Intervention de Yannick Chenevard

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Chenevard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

En 1411, l'amiral chinois Zheng He commande 28 000 marins : il navigue à bord d'un navire cinq fois plus gros que la caravelle de Christophe Colomb, construite quelques décennies plus tard. En 1434, la Chine interdit la navigation hauturière, brûle tous ses vaisseaux et se replie sur elle-même. C'est la naissance de l'empire du Milieu, qui va durer cinq cents ans.

Pendant ce temps, la civilisation occidentale s'ouvre vers la mer. Elle construit de puissantes marines militaires et marchandes. Elle prospère et exporte sa culture, ses technologies, ses sciences et son mode de vie.

Cette période de cinq cents ans semble aujourd'hui toucher à sa fin. En 2022, la liste des dix premiers ports du monde ne contient plus aucun port européen ou nord-américain. Ils se situent tous dans la zone Asie-Pacifique ; le seul à appartenir au monde dit occidental est australien.

La bascule est impressionnante : la zone Asie-Pacifique est à l'origine de plus de la moitié des brevets déposés dans le monde ; en 2030, elle représentera probablement 40 % de l'activité économique mondiale.

La France – et, partant, l'Europe – est un acteur incontournable de cette zone ; nation de l'océan Indien, nation du Pacifique, elle y a des responsabilités. Elle y compte 1,5 million d'habitants, 150 000 expatriés, 7 000 filiales d'entreprises et 8 000 soldats.

L'Hexagone se trouve à 8 000 kilomètres de Mayotte, à 9 300 kilomètres de La Réunion, à 15 000 kilomètres de Tahiti, à 16 000 kilomètres de Wallis-et-Futuna et à 17 000 kilomètres de Nouméa. Ce simple constat nous fait prendre conscience de la tyrannie des distances et nous rappelle l'importance des forces prépositionnées.

Depuis 2018, avec l'exécution à l'euro près de la précédente LPM, nous nous sommes enfin remis dans le sens de la marche. Nous avons continué sur cette lancée et amplifié le mouvement en adoptant la nouvelle loi de programmation militaire.

Comme les autres armées, la marine bénéficiera de cet effort budgétaire sans précédent. La première année de l'application de la LPM verra les crédits de la marine continuer d'augmenter – de 20 % en autorisations d'engagement, soit 6,588 milliards d'euros, et de 9 % en crédits de paiement, soit 6,324 milliards.

La marine relève du temps long. Les décisions d'aujourd'hui ont une portée qui va au-delà de la vie de ceux qui les prennent. Elles engagent les générations futures, devant lesquelles nous sommes responsables.

Ainsi, le dernier des SNLE 3G sillonnera encore les mers en 2090. Quant au deuxième sous-marin nucléaire d'attaque de classe Suffren, le Duguay-Trouin, il a été livré en 2023 ; le troisième, le Tourville, le sera en 2024.

La flotte de surface continue aussi son renouvellement avec la poursuite de la livraison des patrouilleurs d'outre-mer, des bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), des frégates de défense et d'intervention, des nouveaux bâtiments de guerre des mines ; quant au porte-avions de nouvelle génération (PANG), il sera encore opérationnel en 2078. L'objectif est de se déployer plus longtemps, plus loin, tout en faisant face à des menaces de plus haute intensité.

Mes chers collègues, il n'existe pas de grande marine sans marins. Cette LPM et sa première année d'exécution relèvent le défi des ressources humaines, notamment grâce à la révision de la grille indiciaire et au lancement du plan « famille 2 ». Maintenir l'attractivité de la marine est une nécessité absolue. Il faut attirer, former et fidéliser les talents, qui sont nombreux.

Nous envoyons un signal fort à nos compétiteurs : la France compte dans la marche du monde. Nous n'avons pas l'intention d'être de simples spectateurs, même si cette situation peut paraître confortable – presque attirante – aux yeux de certains qui, ne produisant pas ou peu d'efforts, se reposent sur les autres. Ce n'est pas le choix de la France : ce budget en témoigne.

Il nous faut faire preuve de persévérance, de constance et, comme le disait Maurice Druon, de « cette disposition de l'âme sans laquelle toutes les autres vertus seraient inopérantes, le courage ». Nous n'en manquons pas !

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