Les crédits prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 pour la mission "Défense " sont conformes à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 que nous avons adoptée en juillet dernier. Le groupe Rassemblement national avait voté en faveur de ce texte et considère donc comme bienvenue cette augmentation de budget, même si elle reste insuffisante compte tenu des enjeux actuels et du retour de la haute intensité.
Lorsque je dis que, s'agissant de la défense, le PLF pour 2024 est conforme à la LPM, notons dès à présent que je ne parle que de la trajectoire budgétaire. En ce qui concerne le schéma d'emplois, le texte est en effet en net décalage avec les cibles fixées – j'y reviendrai.
Hors pensions civiles et militaires de retraite, le budget de la mission s'élève à 47,2 milliards d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 8 % par rapport à ce que prévoyait la loi de finances pour 2023. Il est effectivement impératif que la France dispose d'armées entraînées et d'équipements opérationnels. S'il convient de saluer cet effort budgétaire, je rappelle que les objectifs successifs fixés par la LMP doivent et devront s'entendre comme des minima à atteindre, et ce tout au long de la programmation.
S'agissant des crédits du programme 178, Préparation et emploi des forces, ceux-ci sont en progression. Ils s'élèveront à 16,6 milliards d'euros en AE, ce qui représente une hausse par rapport à l'an dernier, et à 13,6 milliards en CP, soit une croissance de 12,6 % ; il apparaissait nécessaire et urgent de les augmenter considérablement. Cette augmentation marquée des crédits ouverts financera principalement la notification de nouveaux contrats de maintien en condition opérationnelle et le renouvellement de ceux arrivant à échéance. Les crédits destinés à l'entretien programmé du matériel progresseront de 745 millions d'euros par rapport à 2023, tandis que ceux affectés à l'activité opérationnelle augmenteront de 326 millions. Nous espérons que l'effort budgétaire ici consenti permettra d'augmenter le temps consacré à l'entraînement sur les matériels majeurs, ce qui apparaît essentiel face à l'hypothèse d'un engagement militaire de grande ampleur.
Précisons également que 306 millions d'euros supplémentaires sont destinés au financement du recomplètement des stocks de munitions et de petits équipements.
À cet égard, la disponibilité des équipements et l'entraînement des troupes constituent des paramètres essentiels de la remontée en puissance de nos armées. En analysant les documents budgétaires, je constate que de nombreux indicateurs de performance ne sont pas renseignés cette année, ces données faisant l'objet de la mention de protection « Diffusion restreinte ». Si je comprends que le contexte international conduise le ministère des armées à limiter la diffusion d'informations à nos concurrents, il nous est difficile d'évaluer avec précision l'évolution de la disponibilité des équipements et le niveau d'entraînement des troupes.
Le programme 212, Soutien de la politique de défense, apparaît primordial, dans la mesure où il contient les crédits de personnel et ceux permettant d'améliorer les conditions de vie et de travail des militaires. Les moyens budgétaires alloués à ce programme s'élèvent à 23,8 milliards d'euros en CP, ce qui représente une légère hausse de 3 % par rapport à l'année précédente. Cette progression des rémunérations est très insuffisante : l'inflation n'est pas compensée et, plus globalement, la grille indiciaire devra être revalorisée.
Les différentes mesures de revalorisation salariale représenteront un coût de 570 millions d'euros en 2024, dont 35 millions pour le renforcement de l'attractivité et la fidélisation au sein des métiers en tension, notamment dans les secteurs du renseignement et du numérique. De plus, 33 millions d'euros en CP et 40 millions en AE financeront le plan « famille 2 ». Ces crédits permettront de renforcer l'offre de garde des jeunes enfants et la construction de crèches, ainsi que d'améliorer les prestations des centres de vacances ; il faut le saluer.
Le PLF pour 2024 prévoit la création de 456 équivalents temps plein (ETP). Comme je l'ai dit, il faut souligner que ce schéma d'emplois est en très net décalage avec les objectifs fixés par la LPM, aux termes de laquelle plus de 700 ETP devaient être créés l'année prochaine. Les documents budgétaires indiquent que ce décalage est la traduction d'un « souci de réalisme au regard des difficultés de recrutement et de fidélisation que rencontre actuellement le ministère ». Conformément à l'article 7 de la LPM, le ministère des armées pourra néanmoins employer les crédits non employés à la réalisation des cibles d'effectifs pour renforcer l'attractivité des postes et la fidélisation des agents : il conviendra de s'en assurer.
Vous l'aurez compris, si le budget de la politique de défense pour 2024 est ambitieux, il n'en demeure pas moins décevant à certains égards. Je le répète, le non-respect du schéma d'emplois prévu par la LPM, et ce dès sa première année d'application, constitue un problème particulièrement préoccupant et interroge la capacité du ministère des armées à recruter du personnel en nombre suffisant et à éviter les départs. Je vous engage néanmoins à voter les crédits des deux programmes dont je suis le rapporteur spécial, afin de ne pas priver les armées d'un budget significatif.