuite présenté. Je sais combien vous y avez contribué, monsieur le président Mattei, avec vos collègues de la majorité.
Depuis, le débat parlementaire se poursuit. Au Sénat, le texte a été discuté jusqu'au bout et adopté en fin de semaine dernière.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'Assemblée nationale a déjà consacré plus de temps à l'examen de ce projet qu'à celui des deux réformes précédentes, même si l'obstruction organisée a accaparé le débat.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…qui croit au travail, y compris à celui des seniors.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une majorité existe, qui croit au système de retraite par répartition et veut garantir à notre jeunesse qu'elle en bénéficiera.
Mêmes mouvements.
Une majorité existe, qui refuse de financer les retraites par plus d'impôts, plus de charges et moins de pensions.
Mêmes mouvements.
Une majorité existe, qui croit que ceux qui ont commencé à travailler tôt devront partir plus tôt à la retraite. Une majorité existe, qui veut mieux protéger ceux qui ont un métier difficile et oui, permettre à ceux que le travail a usés de partir plus tôt à la retraite.
Mêmes mouvements.
Une majorité existe, qui sait que la plupart des régimes spéciaux ne sont plus justifiés et qu'il faut les fermer.
Une majorité existe, qui pense qu'il faut augmenter les petites pensions des retraités et des futurs retraités.
Mêmes mouvements.
Une majorité existe, qui veut réduire les inégalités de pension entre les femmes et les hommes.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une majorité existe, qui n'a pas peur des réformes, même impopulaires, quand elles sont nécessaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Une majorité existe, qui fera toujours passer la responsabilité avant l'affichage, la posture ou les petits calculs du coup d'après.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une majorité existe, qui ne se laisse intimider ni par les insultes, ni par les menaces, ni par le vandalisme sur les permanences.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Une majorité existe, pour garantir aujourd'hui l'avenir de nos retraites et assumer demain des désaccords ou des oppositions franches sur d'autres sujets.
La commission mixte paritaire se réunira demain. Vous serez ensuite conduits à vous exprimer sur la réforme des retraites, sur ce projet seulement, pas sur un soutien au Gouvernement.
Nous pouvons être fiers…
…de ce projet. Je dis bien « nous », car il a été considérablement enrichi…
…amélioré, complété par les propositions des partenaires sociaux de la majorité, comme des oppositions.
Mesdames et messieurs les députés, je suis pleinement engagée avec les membres de mon gouvernement pour que, dans les prochains jours, une majorité vote la réforme des retraites !
De nombreux députés du groupe RE se lèvent et applaudissent, quelques députés des groupes Dem et HOR applaudissent également.
Réforme des retraites
« Refuser de discuter, c'est faire des Français les victimes d'une absence de dialogue ». Ces mots, madame la Première ministre, vous les avez prononcés ici même, le 11 octobre. L'ensemble des syndicats s'opposent à votre projet de réforme des retraites, le Conseil d'orientation des retraites indique qu'il n'y a pas d'urgence et plus de 65 % des Français – 80 % des actifs –, sont hostiles à cette réforme et au recul de l'âge légal à 64 ans. La retraite à 1 200 euros pour tous, on le sait désormais grâce à nos collègues, est un mirage. De plus, les femmes seraient les premières victimes de cette réforme injuste.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Alors qu'il existe d'autres mesures pour protéger et augmenter les ressources du système de retraites – hausse du Smic, augmentation des salaires des femmes, mise à contribution des plus fortunés, comme chez nos voisins espagnols, augmentation de la CSG sur les dividendes –, votre gouvernement s'obstine à repousser l'âge de départ à la retraite.
Les évidences sont là. Le bon sens démocratique devrait vous inciter à écouter nos concitoyens, fortement mobilisés contre cette réforme, mais vous semblez vous boucher les oreilles en attendant que la tempête passe.
Je me permets de vous prodiguer un conseil de marin : lorsque, ballotté par les flots, on veut revenir au port, il faut écouter la mer, il faut la connaître. Madame la Première ministre, écoutez vos concitoyens qui défilent chaque semaine, dialoguez avec les acteurs syndicaux !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme vous, je crois que refuser de discuter, c'est faire des Français des victimes. Pour éviter le naufrage démocratique, allez-vous écouter enfin les Français ? Allez-vous retirer ce funeste projet et reprendre la discussion, notamment avec les partenaires sociaux ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous avez dit que pour retourner au port, il faut écouter la mer ; je vous répondrai que pour atteindre le port, il faut avoir un cap !
Ce cap, c'est le retour à l'équilibre du système de retraites. Vous le savez, mais nous le répéterons jusqu'au bout des débats et même après, le système est structurellement déficitaire. Si nous ne faisons rien, le déficit, qui sera de 12,5 milliards d'euros en 2027, atteindra 13,5 milliards en 2030 et 20 milliards en 2035. Si, comme vous le proposez, nous ne faisons rien, nous nous retrouverons avec 150 milliards de dettes accumulées et une baisse du niveau des pensions des retraités actuels, dont le niveau de vie décrochera par rapport à celui des actifs.
Vous dites qu'il n'y a pas de débat, mais il y a bien eu un débat et une concertation avec les organisations syndicales ; il y a eu un débat également au Sénat, où le texte a été voté dans son intégralité. Le Sénat a voté le report à 64 ans de l'âge de départ à la retraite ! Et s'il n'y a pas eu assez de débat à l'Assemblée, c'est de votre responsabilité : c'est de la responsabilité de la coalition autour de La France insoumise, qui a pratiqué l'obstruction pour cacher ses divisions ! C'est vous qui avez fait le choix de bloquer le débat et de ne pas assumer cette responsabilité.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous dites qu'il ne faudrait rien faire ou, plus exactement, qu'il existe d'autres solutions. On les connaît, vos autres solutions : des impôts, encore des impôts, toujours des impôts, comme si l'augmentation des impôts était la solution !
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
Au contraire, une augmentation des impôts signifierait baisse de pouvoir d'achat, perte de compétitivité, augmentation du chômage et faillite de la France.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Finalement c'est une alternative mortifère que vous nous proposez : la baisse des retraites ou la faillite du pays. Nous, nous avons fait le choix de la responsabilité !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Face à votre surdité, monsieur le ministre, madame la Première ministre…
…nous nous saisirons de tous les moyens constitutionnels pour dire non à votre réforme !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Réforme des retraites
Madame la Première ministre, le peuple vous signifie depuis des semaines son refus de votre réforme injuste des retraites. Cette mobilisation ne faiblit pas. Au Parlement, l'opposition est telle, jusque dans vos rangs, que vous avez pris la lourde responsabilité de passer en force. Ce fut d'abord le choix d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, pour lequel le temps de débat est limité par l'article 47-1 de notre Constitution.
Ce fut ensuite le refus d'ouvrir le maximum d'heures de débats dans l'hémicycle. Ce fut encore l'utilisation du vote bloqué au Sénat, et c'est toujours la menace du 49.3 pour clore une séquence désastreuse.
Jamais un gouvernement n'aura usé d'un tel entêtement pour l'obstruction démocratique.
Vous avez affaibli votre légitimité démocratique et, du même coup, avez marqué votre réforme du sceau de l'illégitimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les débats ont permis de mettre au jour son inutilité et son injustice, mais aussi les mensonges les plus flagrants : les 1 200 euros, pour lesquels ils partirent 2 millions et finirent 13 000 ; les carrières longues, dont le flou masque l'ineptie de votre choix ; la capitalisation, qu'un amendement de la droite sénatoriale a fait entrer par la fenêtre ! Ajoutons à cela le mépris du Président de la République opposant une fin de non-recevoir aux organisations syndicales qui sollicitaient en urgence de le rencontrer.
« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est des victoires qui sonnent comme des défaites. De Jupiter à Pyrrhus, il n'y a parfois qu'un petit pas. Vous ne pouvez pas, madame la Première ministre, gouverner non seulement sans mais contre le peuple et ses représentants.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
C'est dangereux pour le pays, c'est dangereux pour sa cohésion, c'est dangereux pour notre démocratie. Plutôt que de céder à la brutalité constitutionnelle, renoncez à votre projet, faites le choix du respect, faites le choix de l'apaisement !
Mêmes mouvements.
Vous appelez au dialogue. Reconnaissez qu'avec le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion Olivier Dussopt, nous avons régulièrement dialogué et nous sommes concertés avec les organisations syndicales et patronales ,
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
et avec les représentants des groupes parlementaires.
Je le redis, comme le Président de la République l'a également affirmé : la porte du Gouvernement, celle du ministre du travail, reste naturellement ouverte pour recevoir l'intersyndicale si elle le souhaite.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous appelez également au respect du Parlement. Mais assumez que c'est vous qui, depuis des semaines, opposez la légitimité de la rue à celle du Parlement !
« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous demandez un débat, et vous avez eu des mots forts pour dénoncer les insultes et les outrances qui venaient de certains bancs de la NUPES.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais assumez que ces excès participent d'une stratégie globale de blocage à l'Assemblée comme au Sénat !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Assumez qu'avec vos partenaires de la NUPES, vous vouliez empêcher la discussion et le vote. Assumez que vous avez fait le choix de l'obstruction alors même qu'il y a déjà eu plus de temps de débat sur cette réforme des retraites que sur les deux précédentes.
MM. Bruno Millienne et David Valence applaudissent.
Pour finir, parlons concrètement et assumez : voter contre cette réforme, c'est dire à toutes les infirmières libérales, à toutes les femmes qui exercent des professions libérales
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, dont plusieurs membres crient « Deux ans de plus ! »
qu'elles devront renoncer à une majoration de 10 % de leur pension !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Assumez que voter contre cette réforme, c'est dire à 1,8 million de retraités que leur pension n'augmentera pas, à compter de cet été, de 600 euros par an en moyenne.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous connaissez déjà le texte issu de la commission mixte paritaire, madame la Première ministre ?
Assumez que voter contre cette réforme, c'est dire à des Françaises et à des Français qui ont commencé à travailler avant 16 ans qu'ils devront travailler 45 ans, alors que nous leur proposons de partir plus tôt en travaillant moins longtemps !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Assumez que voter contre cette réforme, c'est dire au chauffeur de bus du Puy-de-Dôme qu'il devra travailler davantage que le chauffeur de bus de Paris !
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Monsieur le président Chassaigne, mesdames et messieurs les députés, il y a des moments démocratiques où il faut assumer, tout simplement assumer !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ma question s'adresse à M. Olivier Véran. De nombreux praticiens, monsieur le ministre délégué, arrivent à l'âge de la retraite et les nouvelles générations ne sont pas encore assez nombreuses pour compenser ces départs.
Cette situation se traduit pour les patients par des difficultés croissantes à trouver un médecin généraliste traitant, et entraîne une multiplication des déserts médicaux dans certaines régions. Une première solution a notamment été apportée par la disparition du numerus clausus, mais les nouvelles générations de médecins concernées n'arriveront que dans huit ans au mieux. Quelques pistes peuvent déjà être envisagées : nos jeunes collègues plébiscitent les maisons de santé, un système amplement encouragé par l'État qui permet d'assurer une continuité dans le parcours de santé. Dans ma circonscription du Boulonnais, par exemple, vingt-trois médecins se sont regroupés pour proposer quarante consultations libres par semaine. Nous pourrions soutenir également la création de cabinets secondaires ou de cabinets itinérants, se déplaçant chaque jour dans un secteur désertifié différent.
En tant que médecin généraliste, il me semble normal d'intégrer le groupe d'études sur les déserts médicaux et l'accès aux soins qui vient d'être créé. J'y développerai plus précisément les idées que je viens d'évoquer. Monsieur le ministre délégué, je vous serais fort reconnaissant de bien vouloir nous renseigner sur les premières pistes que vous envisagez vous-même pour lutter contre ces déserts médicaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je précise, pour lever toute ambiguïté, que c'est parce que M. le ministre de la santé et de la prévention François Braun et sa ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo sont en déplacement que je répondrai aux questions relatives à la santé.
Vous interrogez le Gouvernement sur la lutte contre les déserts médicaux, et vous avez raison : enquête d'opinion après enquête d'opinion, le sujet qui se retrouve systématiquement sur le podium des préoccupations de nos concitoyens est celui de…
…l'accès aux soins, notamment, aux médecins. Vous le savez : nous manquons de médecins sur le sol français car, pendant près de cinquante ans, l'État a empêché de jeunes Français d'apprendre la médecine en France.
Nous avons supprimé en 2018 l'outil qui les empêchait de suivre une formation en médecine, le numerus clausus, mais vous le savez, étant vous-même médecin, il faut dix ans pour former un médecin. De ce fait, les fruits de cette décision juste et urgente ne peuvent être récoltés tout de suite. D'ici à ce qu'ils puissent l'être, comment agissons-nous ?
D'abord, nous agissons sur l'organisation du travail des soignants dans les territoires, avec un maître mot : épargner du temps médical, réduire les tâches administratives. Cela est rendu possible par les centaines, les milliers d'assistants médicaux qui viennent en renfort partout où les médecins sont regroupés. La délégation de tâches et d'actes à des soignants paramédicaux dûment formés et offrant des soins de qualité – en accès direct, à l'avenir, grâce à un récent vote de l'Assemblée nationale – permet d'éviter une visite chez le médecin quand on peut consulter un autre professionnel. Nous agissons aussi au travers de l'organisation et du maillage en communautés professionnelles territoriales de santé dans l'ensemble du territoire. Je crois également en la télémédecine : à la faveur du covid, si je puis dire, nous sommes passés de quelque 10 000 à près de 1 million d'actes par semaine. Cela ne résout pas tout, mais cela peut aider.
Notre méthode, enfin, est celle de la concertation et de l'innovation dans les territoires, au travers des conseils nationaux de la refondation qui se tiennent par centaines, partout dans notre pays. On en parle peut-être peu à Paris, mais je peux vous garantir que là où ils se tiennent, des solutions efficaces sont identifiées. Conformément à notre objectif, 700 000 patients en affection de longue durée auront bientôt un médecin traitant.
Mesdames et messieurs du Gouvernement, et derrière vous monsieur le Président, vous êtes le coyote de Tex Avery : il court, il court, il a franchi la falaise et sous lui, c'est le vide. Il le découvre et soudain il chute. Je vous écoute, je vous regarde, et c'est ce vide qui me frappe : ce vide en vous, ce vide sous vous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour le dire autrement, dans un propos plus intello, Antonio Gramsci écrivait : « la classe dominante a perdu le consentement, c'est-à-dire qu'elle n'est plus "dirigeante", mais uniquement "dominante", et seulement détentrice d'une pure force de coercition. »
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Voilà le moment que nous vivons. Que se passe-t-il ? Vous le Gouvernement, vous le Président, vous les dominants, vous ne dirigez plus, vous ne cherchez même plus à diriger, c'est-à-dire à entraîner le peuple, à obtenir son consentement. Non, désormais, vous faites sans. Convaincre de la justesse, de la justice, de votre projet ? Vous avez à peine essayé : quelques arguments brouillons, des chiffres bidon et, très vite, vous avez baissé pavillon.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous en avez pris acte : deux Français sur trois y sont opposés, et alors ? Tous les syndicats sont unis contre vous, et alors ? Une, deux, trois, quatre manifestations à un, deux, trois millions de personnes, et alors ? Les raffineries sont bloquées, les déchets pas ramassés, et alors ? Pour reculer, dites-vous, il vous faudrait des morts… Le coyote de Tex Avery est comique, lui. Vous êtes, vous, tragiques. Vous êtes des dangers – oui, des dangers pour les Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Car que faites-vous ? Vous punissez des travailleurs qui ont tenu le pays debout. Vous instillez dans les cœurs du dégoût. Vous écrasez une démocratie que vous devriez soigner. Vous abîmez un pays qu'il nous faut réparer. Alors, chers collègues de droite, du centre et de partout – marcheurs, même – j'en appelle à votre responsabilité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Pourquoi faire le grand saut avec Macron, boulet au pied ? Jeudi, votez non pour un camp, non pour un clan, mais en votre âme et conscience, votez au mieux pour la France !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent, de même que MM. Benjamin Lucas et Adrien Quatennens.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Je crains que ma réponse soit brève puisque vous n'avez pas posé de question. Vous n'avez pas pu vous empêcher de succomber à vos péchés : l'outrance, une forme d'insulte déguisée
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et la volonté de prendre une hauteur que vous n'atteindrez jamais. Vous avez terminé sur un mot, celui de responsabilité. La responsabilité, c'est celle de cette majorité.
Les exclamations se poursuivent.
La responsabilité, c'est de porter une réforme qui permette d'équilibrer le système, qui permette de créer de nouveaux droits, qui permette de regarder nos enfants et nos petits-enfants dans les yeux en leur disant que nous avons préservé un système de solidarité dont ils pourront bénéficier.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La responsabilité, c'est faire en sorte d'élargir, d'intégrer, d'améliorer le texte – ici, si vous ne nous aviez pas empêchés d'en discuter, et au Sénat, avec des mesures favorables aux mères de famille et à celles et ceux qui travaillent, des mesures pour lutter contre la fraude, et une amélioration du dispositif pour les carrières les plus longues. La responsabilité, c'est de faire. Vous vous contentez de contester et parfois même, vous vous essayez à déclamer. Cela ne suffit pas pour agir, cela ne suffit pas pour être efficace et cela ne suffit pas pour être responsable !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question, à laquelle j'associe Stéphane Viry, s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention. Elle concerne la situation alarmante que va connaître l'hôpital public avec l'entrée en vigueur de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, dans quelques jours. L'encadrement des rémunérations des médecins intérimaires est une intention louable et même souhaitable, mais pas dans les conditions actuelles, car elle va avoir des conséquences terribles sur l'organisation de l'offre de soins. Dans la région Grand Est, 90 % des établissements sont touchés. Dans les Vosges, la continuité de service est assurée par le seul recours à l'intérim dans de nombreuses spécialités.
L'offre de soins est en grand danger car la fermeture de certains services fait peser des risques vitaux sur les patients. Citons la fermeture de la maternité d'Épinal, où ont lieu chaque année 1 200 accouchements, ou celle des urgences de Vittel qui devraient pourtant fonctionner sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si elles étaient mises à l'arrêt, 81 % de la population rattachée à la zone qu'elles couvrent – 44 000 habitants, 150 communes rurales – se trouveraient à plus de trente minutes d'un service d'urgences et, par un effet domino, le site de Vittel dans son ensemble serait menacé. C'est inacceptable sur le plan de la santé publique comme de l'économie.
M. le ministre prendra-t-il la responsabilité de mettre en œuvre une décision qui viendrait renforcer les inégalités d'accès aux soins d'urgence entre ruraux et urbains ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Vous interrogez le Gouvernement sur une mesure de régulation qui permettra de mettre, nous l'espérons, un coup d'arrêt aux dérives de la pratique de l'intérim médical. Tout recours à l'intérim n'est pas à jeter à la poubelle, bien sûr. Il peut s'avérer nécessaire lorsqu'il s'agit de remplacer des personnes ayant un congé maladie ou un congé maternité. Toutefois, lorsqu'il devient la norme, lorsque des médecins exigent 1 500, 2 000, 2 500 euros pour une garde de vingt-quatre heures, cela met en péril la continuité des soins, la sécurité financière des établissements et cela crée une spirale inflationniste. C'est pourquoi les parlementaires ont décidé d'instaurer une régulation par un plafond qui n'a rien de déraisonnable puisqu'il s'établit à 1 170 euros pour chaque garde de vingt-quatre heures,…
…dont plusieurs peuvent être effectuées au cours d'une même semaine ou d'un même mois.
Les habitants et les soignants de votre territoire savent pouvoir compter sur votre détermination à préserver les structures de soins dans la région de Vittel, notamment les services d'urgences. Vous avez associé à votre question votre collègue Stéphane Viry auquel s'adresse aussi ma réponse. Sachez tous deux que les habitants et les soignants de ce territoire pourront aussi compter sur la détermination du Gouvernement, donc de l'État à organiser ces structures, notamment celles de Vittel, de manière à assurer dans la durée la continuité et la sécurité des soins.
Nous ne laisserons ces structures ni fermer, ni péricliter, ni même s'abîmer, ne serait-ce que parce que votre territoire, parce qu'il est agréable, voit sa population grandir pendant la saison estivale. Vous pouvez compter sur le Gouvernement : nous continuerons à travailler avec vous. Je parle au nom du ministre de la santé, François Braun, avec lequel je me suis entretenu de cette question avant de vous répondre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Après les remerciements aux soignants pendant la crise du covid et les promesses du Ségur, on ne peut s'en tenir aux constats et se contenter d'attendre de voir comment les choses se passent au bout de quinze jours. On ne peut pas jouer à pile ou face avec la santé de nos concitoyens et le moral des personnels hospitaliers.
Le premier devoir de l'État est de protéger les Français, notamment dans le domaine de la santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Depuis Jules Ferry, la laïcité est l'un des fondements de notre école républicaine. Elle se doit de protéger nos élèves, esprits en formation, de toute forme de prosélytisme. Or cette laïcité, à laquelle nous accordons tant de prix, pilier de notre contrat social, et garante de notre vivre-ensemble, est contestée par une frange minoritaire mais agissante. Plusieurs études en témoignent ainsi que les statistiques de votre ministère, monsieur le ministre de l'éducation nationale. Les atteintes dont elle fait l'objet ont connu un pic en octobre dernier, où l'on en a dénombré 720, et une enquête de l'Ifop a montré que plus d'un enseignant sur deux y avait été confronté depuis la rentrée 2021, tendance confirmée par une enquête du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) qui souligne une part importante d'absences de signalements.
Face à ce phénomène, vous avez annoncé en novembre dernier un plan laïcité comprenant plusieurs axes : sanctions systématiques et graduées à l'encontre des élèves ayant un comportement portant atteinte à la laïcité si celui-ci persiste après une phase de dialogue ; renforcement de la protection du personnel et du soutien à son égard ; appui aux chefs d'établissement et approfondissement de leur formation ainsi que de celle de tous les personnels.
Il s'agit d'un travail de longue haleine : il faut du temps pour que les outils produisent leurs effets et que les méthodes soient intégrées. Il importe de faire confiance aux enseignants qui sont en première ligne et d'être à leur écoute.
L'enquête du SNPDEN, au-delà de ses biais méthodologiques, peut néanmoins fournir l'occasion de travailler avec les sondés afin de lever leurs propres freins au signalement et d'aller plus loin. Il est important de suivre la situation de près, important aussi d'en parler car ce faisant, on ancre l'attention aux atteintes à la laïcité dans l'esprit de chacun et la vigilance dans l'esprit de tous. Il faut que les enseignants sachent qu'ils sont soutenus dans cette lutte si délicate.
Je sais, monsieur le ministre, votre détermination à lutter contre les atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir nous indiquer les perspectives que tracent vos services en ce domaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Le respect de la laïcité à l'école est fondamental, c'est la condition sine qua non de la formation d'esprits libres et de l'émancipation de nos élèves.
Face à l'augmentation des atteintes à la laïcité à l'automne dernier, nous avons agi pour ne pas laisser de place à ceux qui tentent de fragiliser les fondements de la République et qui ne veulent le bien ni de nos élèves, ni de l'école ni de la République. C'est la raison pour laquelle j'ai pris une série de mesures. Elles sont d'abord destinées à inciter les personnels éducatifs à signaler toute atteinte. Elles consistent également à renforcer les équipes académiques Valeurs de la République, qui rassemblent désormais 600 personnes, et à leur donner les outils, la formation et la protection nécessaires. Elles visent à rendre publics chaque mois les chiffres relatifs aux atteintes à la laïcité.
J'ai été très clair sur les instructions transmises aux recteurs et aux chefs d'établissement. Il importe d'abord d'entamer un dialogue avec les élèves concernés et leurs familles car l'école, c'est d'abord le lieu de la pédagogie. Quand celui-ci ne porte pas ses fruits, un conseil de discipline se réunit pour prononcer des sanctions.
Depuis la rentrée, le nombre d'atteintes à la laïcité a diminué de manière significative mais je n'en tire aucune conclusion hâtive. Il nous faut persévérer. L'une des enquêtes que vous citez reflète l'avis de certains chefs d'établissement et je les invite à ne rien cacher. Nous les formons pour les encourager à rendre publiques ces atteintes. Pour éviter qu'ils ne soient tentés de mettre la poussière sous le tapis, il convient de leur offrir toutes les garanties nécessaires afin qu'ils procèdent aux signalements le plus sereinement possible.
Le combat contre les atteintes à la laïcité est un travail de conviction qui réclame opiniâtreté et fermeté sur les principes et sur les actes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le Cambrésis est en état de choc. Deux des plus gros employeurs agroalimentaires de ma circonscription, Nestlé et Tereos, ont annoncé la fermeture de leurs usines, ce qui conduira à des suppressions de postes massives. De nombreuses manifestations de soutien ont déjà été organisées. J'ai vu des salariés pleurer. Je les plains, ils n'y sont pour rien !
Nestlé, après avoir rénové l'usine Buitoni, a déclaré vouloir relancer la chaîne de pizzas cuites. Elle a tourné pendant quinze jours mais a été à nouveau mise à l'arrêt le 2 mars. C'est ainsi que 150 salariés et leurs familles sont menacés. Il n'est pas concevable qu'un groupe de cette importance n'envisage pas de solutions pérennes pour sauvegarder l'activité sur ce site. Elles existent certainement et il se doit de les mettre en œuvre.
Cette même semaine, toujours dans ma circonscription, un autre employeur très important de l'industrie agroalimentaire, Tereos, deuxième groupe sucrier mondial, a annoncé brusquement aux salariés de la sucrerie d'Escaudœuvres l'arrêt de l'activité. Au total 400 emplois directs ou indirects vont disparaître sur ce seul site.
Les salariés, qui ont consacré une grande partie de leur vie à leurs employeurs, qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes, ne méritent pas le mépris que leur témoignent ces entreprises qui dégagent de gros bénéfices.
M. Frédéric Mathieu applaudit.
Dans un territoire comme le mien, déjà très marqué par le chômage, dont le taux atteint 25 %, ce sont plus de 1 000 emplois, si l'on prend en compte les emplois indirects, qui, en une semaine, risquent d'être supprimés.
Monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, je vous remercie de vous être déplacé hier dans ma circonscription et d'avoir discuté avec toutes les parties concernées. Vous avez su faire preuve d'autorité. Les salariés de l'usine Nestlé de Caudry et de la sucrerie d'Escaudœuvres pourront-ils compter sur une action du Gouvernement pour sauvegarder les nombreux emplois en jeu ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LR.
Merci pour votre engagement auprès des salariés et aux marques de soutien que vous leur avez témoignées hier avec Mme Parmentier-Lecocq et l'ensemble des élus municipaux, départementaux et régionaux, parmi lesquels le président du département et le président de la région. Ces deux décisions, vous l'avez dit, ont fait l'effet de coups de tonnerre dans un territoire qui n'avait vraiment pas besoin qu'on ajoute à ses difficultés. J'ai rencontré les directions des deux entreprises et je dois vous dire que je n'ai été satisfait des réponses ni de l'une ni de l'autre.
S'agissant de Nestlé, il me paraît impensable que les salariés de ce site soient les victimes collatérales d'un drame sanitaire dont ils ne sont en aucun cas responsables.
M. Erwan Balanant applaudit.
Il est indispensable que ce groupe réorganise les activités de production sur ce site, qu'il s'agisse de pizzas ou d'autre chose. J'ai donné deux semaines aux dirigeants pour me faire une proposition et je les attends de pied ferme pour m'assurer qu'ils en formuleront une.
Rires sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La situation de Tereos est différente. La direction a pris la décision de fermer le site, ce qui arrive, malheureusement. Je ne comprends ni n'accepte les raisons qui m'ont été données pour le justifier puisque cette entreprise qui perdait de l'argent il y a quelques années en gagne aujourd'hui, qu'elle se désendette et qu'elle opère sur un marché porteur où les prix sont en hausse. Ce sont trois jours que j'ai donnés à ses responsables. Le préfet les recevra jeudi avec les élus – et vous êtes bien évidemment convié à cette réunion – pour entendre leurs explications.
Enfin, j'ai annoncé hier le déploiement d'un dispositif Rebond industriel particulier, doté de 3 millions d'euros, qui permettra d'accompagner les industriels souhaitant développer leurs activités dans ce territoire malheureux, de manière à le sortir de l'ornière dans laquelle ces deux décisions de fermeture risquent de le mettre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur plusieurs sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Maud Petit applaudit également.
Madame la Première ministre, vous avez été nommée par le chef de l'État, nous avons été élus par le peuple français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous le savez, Emmanuel Macron est là grâce au barrage contre l'extrême droite. Il n'a pas obtenu de majorité sur son programme. Vous avez refusé, en contradiction avec l'esprit et la lettre de la Constitution, d'engager la responsabilité de votre gouvernement devant la représentation nationale.
Mêmes mouvements.
Vous maltraitez la Constitution. Vous avez inscrit la réforme des retraites dans le projet de loi de finances rectificatif de la sécurité sociale pour ne pas griller vos possibilités d'utiliser le 49.3. C'est absurde ! Le recours au 47-1 permet de contraindre le temps consacré aux débats et de légiférer par ordonnances, mode de législation dérogatoire qui ne se justifie que par l'urgence. Cela n'a aucun sens de l'appliquer à nos débats sur la réforme des retraites.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la Première ministre, vous brusquez la procédure législative, vous n'écoutez pas les syndicats, vous faites fi des millions de Françaises et de Français qui défilent pacifiquement dans les rues et vous avez l'outrecuidance de laisser entendre que vous pourriez faire usage d'une procédure de législation forcée !
À l'heure où le Président de la République veut réformer les institutions, comment pouvez-vous ignorer la demande de démocratie, de débat, de délibération dans notre pays ?
À l'heure où nombre de nos concitoyens se détournent des urnes, où le Rassemblement national, parti autoritaire et illibéral, s'approche dangereusement du pouvoir ,…
Protestations sur les bancs du groupe RN
…entendez les alertes contre le passage en force et ne jetez plus d'huile sur le feu.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Si nous voulons éviter le désordre, d'un côté, et la réaction autoritaire, de l'autre, les tensions doivent se résoudre dans un cadre institutionnel respectueux de la délibération…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – L'orateur poursuit son intervention, de façon inaudible, après que la présidente a coupé son micro.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler, puisque visiblement vous l'avez oublié, qu'après avoir été nommée Première ministre, Mme Élisabeth Borne s'est présentée devant les électeurs lors des élections législatives et que, dans son programme comme dans celui de tous les députés de la majorité, figurait la réforme des retraites.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'engagement de mener cette réforme a été pris par le Président de la République comme par l'ensemble des députés de la majorité présidentielle.
Vous nous dites qu'il n'y a pas de débat. Avec la Première ministre, pendant des mois, nous avons mené des concertations avec les partenaires sociaux pour améliorer, pour enrichir le texte. À l'Assemblée nationale et au Sénat, les débats sur la réforme des retraites ont duré près de 180 heures.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre assemblée aurait pu, comme le Sénat, aller jusqu'au bout de l'examen du projet de loi si vous n'aviez pas fait le choix de l'obstruction. Vous nous reprochez d'avoir recours à certaines procédures, j'imagine que vous faites référence aux procédures constitutionnelles, donc démocratiques,…
…que nous avons utilisées au Sénat. Il s'agit des mêmes articles de la Constitution que ceux qui avaient été mis en œuvre lors de précédents projets de loi, la loi de 2003 portant réforme des retraites, la loi de 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. Tout ce qui a été fait lors du débat sur la présente réforme s'inscrit dans un cadre constitutionnel.
Vous n'écoutez pas la réponse que je suis en train de vous faire mais sachez une chose : dans cette majorité, jamais nous n'opposerons la légitimité du Parlement à la légitimité de la rue ! Vous nous appelez à écouter les messages pour éviter le désordre mais, bien souvent, nous avons le sentiment que c'est vous qui appelez au désordre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Aujourd'hui est une journée toute particulière pour les communes littorales : c'est en effet ce jour que le Comité national du trait de côte est installé par madame la secrétaire d'État Bérangère Couillard. À Fécamp, ville très chère à mon cœur et dont je suis toujours une élue municipale, un éboulement de falaise très impressionnant a eu lieu ces derniers jours emportant notre calvaire et ce qui devait, selon le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), tomber à la mer au cours du siècle à venir.
Ces événements, autrefois exceptionnels, deviennent récurrents. Au pays des hautes falaises, comme ailleurs, faut-il sensibiliser davantage notre population ? Sans doute, mais nous le faisons déjà, au travers notamment des actions engagées par les différents syndicats mixtes littoraux auprès des habitants. Au-delà de ces actions d'information et de sensibilisation, il est urgent d'armer au plus vite les communes face aux risques et de trouver des financements pour les accompagner.
C'est le rôle du Comité national du trait de côte. Les maires ont besoin d'ingénierie ; compte tenu des contraintes supplémentaires, ils ont besoin d'être aidés, dès lors que leurs territoires entrent dans la liste des communes sujettes à l'érosion ou aux submersions marines. Notre approche doit en effet être très différente de celle que nous avons suivie depuis toujours en matière d'urbanisme et de politique d'aménagement. Comme pour les marnières, il sera nécessaire d'aboutir à la construction d'un dispositif à même d'accompagner financièrement les maires concernés, au moyen par exemple d'un fonds d'érosion côtière.
Concrètement, chez moi comme dans tout le pays des hautes falaises, des routes seront coupées, de nouveaux ouvrages devront être financés, des habitants et des quartiers devront être restructurés. Je forme le vœu que ce nouveau comité associe non seulement la question du recul, mais aussi celle de la submersion marine, trop souvent traitées dans une logique de silo par différents acteurs et services de l'État. J'espère donc que vous pourrez nous exposer votre ambition.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Votre question me donne l'occasion de mettre en avant le lancement, ce jour, du Comité national du trait de côte et de vous assurer de ma pleine mobilisation, au sein du Gouvernement, sur un sujet éminemment stratégique pour nos littoraux.
Je me suis rendue récemment à Camiers, ainsi qu'à Soulac-sur-Mer ; si chaque territoire, comme Fécamp, est unique le constat est le même : il est urgent d'anticiper. Avec le réchauffement climatique, le niveau des mers et des océans montera : 20 % des littoraux sont concernés ; en cas de réchauffement des températures supérieur à 2 degrés, l'eau pourrait monter d'un mètre d'ici à 2100. Et, d'après une étude du Cerema, jusqu'à 50 000 logements pourraient être concernés à ce même horizon.
Nous n'avons pas attendu pour agir : de nouvelles mesures ont été prises dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Désormais, sur la base du volontariat, les communes peuvent se déclarer pour travailler sur le sujet. Un décret établit la liste des 126 communes qui se sont déjà portées volontaires et d'autres inscriptions sont à venir – j'espère d'ailleurs que Fécamp en fera partie.
Nous investissons, en 2023, 20 millions d'euros pour accompagner les collectivités au financement de l'ingénierie, des cartographies et des premières opérations. Les moyens déployés permettent donc de répondre aux besoins présents mais nous devons aussi construire une capacité pérenne de financement des adaptations nécessaires de nos littoraux. Nous devons passer d'une politique de gestion des risques à une politique d'aménagement du territoire.
Ce jour marque donc le lancement officiel d'une concertation dans le cadre du Comité national du trait de côte, qui est une commission du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Nos réflexions doivent répondre à trois questions : que financerons-nous ? Quels sont les besoins de financement ? Quels en sont les leviers ? L'objectif du Gouvernement est clair : un an de concertation pour inscrire une stratégie de financement dans le projet de loi de finances pour 2025.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, depuis plusieurs semaines, les révélations se succèdent. On voyait la silhouette des députés macronistes, nous découvrons qu'elle cache l'ombre d'actionnaires privés qui font la loi selon des intérêts particuliers.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela fait six mois que nous plaidons en faveur d'un blocage des prix de l'essence et d'une taxation des superprofits, six mois que vous tournez autour du pot. Et que découvrons-nous ? Que Mme la ministre déléguée Firmin Le Bodo est actionnaire de TotalEnergies ,…
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
…ainsi que M. le ministre Ndiaye, ou encore les députés Jean-Pierre Pont, Jean-Marie Fiévet, les députées Graziella Melchior ou Laurence Cristol – j'arrête ici car deux minutes ne suffiraient pas à les énoncer tous.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ils sont tous actionnaires de TotalEnergies ! Tu m'étonnes qu'ils votent contre une taxation des superprofits !
Tous les grands monopoles sont ainsi représentés dans cet hémicycle : je pense au député Jean-René Cazeneuve qui détient 350 000 euros d'actions chez Bouygues ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE
opérateur que nous sommes par ailleurs obligés d'utiliser sur nos téléphones à l'Assemblée nationale : je suis ravi que chacun de mes SMS vous profite personnellement !
Alors, à l'heure de débattre du régime des retraites et de votre réforme, nous nous méfions et demandons : qui, ici, à des intérêts particuliers et personnels ? Qui a investi dans des plans d'épargne retraite ?
Qui a investi dans des fonds de pension, à part Mme la ministre Oudéa-Castéra qui détient 2 millions d'euros d'actions dans les assurances, les banques, ainsi que le crédit ? La seule gagnante de la réforme, c'est elle !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous évoquez TotalEnergies. Mais à force de toucher le fond comme vous le faites encore, c'est vous qui allez finir par trouver du pétrole !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Sourires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous parlez d'actionnaires ; pourtant, vous restez le premier actionnaire de la démagogie en France et vous partagez les dividendes avec l'autre extrême de l'hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Cette démagogie est non seulement scandaleuse, mais elle est aussi dangereuse. Elle est dangereuse parce qu'en proférant ce type d'attaques, vous en venez à délégitimer des règles de transparence qui ont été instaurées précisément pour prévenir les conflits d'intérêts et pour que tout soit mis sur la table.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Avec ce type de propos, vous vous attaquez à ces règles. Votre démagogie est dangereuse parce que vous mentez aux Français. Cette majorité, ce gouvernement n'ont pas eu la main qui tremble pour taxer les superprofits, notamment ceux de TotalEnergies, dans le dernier projet de loi de finances.
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Ségolène Amiot mime successivement un joueur de pipeau puis le nez de Pinocchio.
Vous vous y êtes opposés !
« Mais non, ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Certes, nous n'attendions guère de réponse, mais je suis surpris d'entendre des aveux – c'est encore mieux ! Je retiens une chose de nos échanges : vous êtes prompt à invectiver les éboueurs qui laissent traîner deux poubelles en bas de la rue dans une lutte pour leurs droits à l'existence ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
mais faire le ménage dans vos comptes bancaires, c'est au-dessus de vos forces !
Mêmes mouvements.
Vous avez passé l'intégralité des débats – plusieurs centaines d'heures – à demander la taxation des superprofits et à parler de TotalEnergies, ce qui est dangereux pour notre système de retraite puisque, les années où il n'y aura pas de superprofits, comment financerez-vous les pensions de retraite des Français ? Faudra-t-il les baisser ?
Est-ce le modèle que vous défendez ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La réalité, c'est que vous n'avez qu'une seule cible : la France qui se lève le matin pour aller travailler. Vous avez proposé d'augmenter le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) à partir de 1 600 euros de revenus ; cela ne touchait pas TotalEnergies mais les Français qui travaillent. Vous avez proposé de taxer les heures supplémentaires ; cela ne touchait pas TotalEnergies, mais un salarié sur deux.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous avez proposé de taxer l'intéressement et la participation ; cela ne touchait pas TotalEnergies mais 5 millions de salariés.
La réalité, c'est que la France n'est pas un paradis fiscal, mais que vous voulez en faire un enfer pour tous les Français qui travaillent. Nous ne vous laisserons pas le faire !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Notre règlement ne prévoit qu'une seule possibilité de réponse et non deux.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, il y a dix jours, la 59
Si notre agriculture s'est parée au cours de ce salon, comme chaque année, de ses plus beaux habits, cela n'occulte en rien les difficultés et les doutes qu'elle traverse au quotidien. Ces inquiétudes, ce sont notamment la question climatique, avec des adaptations d'ores et déjà en cours, mais qui doivent encore s'accélérer ; celle de la déprise en zone d'élevage, avec une décapitalisation du cheptel particulièrement inquiétante ; celle de la prédation et des nuisibles qui s'attaquent aux moyens de production ou aux animaux eux-mêmes ; celle de l'équilibre économique, en raison de l'augmentation des coûts de production ; enfin, la question normative, avec parfois une sur-réglementation préjudiciable à la compétitivité de nos filières.
Face à ces nombreuses inquiétudes, on peut comprendre la désaffection actuelle vis-à-vis du beau métier d'agricultrice et d'agriculteur ; surtout si l'on y ajoute l'engagement qu'il nécessite en matière de travail et les sacrifices auxquels il faut consentir.
À l'heure des choix, l'agriculture française a besoin d'un cap clair. Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises, lors du salon, sur votre vision de l'agriculture française et de sa souveraineté alimentaire. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes ? Pouvez-vous également nous préciser quelles seront celles du projet de loi que nous examinerons bientôt et qui doit redonner de l'attractivité à ce secteur, afin d'éviter le pire ? Car, comme le disait l'Aveyronnais Raymond Lacombe, président en son temps de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : il n'y a « Pas de pays sans paysans ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vous remercie de votre question qui me permet à la fois de dresser un bilan du salon et de tracer des perspectives.
Vous pouvez lui dire merci, en effet ! C'est une belle occasion pour vous !
Le premier bilan du salon, c'est d'abord la grande affluence, qui a permis à de nombreux Français et à nombre d'entre vous, d'entre nous, de rencontrer les agriculteurs, d'entendre leurs difficultés mais également leurs attentes, ainsi que de découvrir leurs innovations et leur volonté d'avancer dans les grandes transitions qui sont à l'œuvre.
Vous l'avez mentionné, nous avons pu, au cours du salon, évoquer la question de la souveraineté, notamment en matière de fruits et légumes, grâce à l'annonce d'un plan de souveraineté dans ce domaine. Nous avons également pu avancer sur les questions de modernisation de l'appareil, dans la droite ligne de ce qui a été fait dans le plan France 2030, et préalablement France relance, afin de montrer à quel point nous voulons accompagner l'agriculture dans les grandes transformations qui sont à l'œuvre.
Vous l'avez également rappelé, nous devons fixer un cap à l'agriculture : si je devais n'en donner qu'un, ce serait celui de la souveraineté. Qu'est-ce que la souveraineté ? C'est donner les moyens de production – c'est-à-dire l'accès au foncier, aux capitaux ou encore à l'eau – qui permettront aux agriculteurs de faire face aux grands défis qui sont les nôtres.
Le deuxième élément de la souveraineté, c'est faire face aux dérèglements climatiques et aux nouveaux besoins en matière environnementale : cela passera par la recherche, l'innovation et l'accompagnement à l'investissement de nos agriculteurs, afin qu'ils puissent se transformer et évoluer. Face au dérèglement climatique, le statu quo en agriculture n'est pas permis. Ce serait une grande crainte que de ne pas parvenir à relever ce défi. Nous devons y réfléchir.
Le troisième sujet, c'est celui de la rémunération : nous avons commencé à y répondre grâce à la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim. Nous en constatons les premiers résultats, mais ne soyons pas trop péremptoires ni dans l'autosatisfaction. Néanmoins, cette question est importante parce que, sans rémunération, ces métiers ne seront pas attractifs et les agriculteurs n'auront pas de capacité à investir.
Voilà les éléments dont je peux vous faire part.
Enfin, vous avez cité la phrase de Raymond Lacombe : « Pas de pays sans paysans ». Nous avons besoin de renouer avec une ambition agricole, parce que l'agriculture française est forte. Tel est le cap que nous voulons tracer en matière de souveraineté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Dans le courrier de réponse qu'il a adressé aux responsables syndicaux à propos de la réforme des retraites, le Président de la République reprend à son compte le tissu de mensonges que le Gouvernement nous sert depuis le début du débat parlementaire.
Le premier des mensonges consiste à affirmer que le déficit justifierait la réforme. Dans le document publié par le Gouvernement, qui fait office d'étude d'impact, le déficit est artificiellement gonflé, en tablant sur une diminution de la contribution de l'État. Les déficits y sont affichés en euros courants, sans tenir compte de l'inflation, et ne sont pas rapportés au PIB, comme le fait le Conseil d'orientation des retraites (COR). S'ils étaient rapportés au PIB, ils seraient bien moins impressionnants que ce qui est affiché par le Gouvernement. Les administrations de la sécurité sociale apparaîtraient largement excédentaires. Le système français de protection sociale est en bonne santé financière et le déficit annoncé des retraites ne le met en aucun cas en péril.
Quel est donc votre but ? Il est clairement de baisser les dépenses publiques en général et non pas de sauver le système de retraite, afin de revenir à un déficit n'excédant pas les 3 % de PIB, la fameuse et absurde exigence de l'Union européenne !
À quel prix ? Au prix d'une réforme qui imposera deux fois plus de mois supplémentaires aux femmes qu'aux hommes avant de partir à la retraite ; au prix d'une réforme qui pénalisera les carrières longues – la hausse de la durée travaillée sera 60 % plus élevée pour celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt que pour l'ensemble de la population ; au prix, enfin, de mensonges concernant la revalorisation des minima de pension, puisque 40 % des femmes retraitées et 15 % des hommes retraités percevront encore une pension inférieure à 1 200 euros. Les mesures dites sociales toucheront bien peu de monde, alors que le recul de l'âge de départ, lui, affectera près de 400 000 personnes par an.
Cette réforme fracture le pays. Le débat parlementaire, c'est la démocratie ; mais la démocratie ne se résume pas au débat parlementaire. Entendez le cri de colère historique venu de la rue et des piquets de grève ; retirez la réforme, ou soumettez-la au référendum !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous affirmez que le déficit n'existe pas, sinon dans notre étude d'impact. Or ce n'est pas sur un déficit figurant dans une étude gouvernementale que nous nous fondons pour justifier la réforme, mais sur le déficit tel qu'il est décrit et documenté dans l'hypothèse centrale du Conseil d'orientation des retraites (COR), auquel participent l'ensemble des partenaires sociaux. Nous nous appuyons sur les travaux du COR,…
…dont chacun connaît l'indépendance – tous les gouvernements qui nous ont précédés en faisaient autant.
Le déficit existe bel et bien : il approchera 2 milliards d'euros dès 2023, avant d'atteindre 12,5 milliards en 2027 et 20 milliards en 2035. Si nous n'agissons pas, nous accumulerons 150 milliards de dette supplémentaire, et les pensions décrocheront par rapport aux salaires. Personne ne souhaite appauvrir les retraités – je sais que vous ne le voulez pas non plus. C'est pourtant ce qui se produira si nous ne faisons rien.
Le texte, tel que vous le présentez, n'est pas celui que nous soumettons en définitive au Parlement : il a été amélioré et enrichi. Les débats au Sénat ont permis d'intégrer les amendements que nous souhaitions présenter à l'Assemblée, mais que l'obstruction nous a empêchés d'examiner.
Ils visent à mieux protéger les carrières longues, à mieux revaloriser les plus petites pensions et à mieux valoriser les trimestres cotisés par les femmes, notamment les mères de famille, dès lors qu'elles ont une carrière complète à 63 ans et qu'elles doivent continuer à cotiser pendant quelques trimestres.
Le projet de loi tel qu'il vous sera présenté, si la commission mixte paritaire en décide ainsi, a été enrichi et s'avère protecteur.
Vous affirmez que ce qui compte, à nos yeux, est la comptabilité et les chiffres. Je confirme qu'ils sont d'une importance capitale.
Dans toutes les fonctions que j'ai eu le privilège d'exercer, en tant que maire, parlementaire ou membre du gouvernement, j'ai acquis une conviction : l'équilibre des comptes est ce qui permet d'agir ; c'est aussi lui qui permettra à nos successeurs d'agir et de décider pour eux-mêmes. Oui, la réforme sera équilibrée. Ce sera une réforme de progrès, mais nous voulons aussi qu'elle soit équilibrée.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
On lit ceci dans le rapport public annuel de la Cour des comptes : « La situation des finances publiques de la France restera ainsi en 2023 parmi les plus dégradées dans la zone euro […]. »
La Cour des comptes vous exhorte à une plus grande responsabilité budgétaire, sans quoi vous précipiterez la France dans un gouffre dont nous ne pourrons plus nous extraire. Notre souveraineté est en péril.
La Commission européenne juge que les risques sont élevés sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme : elle dépassera 111 % du PIB à la fin de l'année.
L'année 2023 devait sonner la fin du « quoi qu'il en coûte ». Pourtant, les mesures prises pour amortir le choc inflationniste continueront de peser à hauteur de 36 milliards d'euros sur la dépense. Vous persistez dans votre politique du carnet de chèques consistant à déployer un catalogue de mesures mal ciblées, donc trop coûteuses. À 58 % du PIB, la France affiche les dépenses publiques les plus élevées de la zone euro, pour des services publics toujours moins efficaces. Parallèlement, les dépenses hors crise continuent de s'envoler : elles ont crû de 3,5 % en volume en 2022, hors inflation.
Nous décrochons sur tous les fronts et vous regardez ailleurs. Il est impératif de redresser la trajectoire. Malheureusement, cela nécessite une détermination politique dont vous n'avez jamais fait preuve depuis 2017. Qu'arrivera-t-il lorsque nous nous retrouverons aux côtés de la Grèce et de l'Italie dans le trio de tête des pays les plus endettés de la zone euro ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je rappellerai tout d'abord que lorsque nous sommes arrivés, en 2017, nous avons sorti la France de la procédure pour déficit excessif, rétabli les comptes publics et ramené le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : nous partageons le constat de la Cour des comptes – j'ai même dressé un constat similaire dès le mois de juin. Nous avons commencé à rétablir les finances publiques : c'est un impératif non négociable.
La première étape consiste à sortir du « quoi qu'il en coûte ». Nous en avons amplement discuté ensemble – j'ai d'ailleurs pu compter sur le soutien de députés du groupe Les Républicains pour mettre fin à la remise sur l'intégralité du carburant pour tous les consommateurs, et pour la remplacer par une indemnité carburant travailleurs, plus ciblée. Nous avons également voulu concentrer les aides aux entreprises sur celles qui en ont le plus besoin. Nous en avons débattu, mais certains d'entre vous souhaitaient que nous préservions un bouclier pour toutes les entreprises.
Il fallait sortir de la fixation tarifaire européenne, c'est ça, le vrai sujet !
Nous avons donc choisi de cibler les aides pour, encore une fois, sortir du « quoi qu'il en coûte ».
Nous avons désormais un objectif, un calendrier et une méthode. L'objectif – vous l'avez rappelé – est de passer de près de 58 % de dépenses publiques par rapport à la richesse nationale à 54 % : tel est le cap qui nous a été fixé pour revenir sous les 3 % de déficit public en 2027.
La méthode est celle de la revue des dépenses publiques. Nous examinerons chacune des dépenses publiques de l'État, des collectivités locales et des associations pour déterminer, sous l'autorité de la Première ministre, où des économies peuvent être réalisées.
Là encore, je compte sur votre soutien, votre vigilance et vos propositions.
Enfin, le calendrier est très précis : le 30 mars, je recevrai le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, pour travailler avec lui. Nous présenterons le programme de stabilité le 12 avril. Sous l'autorité de la Première ministre, nous tiendrons un séminaire gouvernemental visant à réduire les dépenses publiques de l'État. Enfin, des assises des finances publiques se dérouleront fin juin en vue de préparer le projet de loi de finances pour 2024, qui doit comporter des milliards d'euros de réduction des dépenses publiques.
Un enseignant dirait à un élève : « Peut mieux faire. » Nous vous avons proposé un plan de sobriété bureaucratique lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. Saisissez cette occasion, et allons vers une dépense plus efficace.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, parlons de Parcoursup et du baccalauréat. La campagne 2023 de Parcoursup, lancée en janvier, s'achève. Les élèves de terminale subiront les épreuves de spécialité la semaine prochaine ; leurs notes seront capitales pour leur orientation dans l'enseignement supérieur. Les professeurs vous ont pourtant alerté : des épreuves anticipées en mars n'ont pas de valeur et tronquent gravement l'année scolaire. Les programmes de spécialité, très exigeants, ne peuvent être valablement enseignés en un semestre, alors qu'ils sont conçus pour une année scolaire tout entière. Il s'ensuit que l'acquisition des connaissances attendues est partielle et peu assurée. Les notes attribuées ne peuvent mesurer correctement la maîtrise de ces enseignements. Après les épreuves, les élèves se désintéressent le plus souvent de ces matières, qui ne présentent plus d'enjeu pour eux : l'année scolaire est pratiquement terminée fin mars.
Quant au baccalauréat, réformé par votre prédécesseur, il n'est plus qu'une caricature : jadis…
…premier diplôme de l'enseignement supérieur et examen d'entrée à l'université, il n'est plus qu'un examen de fin d'année de lycée. Le contrôle continu, qui représente 40 % de la note finale, en fait un examen de moins en moins national et de plus en plus local. Ses taux de réussite extravagants, ses mentions bradées, ainsi que sa parfaite inutilité dans la procédure d'orientation et d'affectation dans le supérieur, en font au mieux un certificat de présence.
L'ensemble formé par Parcoursup et le nouveau baccalauréat est un système parfaitement arbitraire et globalement inefficace. Qui peut se retrouver parmi les 21 000 formations proposées dans Parcoursup ? Ajoutons que plus de 120 000 élèves restent sur le carreau tous les ans. Résultat : 50 % des bacheliers échouent en première année d'enseignement supérieur. Bravo ! Quand vous déciderez-vous à redonner sens et valeur académique au baccalauréat ? Quand remplacerez-vous Parcoursup par une procédure plus juste ? Quand cesserez-vous de vous intéresser davantage à la vaccination où à l'éducation sexuelle des élèves qu'à l'efficacité du système éducatif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Pour la première fois, les épreuves de spécialité du baccalauréat se dérouleront entre le 20 et le 22 mars. Contrairement à ce que vous prétendez, ces épreuves sont adaptées à un tel calendrier : le programme a été resserré par l'Inspection générale en septembre, de sorte que l'examen ne couvre que les sujets que les élèves auront effectivement étudiés.
Deux raisons ont motivé ce calendrier. Il s'agit, tout d'abord, de rendre du temps aux enseignements au mois de juin, après que ceux-ci ont été amputés par l'organisation de six à dix épreuves. Nous rendons donc du temps scolaire aux élèves en fin d'année scolaire, illustration de la fameuse « reconquête du mois de juin ».
Ensuite, ce calendrier permet aux établissements de l'enseignement supérieur de mieux prendre en considération les résultats des épreuves de spécialité : ces dernières seront intégrées pour la première fois dans Parcoursup, ce qui redonnera toute sa valeur au baccalauréat.
En juin, les élèves continueront de préparer le grand oral et l'épreuve de philosophie, qui se tiendront au cours du mois. Ils pourront également se préparer à une meilleure transition vers l'enseignement supérieur.
Cette réforme, engagée en 2018, vise à prendre en considération la régularité du travail des élèves. Pour la première fois cette année, les épreuves du nouveau baccalauréat auront lieu dans des conditions normales. Au reste, dans le monde entier, les grands examens de fin de secondaire se déroulent dans des conditions analogues. Le baccalauréat était la dernière grande épreuve à être organisée sous forme de contrôle final. Plutôt que de regarder un prétendu âge d'or dans le rétroviseur, appréhendez concrètement la situation des élèves !
La Polynésie est une collectivité d'outre-mer à statut particulier. Elle exerce la compétence relative à la politique de santé mais, bizarrement, ne détient pas de compétence en matière de médicaments. Il en résulte une situation quelque peu bancale, dans laquelle des plantes endémiques, que nous utilisons pour nous soigner depuis la nuit des temps, sont interdites pour cet usage. N'étant pas inscrites dans la pharmacopée nationale – ce qui suppose un long processus de reconnaissance auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) –, elles sont tout bonnement interdites.
Ces plantes, avec les savoirs qui les accompagnent, sont menacées d'extinction et de disparition de la mémoire collective, faute de pouvoir être employées correctement – quand elles ne sont pas sujettes à la biopiraterie de grands groupes qui viennent les étudier, déposent des brevets et dépossèdent les Polynésiens de leur patrimoine naturel.
Ma question ne vise pas à opposer le gouvernement national à la collectivité de Polynésie, mais à inciter à établir des passerelles entre l'exécutif polynésien et les exigences – compréhensibles – de sûreté du médicament, pour que la médecine traditionnelle et les tradi-praticiens trouvent leur place au sein de la République et préservent la fonction qui est la leur depuis le fond des âges en Polynésie.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je comprends votre question, monsieur le député. Il est vrai que la pharmacopée relève en grande partie de l'exploitation de plantes et de racines issues du monde entier. Je ne dresserai pas la liste de tous les médicaments d'usage courant provenant directement de l'exploitation des plantes. Ils ont pour point commun d'avoir franchi des étapes de validation scientifique concernant leurs effets positifs et leurs effets potentiellement toxiques et délétères. Des études permettent de définir la dose précise de chaque molécule, y compris issue des plantes, qui permet de guérir ou d'éviter d'aggraver certaines maladies.
Il en est ainsi dans le monde entier. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas nous poser les bonnes questions : est-il opportun d'exploiter tout ce qui peut l'être sur la planète, y compris des plantes issues de la Polynésie française ? Le Gouvernement s'est d'ailleurs engagé à favoriser l'exploitation scientifique de toutes les ressources naturelles des territoires ultramarins ; il accompagne les scientifiques et les laboratoires en ce sens.
Si votre question consiste à demander à titre dérogatoire la reconnaissance de plantes comme médicaments sans passer sous les fourches caudines de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je suis contraint de vous répondre par la négative, car l'ANSM, comme son nom l'indique, est garante de la sécurité des médicaments. En revanche, si vous nous demandez de vous aider à faire reconnaître au mieux les indications éventuelles de certaines plantes pour certaines pathologies, cela est bien différent : la science fourmille d'idées et nous avons l'intention d'accompagner l'exploitation de la flore polynésienne.
Quatre-vingt-treize jours. Depuis quatre-vingt-treize jours, 120 000 hommes, femmes et enfants vivent littéralement coupés du monde. L'Artsakh est devenue une prison à ciel ouvert par la volonté de la dictature azerbaïdjanaise et par l'inaction délibérée des forces russes, pourtant chargées depuis 2020 de garantir la sécurité de cette population arménienne enclavée en Azerbaïdjan. Cette complicité a été scellée deux jours avant l'invasion russe de l'Ukraine par un accord de coopération renforcée entre Aliyev et Poutine sur les plans économique, bancaire, militaire et énergétique.
Et comme par miracle, Bakou, qui n'a pas découvert de nouveau gisement depuis les années 1990, a signé en juillet 2022 avec Ursula von der Leyen un accord visant à tripler ses exportations de gaz vers l'Union européenne. En novembre 2022, Bakou a carrément acheté à Gazprom 3 milliards de mètres cubes de gaz, officiellement destinés à la consommation intérieure. C'est donc bien du gaz russe que l'Union européenne achète à l'Azerbaïdjan ; du gaz russe pour remplacer du gaz russe – et pour financer les canons pointés sur les Arméniens.
La semaine dernière, la situation a franchi un nouveau palier lorsque l'armée azerbaïdjanaise a attaqué un véhicule en zone arménienne, faisant cinq morts dont trois Arméniens, et lorsque Bakou a explicitement menacé l'Artsakh d'une prochaine opération militaire. Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, l'heure est grave. Il ne s'agit pas d'un simple conflit territorial : les événements qui se déroulent depuis quatre-vingt-treize jours dans une relative indifférence constituent un drame humanitaire. Ce qui attend l'Artsakh n'est rien de moins qu'un nettoyage ethnique, rendu possible par ces accords gaziers.
Le Président de la République est pleinement conscient de la menace, et je sais que la diplomatie française est pour beaucoup dans le déploiement d'une mission d'observation européenne à la frontière arménienne. Mais l'Artsakh se meurt et il faut agir vite. Aussi, je vous pose une question à laquelle je crois pouvoir associer toute la représentation nationale : quand tirerons-nous les conséquences de l'ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) en date du 22 février 2023 en sanctionnant les responsables de ce blocus criminel ? Quand mettrons-nous un terme aux accords gaziers conclus par la Commission européenne, qui alimentent la complicité entre Poutine et Aliyev ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et SOC et du Gouvernement. – M. Frédéric Mathieu applaudit également.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le blocage du corridor de Latchine se poursuit. Vous savez combien cette situation préoccupe le Gouvernement : le 28 février, j'ai dénoncé ici même ce blocage et ses conséquences humanitaires dramatiques. À la suite du grave événement que vous avez évoqué, survenu le 5 mars, nous avons demandé une enquête transparente, en insistant sur le fait que ses conclusions devront être rendues publiques. Nous souhaitions par ailleurs le rétablissement de l'approvisionnement des populations du Haut-Karabakh et l'aboutissement des négociations relatives à l'accès aux infrastructures.
Dans ce cadre, je vous confirme que l'ordonnance de la CIJ doit être immédiatement appliquée. La Cour ne manquera d'ailleurs pas d'en tenir compte dans sa décision au fond, qui suivra sa décision en référé, tout comme l'Union européenne et la communauté internationale – par l'intermédiaire de l'ONU – en tireront les conséquences.
Par ailleurs, l'Union européenne est très attentive au risque de contournement des sanctions visant la Russie. Nous travaillons à renforcer encore sa vigilance en la matière. N'en doutez pas, la France est le pays le plus engagé dans la défense des Arméniens, aux côtés des autres membres de l'Union européenne et des États-Unis. Nous sommes en contact permanent avec l'Arménie comme avec l'Azerbaïdjan, pour parvenir à un accord de paix et pour faire en sorte que les populations du Haut-Karabakh puissent continuer d'y vivre dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leur dignité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
C'est avec colère que j'ai appris dans la presse, il y a quelques jours, la fermeture à très court terme de la clinique de Gascogne, située dans le Gers. Lorsque je vous avais interrogé ici même à ce sujet en décembre 2022, monsieur le ministre de la santé, vous aviez pourtant pris l'engagement de nous tenir informés de l'évolution du dossier. Depuis, pas de nouvelles, pas de réponse au courrier que je vous ai remis lors de votre visite dans le Gers, pas davantage d'informations sur les solutions envisagées par l'Agence régionale de santé (ARS) et par vos services.
Manifestement, l'instauration d'un protocole d'accord partenarial, assorti de critères restreints et d'un délai trop court, devait inévitablement mener à un échec programmé. En outre, l'absence de réponse de l'ARS aux demandes répétées du liquidateur judiciaire n'a fait qu'accélérer le processus. Que proposez-vous face à l'urgence de la situation ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de la santé, retenu à Bruxelles par une réunion européenne.
Au mois de janvier, il a été invité dans le Gers par M. Jean-René Cazeneuve pour parler de l'accès aux soins et de la coordination sanitaire entre l'hôpital d'Auch, public, et la clinique de Gascogne, privée. Il semble effectivement que la situation de la clinique soit délicate : elle a été subventionnée, portée à bout de bras par l'ARS. Quelle que soit l'issue des négociations et l'organisation médicale retenue, un principe majeur a émergé : l'offre de soins accessible aux patients gersois, notamment celle du parc hospitalier, doit être maintenue sans baisse de sécurité ni de qualité.
M. Jean-Louis Bricout s'exclame.
Ainsi, tant l'hôpital que des cliniques voisines ont déjà adressé des propositions au corps médical de la clinique de Gascogne afin d'assurer la continuité des soins dans ce territoire. Soyez assuré de la détermination du Gouvernement à organiser, par la coordination des acteurs et par des consultations massives – pourquoi pas dans le cadre du volet santé du Conseil national de la refondation –, le déploiement d'une offre de soins satisfaisante. J'en parlais récemment avec M. Cazeneuve ; vous y serez bien sûr également associé, monsieur Taupiac.
Vous ne prenez pas la mesure de la situation. Il est urgent de trouver une solution pour éviter au Gers de perdre 60 % de son offre chirurgicale et à une centaine de salariés d'être licenciés. Il est urgent de ne plus devoir annoncer à des patients atteints d'une maladie grave la déprogrammation d'opérations vitales pour eux, comme cela se produit depuis quelques jours. Il est surtout urgent que le politique reprenne la main sur ce dossier, géré pour l'instant par une autorité bureaucratique qui raisonne selon une logique comptable.
Il faut absolument reprendre les négociations entre les acteurs, y adjoindre un médiateur extérieur neutre et déclarer un moratoire sur la fermeture de la clinique, afin qu'elle poursuive son activité jusqu'à la fin de l'examen des solutions proposées. L'ARS n'est peut-être pas prête à assumer un coût supplémentaire de 700 000 euros, mais cette somme n'est rien en comparaison des 1,5 à 2 millions d'euros annuels qui seront nécessaires en cas de fermeture de la clinique pour acheminer les patients vers les centres de santé voisins de Toulouse ou d'Agen.
J'attends donc cette fois un réel pilotage politique de la part du ministère de la santé, pour éviter au Gers un désastre sanitaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Qui aurait pu prédire la crise du système hospitalier ? Tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années n'ont-ils pourtant pas œuvré avec succès pour notre système de santé publique ? Mais si c'est vraiment le cas, pourquoi le système hospitalier ne subsiste-t-il qu'en s'appuyant sur les intérimaires, qui choisissent ce statut car il leur permet d'aménager leur temps de travail tout en étant grassement rémunérés, ce qui grève le budget des hôpitaux ?
M. Maxime Laisney applaudit.
Partout en France, de nombreuses maternités sont menacées de fermeture, à Guingamp, à Carhaix, à Landerneau mais aussi à Ganges, à Autun, à Porto-Vecchio ou encore à Guéret. Dans son rapport présenté récemment à l'Académie de médecine, le docteur Ville préconise, semble-t-il, la fermeture des 111 maternités qui pratiquent moins de 1 000 accouchements par an.
Dans ma circonscription, l'objectif imposé par l'agence régionale de santé (ARS) à la maternité de Guingamp est passé de 300 à 500 accouchements par an, et pourrait désormais passer à 1 000, sans raison valable, si ce n'est de bâtir des usines à bébés. Pourtant, c'est une mise en danger d'autrui que d'éloigner les femmes de l'accès aux soins ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
c'est une atteinte à leur droit de disposer de leur corps que de les contraindre à faire des kilomètres pour finir dans une chambre d'hôtel, puis dans une usine. Quel monde nous imposez-vous là ?
L'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, qui prévoit le plafonnement des rémunérations des intérimaires, a été repoussée, car il n'était pas alors possible de l'appliquer. Pourquoi serait-ce possible le 3 avril 2023 ? Le principe de la loi est bon, mais qu'avez-vous fait depuis ? Les conditions à l'hôpital sont-elles désormais plus favorables ? Avez-vous amélioré les conditions de travail et les rémunérations des professionnels dans les hôpitaux publics par rapport au secteur privé ?
« Non ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
Mêmes mouvements.
L'entrée en vigueur de cette loi, pourtant nécessaire, nous inquiète au plus haut point, car elle menace l'existence de nombreux services hospitaliers de proximité. Qu'a prévu le ministre de la santé et de la prévention pour que la loi Rist s'applique sans entraîner la fermeture des hôpitaux ruraux et des maternités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je ne m'attendais pas à entendre une députée de La France insoumise défendre une rémunération supérieure à 1 200 euros par jour dans le secteur public.
Le plafonnement en question limitera la rémunération des intérimaires à 1 170 euros par période de vingt-quatre heures. Il faut revoir l'échelle de valeur.
Oui, il est donc nécessaire de l'appliquer, ce qui permettra également d'assainir la situation dans le secteur hospitalier, comme je le mentionnais plus tôt. Personne ne nie qu'il soit difficile de recruter et de conserver des médecins dans les hôpitaux, mais ces rémunérations font partie du problème : vous ne pouvez prétendre que cela n'a rien à voir ! Le secteur public ne saurait s'aligner sur des salaires excédant 20 000 euros par mois. Ce n'est d'ailleurs pas l'appât du gain qui fonde l'engagement des médecins dans le secteur hospitalier – vous en conviendrez.
Ensuite, vous faites une confusion : l'Académie de médecine étant une autorité indépendante, son rapport n'est pas gouvernemental. Ce document, qui préconise de porter à 1 000 le seuil d'accouchements annuels requis d'une maternité pour maintenir la qualité, la continuité et la sécurité des soins, n'engage pas le Gouvernement. Toutefois, nous le prenons en considération pour engager une réflexion sur l'avenir du système périnatal.
Mme Élise Leboucher s'exclame.
Nous menons régulièrement de telles démarches : c'est ainsi que nous avons revu à la hausse les missions et les rémunérations des sages-femmes, ou que cette majorité a créé des maisons de naissance en réponse au souhait, exprimé par certaines parturientes, d'accoucher dans une structure moins médicalisée.
Je dois dire que mes oreilles saignent lorsque je vous entends parler d'« usines à bébés ». Des maternités peuvent accueillir 1 000, 2 000 ou 3 000 accouchements par an, sans mériter pour autant qu'on les traite d'usines ! Ce terme est très insultant pour les trois quarts des maternités françaises et pour les trois quarts des femmes qui y accouchent ; je ne crois pas qu'elles aient l'impression d'accoucher dans des usines à bébés !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
À force de manier un verbe excessif dans le but systématique d'attaquer le Gouvernement, même lorsqu'il n'est impliqué ni de près, ni de loin, dans le sujet que vous évoquez, vous finissez par taper à côté.
Vingt-deux ans après l'adoption de la loi About-Picard du 12 juin 2001, je salue la volonté du Gouvernement de redonner une impulsion à la lutte contre le fléau des dérives sectaires. Ce fut l'objet des premières assises nationales des dérives sectaires, qui ont permis de poser la première pierre de la future politique de lutte contre ce phénomène. Oui, l'action de l'État doit s'adapter à l'évolution des dérives sectaires ! Oui, l'État doit sévir face aux individus, ou plutôt aux charlatans, qui cherchent à tirer profit des personnes fragiles, isolées ou malades !
Vendredi 10 mars, à l'issue de ces assises, le Gouvernement a annoncé qu'il encadrerait les pratiques de soin non conventionnelles, comme la naturopathie, la lipolyse et les médecines énergétiques, qui prolifèrent depuis la crise sanitaire. Je me réjouis de cette bonne nouvelle. La santé constitue en effet une porte d'entrée des dérives sectaires et un moyen pour de nombreux mouvements d'attirer de nouveaux adeptes.
Dans son dernier rapport, la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – dénombre en France près de 4 000 psychothérapeutes autoproclamés, c'est-à-dire n'ayant suivi aucune formation et n'étant inscrits sur aucun registre. Prétextant l'inutilité des traitements conventionnels, le pseudo-praticien demande au patient d'avoir toute confiance en lui, au motif qu'il est le seul à détenir la méthode miracle apte à le guérir. N'importe qui – adolescent, personne vulnérable, personne précaire ou fragilisée par une maladie – peut être victime d'un pseudo-thérapeute.
Notre système de santé connaît déjà une crise profonde : empêchons que s'y ajoute la profusion de ces dérives, car cela jetterait encore davantage de confusion sur l'accès aux soins. Quelles mesures précises seront prises pour lutter contre les dérives sectaires dans le domaine de la santé, notamment contre ces pratiques de soins non conventionnelles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
D'abord, monsieur Valletoux, je vous remercie de votre participation à ces assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires avec d'autres députés issus des différents groupes qui composent cette assemblée. Ce moment historique a été organisé suite à l'explosion du nombre de signalements de dérives sectaires. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont concernées. Il était donc important que nous puissions nous retrouver.
Votre question concerne plus particulièrement le domaine de la santé, qui est celui dans lequel l'augmentation du nombre de signalements est la plus importante et l'un de ceux pour lesquels nous avons fait les propositions les plus fortes.
La première proposition, que vous avez évoquée, été avancée par la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo : elle a annoncé l'encadrement des pratiques non conventionnelles de soin, qui permettra aux Français de savoir s'ils peuvent consulter un praticien en confiance ou non.
D'autres propositions ont été faites, notamment l'interdiction de la publicité de ces pratiques non conventionnelles de soin pour les maladies graves, la création d'un délit d'incitation à l'arrêt du traitement médical et la possibilité conférée aux agences régionales de santé (ARS) d'interdire d'exercice les thérapeutes déviants.
Ces propositions en matière de santé s'inscrivent dans un plan global qui sera défendu par la Miviludes, dont les moyens seront augmentés de 25 %. Ils seront déployés pour améliorer la prévention, car nous devons alerter les Français pour qu'ils ne s'engagent pas dans ces dérives aussi facilement qu'ils le font actuellement. Un important travail sera mené avec les plateformes de réseaux sociaux et une campagne de communication sera lancée. Nous devrons également accompagner les victimes et les traiter sur tout le territoire national, tandis que les services de la Miviludes sont actuellement centralisés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
C'est, en quelque sorte, l'anniversaire français du sucre de betterave, puisqu'il y a 212 ans, quasiment jour pour jour, Napoléon lançait une politique favorisant son développement.
En 2023, la France est le premier producteur de sucre de betterave en Europe, mais jusqu'à quand ? La situation dans laquelle se trouvent nos betteraviers est grave.
Quand, en 2013, la Commission européenne a annoncé la suspension de certaines substances insecticides, le gouvernement socialiste de l'époque, dont faisait partie Emmanuel Macron, a fait du zèle pour appliquer au plus vite les règles européennes. On n'en peut plus des décisions dogmatiques dont on découvre et subit chaque jour de nouvelles conséquences. Il y a eu des erreurs en matière de choix énergétiques, notamment l'abandon du nucléaire, et maintenant, c'est la filière agricole qui est frappée.
Le Gouvernement ne répond que par un énième plan, autrement dit il ne propose pas de solution.
Nous sommes témoins des effets désastreux de ces décisions. Ainsi, Tereos fermera la sucrerie d'Escaudœuvres dans le Cambraisis, supprimant ainsi 123 postes.
Outre-Rhin, la substance en question reste pourtant autorisée. Une fois encore, on assiste, impuissant, au déclin français, pour le plus grand bénéfice du voisin allemand.
Le groupe Rassemblement national est prêt à la cohérence collective, mais jamais au détriment des Français. Notre souveraineté doit être absolue et nous devons bâtir sur elle la concorde nationale. Gouverner, c'est prévoir.
Ma question est donc la suivante : outre ce plan qui ne manifeste qu'une vision à court terme, quelles mesures pérennes comptez-vous prendre pour permettre aux producteurs de betteraves de consolider la filière et de maintenir les emplois liés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est dommage : comme toujours, quand il s'agit d'évoquer les problèmes, vous êtes présents, mais vous manquez à l'appel au moment d'élaborer les solutions.
Je l'ai dit tout à l'heure, j'étais hier dans le Nord pour évoquer la fermeture potentielle d'une usine de Tereos, contre laquelle je me bats avec l'ensemble des élus du département, à l'exception des députés du Front national
« Rassemblement national ! » et vives protestations sur les bancs du groupe RN
qui manquaient à l'appel alors que nous débattions de l'emploi dans vos territoires.
Une fois de plus, vous criez, mais quand il s'agit de trouver des solutions, de mettre la pression sur les entreprises pour les inciter, au lieu de fermer des usines qui gagnent de l'argent, à fédérer la filière et à travailler avec les producteurs de betteraves pour augmenter les semences afin d'augmenter la production, vous manquez à l'appel.
Mais qui êtes-vous pour répondre ? Il est où, le ministre de l'agriculture ?
Pour avoir présidé la commission des affaires économiques qui a voté les exemptions qui ont permis aux producteurs de betteraves de continuer la production, je souhaite que nous soutenions la filière. Mais je souhaite aussi que celles et ceux qui sont impliqués dans cette filière qui profite de prix du sucre particulièrement élevés et d'un marché en pleine expansion jouent leur rôle et prennent également leurs responsabilités pour que la filière dans son ensemble puisse être gagnante.
Si rien n'est fait au-delà du blabla, tout un savoir-faire risque de disparaître. On ira chercher notre sucre en Allemagne, en Amérique latine, ce qui a également des conséquences en matière d'émissions de carbone. À quand le retour du bon sens paysan ? C'est la vraie question. Comme on dit chez moi, vous êtes des « prometteurs de bons jours ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vendredi dernier, la Silicon Valley Bank, seizième banque américaine en taille d'actifs, a fait faillite. Cette défaillance est la plus importante depuis la grande récession de 2009. À celle-là s'ajoutent celles de la Signature Bank, vingt et unième banque américaine, et de la Silvergate Bank, spécialisée en cryptomonnaies. Je vous remercie, monsieur le ministre de l'économie, pour la réponse rassurante que vous avez déjà apportée tout à l'heure sur la question de la solidité de notre système bancaire.
Nous avons, depuis 2008, revu fortement le cadre prudentiel : révision des accords de Bâle sur les niveaux de fonds propres, création d'un mécanisme pour prévenir le risque de liquidité, ou encore meilleur encadrement des activités de marché pour conforter la résilience de nos banques. À l'échelle européenne, la première phase de l'union bancaire a entièrement revu notre système de supervision, le rendant plus sûr et plus efficace que celui des États-Unis.
Toutefois, des inquiétudes subsistent. Les différents marchés financiers ont depuis lundi fortement vacillé : à la clôture hier, le cours de BNP Paribas avait chuté de 4 % et celui de la Société générale de 6 %. Plusieurs voix se sont élevées pour nous alerter du risque d'une nouvelle crise financière mondiale, faisant craindre de revivre le cauchemar des années 2009 à 2012.
Cette faillite n'est-elle pas une piqûre de rappel quant à la nécessité d'achever enfin l'union bancaire et d'instaurer une véritable garantie européenne des dépôts ? N'est-il pas temps de protéger mieux nos concitoyens sans risquer de fragiliser les finances publiques de chacun des États membres ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Il y a une leçon à retenir de cette faillite de cette banque régionale américaine : prudence est mère de toutes les vertus, en particulier en matière bancaire.
Que s'est-il passé dans le cas de la Silicon Valley Bank (SVB) ? Elle s'est exposée à un seul secteur, la tech. Elle a placé ses fonds sur des bons du Trésor sans que les règles établies par les accords de Bâle III s'appliquent totalement à elle. En effet, le président américain Donald Trump a décidé en 2019 d'exonérer les banques régionales américaines d'un certain nombre d'obligations fixées par les accords de Bâle III, notamment en cas de moins-value latente, ce qui était le cas pour ces placements sur les bons du Trésor américain. En effet, dans le cas des banques que vous avez mentionnées, les moins-values latentes étaient de plus en plus évidentes, car les taux d'intérêt augmentaient tandis que ces banques avaient placé les fonds qu'elles avaient levés sur des bons du Trésor à taux fixe et très bas.
Alors que les accords de Bâle III ont obligé les banques à une solvabilité plus forte et à des placements en capitaux plus importants, cette banque n'était pas soumise à cette obligation, d'où la faillite à laquelle nous assistons. Nous en sommes protégés par le mécanisme de supervision européen.
Nous avons instauré depuis plus de six ans le mécanisme européen de supervision, le Fonds de résolution unique (FRU) qui s'élève à 75 milliards d'euros. Nous avons donc renforcé les dispositifs de supervision européens. Le mécanisme européen est plus puissant, plus solide, plus protecteur que le mécanisme de supervision retenu par les États-Unis.
Je partage totalement votre avis. Il faut continuer dans cette direction et s'attaquer à la création d'une véritable union bancaire qui ne touche pas seulement la supervision mais également les mécanismes de dépôt. Nous y travaillons et j'espère que nous parviendrons à un résultat dans les mois qui viennent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous avons découvert par un communiqué du 8 février la décision du Gouvernement de réunir les compétences techniques de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec celles de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), par la volonté de son président et de son premier vice-président que l'on peut remercier, s'est saisi du sujet en organisant une audition publique le 16 février à laquelle étaient conviés le président de l'ASN, le directeur général de l'IRSN, l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le directeur recherche et développement du groupe EDF, la directrice sûreté, sécurité et environnement du groupe Orano, mais également le directeur de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), un chercheur émérite et Claude Birraux, ancien député du groupe Les Républicains qui était président de l'Opecst. Les approches étaient pour le moins différenciées, l'un plaidant pour la réforme, d'autres indiquant qu'ils s'y conformeraient, tandis que d'autres encore se sont exprimés en faveur de la préservation du système actuel.
Je n'en citerai que deux. L'ancien président de l'Opecst, Claude Birraux, a estimé que l'organisation prévue traduit « une méconnaissance grave de l'organisation de la sûreté nucléaire » et qu'en changer nous ferait revenir trente ans en arrière.
Michaël Mangeon, chercheur, concluait son intervention en indiquant que ce projet risquait d'affaiblir la légitimité du système de sûreté auprès des citoyens. Au terme de ces auditions, l'Opecst conserve les interrogations qui étaient les siennes en les commençant : pourquoi cette réforme et pourquoi si vite ?
Je vous poserai donc deux questions. La première est simple. Pourquoi mettre la charrue avant les bœufs ? Pourquoi ne pas faire précéder cette réforme d'une phase de diagnostic et d'étude d'impact suivie d'une phase de négociation ?
Ensuite, dans l'hypothèse où vous ne reviendriez pas sur votre décision, quelles sont vos options si le rapport commandé à l'ASN et l'IRSN remettait en cause votre projet étant donné les multiples réserves déjà exprimées ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vais remettre cette réforme de la sûreté nucléaire dans son contexte plus général. Comme vous le savez, le grand combat de ce siècle, celui que mène le Gouvernement, consiste à sortir notre pays des énergies fossiles. Pour cela, il y a deux leviers : baisser notre consommation d'énergie – nous y travaillons en améliorant la sobriété et l'efficacité énergétique –, et produire plus d'électricité bas carbone.
Cela suppose d'accroître la part des énergies renouvelables, ce que nous avons fait à travers un projet de loi que vous n'avez pas voté,…
…et de produire plus d'énergie nucléaire.
Pour cela, il faut faire face au remplacement de nos réacteurs nucléaires qui arriveront un jour à leur terme.
Mme Julie Laernoes s'exclame.
Madame Laernoes, auriez-vous la gentillesse de me laisser parler ?
Nous sommes à l'aube du lancement d'un des plus grands programmes de réacteurs nucléaires. Nous fortifions l'ensemble des briques technologiques de la filière nucléaire. Or l'une de ces briques est la sûreté nucléaire. C'est ce qui nous amène effectivement à regrouper les forces de l'ASN et de l'IRSN.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il s'agit de réunir les forces de ces deux organismes sous une même bannière,…
…celle d'une autorité administrative indépendante, pour être enfin au niveau des grandes organisations qui assurent la sûreté nucléaire dans les autres pays dotés de grands programmes nucléaires. Savez-vous que la France a l'une des autorités de sûreté nucléaire qui a le plus faible nombre d'employés ? En quoi est-il problématique de réunir enfin sous la bannière d'une autorité administrative indépendante l'ensemble des forces au service de cette ambition nucléaire ?
Je l'affirme clairement : l'expertise et la recherche seront évidemment préservées. Le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes élargit simplement les missions de l'ASN, sécurise le parcours des agents de l'IRSN, sans changer une ligne de notre droit sur la sûreté nucléaire.
Je note que vous n'avez pas répondu à ma question. Que ferez-vous si le rapport que vous avez demandé à l'ASN et à l'IRSN indiquait que, étant donné les multiples réserves déjà exprimées, la réunion de ces deux institutions, ou plutôt l'absorption de l'IRSN par l'ASN, n'était pas du tout une bonne idée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
En France, plus d'un enfant sur cinq vit dans la pauvreté. Nous n'avons jamais connu une aggravation aussi rapide de la précarité. Les indicateurs de grande pauvreté sont au rouge et doivent tous nous alerter. En décembre dernier, on comptabilisait plus de 1 300 enfants sans solution d'hébergement, un record tristement historique. Le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre montre que les enfants qui vivent dans les logements insalubres se comptent par centaines de milliers. On observe en Île-de-France une hausse de plus de 30 % du nombre de bébés inscrits à l'aide alimentaire des Restos du cœur pour la campagne de l'hiver 2023. Dans toute la France, 110 000 bébés sont pris en charge par les Restos du cœur.
La campagne pour l'hiver 2023 s'est achevée vendredi dernier. Que vont-ils devenir ? Alors que l'inflation, qui était déjà à un très haut niveau, s'aggrave encore en mars, quelle réponse apportons-nous à cette urgence ? Le nombre de bénéficiaires des grandes associations caritatives à l'échelle nationale, en particulier ceux de moins de 5 ans, illustre l'urgence absolue de répondre au défi de bien grandir.
La grande pauvreté des enfants n'est pas une fatalité : la politique, c'est un art du possible. Nous avons le devoir de trouver des solutions ambitieuses. En juin 2021, lors de la présidence française de l'Union européenne, les États membres ont adopté une garantie européenne pour l'enfance visant à lutter contre la pauvreté des enfants. Comme je l'ai fait dimanche dans une tribune signée avec la présidente de l'Unicef, j'appelle solennellement le Gouvernement à prendre en considération les recommandations européennes et à les appliquer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
J'ai reçu il y a quelques jours la présidente de l'Unicef France, Adeline Hazan, pour faire le point sur la situation. Je partage plusieurs de vos constats, en particulier le fait que, dans notre pays, un trop grand nombre d'enfants sont effectivement victimes de pauvreté et d'exclusion sociale. C'est pourquoi, ces dernières années, le Gouvernement a agi résolument et avec force pour réduire la pauvreté des enfants, ce qui a notamment permis d'éviter son explosion durant la crise sanitaire et d'en maintenir la progression à un taux relativement stable.
Nous devons évidemment continuer à agir. Partant du constat que la pauvreté, dans notre pays, découlait d'un déterminisme important, nous avons élaboré un plan de lutte contre la pauvreté pour les années 2018 à 2022, comprenant plusieurs mesures spécifiques aux enfants, comme le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d'éducation prioritaire et l'instauration d'un bonus pour assurer la mixité sociale dans les crèches. Le Gouvernement a également octroyé aux collectivités des subventions pour assurer une tarification sociale de la cantine, offrir des repas à 1 euro et des petits-déjeuners gratuits dans les écoles, afin que les enfants aient accès à une alimentation plus équilibrée.
Nous ne nous arrêtons pas là : dans quelques semaines, je présenterai un pacte des solidarités élaboré avec l'ensemble du Gouvernement pour faire face à la pauvreté dans toutes ses dimensions. Il faudra poursuivre notre travail pour prévenir les inégalités sociales en matière de santé et le décrochage scolaire, et garantir l'accès à une alimentation de qualité, mais aussi – et c'est très important – à des temps libres favorisant l'épanouissement des enfants. Nous défendrons ces mesures au niveau européen. À cet égard, je vous rappelle que la France a été l'un des premiers pays à appliquer la garantie européenne pour l'enfance.
La faillite très grave de la Silicon Valley Bank (SVB) n'est pas un accident, mais le signe de la crise d'un système dans lequel nous avons tous vécu au niveau mondial : celui de l'argent prétendument gratuit. C'est aussi le signe que toutes les banques, petites ou grandes, ont des effets systémiques affectant toute l'économie. À ce titre, elles devraient toutes, quelle que soit leur taille, être soumises aux mesures décidées par le régulateur.
Vous avez dit, monsieur le ministre de l'économie, que les banques françaises étaient beaucoup mieux protégées, et vous avez raison : depuis 2008, le législateur national et le législateur européen ont multiplié les règles prudentielles pour assurer des ratios de solvabilité et de liquidités garantissant bien mieux les dépôts des épargnants européens – et français en particulier – que le système américain.
Toutefois, il existe peut-être des trous dans la raquette européenne. En effet, les débats au Parlement et au Conseil européens ont montré que des banques régionales – essentiellement allemandes, mais aussi espagnoles et italiennes – ont pour partie échappé aux règles de régulation particulièrement strictes qui sont imposées aux banques françaises. À cela s'ajoute, depuis dix ans, une immense fragmentation du marché, puisque chaque État applique un peu à sa sauce la réglementation européenne. La Cour des comptes européenne a donc récemment souligné la très grande complexité d'application de la réglementation.
Pourriez-vous demander à la Commission européenne de soumettre l'ensemble des banques, en particulier les banques régionales, à un stress test, un test de résistance bancaire ?
Votre première arme, monsieur le ministre, c'est la confiance. Dans cette optique, seriez-vous prêt à envisager l'augmentation du seuil de garantie des dépôts bancaires des épargnants, ce qui nécessiterait l'abondement du Fonds de résolution unique – caisse de garantie des épargnants – et donc sa prorogation au-delà de 2023 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Si je partage votre analyse, je pense sincèrement que les Européens ont tiré toutes les leçons de la crise financière de 2008 :
« Ah… très bien… » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
la protection du système des banques européennes – en particulier des banques françaises – a été renforcée et est désormais solide. Je tiens à rassurer tous les épargnants et entrepreneurs ayant déposé leurs fonds auprès des banques françaises, et je répète donc avec beaucoup de gravité que la faillite de la SVB ne fait pas courir de risques aux banques françaises et au système bancaire français.
Le montant des fonds propres exigé des banques françaises a été doublé suite à la crise de 2008 et est désormais fixé à 550 milliards d'euros. Le ratio de solvabilité, qui a donc été considérablement renforcé, et le ratio de liquidité ne s'appliquent cependant qu'aux banques européennes – françaises notamment –, et non aux banques régionales américaines. Partant, lorsque ces dernières réalisent un mauvais placement et subissent des pertes latentes, elles n'ont pas de liquidités ni de collatéral – c'est-à-dire de garantie – pour protéger les dépôts des épargnants et des entrepreneurs.
Devons-nous aller plus loin dans les mécanismes européens ? Oui : nous avons tout intérêt à renforcer encore l'union bancaire. Nous avons d'ores et déjà instauré un mécanisme de supervision unique – premier progrès – et, deuxième progrès, doté le Fonds de résolution unique de 75 milliards d'euros – nous devons d'ailleurs être bien conscients que la France abondant à ce fonds, nous n'avons pas forcément intérêt à renforcer davantage les exigences en termes de capital. Nous serons, en revanche, très favorables à l'instauration d'un système de résolution unique en cas de crise bancaire, afin qu'en cas de défaillance d'une banque européenne, les actionnaires et les banques paient, et non les contribuables. Telle est la prochaine étape de l'union bancaire que nous sommes bien déterminés à faire aboutir.
M. Jean-Charles Larsonneur applaudit.
Faillite de la Silicon Valley Bank
Depuis vendredi, un vent de panique s'est emparé des marchés boursiers : la Silicon Valley Bank (SVB) a fait faillite – une première depuis la crise financière de 2008. Cette banque, spécialisée dans le financement des start-up du numérique, semblait pourtant solide, avec 209 milliards de dollars d'actifs pour environ 175 milliards de dépôts au 31 décembre 2022. Cela ne lui a pourtant pas permis de faire face aux retraits massifs de ses principaux clients.
En effet, la hausse vigoureuse des taux directeurs des banques centrales imposée par la forte inflation a eu un double effet préjudiciable : d'un côté, les entreprises technologiques se sont retrouvées incapables de lever des fonds, et ont donc puisé dans leurs liquidités ; de l'autre, les obligations, qui constituaient une part importante des actifs de la SVB, ont été dépréciées, au moment même où la banque a dû les vendre pour répondre aux besoins de liquidités de ses clients.
La SVB a entraîné dans sa chute deux autres institutions bancaires américaines. La crainte d'une propagation systémique est donc réelle, comme en témoigne l'effondrement des cours hier : en clôture, la Bourse de Paris a perdu 2,9 %, celle de Francfort, 3,04 %, et celle de Londres, 2,58 %. Les valeurs bancaires européennes ont amplifié leur chute : l'indice de référence des banques européennes cotées a chuté de 10,2 % en deux séances.
Face à cette situation, la secrétaire américaine au Trésor a indiqué tout mettre en œuvre pour éviter que ces faillites ne se propagent au reste du système bancaire. Elle a notamment annoncé la garantie de l'intégralité des dépôts. La FED, la réserve fédérale des États-Unis, s'est également engagée à prêter les fonds nécessaires aux banques qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients.
Conscient de l'inquiétude ambiante, vous avez réagi par un appel au calme. Alors que vous rentrez d'une réunion des ministres des finances de la zone euro à Bruxelles, au cours de laquelle vous avez pu échanger…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Nos appels au calme ont été entendus : j'en veux pour preuve le redressement, aujourd'hui, de la Bourse de Paris, qui avait accusé une forte chute hier. L'ensemble des ministres des finances européens ont rappelé qu'il n'y avait aucune crainte à avoir pour le système bancaire européen, et je répète qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir s'agissant du système bancaire français.
À titre de précaution, j'ai réuni ce matin l'ensemble des dirigeants des grandes banques françaises – la BNP, le Crédit agricole et la Banque postale notamment – et le gouverneur de la Banque de France, pour faire le point sur la situation. Le gouverneur m'a confirmé qu'il n'existait pas de risque pour les banques françaises, ni pour le financement de l'économie française, notamment de la tech. Nous continuerons à suivre de très près l'évolution de la situation, mais les préoccupations portent sur les États-Unis plus que sur l'Europe.
Par ailleurs, les États-Unis ont immédiatement apporté une réponse forte : nous verrons si cela suffit à y circonscrire le problème – je le souhaite. En tout état de cause, nous ne voyons pas de risque pour les banques françaises et ne craignons pas une contagion à l'Europe.
En 2021, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, était promulguée, concrétisant au passage la fin de toute artificialisation nette des sols à l'horizon 2050. Utopique, le principe drague derrière lui son lot de paradoxes et s'oppose frontalement aux aspirations pavillonnaires de la majorité des Français. En effet, selon un sondage mené par l'Ifop en janvier 2022, 80 % de nos concitoyens souhaiteraient, à terme, vivre dans une maison avec un jardin.
À ce désir d'horizontalité vous opposez, jusque dans le choix du logement, la verticalité brute et froide de votre gouvernement. Peu importe que l'Insee conseille de produire 300 000 à 400 000 logements par an d'ici 2030 : un rapport du Sénat souligne en effet que votre objectif est inférieur de 90 000 nouveaux logements à cette recommandation. Peu importe que France Stratégie indique que la surface de terres artificialisées varie selon les outils de mesures choisis, allant de 16 000 à 61 000 hectares par an ; peu importe que votre objectif, en entraînant une raréfaction des espaces disponibles, menace d'alourdir gravement les charges foncières, et donc de faire obstacle à l'accès à la propriété pour les moins riches ; peu importe que vous ayez instauré un climat d'inquiétude foncièrement délétère pour les élus locaux, qui sont à la fois incités à attirer de nouveaux habitants pour alimenter les caisses de leur commune et, en même temps, découragés de construire pour préserver les sols.
Naviguant à vue, de nombreuses intercommunalités rurales poussent les communes – même les villages de moins de 300 habitants – à construire dès maintenant là où il reste de la place. Le village de Leulinghem, dans ma circonscription, a ainsi été incité à accepter l'extension de près de quinze hectares une zone d'activités qui en compte déjà cinquante, au détriment de terres agricoles que vous prétendez pourtant préserver, et contre l'avis des habitants. À l'inverse, au titre de votre objectif, certaines communes devront faire une croix sur des services essentiels : adieu maisons médicales et nouvelles écoles.
À terme, l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ne peut conduire qu'au dépérissement de notre économie et de notre démocratie, voire, en se reniant lui-même, à la création de dérogations à n'en plus finir, comme le suggère la proposition de loi débattue aujourd'hui au Sénat. Entre décroissance de la France et renoncement à votre projet fantasmagorique, que choisira le Gouvernement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Christophe Béchu et moi travaillons depuis juillet 2022 en vue d'atteindre l'objectif fixé par la loi « climat et résilience » : zéro artificialisation nette en 2050. C'est là une ambition dont nous sommes heureux et fiers. Si la lutte contre l'artificialisation des sols doit rester acceptable et soutenable, le fait est que personne, pas même les collectivités locales que vous avez évoquées, ne remet en cause cet objectif essentiel.
M. Dominique Potier applaudit.
Depuis le mois de juillet, je le répète, nous œuvrons avec les associations d'élus, les parlementaires, dans un esprit d'ouverture, aux ajustements et aux évolutions dont dépend son acceptabilité ; nous sommes ainsi d'accord pour remanier légèrement le dispositif.
Au cours de ces discussions, nous avons reconnu la nécessité de se donner du temps pour coconstruire les documents d'urbanisme, celle de décompter à part les projets d'envergure nationale ou européenne, celle de conserver aux territoires ruraux une capacité minimale de développement – d'où la garantie rurale à laquelle nous sommes précisément en train de travailler. L'absence de Christophe Béchu dans cet hémicycle s'explique d'ailleurs par sa présence au Sénat, où est examinée cet après-midi la proposition de loi de Jean-Baptiste Blanc visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs zéro artificialisation nette au c?ur des territoires.
Vous parlez de froide brutalité, de communes forcées de faire une croix sur des services essentiels : j'en suis, depuis l'été, à ma cinquante-troisième visite dans les départements – j'écoute, je prends note, je rassure. Je suis certaine qu'à l'issue de ces travaux, de ces débats, nous serons parvenus à concilier les enjeux liés à la transition écologique qui traversent notre société et les légitimes préoccupations de nos élus locaux.
La semaine dernière, monsieur le ministre de l'économie et des finances, la Silicon Valley Bank (SVB), qui affichait 210 milliards de dollars d'actifs, s'est effondrée ; cette faillite bancaire est la deuxième plus importante de l'histoire américaine. Vos déclarations, suivant lesquelles la situation en Europe n'aurait aucun rapport avec celle des États-Unis, n'ont pas empêché la baisse du CAC40, due notamment à la chute des actions de la BNP et de la Société générale. Le capitalisme financiarisé repose avant tout sur une confiance très aléatoire : dans ce système fou, pourquoi les joueurs se fieraient-ils à la parole d'un croupier alors que sont réunis tous les ingrédients d'une crise ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les acteurs qui donnent le la sur les marchés financiers n'ignorent pas que les politiques appliquées en Europe, notamment en France, sont similaires à celles qui, aux États-Unis, ont entraîné cette situation !
En effet, au-delà des différences touchant la réglementation bancaire que vous avez soulignées, la faillite de la SVB tient avant tout au déversement d'argent gratuit durant la pandémie. Opéré sans aucune contrepartie en matière d'investissement dans l'économie productive, il a alimenté des bulles financières ,
Mêmes mouvements
lesquelles menacent désormais d'éclater avec pertes et fracas en raison du choix des banques centrales d'augmenter les taux d'intérêt, prétendument pour lutter contre l'inflation.
Pourtant, comme le Fonds monétaire international (FMI) le reconnaît lui-même, l'inflation actuelle ne découle pas d'une boucle salaires-prix, mais d'une boucle pénurie-profits, la hausse des taux visant en réalité à exercer une pression à la baisse sur les salaires, afin d'accroître les marges des entreprises et de conserver aux actionnaires leur rémunération. Seulement, cette stratégie consistant à faire payer l'inflation aux plus pauvres menace désormais de provoquer une nouvelle crise, dont les effets sur notre économie seraient incommensurables.
Il est urgent de changer de politique économique et monétaire. Vous déciderez-vous à engager un bras de fer afin que la Banque centrale européenne (BCE) agisse en ce sens ,
Mêmes mouvements
ainsi qu'à soumettre les aides aux entreprises, en particulier bancaires, à des conditions en matière d'investissement dans l'économie productive ?
Enfin, ne voyez-vous pas dans le cataclysme qui menace une nouvelle raison d'abandonner un projet de réforme des retraites qui créerait encore plus de chômage ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Qui vivra verra !
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Votre question est partie de la SVB pour passer par l'inflation, la BCE, et arriver à la réforme des retraites : c'est un long chemin !
En outre, je suis surpris de votre fascination pour les États-Unis d'Amérique, dont je rappelle que le système bancaire n'a rien à voir avec celui de l'Union européenne.
Et la mondialisation financière, ça n'existe pas ? La crise de 2008 n'a-t-elle pas eu lieu ?
Nous défendons le système européen, plus protecteur, qui évite qu'on ne joue comme au casino avec les économies de nos compatriotes, qui repose sur des actifs très diversifiés alors que la SVB s'en tenait aux valeurs de la tech. Nous exigeons que les risques pris par les banques aient une contrepartie en capital ; nous refusons, je le répète, qu'elles soient exposées à un seul type d'actifs ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
donc au risque d'écart de taux à l'origine de la faillite de la SVB.
Et la dérégulation du système financier depuis vingt ans, elle ne présente pas de risques ?
M. Trump avait décidé de ne pas étendre aux établissements régionaux le dispositif américain de supervision bancaire : libre à vous de défendre ses choix,…
…nous préférons ceux de l'Europe et de la BCE !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Belle chute !
Les Français sauront, le moment venu, ce que valait cette réponse caricaturale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.
L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Je souhaite en votre nom à tous, mes chers collègues, la bienvenue à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
Monsieur le premier président, la présentation de votre rapport est toujours un moment important de la vie parlementaire ; il éclaire nos débats et nourrit les réflexions qui animent notre assemblée. Je tiens à saluer la qualité des travaux de la Cour des comptes qui nous permettent de mieux contrôler l'action du Gouvernement et de mieux évaluer les politiques publiques. Votre assistance se matérialise également par votre mission annuelle de certification des comptes de l'Assemblée nationale et votre appréciation, impartiale, contribue à la transparence que l'Assemblée doit aux citoyens qu'elle représente.
Sans plus attendre, je donne la parole est à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
En application de l'article L. 143-6 du code des juridictions financières, j'ai eu l'honneur de vous remettre à l'instant, madame la présidente, le rapport public annuel de la Cour des comptes. Je vous remercie de l'accueil réservé à la Cour, qui traduit la qualité des liens qui unissent nos deux institutions, et vous savez à quel point je suis attaché au rôle de la Cour à l'égard du Parlement. La Cour des comptes se définit, depuis Philippe Séguin, à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement, et sa mission d'assistance au Parlement est, pour nous, totalement essentielle. J'ai grand plaisir à retrouver votre assemblée en séance publique pour présenter ce qui est toujours le vaisseau amiral de toutes nos productions : le rapport public annuel, en l'espèce pour 2023.
Cette année, il s'agit d'un rapport particulier puisque la Cour a fait le choix de travailler sur le bilan de la décentralisation, un sujet majeur qui intéresse hautement nos concitoyens et qui, je le sais, intéresse évidemment les élus que vous êtes.
Quelques mots sur le contexte de ce rapport public annuel. Tout d'abord, dans la suite du rapport de 2022 qui avait été consacré à la réponse de l'État face à la crise sanitaire, cette publication n'est plus ce qu'elle fut dans le passé, c'est-à-dire un assemblage de nos productions : elle s'organise désormais sous un format thématique. C'est une orientation que la Cour a souhaitée dans le cadre de son projet stratégique de modernisation pour centrer ledit rapport sur une problématique unique. Cette évolution est due aussi au fait que comme nous publions tous nos travaux depuis le 1er janvier 2023, il n'y aurait guère de sens à présenter ici un patchwork alors que vous pouvez consulter les quelque 200 rapports que la Cour des comptes publie chaque année.
Cette édition 2023 est consacrée, disais-je, à la décentralisation, quarante ans après le lancement du processus par l'adoption de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qu'on a plus tard appelé l'acte I de la décentralisation. Ce fut à l'évidence une rupture historique avec la tradition centralisatrice française qui visait à donner aux collectivités territoriales la maîtrise de leur devenir et à leur permettre de rapprocher l'administration des administrés. Ce mouvement s'est concrétisé dans un premier temps par la fin de la tutelle des préfets sur les collectivités locales, par le transfert des fonctions exécutives vers les départements et vers les régions, et par un nombre important d'autres transferts de compétences.
La Cour dresse dans son rapport un état des lieux de la performance de l'organisation territoriale actuelle de notre pays, héritière de ce long mouvement décentralisateur, et confronte les réalisations avec les ambitions initiales de cette politique. C'est un sujet soumis à controverses et sur lequel la Cour a voulu apporter un éclairage contribuant à l'objectivation du débat.
Nous avons identifié les principaux enjeux sous l'angle qui est le nôtre, c'est-à-dire financier mais aussi institutionnel, et présenté une série d'exemples concrets montrant les forces et les faiblesses de cette organisation au regard de la qualité et de l'efficience des services rendus à la population. Ce thème a évidemment poussé la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes – que vous connaissez bien dans vos différents territoires – à imbriquer encore davantage leurs enquêtes : neuf des dix chapitres de ce rapport public annuel sont ainsi issus de travaux réalisés conjointement par la Cour des comptes et par les chambres, si bien qu'au total, treize chambres régionales et la chambre territoriale de Nouvelle-Calédonie se sont mobilisées autour de ce rapport. Cette évolution se renforcera encore puisque, grâce à la loi dite 3DS, relative à la différenciation, à la décentralisation et à la déconcentration, les chambres régionales des comptes pourront désormais procéder à des évaluations des politiques publiques locales, de leur propre initiative ou à la demande des grands exécutifs locaux.
Comme chaque année, le rapport public annuel est précédé d'un chapitre liminaire relatif aux finances publiques, dont la présence est à nos yeux indispensable tant la situation des finances publiques conditionne la conduite de la politique de la nation et tant son actualité s'avère aiguë dans la période que nous traversons.
Je commencerai donc par vous livrer nos grands messages sur la situation actuelle de nos finances publiques. Elle était déjà dégradée avant la pandémie de covid-19, mais il nous semble qu'elle appelle désormais des mesures fortes et urgentes. Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la Première ministre lors de notre rentrée solennelle il y a quelques semaines et comme je m'en suis entretenu avec le Président de la République lorsque je lui ai remis ce même rapport, le redressement des finances publiques est le message fort de la Cour.
Cela ne surprendra personne puisque c'est en effet notre rôle, mais je pense que c'est aussi une priorité nationale et que ce redressement passera inéluctablement par une revue de nos dépenses…
…et par un renforcement de la qualité de la dépense publique. La Cour ne prône pas l'austérité, le rabot…
Sourires.
…ou je ne sais quelle hache, ce n'est pas ce dont il s'agit. Elle préconise d'examiner sérieusement la qualité de la dépense publique pour réformer les politiques publiques et, in fine, déterminer comment en maîtriser les coûts.
Après 2021, l'année du rebond de l'activité économique, 2022 a été celle d'un premier ralentissement et surtout de l'inflation, ce qui n'a pas permis pas d'améliorer substantiellement le déficit public. Le choc sur les prix de l'énergie et les conséquences de la guerre en Ukraine ont ramené la croissance à 2,6 %, en deçà des 6,8 % de 2021, il est vrai année d'un rattrapage exceptionnel par rapport à la terrible année 2020. L'économie française a heureusement montré des signes de résilience en 2022, mais l'inflation s'est peu à peu imposée dans le paysage et devrait demeurer à des niveaux élevés en 2023, atteignant, selon le projet de loi de finances initiale, 4,2 %, soit un peu moins que la prévision qui fait consensus chez les économistes.
Du côté des recettes publiques, le tableau est là aussi contrasté : elles ont conservé un certain dynamisme en 2022, mais un ralentissement est à prévoir pour 2023. Le taux de prélèvements obligatoires a atteint un pic, à 45,2 %, et devrait diminuer en 2023 pour retrouver son niveau d'avant-crise, soit 44,7 %. Hors CICE – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi –, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires devraient rapporter au total 5,5 milliards d'euros en 2023 après une baisse de 5,7 milliards en 2022.
En ce qui concerne les baisses pérennes d'impôts, certaines ont été temporairement compensées par une hausse des recettes liées à l'énergie. Disons-le : c'est un dynamisme exceptionnel des recettes, notamment fiscales, qui a caractérisé les exercices 2021 et 2022, sans permettre pour autant une inflexion du déficit du fait d'un dynamisme tout aussi marqué des dépenses. Car, et c'est là pour nous le point le plus préoccupant, la dépense publique continue de croître à un rythme soutenu. Après avoir atteint 1 461 milliards d'euros en 2021, les dépenses publiques ont progressé en valeur de 4,3 % en 2022 et augmenteront, selon les prévisions, de 3,2 % en 2023.
À partir de 2020, le Gouvernement a mis en œuvre le « quoi qu'il en coûte », c'est-à-dire un ensemble de mesures importantes pour soutenir les ménages et les entreprises face aux effets de la crise sanitaire, prolongées ensuite par des dépenses de relance dès l'automne puis de lutte contre l'inflation. Le poids de ces mesures a certes ralenti, mais elles restent très significatives puisqu'elles atteignent 37,5 milliards en 2022 et encore 12,5 milliards en 2023.
L'année 2022 devait marquer la sortie du « quoi qu'il en coûte », mais d'autres dépenses ont pris le relais, notamment pour atténuer la hausse des prix de l'énergie, pour un total de 25 milliards d'euros en 2022 et de 36 milliards en 2023. En parallèle, les dépenses publiques ont été mécaniquement alourdies par l'inflation.
Je ne veux pas ici lancer un dialogue avec le ministre de l'économie et des finances, qui affirme que le « quoi qu'il en coûte » est terminé : il est vrai que certaines mesures sont désormais plus ciblées, mais cela coûte encore très cher – près de 50 milliards d'euros en 2023. Notre message est donc très clair sur ce point : l'ampleur des dépenses engagées en réponse aux crises sanitaire et énergétique brouille l'appréciation de l'évolution de la dépense publique totale. Même si l'on défalque ces mesures exceptionnelles, la dépense publique a continué de progresser en volume de 3,5 % en 2022 et de 0,7 % en 2023, soit un niveau supérieur à ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques.
Tout cela m'amène à mon dernier point sur les finances publiques, auquel je suis très attaché : la trajectoire de notre dette. Là encore, les scénarios annoncés ne sont pas très satisfaisants. Les déficits ont atteint 6,5 % du PIB en 2021 et devraient se stabiliser autour de 5 % en 2022 et en 2023. C'est un ratio qui reste assez élevé, alors que la croissance va se tasser. Il en résulte une dette publique qui devrait atteindre 111 % de PIB en 2023, soit près de 14 points au-dessus de son niveau d'avant-crise, ce qui représente 700 milliards supplémentaires.
Prenons un peu de recul historique. En 2000, c'est-à-dire lors de l'entrée dans l'euro, la France et l'Allemagne avaient exactement le même taux de dette publique, soit 58,8 % du PIB. Le déficit de l'Allemagne a augmenté de 10 %, celui de l'Italie de 40 % et celui de la France de 55 %. Cet effet de divergence et de stagnation de notre endettement est selon nous tout à fait préoccupant et traduit une dégradation relative de nos finances publiques.
Pour ma part, je n'ai jamais parlé de la France comme d'un pays en faillite. Je ne parle pas non plus de la soutenabilité de notre dette car, fort heureusement, nous avons une signature solide.
Toutefois, un pays endetté à l'excès ne dispose pas des marges de manœuvre suffisantes pour investir à long terme dans son avenir…
Et d'où vient-elle, cette dette ? C'est vous qui gouvernez depuis dix ans !
…surtout si vous ajoutez à cela une hausse des taux de 1 %, qui signifie un surcroît de charge annuel de la dette de 31 milliards d'euros à un horizon de dix ans. Il sera très difficile de financer les investissements nécessaires si nous ne réduisons pas cette dette. La dette finit toujours par engorger et paralyser l'action publique,…
…et par interdire le financement des investissements d'avenir dont notre pays a impérativement besoin. Voilà pourquoi un désendettement maîtrisé est selon nous indispensable.
Ce panorama que je dresse est d'autant plus préoccupant qu'un recul de la croissance est attendu en 2023, même si je crois que nous parviendrons, heureusement, à éviter la récession. Nous nous dirigeons certes vers un retour à la normale, mais il sera marqué par une croissance plus lente que celle que nous avons connue dans les années 2020 et 2021. Nous ne sommes pas, mesdames et messieurs les députés, à l'aube de nouvelles Trente Glorieuses : attendons-nous à des années de croissance plutôt molle.
J'insisterai sur un point : la situation et les perspectives des finances publiques appellent à assurer la soutenabilité de la dette publique ; c'est un enjeu de souveraineté.
Voilà pourquoi nous plaidons pour un redressement de nos finances publiques sans tarder.
Notre constat est simple et constant.
Nous formulons trois objectifs pour la période 2023-2027 : réduire sensiblement les déficits pour repasser nettement et au plus tôt sous la barre des 3 %,…
…car la plupart de nos partenaires européens n'attendront pas 2027 et feront le nécessaire dès 2025 ; amorcer sans tarder la décrue de la dette ; et préserver notre potentiel de croissance. Dans cette perspective, quelles sont les pistes que nous proposons ?
Nous en parlons souvent en commission des finances : il me semble que l'accent doit être résolument mis sur la maîtrise de la dépense.
Cela passe par l'initiative d'une revue des dépenses, initialement proposée par le ministère des finances, que j'approuve pleinement. Encore une fois, il s'agit non pas d'austérité…
…mais de regarder, politique par politique, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas. En conséquence, il s'agit d'être plus efficace et plus juste – ce dont nous devrions être capables plus souvent –, sans pour autant décider de mesures plus coûteuses. Soyez assurés que la Cour des comptes y apportera sa contribution.
Autre point dont j'ai discuté souvent en commission des finances, notamment avec le rapporteur général : notre pays doit se doter rapidement d'une loi de programmation des finances publiques.
Cette loi n'est pas anecdotique, madame la députée,…
…elle est très importante non seulement sur le plan juridique et politique, mais aussi sur le plan national et européen ; elle doit être à la fois réaliste et ambitieuse. À l'échelon national, nous devons poursuivre des réformes d'envergure, sans repousser en fin de période l'amélioration de notre dépense publique et de notre déficit.
« Chut ! Vos interruptions sont insupportables ! » sur les bancs des groupes RE et Dem.
Enfin, au niveau européen – ce sera mon dernier point sur ce sujet –, une réforme du cadre de gouvernance des finances publiques doit voir le jour avant la levée de la clause dérogatoire, prévue le 1er janvier 2024. Il s'agit d'axer les nouveaux critères de gouvernance sur l'évaluation de la dépense publique et sur l'appropriation nationale des différentes règles de gestion des finances publiques – il me semble que c'est une avancée dans le bon sens.
En définitive, nous appelons à faire converger la réforme du cadre de gouvernance macroéconomique européenne avec la maîtrise des dépenses et la refonte de grandes politiques publiques, pour retrouver une situation budgétaire assainie, non pas dans un objectif austéritaire, je le répète, mais pour nous permettre d'investir dans l'avenir. Il y a bien un mur, voire une montagne d'investissement devant nous, mais il y a aussi un mur de dette. C'est donc le transfert de l'un vers l'autre qu'il faut organiser : l'investissement et la dette ne peuvent pas croître ensemble. Nous devrons forcément être moins endettés pour investir davantage.
Ce constat sur les finances publiques étant posé, nous nous sommes aussi intéressés à la décentralisation. Tel est l'objet de notre rapport public, dans sa partie thématique. Nous avons souhaité répondre à la question suivante : le niveau de décentralisation et l'organisation territoriale française ont-ils permis d'atteindre les trois objectifs fondateurs des lois Defferre, du nom du ministre de l'intérieur en 1982 ?
Voici en quoi consistaient ces objectifs : renforcer la démocratie locale, rapprocher la décision politique et administrative du citoyen, améliorer l'efficacité et l'efficience de la dépense publique. Notre rapport fait suite à un premier bilan de la Cour des comptes sur la décentralisation entre 2000 et 2010. Quelles conclusions en tirons-nous ? Malgré les tentatives de rationalisation des deux premières étapes de la décentralisation, le nouveau bilan, réalisé en 2023, montre que les réformes menées depuis 2010 n'ont pas permis de remédier aux défauts de notre organisation territoriale, faute d'une vision consensuelle entre les différents acteurs.
En d'autres termes, l'ambition d'ouvrir un acte III ne s'est pas matérialisée par la reprise du processus de décentralisation de manière constante. Une série de lois de moindre portée ont été adoptées, traduisant un dessein plus hésitant et parfois contradictoire. J'en donnerai quelques exemples : la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi RCT, a rationalisé l'intercommunalité et a créé les métropoles, tandis que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, ont plutôt abouti à un brouillage de compétences – le sort des départements l'illustre puisqu'ils ont fait l'objet d'un double mouvement, d'abord de réaffirmation des compétences, puis de réduction de leur poids.
Plus récemment, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi EVL, et la loi « 3DS » repositionnent les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – au service de leurs communes membres et développent la différenciation et l'expérimentation. Si elles ont pour objectif d'atténuer certains effets des lois précédentes, elles n'en ont pas pour autant bouleversé l'économie.
Pour le dire autrement, j'ai le sentiment qu'un premier mouvement a cherché à renforcer l'échelon intercommunal et celui des régions avec les grandes régions, et qu'un second mouvement est au contraire revenu sur la demande de proximité, donc sur le rôle des communes et des départements – c'est un balancement dans les deux sens, qui n'a pas tout à fait atteint sa position d'équilibre. Ces fluctuations ont réduit le succès des réformes, qui n'ont jamais franchi aucun gué. Toutefois, cette ambition a compromis l'intention sous-jacente de supprimer, peu ou prou, un des échelons de l'organisation territoriale : le département. C'était bien lui qui était visé au départ, au profit des régions et des métropoles. La refonte de la carte des régions a mis en évidence la nécessité d'une logique de proximité, mais le positionnement de cet échelon n'est pas clair pour autant.
En outre, contrairement à l'Allemagne ou à l'Italie, la France n'est jamais parvenue à régler la question du nombre de petites communes. Au 1er janvier 2022, notre pays comptait 34 955 communes – nous n'en sommes plus à 36 000 – ayant une population moyenne d'environ 2 000 habitants, bien inférieure à celle des communes de nos pays voisins. Vous le savez aussi bien que moi : dans le domaine de l'action publique, une taille critique est pourtant nécessaire en matière de portage d'investissements lourds ou de prise en compte de la complexité juridique et financière de la gestion locale. La promotion des fusions de communes depuis la loi de 2015 a connu un succès relatif : seules 2 498 communes se sont regroupées au sein de 796 communes nouvelles. Le législateur, depuis 2019, a entendu réaffirmer le primat des communes. En vertu de la clause de compétence générale, les communes peuvent intervenir dans tous les domaines, sans toutefois en avoir forcément les moyens ni l'expertise technique.
Le dernier point de notre diagnostic concerne l'État. Il nous semble que l'organisation des services de l'État n'a pas été adaptée pour tenir compte de l'évolution de la carte et des compétences des collectivités.
Disons-le clairement : la baisse des effectifs a d'abord été le fait de l'échelon déconcentré, et non de l'administration centrale. Nous avons le sentiment – et j'avais d'ailleurs réalisé, à la demande de M. Darmanin, un rapport sur les sous-préfectures – que l'on a exagérément désarmé l'État déconcentré.
Ce mouvement doit être interrompu.
Quels sont les résultats de ces fluctuations ? Un élan initial essoufflé, un paysage institutionnel qui n'est pas clair, des compétences de plus en plus imbriquées et exercées par plusieurs niveaux de collectivités, qui génèrent des mécanismes de coordination coûteux et rarement efficaces, un État très demandé mais qui n'a pas la capacité de répondre aux sollicitations.
Nous avons aussi dressé un bilan financier de la décentralisation montrant que les modalités de financement des collectivités se sont complexifiées, entre les dotations de l'État, la part d'impôts nationaux, la fiscalité et les redevances locales. C'est une architecture qui est devenue peu compréhensible tant pour les décideurs que pour les contribuables. Tout cela s'est aussi traduit par une augmentation significative des dépenses locales, qu'il convient tout de même de relativiser : même si la part des dépenses publiques locales dans le PIB est passée de 8 % en 1980 à plus de 11 % aujourd'hui, la France reste un pays très centralisé puisque la moyenne européenne des dépenses locales est, elle, établie à 18 %.
Bref, selon nous, les objectifs de la décentralisation, tels qu'ils ont été fixés en 1982, ne sont pas atteints. Ce panorama global n'est pas le plus favorable à l'efficience de la gestion publique locale, à la responsabilisation des acteurs et à l'intelligibilité de cette organisation.
Du reste, nous avons donné plusieurs coups de projecteurs sur des politiques qui illustrent ces aspects divers ; nous nous sommes intéressés au développement économique des territoires et à l'action sociale envers les publics les plus fragiles. On voit bien que l'on a des chefs de file, la région d'un côté et le département de l'autre, qui ne sont pas totalement reconnus comme tels, avec un enchevêtrement d'interventions et de compétences. C'est pourquoi nous appelons à renforcer cette dimension.
Nous avons également pris acte d'aspects plus positifs comme la décentralisation scolaire, qui a indéniablement permis d'améliorer les conditions matérielles d'accueil des élèves dans les collèges. Nous avons su identifier un certain nombre de problèmes en matière de culture, de tourisme, de gestion quantitative de l'eau – pour cette dernière, nous devrons renforcer le rôle de pilotage des communes. S'agissant de la gestion des déchets ménagers, nous faisons le constat que la mise en place d'une économie circulaire impose d'associer davantage les filières de production, mais aussi les ménages, à la prévention, au réemploi et au recyclage.
Enfin, nous avons identifié des domaines de compétence qui ne sont ni décentralisés ni clairement partagés et dans lesquels l'intervention des collectivités territoriales est pourtant de premier plan et confrontée à des défis croissants. Le premier d'entre eux est l'accès aux soins de premier recours. En la matière, les collectivités ont parfois pris le relais de l'État et de l'assurance maladie.
En somme, notre rapport invite à poser les bases d'une nouvelle étape de la décentralisation pour revoir la répartition des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités locales et pour doter chaque échelon des moyens lui permettant de les assumer dans les meilleurs objectifs d'efficacité. Il y a une réflexion à mener sur les institutions et nous savons, bien sûr, qu'il est tout sauf simple de réaliser la grande ambition d'un véritable acte III ou IV de la décentralisation. Néanmoins, et c'est notre message, on ne peut pas se satisfaire du statu quo.
Nous proposons, pour le court et le moyen terme, plusieurs directions : simplifier le partage des compétences et responsabiliser les acteurs – c'est une priorité ; approfondir la coopération intercommunale et poursuivre la réduction du nombre de trop petites communes, soit par fusion, soit par création de communes-communautés ; renforcer la position de chef de file en matière de politiques partagées, surtout quand le nombre d'échelons est important, et préciser les modalités de coopération en évitant les concurrences inutiles ; utiliser effectivement la différenciation territoriale et les expérimentations pour tester des organisations plus efficaces et mieux adaptées à la diversité des situations locales.
Nous réaffirmons en outre l'importance du rôle de l'État. Il doit plus que jamais assurer la fonction stratégique de régulateur et de partenaire des collectivités. Le besoin d'État est très fort dans les territoires – nous l'avons constaté à l'occasion de la crise sanitaire. L'État est attendu dans un rôle plus puissant de stratège des politiques nationales et de partenaire des collectivités. C'est pourquoi nous appelons à un réarmement de l'État déconcentré.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, notre rapport public annuel 2023 vise à éclairer un sujet compliqué, que je sais délicat, mais l'organisation et la cohérence en la matière sont fondamentales pour notre pays. En 2024, si tout se passe bien, je reviendrai devant vous sur un sujet également structurant, qui concerne l'ensemble des territoires : c'est celui que nous avons retenu dans notre programme de travail pour 2023, à savoir l'adaptation des politiques publiques au changement climatique.
Le choix de présenter un rapport public annuel thématique est une manière non seulement de nous montrer davantage encore au rendez-vous des préoccupations de nos concitoyens et de leurs représentants, mais aussi de rendre des éclairages plus exhaustifs sur les questions prioritaires figurant à l'agenda de l'action publique.
Notre maison, la Cour des comptes, se veut une institution de référence sur les finances publiques. Elle veut offrir à la représentation nationale et, à travers elle, aux citoyens des éléments de réflexion objectifs…
…qui sont bien sûr soumis à réfutation, comme tout élément du débat public. Il faudrait tout de même réapprendre, dans notre pays, à débattre de manière un peu plus sereine.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe RE.
Je prétends non pas détenir une vérité quelconque,…
Les électeurs vous ont dit ce qu'ils en pensaient quand vous étiez au gouvernement !
…mais vous offrir des éléments de réflexion. C'est une ambition à la fois vaste et limitée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je concentrerai mon exposé sur les finances et sur le budget, que vous avez abordés dans la première partie de votre intervention, monsieur le premier président. S'agissant de la décentralisation, il me semble que nous devrions, dans les années à venir, revenir sur la manière dont elle a été conduite et remettre à plat l'organisation actuelle. C'est un chantier qu'il est absolument nécessaire de mener à bien, peut-être d'ailleurs pour certaines des raisons que vous avez exposées.
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes émet de nombreuses inquiétudes. J'en partage un certain nombre : l'inquiétude face à l'inflation élevée – 4,8 % en 2023 – et face aux excès d'optimisme du Gouvernement dans ses prévisions économiques ; l'inquiétude face à la diminution « excessive » et « subie » des effectifs de l'État, 11 763 emplois ayant été supprimés en dix ans, et face à ses conséquences sur la santé de nos services publics en général et sur les services déconcentrés en particulier ; l'inquiétude face aux inégalités de financement de nos collectivités locales et face à la perte d'autonomie de leurs élus ; l'inquiétude face au manque de moyens des départements pour exercer leur rôle vis-à-vis des publics fragiles et face aux difficultés que ces derniers subissent en matière de recours, d'accès aux droits et de délais de traitement – je les constate moi-même tous les jours dans ma circonscription, de même, je suppose, que beaucoup d'entre nous.
Si je partage ces quelques constats, je ne peux pas en dire autant – de manière sereine, monsieur le premier président – des conclusions que la Cour des comptes en tire. Malheureusement, son rapport annuel appelle à régler nos problèmes économiques en usant exactement des mêmes recettes qui nous ont conduits, selon moi, à la situation actuelle, qui reste mauvaise pour le plus grand nombre. Au fond, j'ai l'impression que son analyse s'appuie sur l'idée qu'une fois fermée la parenthèse du covid, nous en aurons terminé avec les nécessités d'un « quoi qu'il en coûte », comme si les crises étaient derrière nous.
Je pense, à l'inverse, que les crises sont devant nous, parce qu'elles sont structurelles et très nettement liées à ce qu'on appelle le néolibéralisme. Revenir aux recettes du néolibéralisme comme si rien ne s'était passé, c'est un contresens.
Vous appelez encore et toujours à réduire le déficit public, mais vous ne semblez pas envisager d'augmenter certains impôts ni de revenir sur la suppression de certains autres. Pourtant, vous le constatez bel et bien, la suppression de la taxe d'habitation nous a fait perdre 2,8 milliards de recettes en 2022 ; celle de la redevance audiovisuelle, 3,2 milliards ; la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, 2,9 milliards. Je ne parle même pas du manque à gagner résultant de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : il s'élèvera à 4 milliards dès 2023. Et nous attendons la suite.
Force est de constater que ce sont les plus riches qui bénéficient principalement de ces baisses et suppressions d'impôts, tandis que les impôts indirects et injustes, comme la TVA, – rappelons qu'ils sont, proportionnellement, les plus importants – restent intacts et pèsent de plus en plus lourd sur les épaules des classes populaires. Il ne s'agit donc pas d'augmenter globalement l'impôt pour le plus grand nombre, mais il est véritablement urgent de le rendre plus juste et plus efficace, au bénéfice de ceux qui subissent depuis des années ce poids fiscal et ces inégalités.
Monsieur le premier président, vous avez indiqué ce week-end – vous voyez que je vous écoute – que la Cour était disposée à se pencher sur les 160 milliards de dépenses fiscales annuelles pour identifier « ce qui fonctionne et ne fonctionne pas ». Je comprends de votre interview que la Cour est prête à remettre en question certaines niches fiscales néfastes ou inutiles, notamment le crédit d'impôt recherche. Incontestablement, c'est une piste utile, mais je pense qu'il faut aller plus loin, en s'attaquant à ce qui favorise les revenus du capital, désormais jusqu'à l'indécence. À ce sujet, j'attends impatiemment la sortie de la nouvelle enquête de l'Institut des politiques publiques sur les revenus et les impôts payés par les ultrariches en France. Ses premiers chiffres indiquent que, pour l'infime minorité – 0,0001 % – des plus fortunés, le taux d'impôt prélevé se rapprocherait de zéro. C'est là que mon avis diverge avec celui de la Cour.
En effet, au lieu de se pencher sur ce problème ou, à tout le moins, d'appeler à revenir sur les baisses d'impôts dont ont bénéficié les plus riches, la Cour préfère pointer du doigt le niveau de dépense publique, qui croît selon elle « à un rythme soutenu ». Pourtant, cette évolution de 3,2 % en 2023 est, hors inflation, inférieure à la croissance économique. Si l'on met de côté les dépenses « exceptionnelles » liée aux crises sanitaire et énergétique, elle n'est plus que de 0,7 %. En présentant ces chiffres comme élevés, en déplorant la faible baisse du déficit – de 5 points entre 2022 et 2023 – et en n'appelant pas à revenir sur les baisses d'impôts effectuées, aussi injustes et coûteuses soient-elles, la Cour passe un message clair : c'est encore la dépense publique qui est attaquée.
Le Gouvernement ne s'y est d'ailleurs pas trompé, puisqu'à peine votre rapport sorti, M. le ministre de l'économie et des finances a annoncé des milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques prévues à partir de 2024 – vous l'avez évoqué, monsieur le premier président. Un tel raisonnement s'inscrit dans la continuité directe des politiques de ces dernières décennies – vous le voyez, je n'incrimine pas seulement les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017. Celles-ci ont significativement affaibli la puissance publique et nous ont rendus toujours plus vulnérables face aux situations d'urgence et aux crises, qu'elles soient sanitaires – comme nous l'avons malheureusement constaté avec le covid – ou environnementales – comme nous l'ont montré les incendies de cet été et nous le rappelle aujourd'hui la sécheresse.
C'est cette politique libérale qui, d'un même geste, attaque sans cesse nos mécanismes de solidarité, sur lesquels repose pourtant la cohésion sociale de tout le pays. Cette cohésion est de plus en plus fragilisée par les attaques constantes contre nos systèmes de retraite, de chômage, de santé. Ces attaques sont menées systématiquement dans l'objectif de réduire les dépenses publiques, spécifiquement celles qui sont consacrées à la solidarité, en prétextant à chaque fois vouloir sauver lesdits systèmes.
Qui plus est, le contexte dans lequel ces attaques sont conduites n'est pas anodin. Nous le voyons à travers les exigences formulées par la Commission européenne à propos du plan budgétaire qui doit lui être soumis en avril prochain : elles signent la fin du « quoi qu'il en coûte » et le retour de l'objectif de 3 % de déficit. En témoigne aussi le retour annoncé de la procédure pour déficit excessif.
Ces pressions de la Commission européenne appellent deux commentaires de ma part. Tout d'abord, bien évidemment, il est urgent que les Français et les autres peuples européens reconquièrent leur souveraineté économique en modifiant les traités austéritaires qui leur ont été imposés. En définitive, ceux-ci nous amènent malheureusement à abandonner une grande part de notre souveraineté au marché.
Ensuite, dans le même esprit, je constate l'importance qu'aurait revêtue l'annulation de la dette covid, que j'avais appelée de mes vœux dès 2020. Créée de manière exceptionnelle pour faire face à une crise sans précédent, cette dette était détenue – et reste en partie détenue – par les banques centrales. Elle aurait donc pu être annulée sans provoquer de défaut sur les marchés. À l'époque, on me répondait soit que, par principe, une dette ne doit jamais être annulée, soit que, de toute façon, il n'y avait pas d'enjeu concernant la dette covid puisque les stocks de dette n'étaient jamais vraiment remboursés. Or, depuis lors, la Banque centrale européenne a décidé de revendre sur les marchés financiers les titres de dette d'État qu'elle possède, faisant peser un risque supplémentaire sur notre économie. Résultat : cette dette covid qui aurait pu et dû être annulée en raison de son caractère exceptionnel…
…sert, comme prévu, de nouvel outil de pression sur la dépense publique.
Cet exemple illustre parfaitement le paradoxe dans lequel est coincé notre gouvernement : plus on veut jouer les bons élèves de l'Union européenne et du néolibéralisme, plus on se retrouve coincé dans une spirale infernale de crises et de déficits qui éloigne encore plus des objectifs arbitrairement fixés par Bruxelles.
Le problème, quand on a pour seule boussole la baisse du déficit par la réduction des dépenses publiques, c'est que l'on perd nécessairement les boussoles prioritaires que devraient être l'intérêt général, la justice sociale et la lutte contre la crise écologique. Le problème, quand on a pour seul objectif de réduire les dépenses publiques, c'est qu'il faut choisir des dépenses à attaquer, donc des conséquences à long terme sur lesquelles il faudra fermer les yeux.
Je vous le demande : après les soignants, les professeurs, les chercheurs, les chômeurs, les jeunes, les précaires, les retraités, sur le dos de qui l'État va-t-il encore bien pouvoir ponctionner tous ces milliards qui manquent dans les calculs ? Sur le dos de qui va-t-on bien pouvoir ponctionner des milliards de dépenses ?
L'économiste Xavier Ragot l'a dit clairement ce week-end dans L'Opinion : « Il y a une illusion en vogue qui consiste à dire que l'on peut augmenter la qualité de la dépense publique. Ça ne fonctionne pas. Regardez les immenses besoins de l'hôpital public et de l'éducation nationale, où il faut augmenter les salaires ! Il faut aussi financer des investissements massifs dans la transition énergétique. »
Je vous le demande donc – moins à vous, monsieur le premier président, qu'au Gouvernement : sur quelles dépenses de fonctionnement voudriez-vous encore ponctionner des milliards, à l'heure où toutes les marges de manœuvre en la matière ont été épuisées, au point de nuire aux investissements que tout le monde appelle de ses vœux ?
Comptez-vous encore et encore annoncer de grandes mesures d'un côté pour retirer de l'autre les moyens et les fonctionnaires nécessaires pour les faire appliquer ? Comptez-vous encore mettre de l'argent dans des dispositifs comme MaPrimeRénov' tout en rognant en même temps, comme vous l'avez fait, sur les postes du ministère de la transition écologique et de l'Agence de la transition écologique (Ademe), autrement dit sur les personnels qui sont censés flécher cet argent et en contrôler l'usage ?
Si les objectifs affichés sont sincères et si le Gouvernement souhaite vraiment réduire le déficit tout en investissant dans les chantiers indispensables à l'avenir du pays, il existe une solution simple, qui se situe du côté non pas de la taxation du travail, mais de celle du capital.
Les unes des journaux vantant les nouveaux records historiques de dividendes versés, chaque année, au travers des pires crises que nous traversons collectivement devraient vous servir d'indice : 200 milliards en 2022, dont 80 milliards pour le seul CAC40, et je rappelle à ceux qui nous expliquent que l'actionnariat est très dispersé entre petits actionnaires, voire des salariés, que 21,7 % des actions de cet indice sont détenus par trois familles.
Il faut aller chercher l'argent là où il est, là où il ne sert à rien et où il coûte le plus à l'État, c'est-à-dire dans les mains des actionnaires et des très grandes entreprises gavées depuis deux mandats d'aides sans contrepartie et de réductions d'impôts. S'il fallait le rappeler, les aides aux entreprises atteignaient 256 milliards en 2021, soit la moitié du budget de l'État : elles ont été multipliées par vingt en quarante ans, avec une envolée record sous Emmanuel Macron. La redistribution des richesses peut se faire par la fiscalité, avec la taxation des hauts revenus, mais elle doit aussi se faire par la redistribution de la plus-value en augmentant les salaires et en créant des emplois, ce qui engendre un cercle vertueux par l'augmentation des cotisations et des rentrées fiscales. Si l'objectif est sincèrement de rendre le budget de l'État plus efficace, le chemin est tout tracé : il passe non pas par l'appauvrissement de l'État, mais tout simplement par le partage des richesses produites.
Mes chers collègues, il est temps de prendre plus au sérieux les comptes de l'État et de couper court aux cadeaux inutiles et sans contrepartie destinés aux plus riches individus et aux entreprises sans aucune condition. Il est temps de prendre au sérieux l'avenir du pays et d'investir pour plus de protection et de justice sociale, plutôt que de détruire des décennies de conquêtes sociales à coups de 47-1 ou de 49.3. Il est temps de soutenir financièrement les collectivités à la hauteur de leurs besoins, plutôt que de chercher encore et toujours la moindre faille ou le moindre prétexte d'efficacité pour leur couper les vivres. Il est temps de prendre au sérieux les crises sociales, sanitaires et écologiques – et bientôt, peut-être, financières – qui se répètent, s'aggravent et nous attendent indéniablement et d'armer l'État pour les combattre et y survivre, plutôt que de l'y rendre toujours plus vulnérable. Il est temps de se souvenir que de la dépense publique, ce sont aussi des recettes, des embauches, de la demande, et pas seulement des chiffres en moins dans la balance. Il est temps, chers collègues, d'en finir avec le néolibéralisme, plutôt que de tenter de le rafistoler à tout prix après chacune de ses crises.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le premier président, le rapport public annuel de la Cour des comptes. Ce rapport concrétise, par son retentissement dans les médias, la mission dévolue à la Cour des comptes par l'article 47-2 de la Constitution, lequel dispose que, « par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens ».
Ce rapport se concentre en premier lieu sur la situation de nos finances publiques. Vous nous dites qu'à la suite des dispositifs d'aide mis en place au titre de la crise sanitaire, puis pour faire face à l'inflation dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, « 2022 et 2023 devraient rester caractérisées par des déficits importants, retardant d'autant l'engagement d'une trajectoire crédible de réduction des ratios de déficit et de dette publics ». Vous avez raison. Mais que n'aurions-nous pas entendu si, face à ces crises exceptionnelles, nous n'avions pas mis en place ces dispositifs exceptionnels ! Qui, ici, s'est élevé contre la prise en charge du chômage partiel pendant la crise du covid-19 ? Qui, ici, s'est élevé contre le bouclier tarifaire pour lutter contre l'inflation ? Qui ? Personne.
Protéger les Français, protéger les entreprises, protéger les collectivités territoriales : oui, nous l'avons fait, nous le revendiquons et nous l'assumons. Comme vous le soulignez, ces aides ont eu, depuis 2020, un coût élevé. Mais, comme vous le soulignez également, elles sont particulièrement efficaces. Vous constatez ainsi que l'économie française est, parmi les principaux pays de la zone euro, celle qui a le mieux absorbé le choc de la crise sanitaire : à la fin de l'année 2022, l'activité se situait en France 1 % au-dessus de son niveau de 2019. Ce ratio s'élève à + 0,6 % en Allemagne, + 0,9 % en Italie et - 1,3 % en Espagne. Vous reconnaissez également que notre pays a connu l'inflation la plus faible de la zone euro en 2022 « en raison des mesures prises pour atténuer l'impact de l'augmentation des prix de l'énergie ». J'ajoute que, conformément aux préconisations du FMI que vous citez dans le rapport, ces dispositifs sont dorénavant davantage ciblés.
Je salue votre travail pour retracer le coût net des mesures de lutte contre l'inflation qui bénéficient à nos concitoyens – bouclier tarifaire, indemnité carburant –, à nos entreprises – amortisseur, guichet d'aide au paiement des factures d'électricité – et à nos collectivités territoriales – amortisseur, filet de sécurité –,…
Il faudra le dire à Valérie Pécresse : elle en a distribué, elle aussi !
…puisqu'il faut prendre en compte les nouvelles recettes publiques assises sur les profits exceptionnels des énergéticiens. Au total, nous parlons d'environ 20 milliards de coûts nets pour chacune des années 2022 et 2023. Reste à déterminer les effets de la baisse très marquée, depuis quelques mois, des prix du gaz et de l'électricité sur le montant des aides versées et sur celui des recettes. Le Gouvernement nous doit, en la matière, une information précise et régulièrement actualisée.
Si nous avons alloué beaucoup d'argent à ces dispositifs qui étaient, je le rappelle, nécessaires, cela ne nous exonère pas de l'obligation de mener une politique ambitieuse, déterminée et pluriannuelle pour redresser nos finances publiques. Sur ce point, je rejoins pleinement vos conclusions : il faut ramener nos niveaux de déficit et de dette sur un chemin raisonnable et maîtrisé. Nous parlons là non pas de rigueur – nous en sommes très loin –, mais simplement de sérieux budgétaire. Vous le soulignez d'ailleurs dans le rapport, où vous estimez indispensable d'adopter une stratégie combinant redressement résolu des finances publiques et préservation du potentiel de croissance à moyen terme.
Cela fait six ans que vous êtes au pouvoir. Ce n'est pas comme si vous aviez été élus il y a six mois !
Certains voudraient réchauffer de vieilles recettes cent fois utilisées en France, mais recourir massivement à l'impôt a toujours conduit au chômage de masse !
Nous faisons, nous, le pari de l'investissement, de la réindustrialisation du pays et du plein emploi.
Pour cela, nous devons continuer à mener des réformes comme celles qui visent à augmenter la quantité de travail et sa qualification ou encore à renforcer notre capacité productive. L'objectif que nous nous sommes fixé est social : c'est celui de la lutte contre le chômage, qui est la première source d'inégalités entre concitoyens ; c'est celui du plein emploi. Or force est de constater des signaux positifs forts en la matière : ainsi, au dernier trimestre 2022, la France a connu, avec un taux de 7,2 %, son niveau de chômage le plus bas pour la deuxième fois depuis quarante ans.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2016, ce taux de chômage s'élevait à 10,1 %, au moment où la NUPES était au pouvoir.
Malgré les difficultés, notre économie a encore créé 44 000 emplois au dernier trimestre 2022. Parmi les réformes à mener, il y a aussi celle visant à garantir la pérennité de notre système de retraite : je pense que vous ne me contredirez pas, monsieur le premier président, sur sa nécessité. Pour définir notre politique de rétablissement des finances publiques, il faut, me semble-t-il, suivre deux lignes directrices que vous avez évoquées. Tout d'abord, il convient de mener une revue exhaustive des dépenses publiques à échéance régulière. Je note que le Gouvernement a annoncé en ce début d'année l'engagement d'une telle revue, dans la perspective de l'organisation prochaine d'assises des finances publiques. Il importe que le Gouvernement nous informe rapidement des modalités et du contenu de l'exercice qu'il semble avoir entamé.
Ensuite, il est nécessaire de fixer une trajectoire pluriannuelle dans le respect de nos engagements européens, alors que l'encadrement communautaire des finances publiques nationales doit être rétabli sous une forme rénovée, actuellement en négociation, à compter de 2024. Dans cette perspective, il me paraît indispensable, comme à vous, que nous prenions appui sur une loi de programmation des finances publiques. Je me réjouis que votre rapport réitère les propos que vous avez tenus à plusieurs reprises en commission des finances : le vote d'une telle loi de programmation constitue un enjeu d'intérêt national. Il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier.
J'en viens au bilan que vous dressez de quarante ans de décentralisation. Ce sujet m'est cher : je crois dans les bienfaits d'une décentralisation réelle car j'ai foi dans la sagesse, la compétence et l'engagement des élus locaux. Je remercie la Cour des comptes pour ses constats lucides et objectifs. Je considère que l'action locale doit être structurée autour d'engagements et de garanties, y compris en matière de finances publiques. Nous savons tous quels sont les objectifs de la décentralisation : renforcer la démocratie locale ; rapprocher la décision administrative et politique du citoyen ; améliorer l'efficacité et l'efficience de la gestion publique ; adapter nos politiques publiques aux spécificités de chaque territoire.
En 2009, dans le cadre d'une première étude d'ensemble sur la décentralisation, la Cour des comptes dressait un bilan contrasté. La lecture de votre rapport confirme que les quinze dernières années n'ont pas permis une amélioration nette de la situation, ce dont témoignent l'abstention massive aux élections locales, la complexification continue du millefeuille administratif et les interrogations des élus locaux eux-mêmes sur le sens et l'efficacité de leur action, pourtant courageuse et déterminée. J'évoque ces points sans aucun esprit polémique : je crois que la situation actuelle sédimente des insuffisances cumulées dans le cadre de majorités politiques très variées. En clair, sur beaucoup de politiques publiques, nous avons fait les choses à moitié, nous sommes restés au milieu du gué. Vous soulignez également, à juste titre, un manque de lisibilité pour nos concitoyens dû à des compétences intriquées et un financement complexe. « Qui paie quoi ? Qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? », nous demandent-ils tous les jours. Si les dépenses locales ont fortement augmenté ces dernières années, nos concitoyens n'ont vu que le recul de l'État et s'en plaignent.
Nous devons, je crois, travailler selon quatre axes principaux. En premier lieu, il faut aligner compétences, responsabilité et financement. Votre étude montre, avec l'exemple des politiques en faveur du développement économique, qu'il faut adopter autant que possible le principe de l'exercice d'une compétence bien identifiée par un seul niveau de collectivité territoriale. Ce principe est toujours plus efficace que la tentation que nous pouvons avoir de créer des cénacles locaux de coordination chargés d'établir des schémas directeurs ou des documents de planification.
En deuxième lieu, il faut simplifier l'organisation, mieux coordonner les interventions et faire évoluer les modalités d'exercice des compétences. Cet appel à la simplicité et à la cohérence vaut également pour l'État : vous montrez que les politiques touristiques et culturelles nationales ne sont pas exemptes d'actions doublonnant de celles des collectivités territoriales. Il faut des chefs de file clairement identifiés. Nous sommes parvenus, ces dernières années, à susciter la création de communes nouvelles, notamment dans la ruralité, et à homogénéiser et à rationaliser la carte de l'intercommunalité. Il faut poursuivre nos efforts pour tenir compte des nouveaux enjeux du développement durable et du mur d'investissements qui leur sont associés. Par exemple, pour la gestion de l'eau, il faudrait adopter l'organisation territoriale au sous-bassin hydrographique. Je suis persuadé que le verdissement de nos politiques publiques trouvera son levier le plus efficace au plan local.
En troisième lieu, le rôle de l'État aux côtés des collectivités territoriales doit être repensé. Celui-ci doit se recentrer sur son rôle de stratège et favoriser la décision au plus près des territoires : pouvoir dérogatoire aux normes attribué aux préfets, multiplication des possibilités de différenciation territoriale, lois moins bavardes qui permettent aux élus de « faire le dernier kilomètre » en lien avec l'État. Les solutions existent, il faut les mettre en œuvre.
Quatrième et dernier axe : le dialogue financier avec les collectivités territoriales est primordial, comme l'ont prouvé les filets de sécurité que nous avons adoptés, d'abord durant la crise sanitaire, puis à l'occasion de l'augmentation des coûts de l'énergie. Pour des politiques publiques locales sereines, il faut donner aux collectivités des garanties sur leurs ressources, ce qui passe par une refonte des dotations, devenues particulièrement illisibles, et par la garantie de leur autonomie financière. Mais, parce que l'État est le garant en dernier ressort de l'ensemble des finances publiques, il faut aussi des engagements de la part des collectivités territoriales. Ces engagements ne signifient pas nécessairement contrainte ou sanction, mais c'est en partageant une trajectoire commune avec un effort identique que nous arriverons conjointement à maîtriser nos finances publiques.
Pour renouer avec les objectifs de la décentralisation, vous proposez la création d'une instance de dialogue indépendante entre le Gouvernement, le Parlement et les collectivités territoriales. J'y suis évidemment favorable et je suis disponible pour aider à sa mise en place. Ce nouvel organe constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, pour construire une nouvelle étape de la décentralisation dans un climat de sérénité, de responsabilité et de confiance réciproque.
Dans un contexte marqué par l'obligation d'assurer le redressement des comptes publics, auquel les collectivités territoriales doivent être associées, et par la nécessité d'améliorer l'efficacité de nos services publics locaux, la tentation de l'immobilisme doit être surmontée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le premier président de la Cour des comptes, l'Assemblée nationale vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt, sous la présidence de Mme Valérie Rabault.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 475 à l'article 1er D.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 102, relatif à la procédure accélérée d'examen d'un texte, et sur l'article 100, sur la sincérité des débats.
La disposition visant à démanteler l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été introduite dans le projet de loi par un amendement du Gouvernement, après l'adoption du texte par le Sénat en première lecture. Je demande au Gouvernement de lever la procédure accélérée afin qu'une deuxième lecture ait lieu dans les deux chambres et que le Sénat examine sereinement cette réforme majeure de la sûreté nucléaire.
À défaut, je souhaite que ma demande soit inscrite au compte rendu des débats de notre assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Julie Laernoes applaudit également.
Sur l'amendement n° 475 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 249 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Sur les amendements n° 349 et 579 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement n° 475 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Le rapport du Gouvernement visant à évaluer les conséquences de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires doit prendre en considération la nouvelle configuration géopolitique de l'Europe. La guerre en Ukraine a remis en lumière le fait que les installations nucléaires peuvent devenir des cibles stratégiques. Cette question revêt aujourd'hui une nouvelle acuité. Les inquiétudes récurrentes – et malheureusement encore très récentes – dont fait l'objet la centrale de Zaporijjia illustrent la nouvelle donne géopolitique. Au moment où nous nous lançons dans un nouveau programme électronucléaire, il est essentiel que ce sujet soit examiné avec la plus grande attention.
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir le sous-amendement n° 706 .
Il vise à améliorer l'excellent amendement de notre collègue Barbara Pompili, qui a rappelé, à juste titre, que le contexte géopolitique a beaucoup évolué et que les menaces qui pèsent actuellement sur la sûreté et la sécurité nucléaires sont bien réelles. L'amendement évoque le danger d'agressions terroristes. Je propose de mentionner également celui d'agressions militantes, comme nous en avons observé dans plusieurs sites nucléaires, à Cruas-Meysse en 2017, à Tricastin en 2020 et à Flamanville en 2022. Les actions menées par des groupuscules au nom d'un militantisme dogmatique peuvent porter atteinte à la sûreté des centrales nucléaires. Il est opportun d'examiner ces menaces internes dans le cadre du rapport prévu par l'article 1er D.
La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement.
Je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable. L'article prévoit que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement évalue les conséquences de la construction de nouveaux réacteurs en matière de sûreté et de sécurité nucléaires. L'amendement et le sous-amendement sont donc satisfaits.
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
J'alerte l'Assemblée sur la portée du sous-amendement de M. Dive, qui porte gravement atteinte à notre démocratie.
MM. Julien Dive et Pierre Cordier rient.
En ce qui concerne la sûreté et la sécurité de nos installations nucléaires, l'association militante Greenpeace a révélé des secrets d'État et des informations qui illustrent notre dépendance totale à Rosatom – Société d'État pour l'énergie atomique –, le mastodonte russe de Vladimir Poutine – j'y reviendrai lorsque nous examinerons l'amendement n° 249 .
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les actions militantes visent à prouver que les centrales nucléaires ne sont pas entièrement sûres et à alerter l'opinion publique sur leurs défaillances. Parce qu'elles ont pour but l'intérêt général, il est inconcevable de les criminaliser.
L'amendement de notre collègue Barbara Pompili mérite toute notre attention. Dans les années 1970, lorsque la construction des centrales nucléaires a commencé, nous étions dans la période de l'après-seconde guerre mondiale,…
…c'est-à-dire dans un contexte géopolitique relativement stable. Force est de constater que des agressions ont désormais lieu sur le continent européen. Or, avec les bouleversements liés au réchauffement climatique, les conflits auront tendance à se multiplier à l'avenir. Si nous voulons de nouveaux réacteurs nucléaires, alors nous devons prendre en considération les changements géopolitiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
J'aimerais que ce débat soit à la hauteur des enjeux. Les activités militantes n'ont jamais mis en danger des installations nucléaires.
Lorsque j'étais ministre de la transition écologique, je les considérais plutôt comme des tentatives de mettre en valeur les failles sur lesquelles nous devons travailler.
Une chose est sûre, en revanche, les pays inamicaux ne veulent pas nous aider à améliorer notre sûreté et notre sécurité nucléaires !
Madame la rapporteure, vous m'invitez à retirer mon amendement. Pourtant, d'après le texte, le rapport remis par le Gouvernement au Parlement visera à évaluer les conséquences de la construction de nouveaux réacteurs également sur « l'amont et l'aval du cycle du combustible, notamment sur l'approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, sur la revalorisation du combustible usé et sur les améliorations possibles en matière de gestion et de réduction des déchets ». Si l'on suit votre logique, il aurait suffi de mentionner l'amont et l'aval du cycle du combustible, mais le législateur a jugé utile de développer l'alinéa parce que la question des matières premières critiques a pris une importance nouvelle avec la crise sanitaire. Il est aussi nécessaire de compléter le texte sur la sûreté et la sécurité nucléaires. Nous avons besoin que le rapport insiste sur certains sujets.
Les cibles stratégiques relèvent bien entendu de la sécurité nucléaire – cela ne m'a pas échappé –, mais il est important de le préciser étant donné l'actualité géopolitique et la guerre qui sévit sur le continent européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il est effarant d'entendre une députée et ancienne ministre déclarer que le délit d'intrusion sur un site nucléaire, passible de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende selon la loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, « met en valeur » l'action des militants…
…ou, tout du moins, les failles de la sûreté et de la sécurité nucléaires. C'est ce que vous avez dit, chère collègue ! Vous avez raison, la question du contexte géopolitique est importante. C'est la raison pour laquelle j'ai souligné la pertinence de votre amendement. Néanmoins, la sûreté nucléaire n'est pas liée uniquement au contexte géopolitique. La preuve, les groupuscules militants qui mènent des intrusions sur des sites nucléaires sont condamnés par la justice !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard et M. Laurent Jacobelli applaudissent également.
Le sous-amendement n° 706 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 61
Contre 53
L'amendement n° 475 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et ÉCOLO – NUPES.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 502 .
Je défends l'amendement de notre collègue Patrier-Leitus. Le nucléaire permet d'ores et déjà à notre pays d'être indépendant à plus de 50 % sur le plan énergétique, ce qui le situe, en la matière, à un des niveaux les plus élevés de l'Union européenne. Dans le cadre de la crise d'approvisionnement énergétique sans précédent causée en Europe par la guerre en Ukraine, notre filière nucléaire a démontré sa capacité à nous assurer une plus grande sécurité d'approvisionnement en électricité, par comparaison avec les pays européens qui ont fait le choix de sortir du nucléaire ou d'en diminuer la part dans leur mix énergétique.
Regagner en souveraineté énergétique restera pour la France un enjeu central dans les décennies à venir, y compris pour des raisons de politique extérieure. Ainsi, dans la mesure où la construction de nouveaux réacteurs nucléaires répond notamment à cet enjeu, il apparaît pertinent de dresser une estimation précise de ce gain et donc d'ajouter la souveraineté énergétique de la France à la liste des sujets qui devront être abordés dans le rapport mentionné au présent article.
Selon nous, ce que vous proposez est déjà intégré dans les différents points mentionnés par la demande de rapport – je pense en particulier à la situation financière d'EDF et à la gestion en amont et en aval du cycle du combustible. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Sur toute cette série d'amendements de précision, je ne prendrai pas systématiquement la parole afin de ne pas ralentir le débat. J'y apporterai une réponse générale qui résumera aussi la position qui a été la mienne sur l'amendement précédent. Tous ces sujets sont en fait très largement couverts par la réglementation existante : des analyses et des ajustements sont faits en permanence pour assurer la sécurité des réacteurs ; ce sera le cas pour ceux qui seront construits dans le futur mais c'est déjà vrai pour les réacteurs existants. Il n'y a pas deux niveaux de sécurité différents, dont l'un s'appliquerait aux futures installations et l'autre aux installations existantes. L'amendement que nous venons de voter est donc superfétatoire, mais nous répondrons bien évidemment à la préoccupation qu'il exprime.
S'agissant du présent amendement, la question posée, là encore, est très juste, mais le code de l'environnement prévoit déjà que « la politique énergétique […] assure la sécurité d'approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ». Je n'y reviendrai pas nécessairement par la suite, mais j'insiste sur le fait que, si nous ne prenons pas en compte les amendements proposés, c'est parce qu'ils sont déjà satisfaits – et c'est heureux – par plusieurs dispositifs de notre droit. Sur ces sujets, je ne vous apporterai pas d'informations beaucoup plus utiles en rendant mon rapport.
L'amendement n° 502 n'est pas adopté.
Il vise à compléter le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement, notamment en ce qui concerne « l'amont et l'aval du cycle du combustible » et « la revalorisation du combustible usé ». Nous demandons que le rapport fasse enfin la transparence sur les relations commerciales et sur les liens de dépendance économique que nous entretenons avec la Russie, s'agissant du combustible.
En commission, vous avez refusé de mettre fin aux relations commerciales franco-russes en matière de nucléaire, et vous avez jugé irrecevable l'amendement que nous avions déposé sur le sujet pour la séance – comme c'est pratique, madame la ministre. C'est contraire aux appels du président ukrainien Zelensky, qui demande depuis des mois à l'Europe d'inscrire Rosatom, qui occupe depuis le 4 mars la centrale nucléaire de Zaporijjia, sur la liste des entreprises faisant l'objet de sanctions européennes.
Un rapport publié par Greenpeace commence à lever le voile sur notre dépendance absolue à l'égard de Vladimir Poutine pour faire tourner nos centrales, aussi bien pour l'uranium naturel que pour l'uranium de retraitement (URT) : 43 % de l'uranium naturel que nous utilisons est importé du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan, et devinez qui est à la manœuvre pour le transporter, qui en contrôle la majeure partie ? C'est Rosatom, l'entreprise de Vladimir Poutine. Pire, nous avons quasiment triplé nos importations d'uranium de retraitement enrichi (URE) russe : en 2022, la Russie nous a livré un tiers de l'uranium enrichi nécessaire au fonctionnement de nos centrales nucléaires pour un an. Eh oui : une partie de l'uranium naturel kazakh est enrichie en Russie. La voilà, la belle indépendance française !
Pour ce qui est de l'uranium de retraitement, c'est encore plus cocasse : nous ne savons pas recycler nos propres combustibles usés et c'est bien la Russie qui possède la seule installation au monde capable de transformer l'URT en URE. Notre filière française dépend donc totalement de la filière nucléaire russe, à toutes les étapes du parcours de l'uranium : le nucléaire n'est un gage ni d'indépendance ni de souveraineté. Nous sommes pieds et poings liés à la Russie de Vladimir Poutine en matière nucléaire, ce qui n'est pas sans poser de graves problèmes quant à notre sécurité. Rosatom est un outil qui sert les objectifs géopolitiques de Vladimir Poutine et maintient la France sous dépendance énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous ne sommes pas pieds et poings liés à la Russie à toutes les étapes du cycle du combustible ! Le mode de production qui nous aurait mis dans cette situation, c'est le gaz, ce n'est pas le nucléaire.
Ensuite, dans quel domaine la France a-t-elle fait appel à la Russie ? Pour l'enrichissement de l'uranium, c'est-à-dire pour la transformation de l'URT en URE qui doit être utilisé à partir de 2023 sur les quatre réacteurs de Cruas-Meysse, et uniquement ceux-là.
C'est faux ! L'uranium naturel kazakh est enrichi grâce à la Russie : 43 % de l'uranium que nous utilisons est retraité par Rosatom !
L'uranium est acheté au Canada, à l'Australie et au Kazakhstan, mais pas à la Russie. Ce qui compte en matière de nucléaire, quand on parle de dépendance, c'est moins la question du combustible, puisque nous en contrôlons le cycle, que la maîtrise de la technologie : or la France possède elle aussi cette technologie. La dépendance à la ressource que vous évoquez n'existe donc pas et les liens que vous nous imaginez avoir avec la Russie ne sont pas ceux qui existent en réalité. Avis défavorable.
Il s'agit plutôt d'un amendement d'appel, puisque la question qu'il soulève n'a pas de rapport direct avec le projet de loi relatif au nucléaire. En effet, alors que nous parlons de réacteurs qui seront mis en service dans une quinzaine d'années, vous me parlez de nos importations et de nos liens commerciaux avec la Russie : sur cette question, je vous ai déjà répondu plusieurs fois. Je voudrais simplement dire une chose : vous colportez l'idée que la France est dépendante de la Russie,…
…mais ce n'est pas la réalité. Je vous le dis très directement et très calmement : ce n'est pas la réalité ! Prétendre le contraire, c'est faire le jeu d'autres intérêts économiques que les nôtres, et je suis étonnée que vous étayiez cette position
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – MM. Xavier Albertini et Laurent Croizier applaudissent également
qui n'est évidemment pas dans l'intérêt de la France ni de notre filière nucléaire. Je le dis très calmement parce que je travaille beaucoup sur le sujet à l'échelle internationale et au niveau européen : ce genre de petits propos, qui sont ensuite repris, peuvent être dangereux et menacer notamment le travail que nous menons auprès d'autres Européens pour les débrancher de la Russie.
Ils s'en fichent, madame la ministre : ils sont là pour mettre le bazar !
C'est pourquoi je me permets d'être un peu solennelle sur le sujet. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je voulais revenir sur cet amendement parce qu'il ne faut pas laisser croire aux Français que nous serions dépendants de la Russie ou que nous ne lui appliquerions pas de sanctions. Premièrement, les sanctions ne s'appliquent pas au nucléaire. Pourquoi ? Parce que nombre de pays – ce n'est pas le cas de la France – sont encore dépendants de la Russie pour leur approvisionnement.
Mais, je le répète, ce n'est pas le cas de la France. C'est mon premier point et les États-Unis, comme tous les autres pays, en conviennent : le nucléaire n'est pas compris dans les sanctions qui s'appliquent actuellement à la Russie.
Deuxièmement, l'URT est enrichi en Russie grâce à un processus qui est maîtrisé là-bas, c'est vrai, mais dont nous pourrions nous passer.
D'ailleurs, nous l'avons fait pendant des années : pendant des années, nous n'avons pas eu recours à l'enrichissement de l'URT par la Russie, et nous pourrions dès demain recommencer à nous en passer.
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas pour nous d'un approvisionnement important en uranium.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je vais le demander de manière un peu solennelle, madame la ministre, puisque vous m'y invitez, et je vais le faire aussi dans l'intérêt de la France : car, si l'on songe à l'intérêt de la France, passer des contrats avec Vladimir Poutine et utiliser cette année pour tripler nos importations en provenance de la Russie…
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Non, le nucléaire n'est pas indépendant. Nous avons besoin de la Russie parce que nous ne disposons pas des usines et de la technologie indispensables à l'enrichissement de l'URT. Voilà la réalité ! Ce sont les faits, tout simplement. Et 40 % de notre uranium provient du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan !
C'est la vérité ; regardez les rapports. Il nous semble absolument essentiel que le Gouvernement soit transparent sur cette question, au vu de ses implications géopolitiques. Le nucléaire ne peut passer à travers toutes les mailles du filet et votre foi en cette énergie ne peut pas justifier que nous continuions à collaborer avec l'envahisseur russe !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je voudrais rebondir sur les propos de la NUPES, notamment sur ce qui me choque particulièrement dans cet amendement, à savoir l'idée que la France expédierait son combustible usagé dans un autre pays pour qu'il y soit recyclé.
Il faut vous rafraîchir la mémoire et vous rappeler que c'est la NUPES – on l'appelait, en 1998, la gauche plurielle – qui a abandonné un fleuron de notre industrie nucléaire, qui s'appelait Superphénix !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'était une centrale au sodium qui était capable de recycler du combustible usagé. Vous – le gouvernement Jospin, à l'époque – avez forcé la France à fermer et à abandonner cette centrale !
Et en 2019, le projet Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle –, qui était reconnu par des spécialistes du monde entier comme étant capable de retraiter du combustible usagé, a été arrêté, après avoir coûté 750 millions d'euros, par la majorité actuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On hallucine complètement devant certains propos ! On a entendu, sur les bancs de la minorité présidentielle, qu'il ne faudrait surtout pas laisser penser aux Français ceci ou cela. Mais je vais vous dire ce qu'il ne faudrait pas laisser penser aux Français : c'est, précisément, que l'uranium pousse dans nos jardins !
Tout ce que ma collègue a rappelé, ce sont des faits : 40 % de l'uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises vient du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan en passant par la Russie, et cela, les Français doivent le savoir ! Par conséquent, vous allez être gentils : vous allez répondre à nos questions et arrêter de raconter des fadaises.
Quant à ce que nous venons d'entendre, à propos de Superphénix, nous avons appris il y a quelque temps, par un député qui siège sur nos bancs mais qui avait des responsabilités à l'époque, que le projet a failli nous exploser à la figure et qu'il y avait une omerta, à l'intérieur d'EDF, pour éviter que cela ne fuite.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Répondez donc aux questions qui vous sont posées : est-ce que, oui ou non, 40 % de l'uranium utilisé dans les centrales françaises passent par la Russie ?
Une dernière chose, s'agissant du fameux recyclage de l'uranium : on nous fait croire que l'uranium, c'est comme des mouchoirs en papier ou des bouteilles en plastique. Il faut arrêter de raconter des bêtises !
Mme Natalia Pouzyreff proteste.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, lors de son audition par la commission d'enquête sur la fameuse perte de souveraineté énergétique – souveraineté qui, en matière d'uranium, n'existe pas –, nous a dit que le terme de recyclage n'était définitivement pas approprié : on ne recycle pas de l'uranium une fois qu'il est usagé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je suis désolée, mais il me faut tout de même apporter certaines précisions à ce que vous dites.
Vous confondez le combustible et le combustible usé. Comme son nom l'indique, on peut se passer du combustible usé : nous n'avons pas besoin de ces capacités en URT. C'est la première chose : oui, nous avons une indépendance en matière énergétique. Et je le redis très calmement : vous colportez les propos de pays qui aimeraient bien affaiblir notre filière nucléaire.
C'est un enjeu géopolitique et il ne faut pas prendre ces choses-là à la légère.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous réponds très calmement et très factuellement.
Par ailleurs, vous avez l'air de ne pas prendre en considération le fait qu'une partie des importations qui sont faites vers la France le sont précisément pour le compte d'autres pays, et sont ensuite réexpédiées. Le tableau qui est utilisé entre autres par Greenpeace, puisque c'est probablement de ce rapport que nous parlons tous, montre d'ailleurs bien que les volumes d'importations et d'exportations, qui sont assez considérables dans les deux sens, ne sont pas destinés à l'usage d'EDF, contrairement à ce que vous semblez penser.
C'est encore mieux : nous sommes la plaque tournante de l'industrie russe !
EDF n'a pas signé de nouveau contrat avec la Russie en 2022 : il s'agit également d'une contre-vérité.
Remarque très simple pour remettre les choses en perspective : personne ne parle de sanctions sur le gaz russe dont les volumes d'importations et d'exportations sont pourtant incommensurables par rapport à ce qu'ils sont pour le nucléaire.
Pourquoi ? Parce que les pays européens ont toujours besoin du gaz russe, que les sanctions visent à meurtrir l'économie russe et non l'économie européenne et que nous sommes pragmatiques. Alors, cessons d'appliquer une morale inappropriée
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
sur le nucléaire, alors que l'on ne fait pas la même démarche concernant le gaz russe. Dernier point : puisque nous parlons d'indépendance, je rappelle que 85 % des panneaux photovoltaïques et 98 % du lithium viennent de Chine.
La différence avec l'uranium est que nos sources d'approvisionnement sont de six pays différents, dont le Canada et l'Australie. J'aimerais avoir cette liberté sur les énergies renouvelables.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 30
Contre 131
L'amendement n° 249 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement n° 644 .
Il s'agit aussi de faire un ajout concernant les capacités d'entreposage et de stockage des déchets et matières radioactives. Il est d'autant plus légitime que l'on vous questionne à ce sujet que, sauf erreur de ma part, seule la construction de six EPR – réacteurs pressurisés européens – a été évaluée – pas celle de six plus huit. Or nous sommes déjà confrontés à un manque de solutions en matière d'entreposage : les trois piscines d'Orano de La Hague seront saturées d'ici à 2030, même si l'objectif est d'augmenter leur capacité pour gagner 30 % de place supplémentaire.
Outre cette situation déjà connue, l'éventuelle relance du nucléaire, qui accentuera les besoins, ne devra pas se faire au détriment de la bonne gestion du cycle de vie du combustible. Il est donc proposé d'ajouter cette étude au rapport. Nous voulons être rassurés sur la prise en compte de cette augmentation liée à la construction éventuelle de nouveaux EPR.
Il est satisfait, compte tenu de la rédaction actuelle du 4
La demande de rapport couvre l'amont et l'aval du cycle du combustible jusqu'à la gestion des déchets : il inclut par conséquent les points que vous mentionnez.
En lisant « les améliorations possibles en matière de gestion et de réduction des déchets », nous considérions que l'entreposage n'y était pas forcément inclus. Vous m'assurez donc qu'il l'est.
L'entreposage fait bien partie du cycle du combustible. Il n'y a pas de doute à avoir sur ce point.
L'amendement n° 644 est retiré.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 71 .
Nous plaçant dans la même logique que les auteurs de l'amendement précédent, nous nous interrogeons sur la gestion et le stockage des déchets dans la perspective de la construction de quatorze nouveaux réacteurs. Le site de stockage d'Orano à La Hague serait saturé à l'horizon de 2030 et ceux de Marcoule et de Cadarache risquent de l'être aussi dans quelques années. Quant au projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure, il pourrait n'être disponible qu'à compter de 2035.
Notre amendement traduit nos interrogations sur la manière dont on envisage la gestion et le stockage des déchets. Nous voulons vérifier que les rapports prévus vont traiter ces questions importantes. Si Mme la ministre le confirme, nous retirerons nous aussi notre amendement.
L'amendement étant satisfait, je demande son retrait. À défaut, j'émettais un avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons que celles données pour l'amendement précédent.
L'amendement n° 71 est retiré.
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l'amendement n° 337 .
Par cet amendement de repli, nous demandons que le rapport prévu au présent article soit élargi aux questions des changements climatiques ainsi qu'aux conflits armés. Cette demande s'inscrit dans le contexte international de guerre en Ukraine. Si les civils vivent sous la menace permanente de la bombe nucléaire, une autre menace tout aussi destructrice pèse sur eux : la destruction de la centrale de Zaporijjia. Le pouvoir russe l'a très bien compris, qui nous montre chaque jour qu'il ne suffit pas de disposer de la bombe atomique pour faire peser une menace nucléaire sur un État. Si la destruction de cette centrale advenait, des milliers de familles ukrainiennes devraient quitter leurs terres pendant des années. À ces milliers de familles, s'ajouteraient nombre de femmes et d'hommes touchés par des maladies graves dues au nuage radioactif. Je vous conseille la lecture de La Supplication, le livre de Svetlana Alexievitch, pour vivre les conséquences d'un accident nucléaire tel que Tchernobyl. Les centrales nucléaires sont des cibles parfaites en cas de conflit armé. Il est alors essentiel, si de nouvelles centrales devaient être construites – ce que nous ne souhaitons pas –, de prendre ces risques en considération.
Nos infrastructures nucléaires sont également en proie à des forces bien moins contrôlables que les hommes : celles de la nature. Il y a quelques jours, nous fêtions le triste anniversaire de l'accident de Fukushima, ce qui nous rappelle que nous sommes particulièrement vulnérables face à la puissance de la nature.
Les catastrophes nucléaires seront de plus en plus violentes et nombreuses, ce qui met en danger les générations futures de notre pays et celles des pays voisins. Les riverains auront-ils le même niveau d'information que celui qui prévaut dans le périmètre des centrales si vous confiez les SMR – petits réacteurs modulaires – aux start-up plutôt qu'à EDF ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable. Ces informations existent et sont notamment publiées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le rapport comprend nombre de choses que vous demandez. À cet égard, j'indique que nous avons encore trente à quarante amendements à examiner pour cet article, et que nous aurons passé des heures à débattre d'une demande de rapport.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Décidément, à chaque fois que nous voulons amender un texte, cela vous pose un problème !
On peut penser que la remarque de Mme la rapporteure n'est pas infondée : une demande de rapport n'est pas forcément l'élément le plus structurant du projet de loi que nous examinons. S'agissant de cet amendement, j'en demande le retrait car il est satisfait. Sur le réchauffement climatique en général, je vous renvoie à l'intéressant chapitre du rapport de Réseau de transport d'électricité (RTE) sur les nouveaux réacteurs et les conséquences du changement climatique.
Madame la rapporteure, nous insistons sur ces demandes car les éléments que vous avez communiqués jusqu'à présent ne nous paraissent pas suffisants pour prendre une décision éclairée et légitime. Il s'agit d'engager le pays dans la construction de quatorze nouveaux réacteurs, ce qui nous conduira à la fin de ce siècle, voire au début du XXII
Il ne s'agit pas d'un projet de loi seulement technique sur les procédures, car vous avez voulu en faire un texte profondément politique et programmatique pour renforcer le nucléaire, sans que nous ayons pu auparavant débattre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Dans ces conditions, il nous semble absolument légitime que les questions que nous soulevons – notamment en matière de sécurité, de sûreté, de risques en cas de conflit armé ou de changement climatique – puissent faire l'objet d'une discussion dans cet hémicycle. Oui, nous utilisons le droit constitutionnel d'amendement…
…pour vous demander des comptes et des précisions sur ces sujets et pour exiger qu'ils figurent dans le rapport que vous devrez nous rendre.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Vous prenez des décisions qui engageraient le pays durablement et fortement dans un brouillard technique et financier qui n'est pas acceptable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 337 n'est pas adopté.
Il est essentiel de ne pas perdre de vue les multiples usages de l'uranium – il ne sert pas qu'à fabriquer de l'électricité –, en particulier ses usages médicaux que ce soit en radiologie ou en cancérologie. Le conflit ukrainien a montré notre dépendance vis-à-vis de l'approvisionnement en isotopes à usage médical. C'était l'un des points d'alerte lors de la réunion du Conseil national de l'industrie (CNI) du 3 mars 2022 à Bercy – il y a un an. Le rapport que nous demandons au Gouvernement doit se pencher également sur cet enjeu lors de la revue plus générale de l'approvisionnement en uranium.
L'approvisionnement en isotopes médicaux est un vrai sujet, mais le rapport traite du développement de la filière du nucléaire civil à des fins de production d'électricité. L'amendement s'éloigne trop de l'objectif de l'article 1er D, c'est pourquoi j'en demande le retrait. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 52
Contre 95
L'amendement n° 579 n'est pas adopté.
Je fais partie des députés qui ont plutôt peur en voyant ceux qui n'ont pas peur, ceux qui sont absolument sûrs que l'on peut se passer du nucléaire comme ceux qui sont persuadés que le nucléaire est la grande solution. Tous ceux-là me font un peu peur. Pour ma part, je doute, j'assume le fait de douter et d'avoir besoin du débat sur la PPE pour me faire une opinion définitive.
Cet amendement, qui traduit une part du doute sur lequel j'attends des réponses positives, porte sur le traitement des déchets en aval. C'est en regardant un documentaire sur Notre-Dame de Paris, le week-end dernier, que j'ai été sensibilisé à la question de la transmission du danger des déchets. Des équipes de scientifiques ont dû travailler pendant des mois et même des années pour réussir à retrouver la manière d'assembler soixante-dix-neuf pierres d'une voûte de Notre-Dame de Paris, car aucun mode d'emploi n'avait été laissé. Or la cathédrale avait été construite il y a moins de 1 000 ans, au cours de la même civilisation.
Comment allons-nous communiquer sur des dangers colossaux, abyssaux à l'horizon de 100 000 ans ? C'est une question de sémiotique nucléaire qui demanderait de faire preuve d'humilité, car on a fait beaucoup de recherches sans rien trouver de très convaincant pour l'instant. En 2006, il était question d'étudier la possibilité d'un stockage des déchets nucléaires en faible profondeur – entreposage dit subsurfacique –, comme solution différente de celle engagée par Cigéo à Bure. Ce stockage réversible nous permettrait de faire preuve d'humilité s'agissant de notre capacité à transmettre à une civilisation du futur, éloignée de nous de 100 000 ans. Pour prendre la mesure du temps, rappelons qu'il y a 100 000 ans, c'était le paléolithique.
Pourrait-on relancer un programme sur le stockage en subsurface afin de se protéger du danger anthropologique énorme que représente l'enfouissement non réversible ? Ma question est dictée non seulement par une peur mais aussi par un espoir : dans un siècle, les scientifiques nous annonceront peut-être des fusions et transmutations plus efficaces qu'à présent.
Votre question, tout à fait pertinente, est déjà intégrée dans la demande de rapport où il est fait état de l'amont et de l'aval du combustible. S'agissant de Cigéo, les recherches durent depuis une trentaine d'années, et la technologie a été validée à plusieurs reprises non seulement sur le plan scientifique mais aussi sur le plan démocratique, au sein de l'Assemblée nationale, par des majorités de couleurs politiques différentes. Il y aura sans nul doute d'autres débats sur le sujet, mais je crois que nous commençons à y voir un peu plus clair que vous ne le dites sur ce projet d'enfouissement.
Pour avoir un peu creusé la question depuis la commission où vous aviez déposé ce même amendement, je peux vous confirmer que plusieurs rapports ont été rédigés sur le stockage à faible profondeur. Ce dernier fait ainsi l'objet d'un rapport de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), laquelle a exclu cette possibilité, considérant qu'elle était moins efficace que le stockage en profondeur. Je vous renvoie vers ses conclusions, que nous pourrons vous faire parvenir.
S'agissant de l'entreposage – qui ne se confond pas tout à fait avec le stockage –, la question a été abordée à l'occasion du débat public organisé sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), dont les résultats ont été publiés en décembre dernier. Il en ressort que la démarche consistant à entreposer les déchets en subsurface n'est pas la bonne. C'est pourquoi nous nous orientons clairement vers le stockage en profondeur. Votre demande étant satisfaite, j'émets une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
Nous partageons la préoccupation de notre camarade socialiste sur l'entreposage ou le stockage des déchets en subsurface. Il a évoqué la question de la transmission de la mémoire. Il est ici question du Cigéo, dont l'implantation est prévue dans le sud meusien. Je rappelle que, dans le nord du département, on a eu l'idée, en 1919, de désamorcer les obus de la première guerre mondiale : un chantier a été lancé dans ce but et sous-traité. Or que s'est-il passé ? Ces obus ont été abandonnés, à tel point que, 100 ans après leur enfouissement, personne ne sait où sont stockées ces munitions. Et voilà que, 100 kilomètres plus au sud, on projette de stocker des déchets pour 100 000 ans, 200 000 ans, voire, pour certains, pour 2 millions d'années, de façon complètement irréversible et dans le cadre d'un chantier censé durer 150 ans !
Il me semble sage, dans le cadre d'un tel projet, d'affirmer la nécessité de surveiller les déchets stockés en subsurface, dont je rappelle qu'ils ne représentent que 3 % des volumes, mais concentrent 99 % de la radioactivité : ce n'est pas rien ! Il paraît donc prudent de les surveiller, en espérant qu'à terme – dans 100 ans ou 150 ans –, nous pourrons les maîtriser. Nous soutenons donc l'amendement déposé par notre camarade socialiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Julie Laernoes applaudit également.
J'ai senti, chez la rapporteure et la ministre, une réelle prise en considération de nos questions, ce dont je les remercie. Toutefois, si vous avez évoqué les processus démocratiques passés, je me souviens surtout de lois votées rapidement, les lundis après-midi, par des majorités qu'il avait fallu fabriquer aux forceps, y compris pendant le quinquennat de François Hollande. Cette question n'a jamais été débattue profondément. Que les chantiers soient réversibles ou non, il s'agit là d'un enjeu immense, de nature anthropologique, qui fait peser sur nous une responsabilité politique majeure. L'amendement vise simplement à ce que nous consacrions un peu d'argent et d'ingénierie pour étudier les possibilités de stockage subsurfacique réversible.
On l'a déjà fait !
J'ai foi dans la science et dans le fait que nous pourrons peut-être, un jour, par de nouvelles techniques de fusion et transmutation, traiter les déchets plutôt que de les léguer, de façon irréversible et sans savoir comment communiquer les dangers qu'ils recèlent, à nos enfants, à nos arrière-petits-enfants et à ceux qui leur succéderont dans 100 000 ans, voire dans 200 000 ans. L'expérience devrait nous inviter à l'humilité et nous inciter à persévérer dans cet axe de recherche, qui avait été sagement prévu en 2006 dans la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Il est urgent de reprendre la recherche en ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Si les interrogations quant à la longévité des déchets radioactifs sont tout à fait légitimes, je rappelle que le fait de prévoir un stockage en couche profonde, dans le cadre d'un chantier restant ouvert pendant 100 ans, permet précisément de garder la possibilité d'un stockage réversible. En réalité, l'entreposage subsurfacique constituerait plutôt un recul au vu de la volonté qui nous anime : c'est précisément parce que nous entendons prendre nos responsabilités vis-à-vis des générations futures que la solution du stockage profond a été étudiée. Le chantier sera ouvert pendant 100 ans, ce qui signifie que, si les techniques évoluent d'ici-là, d'autres solutions pourront être envisagées. L'entreposage en surface, en tout cas, n'est pas une solution responsable pour gérer des déchets à long terme.
Les Finlandais se sont déjà penchés sur la question. Je vous conseille de visionner le documentaire Into eternity, qui traite du stockage en couche profonde tel qu'il est pratiqué en Finlande.
Mme Pouzyreff a tout dit. Si je vous ai fait cette réponse, c'est que l'analyse que vous demandez a déjà été menée et soumise au débat public. C'est bien pour des raisons de sûreté – je m'étonne d'ailleurs d'entendre M. Bex embrasser soudainement la solution la moins sûre pour nos concitoyens – que le stockage en subsurface ne paraît pas aussi efficace que le stockage en profondeur. Par ailleurs, comme vous le savez, la question de la mémoire est également étudiée par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), qui en a fait une de ses pistes de recherche et s'efforce, en collaboration avec des sociologues, de définir une façon de communiquer, dans la durée, sur les lieux où sont stockés les déchets.
Encore une fois, aucun des acteurs de la filière nucléaire ne prend à la légère les questions de sûreté : ces dernières sont traitées très sérieusement – probablement davantage, d'ailleurs, que dans d'autres dossiers sur lesquels j'ai été amenée à travailler dans le cadre de mes fonctions. Je tiens à en témoigner. Je rappelle enfin que la question que vous soulevez fait l'objet d'une littérature abondante – que je tiens à votre disposition – et que ce débat a été définitivement soldé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 185
Majorité absolue 93
Pour l'adoption 50
Contre 135
L'amendement n° 655 n'est pas adopté.
L'amendement n° 350 de M. Pierre Meurin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement n° 350 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l'amendement n° 393 .
Il vise à enrichir le rapport prévu à l'article 1er D et dont je tiens à souligner que, s'il fait l'objet de débats aussi longs, c'est parce qu'en l'absence d'étude d'impact sur les choix essentiels que le Gouvernement s'apprête à faire, nous sommes contraints de la faire figurer, en quelque sorte, dans ledit rapport. Nous tentons donc d'y intégrer tous les éléments nécessaires à la prise de décisions aussi importantes.
Parmi les questions en suspens figure celle des commissions locales d'information (CLI), qui constituent un échelon indispensable pour assurer la sûreté, la radioprotection et la sécurité nucléaires. J'avais déposé un autre amendement, qui a été déclaré irrecevable, en vue d'obtenir un audit du fonctionnement des CLI, au moment où vous envisagez de créer quatorze EPR supplémentaires. Ce fonctionnement est en effet très inégal d'un territoire à l'autre. À titre d'exemple, à Cattenom, en Moselle, la réalisation d'une expertise indépendante sur les problèmes de corrosion sous contrainte a été refusée, les observateurs de la CLI n'ont pas été autorisés à participer à un exercice de sécurité et aucun retour global faisant état du résultat de ces exercices n'a été communiqué.
Ce constat pose aussi la question des plans particuliers d'intervention (PPI) et de leur périmètre. Si leur rayon d'application a certes été étendu de 10 kilomètres à 20 kilomètres, les retours d'expérience sur les accidents nucléaires suggèrent que leur périmètre devrait plutôt être porté à 30 kilomètres. Il importe donc de revisiter le fonctionnement des CLI, leur périmètre d'intervention et leur gouvernance. Tel est le sens de cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 393 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans la continuité des précédents – je crains d'ailleurs que le rapport prévu à l'article 1er D ne compte de nombreux volumes, avec tous les ajouts que nous demandons !
Sourires sur les bancs des commissions et du Gouvernement.
Vous me permettrez néanmoins d'en rajouter une couche, madame la ministre : je souhaite, à travers cet amendement, obtenir des éclaircissements sur l'implantation des futurs réacteurs sur le territoire national. Il s'agit de prévoir une évaluation objective des lieux pressentis, qui tienne compte des risques sismiques, de l'approvisionnement en eau et des questions relatives au foncier. Il s'agit là d'un amendement de bon sens, dont l'adoption éclairerait la représentation nationale et tous ceux qui s'intéresseront au choix des sites susceptibles d'accueillir les futurs réacteurs.
…comme ceux de Penly, de Gravelines et du Bugey. Ensuite, il me semble que, dans un premier temps, il n'appartient pas à l'État, mais bien à l'exploitant – c'est-à-dire à EDF –, de formuler des propositions, en fonction de ses contraintes techniques, des exigences de sûreté et des analyses qu'il réalisera conjointement avec l'ASN. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Ma réponse vaudra également pour l'amendement suivant. Les deux premiers sites sont connus : il s'agit de Gravelines et de Penly.
Penly passe bien entendu en premier, monsieur Jumel !
Sourires sur les bancs des commissions.
Le troisième site pourrait se situer au Bugey ou au Tricastin.
Ainsi, la localisation des six premiers réacteurs est connue, mais pas celle des huit suivants. J'émets donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable, pour cet amendement comme pour le suivant.
Vous proposez en outre d'introduire dans le texte la notion de « répartition équitable des installations sur le territoire ». Or les réacteurs ayant vocation à être construits dans des installations existantes, ils ne pourront être répartis que parmi ces dernières : je peux donc déjà vous annoncer qu'aucun ne sera construit en Bretagne, par exemple. Dans la mesure où je ne sais pas si une telle répartition doit être considérée comme « équitable », l'usage de ce mot dans la loi me paraît problématique. En revanche, l'analyse qui sera menée entre les différents sites existants sera bien équitable.
L'amendement n° 25 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 72 .
Il s'inscrit dans le même esprit que celui qui vient d'être présenté par notre collègue Pierre Cordier. Le Président de la République a annoncé la construction de quatorze nouveaux réacteurs. Si l'implantation de certains d'entre eux est connue, on peut considérer assez naturellement que ceux pour lesquels le choix reste en suspens suscitent des interrogations fortes dans les territoires potentiellement concernés.
Vous avez certes indiqué que les réacteurs ne seraient installés que dans des sites déjà existants. Vous savez toutefois que la concurrence – pardon de le formuler ainsi – entre territoires souhaitant accueillir de nouveaux réacteurs est parfois féroce. Nos débats montrent que la question ne fait pas l'unanimité, mais les élus qui accueillent déjà des installations nucléaires sur leur territoire sont très majoritairement candidats à en accueillir de nouvelles. Il convient donc d'éclairer la représentation nationale dans la durée. J'ai entendu la réponse de la rapporteure, mais nous pouvons, me semble-t-il, travailler intelligemment avec EDF afin qu'elle nous fasse entrevoir ses perspectives d'organisation à l'échelle nationale.
Il est identique au précédent, pour les mêmes raisons : le rapport dont il est question devra être rendu avant le dépôt de la future loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), c'est-à-dire d'ici quelques mois. Au-delà des sites déjà connus, je ne suis pas certaine qu'EDF et l'État soient en mesure de se prononcer sur l'emplacement des huit réacteurs EPR2 qui restent à l'étude. Il me paraît donc relativement irréaliste de leur demander de dresser une telle liste dans un délai aussi court.
Je confirme les propos de la rapporteure. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 72 n'est pas adopté.
Il y a un an, un homme seul décidait de relancer le nucléaire – d'où notre présence ici cet après-midi.
Cet homme, c'est Emmanuel Macron – le même qui admettait, le 31 décembre dernier, sa surprise face aux impacts du changement climatique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Effectivement, le Gouvernement ne s'est interrogé à aucun moment sur la résilience des centrales face au changement climatique. Cet été, plusieurs centrales d'EDF ont été contraintes de baisser leur production en raison des températures élevées des cours d'eau utilisés pour assurer leur refroidissement. Dans tout le pays, pendant que certains organisent des prières collectives pour faire tomber la pluie, le niveau des nappes phréatiques est inférieur à la normale – 80 % affichent un niveau jugé « modérément bas » à « très bas » – et la sécheresse hivernale que nous subissons ne semble pas vouloir prendre fin. Les épisodes de sécheresse sont appelés à se multiplier et à s'intensifier. La relance du nucléaire et le pari sur 200 ans qu'elle implique supposent, à cet égard, qu'une attention particulière soit portée à ces enjeux.
Aussi, face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, des catastrophes naturelles et des sécheresses, nous proposons, par cet amendement, que la résilience des centrales soit au cœur de notre réflexion.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.
Même avis. RTE a déjà rédigé un rapport sur cette question.
Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement qui porte sur une question importante. Vous prévoyez de construire des réacteurs nucléaires qui – s'ils voient le jour – seront prêts dans quinze à vingt ans : or, au vu des conséquences de l'accélération du changement climatique, il est incroyable de vous entendre dire que tout est prévu, et ce alors que le Président de la République lui-même posait il y a quelques semaines la question : « Qui aurait pu prédire […] ? »
Alors oui, nous avons besoin d'un rapport du Gouvernement pour savoir comment le nucléaire et le changement climatique peuvent aller ensemble. Nous avons de gros doutes sur la question. Un groupe de travail, piloté par l'IRSN, sur ce sujet, doit rendre ses conclusions début avril mais vous avez certainement envie de démanteler et de mettre à mal cet établissement avant qu'il ne soit en mesure de les publier.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
C'est une question très grave. Sans eau, comment produirons-nous de l'électricité alors que cette activité en dépend totalement ? Je pense aussi aux zones sismiques et de submersion marine. Votre collègue du Gouvernement, Bérangère Couillard, a évoqué tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement, la gestion du trait de côte, laquelle nécessite une attention particulière – il est temps que nous nous en préoccupions.
La question du nucléaire doit également être envisagée sous l'angle de nos relations géopolitiques, qui, elles non plus, n'échapperont pas aux lois physiques et aux effets du réchauffement climatique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'interviens avant le vote par scrutin public sur cet amendement : je n'aurai ainsi pas besoin de prendre la parole à propos de mon amendement n° 399 . Nous voterons en faveur de l'amendement de ma collègue. Nous avons déjà eu un échange intéressant sur ce sujet en commission. Cette demande de rapport nous semble pertinente pour deux raisons majeures.
Tout d'abord un tel rapport permettrait d'évaluer la robustesse de décisions vis-à-vis desquelles, par ailleurs, vous le savez, nous pouvons avoir un a priori favorable. Une telle évaluation jouera un rôle majeur dans les arbitrages que rendra cette assemblée. Je précise que nous mesurons les limites d'un tel rapport puisqu'il porte sur des problèmes – le réchauffement climatique et la disponibilité des ressources naturelles, cette question étant au cœur de notre amendement n° 399 – qui évoluent chaque jour.
Cependant – j'en arrive à la seconde raison –, l'ensemble des groupes qui voteront l'amendement de ma collègue considèrent qu'il s'agit d'un amendement d'appel, l'idée étant que nous allions, à terme, plus loin que la simple remise d'un rapport et que l'Assemblée assure un suivi attentif, d'une part sur la robustesse des décisions que nous allons prendre et, d'autre part, sur l'évolution des risques mentionnés par Marie Pochon, s'agissant aussi bien des conséquences du changement climatique que de la disponibilité des matières premières.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre amendement comporte encore une fois des contre-vérités. À vous entendre, on pourrait croire qu'il n'y aura plus d'eau dans nos fleuves, que le Rhône ou la Loire se retrouveront totalement asséchés dans cinquante ans,…
Je vous donnerai quelques exemples précis : le plus faible débit de la Loire enregistré l'an dernier est de 40 mètres cubes par seconde ; la centrale nucléaire de Dampierre, située sur la Loire, consommait 0,8 mètre cube par seconde. Nous sommes très loin des contre-vérités que vous colportez et des peurs que vous attisez à propos des installations nucléaires.
Par ailleurs, s'agissant des rejets, il arrive parfois qu'un réacteur rejette de l'eau plus froide que la température du fleuve elle-même.
Cette information provient de l'IRSN, lequel procède à 20 000 prélèvements par an sur la centrale de Dampierre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le député de la circonscription située au nord de l'estuaire de la Loire que je suis est absolument stupéfié par ce qu'il vient d'entendre. La Loire ne s'arrête pas à Dampierre, vous le savez sans doute. Collègue du Rassemblement national, vous êtes bien le seul à faire preuve d'un tel optimisme concernant son état actuel et à venir. Tous ceux qui sont attachés à cet écosystème fragile, à ce fleuve et plus largement à la ressource en eau et à l'usage qui peut en être fait sont très loin de partager ce point de vue.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'en viens à votre réponse, madame la ministre. Vous affirmez que tout est déjà indiqué dans le rapport de RTE. Or celui-ci date de 2021. Nous disposons, depuis, d'éléments nouveaux s'agissant du changement climatique. Voici deux exemples. Le 31 décembre 2022, Emmanuel Macron demandait : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » Et le 22 février 2023, votre collègue M. Béchu affirmait qu'il fallait préparer la France à un réchauffement de 4 degrés. Ces prédictions figuraient-elles dans le rapport de RTE de 2021 ? Si oui, comment se fait-il que le Président de la République et votre collègue tiennent de tels propos, comme si rien n'avait été prévu ni préparé ?
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, nous soulignons l'incohérence qui existe entre, d'un côté, la volonté de renforcer et de développer le nucléaire et, de l'autre, le changement climatique ,
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
lequel fait peser un risque, non seulement en matière de sûreté mais aussi, tout simplement, de continuité de l'exploitation – nous l'avons constaté lors de l'épisode de sécheresse de l'été dernier. L'adoption de cet amendement visant à remettre un rapport est donc la moindre des choses. On ne peut considérer, à l'aveugle, qu'on a suffisamment évoqué, étudié et pris en considération la question du changement climatique s'agissant de la relance du nucléaire. Ce n'est pas vrai. Si vous refusez de prendre davantage en compte ce sujet, vous en porterez la responsabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis un peu perplexe face à certaines contre-vérités. Je vous renvoie, de manière très factuelle, au rapport de RTE, lequel s'appuie sur deux des scénarios du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le Giec.
De même, M. Christophe Béchu se fonde sur un des scénarios pour considérer qu'il vaut mieux tirer trop haut que trop court. Cette démarche est guidée par la prudence car gouverner, c'est prévoir. Mon collègue fait très bien son travail, je ne vois là aucune incohérence.
Ce rapport, qui explique en quarante pages…
…les effets du réchauffement climatique sur nos systèmes électriques, a été conçu de la manière la plus scientifique possible. Il date de 2021. Or je ne crois pas que les scénarios du Giec aient fondamentalement évolué, d'autant plus que le rapport s'appuie sur un scénario classique et sur un scénario renforcé.
Cette assemblée étant aussi une tribune, je veux rappeler, à l'attention des personnes qui suivent cette discussion – d'ailleurs, nous nous adressons surtout à elles en ce moment puisque, d'un point de vue légistique, nous ne changeons pas la loi, nous parlons simplement d'un rapport – que toute demande de dossier d'autorisation de création intègre une étude d'impact et un rapport de sûreté qui prend en considération l'impact du changement climatique sur l'installation. L'impact est donc bien évalué. La construction est soumise à une autorisation – qu'elle obtiendra ou pas – et fait l'objet d'une demande d'ajustement et de renforcement. C'est ainsi que fonctionne la sûreté nucléaire et vous le savez très bien.
Pourquoi est-ce que cela vous dérange que ce sujet soit intégré au rapport ?
Vous ne faites que jeter le discrédit sur une filière.
Nous ne jetons pas de discrédit, nous sommes même prêts à voter pour l'article !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne dis pas que tout est prévu.
Mme la ministre a-t-elle le droit de répondre ? Vous l'interpellez constamment, c'est usant !
Le rapport qui vise à évaluer l'impact du réchauffement climatique sur des installations nucléaires a été élaboré par des personnes probablement plus expertes en la matière que le Gouvernement et est disponible sur le site de RTE. Je ne dis rien de plus. L'amendement est donc satisfait. J'ajoute qu'une analyse de l'impact du réchauffement climatique sera faite réacteur par réacteur, contrairement à ce que vous laissez entendre. Au passage, ces soupçons sont gênants au regard du travail sérieux mené dans cette assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'aurais aimé que vous fassiez preuve du même enthousiasme s'agissant des énergies renouvelables puisque votre groupe est celui qui n'a pas voté le projet de loi visant à les accélérer.
Mêmes mouvements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l'adoption 47
Contre 143
L'amendement n° 211 n'est pas adopté.
Alors que cet article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport à propos des besoins de l'exploitant EDF en cas de relance du nucléaire, rien n'est mentionné concernant les besoins prévisionnels en emploi et en formation pour faire face à une telle relance. Le 15 novembre dernier, Alain Tranzer, délégué général à la qualité industrielle et aux compétences nucléaires d'EDF, estimait qu'il serait nécessaire de recruter 10 000 à 15 000 personnes par an pour la période 2023-2030, ce qui représente quelque 300 000 emplois. En effet, la prolongation des installations et la construction de nouveaux réacteurs entraîneront un accroissement de la masse de travail alors que les sous-traitants, qui accomplissent la majeure partie des interventions d'entretien, sont déjà sous pression. Parmi ces 40 000 travailleurs, on compte environ 5 000 nomades qui parcourent la France au gré des chantiers. De même, l'exigence de rémunérations justes, de garanties collectives et de conditions de travail correctes constitue une nécessité pour l'ensemble des salariés et des travailleurs mobilisés sur les centrales.
On l'a bien compris – comme c'est le cas pour votre réforme des retraites –, vous souhaitez relancer le nucléaire à tout prix en vous fichant bien de ceux qui se démènent pour le produire et le sécuriser. Alors oui, par cet amendement, nous vous demandons de prendre en considération les salariés au moment de l'élaboration de vos plans énergétiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous prétendez que nous nous fichons des salariés du nucléaire, de ceux qui le produisent et travaillent dans ce secteur,…
…alors que votre parti a passé les vingt dernières années à tenter d'obtenir la fermeture de leurs usines. Cela me semble franchement déplacé. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Même avis. L'article 1er D, que manifestement vous n'avez pas lu, prévoit que le rapport couvre notamment « les besoins en termes de formations, de métiers, de compétences » et l'article 1er E prévoit la remise d'un autre rapport. L'initiative que vous appelez de vos vœux a donc déjà été adoptée en commission mais, évidemment, ce n'est pas cela qui vous intéresse. Vous souhaitez uniquement prendre le micro pour profiter de la fonction tribunitienne de l'Assemblée. Ce n'est pas ce que j'appelle un débat.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l'adoption 43
Contre 138
L'amendement n° 223 n'est pas adopté.
L'amendement n° 399 de M. Hubert Wulfranc est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
J'aimerais éclairer le Parlement sur un point. RTE s'est vu confier la mission d'établir certains scénarios – il les a d'ailleurs présentés. L'un d'eux prévoit 100 % d'énergies renouvelables. Or vous préemptez le choix démocratique de notre assemblée en inscrivant dans le projet de loi la construction de quatorze réacteurs, ce qui correspond au scénario le plus nucléarisé. En revanche, RTE n'est pas chargé d'évaluer la robustesse des centrales nucléaires face au changement climatique. Une telle tâche relève de la recherche et de la prospective, qui font totalement partie des missions de l'IRSN – cela devrait nous interpeller.
Par ailleurs, d'après les derniers rapports, le changement climatique est plus rapide et atteint plus fortement l'Europe que ce que les chercheurs et des scientifiques avaient prévu. Si vous voulez construire des centrales nucléaires – ce que nous n'approuvons pas –, faites-le au moins avec sérieux et ayez l'obligeance de vérifier si un tel projet est viable face à un réchauffement du climat de 4 degrés. Nous demandons un rapport parce qu'il n'existe en la matière aucune transparence, uniquement de l'opacité.
Votre seul argument consiste à prétendre que nous nous servons de l'Assemblée comme d'une tribune. Non, madame la ministre, nous sommes extrêmement consternés…
…par ce qui se passe actuellement pour notre démocratie et pour la sûreté en matière nucléaire. Nous défendons des amendements dans l'intérêt général de notre pays et de nos concitoyens parce qu'il faut cesser de nier la réalité et la regarder en face.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Je tiens tout d'abord à souligner que, sur tous les bancs, il existe des députés sérieux qui ont travaillé et qui défendent des amendements sur un projet de loi. Néanmoins il est vrai – ne vous en déplaise – nous nous servons de l'Assemblée pour éclairer les Français concernant les questions dont nous débattons, y compris le nucléaire.
À cet égard, nous avons plusieurs questions car, entre un ministre de la transition écologique qui évoque un scénario de réchauffement de 4 degrés à l'horizon 2100 et une ministre de la transition énergétique qui veut construire quatorze nouveaux réacteurs nucléaires, lesquels nécessiteront de l'eau pour être refroidis, nous avons l'impression que le Gouvernement est climatosceptique. Voici donc nos questions, afin de nous éclairer, ainsi que les Français.
Premièrement, l'industrie nucléaire constitue le deuxième poste de consommation d'eau en France. Qui arbitrera donc, à un horizon de vingt ou quarante ans, la répartition de la ressource en eau, entre les centrales, les Français et l'agriculture ?
Deuxième élément : selon certaines projections, le débit du Rhône pourrait diminuer de 40 % d'ici à trente ans. Or quatre centrales se situent au bord de ce fleuve. Avez-vous des informations à nous donner sur ce point ? Est-il question de multiplier les captages dans les nappes phréatiques, lesquelles ont déjà commencé ? Priverons-nous les Français d'eau potable pour faire tourner les centrales ?
Enfin, l'IRSN nous indique que vingt centrales courent des risques d'inondations. Confirmez-vous cette information ? Les centrales de Gravelines et du Blayais auront-elles les pieds dans l'eau dans quelques années ? Nous avons besoin d'être éclairés. Les Français ont besoin de savoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 399 n'est pas adopté.
Il est toujours très difficile d'aborder les sujets qui nous occupent sans tomber dans des débats très passionnés, au cours desquels nous oublions le fond pour nous concentrer sur la forme. Les questions qui sont posées sont justes, car elles relèvent d'un impensé très ancien – impensé qui ne concerne pas d'ailleurs que le nucléaire : il concerne aussi de nombreux autres sujets, comme l'urbanisme ou encore l'agriculture. Nous n'avons pas assez réfléchi aux impacts du changement climatique sur les décisions que nous prenions.
Nous essayons désormais de rattraper les choses, ce qui pose certaines questions. La première d'entre elles est celle de la disponibilité de l'eau pour appliquer les mesures que nous prenons ici : nous nous sommes insuffisamment penchés sur ce point. Il en va de même du refroidissement des réacteurs nucléaires, sachant que nous allons aussi lancer – j'y suis favorable et en ai même été l'une des artisanes – un grand programme de fabrication d'hydrogène. Or, pour fabriquer de l'hydrogène vert ou décarboné, il faut beaucoup d'eau. Tout cela a-t-il été bien envisagé ? Avons-nous cessé de réfléchir en silos pour évaluer d'un point de vue global nos futurs besoins en eau ? Avons-nous bien anticipé comment nous allons partager cette ressource ? Ce sont de vraies questions qu'il n'est pas honteux de poser sur la table. Il est aussi de notre responsabilité d'élus de le faire.
S'agissant de la vulnérabilité des centrales nucléaires au changement climatique, je suis bien placée pour savoir qu'elle est sous-estimée depuis très longtemps. Le rapport produit par RTE met effectivement en lumière ce problème, parmi d'autres – telle est d'ailleurs son utilité.
J'estime que l'examen de ce texte constitue le bon moment pour poser l'ensemble de ces questions, objets de mes trois amendements. Le premier tend à intégrer au rapport visé à cet article la question de la vulnérabilité des sites nucléaires au changement climatique, sujet important que nous devons sans cesse placer sur le devant de la scène. Le deuxième porte sur les coûts de raccordement des nouveaux réacteurs, élément qui, comme d'autres, n'a pas été évoqué, mais qui doit être pensé et prévu. Enfin, le troisième amendement a trait aux coûts de démantèlement de chaque nouveau réacteur. Il s'agit d'un autre point important, la Cour des comptes estimant que certaines dépenses inéluctables provoquées par l'arrêt définitif des installations nucléaires devraient être incluses dans les charges de démantèlement et faire l'objet d'un provisionnement, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je fais notamment référence aux opérations préparatoires au démantèlement et aux dépenses dites de période, soit les taxes et primes d'assurance. Au sujet du démantèlement des centrales, je précise que le rapport de RTE indique que l'un des grands impensés de notre politique nucléaire porte sur l'arrêt de l'exploitation de nos réacteurs de seconde génération, dont il va pourtant falloir s'occuper.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Pour les raisons que j'ai déjà évoquées, l'avis est défavorable à ces trois amendements.
Même avis défavorable. Je précise que le Gouvernement soutiendra l'amendement n° 686 portant article additionnel après l'article 13, qui tend à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la question de la gestion de l'eau – et uniquement sur ce point.
Je me permets d'insister, car plusieurs groupes demandent que le rapport prévu à cet article 1er D comporte une étude des impacts spécifiques du changement climatique sur les usages de l'eau. Vous nous renvoyez à un rapport de RTE, probablement à celui intitulé « Futurs énergétiques 2050 », mais il ne procède pas à une évaluation spécifique de la consommation d'eau de quatorze nouveaux EPR en période de réchauffement climatique. J'ajoute que nous devons prendre nos responsabilités vis-à-vis des conflits d'usage de l'eau, dont nous sommes en train de discuter s'agissant des agriculteurs, et alors que l'eau potable fait l'objet d'un nombre croissant de restrictions.
Nous considérons donc qu'il serait irresponsable qu'un rapport sur la construction de quatorze nouveaux EPR ne comporte pas une partie dédiée aux impacts du changement climatique, et ce alors que nous savons que 20 % de l'eau potable est actuellement consommée par le nucléaire. Vous aurez des comptes à rendre plus tard s'il devait en rester ainsi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Pardonnez-moi, mais je viens de dire très précisément que nous soutiendrons l'amendement n° 686 portant article additionnel après l'article 13, amendement qui vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la gestion de l'eau. Madame la députée, peut-être pourriez-vous au moins écouter ce qu'on vous dit.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous parlons de l'éventuelle relance de la filière nucléaire, qui reposerait – cela a été dit – sur la construction de nouveaux EPR à proximité immédiate des sites existants. Cela induirait de facto une concentration des réacteurs dans des périmètres très délimités, ce qui paraît d'ailleurs cohérent pour des raisons de sécurité. Cela étant, dans l'hypothèse de la construction de ces EPR, il serait nécessaire d'évaluer le risque de suraccident qui découlerait de cette hyperproximité entre les nouveaux et les anciens réacteurs. Une telle évaluation nous paraît absolument indispensable pour permettre à l'exploitant et surtout aux collectivités locales concernées d'adapter l'ensemble de leurs plans de gestion, notamment des risques. C'est un amendement de précision que nous vous invitons ici à voter.
Défavorable.
Je vous prie de m'excuser, madame la rapporteure, madame la ministre, mais un simple « défavorable » me semble un peu court. Depuis tout à l'heure, nous ne cessons de souligner, à l'instar de notre collègue Wulfranc, qu'il faut muscler le rapport visé à cet article. Le risque de suraccident est à cet égard une question sérieuse. Nous le savons depuis le début, pour des raisons de sécurité, la construction de nouveaux réacteurs s'effectuerait dans l'enceinte d'équipements déjà existants, mais une telle entreprise renforcerait aussi le risque de suraccident. Je vous demande donc de bien vouloir me donner une réponse sérieuse sur ce point.
Par ailleurs, nonobstant ce que vous avez rappelé hier, madame la ministre, et ce qu'a encore affirmé tout à l'heure Mme la rapporteure, nous souhaitons vivement obtenir des précisions supplémentaires concernant le futur projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat, dont nous devrions discuter au début de l'automne si j'ai bien compris. Je vous saurai gré de nous rassurer de nouveau sur ce point.
Nous soutiendrons bien sûr cet amendement présenté par notre collègue Leseul – amendement qui me donne l'occasion de poser de nouvelles questions à Mme la ministre. Peut-être obtiendrons-nous des réponses avant la fin de l'examen du projet de loi.
Dans une étude qu'il a menée, et qui constitue peut-être la raison pour laquelle vous souhaitez le démanteler, l'IRSN nous informe qu'un accident nucléaire grave coûterait 120 milliards d'euros à la collectivité – soit 6 % du PIB si je ne fais pas erreur –, et qu'un accident majeur représenterait la somme de 430 milliards. Comme je sais que vous êtes habituellement assez près de vos sous,…
…comme les Français du reste, pourriez-vous apporter une réponse aux Français sur cette question du risque de suraccident ?
Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir – quoique… : vous seriez certainement moins nucléocrates et il y aurait moins d'atomes crochus entre le Rassemblement national, la droite et la minorité présidentielle
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
…bref, vous n'êtes donc pas sans savoir qu'autour des centrales – à la différence des éoliennes et des panneaux photovoltaïques –, on est obligé de distribuer des comprimés d'iode à la population. En effet, en cas d'accident nucléaire, figurez-vous qu'on développe des cancers de la thyroïde.
Ces comprimés doivent être distribués dans un rayon de 20 kilomètres autour des centrales. Cependant, lors de la dernière campagne de distribution, nous avons échoué à toucher 75 % de la population vivant dans un périmètre compris entre 10 et 20 kilomètres autour des installations, si bien que 1,5 million de Français qui devaient recevoir ces comprimés ne les ont pas eus. Avez-vous donc prévu de faire un peu mieux en matière de distribution des comprimés d'iode ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 645 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 310 et 332 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur les amendements n° 351 , 591 et 592 , je suis saisie par le groupe Rassemblement nationales de demandes de scrutins publics.
Et sur l'article 1er D, c'est par le groupe Renaissance que je suis saisie d'une demande de scrutin public.
Ces cinq scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 299 .
Nous le savons, quel que soit le mode de production énergétique, la question des financements est centrale. Les énergies renouvelables nécessiteront près de 100 milliards d'euros d'investissements, auxquels s'ajouteront ceux relatifs à l'adaptation du réseau – 100 milliards, c'est en tout cas la somme qu'Enedis prévoit d'investir dans les prochaines années. Et le nucléaire nécessitera des fonds d'une ampleur comparable, aussi bien pour réaliser les carénages que pour construire les nouveaux réacteurs.
Vous avez fait part de votre volonté, madame la ministre, d'éclairer le Parlement, et donc le pays, sur les modalités de ces financements d'ici à la fin de l'année. C'est une bonne chose et nous attendons ces précisions avec impatience. Je rappelle à cet égard que nous nous attacherons à ce que cette architecture de financement échappe à la logique actionnariale, qui est selon nous incompatible avec la production d'une énergie sûre sous l'égide du service public.
S'agissant du financement, nous savons que le mécanisme de l'Arenh – accès régulé à l'électricité nucléaire historique – pèse énormément sur la capacité d'EDF à autofinancer le carénage et le renouvellement de son parc nucléaire. Cet amendement vise donc à ce que l'évaluation des conséquences de la construction de quatorze nouveaux réacteurs porte également sur l'Arenh – qui prendra, je présume et l'espère, un autre nom – et la nouvelle régulation européenne du nucléaire.
Défavorable.
Notre collègue Jumel nous donne l'occasion d'aborder un sujet que nous évoquons très régulièrement. Si j'ai bien compris, il souhaite que le Parlement soit informé des conséquences qu'aura la production de volumes supplémentaires d'électricité d'origine nucléaire sur l'Arenh : le Gouvernement en modifiera-t-il le plafond, si le dispositif perdure dans le temps ? J'ose espérer que ce ne sera pas le cas car, lorsque le volume de production a fortement baissé ces derniers temps, passant de 400 à moins de 300 térawattheures, le volume d'Arenh destiné aux fournisseurs alternatifs n'a pas été réduit pour autant. Je souhaiterais que l'on applique le même principe au cas où le dispositif de l'Arenh perdurerait après la construction des nouveaux EPR – dans longtemps, donc.
L'amendement n° 299 n'est pas adopté.
Nous souhaitons, au travers de cet amendement, préciser le périmètre du rapport mentionné à l'article 1er D du texte, afin que celui-ci tienne compte des risques potentiels que la construction de nouvelles installations nucléaires représenterait pour la santé publique. Il s'agit tout simplement de savoir si les centrales nucléaires peuvent entraîner, chez les personnes qui vivent à proximité, une augmentation des risques de cancers, de maladies de la thyroïde ou de tout autre type de maladie de longue durée. Il est vrai que certaines études interrogent. L'une, publiée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2012, a révélé un doublement des cas de leucémie infantile chez les enfants vivant dans un périmètre de cinq kilomètres autour des centrales. Elle faisait suite à une étude allemande dont les conclusions étaient exactement les mêmes. Malheureusement, l'étude de l'Inserm n'explore pas toutes les pistes qui permettraient de confirmer ou d'infirmer le lien entre le doublement du nombre de cas de leucémies et la présence des centrales.
Or les Français ont besoin d'être rassurés, c'est normal. Il faut que la lumière soit faite sur l'incidence des centrales nucléaires sur leur santé. Il serait impensable de construire de nouvelles centrales sans mesurer toutes les conséquences sur la santé publique. C'est pourquoi il faut conduire de nouvelles études épidémiologiques et les intégrer au rapport, afin d'éclairer au mieux les citoyens. Il faut leur dire s'il est dangereux ou non d'habiter à côté d'une centrale – sachant évidemment que le risque d'accident inhérent à toute centrale nucléaire constitue déjà, de fait, un danger. Dans la mesure où cet amendement vise simplement à apporter une information aux citoyens, je n'imagine pas un instant, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, que vous vous y opposiez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est également défavorable. Je vous renvoie, monsieur Caron, à l'étude de l'Inserm de 2008, qui répond très précisément à votre question, ainsi qu'à l'étude de Santé publique France, publiée en 2017, qui relève une prévalence de ces maladies plutôt inférieure aux abords des centrales que sur le territoire national.
Sur quel sujet cette étude de 2017 porte-t-elle, madame la ministre ? L'étude de 2008 que vous avez citée préconise en effet de nouvelles études épidémiologiques : il semblerait que la recherche sur cette question se soit arrêtée et que l'on ne soit pas allé fouiller bien loin.
Je trouve très intéressant de vouloir intégrer des études épidémiologiques, dont la réalisation prendra cinq ou dix ans, dans un rapport dont l'article 1er D prévoit la publication avant la promulgation de la LPEC ! C'est ridicule, franchement ! Modifiez l'alinéa 1er de l'article pour que le rapport soit publié dans quinze ans, et on pourra en reparler. Compte tenu de la rédaction actuelle de cet alinéa, ce que vous proposez est irréalisable, monsieur Caron. Le groupe Dem ne votera pas votre amendement.
L'amendement n° 412 n'est pas adopté.
On sait évidemment que la contamination qui suit un accident nucléaire a des conséquences de long terme sur la faune et la flore aux alentours de la centrale, dans la mesure où les éléments radioactifs restent longtemps vivaces et sont absorbés par les plantes et les animaux. Des biologistes japonais ont, par exemple, observé la présence de papillons mutants, qui avaient été exposés aux radiations de Fukushima.
Mais que se passe-t-il autour d'une centrale en bon état de fonctionnement ? Sa présence a-t-elle des effets sur la faune et la flore ? Il serait intéressant d'obtenir des informations précises, par exemple, sur l'impact des rejets d'eau plus chaude que la normale dans les milieux aquatiques en période de canicule – notamment sur les espèces qui y vivent, comme les poissons, et sur la boucle microbienne. Il est d'autant plus important d'obtenir ces éléments que, comme vous le savez et comme cela a été répété maintes fois depuis hier, les épisodes de canicule se multiplieront au cours des prochaines années, tout comme les rejets d'eau trop chaude.
La question des rejets n'est évidemment pas la seule que nous nous posions. D'autres aspects du vivant doivent être étudiés pour que l'on puisse connaître exactement l'impact d'une centrale nucléaire sur son environnement. Il est évident que, là encore, vous devriez en principe abonder dans mon sens. Mais comme je ne comprends pas votre rejet de mon amendement précédent concernant la santé des Français, je crains déjà votre avis au sujet de celui-ci.
Il est défavorable également.
Je vous invite, cher collègue, à aborder ce sujet avec beaucoup de précaution. Il existe des études scientifiques aux conclusions diverses, et de nombreuses controverses que l'on ne parvient souvent pas à trancher. Vous vous souvenez sans doute qu'au moment de l'accident de Tchernobyl, on a beaucoup parlé du nuage qui avait traversé les frontières, susceptible d'avoir entraîné un certain nombre de pathologies, en particulier de cancers, en France. Des recherches ont notamment été réalisées au sujet du cancer de la thyroïde, pour lequel une incidence très élevée a été enregistrée dans les années suivant l'accident. On a pensé que c'était une conséquence de Tchernobyl, alors que cela ne l'était absolument pas. Les chiffres s'expliquaient par le développement très lent de ce cancer, que l'on ne diagnostiquait pas – souvent, les gens atteints mourraient d'autre chose. C'est parce que l'on a recherché les cas de cancers que l'on en a trouvés beaucoup, alors qu'en réalité ils n'étaient pas plus nombreux. On a simplement été plus vigilant. Je vous suggère de faire attention lorsque vous évoquez ces sujets : ce n'est pas la peine d'affoler inutilement les gens. Les études doivent être très longues, car un cancer prend dix, quinze ou trente ans pour se développer. Je rejoins les propos de ma collègue : il est inutile de lancer aujourd'hui une étude qui aura des résultats dans vingt ans. Je vous invite à la plus grande prudence quant aux conclusions hâtives que l'on peut tirer de telle ou telle étude.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous avez raison d'être prudent, cher collègue. Il est vrai que l'on s'est beaucoup demandé si l'augmentation du nombre de cancers de la thyroïde n'était pas due au fait qu'on les recherchait à une large échelle. Mais, s'agissant de l'accident de Fukushima, des chercheurs ont démontré que, même en tenant compte de ce biais, l'incidence du cancer de la thyroïde était plus élevée que ce qu'elle aurait dû être.
En tout cas, votre remarque est très intéressante car elle montre qu'il faut en effet réaliser des recherches, et que celles-ci prennent du temps. Lorsque j'ai entendu ma collègue expliquer tout à l'heure qu'il ne fallait surtout pas faire de recherches sur les conséquences du nucléaire sur la santé humaine ou sur la faune et la flore, parce que cela prendrait trop de temps, les bras m'en sont tombés !
Non, elle a dit que cet amendement n'était pas déposé au bon endroit du texte !
À moins que vous ne soyez en train d'avouer que vous allez beaucoup trop vite avec ce projet de loi, pour accélérer les installations nucléaires en France ? Vous voulez construire avant même d'avoir conduit toutes les études nécessaires et indispensables permettant aux Français d'être vraiment informés !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Perrine Goulet s'exclame.
Madame Goulet, s'il vous plaît, seul l'orateur a la parole. La parole est à Mme Julie Laernoes.
L'argument que nous venons d'entendre est beaucoup utilisé pour minimiser les impacts et les risques liés au nucléaire. Lorsque l'on veut relancer un programme de production nucléaire d'ampleur, il faut tout de même nommer un chat un chat. Le nucléaire n'est pas une énergie comme les autres : elle comporte des risques, chacun peut en convenir. Il y a parfois des accidents. La France a jusqu'à maintenant un système de sûreté robuste, qui s'efforce de nous prémunir le plus possible des risques, mais des recherches sont menées qui prouvent les effets de cette énergie sur la santé. Lors d'une manifestation de salariés de l'IRSN, une personne est venue me trouver : elle dirige un pôle consacré aux effets sur la santé de faibles doses de radioactivité durant un temps prolongé. Ce sujet peut vous paraître anecdotique, vous pouvez considérer qu'il ne devrait pas être étudié. Il me semble pourtant que, lorsqu'on a l'ambition de relancer un programme nucléaire de l'ampleur de celui que vous envisagez, il faut avoir le courage et l'humilité d'admettre que ce n'est pas sans risque : il faut prendre toutes les précautions qui s'imposent et conduire les études nécessaires.
Le refus de mener ces études ressemble à une tentative de taire les conséquences possibles. Mais les conséquences, nous les avons vues. Nous voyons aussi la difficulté à réaliser les études et à les faire publier. Si vous voulez relancer le nucléaire, mes chers collègues, prenez au moins toutes les précautions nécessaires. Pour reprendre les mots de Mme la rapporteure, nous ne parlons pas d'usines de chocolat mais de centrales nucléaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
J'invite moi aussi mon collègue de la NUPES à beaucoup de prudence en la matière. Il convient tout de même de rappeler que la radioactivité existe naturellement sur terre, dans les roches et sur certains sols. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a publié un rapport selon lequel le soleil est également une source de radioactivité. Il a notamment été calculé qu'en France, chaque habitant reçoit une dose annuelle de 2,4 millisivierts – qui peut être beaucoup plus élevée dans les pays très ensoleillés.
En défendant votre amendement précédent, monsieur Caron, vous avez évoqué une étude allemande. C'est tout de même vous, chers collègues, qui avez fait pression pour la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, rendue possible par l'ouverture d'une nouvelle centrale à charbon en Allemagne. Or sachez que la combustion du charbon émet, autour des centrales à charbon, une radioactivité dix à cent fois plus élevée que celle que l'on trouve autour des centrales nucléaires. Il faut tout de même rétablir les faits !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je suis assez étonné de ce que j'ai entendu, car il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour trouver une réponse au sujet des cancers de la thyroïde, dans une étude de Santé publique France publiée en 2017. Peut-être y en a-t-il d'autres, monsieur Caron, mais c'est la plus récente que j'aie trouvée : nous pouvons nous pencher sur la question ensemble si vous le souhaitez. Cette étude conclut à une prévalence moindre des cancers de la thyroïde dans un périmètre de 20 kilomètres autour des centrales nucléaires.
Puisqu'il faut – c'est bien normal – informer nos concitoyens, sachez aussi que la faune et la flore font l'objet d'une surveillance très attentive au moyen de nombreux capteurs installés par l'IRSN et par EDF, dont les résultats peuvent être consultés presque quotidiennement. Allez vérifier, monsieur Caron !
Il faut dire la vérité. Je veux bien que vous agitiez les peurs parce que vous êtes contre le nucléaire mais, pour bien informer les Français, il faut aussi dire que tout est sous contrôle.
Je ne doute pas un instant qu'à la moindre alerte, au moindre danger, l'IRSN et EDF préviendront les Français.
Depuis tout à l'heure, comme plusieurs collègues, j'écoute sagement les députés de la gauche et de l'extrême gauche de cet hémicycle formuler des demandes de rapports et je suis consterné. Vous faites peur aux Français en racontant n'importe quoi !
Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas d'accord que c'est n'importe quoi !
Vos arguments ne sont qu'un tissu de mensonges, de fausses informations, de sornettes. C'est vraiment honteux !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est insultant pour nos scientifiques, pour nos chercheurs. Depuis plusieurs générations, la recherche nucléaire française est l'excellence même. Dans notre pays, nous maîtrisons la technologie nucléaire, nous la contrôlons, nous la surveillons. Nous avons des instances de sécurité et de sûreté qui sont les meilleures au monde.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce que vous racontez est proprement scandaleux et surtout dangereux pour les Français.
Alors, arrêtez ! Il ne faudrait pas que l'industrie nucléaire, comme lors de la décennie précédente, perde confiance en elle parce qu'elle est matraquée par des gens comme vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 413 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra