La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ces derniers jours, deux tempêtes ont balayé la France métropolitaine de la Bretagne à la Corse, occasionnant d'importants dégâts et causant la mort d'au moins trois personnes. D'autres pays sont touchés par ce phénomène climatique exceptionnel qui met durement à l'épreuve notre capacité de résilience collective. Des milliers de foyers ont été privés d'électricité et 90 000 connaissent encore des coupures. De nombreux voyageurs ont été bloqués plusieurs heures durant dans des trains à l'arrêt.
Le Pas-de-Calais est toujours en alerte rouge et six départements restent en vigilance orange : le Nord, les Deux-Sèvres, la Charente, la Charente-Maritime, la Dordogne et la Gironde. J'en appelle à la vigilance de tous car des crues exceptionnelles sont en cours.
Malgré les risques, les élus, les collectivités territoriales, les services de secours, les forces de l'ordre et tous les autres services de l'État se sont mobilisés et continuent l'être pour rétablir au plus vite des conditions de vie normales et secourir les personnes. Pas moins 5 000 agents de la SNCF Réseau sont intervenus pour dégager plus de 2 000 arbres tombés sur les voies et ont procédé à quelque 500 interventions pour réparer les caténaires. Je salue le travail de ces équipes qui ont rapidement remis les lignes en service ou mis en place des lignes de bus de substitution.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Au nom de la représentation nationale, je rends hommage à l'ensemble des pompiers, secouristes, policiers, gendarmes, agents publics et bénévoles qui n'ont pas ménagé leurs efforts au service de leurs concitoyens.
Applaudissements prolongés sur tous les bancs.
Ils méritent notre estime et notre reconnaissance.
Parmi les victimes, Frédéric Despeaux, agent d'Enedis, est décédé en service, électrocuté. Il était venu du Gers pour secourir les abonnés du Finistère. En sa mémoire et en hommage à son dévouement, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Ma question s'adresse à Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Dans le conflit israélo-palestinien, les pays occidentaux qui appellent à la trêve humanitaire tentent d'apparaître comme les garants du droit international, mais abdiquent en réalité devant la loi du plus fort. L'humanité, ce n'est pas cela. Nous devons affirmer l'absolue nécessité d'un cessez-le-feu immédiat
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
et rappeler la nécessité de la solution à des deux États préconisée par l'ONU.
Nous devons éviter par ailleurs que ce conflit soit perçu comme une guerre de civilisation dans laquelle une démocratie se défendrait contre des barbares, comme au bon vieux temps des guerres coloniales ,
Protestations sur les bancs du groupe RN
Pas un mot sur les otages ! Pas un mot sur les 40 Français morts ! C'est une honte !
Le conflit entre Israël et le Hamas n'est-il pas le résultat de deux logiques extrêmes qui ont empêché la solution à deux États démocratiques ?
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Les conventions de Genève doivent être respectées. Au moment où celle de 1864 a été signée, les guerres coloniales faisaient rage. Il fallait « civiliser la guerre ».
Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Nous devons apprendre de l'histoire et en tirer les leçons.
Il n'y a plus de barbares. Les crimes de guerre ne peuvent justifier l'excès de cruauté.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Une violence ne peut se justifier par les nécessités de la guerre : l'horreur ne peut en aucun justifier l'horreur.
De l'Ukraine à Gaza, la France doit être claire sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sur le non-respect du droit humanitaire et sur les crimes de guerre.
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
M. Meyer Habib s'exclame.
Face à ce conflit, nous attendons que la France défende les valeurs démocratiques, le respect de tous les peuples et les exigences du droit international.
Nouvelles protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Les députés du groupe GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR. – M. Maxime Minot fait claquer son pupitre.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Catherine Colonna, qui est au Japon pour une réunion du G7.
Il y a un mois jour pour jour, la barbarie terroriste s'est abattue sur Israël : elle a fait 1 400 morts, dont 40 Français ; 9 de nos compatriotes, dont plusieurs mineurs, sont encore portés disparus. Je pense à ces Français meurtris par le terrorisme du Hamas.
Applaudissements nourris sur les bancs du groupe RE, dont quelques députés se lèvent, et sur les bancs des groupes RN, LR et Dem.
Face au Hamas, nous avons une ligne claire : Israël doit protéger sa population et les Palestiniens ne doivent pas être sacrifiés à la lutte contre ce groupe terroriste.
Sur la catastrophe humanitaire à Gaza, notre message est double. Premièrement, une trêve humanitaire…
…est absolument nécessaire. Nous l'appelons avec force. Un consensus, soutenu par la France, a été trouvé au sein de la communauté internationale, qui a entériné la résolution présentée le 26 octobre par la Jordanie devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Mme Marine Le Pen applaudit. – M. Meyer Habib s'exclame.
Deuxièmement, nous soulignons que l'aide n'est pas à la hauteur de la situation – vous êtes sans doute d'accord, monsieur Nadeau : nous devons collectivement faire mieux et faire vite. C'est la raison pour laquelle la France organise le 9 novembre à Paris une conférence humanitaire internationale…
…pour venir en aide à la population civile de Gaza.
Nous agissons de manière pratique sur le terrain pour répondre aux besoins des habitants de Gaza et leur assurer une protection. Nous visons trois objectifs.
Mme la présidente coupe le micro de la secrétaire d'État, dont le temps est parole est écoulé.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Alors que le projet de loi pour le plein emploi a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire (CMP), je m'interroge sur la capacité de notre économie à atteindre cet objectif. Le tableau élogieux dressé par le Gouvernement au sujet de la situation économique de la France est contredit par les chiffres. Les difficultés s'accumulent pour nos entreprises, pour nos commerçants et pour nos artisans. Les coûts d'approvisionnement sont toujours plus élevés dans un contexte de forte inflation. Les prix de l'énergie sont également très hauts, comme les taux d'intérêt, sans parler des délais de paiement à rallonge – je pourrais continuer longtemps ainsi : l'horizon est sombre.
À ce jour, la France ne crée plus d'emplois et même elle en perd – le secteur privé en a supprimé 17 000 au cours des derniers mois. Le chômage repart à la hausse et la productivité a diminué. Les dépôts de bilan explosent. Plus de 10 000 procédures collectives ont été enregistrées en trois mois et les faillites en cascade menacent. Partout sur le territoire et dans tous les secteurs d'activité, des entreprises sont sous tension, sur le fil du rasoir. Certaines sont dans l'incapacité de rembourser dans les temps leur prêt garanti par l'État (PGE) :…
…nécessaire pendant la crise sanitaire, celui-ci devient donc un fardeau pour beaucoup d'entre elles. Les petits patrons n'en peuvent plus. Ils parviennent pour le moment à rembourser leur PGE, mais en renonçant à investir ou à embaucher.
Que compte faire le Gouvernement dans une telle situation ? Quelles solutions envisagez-vous pour enrayer les cessations de paiements et les faillites, soulager les entreprises étranglées par les échéances de remboursement du PGE et mettre un terme à la nouvelle hausse du chômage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Nous n'ignorons pas l'inquiétude qui monte chez les petits patrons, les artisans et les petites entreprises au sujet du remboursement de leur PGE. Vous l'avez dit, ce prêt a eu un rôle important puisqu'il les a aidés à traverser la crise du covid. D'après les chiffres de la Banque de France, le taux de défaut anticipé des PGE reste très faible. Selon la dernière analyse disponible, il est en légère baisse puisqu'il est passé de 4,6 % à 4,4 % depuis la création du dispositif. Fin juillet 2023, seuls 1,81 % des PGE ont nécessité l'activation de la garantie de l'État. Je suis toutefois consciente qu'il faut se méfier des moyennes, qui cachent une disparité de situations. C'est normal puisque plus de 800 000 PGE ont été délivrés pendant la crise du covid, pour un montant total de plus de 140 milliards d'euros.
Les entrepreneurs sont responsables et parviennent pour la plupart à rembourser leur PGE, parfois, il est vrai, au prix d'investissements moindres…
…ou d'une diminution de leur marge. Je rappelle qu'il est possible de rééchelonner la durée d'un PGE de moins de 50 000 euros sans aucune condition, sur dix ans au lieu de six ans, devant le médiateur du crédit. Pour les PGE au-delà de 50 000 euros, un rééchelonnement peut être négocié avec le tribunal de commerce en se rapprochant du conseiller en charge de l'accompagnement des entreprises en difficulté à la préfecture. Tous les conseillers sont mobilisés et 20 000 entrepreneurs ont déjà été accompagnés. Nous traversons un moment compliqué, mais les entrepreneurs tiennent le coup et la plupart cherchent des compétences à embaucher.
Vous avez évoqué les 17 000 emplois supprimés par le secteur privé, mais 138 000 emplois ont été créés en France au cours de l'année qui vient de s'écouler.
Le Gouvernement est aux côtés des entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'entends votre réponse, madame la ministre déléguée. Il n'en demeure pas moins que, partout dans les territoires, la trésorerie des entreprises, notamment des très petites, petites et moyennes entreprises, est en train de plonger. L'inquiétude grandit. Une réaction du Gouvernement est nécessaire coûte que coûte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, si dans le Pas-de-Calais, des milliers d'habitants sont sinistrés sous les eaux, les Finistériens ont été durement éprouvés par la tempête Ciaran : son exceptionnelle violence et les dégâts considérables subis ont fait remonter le souvenir dévastateur de l'ouragan de 1987. Les très petites, petites et moyennes entreprises et, surtout, les agriculteurs payent un lourd tribut. Le Président de la République, conscient de la gravité de la situation, s'est rendu dans ma circonscription, auprès des producteurs de fraises de Plougastel, pour porter un engagement fort : le chef de l'État a promis de décréter l'état de catastrophe naturelle, partout où il sera possible de le faire.
Pouvez-vous nous expliquer comment la tempête Ciaran peut être classée en catastrophe naturelle ? En effet, la loi exclut les tempêtes du régime des catastrophes et des calamités agricoles. Pour tout vous dire, ce que le Président a annoncé n'est pas clair. Un grand nombre d'exploitants sont très inquiets et attendent que les promesses présidentielles soient précisées.
Pour ne pas compromettre leur activité et la survie de leur exploitation, les agriculteurs ont besoin d'un accompagnement d'urgence afin de compenser la casse et les pertes. Qui sera concerné par l'état de catastrophe ? Sous quelles conditions et quels délais ?
Madame la Première ministre, les Finistériens, préoccupés, attendent de votre part une réponse claire et précise.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique,…
Cette tempête qui a balayé le Nord-Ouest de la France n'a rien d'ordinaire. D'ailleurs, trois fois plus de foyers ont été privés d'électricité dans le Finistère que lors de la tempête de 1999. La présidente de l'Assemblée nationale l'a dit, nous déplorons trois morts, notamment un agent d'Enedis, venu en renfort depuis l'Occitanie, plus de quarante blessés dont des pompiers. Des milliers de pompiers ont été déployés dans les régions concernées et plus de 11 000 interventions ont été réalisées. Des milliers d'interventions ont été permises grâce aux 3 000 salariés d'Enedis mobilisés sur le terrain.
Avant de vous répondre, madame la députée, je voudrais saluer l'efficacité du dispositif FR-Alert qui a été utilisé pour la première fois dans notre pays. Il a permis à 98 % de la population concernée d'être alertée des risques liés à la tempête et informée des gestes à réaliser pour se protéger. Sans ce dispositif, le bilan humain aurait sans doute été beaucoup plus lourd.
Vous soulignez l'importance des pertes qu'ont subies les exploitations agricoles, les communes, les foyers. Vous décrivez les maisons détruites, les installations routières dévastées. Je vous répète les propos du Président de la République : toutes les communes qui relèvent de l'état de catastrophe naturelle seront reconnues comme telles. La commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle se réunira le 14 novembre. Dans les jours qui suivront, un décret sera pris.
De même, les engagements pris par le chef de l'État et par la Première ministre, qui s'était déplacée dans le Calvados, auprès des agriculteurs seront tenus : ils recevront tout le soutien nécessaire des assureurs mobilisés et de l'État. Croyez en la détermination de l'État à supporter le coût de la tempête et les conséquences ultérieures. Nous le leur devons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre, quand on a tout perdu, rien ne serait pire qu'un espoir déçu. Il y a urgence à indemniser l'ensemble des secteurs agricoles touchés : serristes, maraîchers, mais aussi pépiniéristes, éleveurs, professionnels de l'agro-alimentaire, conchyliculteurs, pisciculteurs. En dépit des annonces présidentielles, tous ces acteurs se retrouvent seuls face à leur assureur.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Enfin, n'oublions pas les foyers toujours sans électricité et saluons l'esprit de solidarité qui a surgi au cœur de la crise. Les maires et les agents publics furent en première ligne de cette situation d'urgence qui nous a coupés du reste du monde, mais aussi les professionnels d'Enedis et leurs sous-traitants qui furent sur le pont dès la première heure, au péril de leur vie. Vous avez rendu hommage à l'agent d'Enedis décédé sur le terrain. Il est un héros du service public et il restera dans la mémoire collective.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Tempête Ciaran
Madame la Première ministre, dans le Finistère, nous en avons connu des tempêtes.
Pour tous, celle qui vient de dévaster la pointe de la Bretagne et le Nord-Ouest de la France avait un nom : Ciaran. Pour nous, habitants de la 8ème circonscription du Finistère, il restera un autre prénom, un autre nom et surtout un visage associé à cette terrible tempête, celui de Frédéric Despaux, agent d'Enedis, décédé en travaillant à rétablir l'électricité pour des milliers de Bretons. Il avait 46 ans et trois enfants.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement – Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent.
Originaire d'Auch, il était arrivé en renfort dans le cadre de la force d'intervention rapide d'électricité d'Enedis pour réparer le réseau électrique complètement dévasté. Je souhaite au nom des habitants de ma circonscription lui rendre hommage ainsi qu'à sa famille. Son sens du devoir nous honore.
Je veux aussi remercier et surtout féliciter le préfet du Finistère et ses services, tous les agents publics et les élus des collectivités locales, les forces de l'ordre, les pompiers et la sécurité civile, ainsi que les citoyens qui ont fait preuve d'une solidarité incroyable.
Si cette crise a été bien anticipée et gérée, des questions se posent néanmoins. Nous le savons, le dérèglement climatique aura pour effet de multiplier ces catastrophes. Nous sommes devenus dépendants aux télécommunications et la coupure totale de tous les réseaux mobiles et filaires a été particulièrement mal vécue par tous, habitants, élus et forces de l'ordre.
Il est primordial d'en tirer les leçons pour mieux anticiper et protéger la population. Dans la continuité du déplacement de Jean-Noël Barrot hier, que je remercie pour son soutien, je souhaite m'adresser à madame la Première ministre : comment l'État compte-t-il améliorer son plan de gestion de crise et d'adaptation au changement climatique pour améliorer la résilience des réseaux et leur capacité à rester opérationnels ?
J'exprimerai à mon tour ma solidarité et mon soutien aux victimes, à leurs familles et à leurs proches.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'aurai également une pensée pour tous ceux de nos concitoyens dont les biens ont subi des dégâts considérables. C'est vrai, le bilan est lourd mais il aurait pu être dramatique. Si nous avons pu faire face à ces épisodes climatiques exceptionnels, c'est grâce aux dispositifs d'alerte et de prévention mais aussi à la responsabilité de nos concitoyens.
C'est aussi grâce à la mobilisation exceptionnelle des sapeurs-pompiers, des équipes de secours, des collectivités, qui sont intervenus pour aider nos concitoyens, même au plus fort de la tempête. Je leur rends hommage.
Ces tempêtes, ces dérèglements climatiques, se reproduiront. Si les opérateurs de réseaux ont été très mobilisés ces derniers jours, y compris au prix de la vie d'un des agents d'Enedis, nous devons mieux anticiper ces phénomènes et nous préparer à faire face à des vents violents mais aussi à des inondations. J'ai une pensée pour tous les habitants du Pas-de-Calais qui subissent des inondations exceptionnelles. Le ministre de la transition écologique s'y rendra demain pour rencontrer les élus et nos concitoyens.
Nous devons améliorer nos dispositifs d'anticipation et renforcer la résilience des réseaux. C'est l'objectif du plan national d'adaptation au changement climatique auquel le ministre de la transition écologique travaille actuellement, en lien avec les collectivités.
Nous sommes aux côtés de nos concitoyens qui subissent le dérèglement climatique et nous travaillons pour mieux anticiper ces phénomènes et éviter d'être confrontés, demain, à des difficultés analogues à celles de ces derniers jours.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, depuis le 7 octobre, 163 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie, où le Hamas ne se trouve pas. La colonisation s'y renforce avec son lot de violence armée. À Gaza, chiffres repris par l'ONU, on compte 10 000 civils palestiniens tués dont 4 800 enfants, et 1,5 million de déplacés. Cité dans un article du Monde, un militaire israélien estimait vendredi dernier entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines les pertes du Hamas.
Cette évidente disproportion prouve que les civils palestiniens ne sont pas juste des victimes collatérales ou involontaires des représailles contre le Hamas, suite aux massacres abominables de ce dernier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les civils palestiniens sont directement ciblés.
Ces deux situations, la politique coloniale accrue en Cisjordanie et le nettoyage ethnique en cours à Gaza, répondent à l'objectif présenté par Benyamin Netanyahou le 23 septembre dernier à l'Assemblée générale de l'ONU, au moyen d'une carte absorbant la Cisjordanie et Gaza dans Israël. Objectif répété hier quand il assume qu'Israël prendra la responsabilité générale de la sécurité à Gaza.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cette entreprise n'obéit pas à un prétendu choc de civilisation : cette guerre est géopolitique. En conséquence, ne la transposons pas ici en guerre de religion : l'antisémitisme doit être combattu, comme l'islamophobie et le racisme !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
L'issue doit être politique.
Madame la Première ministre, lors du débat parlementaire du 23 octobre, vous sembliez engager la France dans cette voie : trêve humanitaire vers un cessez-le-feu, impliquant la libération de tous les otages du Hamas et l'ouverture de négociations pour un plan de paix sur la base d'une solution à deux États pour Israël et la Palestine. Or depuis la visite du chef de l'État en Israël, le terme même de cessez-le-feu a quasiment disparu de votre communication officielle. Nous sommes pourtant des millions dans le monde à exiger le cessez-le-feu immédiat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pouvez-vous nous dire si vous allez enfin le reprendre plus nettement à votre compte ? Si oui, quelle est la feuille de route de la France pour s'imposer en tant que voix pour la paix ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
La France est fortement préoccupée par la situation à Gaza et par l'urgence humanitaire. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a souligné dimanche, nous appelons sans ambiguïté à une trêve humanitaire immédiate.
Cette position ferme et claire, nous la tenons devant l'Assemblée générale des Nations unies qui a adopté la résolution de la Jordanie. Le Président de la République organisera jeudi à Paris une conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza autour de trois objectifs : faire respecter le droit international humanitaire,…
…protéger les civils et le personnel humanitaire, apporter une réponse humanitaire internationale dans les secteurs de la santé, de l'eau, de l'énergie et de l'alimentation et appeler à la mobilisation en faveur des civils de Gaza.
Rien, dans la lutte contre le terrorisme, n'autorise à s'abstraire du droit international humanitaire. Protéger les civils est une obligation internationale stricte. Chaque enfant, chaque infirmière, chaque journaliste qui meurt sous les frappes à Gaza est une vie perdue et c'est insupportable. L'emploi des infrastructures civiles par le Hamas en tant que sites militaires constitue une violation du droit international, qui doit être condamnée dans les termes les plus fermes. Enfin, nous condamnons fortement les exactions de nombreux colons, qui se multiplient.
Israël doit faire cesser ces violences et punir les auteurs avec la sévérité qui doit s'attacher à des actes aussi inacceptables.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Madame la première ministre, dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 novembre, la tempête Ciaran a balayé notre pays avec une intense violence. Les habitants de nombreux départements du littoral – je pense à ceux de la Manche – ont vécu des heures d'angoisse face à cette bombe météorologique. Le bilan humain est lourd : trois personnes décédées et quarante-sept blessés dont de nombreux pompiers. Je souhaite à mon tour rendre hommage à cet employé d'Enedis, venu en renfort d'Occitanie, et qui a trouvé la mort samedi soir alors qu'il travaillait pour rétablir l'alimentation électrique dans le Finistère.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem – M. Marc Le Fur applaudit aussi.
Mes pensées comme celle des membres de la représentation nationale s'adressent à sa famille et à ses proches.
Je souhaite par ailleurs remercier vivement les services préfectoraux. À l'image du préfet de la Manche, Xavier Brunetière, les sapeurs pompiers, les forces de l'ordre, les gendarmes, les policiers nationaux et municipaux, les maires et les élus locaux, les employés communaux, les soignants, se sont tous mobilisés pour alerter leurs concitoyens puis pour gérer la situation de crise.
Sans cette anticipation d'ampleur et cet engagement de tous, le bilan humain aurait vraisemblablement été plus dramatique encore. Le bilan matériel est, quant à lui, considérable : arbres déracinés et parfois tombés sur des maisons ou des voitures, vitres brisées, toitures envolées… Les assureurs font état de plus de 300 000 déclarations de sinistre enregistrées.
En déplacement en Bretagne samedi, le Président de la République a tenu à rencontrer des personnes sinistrées pour leur apporter son soutien. Il leur a d'ailleurs promis l'activation rapide de l'état de catastrophe naturelle et de celui de calamité agricole, qui permettent l'un et l'autre l'indemnisation systématique des victimes.
Alors que nombre de nos concitoyens sont toujours privés d'électricité, pouvez-vous nous confirmer que tous les départements touchés par la tempête Ciaran seront bien concernés par ces deux mesures ? Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la date de publication des décrets au Journal officiel ainsi que sur les obligations imposées aux assureurs, afin qu'aucun de nos concitoyens touchés ne soit oublié ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il a encore de la poussière sur la veste, tellement il s'est roulé par terre !
Vous l'avez rappelé, la Manche a été très fortement touchée par la tempête Ciaran, de même que le Finistère – Mélanie Thomin et Erwan Balanant l'ont évoqué à l'instant – et une partie de l'Europe. Vous l'avez tous relevé, les services de l'État ont été massivement présents, notamment les 20 000 pompiers qui ont effectué 13 000 interventions. Autrement dit, après le déclenchement du dispositif de catastrophe naturelle, on a pris la dimension de ce véritable drame, qui a causé trois décès. La Première ministre l'a dit, heureusement que le système FR-Alert avait été déployé par le ministère de l'intérieur ! Il a permis de prévenir par SMS toutes celles et tous ceux qui étaient dans une situation de fragilité.
Vous avez posé une question simple et claire. Nous avons pris la décision de déclarer l'état de catastrophe naturelle pour tous les territoires qui ont été touchés. Olivier Véran l'a indiqué, la commission interministérielle compétente se réunira le 14 novembre prochain. Il appartient aux communes de constituer des dossiers.
J'en viens aux questions agricoles. Certains ont tout perdu ; ils ont perdu le fruit de l'activité professionnelle qu'ils ont déployée pendant de longs mois. Il appartient aux experts et aux assureurs d'établir les diagnostics dans les meilleurs délais. Je vous annonce que le fonds national de gestion des risques en agriculture a été activé, de même que le système assurantiel créé par ce gouvernement. Les agriculteurs ne seront pas oubliés ; ceux qui ont tout perdu ne seront pas oubliés. Nous sommes là.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.
« Contre ma volonté, j'ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison et du plus sauvage triomphe de la brutalité ; jamais […] une génération n'est tombée […] d'une telle élévation spirituelle dans une telle décadence morale. » Quand il écrit ces mots, Stefan Zweig a fui la barbarie nazie et un continent submergé par la haine antisémite que les démocraties n'avaient pas su étouffer à temps. Zweig ne survivra pas à une civilisation qu'il sait défigurée, notre civilisation qui est, comme l'écrivait Malraux, « la part de l'homme que les camps auront voulu détruire ».
Alors que le peuple israélien a subi les pires atrocités, nous devons constater, hélas, que le soutien indéfectible qu'aurait dû recevoir Israël est meurtri par un effroyable relativisme…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit aussi.
Pis encore, l'hydre odieuse de la haine des Juifs ne vient pas s'écraser contre un mur unanime de boucliers et de glaives que nos démocraties lèveraient pour l'abattre ,
Exclamations sur quelques bancs
mais se fraye un chemin à travers l'indifférence, la lâcheté et le clientélisme. L'hydre antisémite s'abreuve encore dans le caniveau des extrémismes, mais sa source essentielle, cardinale, est désormais l'islamisme.
L'islamisme, eau souterraine que les nations ont laissé s'infiltrer, jaillit à nos visages et peut nous submerger faute de réaction à la hauteur de la catastrophe. Dans nos rues et nos écoles, au sein des médias, du sport, de la culture et même des plus grandes universités, la haine des Juifs est partout, de l'insulte jusqu'aux meurtres.
Exclamations sur divers bancs.
Qu'avons-nous fait du devoir de mémoire ? Avons-nous oublié que la barbarie triomphe des illusions des gens de bien, qui pensent vaincre par la simple raison ? Je dis « nous » car, dans un tel moment, aucune division n'est tolérable.
Marc Bloch affirmait ne revendiquer son origine que face à un antisémite. Il est temps que la France, la République, revendique sa civilisation, ses valeurs et son destin contre les antisémites. Alors qu'à Beaucaire, un imam n'a reçu qu'une peine dérisoire pour avoir professé la haine des Juifs, force est de constater…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – MM. Nicolas Dupont-Aignant et Meyer Habib applaudissent aussi.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
L'antisémitisme qui s'exprime sur les frontons de nos maisons, sur les portes des immeubles ou dans les injures lancées dans les rames de métro ; cet antisémitisme en raison duquel une partie de nos concitoyens n'osent plus faire leurs courses normalement, mettre leurs enfants à l'école normalement, aller au travail normalement, prendre les transports en commun normalement ; cet antisémitisme est un fléau que nous condamnons tous et que nous devons combattre avec acharnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Il est autant une hérésie temporelle qu'un anachronisme.
Cet antisémitisme n'est pas né au lendemain du 7 octobre.
Il y avait un antisémitisme pernicieux, insidieux, parfois révélé par des actes antisémites. Je rappelle que la France déplorait déjà plusieurs centaines d'actes de cette nature chaque année. Dans l'esprit de certains croît désormais l'idée que cet antisémitisme aurait vocation à exploser au grand jour, comme s'il était légitimé par le conflit israélo-palestinien.
Ceux qui ont toujours haï les Juifs en secret pourraient enfin le faire dans la sphère publique et à raison. Nous tous, dans cet hémicycle, combattons cet antisémitisme.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Monsieur Tanguy, je ne peux imaginer qu'un député de la nation puisse ne pas combattre l'antisémitisme. Vous pointez l'extrême gauche ; je vais vous pointer vous. Vous êtes le parti de la flamme. Je le dis sans esprit de polémique, il n'y a pas un bon antisémitisme et un mauvais antisémitisme ; il n'y a qu'un antisémitisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT. – M. Michel Herbillon applaudit aussi.
Quand le président de votre parti politique refuse de reconnaître, il y a deux jours, que le président fondateur du Front national a été condamné par la justice française pour antisémitisme, il ne sert pas la cause que vous prétendez défendre.
Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT. – M. Antoine Vermorel-Marques applaudit aussi. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Soyons tous unis, une fois pour toutes, contre l'antisémitisme ; soyons-le sans réserve, sur tous les bancs de l'hémicycle ! Nous affirmerons ainsi la grandeur de la France.
Les députés des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT se lèvent et applaudissent. – Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe RN.
Un peu de silence, s'il vous plaît ! Un peu de respect pour votre collègue qui va s'exprimer !
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, une grande partie du littoral français a subi il y a quelques jours, coup sur coup, deux tempêtes de très grande ampleur. Dans de nombreux secteurs, il faut encore gérer des inondations et des crues. Hélas, nous avons appris que deux personnes étaient décédées, qu'un agent d'Enedis en intervention avait lui aussi trouvé la mort et que quarante-sept personnes avaient été blessées. Je voudrais en votre nom adresser à leurs familles toutes nos pensées et nos sincères condoléances.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem. – M. Ian Boucard applaudit aussi.
Malgré ce contexte, grâce à une information abondante et une anticipation sans précédent, notamment dans le domaine des transports, nous avons pu éviter une catastrophe plus importante. Je voudrais ici rendre hommage à tous ces hommes et ces femmes qui ont été et sont encore, à cette heure, sur le terrain pour permettre à nos concitoyens de retrouver ici l'électricité, ici l'eau, ici un toit,…
Ils avaient tous un statut, notamment les cheminots ! Vous les avez remerciés en supprimant leur statut !
…particulièrement à ces élus des communes rurales, toujours en première ligne pour déblayer et réparer les dégâts dans leur commune, en utilisant souvent leur matériel personnel – j'ai pu le constater tout au long du week-end en Seine-Maritime.
Les dégâts sont colossaux : des toitures envolées, des bâtiments effondrés, des arbres tombés sur des bâtiments publics ou privés, des exploitations agricoles dévastées. Le montant des indemnisations devrait donc être très élevé.
Ce qui inquiète les collectivités, ce sont les montants des primes qui leur sont demandés pour s'assurer, tout simplement. En effet, devant la multiplication des risques, certains assureurs se désengagent ; les seules compagnies qui candidatent sont en situation de quasi-monopole. Vous le savez, monsieur le ministre, les tarifs et les franchises s'envolent. Vous avez confié à ce sujet une mission à MM. Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès. Qu'en attendez-vous ?
Si l'on souhaite qu'en 2026, il y ait encore des maires dans les communes rurales, il va nous falloir trouver des solutions très vite.
Les maires ne rempileront pas dans ces conditions, c'est-à-dire s'ils sont obligés de devenir leurs propres assureurs alors qu'ils sont confrontés à des aléas climatiques de plus en plus fréquents.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je souscris bien évidemment à tout ce qui a été dit avant la minute de silence et l'hommage solennel que nous avons rendu aux victimes des tempêtes et des crues.
J'insiste sur le fait que nous connaissons en ce moment même des crues qui atteignent des niveaux historiques, en particulier dans le Pas-de-Calais. Les consignes de prudence émises par les autorités locales doivent être répétées à l'envi, d'autant que les prévisions météo n'annoncent pas d'amélioration de la situation dans les prochains jours. Je me rendrai demain sur place, à la demande de la Première ministre.
S'agissant de l'indemnisation des dommages subis par les collectivités, je souhaite dire trois choses.
La première concerne le très court terme. Dans les contrats d'assurance figure une clause relative aux tempêtes. Toutes les collectivités et tous les particuliers doivent la faire jouer, indépendamment de ce que l'État pourra décider, le 14 novembre prochain, sur le fondement des textes existants.
Deuxièmement, il existe un fonds de solidarité, issu de la fusion d'une dotation destinée aux collectivités touchées par une catastrophe naturelle et d'une dotation destinée aux collectivités affectées par des calamités publiques. Grâce à ce fonds, les collectivités peuvent bénéficier de crédits allant de 150 000 à 6 millions d'euros pour leurs ouvrages d'art, leurs infrastructures, leurs parcs et jardins, leurs digues ou leurs stations d'épuration. Ces crédits sont activables.
Troisièmement, le sujet qui est devant nous est celui de l'accélération des catastrophes naturelles, compte tenu du dérèglement climatique.
Une mission spécifique pilotée par Bercy dans le cadre du plan national d'adaptation au changement climatique débouchera prochainement. Elle concerne aussi bien le retrait-gonflement des argiles que l'érosion du trait de côte et la multiplication des vagues-submersion.
Il convient de prendre en considération tout ce contexte, y compris les émeutes du début du mois de juillet. Compte tenu du nombre de communes qui cessent de s'assurer, un maire et un assureur sont chargés de nous rendre dans les jours qui viennent un rapport assorti de préconisations en vue d'éviter une telle explosion des franchises et de concevoir un nouveau dispositif de soutien aux collectivités.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Monsieur le ministre délégué chargé du logement, nous avons mis cinq années à vous convaincre et vous avez enfin pris de bonnes résolutions ! Vous abordez désormais la rénovation des logements dans une approche globale et performante. Le rôle de l'accompagnateur France Rénov' est devenu central dans le parcours de rénovation. MaPrimeRénov' a été toilettée : elle repose sur deux piliers, l'efficacité et la performance. Vous avez multiplié vos objectifs par trois, en passant de 70 000 à plus de 200 000 rénovations complètes par an. Bien sûr, nous sommes encore loin des objectifs du Haut Conseil pour le climat, qui préconise 370 000 rénovations complètes par an, mais la volonté est là.
Pour atteindre vos objectifs, vous avez annoncé il y a quelques semaines l'attribution de 1,6 milliard d'euros supplémentaires à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour financer MaPrimeRénov', notamment en faveur des plus modestes. Jusque-là, tout allait bien, mais les choses se sont gâtées au moment de l'examen du budget : force est de constater que les crédits dévolus à l'Anah ne sont pas au rendez-vous. On a beau fouiller dans vos budgets, dans les missions Écologie, développement et mobilité durables, Plan de relance et Cohésion des territoires, il manque tout de même 700 millions d'euros !
Vous nous avez indiqué que ces 700 millions proviendraient des recettes issues de la vente des quotas carbone. Or nous les avions déjà en 2022. Autrement dit, il ne s'agit pas de crédits supplémentaires, contrairement à ce qui a été annoncé. Ma question est toute simple : où sont les 700 millions qui manquent au respect de votre parole ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Le Gouvernement a effectivement engagé un effort sans précédent pour 2024. Je vous confirme que ce sont bien 5 milliards d'euros qui sont envisagés pour la rénovation énergétique des logements, soit une hausse de 1,6 milliard par rapport à 2023.
Les 700 millions d'euros issus de la vente des quotas carbone, que vous avez évoqués, figurent bien dans le projet de loi de finances. À cela s'ajoute le reliquat de la trésorerie de l'Anah. Celle-ci pourra donc voter un budget de 4,6 milliards pour la rénovation énergétique des logements en 2024. Je l'ai déjà évoqué, nous consacrerons en outre 400 millions à la rénovation des logements sociaux locatifs. Un budget de 4,6 milliards voté par l'Anah et 400 millions pour le parc social, cela fera bien 5 milliards pour 2024.
Concernant la rénovation globale, il est vrai que, jusqu'à présent, MaPrimeRénov' a essentiellement privilégié le monogeste. Avec les organismes chargés d'accompagner les propriétaires dans la rénovation de leur logement, nous avons pris un tournant et élevé son ambition. Vous avez évoqué 200 000 rénovations globales envisagées pour 2024. Nous n'en sommes pas encore à 360 000, mais c'est un pas dans la bonne direction. Je vous confirme les 5 milliards d'euros prévus pour 2024.
Je vous remercie de votre réponse. Toutefois, je le répète, les quotas carbone ne sont pas des recettes supplémentaires et les incertitudes budgétaires méritent une réponse plus précise. Nous avons besoin de ces 700 millions d'euros pour rénover efficacement les logements. C'est un enjeu écologique et social, mais aussi un besoin pour l'économie locale. Le 49.3 nous privera de débat budgétaire ; ne nous privez pas de ces crédits et inscrivez fermement ces 700 millions d'euros dans le budget.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT. – Mme Julie Laernoes applaudit également.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Depuis votre prise de fonctions, en juillet dernier, vous avez fait de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité de votre action. Votre engagement total a permis la libération de témoignages. Ces témoignages, nous nous y sommes parfois retrouvés, nous les avons parfois découverts.
Oui, il faut témoigner : témoigner des tourments incessants et de leur prolongement dans l'espace numérique ; témoigner pour mieux dire stop au harcèlement ; témoigner parce qu'on est victime ; témoigner parce qu'on l'a été, même des années après ; témoigner, pourquoi pas, parce qu'on a harcelé, parfois sans le vouloir, parfois sans le savoir ; témoigner, aussi, parce que nous sommes tous les témoins du harcèlement d'autres personnes. Détecter la situation pour mieux la régler : c'est aussi cela, la vigilance partagée. Le harcèlement n'implique pas seulement une relation entre un auteur et une victime. L'y réduire, ce serait encore plus isoler celle-ci. Dorénavant, plus personne ne doit être seul face au harcèlement. Celui-ci implique toute la communauté, la communauté éducative comme la communauté nationale. C'est toute notre communauté que vous avez invitée à se mobiliser.
Le jeudi 9 novembre sera la journée nationale de lutte contre le harcèlement dans tous les établissements scolaires de France. Vous avez évoqué des heures prévues pour permettre à toutes et à tous d'échanger. Vous avez également parlé d'un questionnaire d'auto-évaluation pour mieux détecter ces situations à l'école. Pouvez-vous nous préciser comment se déroulera cette journée ? Et, parce que je connais votre attachement à cultiver l'empathie, que prévoyez-vous auprès des élèves, de leurs enseignants et de leurs parents après cette journée ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Vous l'avez dit : cette semaine est décisive dans le combat que nous menons, sous l'autorité de la Première ministre, contre le harcèlement, lequel s'est concrétisé dans un plan présenté il y a quelques semaines.
Chaque année a lieu une journée nationale de lutte contre le harcèlement. En général, elle réunit un tiers des établissements, qui organisent des actions autour du harcèlement. Cette année, nous avons voulu donner à cette journée une ampleur inédite. Jeudi prochain, les cours s'arrêteront pendant deux heures dans toutes les classes de France pour un temps dédié à la lutte contre le harcèlement. Les équipes éducatives échangeront avec les élèves sur ce phénomène et un outil d'auto-évaluation sera proposé à tous les élèves. Ce questionnaire a été construit avec des spécialistes de la santé mentale de l'enfant et de l'adolescent et des spécialistes du climat scolaire : le professeur Marcel Rufo, Éric de Barbieux et le docteur Nicole Catheline. En effet, on constate que les élèves qui subissent du harcèlement finissent malheureusement par élever leur seuil de tolérance, sans même s'en rendre compte, et acceptent, pour se protéger eux-mêmes, des choses qui ne peuvent pas être acceptées. Ce questionnaire permettra de libérer davantage la parole. Il nous permettra aussi de collecter des données actualisées au niveau national : les dernières données sur le harcèlement dont nous disposons datent de 2011, à l'époque, TikTok et Snapchat n'existaient pas.
J'invite évidemment les parlementaires à se mobiliser pour cette journée très importante. Nous pousserons plus loin notre action avec le développement de temps dédiés à l'apprentissage de l'autre, de la différence, de la tolérance et de la bienveillance dans toutes les écoles primaires dès la rentrée de septembre prochain, et dans une école par département à partir de janvier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
Enfin, un module numérique sera proposé aux parents en janvier 2024 pour les accompagner dans le repérage des signaux faibles du harcèlement à la maison. C'était une demande très forte de leur part.
Le plan présenté par la Première ministre est suivi d'une mobilisation collective. Nous continuerons d'avancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem, HOR et GDR – NUPES.
Madame la Première ministre, laissez-moi vous citer. « En tant que garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti a toute ma confiance et fait un excellent travail ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Je conçois qu'il soit difficile pour vous d'admettre qu'une nouvelle affaire touche votre Gouvernement. Nouvelle, et pas des moindres : le ministre de la justice poursuivi par sa propre justice ! C'est kafkaïen ; c'est une plaisanterie. Mais, dans une République dont Emmanuel Macron est le président, c'est possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
C'est une première sous la V
Un garde des sceaux qui est soupçonné d'avoir utilisé son ministère et les services qui en dépendent pour régler ses comptes.
Un garde des sceaux qui, depuis juillet 2021, est obsédé par sa défense : un recours devant le Conseil constitutionnel, huit pourvois en cassation, ce qui représente des heures à éplucher la jurisprudence, des heures de réunions avec ses avocats, des heures pour préparer sa défense, des heures où il n'est pas ministre.
Un garde des sceaux, qui pendant quinze jours, sera empêché dans l'exercice de ses fonctions. Un garde des sceaux qui s'autorise, non pas un, mais deux bras d'honneur dans cet hémicycle, lorsqu'un président de groupe ose évoquer la procédure en cours.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Un garde des sceaux qui se pose en victime et qui ose parler d'infamie quand son action est interrogée.
Madame la Première ministre, la jurisprudence Balladur – « un ministre mis en examen, il démissionne » –…
…avait une raison d'être : garantir qu'un ministre soit pleinement et complètement dédié à sa tâche, au service des Français et de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Ma question est simple : qu'est-ce que cela fait de diriger un Gouvernement sans garde des sceaux depuis mai 2022 ?
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Il y a, dans notre État de droit, un principe auquel je tiens :
« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'imagine que vous y êtes également attachée. Le ministre de la justice, comme toutes et tous, y a droit.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.
Le procès s'est ouvert hier et il durera jusqu'au 16 novembre. Comme vous l'imaginez, je ne ferai aucun commentaire sur une procédure en cours.
Durant cette période, des mesures d'organisation pratique classiques ont été prises. Je vous rassure, la continuité de l'État et de l'action gouvernementale est assurée.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je le répète, comme garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti a toute ma confiance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Comme tous ici, nous sommes attachés à la présomption d'innocence. La question est de savoir si le Gouvernement est attaché au principe de probité. Apparemment, la réponse est non.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Les attaques du loup se multiplient. J'étais déjà intervenue, il y a trois ans, pour alerter le Gouvernement sur l'impossible cohabitation dans le bocage du Charollais-Brionnais de ce prédateur avec un mode d'élevage pastoral traditionnel. La surprotection dont bénéficie aujourd'hui le loup a entraîné sa prolifération et désespère les éleveurs ovins et bovins, qui voient souvent des années de sélection génétique anéanties par la répétition d'actes de prédation.
Pour la première fois en Saône-et-Loire, berceau de l'élevage, des chevaux ont été victimes du loup, il y a quelques jours. Une pouliche de 18 mois, agonisante, a dû être euthanasiée. De ce bien-être animal, les tenants de la réintroduction des grands prédateurs ne soufflent mot.
Pourtant, c'est un drame pour ce couple d'éleveurs qui a travaillé jour et nuit afin de faire de son haras le plus important des haras privés de pur-sang anglais de Bourgogne. Cette réussite est aujourd'hui fragilisée par la perte de cette pouliche issue d'une très belle souche, qui échappe à tout barème d'indemnisation, mais surtout par la crainte de certains propriétaires qui, redoutant les récidives, ne veulent plus mettre leurs chevaux en pension.
La version actuelle du prochain plan Loup continue d'ignorer l'ampleur du problème…
…et semble reléguer au second plan le sort des éleveurs, à qui elle propose un accompagnement psychologique. Ce n'est pas d'une aide psychologique qu'ont besoin les éleveurs, mais de mesures fortes qui témoignent du soutien de l'État au monde agricole, des mesures à même d'endiguer ce qui s'apparente de plus en plus à un fléau créé par des citadins ignorant tout des réalités rurales.
Monsieur le ministre, comptez-vous instaurer une indispensable procédure d'abattage rapide, sans passer par l'étape de la gradation des tirs, comme cela se fait déjà en Autriche et en Suisse ? Allez-vous permettre aux éleveurs à la fois dépités et en colère de retrouver la sécurité et la sérénité sans lesquelles beaucoup renonceront à leur beau métier ? Allez-vous écouter la voix des territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Plusieurs députés m'ont saisi, comme vous, de la question de la prédation du loup. Vous avez raison de dire que ce n'est pas principalement un préjudice économique que subissent les éleveurs mais, souvent, un préjudice psychologique, avec le sentiment qu'ils n'arriveront pas à poursuivre leur activité d'élevage. Votre département est particulier car il est considéré comme un front de colonisation. Le loup y est réapparu en 2019 et les attaques se sont multipliées depuis. Depuis janvier dernier, 219 animaux ont été tués par des loups, et nous sommes encore en cours d'année.
Avec le plan Loup actuel – je parlerai ensuite du plan Loup futur –, nous avons décidé de renforcer les moyens présents sur le territoire, en particulier ceux de la brigade loup, qui intervient depuis plusieurs semaines, pour garantir que les tirs prévus seront effectués. Sur les fronts de colonisation se pose en effet la question de la professionnalisation des louvetiers ; les deux brigades loup qui existent désormais sont chargées de leur formation.
Avec le futur plan Loup, qui se déploiera à partir du 1er janvier 2024, nous avons essayé de tenir une position d'équilibre.
Le premier élément de ce plan est un travail, que nous effectuons en collaboration avec le ministère de la transition écologique, consistant à réinterroger le statut du loup, compte tenu de l'évolution de la population ; en effet, à partir d'un certain effectif, on peut se poser la question de l'évolution de ce statut au niveau européen.
Le deuxième élément, celui qui concerne votre département, est la question de la non-protégeabilité d'un certain nombre de troupeaux.
Vous êtes dans une zone où, compte tenu du bocage, de la densité et du type d'élevage, il n'est pas vraiment possible de protéger les troupeaux.
Le troisième élément est la prise en charge des pertes indirectes ; jusqu'ici, seules les pertes directes étaient concernées.
Le quatrième élément est la simplification des tirs.
Voilà les éléments posés dans le plan Loup, actuellement soumis à la consultation, et qui permettront, je le crois, de trouver des perspectives plus sereines pour les agriculteurs et pour les éleveurs qui souffrent beaucoup de cette prédation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Jean-Yves Bony applaudit également.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.
Hier, je lis sur les réseaux sociaux : « Il est 11 heures 25 : en France, les femmes travaillent désormais gratuitement jusqu'à la fin de l'année. Mixité des métiers, orientation professionnelle, accès aux postes à responsabilité, égalité salariale : nous devons agir sur tous les leviers. J'y veillerai. » Je me dis : quel programme, quelle ambition, quelle volonté politique ! Voilà quelqu'un qui mériterait d'être aux responsabilités. Je prends le temps d'en regarder l'auteur : c'est vous. Quelle hypocrisie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour ce qui est de la mixité des métiers, 92 % des assistantes maternelles et 87 % des aides-soignantes sont des femmes. Vous espérez que cela changera par la formation professionnelle, mais il y a près de 90 % de filles dans les filières sanitaires et sociales, dans lesquelles les emplois sont les plus mal rémunérées avec, souvent, du temps partiel subi. Quelle hypocrisie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Marcellin Nadeau applaudissent également.
Pour l'accès aux postes à responsabilité, vous pourrez au moins vous satisfaire d'être Première ministre.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale en commission, nous avons formulé des propositions pour aboutir à l'égalité salariale. Résultat : rien. Les écarts de salaire entre les femmes et les hommes ne se réduisent quasiment pas. Si le rythme actuel est maintenu, les femmes devraient gagner autant que les hommes en 2234.
Mêmes mouvements.
Quel sens des priorités ! Nous proposions, par exemple, que l'accès aux subventions publiques et aux exonérations de cotisations soit réservé aux structures respectant strictement l'égalité salariale. Vos députés ont voté contre. Quelle hypocrisie !
Mêmes mouvements.
Madame la Première ministre, obnubilée par l'idée d'atteindre l'égalité de 49.3 entre les femmes et les hommes, vous en oubliez l'essentiel : les propositions de vos oppositions.
Ma question est simple : maintenant que vous avez fini de veiller, quand comptez-vous réellement agir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES, continuant d'applaudir, se lèvent.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Nous pouvons certainement nous retrouver sur un premier constat : les inégalités salariales sont inacceptables
M. Loïc Prud'homme applaudit
et le principe de l'égalité salariale, qui a été fixé en 1972, a encore des difficultés à s'imposer puisqu'il n'est pas parfaitement respecté.
Oui, mais ce qu'on vous demande, ce ne sont pas des constats : ce sont des actions !
Une partie des inégalités de salaire que nous savons expliquer relève d'une culture de la discrimination entre femmes et hommes, qui n'est pas acceptable.
Que pouvons-nous faire pour combattre ce phénomène ? D'abord, nous devons conforter ce que nous avons commencé à faire. Depuis 2019, nous disposons d'un index qui mesure l'égalité professionnelle ;…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…s'en sont ensuivies 772 mises en demeure et 45 pénalités ont déjà été infligées. En 2021, vous avez adopté la proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, afin de renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans les plus grandes entreprises ; nous veillons évidemment à sa bonne application.
Toutefois, il faut aller plus loin. Aller plus loin, cela passe par les chantiers que la Première ministre, ma collègue Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et moi-même avons ouvert lors de la conférence sociale. Aller plus loin, c'est lutter contre le temps partiel subi : ce sera une priorité du Haut Conseil des rémunérations, car c'est l'une des premières explications à cette grande différence entre le salaire des hommes et celui des femmes. Aller plus loin, c'est faire en sorte que l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soit évalué et révisé pour être amélioré et devenir plus coercitif, donc plus efficace.
Enfin, aller plus loin, c'est mettre en œuvre les dispositions de la directive européenne sur la transparence et l'égalité salariale. La France a jusqu'à fin 2026 pour le faire, et nous avons dit, Mme la Première ministre, Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et moi-même, que ce dispositif sera transposé d'ici début 2025 ; je ne doute pas pouvoir compter sur votre soutien.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'avantage d'être élus, madame la Première ministre, c'est que notre indemnité n'est pas pénalisée par l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes. Nous ne sommes pas bénévoles depuis hier matin : vous auriez pu me répondre !
Sachez tout de même qu'appliquer l'égalité salariale financerait les retraites et permettrait aux Français de partir à la retraite à 60 ans ! Ambitieux, non ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Jean-Victor Castor et Benjamin Lucas applaudissent également. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES, continuant d'applaudir, se lèvent.
Dans quelques jours, nous nous remémorerons les attentats du 13 novembre 2015. Malgré notre réponse ferme, l'islam radical continue de se déployer en France et dans le monde. Il a choisi ses ennemis et les désigne : les laïcs, les intellectuels, les femmes, les homosexuels, les Juifs. Tous les républicains, tous les démocrates sont visés.
Mme Émilie Bonnivard applaudit.
En effet, cette idéologie haineuse n'a qu'un ennemi : notre République, héritière des Lumières, et ses combats pour la liberté et l'émancipation. Il en a frappé les symboles, les visages : nos soldats, nos policiers et nos gendarmes, nos enseignants. Il y a huit ans presque jour pour jour, il a frappé le cœur battant de notre société, notre jeunesse, et il cherche encore à la manipuler.
L'islamisme n'a qu'un projet : détruire notre démocratie. Il n'a qu'un moyen pour le faire : radicaliser les esprits et les faire basculer dans la violence et la terreur.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
Depuis des décennies, nous apprenons, nous nous adaptons, nous réagissons. Aujourd'hui plus que jamais, face aux actes antisémites que subissent nos compatriotes juifs, aucune voix républicaine ne doit manquer dans ce combat !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mmes Émilie Bonnivard et M. Alexandre Sabatou applaudissent également.
Nous devons nous battre pour pouvoir vivre nos croyances et nos convictions intimes en nous respectant mutuellement, pour que les visages de la République ne se sentent plus abandonnés mais se sachent soutenus par tout un peuple, pour que notre jeunesse reprenne le flambeau des Lumières en étant convaincue qu'elles seules garantiront son émancipation.
Dans nos écoles et nos universités, dans nos services publics, nos clubs de sport et nos familles, nous devons nous battre pour ce que nous avons en commun et refuser une société des communautés.
Quelles sont les actions que vous envisagez, monsieur le ministre de l'intérieur, pour œuvrer à une riposte partagée de lutte contre l'islamisme ? C'est à ce prix que nous retrouverons enfin le chemin du commun, celui d'un peuple aux multiples facettes mais uni par une même fraternité, dans l'amour de la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Je partage entièrement votre analyse quant au travail de sape que mène l'islamisme radical. Il se déploie dans toutes les sphères de la société, dans les quartiers populaires, dans les services publics, dans le tissu associatif, dans les pratiques sportives ou encore à l'école de la République. Face à ce danger, le Président de la République a appelé, lors de son discours des Mureaux, le 2 octobre 2020, à défendre avec force les valeurs de notre République, à nous opposer au repli communautaire et au séparatisme.
Monsieur le député, le Gouvernement a déployé une stratégie globale, vous le savez, de lutte contre le séparatisme islamiste, qui vise à entraver toutes les initiatives contraires aux fondamentaux et aux fondements de notre République, à amplifier l'ensemble des actions en faveur de l'égalité des chances sur tous les territoires, et à accompagner la structuration du culte musulman dans notre pays face à dérives extrémistes de l'islamisme.
Je veux également rappeler qu'une loi fondamentale pour la lutte contre le séparatisme islamiste, la loi confortant le respect des principes de la République, a été promulguée le 24 août 2021. Près de 30 000 opérations de contrôle ont été effectuées par les services compétents, 1 072 établissements séparatistes ont été fermés à titre temporaire ou définitif, 786 signalements ont été établis par les préfets en vertu de l'article 40 de la loi susmentionnée, et 949 étrangers radicalisés ont été expulsés ou maintenus hors du territoire.
Monsieur le député, face à l'islamisme radical, le Gouvernement est plus que jamais mobilisé. Vous pouvez compter sur toute ma détermination – je vous le dis droit dans les yeux, parce que vous connaissez mes combats – pour lutter pied à pied contre toutes les atteintes à nos valeurs et aux principes fondamentaux de notre République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ma question, qui s'adresse à Mme Olivia Grégoire, est un cri d'alerte, aussi fort que la situation est urgente. Elle l'est dans l'Hexagone mais aussi chez moi à La Réunion, où les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) représentent 95 % du tissu économique et sont en souffrance.
Ce cri d'alerte a été poussé par le CSAPR, le collectif des syndicats et associations professionnels de La Réunion, et par l'ORTPE, l'organisation réunionnaise des très petites entreprises, qui représentent ces hommes et ces femmes courageux, ces carreleurs, ces boulangers, ces plombiers, ces charcutiers qui se lèvent chaque matin pour faire tourner l'économie réunionnaise. Leurs entreprises sont les premiers employeurs de l'île, mais ces hommes et ces femmes croulent sous le poids des charges sociales et n'ont plus les moyens de venir à bout des dépenses, en raison du caractère inéquitable de leur taxation. Si l'on ne fait rien, ce sont 15 000 entreprises qui risquent la fermeture ; les conséquences en seront néfastes pour l'emploi, dans un territoire où le chômage atteint déjà 18 %.
Les TPE et les PME méritent autant d'intérêt que les géants de l'économie réunionnaise. Oui, vous avez aidé Air Austral et Run Market, mais, maintenant, les TPE et les PME attendent de vous le même soutien et la même volonté pour les aider à traverser cette crise. Vous avez aidé Goliath, il faut désormais aider David ! Plus récemment, des annonces de l'Inspection générale des finances (IGF) ont été traduites dans un amendement soutenu par votre majorité, qui prévoit de supprimer des mécanismes de défiscalisation destinés aux sociétés ultramarines : c'est un nouveau coup bas porté à nos entreprises locales.
Madame la ministre déléguée, je sais pouvoir compter sur vous quand il s'agit de défendre l'économie. Échelonner voire supprimer les dettes, suspendre les poursuites le temps de permettre l'apurement du passif, réadapter le système de calcul des cotisations aux économies insulaires, maintenir le dispositif de défiscalisation : voilà les solutions que je vous demande de considérer. Êtes-vous disposée à écouter ce cri d'alarme ? Pour défendre, il faut comprendre : je vous invite à vous rendre dans nos territoires pour vous rendre compte que l'État doit apporter son soutien aux TPE et aux PME.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Mme Maud Petit applaudit également.
Olivia Grégoire et moi-même, nous soutenons depuis longtemps les TPE et les PME, mais aussi les PMI – petites et moyennes industries – et les ETI – entreprises de taille intermédiaire –, parce que ce sont celles qui sont les plus pourvoyeuses d'emplois, en particulier dans le département que vous avez l'honneur de représenter, La Réunion. Si l'année 2022 a été une très belle année, notamment dans le domaine du tourisme – la création d'emplois a augmenté de plus de 20 % dans ce secteur –, mais aussi dans l'industrie, où l'activité a augmenté de 6 %, et dans l'agriculture, où la hausse a été de 5 %, il est vrai que la situation est plus difficile en 2023.
De ce fait – vous le savez parce que vous avez été très présent hier soir, lors de l'examen des crédits de la mission "Outre-mer" du projet de loi de finances pour 2024 –, nous avons renforcé, pour 2024, les exonérations de charges dites Lodeom, instituées par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Vous savez que dans les zones franches, de nouveaux secteurs d'activité seront concernés par des dispositifs de défiscalisation encore plus avantageux en 2024.
Vous savez que nous travaillons sur la vie chère, notamment par la réforme de l'octroi de mer ainsi que dans le cadre de la mission de lutte contre les monopoles économiques dans les outre-mer, qui a été lancée par Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et moi-même, afin de faire en sorte que les TPE et les PME soient mieux protégées.
Vous savez que nous travaillons à une mesure essentielle, qui va se concrétiser – je le dis à tous les députés présents : le label RUP (régions ultrapériphériques) va remplacer le marquage CE (certification européenne) en outre-mer, ce qui permettra d'y faire baisser fortement le prix des matériaux. Voilà vingt ans que nous attendons cette réforme ; au mois de mars 2024, nous verrons le bout du chemin
M. Frédéric Maillot acquiesce
et je vois que vous le reconnaissez. Il a été si difficile d'y parvenir !
Nous faisons également un effort en matière de formation. L'accès aux formations étant dépendant de la mobilité, nous augmentons de 30 % les crédits relatifs à la mobilité pour 2024.
Enfin, La Réunion est une terre d'innovation. J'étais il y a quelques semaines, vous le savez, dans votre région, et j'ai vu à quel point elle abritait des start-up très innovantes. J'y serai à nouveau le 30 novembre ; comptez sur moi pour soutenir plus encore les start-up, car elles montrent le dynamisme et le rayonnement de l'économie ultramarine, qui méritent d'être soutenus.
« En ce moment, il y a le déguisement Netanyahou qui marche pas mal. […] Une sorte de nazi, mais sans prépuce. » Où a-t-on entendu ces propos infâmes ? Dans un meeting de La France insoumise, ou dans une manifestation propalestinienne ? Pas tout à fait, mais presque !
C'était sur France Inter, une radio du service public français dont vous avez la tutelle, madame la ministre de la culture. Depuis l'ignoble attaque du Hamas contre Israël, il y a tout juste un mois, plus de 1 000 actes d'antisémitisme ont été dénombrés en France.
C'est le moment que Guillaume Meurice, ce comique troupier de l'abject, a choisi pour comparer les Juifs aux nazis, pour transformer les victimes en bourreaux. L'hostilité envers nos concitoyens de confession juive s'est glissée partout : le sport, la culture, l'Assemblée nationale, même, mais aussi les médias ; et vous, madame la ministre, vous semblez y assister impuissante. Comment pouvez-vous tolérer que les impôts des Français servent à financer l'antisémitisme dans l'audiovisuel public, après y avoir largement financé le wokisme et l'islamo-gauchisme ?
En revanche, qualifier l'un de vos collègues de racaille, ça ne vous pose aucun problème !
Guillaume Meurice a récolté un simple avertissement : ce n'est évidemment pas à la hauteur du mal qui ronge notre société. Votre mutisme non plus, d'ailleurs, mais il n'est pas étonnant : vous n'aviez rien dit pour condamner l'emploi de journalistes antisémites par France 24 ni même quand l'AFP – Agence France-Presse – refusait de qualifier le Hamas de mouvement terroriste, ce qu'il est ! Après ce nouveau scandale, allez-vous rester encore mutique, ou allez-vous enfin prendre des mesures concrètes pour chasser cet antisémitisme qui se cache dans certains recoins sombres du service public de l'audiovisuel français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je rappelle, n'en déplaise au Rassemblement national, que la presse est indépendante dans notre pays
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et Écolo – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également
et que l'audiovisuel, public comme privé, dispose d'une liberté éditoriale totale.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Que s'est-il passé dans ce cas précis ? Ne réduisez pas l'ensemble de la politique audiovisuelle menée sous la houlette de la présidente Sibyle Veil à trois mots d'un animateur, humoriste de surcroît. Charline Vanhoenacker, productrice de l'émission incriminée, a publié un message dans lequel elle s'est dite profondément navrée ; elle a rappelé que l'antisémitisme est une abomination qui n'a pas sa place dans son émission. Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, a également publié un message disant qu'une limite avait été franchie,…
…pas celle du droit, qui reste à établir, mais celle du respect et de la dignité. La présidente de Radio France a pris une sanction disciplinaire.
Et quand un député en traite un autre de racaille, il n'y a pas de sanction ?
Elle a aussi envoyé un message à l'ensemble de ses équipes pour rappeler l'exigence de responsabilité, de rigueur et de modération. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a été saisie car oui, monsieur le député, l'audiovisuel est régulé par une autorité indépendante dans notre pays, et non par le politique !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Dans un État de droit, ce n'est pas à la ministre de la culture de choisir les animateurs, les chroniqueurs,…
…ni de contrôler leurs propos ou de les sanctionner. L'Arcom rendra sa décision. Pour ce qui est de mon engagement dans la lutte contre l'antisémitisme aux côtés de tous mes collègues du Gouvernement, je ne reviens pas dessus mais il est total. Nous continuons ce combat tous les jours.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous étiez plus loquace pour condamner la nomination d'un nouveau rédacteur en chef pour un journal privé ! Vous étiez plus loquace pour condamner une chaîne d'informations privée ! Vous étiez plus loquace pour condamner une émission de divertissement produite par un groupe privé !
Venant de quelqu'un qui insulte les gens devant des caméras, vraiment !
Mais là, par hasard, lorsqu'il s'agit de condamner l'antisémitisme du service public, il n'y a plus personne !
Qui ne dit mot consent ! C'est votre responsabilité, madame la ministre, et vous ne l'assumez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit aussi.
C'est vous qui avez l'insulte sélective, monsieur le député : quand j'interviens – vous pouvez reprendre tous mes tweets et toutes mes prises de parole –, je ne commente jamais les propos de tel ou tel animateur.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Je me contente de rappeler le cadre de la loi et les obligations qu'une chaîne gratuite de la TNT – télévision numérique terrestre – doit respecter. Au-delà, c'est à l'Arcom, autorité indépendante, de faire son travail.
En l'occurrence, elle en train de le faire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
En ce moment même, dans notre pays, qui se tient fièrement parmi les premières économies du monde, une réalité sombre et insupportable ébranle nos consciences : des milliers d'appels au 115 restent sans réponse, laissant plus de 2 800 enfants sans abri – des enfants exposés au froid, à l'insécurité, à la précarité. À Lyon et ailleurs, des citoyens, des enseignants et des parents d'élèves s'organisent. Goûters solidaires, occupations d'école : ils comblent l'espace que vous n'occupez pas, faute de moyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'abbé Pierre disait : « Le contraire de la misère, ce n'est pas la richesse. Le contraire de la misère, c'est le partage. » Ce que nous voulons, ce n'est pas la charité – ce sont du travail et des logements dignes pour tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous, vous donnez des milliards aux entreprises chaque année, sans contrepartie,…
…et vous menez une politique qui appauvrit ceux qui ne sont déjà pas bien riches : baisse des aides personnalisées au logement (APL), précarisation des chômeurs, casse du code du travail, coupes budgétaires – y compris dans certains services sociaux. Vous êtes allés jusqu'à criminaliser l'occupation des logements vacants.
Certes, les budgets alloués à l'hébergement d'urgence n'ont jamais été aussi élevés, mais c'est parce que la situation n'a jamais été aussi catastrophique : 2 822 enfants dorment dans les rues de notre pays ! Ce que nous voulons, ce n'est pas la charité – mais il y a urgence.
La semaine dernière, des députés de tous bords ont voté, en commission des finances, pour l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence. Ma question est simple : vous engagez-vous à maintenir la création de ces places dans le budget qui sera finalement adopté après l'application du 49.3 ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Stella Dupont et M. Ian Boucard applaudissent également.
Aucun autre gouvernement n'avait créé autant de places d'hébergement d'urgence – aucun ! La France compte désormais plus de 203 000 places et ce chiffre continue d'augmenter.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Grâce au plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, salué par toutes les associations, 440 000 personnes qui dormaient à la rue ont retrouvé un logement. Nous poursuivons ce travail. J'ai eu l'occasion d'annoncer ce matin le recrutement de 500 personnes supplémentaires au Samu social, soit une augmentation d'un tiers des effectifs, pour renforcer la veille sociale, le 115 et les maraudes, que vous avez évoqués.
Mme Stella Dupont applaudit.
C'est tout l'accompagnement social que nous devons soutenir pour permettre à ces personnes, non pas de rester des années dans des hébergements d'urgence – cette solution ne nous satisfait pas, pas plus que l'augmentation du nombre de places qu'elle supposerait –, mais de trouver un logement. Voilà ce pour quoi nous agissons. C'est la raison pour laquelle nous renforçons les effectifs du Samu social, avec des solutions de logement à la clef.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je rappelle que nous avons dû nous battre, l'année dernière, contre la suppression de 14 000 places d'hébergement d'urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Qu'elles ne soient pas une baguette magique, nous le savons bien, mais, face à l'urgence, nous avons besoin de solutions. Confirmez-vous que vous ne maintiendrez pas la création de places d'hébergement d'urgence votée en commission des finances ?
Est-ce là la réponse que vous apportez aux 2 800 enfants qui sont à la rue dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Benjamin Lucas, continuant d'applaudir, se lèvent.
Ma question, à laquelle j'associe la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, s'adresse à Mme la Première ministre.
Depuis onze heures vingt-cinq ce lundi, et jusqu'à la fin de l'année, les femmes travaillent gratuitement. Derrière ce constat, issu d'un calcul établi par la newsletter Les Glorieuses, il faut voir une inégalité professionnelle persistante et multifactorielle entre les femmes et les hommes.
À fonctions et temps de travail équivalents, d'abord, la différence de revenu entre les femmes et les hommes tombe sous les 5 %. Elle peut et doit être traitée en mettant sous pression les entreprises peu vertueuses en la matière.
Tel est l'objet de l'index de l'égalité professionnelle créé en 2018 par cette majorité : forcer les changements de comportements en obligeant les entreprises à calculer le niveau d'inégalité de genre en leur sein, puis à l'assumer publiquement.
En équivalent temps plein, ensuite, les femmes sont payées en moyenne 15 % de moins que les hommes. Pourquoi ? Parce qu'elles occupent des emplois souvent moins rémunérateurs, qui ne sont pourtant pas les moins importants dans notre société : 90 % des infirmiers, 87 % des sages-femmes et 67 % des enseignants sont des femmes. Il nous faut donc revaloriser ces métiers et encourager les femmes à rejoindre des filières de formation plus rémunératrices, notamment techniques et scientifiques, qu'elles s'autorisent encore trop peu à emprunter.
Enfin, les femmes sont très souvent touchées par le temps partiel, généralement subi. On nous répond qu'il est aussi choisi, mais peut-il vraiment l'être lorsque les femmes y ont recours pour pouvoir s'acquitter de leur second emploi, domestique et non rémunéré celui-là ?
L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est déterminante pour garantir l'indépendance des femmes et pour lutter contre les violences économiques conjugales. Pourtant, malgré des avancées dans ce domaine, comme l'allongement du congé de paternité, la situation demeure insatisfaisante. Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Quinze pour cent : c'est le poids qu'exerce la société patriarcale sur le revenu salarial des femmes.
Un trop grand nombre d'entre elles restent cantonnées à des métiers peu valorisés, subissent des temps partiels et sont forcées de constater que la maternité constitue un facteur de précarité et un frein à leur carrière.
Notre action repose sur quatre piliers : atteindre l'égalité salariale, briser le plafond de verre, améliorer la mixité des métiers et rééquilibrer la charge parentale. Nous avons déjà beaucoup agi : nous avons facilité l'accès des femmes aux postes à responsabilité dans les secteurs privé et public en instaurant des quotas ; revalorisé les métiers féminisés grâce au Ségur de la santé et au Grenelle de l'éducation ; amélioré les congés de maternité et de paternité ; et déployé, avec Aurore Bergé, le service public de la petite enfance.
Pour lutter contre les inégalités salariales – car c'est bien là l'enjeu –, nous avons créé un index de l'égalité professionnelle qui fait peser sur les entreprises une obligation de résultat, et non plus seulement de moyens. Cette priorité a été réaffirmée par la Première ministre dans le cadre de la conférence sociale. L'index sera actualisé et renforcé au cours des dix-huit prochains mois. Il permettra également d'appliquer le principe d'éga-conditionnalité de la commande publique. Nous disposerons alors d'un outil plus ambitieux, plus transparent, plus fiable et mieux contrôlé, qui aura vocation à être utilisé pleinement à l'occasion des négociations en entreprise.
Les femmes doivent aussi se tourner vers les métiers d'avenir, mieux rémunérés.
C'est tout l'enjeu du programme Tech pour toutes, qui vise à accompagner 10 000 jeunes femmes souhaitant suivre des études supérieures dans le secteur du numérique.
Madame la députée, soyez donc assurée de mon engagement et de celui du Gouvernement pour faire reculer chaque année cette date et les inégalités qu'elle reflète.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je me fais la porte-parole des agriculteurs du Tarn-et-Garonne, dont j'ai rencontré les représentants syndicaux vendredi dernier. Leur exaspération est à son comble. Depuis votre prise de fonction, monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, vous n'avez presque rien fait et la situation s'est détériorée.
Les agriculteurs estiment que vous les écoutez sans les entendre et constatent que vos belles paroles restent lettre morte. Pourtant, vous connaissez les problèmes : concurrence déloyale des autres pays – ce qui est interdit chez nous étant autorisé ailleurs ; normes punitives ; persécutions administratives ; augmentation des prix de l'énergie et du gazole non routier (GNR) ; hausse de 60 % de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau dans mon département. Cette situation entraînera des milliers de faillites : d'après les syndicats d'agriculteurs, la moitié des exploitations du Tarn-et-Garonne disparaîtront au cours des deux prochaines années. Mettez-vous à la place de ces agriculteurs, de ces hommes et de ces femmes qui ont reçu une exploitation de leurs parents ou de leurs grands-parents et qui ne pourront pas la transmettre à leurs enfants !
Les agriculteurs sont pris en tenaille entre la hausse des coûts de production et la baisse des prix de vente. Avez-vous conscience que cette profession est à l'agonie ? Il faut prendre des mesures concrètes, efficaces et durables pour sauver une profession qui assure notre souveraineté alimentaire. Merci de préciser quelles actions urgentes le Gouvernement compte entreprendre pour venir en aide aux agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous avez livré une parfaite démonstration de ce qu'est la facilité, voire le populisme :
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN
la capacité à faire des grandes phrases et à exprimer sans cesse des récriminations, sans agir.
Puisque vous nous demandez d'agir concrètement, laissez-moi vous faire une proposition : nous examinerons demain en séance un projet de loi de finances de fin de gestion dans lequel nous prévoyons d'allouer 800 millions de crédits supplémentaires à la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" pour couvrir diverses crises, dont celle que connaît le Tarn-et-Garonne. J'espère que vous voterez au moins ces crédits – sinon, il sera délicat de retourner auprès des agriculteurs pour leur expliquer que vous ne les accompagnez pas pour faire face à la grippe aviaire et aux dégâts qu'ils ont subis !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes donc au rendez-vous pour couvrir les besoins : non seulement nous parlons, mais, contrairement à vous, nous agissons.
Ensuite, vous ne l'avez pas dit – sans doute parce que les choses ont été bien faites –, mais une grave tempête a touché le Tarn-et-Garonne cette année.
Nous avons réuni les professionnels pour tenter de répondre aux besoins et de couvrir les pertes de fonds en revalorisant les barèmes et le taux de dédommagement. Un fonds d'urgence, que je suis prêt à mettre sur la table, en collaboration avec les collectivités locales, est également à l'étude pour permettre aux arboriculteurs, qui sont fortement touchés, de retrouver la voie de l'optimisme et de l'équilibre économique.
Vient ensuite la question de la planification et des grandes transitions. Le département où vous avez été élue, je vous l'accorde, subit de plein fouet le dérèglement climatique et est confronté à un certain nombre d'impasses techniques. Plutôt que de conforter certains agriculteurs dans le statu quo, vous devriez, avec nous, promouvoir les moyens alloués à la transition, y compris dans le budget agricole,…
…soit près de 1 milliard d'euros déployés pour accompagner les agriculteurs, améliorer leur accès à l'eau et leur permettre de faire évoluer leurs assolements et d'investir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
C'est ainsi qu'on aidera l'agriculture, pas simplement en persistant à conforter un modèle dont on sait qu'il est en difficulté…
…et qu'il doit être accompagné pour évoluer. Nous répondrons présents pour le faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous décrivez des mesures ponctuelles, quand je demande des réformes structurelles et un plan d'urgence.
Écoutez le ministre !
Les agriculteurs ne demandent pas l'aumône, ils veulent vivre dignement de leur travail !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, dans le cadre du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), le régime spécifique d'approvisionnement, ou RSA, vise à faciliter l'approvisionnement en produits essentiels à la consommation humaine ou à la production agricole et agro-industrielle dans les territoires dits d'outre-mer. Unanimement, les filières concernées n'ont eu de cesse d'alerter l'État sur le caractère insuffisant de cette enveloppe, dont le plafond est bloqué depuis 2013 à 27 millions d'euros, soit un manque flagrant de 8 millions d'euros.
En dépit des engagements à réévaluer cette dotation dans le cadre d'une aide d'État, réitérés la main sur le cœur par votre gouvernement, les actes se font cruellement attendre, alors qu'il y a urgence et que Bruxelles n'attend que votre notification.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Dans un contexte structurellement marqué par la vie chère, par des taux de chômage endémiques, par l'inflation galopante et par la domination impériale des importations sur nos productions, vos tergiversations ont pour effet d'aggraver ces fléaux en favorisant l'augmentation des prix des productions locales, leur perte de compétitivité et la mise en péril des emplois directs et indirects des filières concernées.
Mêmes mouvements.
Cette situation, vous en conviendrez, nous écarte chaque jour un peu plus des objectifs de souveraineté et de sécurité alimentaires pourtant omniprésents dans vos discours. J'affirme que nos pays n'ont pas vocation à demeurer sempiternellement des terres de consommation de produits finis importés, au détriment de toute production locale !
Ma question est claire et précise ; elle attend de votre part une réponse du même acabit : êtes-vous prêt à répondre enfin favorablement à notre demande légitime en abondant le RSA de 8 millions d'euros ? Il y va de la survie de nos productions locales !
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Monsieur Nilor, je connais votre engagement en faveur de l'agriculture. Je vous répondrai sans détour – sachant que nous avons déjà eu ce débat en commission des lois il y a quelques jours.
D'abord, vous savez très bien que le Gouvernement aide les agriculteurs. Il existe pour les outre-mer un dispositif européen, le Posei, qui sera doté comme l'an dernier de 280 millions d'euros, auquel viendra s'ajouter, en 2024, une aide de la France qui augmentera de 33 %, passant de 45 à 60 millions.
Le Posei fonctionne sur deux jambes. La première est un ensemble de mesures d'aides aux exploitations agricoles, la seconde est le fameux RSA dont le montant est bloqué depuis 2013 – vous avez raison. Je rappelle que celui-ci vise à amortir les surcoûts dus à l'importation d'intrants destinés à produire des aliments pour les animaux.
Or on ne peut pas vouloir davantage de souveraineté alimentaire – je me tourne vers M. le ministre Fesneau – si l'on ne s'en donne pas les moyens. Il faut donc opter pour une démarche équilibrée. D'après les différents calculs, 7 à 8 millions supplémentaires sont nécessaires d'ici à 2030 pour permettre de trouver une réponse qui assure davantage de souveraineté alimentaire et qui vous donne donc satisfaction.
D'ores et déjà, la Guyane et La Réunion ont donné leur accord pour la cofinancer et j'imagine que, s'agissant de la Martinique, vous jouerez le rôle d'ambassadeur. L'octroi de mer nous aidera et je suis persuadé qu'avec le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous trouverons les voies et moyens pour mettre fin au gel injuste de cette dotation. Ensemble, nous trouverons la solution.
M. Frédéric Valletoux applaudit.
Le réchauffement climatique est désormais une réalité. En à peine deux semaines, la Guadeloupe a subi avec effroi le passage dévastateur d'une tempête et d'un ouragan. Permettez-moi d'avoir une pensée pour les sinistrés et d'exprimer ma reconnaissance envers les services de secours des collectivités territoriales.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, porte à la fois sur l'urgence et sur l'avenir. L'urgence commande bien sûr de prendre l'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle. Plus de deux semaines après votre engagement, monsieur le ministre, il se fait encore attendre.
Le temps est venu pour le Gouvernement de répondre à des enjeux prégnants qui se posent après chaque évènement climatique majeur. Vous le savez, en Guadeloupe, seuls quelques assureurs acceptent d'assurer les biens et les entreprises alors que l'offre est plurielle dans l'Hexagone.
Comment comptez-vous mettre en œuvre les préconisations du rapport de 2020 de l'IGF relatives à l'assurance ultramarine, sans faire exploser les coûts pour nos concitoyens ?
S'agissant de l'accompagnement des collectivités, après avoir discuté avec de nombreuses personnes dans ma circonscription, j'estime qu'il est nécessaire d'agir sur plusieurs points. Il faut d'abord clarifier l'architecture des compétences en matière d'intervention en faveur de l'entretien des cours d'eau puis revoir les procédures d'autorisation de travaux de curage des ravines et des rivières. Des dizaines d'ouvrages de franchissement sont à reconstruire : à Vieux-Fort, à Vieux-Habitants ou encore à Capesterre-Belle-Eau.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à créer un fonds spécial d'aménagement résilient pour nos territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis le début de cette séance, nous parlons malheureusement beaucoup des terribles tempêtes qui ont frappé nos territoires, notamment Ciaran qui a causé plusieurs décès. Vous le savez, j'étais venu à La Désirade, en Guadeloupe, à la suite du passage de l'ouragan Tammy – heureusement, aucune victime n'était alors à déplorer. Vous savez aussi que la mobilisation des services de l'État a été totale, qu'il s'agisse des pompiers, des gendarmes ou de tous ceux qui ont travaillé avec les communes, les départements et les régions.
Il nous faut à présent tirer les leçons de cette expérience. Comme chaque fois en pareil cas, il convient de s'interroger sur cette crise afin de mieux appréhender les prochaines. C'est d'ailleurs en tirant les enseignements du passé que, comme l'a dit la Première ministre, nous avons évité un bilan humain plus lourd lors du passage de cette tempête absolument terrible qu'a été Ciaran.
Nous disposons d'outils que vous connaissez puisque vous demandez la création d'un fonds. Sous le contrôle de Christophe Béchu, je rappelle que le fonds Vert, par exemple, peut être mobilisé par les collectivités – il l'a d'ailleurs été fortement en 2023 et il en ira de même en 2024. De même, les fonds Barnier,…
…dont l'objectif est justement de faire face aux situations que vous évoquez, doivent être massivement mobilisés parce qu'ils sont particulièrement adaptés.
J'ajoute que le plan séisme Antilles est à la disposition des collectivités afin de conforter les bâtiments. Oui, il faut tirer des leçons sur les constructions et sur notre façon d'appréhender les nouveaux séismes qui se succèdent et les ouragans toujours plus violents.
Ces fonds existent, nous les mobilisons. Vous savez que le Gouvernement a notamment décidé d'enclencher la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, comme cela a été évoqué ici il y a quelques jours. Les effets de ces catastrophes seront donc pris en considération partout où ce sera nécessaire, en particulier à La Désirade.
Je vous demandais des actions concrètes et vous vous êtes livré à un cours de communication. Il n'empêche qu'en raison de l'érosion du trait de côte, il faudra bien procéder à un nouvel aménagement du territoire. Le fonds Barnier, assez faible, ne sera pas suffisant.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question s'adresse à Mme Sabrine Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Le sport permet à chacun de se réaliser dans l'effort et de s'émanciper, quelles que soient son origine, sa culture et sa condition sociale. À moins d'un an des Jeux olympiques de Paris, ai-je besoin de rappeler le caractère universel des valeurs du sport, ainsi que le nécessaire respect des valeurs républicaines dans le sport ?
Or je regrette que celles-ci soient de plus en plus contestées, comme c'est le cas en ce moment, en l'occurrence par des clubs franciliens de basket-ball. Près de soixante-dix d'entre eux, de la région Île-de-France, contestent en effet le règlement de leur fédération nationale en souhaitant autoriser le couvre-chef sportif, c'est-à-dire, dans les faits, un voile islamique, pour les compétitions féminines dans cette discipline.
J'ai été alerté de ces faits par la présidente de la région Valérie Pécresse et par le vice-président chargé des sports, Patrick Karam, qui, depuis 2017, mènent un combat ferme en matière de respect de la laïcité, à travers le déploiement d'une charte régionale des valeurs de la République et de la laïcité – dont l'État pourrait d'ailleurs s'inspirer.
Pourtant, la fédération de basket-ball est une des rares qui, en France, ait pris ses responsabilités en édictant des règles claires qui prohibent les signes ostentatoires d'appartenance religieuse pendant les compétitions sportives.
Le Conseil d'État, par une décision du 29 juin dernier, a rappelé qu'il incombait aux fédérations sportives de faire appliquer le principe de neutralité du service public. Or, sur le terrain, trop peu de fédérations – deux ou trois seulement – ont rappelé l'exigence de neutralité. C'est donc aux acteurs de terrain – arbitres, entraîneurs, éducateurs ou présidents de club – qu'il revient le plus souvent, au quotidien, de faire face à des atteintes aux règles de la République.
Je sais combien le Gouvernement est attaché à un régime de laïcité stricte, appliquée également dans le champ du sport, comme en témoigne la mesure interdisant aux membres de la délégation française de porter le voile pendant les prochains Jeux olympiques.
Aussi aimerais-je savoir comment vous comptez obtenir des fédérations qu'elles édictent rapidement des règles claires et précises afin de garantir la laïcité dans leur discipline. Au-delà de cette question, ne serait-il pas plus opportun de définir un cadre légal national sur le port de signes religieux qui s'appliquerait à l'ensemble des compétitions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Vous avez raison, la République est régulièrement la cible d'organisations politico-religieuses qui testent la résistance de nos principes républicains. C'est pourquoi, dès 2021, nous nous sommes dotés de nombreux outils à l'occasion de l'adoption du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Comme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques et vous-même l'avez rappelé, la réponse du Gouvernement est claire : fermeté, lucidité et vigilance. Sur les 3 500 contrôles de clubs sportifs effectués cette année, 27 ont effectivement fait apparaître des signaux faibles de séparatisme.
Pour y faire face, nous avons arrêté un plan d'action dont je ne citerai que les principales mesures : déploiement d'un réseau de 117 référents pour la prévention de la radicalisation, mobilisation de référents citoyenneté dans les fédérations ou encore programmation de 6 000 contrôles dans les clubs sportifs.
La récente décision du Conseil d'État que vous avez mentionnée vient consolider l'application du principe de laïcité dans le sport et invite à une analyse au cas par cas, avec des interdictions nécessaires et proportionnées.
J'ai confiance dans nos fédérations. Elles seront en mesure de déterminer les règles nécessaires pour faire primer les principes de la République, sous le contrôle du ministère des sports et avec l'appui du ministère de l'intérieur et des outre-mer. Nous serons à leurs côtés.
Soyons clairs : la main du Gouvernement ne tremblera pas face aux attaques contre notre pacte républicain.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Il y a quelques semaines, Shaïda, étudiante guadeloupéenne installée dans la région lyonnaise, m'a transféré un courriel qui m'a scandalisé. Dans ce courriel, une agence immobilière du groupe Foncia lui indique : « Les conditions de la garantie loyer impayé ne permettent pas de présenter un garant qui ne réside pas en France métropolitaine. […] Avez-vous un autre garant à présenter ? […] Sinon nous ne pourrons pas vous attribuer l'appartement. »
Une question me préoccupe. Pèse-t-il sur les parents ultramarins une présomption d'insolvabilité, une présomption d'incapacité à subvenir aux besoins de leurs enfants en études ? Expliquez-moi comment une personne qui se trouve aux Abymes, à Papeete ou encore à Saint-Laurent-du-Maroni procède pour trouver un garant à plus de 8 000 kilomètres, dans un territoire où, le plus souvent, il ne connaît personne ou, au mieux, une poignée de proches – d'autant plus que, dans ce dernier cas, un de ces proches doit accepter de se porter garant ou être solvable, ce qui n'est pas toujours évident ?
Vous l'aurez compris, l'installation d'étudiants ultramarins qui poursuivent des études dans l'Hexagone relève du parcours du combattant. Pourtant, l'article L. 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 interdit au bailleur de refuser une caution bancaire au motif qu'elle n'est pas domiciliée dans l'Hexagone. Cette discrimination, qui tombe sous le coup des articles 225-1 et 225-2 du code pénal, est passible de 45 000 euros d'amende et de trois ans d'emprisonnement.
Par conséquent, nous voulons une application stricte de la loi par les assurances et bailleurs. Nou pa dé bata – nous ne sommes pas des bâtards de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Quelles actions de contrôle le Gouvernement compte-t-il déployer pour faire appliquer la loi et cesser cette discrimination ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, Dem, SOC et Écolo – NUPES.
L'histoire de cette jeune femme, que je viens de découvrir, est tout simplement intolérable et inacceptable. Une faute a été commise par l'agence que vous avez citée. Cette jeune femme ayant une caution familiale, en l'espèce des parents ultramarins, doit avoir, comme un Hexagonal, la possibilité de se voir attribuer un logement.
Cette démarche est inexcusable et vous pouvez croire que nous faisons preuve de vigilance en la matière.
Votre question me permet de rappeler les efforts que nous faisons pour les Ultramarins, en particulier pour les étudiants, qui sont, vous le savez, au nombre de 86 000. De nouveaux dispositifs ont été créés à leur intention. Grâce à l'intervention de ma collègue Sylvie Retailleau, les bourses augmentent significativement, plus d'ailleurs que pour les Hexagonaux, une mesure qui a des effets concrets.
Deuxièmement, la continuité territoriale permet aux étudiants installés dans l'Hexagone d'aller rendre visite à leur famille en outre-mer. Les nouvelles modalités de ce dispositif s'appliqueront dès les vacances de Noël : que les étudiants soient boursiers ou non, 100 % du billet sera pris en charge. L'effort est significatif puisque les crédits augmentent de 35 %.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
S'agissant des fameuses cautions que vous évoquez, je rappelle que la caution Visale – visa pour le logement et l'emploi –, fournie par l'État, permet de se passer d'une caution parentale. Voilà un dispositif nouveau qui nous permet d'éviter les situations telles que celle de cette étudiante.
Vous le voyez : qu'il s'agisse d'offrir une palette plus large de formations, de favoriser une plus grande mobilité ou de mieux garantir l'accès au logement, le Gouvernement est bien là pour répondre aux attentes que vous avez formulées.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Madame la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, 5,4 millions d'habitants, soit 8 % de la population française, résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le comité interministériel des villes qui s'est tenu le 27 octobre dernier à Chanteloup-les-Vignes doit marquer une nouvelle étape dans l'histoire de la politique de la ville, avec le lancement d'une nouvelle génération de contrats nommés Engagements quartiers 2030.
Ces futurs contrats de ville, par leur changement de méthode – ils se caractérisent par une simplification et une accélération de l'action publique –, ouvrent de nouvelles perspectives. Ils favorisent notamment l'accès à tous les services publics, le plein emploi et la transition écologique.
Dans ces quartiers où il fait trop chaud l'été et trop froid l'hiver, où la sobriété énergétique est plus souvent subie que choisie et où, encore trop souvent, l'angoisse liée aux charges des futures factures de chauffage vient saper un moral déjà mis à mal par les difficultés de la vie quotidienne, pouvez-vous nous indiquer les mesures, en matière d'écologie du quotidien, que vous défendrez, pour les habitants, aux côtés des collectivités et quelles sont vos priorités pour la période 2024-2030 ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Vous m'interrogez, madame la députée, sur les mesures en matière d'écologie du quotidien dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et je vous en remercie car j'avais dit que je voulais plus de bleu… mais aussi beaucoup plus de vert. La question écologique a longtemps été cantonnée à un seul sujet concernant les quartiers : celui de la rénovation énergétique des logements – j'en sais quelque chose. Si cette dimension est évidemment importante, il est toutefois indispensable, selon moi, d'avoir une vision plus ambitieuse.
Voilà pourquoi le Gouvernement, sous l'autorité de la Première ministre, a proposé, lors du comité interministériel des villes du 27 octobre, des mesures fortes. Il s'agit notamment du doublement de la part du fonds Vert investie dans les quartiers et du déploiement d'aires éducatives qui, en plus d'ajouter des espaces verts, permettront de sensibiliser mieux les jeunes aux enjeux de la biodiversité. En outre, vingt-quatre nouveaux quartiers résilients ont été annoncés. Le Gouvernement veut également permettre le déploiement des mobilités douces et durables en expérimentant le recours automatique à la tarification sociale solidaire en matière de transport en commun. Vous voyez, madame la députée, que ces actions spécifiques jouent sur l'ensemble des leviers possibles pour rendre nos quartiers plus verts.
Je conclurai en soulignant que quand on amène plus d'humanité, plus d'opportunités et plus de liens, on permet une meilleure prise en compte des enjeux de l'écologie du quotidien par les habitants eux-mêmes, et pas uniquement par les autres. C'est ce que nous ferons avec la généralisation, par exemple, des cités éducatives, ainsi que de la mixité sociale dans l'attribution de logements sociaux, ou encore par le renforcement de l'accès aux soins, sans parler de bien d'autres priorités dont on aura le temps de parler. Vous m'avez déjà questionné à ce sujet et nous prendrons un rendez-vous pour que je vous détaille tout parfaitement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la secrétaire d'État, j'accueille bien évidemment avec intérêt ces mesures et je réponds favorablement à votre invitation. Je compte bien sûr sur les services de l'État pour déployer avec les acteurs locaux ces mesures auprès des territoires concernés et de leurs habitants.
Mêmes mouvements.
Sourires.
Alors que chaque jour, nos territoires ruraux luttent contre le départ des médecins, contre la fermeture des commerces de proximité, des écoles et des services publics, les voilà maintenant frappés de plein fouet par l'explosion de l'insécurité et du trafic de drogue. Si le phénomène n'est pas nouveau, il s'amplifie d'année en année, empoisonnant la vie des habitants !
Les communes rurales de la Charente où je suis élue, qui étaient jadis de paisibles bourgades, sont devenues le théâtre de règlements de comptes, d'agressions ultraviolentes, d'enlèvements, de menaces et de pressions sur les riverains. Plus inquiétant encore, le nombre de consommateurs explose, les jeunes étant des cibles faciles pour ces nouveaux cartels de la drogue qui sévissent dans ces campagnes rongées par la précarité galopante et par l'effondrement du pouvoir d'achat que nous, au Rassemblement national, dénonçons chaque jour aux côtés de Marine Le Pen. En conséquence, les saisies sont de plus en régulières et de plus en plus importantes : on parle de plusieurs dizaines de tonnes saisies. Les enquêteurs sont débordés – c'est l'occasion pour nous de féliciter les forces de gendarmerie et de police pour leur travail, notamment le groupe de recherche antidrogue dont l'efficacité est remarquable.
Cependant, cela n'est pas assez ! Et ce ne sont pas les nouvelles brigades du Tigre annoncées par le Président de la République et issues de la gendarmerie qui suffiront à éradiquer ce fléau. Vous n'avez rien fait contre la drogue des villes ; qu'en sera-t-il de la drogue des champs ? La passivité du Gouvernement est du pain béni pour les dealers, qui arrosent désormais les campagnes de cocaïne, d'héroïne et de cannabis. Maintenant que la drogue est dans le pré, que compte faire le Gouvernement pour lutter contre ce fléau qui gangrène nos campagnes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Vous interrogez avec raison le Gouvernement sur l'amplification du trafic de stupéfiants dans les communes rurales. Vous savez bien que la lutte contre le trafic de drogue est une priorité du Gouvernement, ne vous en déplaise. Aucune différence n'est faite entre les territoires urbains et ruraux dans notre action déterminée pour combattre ce fléau partout il se développe.
Concrètement, l'action des forces de l'ordre se fonde sur un plan national de lutte contre les stupéfiants piloté par l'Ofast, l'Office français antistupéfiants, depuis 2019. La gendarmerie y est d'ailleurs pleinement associée, sachant qu'elle est compétente dans les zones rurales et périurbaines.
Pour l'année 2022, les résultats enregistrés par la gendarmerie sont très positifs : 15,5 tonnes de résine ou d'herbe de cannabis ont été saisies en 2022, soit le double par rapport à 2021. Mais nous aspirons à frapper toujours plus fort parce qu'on ne fera jamais assez contre le trafic de drogue.
On en parlera plus tard, monsieur le député, quand vous me poserez une question dans les règles.
Concernant votre département, madame la députée, je pourrais citer l'exemple du travail formidable que les forces de l'ordre ont accompli récemment en Charente et que vous-même avez reconnu. Il est vrai que les trafics de stupéfiants s'insinuent dans nos campagnes. Et nous avons collectivement le devoir de les combattre sans relâche. Lutter contre ce fléau reste et demeure pour le ministère de l'intérieur une priorité ; police et gendarmerie se mobilisent quotidiennement pour la lutte contre le trafic de drogue.
Si vous me le permettez, je conclurai en notant qu'il manque un mot dans votre question : « prévention ». Il s'agit en effet aussi de prévenir les conduites addictives qui touchent les quartiers prioritaires comme les campagnes. Je pense qu'on doit amplifier l'effort en matière de prévention et c'est ma priorité en tant que secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, sous l'autorité du ministre de l'intérieur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'ajouterai juste qu'il ne faut pas attendre de faire de ces territoires des zones de non-droit, voire de non-France, car les Français ne l'accepteront pas, particulièrement dans la ruralité !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, le 7 janvier dernier, Lucas, 13 ans, mettait fin à ses jours. Nous nous demanderons toujours si ce drame aurait pu être évité… Combien de souffrances, combien de violences homophobes, sexistes, sexuelles qui frappent quotidiennement des jeunes pourraient être évitées ?
J'ai lu votre plan de lutte contre le harcèlement à l'école… J'y vois d'énigmatiques cours d'empathie, mais pas une ligne sur l'éducation à la vie affective et sexuelle, et dans votre budget non plus. En plus, impossible de discuter des moyens affectés, pour cause de 49.3 ! Or les rapports officiels, les chefs d'établissement, les infirmières scolaires, les représentants de parents et d'élèves donnent l'alerte : la loi de 2001 n'est pas respectée.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Seuls 15 % à 20 % des élèves ont droit aux trois séances obligatoires par an.
Hier, au Sénat, un collectif inédit composé d'une dizaine d'organisations et fédérations présentait son livre blanc pour une véritable éducation à la sexualité, comportant des contenus harmonisés, adaptés à chaque âge et associant les parents… Monsieur le ministre, vous n'étiez pas là. Deux jours plus tôt, le Sénat accueillait le colloque des Parents vigilants, cette officine zemmouriste qui, sous le slogan « Protégeons nos enfants », répand des fake news et cible l'école républicaine… Monsieur le ministre, vous n'avez rien dit.
Pourtant, l'éducation à la vie affective et sexuelle protège nos enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.
Elle les protège des violences et cyberviolences en hausse, en leur parlant droit à l'intimité, respect du consentement, réciprocité et égalité, valeurs qui ne règnent pas toujours dans leur environnement ou sur leurs écrans. Elle les protège des grossesses non désirées ainsi que des infections sexuellement transmissibles, infections sur lesquelles l'information a régressé. Comme enseignante, j'en ai vu des jeunes gens libérés de leurs interrogations, de leurs complexes, de leurs préjugés grâce à ces espaces de dialogue créés par les associations, sur un terrain où parents et professeurs se sentent souvent démunis.
Oui, l'éducation à la vie affective et sexuelle protège. Or elle est menacée par votre inaction politique, menacée par les agissements de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, de quoi avez-vous peur ? Comptez-vous faire respecter la loi et, dans ce cas, que comptez-vous faire des quarante-six recommandations de ce livre blanc ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Quand près d'un garçon sur trois déclare, dans une récente enquête, penser qu'une femme peut aimer être forcée à une relation sexuelle, on voit qu'il y a un problème ; de même quand, dans une autre enquête, il apparaît que plus de 40 % des garçons déclarent s'informer sur le sexe par l'intermédiaire des contenus pornographiques sur internet. C'est un problème de société qui dépasse très largement l'éducation nationale, mais auquel celle-ci doit contribuer à répondre et j'y travaille avec Charlotte Caubel, Jean-Noël Barrot, Bérangère Couillard et d'autres encore.
Je pense, madame la députée, que ce sujet doit être dépassionné politiquement.
M. Jimmy Pahun applaudit.
Je ne crois pas qu'en le politisant, vous serviez la cause que vous défendez.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Mme Sarah Legrain brandit une brochure.
Madame Legrain, je vous prie de poser cela et d'écouter le ministre vous répondre.
Laissez-moi aller au bout de ma réponse, madame la députée.
Je pense qu'il faut de la transparence en direction des familles, de la concertation et aussi de la méthode – et celle-ci est très claire : nous avons un Conseil supérieur des programmes, chargé de l'élaboration des programmes,…
…qui a été missionné en juin dernier – avant mon arrivée au ministère de l'éducation nationale – pour faire des propositions et des recommandations sur les programmes en la matière.
Le Conseil supérieur des programmes doit les remettre au mois de décembre. Il échange à cet effet évidemment avec l'ensemble des acteurs, y compris associatifs, et le livre blanc que vous avez évoqué et qui a été présenté au Sénat fera évidemment partie des travaux qu'il prendra en considération. C'est à la lumière de ses propositions et de ses recommandations que je prendrai les décisions adaptées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Marina Ferrari applaudit également.
Ma question s'adresse au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Trop peu, trop tard et trop compliqué : voilà comment le Comité des finances locales qualifie le filet de sécurité mis en place pour aider les communes à faire face à la crise inflationniste. Et pour cause : cet outil s'est avéré une véritable usine à gaz, excluant de nombreuses collectivités confrontées à la flambée des prix de l'énergie !
L'arrêté fixant le montant définitif du filet de sécurité ne fait qu'aggraver ce triste résultat. En effet – et vous le savez, monsieur le ministre –, en lieu et place des 22 000 communes qui devaient toucher une dotation, moins de 3 000 sont concernées. C'est huit fois moins que le nombre initial annoncé par le Gouvernement ! Pire, beaucoup d'entre elles devront rembourser tout ou partie de l'acompte qu'elles auront reçu au titre de ce dispositif.
Cette nouvelle déconvenue entérine l'échec du filet de sécurité ; elle acte le mépris adressé aux élus locaux, qui n'ont pourtant jamais démérité pour faire face aux fortes tensions budgétaires.
Loin d'améliorer les conditions économiques des communes, cet arrêté va plonger de nombreux maires dans l'inquiétude. Nous devons en finir avec ces méthodes mesquines qui privent les maires de leur pouvoir d'agir et de leur capacité d'initiative.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, allez-vous réellement exiger de tels remboursements, au risque d'accentuer la précarité financière des collectivités territoriales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Philippe Tanguy applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le député, je sais votre attachement aux collectivités territoriales et je reconnais dans votre ton comme dans vos propos la constance de votre combat.
Mais disons les choses clairement : les critères pour bénéficier du filet de sécurité ont été fixés par l'article 14 de la loi de finances rectificative du 16 août 2022, c'est-à-dire dans cet hémicycle, qu'il s'agisse du montant ou des trois conditions cumulatives que je rappelle ici : avoir une épargne brute inférieure à 22 %, avoir un potentiel financier par habitant inférieur au double du potentiel financier moyen des communes appartenant au groupe de même importance démographique et enregistrer une baisse de plus de 25 % de l'épargne brute.
Qu'auriez-vous dit si le Gouvernement n'avait pas appliqué ces critères votés par le législateur ?
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LR.
Je ne peux pas croire une seconde que vous considériez qu'on ne doit pas appliquer la loi.
Celle-ci a prévu trois critères dont l'application a conduit, sur la base des comptes administratifs disponibles fin juin, à constater que 3 000 communes étaient éligibles au dispositif pour un montant global de 405 millions d'euros sur les 450 millions prévus.
La conséquence que nous en avons tirée, et ici également, en décembre dernier, c'est de faire passer le filet de sécurité de 450 millions à 1,5 milliard d'euros pour l'année 2023, avec non plus trois critères d'entrée mais un seul ! En revanche, le Gouvernement applique évidemment les dispositions décidées par le Parlement et inscrites dans la loi du 16 août 2022.
Nous avons donc en décembre dernier amélioré le dispositif pour l'année en cours, mais vous ne pouvez pas nous demander de réécrire de manière rétroactive les critères tels qu'ils ont été décidés collectivement.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LR.
C'est très simple, monsieur le ministre : corrigez ces critères, nos communes en ont besoin ! Ces dernières font un travail exemplaire mais, aujourd'hui, elles sont fragiles et se trouvent pénalisées. J'insiste : corrigez ces critères et aidez nos communes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Katiana Levavasseur applaudit également.
Sachez que nous avons collectivement corrigé ces critères pour l'année en cours. Je me permets de vous dire que nous avons attribué par le décret du 13 octobre une enveloppe presque égale à la somme de 450 millions d'euros que nous avions décidée collectivement.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Si je vous dis Parisienne, Franquette, Mayette, Fernor, Lara, à quoi pensez-vous ? Bien évidemment, à la noix – et pas n'importe laquelle : celle de Grenoble !
La culture de la noix – la nuciculture – n'est pas épargnée, elle non plus, par le changement climatique, la sécheresse, les tempêtes, la grêle. Depuis quelques années, les difficultés s'accumulent. En 2022, la récolte a certes été exceptionnelle, avec une production de 30 % à 40 % supérieure à la normale – du jamais vu. Toutefois, cette production remarquable, en France comme dans les autres pays producteurs de noix, s'est malheureusement accompagnée d'une baisse massive – presque d'un effondrement – de la consommation. Les prix, vous l'imaginez, se sont écroulés. En 2023, nouveau coup dur : une récolte exceptionnellement basse plonge les nuciculteurs dans d'autres difficultés à venir.
Vous le savez, l'appellation d'origine protégée (AOP) « noix de Grenoble » s'est organisée dès 1993 pour développer des moyens de production respectueux, plus efficaces et plus neutres en matière d'atteinte à l'environnement. C'est ainsi qu'a été créée la Senura, la station d'expérimentation nucicole Rhône-Alpes – une station de recherche innovante, que vous connaissez bien.
Néanmoins, l'absence de véritables structures pour la filière, en Isère comme dans d'autres départements de France, expose nos producteurs de noix à une particulière fragilité. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour accompagner la filière de la nuciculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je veux commencer par rappeler l'état de la filière noix en France. Les noix représentent le deuxième verger de notre pays, derrière les pommes ; on en compte 25 000 hectares, dont 25 % à 30 % relèvent de l'agriculture biologique. La France est le deuxième exportateur mondial de noix à coque, derrière les États-Unis, et le quatrième exportateur mondial de cerneaux et de noix. Malgré ces éléments qui devraient plutôt nous inviter à l'optimisme, la filière noix, comme d'autres filières – que certains députés n'ont d'ailleurs pas manqué de citer –, traverse une crise tant conjoncturelle que structurelle.
Il nous faut donc d'abord répondre à la crise du moment, qui est liée à des aléas climatiques – on a tantôt trop produit, tantôt pas assez –, ainsi qu'à des aléas inflationnistes qui engendrent des baisses de consommation.
J'ajoute que la consommation de noix au niveau mondial connaît plutôt une tendance croissante, hormis pour l'année 2023, et peut-être pour l'année 2024.
Nous devons répondre à la crise au moyen de divers dispositifs, tels que la réserve de crise agricole de l'Union européenne. Ainsi, 10 millions d'euros viendront soutenir la cerise et la noix, soit 8 millions alloués par l'Union européenne et 2 millions de crédits nationaux complémentaires. Voilà qui permettra de soutenir les nuciculteurs et de prendre en charge 80 % de la perte, calculée à partir d'un résultat classique. Le guichet des aides est ouvert ; nous avons fait en sorte que le plus grand nombre de nuciculteurs puissent en bénéficier.
En outre, nous devons travailler sur le moyen et le long terme ; autrement dit, il faut répondre à la crise immédiate et à la crise structurelle. Vous avez raison, il convient de mieux organiser la filière, d'abord pour permettre à la production de répondre à la demande. On produit beaucoup de fruits à coque – par nature, évidemment –, mais il faut qu'on parvienne à exporter davantage de cerneaux pour se conformer à la tendance du marché, ce qui suppose de transformer la noix.
D'autre part, il faut inciter les producteurs à s'organiser. Je sais qu'un certain nombre d'initiatives ont été prises dans votre département, mais les producteurs doivent s'organiser plus globalement. C'est ainsi qu'ils pourront ainsi accéder à divers fonds qui leur permettront de moderniser leurs outils de production et de valoriser la noix.
Notre pays produit beaucoup de noix, mais il en consomme assez peu en proportion du nombre d'habitants. D'où l'intérêt de lancer des campagnes de communication.
Nous répondons ainsi à la crise de court terme et aux besoins sur le long terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux missions Défense (n° 1745, annexes 12 et 13 ; n° 1715, tome IV ; n° 1808, tomes II, III, IV, V, VI et VII) et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (n° 1745, annexe 5 ; n° 1808, tome I).
La parole est à M. Christophe Plassard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
L'année 2024 sera la première année d'application de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030. Les crédits de paiement (CP) de la mission "Défense " s'élèveront à 56,8 milliards d'euros – 47,2 milliards hors pensions. Cette somme représente une augmentation de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2023, conformément à la trajectoire fixée et malgré des finances publiques contraintes.
Les crédits affectés au programme 146, Équipement des forces, s'élèvent à 26 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 17 milliards en crédits de paiement. Pour les programmes à effet majeur, ces moyens permettront un niveau élevé de commandes et de livraisons.
Parmi les livraisons prévues, l'armée de terre doit recevoir 282 véhicules blindés, ainsi que douze canons Caesar…
…et des obus de 155 millimètres ; l'armée de l'air et de l'espace doit recevoir treize Rafale, dix Mirage 2000 rénovés, deux A400M, quatre Atlantique2 rénovés et deux C-130H modernisés ; et la marine nationale doit recevoir un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de la classe Barracuda, une frégate de défense et d'intervention (FDI) et deux patrouilleurs outre-mer (POM).
Quant aux commandes, celles-ci sont tout aussi nombreuses, avec 395 véhicules blindés, 100 chars Leclerc rénovés, huit systèmes de défense surface-air, un avion de guerre électronique ou encore des lots de missiles mer-mer Exocet, de torpilles lourdes et de missiles air-air Mica et Meteor.
Je rappelle que, lors de l'examen de la LPM, nous avions débattu du choix à opérer entre la cohérence et la masse. La cohérence l'avait emporté, mais les chiffres des livraisons et des commandes montrent que nous n'avons pas renoncé à la masse pour autant.
Les crédits relatifs à la dissuasion nucléaire s'élèvent pour leur part à 3,7 milliards d'euros en AE et à 5,3 milliards en CP. Ils permettront de poursuivre la modernisation des deux composantes de la dissuasion, notamment le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G), le développement incrémental du missile balistique M51, la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A et la préparation de son successeur, le missile ASN4G.
En ce qui concerne le programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, les crédits consacrés à l'innovation atteindront 1,2 milliard d'euros – crédits qui font l'objet d'une augmentation régulière depuis plusieurs années. Ce renforcement des moyens alloués à la direction générale de l'armement (DGA) et à l'Agence de l'innovation de défense (AID) permettra de continuer d'investir massivement dans des technologies de rupture et de poursuivre le développement de démonstrateurs innovants dans tous les domaines, qu'il s'agisse du spatial de défense, de l'hypervélocité, des armes à énergie dirigée, des technologies quantiques ou encore de l'intelligence artificielle.
En parallèle, le programme 144 contribuera au renforcement des moyens alloués aux services de renseignement, 500 millions d'euros étant affectés à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).
Enfin, avant de passer à l'examen détaillé des crédits, je tiens à revenir sur les avancées réalisées dans le domaine de l'économie de guerre, objet du rapport d'information que j'ai finalisé au printemps dernier.
Des résultats sont d'ores et déjà visibles s'agissant de l'augmentation des cadences et de la diminution des délais de production. Je salue à cet égard l'ensemble des industriels – et pas uniquement les grands groupes – qui ont répondu à l'appel des 413 milliards d'euros prévus par la LPM et qui ont investi sur fonds propres, sans nécessairement attendre la signature de bons de commande et en se fondant sur la visibilité donnée par le texte, afin de sécuriser leur approvisionnement en matières premières et en composants et d'être à même de produire plus et plus vite. Ce doit être un exemple et une motivation pour les entreprises qui ne se sont pas encore engagées.
Des relocalisations sont également intervenues afin de réduire nos dépendances à l'égard de l'Asie, notamment de la Chine, ainsi que des États-Unis et du Canada.
La simplification progresse. Conjointement avec les armées et les industriels, la DGA s'est lancée dans une analyse des coûts et des contraintes normatives évitables. Je pense à la réglementation relative à la navigation des drones, ou encore à la lourdeur des règles de passation des marchés publics, la force d'acquisition rapide ayant montré de premiers résultats probants dans ce domaine.
Pour illustrer la réussite de l'accélération des processus et l'agilité de nos PME, je ne prendrai qu'un exemple : celui de Delair, société française qui a fourni 150 drones à l'Ukraine. En juin paraissait l'expression des besoins, en juillet une commande était passée et en août les premières livraisons étaient effectuées. Cette entreprise produit désormais en flux tendus et peut accéder à l'export, puisqu'elle est battle-proven.
Ces évolutions sont d'autant plus positives qu'elles tendent à élargir l'accès des PME aux financements, les petites entreprises étant parfois les mieux à même de développer les innovations de rupture. Dans certains domaines, c'est d'ailleurs le civil qui soutient l'innovation depuis une vingtaine d'années. Le passage au dual permet aux entreprises de se développer et impose aux armées le défi de suivre l'agilité de ces filières.
Enfin, même si l'attention s'est récemment portée sur le conflit au Moyen-Orient, ce qui est parfaitement compréhensible, la France n'oublie pas le front ukrainien, ni l'Arménie. Tel est le sens des amendements visant à abonder de 200 millions d'euros le fonds de soutien à l'Ukraine, amendements que nous examinerons tout à l'heure, et des contrats que nous avons récemment signés avec l'Arménie pour doter le pays de systèmes de défense sol-air.
Ainsi, malgré les crises actuelles et l'urgence qui nous saisit parfois, il nous faut plus que jamais préparer l'avenir. Les décisions prises aujourd'hui nous engagent pour les années à venir : c'est dans cette optique que je vous invite à adopter les crédits de la mission "Défense" .
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Emeric Salmon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les crédits prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 pour la mission "Défense " sont conformes à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 que nous avons adoptée en juillet dernier. Le groupe Rassemblement national avait voté en faveur de ce texte et considère donc comme bienvenue cette augmentation de budget, même si elle reste insuffisante compte tenu des enjeux actuels et du retour de la haute intensité.
Lorsque je dis que, s'agissant de la défense, le PLF pour 2024 est conforme à la LPM, notons dès à présent que je ne parle que de la trajectoire budgétaire. En ce qui concerne le schéma d'emplois, le texte est en effet en net décalage avec les cibles fixées – j'y reviendrai.
Hors pensions civiles et militaires de retraite, le budget de la mission s'élève à 47,2 milliards d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 8 % par rapport à ce que prévoyait la loi de finances pour 2023. Il est effectivement impératif que la France dispose d'armées entraînées et d'équipements opérationnels. S'il convient de saluer cet effort budgétaire, je rappelle que les objectifs successifs fixés par la LMP doivent et devront s'entendre comme des minima à atteindre, et ce tout au long de la programmation.
S'agissant des crédits du programme 178, Préparation et emploi des forces, ceux-ci sont en progression. Ils s'élèveront à 16,6 milliards d'euros en AE, ce qui représente une hausse par rapport à l'an dernier, et à 13,6 milliards en CP, soit une croissance de 12,6 % ; il apparaissait nécessaire et urgent de les augmenter considérablement. Cette augmentation marquée des crédits ouverts financera principalement la notification de nouveaux contrats de maintien en condition opérationnelle et le renouvellement de ceux arrivant à échéance. Les crédits destinés à l'entretien programmé du matériel progresseront de 745 millions d'euros par rapport à 2023, tandis que ceux affectés à l'activité opérationnelle augmenteront de 326 millions. Nous espérons que l'effort budgétaire ici consenti permettra d'augmenter le temps consacré à l'entraînement sur les matériels majeurs, ce qui apparaît essentiel face à l'hypothèse d'un engagement militaire de grande ampleur.
Précisons également que 306 millions d'euros supplémentaires sont destinés au financement du recomplètement des stocks de munitions et de petits équipements.
À cet égard, la disponibilité des équipements et l'entraînement des troupes constituent des paramètres essentiels de la remontée en puissance de nos armées. En analysant les documents budgétaires, je constate que de nombreux indicateurs de performance ne sont pas renseignés cette année, ces données faisant l'objet de la mention de protection « Diffusion restreinte ». Si je comprends que le contexte international conduise le ministère des armées à limiter la diffusion d'informations à nos concurrents, il nous est difficile d'évaluer avec précision l'évolution de la disponibilité des équipements et le niveau d'entraînement des troupes.
Le programme 212, Soutien de la politique de défense, apparaît primordial, dans la mesure où il contient les crédits de personnel et ceux permettant d'améliorer les conditions de vie et de travail des militaires. Les moyens budgétaires alloués à ce programme s'élèvent à 23,8 milliards d'euros en CP, ce qui représente une légère hausse de 3 % par rapport à l'année précédente. Cette progression des rémunérations est très insuffisante : l'inflation n'est pas compensée et, plus globalement, la grille indiciaire devra être revalorisée.
Les différentes mesures de revalorisation salariale représenteront un coût de 570 millions d'euros en 2024, dont 35 millions pour le renforcement de l'attractivité et la fidélisation au sein des métiers en tension, notamment dans les secteurs du renseignement et du numérique. De plus, 33 millions d'euros en CP et 40 millions en AE financeront le plan « famille 2 ». Ces crédits permettront de renforcer l'offre de garde des jeunes enfants et la construction de crèches, ainsi que d'améliorer les prestations des centres de vacances ; il faut le saluer.
Le PLF pour 2024 prévoit la création de 456 équivalents temps plein (ETP). Comme je l'ai dit, il faut souligner que ce schéma d'emplois est en très net décalage avec les objectifs fixés par la LPM, aux termes de laquelle plus de 700 ETP devaient être créés l'année prochaine. Les documents budgétaires indiquent que ce décalage est la traduction d'un « souci de réalisme au regard des difficultés de recrutement et de fidélisation que rencontre actuellement le ministère ». Conformément à l'article 7 de la LPM, le ministère des armées pourra néanmoins employer les crédits non employés à la réalisation des cibles d'effectifs pour renforcer l'attractivité des postes et la fidélisation des agents : il conviendra de s'en assurer.
Vous l'aurez compris, si le budget de la politique de défense pour 2024 est ambitieux, il n'en demeure pas moins décevant à certains égards. Je le répète, le non-respect du schéma d'emplois prévu par la LPM, et ce dès sa première année d'application, constitue un problème particulièrement préoccupant et interroge la capacité du ministère des armées à recruter du personnel en nombre suffisant et à éviter les départs. Je vous engage néanmoins à voter les crédits des deux programmes dont je suis le rapporteur spécial, afin de ne pas priver les armées d'un budget significatif.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Bryan Masson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
En préambule et au nom de la représentation nationale dans son ensemble, j'aurai une pensée pour Léon Gautier, qui nous a quittés le 3 juillet dernier, à la veille de son 101
Le projet de loi de finances pour 2024 propose de doter la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation " de 1,9 milliard d'euros, soit un montant presque équivalent à celui prévu par la dernière loi de finances. Notons toutefois que derrière l'apparente stabilité des crédits de la mission dans sa globalité se trouvent des évolutions plus contrastées dès lors qu'on entre dans les détails.
Autre point important, l'augmentation d'un peu plus de 11 millions d'euros du montant alloué aux actions en faveur des anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Comme vous le savez, la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis ouvre à ces derniers et à leurs familles un droit à réparation au titre des conditions de vie indignes qu'ils ont subies, pour ceux ayant séjourné dans des camps de transit ou des hameaux de forestage entre 1962 et 1975. Jusqu'à 14 000 personnes supplémentaires pourraient ainsi être indemnisées, ce qui explique les 10 millions d'euros de crédits supplémentaires prévus par le texte. Il est en effet important que la réparation de cette injustice suive son cours.
Enfin, dernier point méritant d'être souligné s'agissant du programme 169, Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation : l'augmentation en trompe-l'œil du montant des versements de l'allocation de reconnaissance du combattant. Je précise qu'il s'agit du nouveau nom de l'ancienne « retraite du combattant ». La LPM a changé cette dénomination, ce qui, à mon sens, est judicieux, dans la mesure où il ne s'agit en rien d'une pension de retraite : c'est une allocation versée en témoignage de la reconnaissance de la nation pour ses anciens combattants. Je forme d'ailleurs le vœu que ce témoignage perdure à l'avenir et qu'il ne soit jamais remis en cause au prétexte de la professionnalisation des armées et de la disparition des deuxième et troisième générations du feu, celles ayant connu la seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie.
Ces éléments étant exposés, je souhaiterais, chers collègues, appeler votre attention sur la dégradation du pouvoir d'achat des bénéficiaires des différentes allocations relatives aux anciens combattants. Main dans la main avec les associations, le groupe Rassemblement national dénonce la très faible revalorisation de la pension militaire d'invalidité (PMI) : nous proposions en effet que son montant augmente de 5,2 %, afin de compenser l'inflation.
L'État aurait dû se montrer à la hauteur pour soutenir nos anciens combattants, d'autant que la mission ne représente que 0,3 % des crédits du budget général, mais nous constatons une volonté de faire des économies, sur le dos des héros de notre pays. C'est indécent, d'autant plus que la réduction naturelle du nombre de bénéficiaires, année après année, permettrait des redéploiements pour soutenir davantage nos anciens combattants.
La présentation de ce rapport est pour moi l'occasion de réaffirmer quelques valeurs républicaines cardinales : seule la nation, source vivifiante, solidaire, maternelle, peut fédérer – c'est cela le patriotisme. Le patriotisme, c'est aussi le devoir de mémoire et de reconnaissance collective, qu'il est indispensable de préserver, d'inculquer et de renforcer. Ce devoir, je le considère comme un impératif de mémoire : nous le devons aux anciens combattants des grandes guerres, ainsi qu'aux soldats engagés sur les théâtres d'opérations extérieures. Au Sahel, en Irak, au Liban, mais aussi en Afghanistan, au Kosovo, en Libye, en République centrafricaine et sur de nombreux théâtres d'opérations, nos soldats, marins, aviateurs et gendarmes sont, chaque jour, confrontés au risque pour nous protéger. La nation tout entière leur est reconnaissante.
C'est leur souvenir qui nous invite à l'hommage ; c'est leur courage et leur combativité que l'histoire nous exhorte à suivre. Alors que nous célébrerons bientôt le quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, la Libération et la victoire, il est de notre devoir de nous tenir devant les monuments aux morts de toutes nos villes et villages, autour des drapeaux de nos anciens combattants, pour nous remémorer et célébrer la France libre car, comme l'avait dit Winston Churchill, « une nation qui n'honore pas ses héros n'aura bientôt plus de héros à honorer ».
Nous l'avions proposé : il aurait été crucial que l'État participe plus largement au financement des associations patriotiques, comme celles des porte-drapeaux, qui tiennent à bout de bras les commémorations et contribuent à leur solennité. Je ne peux que déplorer l'absence de considération du Gouvernement à leur égard.
Enfin – et cela me tient à cœur –, à l'heure ou la menace terroriste est plus forte que jamais, il convient de renforcer la prise en charge par l'État des orphelins de militaires morts pour la France, de victimes du terrorisme ou de membres des forces de l'ordre tués dans l'exercice de leurs missions.
Pour conclure, je citerai Ernest Renan : « Ce qui constitue une nation, […] c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l'avenir ». Faisons ensemble, mes chers collègues, de grandes choses pour le monde combattant, qui le mérite tant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Le monde traverse sa période la plus troublée depuis la fin de la guerre froide. Les tensions entre les grands blocs d'influence sont vives, les conflits régionaux entre nations renaissent et la fin de l'histoire, promise, est finalement remise à plus tard.
Dans ce monde, et c'est toute la différence avec les précédents conflits, notre pays se trouve concurrencé non seulement par les grandes superpuissances américaine et russe, ou par nos partenaires européens, mais également par ces puissances qu'on ne peut plus qualifier d'émergentes et qui disposent de forces armées, de capacités d'intervention et de leaderships régionaux comme jamais auparavant – du moins, depuis très longtemps.
Dans ce monde de plus en plus concurrentiel et belliqueux, nous assistons à un réarmement global et à un regain général des tensions ; on le constate avec le conflit en Ukraine, désormais éclipsé par la situation explosive en Israël. Cette situation menace non seulement le Moyen-Orient mais le monde entier, par l'effet domino des alliances et des solidarités culturelles, historiques et religieuses liant les peuples. N'oublions pas les putschs en Afrique, où la France sert de bouc émissaire à la faillite des États, la situation à Taïwan, la guerre du monde turc contre l'Arménie, et j'en passe.
Nous assistons également – et c'est peut-être plus grave –, à une inflation dans les termes, dans les menaces, et à un dérapage général de la maîtrise des armements, pourtant essentielle au maintien de la paix mondiale. Les divergences entre les grandes nations s'accroissent et la rupture du dialogue aurait des conséquences catastrophiques, entraînant le monde et nos populations dans une spirale dont personne ne connaît l'issue.
Le point de bascule peut être atteint à tout moment, et notre pays doit être capable de défendre ses intérêts sur le long terme et conserver sa capacité à se projeter dans un éventuel conflit majeur. Malheureusement, à la suite de choix politiques désastreux, la France a perdu son indépendance et sa capacité à s'affirmer comme une puissance d'équilibre sur la scène internationale. Notre armée a été rongée jusqu'à l'os au cours de la dernière décennie par une série de coupes budgétaires drastiques mettant en grande difficulté nos capacités de projection.
La dernière loi de programmation militaire et le budget que nous examinons prévoient des crédits supplémentaires de bon augure pour permettre à nos forces armées de réaffirmer leur ambition ou, du moins, de reprendre peu à peu le bon chemin, à la lumière de notre prestigieuse histoire militaire, donc des ambitions qui doivent évidemment être les nôtres.
Certains problèmes structurels ne sont cependant pas réglés, et certains objectifs restent en deçà de ceux de la loi de programmation militaire. Ainsi le recrutement est-il inférieur d'un tiers aux objectifs fixés il y a quelques mois. En outre, au regard des derniers évènements et des dernières annonces, certaines lignes de crédits, comme celle de l'opération Sentinelle, sont clairement sous-évaluées et seront très largement dépassées.
J'ai pu le constater à l'occasion de mes échanges avec les soldats : l'attention est souvent portée au développement de notre armée, à l'amélioration des technologies et à la fourniture de matériels nouveaux, plus modernes et plus efficaces – c'est évidemment une grande satisfaction ; cependant, il ne faut pas oublier les difficultés structurelles, plus « terre à terre », mais qui sont d'une importance primordiale pour nos soldats. L'intendance et la fourniture des petits équipements du quotidien de la vie militaire sont clairement négligées, ce qui contribue à rendre plus difficile un métier déjà substantiellement marqué par la rigueur – la « rusticité », dans le jargon. Ces négligences pèsent lourdement sur le moral des troupes.
Les questions stratégiques ne doivent pas nous faire oublier l'importance de la vie du soldat au quotidien. Ce travail de fond doit être entamé, même s'il est moins clinquant que les débats autour des Caesar, des Griffon et des opérations extérieures (Opex). Notre jeunesse attend des gestes concrets et du soutien de la part de la classe politique. Elle fait la fierté de notre pays dans cette grande école de la vie et du patriotisme qu'est l'armée. Nous lui devons une attention accrue dans un contexte où cette dernière redevient un sujet de premier ordre.
Le budget qui nous est proposé n'est pas à la hauteur des ambitions qui devraient être celles de la France dans le monde. Il comporte de nombreuses zones d'ombre qui nécessiteraient pourtant un traitement urgent. Cependant, il va dans le bon sens ; c'est pourquoi je vous invite à lui apporter votre soutien, pour les progrès réalisés par rapport aux années précédentes, en signe d'encouragement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
L'année 2024 sera charnière pour nos armées. Il s'agira en effet de la première année d'entrée en vigueur de la loi de programmation militaire que nous avons adoptée à une très large majorité en juillet dernier. Avec près de 2,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2 milliards d'euros en crédits de paiement, les crédits du programme 144 sont à la hauteur des engagements pris dans cette LPM. Les grandes priorités sont confortées : hausse inédite des budgets pour nos services de renseignement, poursuite de l'effort historique au profit de l'innovation de défense, dont le budget est maintenu à 1 milliard d'euros en crédits de paiement, conformément à l'engagement pris dans la LPM pour les années 2019 à 2025, et maintien des budgets consacrés à la prospective stratégique et au rayonnement international du ministère.
Plusieurs défis devront toutefois être relevés en 2024. Ainsi, l'inflation dans le secteur du bâtiment a entraîné une hausse importante du coût du projet de nouveau siège de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes, de l'ordre de 184 millions d'euros, ainsi qu'un retard de quatre ans, l'emménagement ayant été reporté à 2032. Je serai particulièrement attentif à la bonne conduite de ce projet.
Je veillerai également au maintien des dispositifs de soutien aux projets d'accélération de l'innovation, dont les crédits sont en baisse cette année. Je pense notamment au dispositif Régime d'appui pour l'innovation duale, dit Rapid, ou au fonds Definvest.
Nous devrons vérifier la pertinence de nos dispositifs de soutien à la recherche stratégique française, pilotés par la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Il faudra pour ce faire dresser un bilan de la réforme de 2015 afin d'identifier comment soutenir davantage nos centres de recherche et think tanks.
Enfin, je réaffirme mon engagement en faveur du projet de fusion de l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l'ENSTA Bretagne. Je vous avais interrogé en commission sur le sujet, monsieur le ministre des armées, et je me réjouis que ce projet soit en bonne voie. Je le suivrai attentivement.
Au titre de la partie thématique de mon avis, cette année, j'ai choisi de m'intéresser à la présence militaire française à Djibouti. L'année 2024 sera charnière car la coopération de défense entre nos deux pays est encadrée par un traité qui expirera le 30 avril prochain. Je me suis rendu à Djibouti, où je me suis entretenu avec M. Dileita Mohamed Dileita, président de l'Assemblée nationale de Djibouti, avec le général de corps d'armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d'état-major général des armées, ainsi qu'avec M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général du ministère chargé des affaires étrangères et de la coopération internationale.
J'ai mesuré l'importance de cette implantation pour nos armées, tant pour l'accès à la zone indo-pacifique que pour la sécurisation du trafic maritime en mer Rouge. Cette implantation revêt aussi une importance singulière pour la préparation opérationnelle de nos forces, Djibouti offrant des conditions d'aguerrissement uniques.
J'ai constaté l'excellence des relations entre les forces françaises stationnées à Djibouti et les forces armées djiboutiennes – leur excellence et leur caractère singulier car, contrairement aux autres États présents dans le pays, la France a pour mission de contribuer au maintien de l'intégrité territoriale de Djibouti, en application d'une clause de sécurité inscrite dans le traité.
Des négociations sont en cours pour le réviser. Au terme de mes travaux, je suis convaincu non seulement que les négociations aboutiront, mais également qu'elles ne seront fructueuses que si elles s'inscrivent dans un cadre plus vaste, qui dépasse les seuls enjeux militaires.
La France est présente à Djibouti de multiples manières, et seule une approche globale de la relation bilatérale permettra d'apprécier à sa juste valeur la teneur et la profondeur des liens qui nous unissent. Les actions civilo-militaires, l'aide au développement, la francophonie ou encore le développement économique sont autant de domaines dans lesquels la France doit s'investir davantage, en particulier auprès de la jeunesse djiboutienne.
Le budget du programme 144 est ambitieux et à la hauteur des défis qui nous attendent. Il en va de même pour les crédits de l'ensemble de la mission "Défense" , que je vous invite à adopter.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Plus de 1 000 hommes ont été déployés pour renforcer le flanc est de l'Otan, en Roumanie pour la mission Aigle et en Estonie pour la mission Lynx. Quand le Parlement en a-t-il été informé officiellement ? Quand le Parlement a-t-il autorisé ces interventions au-delà de quatre mois ? Jamais !
Pourtant, l'article 35 de notre Constitution est très clair : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. […] Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. »
Comment ce véritable scandale démocratique est-il possible ? Par une entourloupe qui consiste à qualifier ces missions non d'opérations extérieures, mais de missions opérationnelles (Missops). Comment ? Pourquoi ? Qui l'a décidé ? Quelle autorisation le Parlement a-t-il donnée ? On ne le sait pas.
Ce n'est pas seulement un tour de passe-passe, c'est une évolution bien plus structurelle : le changement de doctrine, résumé par le remplacement du triptyque « paix-crise-guerre » par celui « compétition-contestation-affrontement », a des conséquences démocratiques, politiques et budgétaires. Il s'agit d'une remise en cause des concepts mêmes de guerre et de paix ; pire, c'est un abandon de l'objectif de la paix.
La guerre avant la guerre vous permet de contourner le Parlement car il n'est saisi que sur la guerre. Si vous évitez un vote, vous violez surtout de manière sournoise la Constitution : plus de guerre officielle, plus de vote au Parlement – et tant pis pour la Constitution !
Les Opex sont pourtant définies clairement dans la LPM pour les années 2014 à 2019 : « L'intervention à l'extérieur du territoire national vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités ». En quoi les opérations Aigle et Lynx ne correspondent-elles pas à cette définition ? Et si elles n'y correspondent pas, au nom de quoi les avez-vous engagées sans l'aval du Parlement ? Quelle que soit votre opinion sur le sujet, monsieur le ministre, il ne s'agit pas d'un débat interne aux armées ; c'est au Parlement de trancher !
La différence entre une Opex et une mission opérationnelle résiderait dans la notion de combat : c'est ce que vous avez affirmé devant la commission de la défense. Vous avez même prétendu qu'en Roumanie, nos soldats ne feraient que s'entraîner, comme ils le font à Mourmelon.
Vous avez par ailleurs admis que certains hommes déployés dans le cadre d'Opex au Gabon et au Sénégal ne combattent pas mais font de la formation. C'est incohérent !
Si une Missops n'implique pas de combattre, pourquoi avoir accordé – a posteriori, par un artifice ministériel – aux militaires en Missops le bénéfice de la couverture majorée invalidité et décès, ainsi que l'attribution, le cas échéant, de la mention « Mort pour la France ». C'est incohérent !
Pourquoi ces militaires peuvent-ils toucher l'indemnité de sujétion pour service à l'étranger (ISSE), alors qu'elle dépend du budget des Opex ? C'est là encore incohérent ! Même le site internet du ministère des armées classe les missions Aigle et Lynx parmi les Opex.
Je relève une autre incohérence – au détriment de ces militaires : ils ne bénéficient pas de la pension majorée, alors qu'ils subissent les mêmes contraintes, notamment familiales, que s'ils étaient en Opex. Ils ne peuvent pas non plus recevoir les mêmes décorations.
Ce statut n'a donc qu'une seule utilité : faire des économies sur le dos des militaires – et c'est inacceptable.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Sur le plan budgétaire, l'absence de qualification Opex remet en cause le principe de financement interministériel des surcoûts et fragilise le budget des armées. Les sommes en jeu sont considérables : plus de 730 millions par an ! Par conséquent, même si ces opérations ne sont pas des Opex, elles ont été principalement financées par la solidarité ministérielle – comme des Opex ! Comment s'y retrouver ?
Sourires.
Les importants travaux que le génie militaire français a réalisés à Cincu en Roumanie sur une base de l'Otan ont été financés par la provision Opex : c'est vous qui l'avez dit, monsieur le ministre. Il ne s'agit pourtant pas d'une Opex : quelle est la logique ?
Je demande donc une clarification juridique, démocratique et budgétaire : si ces opérations nécessitent un statut ad hoc de mission opérationnelle, le Parlement doit le définir et le voter ; si ce sont des Opex, il faut en assumer toutes les conséquences.
Il faut d'abord que les militaires en Missops bénéficient de tous les dispositifs qui compensent les sujétions inhérentes aux opérations à l'étranger – notamment la pension majorée. Il faut aussi des garanties budgétaires quant au financement des surcoûts engendrés par ces opérations. Enfin, le Parlement doit se prononcer sur l'opportunité de les prolonger, comme le prévoit l'article 35 de la Constitution.
La menace du 49.3 plane indubitablement sur nos têtes : l'ensemble de notre travail d'amendement risque d'être balayé d'un instant à l'autre par un exécutif aveugle, qui ne retient des discussions parlementaires que ce qui l'arrange. Voilà tout le cas que vous faites de la démocratie !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
En 2024, le montant du budget opérationnel de programme (BOP) Terre augmentera de 310 millions, atteignant ainsi les 2,19 milliards en crédits de paiement.
Nous devons cet effort budgétaire à nos soldats, à qui nous confions la lourde tâche de protéger notre nation. Trop longtemps sacrifiés depuis la fin de la guerre froide, ils sont de nouveau respectés depuis l'accession d'Emmanuel Macron à la présidence de la République et les deux lois de programmation militaire que nous avons adoptées.
Ces crédits en hausse permettront de financer le renforcement de la cohérence des forces terrestres, tout en accompagnant leur transformation et leur modernisation : nous prévoyons ainsi d'atteindre en 2024 36 % des objectifs du programme Scorpion – synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation.
Conformément aux orientations inscrites dans la loi de programmation militaire, l'augmentation des crédits du BOP Terre servira notamment à assurer l'entretien programmé du matériel, grâce à une hausse – significative – de 19 % par rapport à 2023. Cela permettra de maintenir le niveau d'activité des forces terrestres.
L'exercice budgétaire 2024 est indissociable de deux défis auxquels les forces terrestres doivent faire face : le défi humain et celui de la préservation du niveau d'activité opéérationnelle.
D'abord, l'armée de terre rencontre des difficultés de recrutement qui nécessitent une attention particulière : dans un contexte marqué par sa réorganisation profonde, il nous faut fidéliser les militaires.
Les efforts spécifiques annoncés par le chef d'état-major de l'armée de terre, qui s'ajoutent à ceux engagés par l'ensemble du ministère et aux mesures ciblées de revalorisation indiciaire, constituent autant de priorités.
Ensuite, l'engagement opérationnel demeure soutenu, ce qui est un défi à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des militaires et risque de réduire le temps disponible pour l'entraînement. L'année 2024 se marquera par un engagement important sur le territoire national, lié à la tenue des Jeux olympiques et paralympiques. Aussi l'armée de terre doit-elle encore poursuivre ses efforts pour atteindre les objectifs d'entraînement fixés par la loi de programmation militaire.
Enfin, vu la forte inflation et l'inscription dans la durée des efforts en faveur de l'Ukraine, je serai, comme l'année dernière, attentif à ce que le niveau d'activité des forces terrestres soit préservé en gestion ainsi que dans les prochains exercices.
Cette année, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire au retour d'expérience de l'exercice Orion pour les forces terrestres. Orion est la première étape d'une nouvelle génération d'exercices, qui s'apparente à un changement d'échelle de la préparation opérationnelle. Il ressort de mes travaux que le nombre de forces engagées, la durée de l'exercice, sa dimension multimilieux et multichamps ont constitué de véritables défis, que nos armées ont su relever.
L'exercice a permis de confirmer la pertinence du modèle d'armée complet. Si ce dernier manque à certains égards d'épaisseur, il constitue un socle solide pour la montée en puissance des savoir-faire en matière de combat de haute intensité.
De ce retour d'expérience, je retiens quatre axes de progression. Premièrement, il est nécessaire de renforcer l'entraînement du commandement – notamment au niveau des corps d'armée –, ainsi que la furtivité des postes de commandement (PC). Deuxièmement, nous avons eu la confirmation de besoins capacitaires en vue de produire des effets dans la profondeur : artillerie, feux dans la profondeur, défense sol-air, capacités drones, munitions téléopérées. Troisièmement, il convient d'augmenter l'épaisseur logistique des forces terrestres ; cela concerne tant le dimensionnement des services de soutien et des appuis que les stocks de munitions et de pièces de rechange, essentiels à notre rôle de nation-cadre. Quatrièmement, nous devons relever le défi de la performance et de l'interopérabilité des systèmes d'information opérationnels et de commandement.
Au-delà du signal stratégique envoyé par Orion, il importe que la France s'affirme davantage comme contribuant à la construction du pilier européen de l'Otan.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
La parole est à M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Sourires.
En 1411, l'amiral chinois Zheng He commande 28 000 marins : il navigue à bord d'un navire cinq fois plus gros que la caravelle de Christophe Colomb, construite quelques décennies plus tard. En 1434, la Chine interdit la navigation hauturière, brûle tous ses vaisseaux et se replie sur elle-même. C'est la naissance de l'empire du Milieu, qui va durer cinq cents ans.
Pendant ce temps, la civilisation occidentale s'ouvre vers la mer. Elle construit de puissantes marines militaires et marchandes. Elle prospère et exporte sa culture, ses technologies, ses sciences et son mode de vie.
Cette période de cinq cents ans semble aujourd'hui toucher à sa fin. En 2022, la liste des dix premiers ports du monde ne contient plus aucun port européen ou nord-américain. Ils se situent tous dans la zone Asie-Pacifique ; le seul à appartenir au monde dit occidental est australien.
La bascule est impressionnante : la zone Asie-Pacifique est à l'origine de plus de la moitié des brevets déposés dans le monde ; en 2030, elle représentera probablement 40 % de l'activité économique mondiale.
La France – et, partant, l'Europe – est un acteur incontournable de cette zone ; nation de l'océan Indien, nation du Pacifique, elle y a des responsabilités. Elle y compte 1,5 million d'habitants, 150 000 expatriés, 7 000 filiales d'entreprises et 8 000 soldats.
L'Hexagone se trouve à 8 000 kilomètres de Mayotte, à 9 300 kilomètres de La Réunion, à 15 000 kilomètres de Tahiti, à 16 000 kilomètres de Wallis-et-Futuna et à 17 000 kilomètres de Nouméa. Ce simple constat nous fait prendre conscience de la tyrannie des distances et nous rappelle l'importance des forces prépositionnées.
Depuis 2018, avec l'exécution à l'euro près de la précédente LPM, nous nous sommes enfin remis dans le sens de la marche. Nous avons continué sur cette lancée et amplifié le mouvement en adoptant la nouvelle loi de programmation militaire.
Comme les autres armées, la marine bénéficiera de cet effort budgétaire sans précédent. La première année de l'application de la LPM verra les crédits de la marine continuer d'augmenter – de 20 % en autorisations d'engagement, soit 6,588 milliards d'euros, et de 9 % en crédits de paiement, soit 6,324 milliards.
La marine relève du temps long. Les décisions d'aujourd'hui ont une portée qui va au-delà de la vie de ceux qui les prennent. Elles engagent les générations futures, devant lesquelles nous sommes responsables.
Ainsi, le dernier des SNLE 3G sillonnera encore les mers en 2090. Quant au deuxième sous-marin nucléaire d'attaque de classe Suffren, le Duguay-Trouin, il a été livré en 2023 ; le troisième, le Tourville, le sera en 2024.
La flotte de surface continue aussi son renouvellement avec la poursuite de la livraison des patrouilleurs d'outre-mer, des bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), des frégates de défense et d'intervention, des nouveaux bâtiments de guerre des mines ; quant au porte-avions de nouvelle génération (PANG), il sera encore opérationnel en 2078. L'objectif est de se déployer plus longtemps, plus loin, tout en faisant face à des menaces de plus haute intensité.
Mes chers collègues, il n'existe pas de grande marine sans marins. Cette LPM et sa première année d'exécution relèvent le défi des ressources humaines, notamment grâce à la révision de la grille indiciaire et au lancement du plan « famille 2 ». Maintenir l'attractivité de la marine est une nécessité absolue. Il faut attirer, former et fidéliser les talents, qui sont nombreux.
Nous envoyons un signal fort à nos compétiteurs : la France compte dans la marche du monde. Nous n'avons pas l'intention d'être de simples spectateurs, même si cette situation peut paraître confortable – presque attirante – aux yeux de certains qui, ne produisant pas ou peu d'efforts, se reposent sur les autres. Ce n'est pas le choix de la France : ce budget en témoigne.
Il nous faut faire preuve de persévérance, de constance et, comme le disait Maurice Druon, de « cette disposition de l'âme sans laquelle toutes les autres vertus seraient inopérantes, le courage ». Nous n'en manquons pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
La parole est à M. Frank Giletti, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre, la LPM pour les années 2024 à 2030 n'est pas respectée par le PLF pour 2024
Protestations sur les bancs du groupe RE
Il y a quelques mois, nous nous sommes battus pour obtenir plus de moyens, à hauteur de 1 milliard d'euros, dès les premières années de la LPM. Ce combat avait un unique objectif : garantir l'accroissement de l'activité des forces armées et de leur entraînement.
Nous avons ajouté dans la LPM par voie d'amendement que « la préparation opérationnelle progressera quantitativement dès 2024 ».
Nous avons aussi ajouté à la LPM une trajectoire précise jusqu'en 2030, avec des indicateurs dénombrant les heures d'entraînement des soldats, les jours de mer des marins et les heures de vol des aviateurs. Cette promesse a-t-elle été tenue ? Je n'ai pas le droit de vous le dire, à vous, représentants de la nation !
Mes chers collègues, 70 % du budget de l'armée de l'air et de l'espace, dont je suis le rapporteur pour avis, sont consacrés au maintien en condition opérationnelle des aéronefs, c'est-à-dire à l'amélioration de leur disponibilité. Ces dépenses, qui se chiffrent en dizaines de milliards, sont-elles efficaces ? Je n'ai pas le droit de vous le dire, à vous, représentants de la nation ! Le ministère des armées a en effet décidé d'orchestrer une opération inédite de classification de toutes les données relatives à l'activité de nos forces et à la disponibilité de nos équipements.
Deux tableaux blancs ! C'est tout ce dont nous disposons, dans le PLF pour 2024, concernant les deux enjeux majeurs pour nos armées que sont l'activité des militaires et la disponibilité de leurs équipements. Certes, en tant que rapporteur pour avis, j'ai connaissance des chiffres, mais j'ai l'interdiction de les rendre publics !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je suis donc un rapporteur qui ne peut pas rapporter des données pourtant fondamentales pour garantir un débat éclairé.
Qu'on ne me dise pas que leur divulgation ferait le jeu de nos compétiteurs : l'US Air Force, qui serait en première en ligne en cas de conflit, publie les chiffres de disponibilité de ses aéronefs. En réalité, cette censure est non une requête des états-majors, mais une décision politique. Les chiffres ne sont pas bons, alors cachons-les ! Vous avez de la fièvre, alors cassons le thermomètre ! Telle est la logique du Gouvernement.
Vous souhaitez, monsieur le ministre, que les parlementaires jouent le rôle « d'agitateurs d'idées » – pour reprendre vos termes. Donnons-nous les moyens de le faire ! Cette opération Opacité est un recul majeur pour notre capacité à contrôler le budget des armées, pour notre démocratie parlementaire et, finalement, pour nos armées elles-mêmes.
Venons-en au budget proprement dit. Incontestablement, les crédits alloués à l'armée de l'air et de l'espace augmentent : de 21 %, soit 620 millions de plus qu'en 2023. Cette hausse doit cependant être relativisée, puisque selon mes informations, 50 % à 60 % en sont absorbés par l'inflation. En 2024, pour le seul poste budgétaire relatif aux carburéacteurs, l'inflation représente 200 millions. Plus fondamentalement, on peut reprocher à ce budget d'être le fruit d'une LPM qui n'est pas à la hauteur des enjeux s'agissant de l'armée de l'air et de l'espace.
Un seul chiffre permet de bien mesurer la situation actuelle de l'armée de l'air. Le rapport annuel de performances pour 2022 contient un indicateur précieux mesurant la « capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France » – il a lui aussi mystérieusement disparu des documents budgétaires. Cette capacité est de 87 % pour la marine, de 80 % pour l'armée de terre et de 65 %, soit vingt points de moins, pour l'armée de l'air et de l'espace ! Cette situation aurait exigé une réponse forte, une politique de massification des flottes, telle que je l'appelais de mes vœux l'an dernier. C'est tout le contraire qui a eu lieu : la LPM pour la période 2019-2025 prévoyait 185 Rafale Air à l'horizon de 2030 ; la LPM pour 2024-2030 n'en prévoit plus que 137, soit une réduction de cible de 48 avions ! Je pourrais également évoquer les décalages concernant les A400M, qui passeront de 50 à 35 unités, ou la réduction du parc d'hélicoptères de manœuvres, qui passera de 36 à 32 unités.
Ces décalages et réductions de cible auront nécessairement un impact sur le contrat opérationnel de l'armée de l'air et de l'espace – j'insiste. Dans le cadre d'un conflit de haute intensité – je cite les chiffres du rapport annexé de la LPM – l'armée de l'air pourra engager 40 avions de chasse, alors que la précédente LPM en prévoyait 45. Moins d'avions de chasse, moins d'avions de transport stratégiques, moins d'avions légers de surveillance et de renseignement, moins de systèmes de drones armés : voilà ce que prévoit le contrat opérationnel de la LPM 2024-2030 en cas de conflit de haute intensité. Telle est la réalité des chiffres derrière les annonces relatives à l'adaptation à la haute intensité : l'armée de l'air et de l'espace aura tout simplement moins de moyens à engager dans un conflit majeur du fait des réductions et des décalages décidés dans la LPM.
J'en appelle donc à nouveau à un sursaut pour l'armée de l'air et de l'espace, qui peut être un formidable vecteur de puissance et d'influence, comme elle l'a encore montré récemment lors de la mission Pégase dans la zone indo-pacifique. Encore faut-il lui en donner les moyens ! Osons enfin le pari de la souveraineté, au lieu de céder aux mirages des coopérations européennes, dont le système de combat aérien du futur (Scaf) est l'exemple type : nous avons la chance de disposer en France d'une industrie aéronautique de classe mondiale.
Faisons-lui confiance pour répondre à nos besoins ! Monsieur le ministre, il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Fournir aux forces armées les matériels et les équipements dont elles ont besoin pour accomplir leurs missions et garantir leur supériorité opérationnelle : tel est l'objet du programme 146. Du SNLE aux munitions d'artillerie en passant par de nouvelles capacités dans l'espace et le cyber, le programme 146 couvre un large spectre d'équipements. Il est naturellement au cœur des ambitions capacitaires de la LPM, qui prévoit 100 milliards d'euros pour les seuls programmes à effets majeurs, soit une hausse de 70 % par rapport à la précédente LPM ; 100 milliards pour transformer notre outil de défense et répondre au double défi de la haute intensité et d'une conflictualité désormais multimilieux et multichamps.
Le PLF pour 2024, année 1 de cette LPM, déploie pleinement cette ambition capacitaire ; ce que nous avons voté à une très large majorité il y a quelques semaines est exactement appliqué ici. Les 16,6 milliards de crédits du programme 146 permettront de financer dès 2024 certaines grandes priorités de la LPM, telles que le secteur spatial, le renouvellement des capacités de missiles antinavires et de croisière, et le renforcement de la défense sol-air.
Si le projet de budget pour 2024 met donc parfaitement en œuvre la LPM 2024-2030, je serai toutefois vigilant sur deux points en particulier. Le premier est l'économie de guerre. Il est indéniable que des efforts ont été réalisés en 2023, comme l'augmentation du cadencement de certaines productions, comme vous l'avez rappelé lors de votre récente visite à Roanne, monsieur le ministre. Nous devons poursuivre ces efforts.
Les programmes en coopération constituent le second point de vigilance. Le système principal de combat terrestre (Main Ground Combat System ou MGCS) est l'enjeu principal pour 2024. Trois éléments sont essentiels à une coopération industrielle réussie : une volonté politique, que vous incarnez, monsieur le ministre, tout comme votre homologue allemand ; un besoin commun des armées, qui est connu depuis la signature, le 21 septembre dernier, du document relatif à l'expression commune des besoins des deux armées de terre ; la volonté des industriels de travailler ensemble. L'année 2024 nous dira si cette troisième condition est remplie ; nous y serons attentifs.
En tout état de cause, je ressors confiant des auditions que j'ai menées : nos armées et nos industriels élaborent des solutions qui nous permettront d'être prêts pour le jalon décisionnel prévu en 2025, quelle que soit l'issue du dossier MGCS. À tous ceux et celles qui vilipendent les coopérations européennes, je rappelle qu'il ne faut jamais oublier qu'elles sont bien souvent le seul moyen de résister à l'influence de l'industrie américaine. Renoncer à ces coopérations reviendrait à faire un cadeau à nos compétiteurs !
Enfin, permettez-moi d'évoquer le thème de mon rapport pour avis, consacré cette année aux financements européens de la défense. Premièrement, je constate que le Fonds européen de la défense (FED) a fait l'objet d'une bonne appropriation par les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). La France est le pays qui coordonne le plus grand nombre de projets : trente et un au total, soit plus de 30 % de l'ensemble des projets du FED. Cependant, ce dernier doit encore évoluer pour être un outil véritablement stratégique. À cet effet, il convient de se concentrer sur de grandes priorités capacitaires et de s'assurer que les États dont dépendent les industriels participant aux projets du FED s'engagent à acquérir les équipements issus des travaux de recherche et développement.
Deuxièmement, je constate que la guerre en Ukraine a indéniablement fait bouger les lignes, avec la création par l'Union européenne de deux mécanismes d'urgence : Edirpa ,
European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act
consacré à l'acquisition commune d'équipements militaires, et Asap ,
Act in Support of Ammunition Production
dispositif visant à augmenter les capacités de production de munitions. Cependant, il faut aller plus vite et surtout plus fort, pour réduire notre dépendance aux pays extra-européens. Un chiffre permet de la mesurer : 78 % des 100 milliards de commandes d'équipements militaires passées par les pays de l'Union européenne depuis février 2022 l'ont été au bénéfice de pays tiers, notamment des États-Unis. Cette situation est proprement inacceptable.
Dans ce contexte, il est urgent de changer d'échelle en créant au niveau européen un véritable mécanisme de financement pour accompagner la production en commun d'équipements militaires. C'est la condition sine qua non pour construire une véritable autonomie stratégique européenne.
En matière de défense comme dans beaucoup d'autres domaines, il est impératif d'accroître nos capacités et notre efficacité, mais aussi de préserver notre souveraineté. Cela passe par un renforcement des ressources nationales, mais aussi par davantage de coopération européenne. Parce que ce budget organise et concrétise cet accroissement de l'effort national de défense, parce qu'il s'inscrit dans la perspective d'une Europe plus autonome, j'émets un avis favorable. Je suis convaincu que notre assemblée saura faire le bon choix.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Alors que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est devenu le 1er janvier 2023 l'Office national des combattants et victimes de guerre (ONACVG), notre degré d'ambition et d'exigence envers ceux à qui nous devons tout doit rester inchangé.
Ce budget s'inscrit dans la continuité des efforts de la secrétaire d'État aux anciens combattants et à la mémoire en faveur du monde combattant. Il aurait pu être plus ambitieux dans un contexte où l'inflation demeure élevée, mais il préserve et consolide l'existant, tout en introduisant des mesures nouvelles. Avec près de 1,9 milliard de crédits de paiement en 2024, les crédits alloués à la mission sont stables, ne marquant qu'une très légère diminution de 0,38 %.
Priorité du monde combattant, la revalorisation anticipée au 1er janvier 2024 du point d'indice de la pension militaire d'invalidité – dit point PMI – à hauteur de 1,5 %, afin de tenir compte de la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet, constitue une avancée bienvenue, mais demeure insuffisante. Les invalides de guerre et les anciens combattants percevant une retraite modeste sont particulièrement préoccupés par cette évolution et par l'accroissement de leurs difficultés matérielles. Contrainte par les règles de recevabilité financière, je n'ai pu déposer d'amendement visant à revaloriser le point PMI sans entamer les crédits du programme 158. J'appelle donc le Gouvernement à consentir une revalorisation supplémentaire.
L'année 2024 sera riche en rendez-vous mémoriels. Elle sera marquée par le cycle de commémoration des quatre-vingts ans des débarquements et de la Libération, et par la poursuite de la délocalisation des cérémonies nationales, entamée en 2023. Cela se traduit par une hausse significative de 87 % des crédits dévolus à la politique de mémoire. Près de la moitié de ces 42,4 millions sera affectée au financement des commémorations ; l'autre moitié sera allouée à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine mémoriel.
En 2024, le nouveau plan d'accompagnement des blessés militaires et de leurs familles, d'un montant de près de 5,5 millions d'euros, sera appliqué et intégrera des dispositions importantes adoptées dans le cadre de la LPM, comme la réparation intégrale, l'assouplissement de la majoration pour tierce personne, et surtout, la montée en puissance du dispositif Athos avec l'ouverture des cinquième et sixième maisons.
L'effort de solidarité en faveur des harkis et des rapatriés s'intensifiera en 2024, avec près de 112 millions, soit une hausse de 11 millions. La décision du Gouvernement d'étendre la liste des structures pouvant donner droit à réparation aux quarante-cinq sites proposés par la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis (CNIH) explique l'essentiel de l'augmentation de l'enveloppe relative au droit à la réparation. La Commission expertisera quatre-vingt-sept sites supplémentaires en 2024.
Pour prendre en considération ces évolutions relatives aux maisons Athos et aux harkis, la subvention de l'ONACVG pour charge de service public sera portée à 62,56 millions d'euros, soit une hausse de 2,35 millions par rapport à 2023. En matière de solidarité, la subvention accordée à l'ONACVG pour financer son action sociale a été maintenue à hauteur de 25 millions. Je serai néanmoins vigilante quant à la bonne adéquation des moyens financiers et humains accordés à l'Office avec l'accroissement de ses missions.
Enfin, le renforcement du lien entre armées et nation se matérialise à travers la politique du ministère des armées en faveur de la jeunesse. Le budget pour 2024 s'établit à 26,9 millions, soit une hausse de 1,59 million en crédits de paiement par rapport à 2023. À l'heure où le renforcement des forces morales de notre nation doit constituer une priorité, une réflexion doit être lancée sur le contenu de la journée défense et citoyenneté (JDC), qui consacre trop peu de temps aux enjeux de défense et de mémoire.
Je souhaite également appeler votre attention sur la question des reçus fiscaux. Toutes les associations appartenant au G12 – regroupant les douze principales associations représentatives du monde combattant – ne sont pas reconnues d'intérêt général par l'État ; les dons ou cotisations les concernant ne sont donc pas systématiquement déductibles des impôts du contribuable. Or leurs actions dépassent la seule défense des intérêts des anciens combattants et contribuent également au travail de mémoire et au renforcement des forces morales de la nation. Aussi souhaiterais-je qu'une réflexion soit lancée pour étudier les conditions dans lesquelles le statut d'association reconnue d'intérêt général pourrait être octroyé aux associations qui en sont privées.
Enfin, j'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire au dispositif Athos. En visite dans la maison Athos de Bordeaux, à la rencontre de ses membres, que je tiens à saluer pour l'accueil chaleureux qu'ils m'ont réservé, j'ai constaté la pertinence du dispositif. Il répond à un réel besoin et complète les autres modes de prise en charge. Toutefois, la maison de Bordeaux est arrivée à saturation, ce qui justifie d'étendre le dispositif.
Par ailleurs, dans mon avis, je propose plusieurs axes d'amélioration, tels que l'identification des militaires éligibles parfois perdus de vue, la poursuite des expérimentations en cours, notamment des dispositifs Athos nomade et Athos famille, l'accélération de la simplification des démarches administratives des blessés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Caroline Colombier applaudit également.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Dans le tumulte actuel, alors que la guerre de haute intensité est de retour en Europe, et que le Moyen-Orient est touché en son cœur par le ravivement sans précédent du conflit israélo-palestinien, il est impératif de rappeler en préambule l'engagement indéfectible des Écologistes pour une défense globale. Elle repose sur nos armées et notre action diplomatique, laquelle contribue à rendre le monde plus sûr, ainsi que sur le respect constant du droit international.
Malheureusement, il n'y a aucun suspense. Dans quelques heures, le 49.3 sera appliqué, ce qui nous privera de la possibilité de débattre pleinement de la mission "Action extérieure de l'État" sur laquelle le rapporteur spécial, notre collègue Karim Ben Cheikh, a réalisé un travail précis et porteur de sens, que je tiens à saluer.
Nous en avons débattu lors de l'examen de la LPM, une défense globale doit s'appuyer très fortement sur la diplomatie, sans laquelle nos forces armées se retrouvent seules sur le terrain. Si nous avons une loi de programmation militaire, relative à la défense, nous ne disposons pas d'une loi de programmation relative aux moyens diplomatiques.
Alors que des conflits surviennent de nouveau, la force diplomatique, qui, malheureusement, a été malmenée, doit être renforcée. Bien entendu, nous devons disposer de moyens pour nous défendre, alors que nous avons tendance à vouloir tout militariser.
Grâce aux instances internationales, nous tenons une ligne juste. Nous avons débattu de la situation au Moyen-Orient. La France a soutenu une résolution très forte en faveur d'une trêve humanitaire immédiate et durable, afin de faire cesser les hostilités. Nous devons appuyer le travail de la diplomatie ; notre armée doit œuvrer dans ce sens.
Malheureusement, cette action diplomatique peut échouer. Tel est le cas en Ukraine car nous nous concentrons, de manière légitime, sur le Moyen-Orient. Nous le répétons : nous n'oublions pas ce qui se passe en Ukraine, État qui lutte pour préserver son intégrité territoriale face à l'agression d'une puissance autoritaire. Du reste, celle-ci profite de la déstabilisation du monde pour consolider ses alliances et renforcer son action. C'est pourquoi nous avons voté un amendement transpartisan, visant à augmenter le fonds de soutien à l'Ukraine. Cet amendement, qui a été adopté, est indispensable car nous devons continuer à soutenir les forces en Ukraine.
Dans ce débat sur la diplomatie et les moyens dédiés à l'action de nos armées, comment ne pas évoquer le réchauffement climatique, menace qui plane et qui pèsera chaque année davantage ? Celui-ci changera les conditions d'intervention de nos militaires, qui devront faire face à la diminution des matières premières, notamment du pétrole. Les théâtres d'opération, soumis à de fortes chaleurs, seront beaucoup plus difficiles ; le matériel sera parfois détérioré. Le réchauffement climatique, qui induit une diminution des ressources, pourra enfin provoquer des conflits très violents.
Nous devons résoudre ce problème de deux manières. D'abord, nous avons déposé des amendements visant à augmenter les moyens en matière de recherche stratégique, afin d'adapter notre armée au réchauffement climatique. Nous en avons discuté en commission. Grâce au débat, les moyens consacrés à la recherche seront peut-être encore augmentés.
Ensuite, s'agissant des actions concrètes menées par le ministère des armées pour lutter contre le réchauffement climatique, je salue la rénovation des infrastructures, mais ce n'est qu'un petit pas. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à accélérer la rénovation des infrastructures et des bâtiments. Le ministère des armées est un propriétaire important, il est indispensable d'améliorer son bâti et de rénover les passoires thermiques – dont nous avons beaucoup débattu –, afin de lutter contre le réchauffement climatique et de préserver les conditions de vie des militaires.
Je plaide pour l'augmentation des moyens en faveur de la transition énergétique et de la rénovation des bâtiments.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Personne ne peut s'affranchir du contexte international qui entoure l'examen du budget de la défense pour 2024. La guerre en Ukraine, la guerre en Palestine et en Israël, les tensions au Sahel, la compétition dans la zone indo-pacifique nous obligent à adopter la plus grande vigilance et surtout à multiplier nos efforts diplomatiques.
Bien entendu, face à une telle réalité, il faut mettre tous les moyens en œuvre pour protéger les Français et nos ressortissants à l'étranger, pour que les armées disposent du meilleur matériel, à la pointe des nouvelles technologies, et pour que les soldats soient bien équipés, bien formés, mieux rémunérés. Sur ces différents points, il y a eu quelques avancées, notamment en matière de conditions de vie et d'indemnisation des soldats.
Mais, comme nous l'avions dit lors des débats sur la LPM, nous n'aurions pas doublé les crédits de la défense entre 2017 et 2027, alors même qu'on fait encore des économies sur les écoles, l'éducation nationale, la santé et les hôpitaux.
Pour commencer, vous augmentez la puissance de notre dissuasion nucléaire, en lui allouant 750 millions d'euros supplémentaires cette année, soit des crédits s'élevant au total à 5,3 milliards d'euros. Si la dissuasion nucléaire est la clé de voûte de notre défense – dont acte –, les moyens que vous lui allouez vont à l'encontre de nos engagements internationaux en faveur de la non-prolifération de l'arme nucléaire. Nous ne partageons pas ce choix. Au contraire, travaillons au désarmement multilatéral de toutes les puissances nucléaires.
En revanche, nous voulons allouer d'importants moyens au secteur des équipements et des munitions, afin de rattraper le retard pris depuis des années. Mais, là encore, le poids excessif de la dissuasion vous a contraints à reporter des programmes d'armement, notamment au détriment de nos outre-mer. En outre, notre modèle industriel de l'armement, trop dépendant d'autres pays, voire de fonds de pension privés, doit pousser à nous interroger.
Vous programmez ainsi 1,5 milliard d'euros pour reconstituer nos stocks de munitions. Mais quels partenariats industriels seront conclus ? Quel contrôle public sera exercé ? Nous continuons de plaider pour un pôle public de l'armement. À cet égard, la relocalisation de la fabrication de poudre à Bergerac est un bon exemple à suivre.
J'en viens maintenant à un point très important relatif au montant de la pension accordée à nos anciens combattants. Dans l'histoire de notre pays, les armées ont toujours été composées de soldats issus, dans leur grande majorité, de milieux populaires. Ouvriers, paysans, métallos, cheminots, fonctionnaires, enseignants, ce sont eux qui sont allés défendre la patrie et qui ont assumé dans leur chair les combats les plus difficiles. Aujourd'hui, ils vivent très modestement. Je le dis avec gravité, il faut entendre leur colère lorsqu'ils parlent d'aumône et qu'ils qualifient de ridicule l'augmentation du point PMI, proposée dans le budget. Oui, il faut les entendre, eux qui subissent une inflation qui dépasse largement 5 %, pour atteindre 15 %, voire 20 %, et qui reçoivent des régularisations de charge dues au prix de l'énergie. Il faut rattraper les retards pris ces dernières années en matière de revalorisation de la pension des anciens combattants.
Je terminerai en évoquant l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, spécifique à nos outre-mer. Après ceux effectués dans le Sahara algérien, 181 essais nucléaires ont été réalisés en Polynésie, dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa, parmi lesquels 46 essais aériens et 147 essais souterrains. Les premiers ont libéré des nuages radioactifs. Ils ont atteint Tahiti, contaminant les populations qui ont alors souffert de plusieurs maladies. Lors des essais souterrains, des déchets radioactifs ont été déversés dans les profondeurs des atolls. Les dégâts, humains et environnementaux, sont donc considérables.
Or la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, censée résoudre le problème de l'indemnisation des victimes, ne produit pas les effets attendus, la plupart des demandes étant rejetées par le comité d'indemnisation. Alors que rien n'est prévu dans ce budget, il est urgent que l'État accorde enfin au Civen – Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires – les moyens de traiter les dossiers à la mesure des préjudices subis et d'indemniser les victimes des risques de cancer. Nous défendrons un amendement en ce sens.
Pour conclure, nous demandons humblement, une nouvelle fois, que les choix stratégiques, le modèle d'armée tout autant que la trajectoire financière de ce budget soient revus. Mais à quoi bon si, dans les heures qui viennent, un nouveau 49.3 tombe sur cette assemblée comme la lame d'une guillotine, mettant un terme à nos débats ? Je le regretterais profondément, compte tenu des débats très riches que nous avons eus en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Au nom de mon groupe, j'exprime notre gratitude envers l'ensemble de nos militaires, dans l'Hexagone et dans les outre-mer, qui assurent au quotidien notre sécurité dans un contexte géopolitique encore plus difficile. Je salue l'application de la première marche de la nouvelle loi de programmation militaire ; c'est un signal fort que nous envoyons à nos armées mais également à nos alliés.
D'abord, j'évoquerai la plus petite mission du budget du ministère : celle dédiée aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens avec la nation, que vous défendez bien, madame la secrétaire d'État. Parce qu'elle traduit notre reconnaissance au monde combattant, la revalorisation du point PMI est très attendue sur le terrain. La hausse anticipée, dès janvier 2024, va dans le bon sens. Faute de mieux, elle est toujours bonne à prendre. Néanmoins, il faut bien reconnaître qu'une augmentation de 1,5 %, alors que l'inflation avoisine les 5 % en 2023, est une mesure modeste en faveur du pouvoir d'achat du monde combattant – je salue tout de même cet effort.
Mon groupe souhaite également appeler votre attention sur les compensations en faveur des harkis. En dépit de la loi 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, il reste encore des trous dans la raquette. Plusieurs associations demandent à mettre fin aux disparités des allocations perçues par certaines veuves ; nous avons déposé un amendement en ce sens. Je vous ai saisi de plusieurs dossiers concernant des personnes vivant dans le département de la Lozère.
J'en viens à la mission "Défense" . Les défis sont encore nombreux en 2024 ; j'insisterai sur trois sujets. Tout d'abord, alors que nos yeux sont rivés sur le Moyen-Orient, je tiens à dire un mot sur l'Ukraine. Demain, en commission de la défense nationale et des forces armées, mon collègue Christophe Naegelen présentera un rapport sur le bilan du soutien militaire à l'Ukraine ; nous ne devons pas délaisser ce conflit aux portes de l'Europe. La France a déjà fait beaucoup en fournissant une triple contribution financière, militaire et humanitaire. Ainsi, 200 de nos soldats ont été déployés en Pologne pour former les Ukrainiens. Une rallonge budgétaire de plus de 2 milliards devrait être accordée au ministère en 2023, notamment pour compenser le surcoût lié à ce soutien. Cette ouverture est essentielle, mais il me paraît nécessaire d'accentuer cette démarche en 2024, au regard de l'aide fournie par nos partenaires européens. Notre soutien ne doit pas faiblir et nous ne devons pas détourner le regard.
Ensuite, s'agissant de la transition vers une économie de guerre, le niveau de commandes hors dissuasion est ambitieux en 2024 puisque 13,6 milliards d'euros sont prévus, ce qui met à rude épreuve la capacité de réaction de notre BITD. Des crédits sont prévus ; pour autant, le débat n'est pas clos. Nos entreprises de défense, en particulier les PME, sont confrontées à une hausse de la demande alors qu'elles rencontrent des difficultés pour accroître leur production, recruter et accéder au financement bancaire.
Le groupe LIOT rappelle encore la nécessité de renforcer l'appui et l'accompagnement des entreprises. La souveraineté de la France en dépend. Nous nous inquiétons de l'avenir des partenariats industriels européens. Au sujet du Scaf, si le pire semble avoir été évité, l'Allemagne nous a donné des sueurs froides.
Vous n'avez pas le droit à l'erreur, monsieur le ministre : l'échec des projets européens nuirait à notre crédibilité et entraînerait de lourdes conséquences industrielles et financières.
Je conclurai en évoquant les territoires ultramarins. Comme nous le rappelions lors de l'examen de la LPM, ils représentent un atout qui doit se refléter dans le budget de la défense. Nous saluons les premières livraisons de matériels, notamment celle du POM destiné à La Réunion. Les investissements dans les infrastructures de défense et dans les recrutements de militaires en outre-mer doivent figurer parmi les priorités du ministère.
En cohérence avec le sens de notre vote sur la LPM, notre groupe votera les crédits de cette mission.
Les besoins programmés par la LPM 2024-2030 atteignent 413 milliards d'euros. Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation, pour s'établir à 47,2 milliards d'euros, soit 14,9 milliards de plus qu'en 2017 et 3,3 milliards de plus qu'en 2023.
La volonté du Président de la République, chef des armées, celle du ministre des armées Sébastien Lecornu et celle du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.
Concrètement, l'impulsion donnée en 2017 a permis une modernisation capacitaire qui est fort appréciée sur le terrain, tant elle améliore le quotidien de nos militaires. Objectivement, ce budget atteint les objectifs cohérents de consolidation fixés lors des débats sur la LPM.
Tout d'abord, il permet de poursuivre les efforts pour moderniser, renouveler et entretenir nos équipements : 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effet majeur – hors dissuasion ; 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle ; sans oublier de nombreuses livraisons. Il répond aux besoins essentiels de nos armées, permet de soutenir notre tissu économique local et d'inscrire progressivement notre industrie de défense dans une logique d'économie de guerre. N'oubliez pas que 1 euro investi aujourd'hui dans la défense produira 2 euros de richesse d'ici à dix ans.
Par ailleurs, ce budget garantit d'autres investissements cruciaux pour notre autonomie stratégique : des investissements dans la dissuasion nucléaire, afin de rester crédibles, dans le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, dans le champ informationnel et l'innovation. Nous donnons ainsi à nos armées des capacités de renseignement, d'analyse et d'action dans les secteurs hybrides, matériel ou immatériel.
Enfin, soulignons que ce budget profitera directement aux personnels civils de la défense et améliorera le quotidien des militaires. Les moyens déployés permettront de perfectionner les équipements, les infrastructures et la préparation opérationnelle, de proposer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail et enfin de renforcer le plan « famille ».
Concernant la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation" , nous constatons que l'engagement des pouvoirs publics ne faiblit pas. La nation sait ce qu'elle doit à ses anciens combattants. Leurs droits acquis ne seront pas remis en cause. Avec un budget de 1,8 milliard, les moyens en faveur de la politique mémorielle sont maintenus. L'année 2024 sera importante à plusieurs titres : nous commémorerons, quatre-vingts ans après, les débarquements alliés et la Libération, nous lancerons un nouveau plan « blessés » d'accompagnement et nous renforcerons le lien entre la nation et ses armées.
Chers collègues, il y a une chose dont nous devons nous porter garants : nous devons préserver la singularité des militaires français et veiller à ce que la nation n'oublie jamais ceux qui s'engagent à la défendre. N'oublions jamais que l'engagement de ces femmes et de ces hommes peut parfois les amener, si leur mission l'exige, à donner la mort ou à consentir au sacrifice suprême.
En confiance et avec le sens des responsabilités, le groupe Renaissance votera donc les crédits de ces deux missions.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'examen des crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation marque un temps fort des débats consacré à ce projet de loi de finances pour 2024. Nous allons ainsi poser la première brique de la LPM 2024-2030.
C'était d'autant plus urgent que le dévoilement de l'agenda des grandes puissances s'accélère, entre affirmation des ambitions et usage assumé de la force. Nous partageons les constats des chefs des armées : alors que nous avions connu un monde de paix relative, nous vivons le retour d'une logique de confrontation de plus en plus dangereuse.
Notre défense doit être dimensionnée financièrement à ces nouvelles conflictualités. Au vu de la trajectoire mondiale, et bien qu'il ne s'agisse pas d'une fatalité, notre pays devra probablement s'impliquer dans des conflits non plus choisis, mais subis. Aussi devons-nous exécuter fidèlement la LPM ; c'est d'ailleurs le cas avec ce PLF que nous saluons.
Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux. Espérons que ceux-ci ne seront pas parasités par un énième 49.3 – wait and see !
Le cas échéant, nous comptons sur l'esprit de consensus qui vous animait, monsieur le ministre, lors de l'examen de la LPM, pour intégrer dans le texte les amendements des oppositions déjà adoptés lors des travaux en commission, car il subsiste dans ce budget de nombreux angles morts, voire des points de friction et de divergence. Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux comme le Scaf et le MGCS, selon nous voués à l'échec diplomatique et industriel : il serait salutaire d'y mettre fin au plus vite, car l'aveuglement idéologique qui préside à ces projets risque de coûter cher et de nuire au modèle d'armée que nous devons ériger pour la France et les Français.
Ne nous lançons pas dans des projets chimériques, tel celui d'un improbable porte-avions européen, suggéré par le commissaire français Thierry Breton et commençons par faire confiance à nos industriels : ils sont capables de faire advenir des miracles et défendent activement notre souveraineté.
Nous avons redéposé nos amendements pour l'examen en séance afin de souligner des manques capacitaires importants. Nous demandons notamment que les moyens du service de santé des armées (SSA) soient renforcés afin de pallier les insuffisances actuelles dans un contexte de fortes tensions : les deux porte-hélicoptères amphibies (PHA) déployés dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas ne pouvaient pas prendre en charge un grand nombre de blessés.
Nous souhaitons également renforcer les différents services de maintien en condition opérationnelle (MCO) pour éviter de recourir à l'externalisation. Au lieu d'un système logistique à flux tendu, nous proposons de reconstituer des stocks stratégiques et de récréer une filière de production de petits calibres.
Concernant les ressources humaines, nous avons voté en commission des amendements concernant le logement de nos militaires. Nous proposons également une revalorisation de leur grille indiciaire. En résumé, nous voulons fournir à nos armées les outils qui lui permettent d'être prêtes « dès ce soir », selon les termes du chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat).
Nous voterons les crédits de la mission "Défense" , comme nous avions voté la LPM, même si nous déplorons un certain nombre d'angles morts.
Au sein de la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation" , nous espérons que des crédits seront affectés à la revalorisation du point PMI, afin de réparer une injustice notoire des précédents budgets. Les hommes et les femmes concernés, qui ont tout sacrifié en combattant pour la France et méritent à ce titre la reconnaissance de la nation, subissent de plein fouet l'inflation. La revaloration de 1,5 % prévue par le gouvernement dans ce PLF ne permet pas de compenser l'inflation qui s'élevait à 5,2 % en 2022. Avec des associations, nous dénonçons cette situation et défendons un amendement tendant à revaloriser de 5,2 % le point PMI. S'il n'est pas adopté, nous nous abstiendrons.
La guerre n'est plus une hypothèse théorique mais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, sa doctrine d'emploi et sa vision stratégique. Telle sera la position de notre groupe au cours de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Notre groupe parlementaire regrette la diminution des crédits de la mission "Anciens combattants," mémoire et liens avec la nation. Cette baisse se justifie par la diminution du nombre de ressortissants de l'ONACVG, mais la pérennisation du budget aurait permis une amélioration de leur prise en charge.
Nous avons déposé des amendements pour améliorer l'accompagnement des blessés psychiques et étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.
Concernant le SSA, nous restons insatisfaits et déplorons les manœuvres dilatoires du ministre qui n'a toujours pas fourni de plan de route pour la remontée en puissance d'un service pourtant gravement éprouvé par l'austérité.
Pour la mission "Défense" , nous examinons le premier budget postérieur à la LPM. Il est d'un montant important – 47,2 milliards – et conforme à la trajectoire envisagée. Beaucoup se contenteront de saluer cette conformité et de considérer la grandeur du chiffre. Mais ce serait oublier la politique, le cadre intellectuel dans lequel vous évoluez et les insuffisances de la LPM elle-même.
Selon nous, ce texte est un rendez-vous manqué. Il ne comble pas les lacunes capacitaires de nos armées et ne prépare pas notre pays aux transformations du monde, notamment au changement climatique. Il confirme que votre projet pour la France n'est pas l'indépendance mais bien l'alignement.
Ces dernières semaines, vous vous êtes montrés incapables de faire entendre une voix forte et singulière au service de la paix, incapables de vous démarquer de l'encombrante tutelle du parrain états-unien. Cette position est évidemment intenable. Surtout, elle ne correspond pas aux aspirations du pays. Si bien que vous en êtes réduits à devoir sauver les apparences. À Gaza, vous envoyez un prétendu navire-hôpital qui ne peut accueillir plus de quatre blessés. Quelle avanie !
Pour faire bonne figure, Emmanuel Macron avait formulé une proposition absurde : régler la question du Hamas en utilisant la coalition anti-Daech et donc, sans doute, en bombardant Gaza. À force de patauger et de tout embrouiller, l'exécutif discrédite la France et la rend inaudible.
Paradoxalement, c'est vrai jusqu'au sein de l'OTAN. Ce n'est pas moi qui le constate mais la Cour des comptes, dans un rapport rendu public il y a quelques semaines. Alors que les contributions de la France à l'OTAN ne cessent d'augmenter et pourraient même atteindre 830 millions d'euros en 2030, que sa participation aux opérations de réassurance à l'Est a déjà engendré un surcoût d'1,3 milliard, son incapacité à peser dans l'organisation est notoire.
D'ailleurs, quand le Parlement s'est-il prononcé pour valider ces opérations ? Jamais. Le Gouvernement a envoyé des soldats en Roumanie et en Estonie sans que jamais le Parlement ne vote à ce sujet, comme le prévoit pourtant l'article 35 de notre Constitution : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger » ; « Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ». Mais vous tordez la Constitution en recourant à une qualification juridique accommodante : celle des « missions opérationnelles », dont vous feignez de croire qu'elles n'ont pas besoin de faire l'objet d'un vote du Parlement. Elles sont pourtant financées en partie comme des Opex : les opérations Lynx et Aigle sont d'ailleurs classées comme telles sur le site du ministère. En réalité, votre refus de la démocratie parlementaire mine la crédibilité budgétaire.
Votre budget est, à l'image de votre politique, approximatif, insincère et marqué du sceau de l'imprévoyance.
Les prévisions concernant l'inflation sont minorées, les indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'entraînement des forces ne sont plus publics et l'avenir des programmes à effet majeur suscite beaucoup d'inquiétudes. Le porte-avions de nouvelle génération verra-t-il le jour à temps ? D'après les informations contenues dans les documents budgétaires, l'essentiel des crédits de paiement est prévu pour après 2026 alors que sa mise en production est prévue pour 2025. Ce calendrier est-il soutenable ?
Les grands programmes conçus en coopération avec l'Allemagne que sont le Scaf et le MGCS sont voués à l'échec. Mais vous vous obstinez et vous mettez en péril des capacités industrielles souveraines.
Rien, dans ce projet de loi de finances, ne permettra à la France de conserver et de développer une BITD souveraine. Vous tergiversez, vous refusant à recourir à des fleurons industriels comme Atos ou Alcatel Submarine Network pour mettre en œuvre une politique réellement ambitieuse. Comment accepter que le groupe qui abrite les supercalculateurs indispensables à la dissuasion puisse être vendu à la découpe à un milliardaire tchèque ?
Évidemment, rien, dans ce budget, pour préparer l'après-pétrole ; c'est pourtant dès aujourd'hui que l'effort doit être consenti.
Rien de substantiel non plus pour garantir la sécurité et la souveraineté de l'hébergement des données des Français.
Pour conclure, nous ne croyons pas à votre stratégie d'augmentation de la réserve. L'armée peine déjà à fidéliser ses personnels et à atteindre ses objectifs de recrutement. Le Gouvernement ne parviendra pas à atteindre celui de 80 000 réservistes en 2030, et la mise en œuvre de votre service national universel mi-chèvre mi-chou, entre la colonie de vacances et le service militaire,…
…n'y changera rien. Édouard Philippe lui-même l'a suggéré il y a deux jours.
Pour ces différentes raisons, nous voterons contre ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« On pourrait inscrire sur la tombe de beaucoup d'hommes politiques chargés de fonctions gouvernementales élevées : Ci-gît un homme mort d'épuisement pour s'être préoccupé de détails. Il n'a jamais eu le temps de penser parce qu'il lisait toujours ses papiers. Il voyait chaque arbre, mais jamais toute la forêt. » Ces mots sont ceux d'un grand soldat, le maréchal Montgomery.
Regarder les arbres aujourd'hui, ce serait étudier ligne à ligne les imputations budgétaires. Or, comme ce budget reprend à l'euro près les termes de la LPM, que notre groupe a votée, cela n'aurait aucun sens. Il en va de la politique comme des armées : la cohérence seule compte.
Nous pouvons donc sereinement examiner la forêt, c'est-à-dire une situation géopolitique de plus en plus sombre, où le recours désinhibé à la force sous les formes les plus hybrides devient la loi ordinaire. De l'Ukraine au Proche-Orient, de l'Arménie au Sahel, où le terrorisme fait son grand retour depuis le départ de la France, les armes parlent.
Dans la LPM, nous avons eu collectivement la sagesse de prévoir que le montant de 413 milliards était un minimum sous lequel il n'était pas possible de descendre, à moins de sacrifier la dissuasion ou la cohérence de nos moyens conventionnels. Mais il nous faudra, dans les années qui viennent, adapter l'épée de la France aux menaces nouvelles.
J'en vois trois, existentielles.
La première serait l'élection d'un président isolationniste à la tête des États-Unis. Nous avons tous entendu Donald Trump annoncer lors d'une conférence de presse que les Européens devraient se défendre seuls. Bien sûr, il faut faire la part des choses, entre les propos d'estrade d'un tribun démagogue et la conduite d'une politique. Mais la menace n'est pas virtuelle. N'oublions pas que la non-ratification du traité de Versailles en 1920 a contribué à transformer la « der des der » en un armistice de vingt ans.
La deuxième serait la poursuite de la croissance du complexe militaro-industriel russe à l'issue de la guerre en Ukraine. La plupart d'entre nous souhaitent la victoire du droit sur la force, et nous y prenons toute notre part, par l'aide que la France a déjà apportée et par les amendements transpartisans que nous défendrons lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour renouveler le fonds d'aide.
Dans cette guerre, qui ressemble de plus en plus à celle de 1914, nul ne sait ce que sera l'après. Si les armes se taisent sans solution politique, le conflit serait gelé et pourrait redevenir brûlant. Nous aurions alors à respecter nos engagements vis-à-vis de nos alliés du flanc oriental. Il nous faudrait repenser le format de notre corps aéroterrestre.
La troisième menace serait l'implantation de proxys hostiles au sud de la Méditerranée. Pensons aux Houthis, ces vassaux de l'Iran qui, depuis le Yémen, ont prêté la main aux terroristes du Hamas en tirant des missiles sur Israël.
Imaginons qu'un groupe hostile installé dans un État failli – la Libye, par exemple – tire une salve de missiles balistiques sur la France. La frappe serait évidemment sous le seuil de la dissuasion. Seule une défense sol-air plus musclée que celle dont nous disposons pourrait protéger nos populations.
Il est trop tôt pour prendre des décisions. Les événements trancheront. Mais pour hausser la garde si les menaces l'exigent, deux éléments sont essentiels.
Premièrement, nous devons être capables de remonter en puissance, c'est-à-dire de concrétiser l'entrée de notre pays dans une économie de guerre. Il faut de la volonté, des moyens, des symboles.
Deuxièmement, nous devons disposer de femmes et d'hommes prêts à servir le pays jusqu'au sacrifice suprême. Cela signifie, monsieur le ministre, que nous devons tout mettre en œuvre – et je sais que vous faites le maximum – pour promouvoir l'attractivité du métier des armes, notamment en mettant un terme à la discordance qui existe entre officiers et hauts fonctionnaires civils. Sans les hommes qui montent en ligne, les matériels les plus sophistiqués ne servent à rien.
C'est sur le fondement de ces réflexions de long terme que notre groupe votera pour ces crédits. Ce faisant, il applique la maxime d'un autre grand soldat, le général de Castelnau : « Le succès ne s'improvise pas dans l'urgence, il se prépare. Le désordre dans les doctrines entraîne le désordre dans les idées, le désordre dans les moyens, le désordre dans l'action ». Nous sommes dans l'action !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Sans surprise, je salue, au nom du groupe Démocrate, le budget pour 2024, dans lequel, à nouveau, les engagements sont tenus – et ce n'est pas rien. Le budget de la défense, qui s'élevait à 32,6 milliards d'euros en 2017, atteint, en 2024, 47,2 milliards, soit pratiquement 15 milliards de plus ! La trajectoire et l'exécution budgétaire ont été parfaitement conformes à la précédente loi de programmation militaire, et l'augmentation programmée de 3,3 milliards pour 2024 traduit bien le respect de la nouvelle LPM. C'est essentiel, car nos armées ont besoin de perspectives et, surtout, de confiance.
Le contexte géopolitique, marqué par la résurgence de crises majeures, le retour des combats de haute intensité, les nouvelles menaces liées à des technologies de plus en plus sophistiquées, les nouvelles zones possibles de conflictualité – espace et fonds marins – imposent de disposer d'une armée préparée, bien équipée, capable de s'adapter en permanence et de relever tous les défis liés à la sécurité de notre pays.
Qu'il s'agisse de la préparation opérationnelle, du renouvellement accéléré des armements, de la volonté de toujours améliorer le maintien en condition opérationnelle du matériel, des importants investissements dans l'innovation, le cyberespace, le spatial et les fonds marins ou des 500 millions consacrés au renseignement – axe essentiel –, le budget 2024 affiche l'ambition de poursuivre la transformation de nos armées. Et nous ne pouvons que nous en réjouir !
La cohérence impose d'investir dans les infrastructures. Aussi les 2,2 milliards d'euros qui y seront consacrés en 2024, pour nos trois armées et le service de santé des armées, doivent-ils être également salués.
Mais nos armées, ce sont d'abord des hommes et des femmes qui s'engagent avec passion pour servir leur pays, acceptent des sujétions fortes et doivent acquérir des compétences de plus en plus pointues. Nous devons donc être attentifs à ces hommes et à ces femmes, et à leurs familles. Ainsi, 70 millions sont consacrés au plan « famille 2 » ; ces crédits sont indispensables au soutien des familles. Nous soutenons bien sûr la nouvelle politique de rémunération des militaires et les revalorisations salariales.
L'hébergement et le logement restent cependant des points auxquels nous devons être attentifs, l'augmentation des crédits risquant d'être engloutie par l'inflation. Nous le savons tous, malgré des engagements budgétaires forts lors des dernières années, il reste encore beaucoup à faire.
Rémunérations, conditions de vie, plan « famille » : autant d'éléments essentiels pour l'attractivité de nos armées et la fidélisation de nos forces. Nous ne devons pas relâcher nos efforts dans ces domaines essentiels. Nos militaires méritent de tels égards et cette attention portée à leurs conditions de travail et de vie.
Bien entendu, monsieur le ministre, nous voterons pour le budget pour 2024 sans aucune difficulté.
Avant d'aborder la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation" , je souhaite redire notre profond respect et toute notre reconnaissance à nos anciens combattants et les assurer de l'attention que nous portons à leurs demandes de réparation. Je veux également saluer la mémoire de Léon Gautier, le dernier des Kieffer, un homme formidablement engagé auprès duquel j'ai assisté à tant de cérémonies, et de Ari Wong Kim, dernier vétéran polynésien du bataillon du Pacifique de la deuxième guerre mondiale.
Applaudissements.
L'année 2024 s'annonce particulièrement riche pour les politiques de mémoire, comme en témoigne le doublement des crédits consacrés à cette politique, soit 42 millions d'euros. Le quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence et de la libération progressive de la France fera l'objet de nombreuses cérémonies et d'un travail mémoriel intense.
En ces temps troublés, alors que l'antisémitisme semble ne plus avoir de limite et que se multiplient les actes inadmissibles, il est essentiel que ces temps mémoriels soient l'occasion de rappeler sans cesse quels ont été, aux heures tragiques du XX
Notre groupe salue l'engagement en faveur du plan « blessés » et votera pour le budget de 1,9 milliard d'euros alloué au monde combattant et à la mémoire pour l'année 2024.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Un sentiment général partagé : telle est la perception du groupe Socialistes et apparentés s'agissant des deux missions que nous examinons. Si le premier projet de loi de finances post-LPM entérine la trajectoire budgétaire et la vision stratégique adoptées il y a trois mois, des divergences significatives, en tout cas des angles morts demeurent. Car, beaucoup l'ont dit avant moi, l'armée, ce sont d'abord des hommes et des femmes.
S'agissant de la mission "Défense" , je me concentrerai sur trois points.
Premier point, la politique de rémunération. Alors que celle-ci est déterminante pour relever le défi de l'attractivité et de la fidélisation de nos troupes, le nécessaire rééquilibrage entre traitement indiciaire et traitement indemnitaire est une nouvelle fois repoussé. Un dialogue est en cours, nous dit-on ; on y réfléchit. Mais pourquoi avoir attendu que survienne une crise du recrutement et de la fidélisation ? Au reste, le projet de loi de finances pour 2024 prend acte de ces difficultés en réduisant la cible des recrutements. Considérant la baisse des OPEX et les salaires pratiqués dans le secteur privé, la récente revalorisation des grilles indiciaires apparaît bien insuffisante pour répondre aux enjeux.
Notre deuxième sujet de préoccupation concerne le bâti, tant du fait de la vétusté de nos bases de défense que de la baisse considérable des crédits alloués aux infrastructures de santé.
La Cour des comptes l'a dit : un plan massif de rénovation des hôpitaux militaires est nécessaire. Pour le financer, l'amendement n° 3856 déposé par le groupe Socialistes reprend – cela ne vous aura pas échappé – un amendement adopté la semaine dernière en commission de la défense, puis en commission des finances. Aurez-vous le courage de le soutenir aujourd'hui ? Nous en formons le vœu.
Le troisième sujet d'importance sur lequel nous souhaitons insister concerne la préparation opérationnelle de nos forces armées.
Les crédits augmentent, me direz-vous ; soit, c'est une bonne chose – c'était absolument nécessaire. Toutefois, comment assurer l'effectivité de cette préparation opérationnelle et se conformer aux critères de l'Otan lorsque l'on manque de matériels et de personnels – ces derniers étant employés à des missions inhabituelles, liées notamment aux Jeux olympiques de 2024 ?
Sans avions sur lesquels s'entraîner, et en l'absence d'hommes et de femmes pour les piloter, vous n'aurez d'autre choix que de rester cloués au sol, quel que soit le montant des crédits alloués.
D'autres difficultés auraient mérité de plus amples développements, comme le budget des écoles militaires, revalorisé en deçà de l'inflation, alors que l'énergie et l'alimentation constituent des postes de dépense importants pour elles ; je pense également à l'externalisation perpétuelle et inquiétante des missions de soutien aux bases de défense.
Je souhaiterais néanmoins, pour finir, en revenir à l'inquiétude évoquée en introduction. Si nos armées, monsieur le ministre, sont avant tout faites de femmes et d'hommes – comme beaucoup aiment à le répéter –, il est temps de le démontrer, en adaptant notre politique de ressources humaines. Il y va du respect de vos choix doctrinaux, sur lesquels nous sommes évidemment critiques, et qui paraissent de plus en plus menacés.
S'agissant de la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation" , les limites du budget que vous présentez sont tout aussi criantes. Nous aurions pu profiter, en effet, des moindres dépenses de l'ONACVG pour stabiliser le budget de la mission, voire l'augmenter eu égard à ce qui nous attend en 2024.
En premier lieu, la revalorisation de 1,5 % du point PMI que vous proposez est loin d'être à la hauteur des attentes des principaux concernés, particulièrement en contexte de forte inflation. Les représentants d'associations d'anciens combattants, que nous avons rencontrés en commission, ont tous exprimé cette profonde inquiétude, parfois teintée d'amertume.
À cet égard, nous espérons que notre amendement n° 3861 visant à aligner l'évolution de la valeur du point PMI sur celle du point d'indice de la fonction publique, adopté en commission la semaine dernière, recevra votre soutien.
Par ailleurs, nous dénonçons la sous-évaluation des crédits alloués, dans ce projet de loi de finances, à la vie commémorative. Nous fêterons l'an prochain le quatre-vingtième anniversaire du débarquement de Normandie. Un événement de cette ampleur requiert des crédits importants, sans que soit remis en cause le financement des autres commémorations annuelles. L'État ne peut laisser les collectivités locales assumer seules le financement des commémorations plus importantes en 2024.
Enfin, la demande de réparation, au profit des membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun, ayant été explicitement reconnue dans le rapport annexé de la dernière LPM,…
…comment expliquer que la loi de finances pour 2024 ne confirme pas le financement correspondant ?
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il me revient de clôturer ces prises de parole – au soulagement de plusieurs d'entre vous.
Au nom du groupe Horizons, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction quant à l'augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l'année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards d'euros à sa défense, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2017, et de 3,3 milliards d'euros par rapport à l'année dernière. Il s'agit d'une augmentation sans précédent.
Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs définis par la loi de programmation militaire. Plus profondément, cette hausse est conforme à nos obligations morales – n'ayons pas peur des mots.
En premier lieu, il répond à nos obligations morales envers les femmes et les hommes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau avait eu en 1917 ce mot célèbre – « ils ont des droits sur nous » –, que l'on reprend souvent à propos de nos anciens combattants. Cependant, nos devoirs envers ceux qui combattent aujourd'hui pour la France et ses valeurs sont tout aussi importants.
Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur offrir les armes et le renseignement permettant d'assurer leur supériorité et leur victoire au combat. Nous devons également mieux les rémunérer. C'est ce que permet ce budget.
En second lieu, ce budget répond à nos obligations morales envers l'ensemble des Français. Le monde dans lequel nous vivons est chaque jour un peu plus dur et dangereux. Les autres pays s'arment, mettent à l'eau leur flotte et constituent des stocks de munitions. La guerre est là, en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël. L'agressivité envers la France et ses intérêts est devenue quotidienne. Nous n'avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d'assurer la sécurité des Français.
Enfin, une obligation morale à l'égard de ceux qui se battent, au prix de leur vie, pour la démocratie. À ce titre, nous voulons dire aux Ukrainiens que nous ne les oublions pas, et que le groupe Horizons, parmi d'autres sur ces bancs, soutient à travers ce projet de loi de finances et le projet de loi de finances de fin de gestion le doublement du fonds de soutien à l'Ukraine.
Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM. Nous allouons ainsi des ressources considérables à l'innovation, à l'espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement, à la souveraineté outre-mer. Ce sont autant d'investissements essentiels pour garantir notre sécurité et tenir notre rôle sur la scène internationale.
En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, nous disposerons de davantage d'avions, de canons, d'hélicoptères, de drones et de munitions.
Je ne donnerai que deux exemples, à travers deux entreprises présentes dans mon département du Cher – qui contribue tant à la défense de notre nation : huit canons Caesar seront produits chaque mois par les usines du groupe Nexter en 2024, contre deux en 2022 ; la société MBDA fabriquera quant à elle quarante missiles Mistral par mois, contre vingt auparavant.
D'autre part, ce budget permet de renouveler l'étroite collaboration de la France avec ses partenaires européens et avec l'Alliance atlantique. À cet égard, nous nous félicitons que l'État maintienne son soutien financier aux programmes de coopération européenne et bilatérale visant le développement de nouvelles technologies d'armement, à l'instar du système de combat aérien du futur (Scaf) et du système principal de combat terrestre (MGCS).
Les initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doivent continuer à être encouragées : nous saluons à ce titre la coopération militaire lancée le 23 octobre dernier avec l'Arménie.
Par ailleurs, l'investissement continu dans notre dissuasion nucléaire reste fondamental : il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l'autonomie stratégique de l'Europe.
Enfin, en examinant ce budget, n'oublions pas la dimension profondément humaine dans l'action du ministère des armées. Nous nous réjouissons ainsi de la mise en place du plan « famille 2 » pour les militaires et leurs familles, des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère des armées en matière de logement ou d'environnement.
Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, pour renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission "Défense" .
Nous voterons également en faveur des crédits de la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation" . Je voudrais, en effet, partager ma satisfaction de voir les crédits de cette mission stabilisés en 2024, malgré la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l'ONACVG.
Le plan « blessés » permettra une prise en charge et un suivi approfondi des soldats dès leur retour de mission ou d'opération extérieure.
L'année 2024 sera également riche en commémorations saluant les quatre-vingts ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire permettront d'associer au maximum les associations, la jeunesse et l'ensemble des Français.
Enfin, le groupe Horizons soutient le renouvellement des engagements de l'État envers les harkis et leurs familles.
Vous l'aurez compris, nous voterons avec conviction l'ensemble de ces crédits.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et HOR.
Je serai bref, puisque le contexte international et stratégique est connu, et les débats ayant permis la construction de la loi de programmation militaire encore très récents. L'examen des amendements nous donnera l'occasion de détailler certains aspects, qui sont en cohérence avec les différents éléments de la LPM.
Qu'il me soit permis, plutôt que d'évoquer les crédits du projet de loi de finances, de m'arrêter sur le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG). Avec rapidité et facilité, des ouvertures de crédit considérables – en AE et en CP – ont été digérées, à hauteur de 3 milliards d'euros : ils constituent la dernière marche de la précédente loi de programmation militaire, qui prendra fin le 31 décembre de cette année.
Il nous fallait, en effet, assurer la continuité entre la LPM qui s'achève et celle qui s'ouvrira en 2024. Tirant les leçons du passé, nous avons veillé à assurer de bonnes conditions d'entrée à la première année de la LPM 2024-2030.
Quelque 2,1 milliards d'euros de crédits de paiement ont donc été ouverts, ce qui ne nous a pas empêchés, durant de longues heures – y compris en commission mixte paritaire –, de discuter de montants de 100, 200 ou 300 millions d'euros.
En définitive, la marche à franchir pour le ministère des armées s'établit non pas à 3 milliards d'euros pour l'année 2024, mais bien à 5,1 milliards d'euros. Cela permet de réfuter tous ceux qui douteraient du caractère historique de ces crédits : ils sont bel et bien là, abondés par le contribuable.
Cette somme servira d'abord – nous en avons, chose étonnante, peu parlé – à réduire les reports de charges, dont le taux s'établit autour de 14 %. Elle permettra également d'absorber les effets de l'inflation durant la période couverte par la loi de programmation.
Dans le PLFG, 400 millions d'euros sont affectés à la réduction des reports de charges. Quant à l'inflation, peu d'orateurs l'ont mentionnée, et encore moins en documentant les différents effets d'éviction qu'elle peut entraîner. C'est le signe que nous en avons correctement tenu compte – nous pourrons y revenir.
D'autre part, cette somme nous permet d'anticiper certaines commandes prioritaires, rendues possibles par l'économie de guerre – plusieurs orateurs l'ont souligné. C'est le cas des systèmes de munitions et de missiles : 226 millions d'euros de crédits de paiement ont ainsi permis la commande de 130 missiles Mistral, 1 300 missiles antichars, six canons Caesar. Ces commandes se font au titre de crédits de paiement de l'année 2023, tout en s'intégrant aux tableaux d'équipement de la prochaine LPM, permettant ainsi d'assurer une parfaite continuité.
Une deuxième série d'anticipations de commandes correspond aux différents contrats opérationnels votés dans le tableau du rapport annexé à la loi de programmation militaire. C'est le cas du MCO, ainsi que de grands programmes d'armement – pour un montant supplémentaire de 639 millions d'euros : citons en particulier la transformation de deux A330 en avions multirôles de transport et de ravitaillement (MRTT), la commande de huit hélicoptères NH90 pour nos forces spéciales – qui constituait l'une des grandes urgences identifiées durant la préparation de la LPM –, ou encore la commande de trente-cinq véhicules Griffon.
Ces éléments rendront la première année de programmation soutenable et efficace, quant à la masse des équipements comme pour leur cohérence – j'ai déjà eu l'occasion de le dire deux fois en commission, je n'y reviens pas. En définitive, toutes les lignes budgétaires sont en augmentation.
Un mot sur l'Ukraine, que plusieurs d'entre vous ont évoquée. Nous ne devons pas nous détourner de ce conflit, malgré la grande tentation, dans nos démocraties médiatiques, de passer rapidement d'un événement à l'autre. Le contexte stratégique requiert au contraire endurance et fiabilité dans le soutien que nous pouvons apporter.
Vous avez voté en commission un amendement visant l'ouverture de 200 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le fonds de soutien à l'Ukraine. Sur l'amendement n° 1261 , qui reprend cette disposition, le Gouvernement lèvera le gage, afin que cette somme ne soit plus prélevée sur les dépenses actuelles.
Nous pourrons ainsi nous tourner – comme je l'ai annoncé à Kiev en présence de plusieurs d'entre vous –, vers une nouvelle stratégie d'acquisition d'équipements neufs pour l'armée ukrainienne, portée par de nouveaux plans de financement. Cela nous permettra de mieux répondre au défi d'une économie de guerre et de renforcer la fiabilité des fournitures apportées à l'Ukraine.
Je remercie les différents groupes politiques qui, avec responsabilité, voteront ces crédits pour l'année 2024, nous permettant d'inaugurer correctement la première année de notre programmation militaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire.
Le budget que je vous présente aujourd'hui est un budget de reconnaissance et de réparation. Il s'élève à 1,9 milliard d'euros, comme l'an passé. Depuis près de vingt ans, c'est seulement la deuxième fois, avec 2022, que les crédits du monde combattant ne diminuent pas d'une année sur l'autre. Avant de vous le présenter, je voudrais vous rappeler une annonce qui reflète l'importance que le Gouvernement accorde au pouvoir d'achat.
L'augmentation du point PMI répercutant la hausse de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique le 1er juillet dernier sera exceptionnellement avancée d'une année. Elle interviendra dès le 1er janvier prochain et non en janvier 2025. Je sais que d'aucuns auraient voulu aller plus loin mais une clause de revoyure est prévue au début de l'année prochaine, et je travaillerai, comme à mon habitude, avec les associations ainsi qu'avec la représentation nationale, sur le sujet.
Ce budget traduit plusieurs priorités. La première est l'accompagnement de nos militaires blessés. C'est la logique que poursuit le plan d'accompagnement des blessés dont le ministre des armées m'a confié la charge. Plus de 8 millions d'euros y sont consacrés cette année, qui s'ajoutent aux 690 millions de PMI, aux 38 millions de remboursement des soins des blessés, ou encore aux 23 millions dédiés à l'INI (Institution nationale des Invalides). C'est-à-dire près de 830 millions d'euros.
Deux nouvelles maisons Athos ouvriront leurs portes en 2024, en Occitanie et dans le Grand Est, pour répondre, voire anticiper, la demande en matière d'accompagnement de nos blessés psychiques. Plus de 5 millions d'euros y sont consacrés. J'ai aussi confié à l'état-major des armées et au SGA (secrétariat général pour l'administration) un mandat d'étude sur un modèle Athos adapté aux spécificités des territoires d'outre-mer.
Une attention particulière est portée aux harkis. Dans ce budget, plus de 112 millions d'euros leur sont dédiés au titre des dispositifs actuels. Ce sont 70 millions d'euros au titre du droit à réparation ouvert par la loi du 23 février 2022 et plus particulièrement 20 millions d'euros consacrés à l'extension du droit à réparation à quarante-cinq nouveaux sites. Ce sont aussi 40 millions pour l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère, pour les harkis et leurs veuves, dont le montant a été doublé en 2022.
Je sais que le sujet des pupilles de la nation et des orphelins de guerre occupe vos réflexions, comme les miennes, depuis un an. J'ai déjà réuni deux fois les députés et les sénateurs qui m'ont saisie à ce sujet. Une nouvelle réunion aura lieu la semaine prochaine.
Depuis les années 1920, l'État a conduit, vis-à-vis des enfants de ceux qui sont morts pour la patrie, une politique de solidarité. Aujourd'hui, c'est très concrètement l'ONACVG qui s'en charge. L'Office consacrait jusqu'à présent 1 million d'euros à cette aide sociale envers les pupilles et les orphelins majeurs. J'ai déposé, au nom du Gouvernement, un amendement visant à quintupler ces crédits, en les portant à 5 millions d'euros. Je remercie les parlementaires qui ont déposé un amendement similaire.
Pour soutenir et faciliter l'organisation du quatre-vingtième anniversaire des débarquements et de la Libération, un groupement d'intérêt public a été constitué, appelé mission de la Libération ; 14 millions d'euros sont dédiés aux dépenses d'intervention pour organiser des cérémonies liées à ces commémorations. Il faut que 2024 soit l'occasion d'une grande célébration populaire continue, d'une communion mémorielle, qui rassemblera chacun de nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et de ceux qui ont rendu la liberté à notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous le savez, cette mission comporte également les crédits du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Ils s'élèvent à 88 millions d'euros.
Le temps qui passe n'enlève rien aux droits des rescapés et des victimes. Je pensais que cette conviction était partagée sur tous les bancs mais un groupe a déposé une série d'amendements qui heurtent la morale comme la rigueur budgétaire.
Comment expliquer que l'on veuille prélever 180 millions d'euros sur un budget qui n'en compte que 88 pour financer des dépenses que rien ne justifie ? Sur ce sujet, les comptes fantastiques percutent le tragique de l'histoire.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mesdames et messieurs les députés, vous l'avez compris, ce budget est le second d'un mandat qui place le monde combattant, la mémoire et le lien armées-nation-jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. Grâce à ce budget, nous apporterons collectivement notre pierre à l'édifice de la résilience de la nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent. Le port du bleuet, ici et en commission, est également une marque de soutien pour les veuves, les veufs, les blessés et leurs familles ainsi que pour les pupilles et les victimes du terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'ai laissé un peu plus de temps à Mme la secrétaire d'État, car, la semaine dernière, elle a eu le très bon goût de venir en Meurthe-et-Moselle.
Sourires.
Nous en venons aux questions.
Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, ne peut dépasser deux minutes.
La parole est à M. Jean-Philippe Ardouin.
La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation sera dotée, comme vous l'avez évoqué, de 1,9 milliard pour 2024, soit un budget stable par rapport à l'exercice précédent. Le maintien des crédits de paiement est particulièrement remarquable à l'heure où notre pays traverse une période troublée durant laquelle certains fantômes de l'histoire ressurgissent, alors que la guerre est revenue en Europe depuis vingt et un mois. Dans ce contexte, il est essentiel de réinvestir le champ mémoriel et les liens entre les armées et la nation.
Je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d'État, pour le dialogue sans cesse renouvelé que vous menez avec le monde associatif, combattant et mémoriel, ainsi qu'avec tous les acteurs de la mémoire, notamment les élus locaux.
S'agissant du programme 169, Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation, le 11 octobre dernier, devant la commission de la défense, vous avez abordé le sujet de la valorisation des lieux de mémoire et annoncé une enveloppe de 200 000 euros en 2024, en hausse de 33 % pour la rénovation des monuments aux morts des communes de moins de 2 000 habitants. Cette annonce a été particulièrement appréciée car les restaurations pourront faire l'objet d'un projet communal et éducatif plus global pour redynamiser la mémoire locale.
La mission flash relative au monde associatif combattant dont j'ai été corapporteur a mis en évidence le besoin de réinvestir et de transmettre la mémoire, en lien avec l'éducation nationale et les communes. Cette politique volontariste permettrait également de sensibiliser la jeunesse à ces métiers et de faire naître des vocations. Quelles initiatives prendrez-vous pour redynamiser le devoir de mémoire, notamment la participation à certaines cérémonies, alors que nous entrerons dans le cycle commémoratif de la Libération en 2024 ?
Le dynamisme de la mémoire dans les territoires repose sur le monde combattant et les enseignants, ces hussards de la République, comme sur les élus, qui soutiennent des projets concrets. Au premier plan se trouve la transmission à la jeunesse. Le ministère des armées est un soutien majeur de l'enseignement de défense et de transmission de la mémoire, grâce au financement et aux outils pédagogiques. Une convention signée par le ministère des armées et deux grandes associations du monde combattant, l'UBFT (Union des blessés de la face et de la tête) et la Fédération nationale André Maginot, permettra de créer une commission de financement de projets pédagogiques exceptionnels. Celle-ci accordera des moyens importants à des projets scolaires susceptibles de marquer le territoire, de renforcer le lien avec le monde combattant et de transmettre la mémoire.
J'ai également décidé, avec le monde combattant, de délocaliser les cérémonies et certaines commémorations nationales. Pour entretenir la mémoire, il faut aller vers la jeunesse, le peuple, chaque Française et chaque Français, là où les cérémonies revêtent un sens particulier et fédérateur.
Enfin, n'oublions pas l'importance du cycle commémoratif des quatre-vingts ans de la Libération. Résister, combattre pour la France libre, mettre fin à l'Occupation, à l'État français, aux politiques antisémites, restaurer la République : toute la France était concernée, l'Hexagone et les territoires ultramarins. Durant ce cycle commémoratif, chaque territoire aura l'occasion de se mobiliser pour enraciner la mémoire. C'est aussi cela, contribuer aux forces morales du pays, comme le veut le Président de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'appelle les crédits de la mission "Défense" , inscrits à l'état B.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 3494 .
L'amendement tend à rembourser aux conseils régionaux le coût induit par les réductions spécifiques sur les services de transport ferroviaire, dit quart de place, dont bénéficient les militaires.
Je comprends le sens de l'amendement mais je me demande pourquoi cette minoration des crédits n'a pas été prévue plus tôt. La commission n'a pas examiné l'amendement et j'y suis défavorable à titre personnel.
Si l'on est favorable au maintien pour les militaires du bénéfice du quart de place, en cohérence avec les positions affichées tout à l'heure pour conserver à nos militaires certains avantages que leur octroie leur statut, on doit rembourser les conseils régionaux qui sont autorités organisatrices de transport parce qu'il n'y a pas de raison pour que les collectivités locales s'en chargent à la place de l'État. Si l'on ne rembourse pas les régions, ce bénéfice sera remis en cause. On ne peut pas dire que l'on n'en fait pas assez pour l'attractivité du métier de militaire et refuser de voter l'amendement.
L'amendement n° 3494 est adopté.
Monsieur le ministre, pour faire un couple, il faut être deux – ce n'est pas un scoop. Nous avons tous connu un camarade qui, désespérément, voulait former un couple avec quelqu'un qui ne le voulait pas. C'est dans cette situation que nous nous retrouvons avec l'Allemagne à propos du MGCS. C'est attendrissant et probablement quelque peu naïf mais voué à l'échec : l'Allemagne ne veut pas travailler avec nous sur ce chantier. Il aura fallu six ans pour tomber d'accord sur l'objectif de ce partenariat. Ceux qui ont travaillé dans le privé savent qu'un projet qui démarre ainsi est voué à l'échec.
Bien sûr, des nations qui ont des savoir-faire complémentaires et des objectifs communs peuvent travailler ensemble, comme en témoignent les exemples d'Airbus ou Ariane. En revanche, lorsque pour des raisons politiques, on s'obstine à défendre une vision européenne et non pragmatique, l'échec est assuré. Pendant ce temps, l'Allemagne, pas si bête, poursuit le travail sur son propre char et essaie de nous tailler des croupières sur le marché international. Elle défend ses intérêts alors que nous chassons des licornes.
L'amendement tend à préparer enfin le plan B. Arrêtez de vous accrocher à des rêves, revenez à la réalité. Le MGCS ne se fera pas, nous le savons tous. Réagissons.
La parole est à M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 3799 .
La commission de la défense a adopté cet amendement d'appel contre mon avis. Je considère qu'il est défendu.
Ce sont des amendements pour les élections européennes, disons-le clairement ! Ils visent à remettre systématiquement en cause les différents programmes même lorsqu'ils n'existent pas encore et qu'ils sont en cours de négociation. Par principe, leurs auteurs sont contre ces programmes – au moins est-ce plus clair que pour le Scaf. Quelques rumeurs de presse permettent d'alimenter l'exposé des motifs de nombre d'amendements, ce qui permet d'établir une jonction entre les deux côtés de l'hémicycle.
Je l'ai dit de nombreuses fois lors de l'examen du projet de LPM et en commission lorsque j'ai répondu très précisément à vos questions sur ces programmes de coopération, il n'y a pas de naïveté ; il y a une volonté de partager la charge, y compris budgétaire, ce qui nous permet de faire des choix.
Allez d'ailleurs jusqu'au bout de la logique : si cet amendement était adopté, que proposeriez-vous à la place du programme MGCS ? Rien ; l'exposé sommaire de l'amendement est muet à ce sujet. Quelle serait la portabilité budgétaire ? Quel serait l'effet d'éviction ? Quelle serait la stratégie industrielle ? J'ai la faiblesse de penser que certaines coopérations menées dans de bonnes conditions peuvent présenter un intérêt majeur pour nous, notamment sur le segment terrestre.
La question porte non pas sur le principe même de la coopération, mais sur les conditions dans lesquelles on coopère. Permettez-moi de mener à bien les discussions sur le lancement du MGCS ! Vous pourrez ensuite vous faire une opinion en vous fondant sur le contenu de la coopération, et non sur ce qui devrait être fait selon vous en la matière.
Je demande le retrait des amendements, sans quoi mon avis sera défavorable. Si j'ai bien compris, la commission de la défense a adopté l'amendement portant ici le n° 3799 parce que les députés de la majorité se sont rendus en séance publique pour la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui avait lieu au même moment. J'espère avoir éclairé la représentation nationale sur l'état d'avancement du dossier MGCS.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 2644 .
Il porte sur le programme Scaf. En la matière, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la campagne pour les élections européennes. Si je comprends bien, le Scaf est pour vous un objet politique :…
…il doit s'agir d'un programme de l'Union européenne, et non d'un travail réalisé en commun par deux, trois ou quatre nations. Autrement dit, vous déplacez le débat sur le terrain de l'idéologie. Chiche ! Vivement les élections européennes du 9 juin !
Plus sérieusement, jusqu'à quand allons-nous garder cette méthode ? Nous voulons travailler avec l'Allemagne, mais celle-ci ne veut pas de nous. Nous nous forçons à mener un projet avec elle, mais elle fait tout pour faire entrer de nouveaux partenaires, y compris allemands, afin de réduire la participation des Français à la portion congrue – ce n'est peut-être pas le cas en façade, mais c'est la réalité.
Le ministre allemand de l'économie a dit très clairement : s'il faut déroger aux règles européennes – qui sont archaïques – pour défendre l'économie allemande, je le ferai. Notre président de la République considère pour sa part : s'il faut détruire l'économie française au nom de l'idéal européen, je le ferai.
Il en va de même pour l'industrie de défense. Faites preuve d'un peu de réalisme ! Quand quelque chose ne marche pas, il faut avoir l'intelligence de reconnaître que l'on s'est trompé ; on recommence et on procède autrement. Par notre amendement, nous vous appelons à avoir cette intelligence.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La coopération avec l'Allemagne et l'Espagne permet de diminuer les coûts de la phase d'étude, que nous aurions de toute façon menée. Nous considérons avec prudence les rumeurs que nous entendons régulièrement. Les lignes rouges fixées par la France sont connues. Si elles venaient à être franchies, nous saurions prendre les décisions nécessaires. En l'état, ce n'est pas le cas. J'émets donc un avis défavorable.
Le débat de fond a largement eu lieu lors de l'examen du projet de LPM. Néanmoins, je n'arrive plus à vous suivre : à maintes reprises, des membres de votre groupe, notamment la présidente Le Pen, ont fait valoir que le Rassemblement national était opposé aux coopérations dès lors qu'elles étaient communautarisées, mais qu'il était favorable aux grandes coopérations de gré à gré entre nations. Or les programmes Scaf et MGCS sont précisément des coopérations de cette nature – s'agissant du MGCS, nous verrons si nous allons jusqu'au bout ; en tout cas, je vous l'ai dit, je mène les discussions à ce sujet.
Souvent, vous vous empressez de préciser que vous êtes pour Ariane. Du moins, vous n'êtes pas contre. Si vous affirmiez que vous êtes contre, le coût politique serait, à mon avis, très lourd. Si votre collègue Timothée Houssin, mon compatriote de l'Eure, entend expliquer à Vernon qu'il est contre Ariane, je lui souhaite bien du courage !
En réalité, vous prenez position à la carte, en fonction de critères que je n'arrive pas à comprendre. Remontons dans l'histoire : les raisons qui vous amènent à être contre le Scaf et le MGCS auraient dû vous conduire à être contre les programmes de coopération entre nations en matière spatiale, comme Ariane. Faites preuve de clarté : selon quels critères doit-on, d'après vous, engager une coopération ?
Vous pouvez mettre en avant telle ou telle déclaration tirée de la vie politique allemande ou des débats au Bundestag. On pourrait d'ailleurs, de même, isoler certaines déclarations prononcées dans cet hémicycle ; je doute que ce serait très lisible.
En définitive, il existe des critères objectifs en ce qui concerne les coopérations, comme le partage de la charge. Vous avez parlé de « portion congrue » à propos du programme Scaf. Non, il est mené à cinquante-cinquante. Mieux, c'est la France qui en est chef de file. S'agissant des industriels, c'est Dassault Aviation qui en est chef de file – en partenariat avec Airbus, qui n'est pas, me semble-t-il, la plus allemande des entreprises.
Si vous vous placez sur un terrain purement politique et faites de ces programmes un sujet pour les élections européennes – c'est ce que j'ai compris à la faveur des nombreuses auditions en commission au cours desquelles j'ai répondu à vos questions –, je ne peux rien y faire. En revanche, si vous acceptez de vous fonder sur des critères techniques et objectifs tels que la souveraineté ou le partage de la facture – c'est évidemment un point important, que le rapporteur spécial a évoqué –, nous pouvons discuter des conditions dans lesquelles ces coopérations sont menées.
J'émets un avis défavorable.
Vous aimez la joute verbale, monsieur le ministre, et la question que vous posez est théorique.
Lorsque la France peut mener à bien un projet elle-même et qu'elle dispose des industries pour le faire – nous avons Dassault, ce qui n'est tout de même pas rien –, qu'elle le fasse ! Ce sera bon pour sa souveraineté. Lorsqu'elle ne dispose pas à elle seule des moyens nécessaires, tout en détenant une partie du savoir – tel est le cas par exemple pour l'intelligence artificielle, pour certains réseaux sociaux sur lesquels nous avons du retard ou pour certains traitements médicaux –, travaillons avec des partenaires européens qui détiennent eux aussi le savoir ! Voilà en quoi consiste l'Europe des nations, de gré à gré, chère au général de Gaulle – vous le citez souvent et j'aime le citer moi aussi.
Quand, pour des raisons diplomatiques, on enlève un projet aux acteurs et on les oblige à travailler avec les Allemands, lesquels ne veulent pas travailler avec nous…
…et profitent de cette occasion pour stériliser notre industrie et faire avancer leurs propres projets, je dis que c'est de la naïveté européenne, qui coûte à notre souveraineté et à la nation. Tous ici, nous devrions avoir davantage à cœur de défendre notre nation plutôt que des partenaires qui, bien souvent, sont des concurrents industriels.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Jacobelli, vous faites comme si les coûts n'existaient pas ; vous laissez penser que l'on pourrait tout faire nous-mêmes et tout acheter. La coopération a des vertus, à commencer par le partage des coûts. En l'espèce, ce programme nous coûte deux fois moins cher et nous en tirerons des bénéfices : même s'il n'est pas mené à son terme, nous aurons acquis nombre d'éléments à un coût modéré.
De toute façon, votre propos est toujours le même. Quand on vous demande comment vous entendez financer vos propositions, vous brandissez la fin de l'immigration à Mayotte ou que sais-je encore. On ne peut pas gérer la France de cette manière, ni un programme militaire. Il faut tenir compte des réalités financières. Votre position n'est ni cohérente ni crédible.
L'amendement n° 2644 n'est pas adopté.
Sur deux amendements distincts, n° 4006 et 4004, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 2646 et 3811 .
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 2646 .
Les exercices Orion ont été riches d'enseignements, notamment en ce qui concerne la mobilisation de nos armées, leur organisation et leur capacité de réaction. Je crois que nous pouvons en être fiers collectivement. Toutefois, ils ont aussi révélé des problèmes. Vous le savez, nous essayons d'interconnecter l'ensemble de nos matériels et de nos troupes, notamment grâce au GPS. Or nous avons constaté que tout cela était fragile, voire très fragile : nos militaires ont dû travailler sur des cartes papier, parce qu'ils n'avaient plus de signal et que les tablettes prenaient l'eau. En définitive, ce fut un bon crash-test : celui-ci a montré certes que nos troupes faisaient preuve de beaucoup d'ingéniosité et d'un grand sens pratique, mais aussi que nous ne pouvions pas mettre tous nos œufs dans le même panier.
C'est pourquoi le présent amendement vise à faire progresser la solution dite inertielle. Il s'agit de pouvoir transmettre des données sans recourir au GPS, ce qui apporterait une sécurité supplémentaire. Cette solution inertielle demeure au stade embryonnaire dans nos budgets, alors qu'elle mériterait d'être davantage mise en avant. Il ne faut pas tout confier au GPS, car cela nous expose à des risques, mis en lumière par l'exercice Orion.
La parole est à M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 3811 de la commission de la défense.
Identique au précédent, il a été adopté contre mon avis par la commission de la défense. Autrement dit, l'avis de la commission de la défense est favorable, mais le mien est défavorable.
La connectivité de la galaxie Griffon est un sujet clé pour la guerre électronique, qui doit nous amener à développer de la robustesse dans la lutte contre toutes les formes de brouillage.
Lorsque nous avons vu cet amendement, j'ai demandé à l'état-major des armées d'examiner la question. Or ce qui m'ennuie, c'est qu'il ne confirme pas le feed-back que vous avez eu sur l'exercice Orion. Je fais bien évidemment confiance à l'état-major des armées, sans affirmer pour autant que vous n'avez pas eu de retour à ce sujet.
Je demande le retrait de l'amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Les différentes enveloppes budgétaires permettront de toute façon de traiter en 2024 la question de la connectivité pour le programme Scorpion – synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation. Je m'y étais engagé devant vous dans un autre cadre.
Je le répète, je n'ai pas eu le même feed-back que vous, mais je suis à votre disposition pour revenir sur le sujet, le cas échéant.
Je crois que cela a même été évoqué lors d'auditions de la commission de la défense, monsieur le ministre. En tout cas, pour ma part, je l'ai vu. On ne peut pas nier le problème. Vous l'aurez compris, l'amendement visait à appeler l'attention sur ce point.
Si l'on réalise des exercices comme Orion sans chercher à identifier les atouts et les faiblesses de nos armées, cela ne sert à rien. Il y a lieu d'évoquer ici les points à améliorer. L'avis du groupe que je représente est que la solution inertielle, qui est à la fois alternative et complémentaire, n'est pas assez développée.
Je le dis en toute franchise, nous avons tous eu au moins un ou deux retours à ce sujet, ou même pu voir cela.
Je comprends que l'on veuille refaire le débat qui a eu lieu en commission de la défense, saisie pour avis, mais c'est la commission des finances, saisie au fond, qui doit indiquer sa position avant la mise aux voix des amendements. En l'espèce, elle est défavorable.
L'avis de la commission est donc défavorable, tout comme celui du Gouvernement.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l'amendement n° 4006 .
Par cet amendement d'appel, nous proposons une mesure de bon sens qui permettrait réellement de faire face à l'inflation. Compte tenu des prévisions en la matière – pour 2023, il s'agit de 4,9 %, comme M. Bruno Le Maire l'a encore rappelé ce matin –, il convient de mieux anticiper et d'adapter le budget de la défense.
Selon vos propres prévisions, il manque 800 millions d'euros au budget de la défense rien que pour l'équipement des forces. La plupart des personnes auditionnées en commission ont confié qu'elles s'inquiétaient de l'impact de l'inflation sur leurs dépenses d'équipement, sur les commandes – et, par extension, les reports de commandes –, les pensions et les investissements.
Nous proposons donc de créer une nouvelle ligne budgétaire pour anticiper les dépenses liées à l'inflation. Cet amendement d'appel relève du bon sens, car l'inflation devrait être prise en compte dans tous les programmes. Nous invitons le Gouvernement à lever le gage et à revoir son budget pour compenser les effets de l'inflation sur tous les programmes, y compris sur les pensions des militaires, l'équipement et les commandes. Le budget des armées ne devrait pas subir les conséquences de l'inflation ; à défaut, il serait insincère et non conforme aux prévisions budgétaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un amendement d'appel, mais un amendement d'appel à 812 millions d'euros avec un scrutin public, tout de même.
Si les crédits prévus dans la loi de finances initiale sont insuffisants, des marges de manœuvre existent en gestion, comme le relâchement du report de charges. Un deuxième outil nous est offert par le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de finances de fin de gestion, lesquels permettent des dépenses supplémentaires, liées notamment à l'inflation. Nous l'avons fait en 2022 pour un montant de 1,18 milliard d'euros, dont 225 millions d'euros fléchés pour l'inflation, et nous le faisons de nouveau en 2023, avec 2,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Avis défavorable.
Si c'est bien un amendement d'appel, qu'il soit pour moi l'occasion de réaffirmer les engagements que j'ai pris lors de la discussion de la loi de programmation militaire devant l'ensemble des groupes politiques. Soit dit en passant, je ne finis pas de m'étonner que l'on parle autant d'inflation pour le seul ministère de la République qui dispose d'outils, comme les reports de charges ou les discussions avec la BITD, pour la réguler. Ce qui compte, c'est de voir si l'inflation a eu un effet d'éviction sur les cibles capacitaires ou, concernant d'autres budgets, sur les infrastructures ou les ressources humaines. Ce n'est pas le cas. Nous le constaterons dans le compte administratif en observant la réalisation des crédits, mais je réaffirme devant vous que les conséquences de l'inflation sont intégrées dans la programmation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 162
Majorité absolue 82
Pour l'adoption 46
Contre 116
L'amendement n° 4006 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis, afin de soutenir l'amendement n° 4004 .
Il vise à rétablir les choses telles qu'elles devraient être. Comme je l'ai longuement expliqué à la tribune, les opérations Aigle et Lynx, sur le flanc est de l'Europe, ne sont pas considérées comme des Opex. De ce fait, elles sont en dehors du champ du vote du Parlement, contrairement à ce que prévoit l'article 35 de la Constitution. Il s'agit là d'un dévoiement de la Constitution et de la démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre stratégie de « guerre avant la guerre » prive le Parlement de son droit et remet en question l'objectif de maintien de la paix dans le monde.
Cet amendement vise à transférer les crédits comptés pour ces opérations dans les lignes budgétaires dédiées aux Opex. Nous devons remettre la mairie au cœur du village et permettre un vote du Parlement sur ce que nos soldats font en Roumanie. Défendent-ils réellement les intérêts de la nation, son indépendance et sa sécurité ? C'est un débat démocratique que nous devons aux soldats et à leurs familles ; vous le leur devez, monsieur le ministre, car ils ne bénéficient pas de la protection et des droits associés aux opérations extérieures.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les missions Lynx et Aigle ne sont effectivement pas qualifiées d'Opex, comme vous l'avez expliqué dans votre propos liminaire. Je suis d'accord pour dire que ce choix n'est pas justifié et qu'il limite le contrôle du Parlement. Toutefois la qualification d'Opex résulte d'un arrêté du ministère des armées portant ouverture du théâtre d'engagement et précisant la zone géographique comme la période concernée. L'adoption de votre amendement n'aurait donc aucune conséquence sur la qualification juridique de ces deux missions. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable. Je partage néanmoins votre point de vue : il est nécessaire de renforcer le financement interministériel de ces missions.
J'ai eu l'occasion de vous répondre en commission, monsieur le rapporteur pour avis. Et, pour être complètement transparent avec vous, s'il y avait un vote, je n'ai toujours pas compris ce que vous voteriez. Je ne vous ai visiblement pas convaincu concernant le respect de la Constitution. J'espère que le fait que cette mission ait lieu dans le cadre de l'OTAN n'est pas le véritable motif de votre courroux.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il ne me semble pas que l'emploi mot courroux mérite une telle agitation.
Nous avons eu ce débat sur le statut de nation-cadre avec les députés Lachaud et Saintoul lors de la loi de programmation militaire : ce que nous faisons en Roumanie n'est pas une intervention armée et donc, par définition, ce n'est pas une Opex. Je vous ai répondu en commission sur notre lecture de la Constitution. C'est pour cela que le financement de cette mission se fait en gestion, comme je l'ai également expliqué en commission.
Puisque vous jugez qu'un débat sur l'action de nos forces armées dans le cadre de l'OTAN est utile, je me suis engagé à ce qu'il puisse avoir lieu, dans le cadre du bilan de la réintégration du commandement intégré. Mais ne faites pas de faux procès au Gouvernement en l'accusant de contourner la Constitution. Ce n'est pas notre lecture et vous n'avez pas démontré votre point de vue. Avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit en commission qu'il y avait une zone grise ; aujourd'hui, vous êtes plus affirmatif et vous nous expliquez que c'est nous qui tordons la Constitution, que nous la lisons mal. Mais les activités des soldats français présents au Gabon, qui y sont dans le cadre d'une Opex, ne sont pas très différentes de celles de leurs camarades en Roumanie ou en Estonie. Pourquoi ceux de Roumanie ou d'Estonie ne bénéficieraient-ils pas du statut d'Opex ?
Quant au rapporteur spécial, qui nous explique qu'intégrer des crédits pour financer ces missions opérationnelles dans les lignes budgétaires réservées aux Opex ne serait pas une façon pour le Parlement d'affirmer que ce sont bien des Opex – geste politique d'une portée extrêmement forte qui nous donnerait la possibilité de faire reconnaître ces missions opérationnelles pour ce qu'elles sont –, je ne comprends pas sa logique. Il faut être cohérent.
Nous devons donner des droits aux soldats engagés dans ces missions opérationnelles dont l'appellation même est un subterfuge. Quelqu'un, dans un bureau, s'est creusé la tête pour expliquer que celles-ci avaient le goût et la couleur d'une Opex, mais qu'elles n'étaient pas des Opex. Eh bien si ! Ce sont des Opex Canada Dry. Nous ne sommes pas d'accord avec cette insincérité. Vous ne pouvez pas contourner durablement le Parlement. Il doit pouvoir s'exprimer sur le sujet et voter sur la participation de la France à ces missions opérationnelles en les reconnaissant comme des Opex.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 163
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l'adoption 39
Contre 118
L'amendement n° 4004 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 4003 .
L'Assemblée semble considérer que les opérations Lynx et Aigle ne sont pas des Opex. Il faudrait m'expliquer pourquoi. La loi de programmation militaire 2014-2019, votée par cette même assemblée en 2013, propose une définition précise : « L'intervention à l'extérieur du territoire national vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. » Ce n'est pas ce que nous faisons en Roumanie ? Très bien. Dans ce cas, monsieur le ministre, que faisons-nous là-bas ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si c'est ce que nous faisons en Roumanie, ces missions doivent être reconnues comme des Opex.
Vous nous dites que ce ne sont pas des Opex ? Très bien. Alors, que faisons-nous de ces 732 millions d'euros qui pèsent sur le budget des armées et qui mettent en tension son exécution au quotidien, en attendant qu'un hypothétique projet de loi de fin de gestion vienne les compenser à la fin de l'année ?
Ce que nous proposons dans cet amendement de repli, c'est de sécuriser le budget des armées en augmentant de 730 millions d'euros le budget des programmes 178 et 212. Vous aurez toujours le loisir, en fin de gestion, leur substituer des financements interministériels, que vous ne mobilisez actuellement que parce que vous refusez de considérer ces missions comme des Opex. Je rappelle que ces financements ne sont pas garantis par la loi
M. Aurélien Saintoul applaudit
et qu'ils reposent sur le bon vouloir du Gouvernement, ce qui met en péril le budget des armées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La commission n'a pas examiné cet amendement. Je donnerai à titre personnel un avis défavorable car cet amendement de repli est exactement le même amendement que le précédent. Le montant demandé est le même, il est simplement réparti différemment.
Je ne vois pas en quoi l'ouverture en gestion serait pire que le financement interministériel. C'est même l'inverse, puisque le financement interministériel est un prélèvement sur le budget des autres ministères visant à financer tout dépassement de la provision des Opex. Quand on est ministre des armées, on est nécessairement pour cette possibilité ; quand on est membre de la commission de la défense aussi, le plus souvent.
L'argent en gestion, quant à lui, évite de faire du financement interministériel : il vaut mieux ouvrir de nouveaux crédits budgétaires qu'aller chercher de l'argent dans le budget de l'éducation nationale ou du ministère de l'intérieur pour financer des Opex. L'amendement me semble aller à l'encontre de ce que vous souhaitez.
Je pourrai revenir en commission autant de fois qu'il le faudra sur ce que vous avez dit. Vous souhaitez faire de la politique. C'est bien votre droit mais, une fois de plus, ce que nous faisons au titre de notre statut de nation-cadre en Roumanie n'est pas une Opex.
Mme Caroline Abadie applaudit.
Monsieur le ministre, faire de la politique, ce n'est pas un problème !
C'est ce que nous ne cessons de chercher à faire ici, car notre rôle est de faire vivre la démocratie. En l'occurrence, la politique que nous appelons de nos vœux est même très noble,…
…parce qu'elle est attachée à des principes, et d'abord à celui selon lequel les Opex font l'objet d'un financement interministériel. Ce principe répond à la logique suivante – je l'explique à nos collègues qui ne sont pas forcément familiers du sujet : c'est la nation qui décide d'engager des forces armées à l'étranger, et c'est donc elle qui supporte le fardeau de cet engagement. C'est pour cette raison que nous y sommes favorables, et non pour des questions d'écriture budgétaire ni par opportunisme ! Nous y sommes attachés pour cette raison principielle.
Vous nous dites que ces missions opérationnelles ne sont pas des Opex. Ce n'est pas notre interprétation mais si c'est la vôtre, vous devez faire preuve de cohérence en allant jusqu'au bout du raisonnement : vous ne pouvez pas nous expliquer que votre interprétation ne fragilise pas le budget des armées. En effet, elle implique que les armées vont devoir supporter le montant de ces opérations. Dès lors, si nous voulons compenser cette charge, alors il faut en déterminer les prévisions budgétaires et la faire figurer sur la ligne budgétaire adéquate,…
Oui, comme pour toute l'activité des Opex !
…au lieu de nous expliquer que nous verrons en cours de gestion. À la fin de la gestion, le budget aura explosé car le montant d'une mission opérationnelle a ceci de commun avec celui des Opex qu'il est difficile de l'estimer en amont. Au bout du compte, si vous n'avez pas anticipé suffisamment, ce ne sont pas les autres ministères qui vont payer la facture : celle-ci pèsera sur les autres programmes de la mission "Défense" , vous le savez bien.
Mme Manon Meunier applaudit.
L'amendement n° 4003 n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 : suite de l'examen des crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra