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Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du mardi 14 mars 2023 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes :

En application de l'article L. 143-6 du code des juridictions financières, j'ai eu l'honneur de vous remettre à l'instant, madame la présidente, le rapport public annuel de la Cour des comptes. Je vous remercie de l'accueil réservé à la Cour, qui traduit la qualité des liens qui unissent nos deux institutions, et vous savez à quel point je suis attaché au rôle de la Cour à l'égard du Parlement. La Cour des comptes se définit, depuis Philippe Séguin, à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement, et sa mission d'assistance au Parlement est, pour nous, totalement essentielle. J'ai grand plaisir à retrouver votre assemblée en séance publique pour présenter ce qui est toujours le vaisseau amiral de toutes nos productions : le rapport public annuel, en l'espèce pour 2023.

Cette année, il s'agit d'un rapport particulier puisque la Cour a fait le choix de travailler sur le bilan de la décentralisation, un sujet majeur qui intéresse hautement nos concitoyens et qui, je le sais, intéresse évidemment les élus que vous êtes.

Quelques mots sur le contexte de ce rapport public annuel. Tout d'abord, dans la suite du rapport de 2022 qui avait été consacré à la réponse de l'État face à la crise sanitaire, cette publication n'est plus ce qu'elle fut dans le passé, c'est-à-dire un assemblage de nos productions : elle s'organise désormais sous un format thématique. C'est une orientation que la Cour a souhaitée dans le cadre de son projet stratégique de modernisation pour centrer ledit rapport sur une problématique unique. Cette évolution est due aussi au fait que comme nous publions tous nos travaux depuis le 1er janvier 2023, il n'y aurait guère de sens à présenter ici un patchwork alors que vous pouvez consulter les quelque 200 rapports que la Cour des comptes publie chaque année.

Cette édition 2023 est consacrée, disais-je, à la décentralisation, quarante ans après le lancement du processus par l'adoption de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qu'on a plus tard appelé l'acte I de la décentralisation. Ce fut à l'évidence une rupture historique avec la tradition centralisatrice française qui visait à donner aux collectivités territoriales la maîtrise de leur devenir et à leur permettre de rapprocher l'administration des administrés. Ce mouvement s'est concrétisé dans un premier temps par la fin de la tutelle des préfets sur les collectivités locales, par le transfert des fonctions exécutives vers les départements et vers les régions, et par un nombre important d'autres transferts de compétences.

La Cour dresse dans son rapport un état des lieux de la performance de l'organisation territoriale actuelle de notre pays, héritière de ce long mouvement décentralisateur, et confronte les réalisations avec les ambitions initiales de cette politique. C'est un sujet soumis à controverses et sur lequel la Cour a voulu apporter un éclairage contribuant à l'objectivation du débat.

Nous avons identifié les principaux enjeux sous l'angle qui est le nôtre, c'est-à-dire financier mais aussi institutionnel, et présenté une série d'exemples concrets montrant les forces et les faiblesses de cette organisation au regard de la qualité et de l'efficience des services rendus à la population. Ce thème a évidemment poussé la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes – que vous connaissez bien dans vos différents territoires – à imbriquer encore davantage leurs enquêtes : neuf des dix chapitres de ce rapport public annuel sont ainsi issus de travaux réalisés conjointement par la Cour des comptes et par les chambres, si bien qu'au total, treize chambres régionales et la chambre territoriale de Nouvelle-Calédonie se sont mobilisées autour de ce rapport. Cette évolution se renforcera encore puisque, grâce à la loi dite 3DS, relative à la différenciation, à la décentralisation et à la déconcentration, les chambres régionales des comptes pourront désormais procéder à des évaluations des politiques publiques locales, de leur propre initiative ou à la demande des grands exécutifs locaux.

Comme chaque année, le rapport public annuel est précédé d'un chapitre liminaire relatif aux finances publiques, dont la présence est à nos yeux indispensable tant la situation des finances publiques conditionne la conduite de la politique de la nation et tant son actualité s'avère aiguë dans la période que nous traversons.

Je commencerai donc par vous livrer nos grands messages sur la situation actuelle de nos finances publiques. Elle était déjà dégradée avant la pandémie de covid-19, mais il nous semble qu'elle appelle désormais des mesures fortes et urgentes. Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la Première ministre lors de notre rentrée solennelle il y a quelques semaines et comme je m'en suis entretenu avec le Président de la République lorsque je lui ai remis ce même rapport, le redressement des finances publiques est le message fort de la Cour.

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