« On pourrait inscrire sur la tombe de beaucoup d'hommes politiques chargés de fonctions gouvernementales élevées : Ci-gît un homme mort d'épuisement pour s'être préoccupé de détails. Il n'a jamais eu le temps de penser parce qu'il lisait toujours ses papiers. Il voyait chaque arbre, mais jamais toute la forêt. » Ces mots sont ceux d'un grand soldat, le maréchal Montgomery.
Regarder les arbres aujourd'hui, ce serait étudier ligne à ligne les imputations budgétaires. Or, comme ce budget reprend à l'euro près les termes de la LPM, que notre groupe a votée, cela n'aurait aucun sens. Il en va de la politique comme des armées : la cohérence seule compte.
Nous pouvons donc sereinement examiner la forêt, c'est-à-dire une situation géopolitique de plus en plus sombre, où le recours désinhibé à la force sous les formes les plus hybrides devient la loi ordinaire. De l'Ukraine au Proche-Orient, de l'Arménie au Sahel, où le terrorisme fait son grand retour depuis le départ de la France, les armes parlent.
Dans la LPM, nous avons eu collectivement la sagesse de prévoir que le montant de 413 milliards était un minimum sous lequel il n'était pas possible de descendre, à moins de sacrifier la dissuasion ou la cohérence de nos moyens conventionnels. Mais il nous faudra, dans les années qui viennent, adapter l'épée de la France aux menaces nouvelles.
J'en vois trois, existentielles.
La première serait l'élection d'un président isolationniste à la tête des États-Unis. Nous avons tous entendu Donald Trump annoncer lors d'une conférence de presse que les Européens devraient se défendre seuls. Bien sûr, il faut faire la part des choses, entre les propos d'estrade d'un tribun démagogue et la conduite d'une politique. Mais la menace n'est pas virtuelle. N'oublions pas que la non-ratification du traité de Versailles en 1920 a contribué à transformer la « der des der » en un armistice de vingt ans.
La deuxième serait la poursuite de la croissance du complexe militaro-industriel russe à l'issue de la guerre en Ukraine. La plupart d'entre nous souhaitent la victoire du droit sur la force, et nous y prenons toute notre part, par l'aide que la France a déjà apportée et par les amendements transpartisans que nous défendrons lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour renouveler le fonds d'aide.
Dans cette guerre, qui ressemble de plus en plus à celle de 1914, nul ne sait ce que sera l'après. Si les armes se taisent sans solution politique, le conflit serait gelé et pourrait redevenir brûlant. Nous aurions alors à respecter nos engagements vis-à-vis de nos alliés du flanc oriental. Il nous faudrait repenser le format de notre corps aéroterrestre.
La troisième menace serait l'implantation de proxys hostiles au sud de la Méditerranée. Pensons aux Houthis, ces vassaux de l'Iran qui, depuis le Yémen, ont prêté la main aux terroristes du Hamas en tirant des missiles sur Israël.