En d'autres termes, l'ambition d'ouvrir un acte III ne s'est pas matérialisée par la reprise du processus de décentralisation de manière constante. Une série de lois de moindre portée ont été adoptées, traduisant un dessein plus hésitant et parfois contradictoire. J'en donnerai quelques exemples : la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi RCT, a rationalisé l'intercommunalité et a créé les métropoles, tandis que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, ont plutôt abouti à un brouillage de compétences – le sort des départements l'illustre puisqu'ils ont fait l'objet d'un double mouvement, d'abord de réaffirmation des compétences, puis de réduction de leur poids.
Plus récemment, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi EVL, et la loi « 3DS » repositionnent les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – au service de leurs communes membres et développent la différenciation et l'expérimentation. Si elles ont pour objectif d'atténuer certains effets des lois précédentes, elles n'en ont pas pour autant bouleversé l'économie.
Pour le dire autrement, j'ai le sentiment qu'un premier mouvement a cherché à renforcer l'échelon intercommunal et celui des régions avec les grandes régions, et qu'un second mouvement est au contraire revenu sur la demande de proximité, donc sur le rôle des communes et des départements – c'est un balancement dans les deux sens, qui n'a pas tout à fait atteint sa position d'équilibre. Ces fluctuations ont réduit le succès des réformes, qui n'ont jamais franchi aucun gué. Toutefois, cette ambition a compromis l'intention sous-jacente de supprimer, peu ou prou, un des échelons de l'organisation territoriale : le département. C'était bien lui qui était visé au départ, au profit des régions et des métropoles. La refonte de la carte des régions a mis en évidence la nécessité d'une logique de proximité, mais le positionnement de cet échelon n'est pas clair pour autant.
En outre, contrairement à l'Allemagne ou à l'Italie, la France n'est jamais parvenue à régler la question du nombre de petites communes. Au 1er janvier 2022, notre pays comptait 34 955 communes – nous n'en sommes plus à 36 000 – ayant une population moyenne d'environ 2 000 habitants, bien inférieure à celle des communes de nos pays voisins. Vous le savez aussi bien que moi : dans le domaine de l'action publique, une taille critique est pourtant nécessaire en matière de portage d'investissements lourds ou de prise en compte de la complexité juridique et financière de la gestion locale. La promotion des fusions de communes depuis la loi de 2015 a connu un succès relatif : seules 2 498 communes se sont regroupées au sein de 796 communes nouvelles. Le législateur, depuis 2019, a entendu réaffirmer le primat des communes. En vertu de la clause de compétence générale, les communes peuvent intervenir dans tous les domaines, sans toutefois en avoir forcément les moyens ni l'expertise technique.
Le dernier point de notre diagnostic concerne l'État. Il nous semble que l'organisation des services de l'État n'a pas été adaptée pour tenir compte de l'évolution de la carte et des compétences des collectivités.