La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (n° 1514 rectifié, 1674).
Je ne comprends pas les auteurs de ces amendements de suppression. En les défendant, vous affirmez au fond que vous êtes favorables non à l'imposition d'une nouvelle obligation de moyens aux sites pornographiques, mais à une obligation de résultat telle qu'elle existe déjà. En somme, il faudrait ne rien faire, ne rien changer, considérer qu'il n'y a pas de problème.
Permettez-moi de répondre sur plusieurs points abordés tout à l'heure. L'orateur du Rassemblement national nous demande comment sera vérifiée l'effectivité du référentiel. C'était l'objet des différentes auditions que nous avons menées au cours des dernières semaines : les acteurs concernés y sont venus nous présenter en long et en large différentes solutions techniques qui présentent l'avantage, pour la plupart, d'être proposées par des entreprises françaises innovant au quotidien dans le secteur numérique, dans le respect du règlement général sur la protection des données – le RGPD – et de la protection des données, autant d'éléments qui vous sont chers.
Ensuite, Mme Amiot estime que le dispositif n'est pas cadré et M. Taché que le référentiel est présenté trop rapidement. Je vous rassure : il a fallu trois ans de travail avec l'Arcom – l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – et la Cnil – la Commission nationale de l'informatique et des libertés – pour élaborer ce référentiel et faire en sorte qu'il soit effectif dans la durée.
Le faible nombre de condamnations sur le fondement du dispositif actuel montre bien que la simple obligation de résultat qui incombe aux éditeurs de sites pornographiques ne fonctionne pas. C'est pourquoi nous vous proposons de débattre de l'article 1er , éventuellement de l'améliorer, et donc de voter contre ces amendements de suppression.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Mme la rapporteure a raison : il faut débattre de l'article 1er , comme il faudra débattre de l'article 2. Tous ici nous partageons le même constat, et la même ambition d'amener, par la dissuasion, les sites pornographiques à vérifier l'âge de leurs utilisateurs.
Il y a trois ans, le Parlement a adopté une loi imposant aux sites pornographiques de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs sous peine de saisine par l'Arcom du tribunal judiciaire de Paris en vue de déclencher une procédure à leur encontre. L'Arcom a bien saisi le tribunal mais les procédures judiciaires représentent une lourde charge pour elle. De plus, elles sont longues : un an et demi après la saisine initiale, le tribunal judiciaire n'avait toujours pas rendu son délibéré.
C'est pourquoi dans leur rapport – que je ne brandirai pas à nouveau devant l'Assemblée, madame la présidente –, les sénatrices Billon, Borchio Fontimp, Cohen et Rossignol, que je citais tout à l'heure, ont proposé de confier à l'Arcom le pouvoir de bloquer, sans avoir à passer par une procédure judiciaire, les sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs.
Je vous demande quelques instants d'attention afin de vous expliquer les arguments sur lesquels se fonde l'article 1er , de sorte que la rapporteure et moi-même n'aurons pas à y revenir trop longuement par la suite. L'article 1er prévoit que l'Arcom élabore un référentiel et l'article 2 lui donne le pouvoir de blocage ; or l'un et l'autre ont suscité certaines inquiétudes, que traduisent les amendements. Elles sont de deux ordres.
Mmes Santiago et Pasquini, tout d'abord, nous mettent en garde contre la création d'un référentiel, car il sera contesté par les sites pornographiques et, en attendant le règlement des litiges, l'Arcom ne pourra pas utiliser son pouvoir de blocage. Ces inquiétudes sont légitimes.
D'autres parmi vous – Mmes Parmentier, K/Bidi, Amiot et Chikirou et MM. Seitlinger, Boucard, Taché, Lopez-Liguori et Chassaigne – considèrent dans leurs amendements qu'il faut être très vigilant quant à la manière dont l'âge des utilisateurs sera vérifié, en garantissant notamment le respect de la vie privée et des données personnelles. C'est précisément aux inquiétudes sur le mode de vérification de l'âge que répond le référentiel.
Les amendements n° 884 rectifié et 886 que présentera la rapporteure permettront de clarifier les rôles respectifs de l'article 1er et de l'article 2. En vertu de l'article 1er , l'Arcom élabore le référentiel que les sites sont tenus d'adopter sous peine d'une amende administrative. En vertu de l'article 2, les sites doivent respecter l'obligation qui leur est faite à l'article 227-24 du code pénal sous peine d'une mesure de police administrative – en l'occurrence le blocage du site.
Puisque la question du référentiel reviendra, je rappelle simplement que le rapporteur général et les rapporteurs thématiques ont convoqué l'Arcom et la Cnil jeudi dernier afin qu'elles répondent à toutes les interrogations des membres de la commission spéciale quant au contenu du référentiel. Il portera notamment sur la fiabilité de la solution adoptée pour vérifier l'âge des utilisateurs – elle doit permettre effectivement de vérifier l'âge, sans quoi elle ne sert à rien – et sur la protection des données et de la vie personnelle, car il est souhaitable, en effet, que la vérification d'âge ne soit pas trop intrusive et qu'elle ne présente pas de risque de fuite de données.
L'Arcom et la Cnil ont été très claires quant au contenu du référentiel et aux garanties tout à la fois de fiabilité – encore une fois, la vérification de l'âge doit permettre de s'assurer que les utilisateurs des sites pornographiques sont bien majeurs – et de protection de la vie privée. Voici quelles sont ces garanties.
En matière de fiabilité, aucun contenu pornographique ne doit apparaître avant la vérification effective de l'âge de l'utilisateur. C'est un principe dont nous avons débattu et que nous avons même anticipé en l'incluant dans le texte. Ensuite, la vérification de l'âge devra se faire à chaque accès au site, afin qu'il ne suffise pas de confirmer l'âge une seule fois sur un navigateur pour pouvoir ensuite accéder librement au site. Enfin, le référentiel devra être adapté dès que des méthodes de contournement seront détectées. Voilà pour la fiabilité, en réponse à ceux qui craignent que l'âge des utilisateurs ne soit pas effectivement vérifié.
Quant aux garanties entourant la vie privée et les données personnelles, le référentiel sera publié après avis de la Cnil, encadrera la création de comptes utilisateurs, précisera la condition de recours à un tiers indépendant et prévoira la mise à disposition d'au moins une solution renforcée de préservation de la vie privée – la solution dite de double anonymat – sans préjudice de la mise à disposition d'autres solutions passant par un tiers de confiance, qui assureront l'étanchéité totale entre le fournisseur d'une preuve de majorité et le site internet réservé aux adultes.
Compte tenu des clarifications ainsi apportées par l'Arcom et la Cnil et des amendements proposés par la rapporteure, je crois pouvoir rassurer tout à la fois Mmes Pasquini et Santiago quant au fait que l'Arcom, quoi qu'il arrive avec le référentiel, conservera son pouvoir de blocage, et tous ceux parmi vous qui, inquiets des questions relatives au respect de la vie privée, souhaitaient intégrer plusieurs garanties au texte.
Telles sont les précisions que je tenais à apporter, en appelant naturellement au rejet des amendements de suppression de l'article.
Sur les amendements n° 364 et 376 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les amendements de suppression, je donnerai la parole à deux orateurs, un pour et un contre : M. Kerbrat et Mme Guévenoux. La parole est à M. Andy Kerbrat.
Je vous remercie, madame la présidente, de respecter la parité. Nous n'aurons hélas pas le temps de débattre du contenu du référentiel, puisque les amendements de suppression de l'article seront adoptés. Je suis donc obligé de rappeler l'histoire qui a conduit à cet article. Il est vrai qu'une loi a été adoptée il y a trois ans, mais elle a été contestée, non par les acteurs du secteur pornographique payant – Dorcel ou d'autres – mais par les « tubes », comme Pornhub qui offrent un accès gratuit. Il a fallu un an et demi, en effet, pour aboutir à une décision de justice. Mais vous racontez un peu n'importe quoi, monsieur le ministre délégué ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE
car en janvier 2023, la Cour de cassation a rétorqué de manière laconique et univoque que la loi qui permet de bloquer les sites ne respectant pas la vérification de minorité est parfaitement claire et constitutionnelle. La voie est donc libre pour bloquer l'accès aux sites qui contreviennent aux règles de protection des mineurs.
Le problème, c'est que la loi n'est pas appliquée. Je vous crois très sincère, monsieur le ministre délégué, dans votre combat pour la protection des mineurs face à l'accès à la pornographie, et aucun d'entre nous ici ne pense autrement. Néanmoins, vous voici avec un nouveau projet de loi qui annule certains dispositifs de la loi de 2020 tout en instaurant des mesures d'identité numérique. Encore une fois, je regrette que nous n'ayons pas le temps d'en parler, mais les associations de protection des droits des enfants vous alertent, comme l'a dit Mme Amiot, sur l'inefficacité annoncée de ce dispositif, car vous tapez à côté de la cible. Je cite leur tribune : « La majorité présidentielle vote une loi, dont la constitutionnalité est confirmée, et qui est sur le point d'être appliquée. Puis cette même majorité sabote le dispositif au dernier moment en votant une nouvelle loi qui s'apparente à une véritable bouée de sauvetage pour les géants du X. » Pourquoi ? Parce qu'ils déposeront de nouveaux recours et auront de nouveau trois ans devant eux.
Je conclus : vous vous étiez engagé devant la commission, monsieur le ministre délégué, à nous présenter le référentiel avant l'examen du texte en séance. Nous apprenons de la rapporteure qu'il fait l'objet de travaux depuis trois ans, et vous nous dites que l'Arcom et la Cnil bossent dessus. Je crois quant à moi qu'on n'a pas besoin de trois ans pour présenter un brouillon aux parlementaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La défense de ces amendements nous plonge dans la troisième galaxie, le monde merveilleux de la NUPES – un monde merveilleux où il n'y a pas de problème,…
…où il n'y a pas 2,3 millions de mineurs exposés à la pornographie, où 50 % des garçons de 12 ans ne se trouvent pas confrontés à des contenus illicites, bref, un monde merveilleux où il ne se passe rien et où, pour appliquer la loi, il suffit de le dire. C'est tout de même rudimentaire ! Il ne vous aura pourtant pas échappé que depuis 2020, une loi adoptée par cette majorité dispose très clairement que la simple déclaration de majorité ne suffit pas. Or, que se passe-t-il depuis 2020 ? Les éditeurs pornographiques, que vous nous avez gentiment présentés comme de petits acteurs artisanaux, et non des Gafa – ce sont tout de même des entreprises qui gagnent des centaines de millions d'euros, disons-le – ont payé les meilleurs cabinets d'avocats de la planète pour contourner la loi.
Nous vous proposons par l'article 1er un dispositif qui permettra d'appliquer la loi. Prenez vos responsabilités : votez-le – ou non !
La parole est à M. Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale.
L'article 1er est évidemment très important. Le problème est le suivant : 80 % de nos enfants ont eu accès à la pornographie à cause d'internet, parfois très jeunes – avant dix ans.
Pourquoi est-il si facile d'accéder à la pornographie ? Parce qu'il suffit de cliquer sur un bouton confirmant qu'on a plus de 18 ans pour avoir accès à des millions de contenus pornographiques. Mme Guévenoux l'a rappelé : ceux d'entre vous qui siégeaient déjà ici sous la législature précédente ont voté une loi qui permet de demander aux plateformes de vérifier l'âge des utilisateurs et d'éviter l'exposition des mineurs à la pornographie.
Mais voilà : cela fait trois ans qu'à force de recours et de procédures en justice, cette loi n'est toujours pas mise en œuvre. Alors que faisons-nous ? D'abord – je rassure notre collègue Kerbrat et les associations signataires de la tribune parue dans Le Monde –, nous conservons la loi de 2020, la référence au code pénal et l'obligation de résultat imposée aux plateformes. Mais nous y ajoutons l'obligation de moyens, qui est justement l'objet du référentiel. En effet, les plateformes ont expliqué à la justice qu'elles ne savaient pas quel type de solution mettre en œuvre pour vérifier l'âge des utilisateurs et qu'en l'absence d'éléments d'information plus précis, elles ne seraient pas capables d'opérer cette vérification par elles-mêmes. Eh bien chiche ! Nous leur répondons à travers ce projet de loi en ajoutant un référentiel, couplé à une obligation de moyens. Sur la base des deux obligations – de résultat et de moyens –, l'Arcom pourra agir, notamment en déréférençant ou en bloquant des sites. L'objectif n'est pas qu'elle le fasse, mais qu'elle puisse brandir une menace suffisamment crédible pour que ceux-ci mettent enfin en place les solutions préconisées.
Si nous supprimons l'article 1er , nous retournerons à la case départ, alors qu'en le votant, nous ajouterons une obligation de moyens à l'obligation de résultat existante.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 21
Contre 89
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 302 .
Pornhub, Xvideos, Xhamster : les sites pornographiques épinglés par l'Arcom parce qu'ils ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs sont nombreux. Visé par une demande de blocage de l'Arcom, ils mènent une bataille juridique sans relâche pour empêcher l'aboutissement de la procédure. Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), recours multiples et variés, la liste est longue des procédés employés par les avocats de ces sites pour ne pas respecter la loi de 2020 sur les violences conjugales.
Parce que nous souhaitons empêcher ces sites d'utiliser le droit pour ne pas se conformer à la loi, nous proposons – dans le cas où l'article 1er de ce projet de loi serait adopté – de faire référence à la loi de 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales plutôt qu'à celle de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Si jamais une QPC censurait les nouvelles dispositions modifiant la loi de 2004, il n'y aurait plus aucun recours juridique pour faire suspendre l'accès aux sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs. En modifiant la loi de 2020, on garantit qu'en cas de censure du Conseil constitutionnel, l'ancienne version reviendra en vigueur.
Vous proposez, madame la députée, la réintégration du dispositif à la loi relative aux violences conjugales de 2020. Pour le bon déroulement de nos débats, je voudrais vous rappeler que lorsqu'il a été déposé au Sénat, le projet de loi prévoyait deux articles distincts avec, à l'article 2, une procédure de blocage et de déréférencement intégrée à l'article 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Or les articles 1er et 2 tels qu'adoptés par le Sénat sont mieux organisés et plus clairs, puisqu'ils déplacent les dispositifs dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique. En conséquence, ils abrogent l'article 23 de la loi de 2020. Si ces articles étaient déclarés inconstitutionnels cependant, c'est bien cet article 23, auquel vous tenez, qui continuera de s'appliquer puisqu'il ne sera pas abrogé.
J'en viens aux procédures en cours, au sujet desquelles des associations vous ont sollicitée. Il me semble percevoir une grande incompréhension dans l'hémicycle, et je voudrais être très claire à ce sujet : l'article 36 du présent projet de loi dispose que « L'article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2024 ». Cela signifie que les procédures que vous avez évoquées restent régies par les dispositions de l'article 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, dans sa version en vigueur à cette date.
Je vous rappelle enfin, comme l'a indiqué M. le ministre délégué, que les amendements que je défendrai dans quelques instants insistent sur l'obligation de résultat comme sur l'obligation de moyens. Il sera toujours fait mention de l'article 227-24 du code pénal dans ce texte. Avis défavorable.
Il est également défavorable.
Il me semble important de répondre aux propos qui viennent d'être tenus. À qui nous attaquons-nous ? Je l'ai dit tout à l'heure : pas à la société Dorcel qui, comme l'a reconnu Marie Guévenoux, a les moyens de mettre en place la vérification par double anonymat. Non, nous nous attaquons aux « tubes » comme Pornhub, Xhamster ou comme d'autres plus underground. Ce sont ces plateformes qui enregistrent le plus grand nombre de vues et qui ont le plus grand nombre d'utilisateurs, parce qu'elles sont gratuites ! Néanmoins, grâce à la publicité et à la capture de données appartenant aux producteurs de films pornographiques officiels, elles gagnent de l'argent ! Je n'ai d'ailleurs jamais dit qu'il s'agissait de petits artisans : malheureusement, les petits artisans du porno seront très affectés par votre projet de loi.
Quoi qu'il en soit, je suis étonné. Je regrette vraiment que la majorité n'ait pas voté notre amendement de suppression car la loi était déjà protectrice – vous venez de le confirmer, madame la rapporteure ! C'est dommage. Nous aurions pu réécrire tous ensemble un texte qui respecte les libertés publiques, plutôt que de nous lancer dans une aventure qui risque d'être désastreuse de ce point de vue et qui pourrait être anticonstitutionnelle – nous le verrons en fonction des amendements qui nous seront proposés. J'insiste : vous nous aviez dit, monsieur le ministre délégué, que vous nous présenteriez le référentiel avant la séance. Où est-il ?
Après trois ans de travail, vous n'êtes pas capables de présenter un brouillon aux parlementaires ! Nous avons été obligés de vous arracher les poils du nez pendant la séance pour avoir des informations ! Plutôt que de parler de la suite, je propose donc que nous parlions du référentiel !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Francesca Pasquini applaudit également.
J'avoue sentir, depuis tout à l'heure, une certaine ébullition monter en moi, monsieur Kerbrat !
Rires sur divers bancs. – M. Andy Kerbrat s'exclame.
Sourires.
Plus sérieusement, vous secouez un chiffon rouge en disant que ce texte porterait atteinte aux libertés publiques.
Le dispositif que nous allons mettre en place ne vise qu'à protéger nos enfants. C'est tout, ce n'est pas plus compliqué que ça.
Exclamations sur quelques bancs.
Vous nous dites, monsieur Kerbrat, que le référentiel ne vous a pas été présenté. Pourtant, une réunion s'est tenue avec les représentants de l'Arcom et de la Cnil, qui nous ont expliqué de façon précise l'avancée de leurs travaux et les directions qu'ils prenaient.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est vrai cependant que les députés de la NUPES étaient absents, comme nous avons pu le constater !
Mme Sofia Chikirou s'exclame.
Ne nous dites pas que le référentiel ne vous a pas été présenté, puisqu'il l'a été.
Je suis très inquiet. Vous êtes dans un délire libertarien – très libéraux, en fait !
M. Andy Kerbrat s'exclame.
Vous proposez de ne rien faire ! Vous votez des amendements de suppression de l'article 1er , après avoir défendu une motion de rejet pour écarter le texte : vous souhaitez laisser faire le marché, la main magique que vous connaissez mieux que moi pour l'évoquer souvent lors de vos argumentations.
Grâce au travail réalisé sur les règlements par nos parlementaires européens, et peut-être par les vôtres aussi – pour ceux du Rassemblement national, nous ne savons pas –, …
…nous essayons de bâtir des dispositifs qui protègent les mineurs tout en laissant la liberté aux adultes de consulter les sites qu'ils souhaitent. Arrêtez d'agiter des chiffons rouges, vous vous ridiculisez !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
L'amendement n° 302 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 364 .
Il vise à supprimer l'alinéa 2, portant sur la vérification de l'âge. Nous avons bien à l'esprit les auditions des représentants de l'Arcom et de la Cnil au sujet du référentiel et nous avons bien retenu les informations qu'ils ont bien voulu nous transmettre – notamment leurs doutes sur la capacité réelle à vérifier l'âge de l'internaute souhaitant consulter un site pornographique, et les conclusions qu'ils en tirent. Soyons très clairs : l'une des possibilités consiste à contrôler grâce à une carte bleue. Or un enfant de 16 ans peut en détenir une.
Ce n'est donc pas suffisant pour contrôler l'âge de l'utilisateur, comme le reconnaissent l'Arcom et la Cnil. Une autre possibilité consiste à reconnaître les traits du visage.
Or cette vérification est très imparfaite : comment distinguer le visage d'un jeune de 18 ans moins deux jours, qui est mineur, de celui d'un jeune âgé de 18 ans et deux jours qui, lui, est majeur ? Je connais des jeunes de 18 ans qui en paraissent 14 et d'autres qui en paraissent 22 ! Ce procédé ne fonctionne pas non plus de façon certaine !
La biométrie n'étant pas efficace, on en arrive toujours au risque d'avoir à présenter sa carte d'identité, ce qui ne garantit pas l'anonymat des personnes qui consultent un site.
Vous avez beau dire qu'avec la double authentification, l'anonymat sera garanti… En réalité, si ce procédé est réservé aux sites pornographiques, vous savez très bien ce que feront les personnes qui s'identifieront avec une carte d'identité ! Au-delà du fait qu'elles violeront l'anonymat, ces mesures d'une inefficacité absolue pourraient donc être porteuses d'injustice.
Vous nous dites par ailleurs que les dispositifs évolueront avec le temps, grâce aux innovations technologiques. Mais les moyens de les contourner évolueront eux aussi ! Ce n'est donc pas la vérification d'identité qui nous permettra d'être efficaces, et ce n'est pas par ce procédé qu'il faut aborder le sujet.
Contrairement à ce que vous dites, les autres pays ayant essayé d'agir en ce domaine ont fait la même chose que nous. Ils en arrivent à la conclusion qu'aucun des dispositifs existants ne permet le respect de la vie privée, la sécurité ou l'efficacité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Il faut savoir faire preuve de bonne foi, madame la députée. Vous parlez de doutes réels de l'Arcom et de la Cnil. Pourtant, leurs représentants n'ont jamais parlé de doutes réels lorsque nous les auditionnés par deux fois, avant le passage du texte en commission puis avant son arrivée en séance. J'étais présente à ces auditions, avec plusieurs autres députés, alors que vous n'étiez pas là – pas plus qu'aucun collègue de votre groupe, d'ailleurs. Les personnes auditionnées nous ont assurés de leur fierté
Mme Sophia Chikirou s'exclame
– je vous serais reconnaissante d'éviter de m'interrompre, madame – de travailler depuis plusieurs mois sur ce référentiel, qui permettra de mieux protéger les mineurs de l'accès à la pornographie.
L'adoption de votre amendement aurait le même effet que la suppression de l'article 1er . Or je le redis : nous ne serions pas tous réunis dans l'hémicycle ce soir pour parler de la nécessité de mettre en place un référentiel si la loi s'appliquait parfaitement. L'avis de la commission est bien entendu défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Surtout ne votez pas l'amendement n° 364 , mesdames et messieurs les députés ! En effet, en raison d'une malheureuse erreur de numérotation, l'alinéa supprimé ne serait pas celui qui décrit le référentiel mais celui qui charge l'Arcom de veiller à ce que les sites ne puissent pas être accessibles aux mineurs et à ce qu'ils ne contreviennent pas à l'article 227-24 du code pénal. Il ne faut donc surtout pas supprimer cet alinéa.
Cela fait plusieurs fois, par ailleurs, que vous mettez en avant l'expérience d'autres pays qui auraient abandonné, comme le Royaume-Uni. Or ce pays a adopté le 19 septembre dernier – il ne manque plus que le sceau de Sa Majesté le Roi – une loi de protection en ligne qui prévoit exactement la même chose que notre projet de loi !
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le texte dispose en effet que les sites doivent vérifier l'âge de l'utilisateur et que l'Ofcom – Office of Communications, équivalent de l'Arcom – établit un référentiel. Le Royaume-Uni fait donc exactement la même chose que nous, en même temps que nous ! Évitons de dire que les autres pays ont abandonné quand, en réalité, ils avancent au même pas que le nôtre. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Ne dites pas, collègue Balanant, que les députés de la NUPES n'étaient pas là durant les auditions et les réunions de commission : nous avons échangé longuement ensemble, évoquant notamment le fait que les solutions techniques sont imparfaites et douteuses.
L'Arcom a reconnu lors de son audition – nous n'étions peut-être pas présents ce jour-là, mais nous avons suivi les débats de près, comme vous le savez – que le référentiel n'était pas au point, pas plus que la solution du double anonymat garantissant le droit à la vie privée. Nous avons des raisons de craindre que celle-ci ne soit repoussée aux calendes grecques.
Je le répète : le combat pour limiter l'exposition des enfants à une pornographie de plus en plus brutale est juste. Entendez-vous simplement introduire dans le droit français la possibilité, pour une autorité administrative, de vérifier l'identité sur internet ? Nous en avons parlé en commission, mais vous ne répondez pas aux vraies questions, monsieur le rapporteur général et monsieur le ministre délégué ; ni vous, collègues de la majorité.
Pour finir, je m'étonne d'une chose : à prôner une solution absolument garantie par l'État et par les autorités administratives, vous semblez ne plus faire confiance aux parents et aux familles. Pourtant, quand vous parlez d'éducation, des quartiers populaires ou de nombreux autres sujets, vous n'avez de cesse de renvoyer à la responsabilité des familles et des parents, et de dédouaner l'État. La philosophie que vous défendez ce soir est quelque peu contradictoire avec le message que le Gouvernement et le Président de la République diffusent en permanence dans le débat public.
À mon tour d'exprimer mon étonnement : alors que je ne faisais pas partie de la commission, j'ai vu fonctionner différentes solutions et propositions. Plusieurs types d'applications d'anonymisation et de double authentification nous ont été présentés, avec les vérifications associées. Comment pouvez-vous affirmer qu'il n'en existe pas ?
Pourquoi opter pour un référentiel plutôt que pour une application – puisque vous ne cessez de mentionner cette dernière option ? Le référentiel présente l'avantage de fixer un cadre, sans obliger de choisir telle ou telle solution. Si nous imposions une solution unique à tous les sites, l'Union européenne pourrait nous reprocher de fausser la concurrence.
Le référentiel permettra de poser un cadre, au sein duquel les plateformes seront libres d'opter soit pour la vérification de la carte d'identité, comme le fait déjà Marc Dorcel pour bloquer l'accès aux mineurs, soit pour le double anonymat, soit pour une autre solution – qu'importe. Dès lors que les enfants ne peuvent pas entrer dans un sex-shop sans présenter une pièce d'identité, je ne vois pas pourquoi ils pourraient visionner du porno sur internet sans un contrôle d'identité : voilà ce qui compte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
Vos excuses au nom de la protection des données ne prouvent qu'une chose : vous êtes contre la protection des enfants.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
J'ai testé, avec mon téléphone, une solution de double anonymat pour me connecter au site Marc Dorcel.
C'est très simple, et cela fonctionne très bien. Cette application a été développée par une start-up française florissante. Il suffit de la télécharger sur son téléphone, ce qui prend une trentaine de secondes, puis de présenter sa carte d'identité à ce tiers de confiance afin qu'il valide que vous êtes majeur – cela demande trois à quatre minutes.
Je me suis ensuite rendu sur le site Marc Dorcel, et j'ai lancé l'application afin qu'elle envoie mon certificat de majorité. Je vous garantis que cette solution de double anonymat fonctionne très bien. Nous pourrons la tester ensemble, si cela vous intéresse !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 25
Contre 121
L'amendement n° 364 n'est pas adopté.
Rassurez-vous : je ne cherche pas à mettre quiconque en ébullition – même si je constate que M. le rapporteur général m'emprunte mes mots. Quoi qu'il en soit, nous n'avons toujours pas de référentiel.
Revenons sur terre, à l'heure où certains nous lancent des accusations farfelues : nous serions contre la protection des enfants, ou que sais-je. Comme je l'ai expliqué, vous ne vous en prenez pas aux bonnes personnes : vous vous attaquez à Marc Dorcel, alors que vous devriez viser les « tubes ». De fait, votre loi sera inefficace.
J'en viens aux propos de M. Balanant et aux mesures dites liberticides. Vous nous avez présenté des éléments du référentiel, monsieur le ministre délégué, même s'il a fallu vous tirer les vers du nez : carte d'identité, carte bancaire, tiers de confiance… Vous avez même évoqué la possibilité d'une reconnaissance faciale, qui nous inquiète énormément, en citant l'exemple de l'Inde. Or le système en question, Aadhaar, a été retoqué par la Cour suprême indienne au motif qu'il ne respectait absolument pas la vie privée.
Vous affirmez que vous avez vu des outils – très bien, nous les avons vus aussi, de même que M. le rapporteur général. C'est leur fiabilité que nous mettons en cause. Nous ne sommes pas venus ici pour faire des blagues sur l'ébullition, mais parce que nous avons nous aussi travaillé. Pouvez-vous nous assurer de façon absolue que votre système de blocage des moins de 18 ans sur les sites pornographiques – et sur eux seuls, nous y reviendrons – sera fiable ? C'est la seule question qui compte. Pour l'heure, les chercheurs et les associations de protection de l'enfance affirment que c'est un coup d'épée dans l'eau et qu'il faut agir autrement. Il faut appliquer la loi et donner les moyens à la justice d'imposer la fermeture des sites.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 1er prend bien en compte la fiabilité du contrôle de l'âge et le respect de la vie privée. Pour le reste, nous souhaitons que l'Arcom, autorité administrative indépendante, puisse faire son travail et valider, dans un cadre général, plusieurs solutions techniques de contrôle de l'âge des utilisateurs. Cette réponse vaut pour l'ensemble des amendements visant à préciser le référentiel.
J'ajoute, en réponse à l'exposé sommaire de l'amendement, que le projet de loi respecte bien l'article 227-24 du code pénal. Avis défavorable.
Permettez-moi de faire un commentaire général sur les deux premiers articles du projet de loi. Nous pouvons débattre du référentiel : il est sans doute imparfait et sera sans doute contournable ;…
…il n'assurera pas un résultat garanti à 100 %, mais il présentera au moins l'avantage d'exister et d'offrir aux parents, qui sont en détresse du fait de leur incapacité à contrôler l'instrument, un outil pour mieux protéger leurs enfants. Ne mélangeons pas les sujets. Nous débattrons tôt ou tard de l'anonymat, de l'identité en ligne et de la liberté d'expression, mais en l'occurrence, nous parlons de l'accès des jeunes à la pornographie. Autant que je sache, la liberté d'expression sur YouPorn se limite à quelques commentaires sous des vidéos peu recommandables – pour des jeunes en tout cas. Nous ne parlons pas ici de liberté d'expression, mais de protection de la jeunesse.
Si je tiens aux deux premiers articles du projet de loi, ce n'est pas pour maintenir absolument le référentiel, mais parce qu'ils sont le seul vecteur que nombre d'entre nous ont trouvé pour proposer des amendements complémentaires, qui permettront d'appliquer des mécanismes de protection des mineurs de moins de 18 ans face à la promotion, sur les réseaux sociaux, de liens vers des sites pornographiques gratuits ou payants, comme OnlyFans. Ces mécanismes figurent dans la loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Nous avons besoin des articles 1er et 2 comme supports pour introduire dans le projet de loi d'autres instruments qui offriront une protection non pas dans six mois ou dans un an, mais dès la promulgation du texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'abonde dans le sens d'Andy Kerbrat. Nous essayons de parler du réel et du concret, du quotidien des gens et de leur droit fondamental à une vie privée – y compris sur internet et face à des « menaces » liées à la violence pornographique, si les films en contiennent.
La consommation de vidéos pornographiques s'effectue pour plus de la moitié sur des « tubes » – c'est ce que mes collègues tentent de vous expliquer. Les sites pornographiques de type Marc Dorcel ne sont pas ceux qui présentent le plus de danger. La réalité de la consommation du porno, la voici : c'est mieux quand c'est gratuit. Les jeunes que nous cherchons à protéger se rendent essentiellement sur des sites gratuits, en cachette. Voilà le problème. Vous pourrez instaurer toutes les mesures de vérification et de contrôle, les jeunes sont beaucoup plus malins que vous – et beaucoup plus malins que moi, assurément– : ils recourront à des VPN, des réseaux privés virtuels, pour contourner vos solutions. La Grande-Bretagne et l'Australie, qui ont testé des mesures de vérification de l'identité, ont d'ailleurs fait un constat d'échec.
Je pourrais aussi parler de l'Utah, aux États-Unis, qui a abouti exactement au même constat après une tentative de contrôle, au motif que « nous, nous aimons le sexe classique et rien d'autre » – comme je l'ai entendu tout à l'heure dans la bouche d'une collègue. L'Utah a interdit l'accès aux sites pornographiques de type « tubes ». Résultat : tout a été détourné et contourné, et le recours aux VPN a explosé.
Nous dénonçons le manque d'efficacité d'une mesure qui, du reste, ne pourra d'ailleurs pas être appliquée immédiatement – contrairement à ce que vous affirmez – : l'Arcom et la Cnil disent elles-mêmes que le déploiement sera progressif, en attendant de voir comment évolue la technologie. Nous perdons du temps, alors que nous pouvons nous appuyer sur la loi « informatique et libertés » de 2020, qui est reconnue comme constitutionnelle et qui appelle des modalités d'application.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je n'ai jamais cité Aadhaar parmi les solutions de vérification de l'âge, monsieur Kerbrat. Aadhaar est un programme d'infrastructure numérique publique en Inde, dans le domaine de l'identité numérique. Il s'inscrit dans un environnement certes un peu plus accommodant que celui du droit français et de la Cnil, qui sont très protecteurs de la vie privée et des données personnelles. Il n'en reste pas moins qu'Aadhaar a permis à des centaines de millions d'Indiens d'accéder à des services publics et commerciaux. C'est dans ce cadre que je l'ai évoqué, pour expliquer que les infrastructures publiques, comme l'identité numérique, pouvaient être des facteurs d'inclusion plutôt que d'exclusion.
Cela n'a rien à voir avec la vérification de l'âge. Au sujet de cette dernière, l'Arcom et la Cnil ont répondu à toutes les questions que vous leur avez posées. Elles ont été convoquées par M. le rapporteur général, et tous les membres de la commission spéciale étaient invités à leur audition. Le Gouvernement, lui, n'était pas présent. On m'a rapporté que toutes les questions avaient obtenu des réponses. Nous pouvons donc être rassurés.
Enfin, l'amendement n° 376 comporte à son tour une erreur : il propose de modifier la rédaction de l'alinéa 2, alors qu'il vise en réalité l'alinéa 3, qui porte sur l'élaboration du référentiel.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 56
Contre 98
L'amendement n° 376 n'est pas adopté.
Ils visent à replacer le juge au cœur du contrôle de la majorité. Incidemment, je vous soumets une proposition susceptible de mettre tout le monde d'accord, comme je l'ai fait dans la discussion générale : il s'agirait de supprimer les sites pornographiques gratuits. Cela résoudrait de nombreux problèmes. Pour pousser un peu la plaisanterie, je proposerais volontiers aux députés de La France insoumise de pratiquer des tests osseux pour vérifier la majorité des consommateurs de porno – mais ce serait probablement perçu comme une provocation.
Sourires.
Je rappelle que le Royaume-Uni, dont nous venons de parler, a remis le test osseux au goût du jour pour effectuer les contrôles de minorité.
L'alinéa 2 vise à contourner le juge puisque celui-ci ne décidera plus du bien-fondé d'une censure avant qu'elle ne soit prononcée tout comme il ne décidera plus de la manière de vérifier l'âge. C'est vrai, la justice est trop lente mais l'on peut tout de même s'étonner que vous chargiez l'Arcom du soin de censurer les sites plutôt que de vous en remettre à la justice.
D'autre part, il est étonnant de donner autorité à l'Arcom pour décider de quelle manière la majorité sera vérifiée. C'est un procédé que nous pourrions accepter sous le coup de l'émotion pour lutter contre la consommation du porno par les mineurs mais, en réalité, il peut s'avérer pervers car en ouvrant la voie à un contrôle d'identité plus large sur internet, il pourrait remettre en question nos libertés.
Comme souvent, le problème de la consommation du porno par les mineurs est mal posé. Plutôt que réprimer, nous devrions éduquer.
Il appartient au seul juge, et non à une autre autorité, de contrôler les droits et les libertés des citoyens. Confier cette tâche à l'Arcom est une marque de défiance à l'égard du juge et il est fort à craindre que le résultat soit décevant.
Vous venez de soulever l'un de nos points de désaccord. S'agissant d'un dispositif technique où la technologie est appelée à évoluer, confier le contrôle à une autorité publique indépendante semble être la solution la plus appropriée. Le juge ne sera pas exclu du dispositif puisque, à tout moment, le tribunal administratif pourra être saisi. Ce n'est pas un désaveu de l'institution judiciaire : nous avons les justices administrative et judiciaire, libre au législateur de recourir au moyen qui lui semble le plus efficace pour rendre la loi effective.
Le Conseil constitutionnel a toujours exigé le respect des principes fondamentaux dans l'exercice du pouvoir de répression administrative. Il a jugé, par une décision du 17 janvier 1989 relative au Conseil supérieur de l'audiovisuel, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que le principe des droits de la défense.
Pour toutes ces raisons, je rendrai un avis défavorable au premier amendement.
Vous demandez d'autre part que l'Arcom contribue à ce que les contenus pornographiques mis à la disposition du public par un service de communication au public en ligne ne puissent pas être accessibles aux mineurs. Non, l'idée est bien de responsabiliser l'Arcom qui doit pouvoir frapper vite et fort.
Quant à votre proposition selon laquelle l'Arcom pourrait veiller sous le contrôle du juge, je vous renvoie aux alinéas 15 à 17 de l'article 2 : les personnes peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l'annulation des mesures dans un délai de cinq jours à compter de leur réception. Il est statué sur la légalité de la notification dans un délai d'un mois à compter de la saisine. L'audience est publique. Enfin, les jugements rendus sont susceptibles d'appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification.
Il me semble que le dispositif est suffisamment robuste pour empêcher les mineurs d'accéder à des contenus pornographiques.
Les principes que vous venez de rappeler, madame la rapporteure, s'appliquent lorsque c'est le juge qui tranche et non pas une autorité administrative, fut-elle indépendante. Vous offrez la possibilité de saisir la justice administrative pour contester une décision de l'Arcom mais ce ne sera qu'après coup ! Or l'autorité administrative n'a pas à rendre des décisions qui s'apparentent à des décisions de justice. Il me semble important, dans une démocratie, de réserver au juge le pouvoir de trancher, plutôt que de transférer celui-ci à une autorité administrative, quitte à ce que le juge administratif puisse ensuite la désavouer.
Je vous renvoie à l'article 227-24 du code pénal, madame Ménard, qui interdit clairement la vente de porno à des mineurs. En nous fondant sur ce texte, nous déléguons à l'Arcom l'établissement d'un référentiel qui prévoit des obligations de moyens en vue de respecter l'obligation de résultat de l'article 227-24. C'est pourtant simple !
Pas du tout ! C'est un mécanisme d'articulation entre les codes assez courant. D'un côté, le code pénal prévoit des délits en cas de manquement à des obligations, par exemple en cas de harcèlement. De l'autre, le code de l'éducation ou le code du travail prévoient des mesures pour prévenir le harcèlement.
C'est vrai, le référentiel est compliqué à définir mais les auditions qui ont été menées ont pu nous rassurer. En particulier, l'Arcom dispose de moyens techniques pour conserver le double anonymat, aussi bien à l'égard du site qui ne connaîtra pas l'identité de celui qui le consulte, que du tiers de confiance qui ne saura pas quel site la personne intéressée consulte.
Pas du tout ! Le dispositif du tiers de confiance est utilisé dans d'autres secteurs et nous comptons bien le développer.
J'ai entendu beaucoup de choses, ce soir, qui étaient, au mieux des approximations involontaires, au pire des mensonges. Quelqu'un s'est en particulier ému en prétendant qu'il faudrait dix ans pour que le dispositif fonctionne car personne n'était prêt. C'est faux ! Le procédé technique du tiers de confiance est connu et maîtrisé. Arrêtons d'agiter les chiffons rouges et continuons à protéger nos libertés individuelles.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 358 .
Nos collègues de La France insoumise ont raison, il est problématique que le projet de loi ne prévoie comme seule utilité au référentiel le fait de garantir que les mineurs n'accéderont pas aux sites pornographiques. L'amendement tend, par conséquent, à élargir son usage à l'accès d'autres services en ligne, qu'il s'agisse des jeux d'argent et de hasard, des jeux à objets numériques monétisables – Jonum – ou de l'achat d'alcool.
Votre question est légitime mais nous ne souhaitons pas étendre l'ensemble du dispositif aux jeux de hasard et d'argent, aux Jonum et à l'alcool car ces produits sont soumis à des dispositions législatives particulières dont nous n'avons pas débattu. Nous aborderons le sujet des Jonum un peu plus loin dans le texte, ce qui nous donnera l'occasion d'en reparler. Pour l'heure, je rends un avis défavorable, même si les dispositions que nous prenons pourront inspirer d'autres débats.
Nous examinerons bientôt un autre de vos amendements, monsieur le député, le n° 878, qui suivra l'amendement n° 844 de la rapporteure, pour que le référentiel soit potentiellement applicable à tous les systèmes de vérification de l'âge et pas seulement pour les sites pornographiques. En temps utile, il sera donc possible d'en élargir l'usage, ce qui satisferait votre amendement, en renforçant l'anonymat.
En revanche, nous ne pouvons pas d'ores et déjà élargir l'utilité du référentiel aux jeux d'argent et de hasard, aux Jonum ou à l'achat d'alcool car cela prendrait du temps et ferait prendre un retard impardonnable à l'application du dispositif de blocage des sites pornographiques. Je vous invite par conséquent à retirer l'amendement.
J'ai bien compris qu'il fallait aller vite et que l'adoption de l'amendement nous ferait perdre du temps mais comprenez notre inquiétude. À plus ou moins long terme, nous devrons élargir le champ du référentiel car la vente d'alcool ou la pratique des jeux en ligne sont aussi des fléaux dont nous devons protéger notre jeunesse.
Vous dites que les mesures prises à l'article 1er sont destinées à protéger les mineurs d'une exposition à des images à caractère pornographique. Vous nous reprochez de ne pas vouloir les protéger, ce qui est faux, bien évidemment. Nous vous mettons simplement en garde, car la frontière qui sépare la nécessaire protection de la jeunesse et la préservation des libertés publiques est fragile.
En revanche, nous ne comprenons pas du tout pour quelle raison vous refusez d'élargir le référentiel aux jeux d'argent, dissimulés ou non ! Votre argument du retard que nous prendrions ne fait qu'accroître notre incompréhension. Si votre objectif est de protéger les mineurs, rien ne s'oppose à la prise en compte des jeux d'argent, sauf si, pour une raison que vous cachez, vous ne souhaitez pas étendre le dispositif aux jeux d'argent dissimulé. Votre réponse n'est pas satisfaisante et vous ne pourrez pas jongler indéfiniment entre les arguments philosophiques et techniques.
Merci, monsieur Naegelen, pour l'idée très intéressante que vous avez défendue dans votre amendement. Elle appelle deux commentaires.
Vous souhaitez que les solutions fondées sur le double anonymat puissent être mobilisées pour d'autres usages afin d'éviter qu'une personne ayant sur son téléphone une application reposant sur cette procédure ne puisse être suspectée de se rendre sur des plateformes de pornographie gratuites ou payantes. L'application que j'ai moi-même testée comporte de multiples fonctionnalités : elle permet également de participer à des événements ou d'accéder à certains bâtiments. En commission, ce point a fait l'objet d'une réflexion avec l'ensemble des députés : il était important pour nous de pouvoir nous assurer de ce caractère multi-usages.
Quant aux Jonum, ils font l'objet d'un article spécifique, l'article 15, dont nous discuterons dans quelques jours et sur lequel le rapporteur et certains députés ont déposé des amendements destinés à avancer sur la vérification de l'âge. Nous nous sommes posé la question de savoir si l'on pouvait leur appliquer le même référentiel que pour la pornographie. Dans les discussions que nous avons eues avec l'Arcom, il est apparu qu'il ne fallait surtout pas aller en ce sens car les enjeux techniques diffèrent grandement : pour la pornographie, il importe d'assurer le double anonymat, en particulier pour les jeunes ; pour les Jonum, le référentiel doit être d'une autre nature car il sera peut-être nécessaire de vérifier l'identité des personnes pour savoir si elles figurent ou pas dans certains fichiers prenant en compte les phénomènes d'addiction. En outre, l'Arcom a précisé que l'élaboration d'un métaréférentiel ferait perdre six à douze mois. Nous nous sommes rangés à son avis. Pour la pornographie comme pour les Jonum, nous nous attacherons à avancer sur les solutions de double vérification de l'âge.
L'amendement n° 358 n'est pas adopté.
Lors des débats de la commission spéciale, les contours des articles 1er et 2 ont suscité interrogations et inquiétudes auxquelles j'entends répondre par une série d'amendements. Je prendrai un peu de temps pour expliquer le cadre dans lequel ils prennent place, madame la présidente, afin de pouvoir les défendre plus rapidement par la suite.
Rappelons tout d'abord quels ont été les choix du Sénat : il a centré l'article 1er sur le référentiel et l'article 2 sur les sanctions. Mes amendements répondent à une autre logique qui est la suivante : à l'article 1er sont rassemblées les dispositions concernant le référentiel et les sanctions qui en découlent, conformément à la nouvelle obligation de moyens introduite dans ce texte ; quant à l'article 2, il porte sur l'obligation de résultat attaché à l'article 227-24 et les sanctions qui en découlent. Nous créons ainsi deux types de sanctions cumulatives, applicables dans un délai maximum de trente jours. Cette répartition nous a semblé plus conforme à l'esprit des discussions en commission.
À l'article 1er , nous prévoyons à travers un premier amendement la mise en place par l'Arcom d'un référentiel qui détermine les « exigences techniques minimales » – et non les simples « caractéristiques techniques » comme dans le texte de la commission – « applicables aux systèmes de vérification de l'âge ». Un autre amendement porte sur les sanctions applicables aux services de communication au public en ligne qui ne s'y conformeraient pas. Citons parmi les motifs provoquant leur mise en œuvre l'absence de système de contrôle de l'âge ou la non-conformité au référentiel, notamment pour ceux qui laisseraient perdurer le dispositif de la simple déclaration par laquelle la personne coche la case « j'ai 18 ans ou plus ».
Ainsi par cette nouvelle rédaction de l'article, l'Arcom est garante d'une nouvelle obligation de moyens pour les services mettant à disposition du public des contenus pornographiques. Ils ne pourront se retrancher derrière l'argument fallacieux d'une absence de techniques disponibles.
Au deuxième alinéa, nous précisons que l'Arcom veille à ce que les contenus pornographiques « ne puissent pas être accessibles aux mineurs ». Au troisième, est prévue la publication d'un référentiel répondant à des « exigences techniques minimales » et portant sur la fiabilité du contrôle de l'âge des utilisateurs et le respect de leur vie privée.
Toujours à l'article 1er , nous rétablissons les sanctions en mentionnant les différents plafonds et en précisant les délais de réitération, qui ont été doublés en commission. Si le système de vérification de l'âge n'est pas conforme au référentiel, le service s'expose à une amende de 150 000 euros maximum ou de 2 % du chiffre d'affaires mondial, le plus élevé des deux montants étant retenu. Les sanctions sont accrues en cas de réitération. Par ailleurs, si l'éditeur s'est contenté d'un système purement déclaratif, comme c'est le cas aujourd'hui, la sanction financière peut aller jusqu'à 250 000 euros ou 4 % du chiffre d'affaires mondial et elle est renforcée en cas de réitération.
L'article 2 vient armer le dispositif de l'article 227-24 du code pénal. Il prévoit le fameux transfert de l'autorité judiciaire vers l'autorité administrative, l'Arcom, toujours sous le contrôle du juge, non plus judiciaire mais administratif. Mes amendements tendent à supprimer toute mention au référentiel pour faire explicitement référence à l'article 227-24. Ainsi répondons-nous aux inquiétudes de certains députés qui s'interrogeaient sur le maintien en vigueur de cet article : celui-ci continuera à s'appliquer, sans modification. Des sanctions sont également prévues : sanctions financières et sanctions complémentaires à travers les fournisseurs d'accès à internet (FAI) et les moteurs de recherche.
Nous disposons ainsi d'un mécanisme plus robuste qui cumule obligation de résultat et obligation de moyens.
Pour terminer, je rappellerai que tous les procès en cours intentés sur la base de l'article 227-4 ne seront pas remis en cause si nous adoptons l'article 36 de ce projet de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 992 .
Cet amendement poursuit le même objectif que le vôtre, madame la rapporteure. À la suite des travaux en commission, auxquels Hervé Saulignac et Isabelle Santiago ont largement participé, nous avons voulu apporter des précisions. Il s'agit de simplifier la rédaction de l'article 1er . La rédaction actuelle de l'article 227-24 interdit le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit, un message pornographique, lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. Les plateformes pornographiques, soumises à cette obligation de résultat, ne peuvent faire commerce de tels contenus que dans la mesure où elles ne transgressent pas le droit pénal.
La rédaction à rallonge adoptée en commission, de nature complexe, risque de faire perdre de son efficacité au contrôle exercé par l'Arcom. Nous proposons de préciser que celle-ci s'en tient à un contrôle du respect de cette obligation de résultat.
Il nous semble qu'il propose une meilleure rédaction mais nous n'entrerons pas dans des querelles sur ce texte, dont le groupe Socialistes soutient l'esprit sinon la lettre.
Nous vous remercions pour votre vigilance et votre travail. Nous sommes animés de la même volonté de mettre en place l'obligation de résultat qui est au cœur de l'article 227-24, simplement nous divergeons sur la place qui doit lui être faite dans le texte. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement car il ne répond pas à la logique que je viens d'exposer, qui assure une plus grande cohérence juridique : obligation de moyens et sanctions qui s'y rapportent à l'article 1er et obligation de résultat et sanctions qui s'y rapportent à l'article 2.
L'amendement n° 992 est retiré.
Ce dispositif renvoie à un problème de cohérence. Si vous convoquez la rigueur du code pénal s'agissant des sanctions à appliquer en cas de non-respect des dispositions relatives à l'âge minimal pour accéder à des contenus pornographiques, pourquoi refusez-vous de suivre la proposition de Christophe Naegelen visant à étendre le champ d'application de votre référentiel aux sites pour l'accès desquels le droit pénal exige la majorité, pensons à la vente d'alcool, aux jeux de hasard ou aux jeux d'argent ? Cela me semble possible puisque ce référentiel n'est pas spécifique aux contenus pornographiques.
Je tiens à saluer le travail qu'ont mené la rapporteure, le ministre et leurs équipes depuis les débats en commission afin de réintroduire l'obligation de résultat et de bien l'articuler à l'obligation de moyens. L'objectif est de renforcer la loi de 2020, dont je suis l'un des auteurs. Rappelons que, lors de son examen, le groupe LFI prétendait qu'elle ne servait à rien alors qu'elle répondait utilement à des problèmes qui se posaient sur le terrain. Si fabuleuse qu'elle soit, elle est largement perfectible, notamment parce qu'elle manque de mesures concernant l'obligation de moyens.
La clarification proposée aux articles 1er et 2 nous permettra, je le crois, de gagner des combats contre les plateformes et les « tubes » qui refusent de mettre en œuvre la moindre politique pour empêcher les mineurs d'accéder à des contenus pornographiques.
Monsieur Coulomme, la loi de 2020 a introduit dans le code pénal une spécificité qui ne concerne que les plateformes de diffusion de contenus pornographiques : elles seules sont soumises à une obligation de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 366 .
Il n'existe nulle part dans le monde de système de vérification efficace de l'âge des internautes.
Dans l'édition du 31 août de votre propre journal, Le Figaro, figure un article bien documenté sur les tentatives qu'a déployées l'Australie pour mettre en place un système similaire à celui que vous proposez. Le gouvernement de ce pays s'est résigné à abandonner toute idée d'y parvenir avec de tels moyens.
La solution du tiers de confiance que vous proposez, avec la délivrance d'un jeton, impose, à des fins de vérification, l'utilisation de l'identité numérique qui deviendra obligatoire. Ce dispositif poussera donc à s'affranchir de l'anonymat, tendance à laquelle nous sommes fermement opposés.
La meilleure solution concernant l'accès des mineurs aux contenus pornographiques nous semble résider dans la prévention et l'éducation à la sexualité qui ne sont pas mises en œuvre comme elles le devraient dans notre pays.
Nous avons déjà eu ce débat. Vous soulignez l'importance de l'éducation et nous sommes d'accord sur ce point. Toutefois, cela ne peut pas être la solution unique face à la profusion des contenus dont nous parlons. Votre amendement aurait le même effet que la suppression des articles 1er et 2. Avis défavorable.
Je croyais vous avoir convaincus que le Royaume-Uni n'a pas abandonné l'idée, puisque le 19 septembre dernier ce pays a adopté une loi imposant aux sites pornographiques la vérification de l'âge et à l'équivalent de l'Arcom d'établir un référentiel.
Quant à l'Australie, que vous citez comme un pays ayant renoncé à appliquer cette mesure de vérification de l'âge, elle a également adopté une loi le 23 janvier 2022 ordonnant l'instauration de codes de conduite, qui s'imposeront à terme aux industries. Une première série de codes de conduite est en cours d'élaboration et entrera en vigueur le 16 décembre 2023, concernant les contenus terroristes et pédopornographiques. Dans une deuxième phase, au début de l'année 2024, commencera la rédaction du référentiel concernant les contenus de classe 2. Lorsque celui-ci aura été établi, il s'imposera à tous les acteurs, ainsi que le prévoit la loi votée en 2022 que je viens d'évoquer.
Par conséquent, ni les autorités britanniques ni les autorités australiennes n'ont renoncé à la vérification de l'âge. Le chemin est compliqué, je vous l'accorde. Nous avons commencé à légiférer en 2020 et nous ajustons la loi au fur et à mesure parce que nous devons nous doter des meilleurs outils pour lutter contre les attitudes irresponsables des sites pornographiques. Nous ne sommes pas les seuls à le faire et d'autres pays agissent comme nous. Avis défavorable.
Vous pouvez difficilement prétendre vouloir protéger les enfants de l'accès à la pornographie et osciller, comme vous le faites ce soir, en dénonçant un référentiel qui serait tantôt trop précis, tantôt trop large pour être efficace. J'ai du mal à saisir.
Sur de tels sujets, le législateur a tout intérêt à s'en tenir aux grands principes et à se garder d'inscrire dans le droit les solutions techniques précises à déployer, pour la bonne raison que la technologie évolue sans cesse.
Nous l'apprenons parfois ici même à nos dépens, lorsque nous produisons le droit et que nous sommes obligés de le modifier quelques mois après au motif que les principes que nous avions posés et les précisions que nous avions apportées ne résistent plus à certaines évolutions technologiques. Soyons clairs : soit nous voulons protéger les mineurs, soit nous ne le voulons pas. En l'espèce, c'est plus une question de principe qu'un problème technologique.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Chiche ! Pour une fois, nous avons un vrai débat. D'accord ? Ce que vous dites est particulièrement insultant et inexact. Nous vous expliquons qu'il n'existe pas de système fiable permettant à la fois d'assurer la protection des mineurs et de garantir l'anonymat. Lorsque M. le ministre délégué prétend que nous nous trompons, je l'invite à se référer à l'article du 31 août, dans Le Figaro, qui concerne bien l'Australie et précise que celle-ci a renoncé parce qu'elle n'arrivait pas à tenir sur cette ligne de crête. Tout simplement. Acceptez que nous puissions être autre chose que des idiots et que nous ne soyons pas d'accord avec vous !
C'est la raison pour laquelle nous pensons que le plus important serait d'organiser, comme le suggère le code de l'éducation, des cours d'éducation sexuelle auprès des enfants.
Il ne serait pas inutile non plus d'expliquer aux familles qu'il faut faire attention, car laisser un enfant surfer sur internet, sans aucune surveillance, c'est un peu comme le laisser se balader seul la nuit dans la forêt. Voilà ce qui nous semble le plus efficace. Et ce n'est pas parce que nous sommes des abrutis qui ne comprennent rien ou parce que nous ne voulons pas protéger les enfants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Acceptez le débat législatif : c'est le principe de la démocratie, même si cela vous gêne.
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 366 n'est pas adopté.
Cet amendement d'appel vise à supprimer l'alinéa 3 de l'article 1er , qui précise dans quelles conditions le système de vérification de l'âge des consommateurs de contenus pornographiques sera opéré. Si on ne peut que souscrire à l'idée de protéger les mineurs de la pornographie, le remède ne doit en aucun cas être pire que le mal. La question de l'identification numérique, et donc de l'identité numérique, est extrêmement grave car elle remet potentiellement en cause nos libertés les plus fondamentales.
Le défi que pose la pornographie est donc le suivant : comment en réguler l'accès sans poser les bases d'une identification numérique qui pourrait être utilisée plus largement sur internet, au point d'en faire un lieu d'absence de liberté ? Une fois encore, une grande partie de la réponse se trouve dans l'éducation donnée par les parents et dans l'instruction délivrée à l'école. C'est un travail certes difficile et exigeant, mais il a le mérite d'éviter le recours à une identité numérique qui introduirait une traçabilité inquiétante. Ce travail permettrait aussi de s'appuyer sur l'intelligence, la raison, et non sur la seule interdiction. Enfin, je le répète, supprimons la gratuité des sites pornographiques et nous aurons déjà fait un pas de géant.
Les éditeurs ne respectent pas l'obligation prévue par le code pénal ; pourtant, à ce jour, aucun n'a été condamné. Avançons sur le plan juridique pour mieux les appréhender.
En proposant de supprimer la publication du référentiel, vous faites comme si tout ce dont nous débattons ce soir ne servait à rien. Or si la loi de 2020 avait suffi, nous ne serions pas en train d'examiner ce projet de loi. Avis défavorable.
Depuis tout à l'heure, un nom revient constamment lorsque vous nous donnez l'exemple de la double vérification : celui de Dorcel.
Dorcel a mené une expérimentation avec deux plateformes différentes qui proposent des systèmes de vérification. La première plateforme était IN Groupe Orange Business : cependant, en plus de se fonder sur un modèle économique irréaliste, les solutions étaient trop lourdes à déployer et d'une trop grande complexité pour les utilisateurs et les éditeurs. La seconde plateforme, celle qui recueille toutes les faveurs de M. le rapporteur général, était celle de la start-up GreenBadg : elle fonctionne selon le principe du double anonymat et donne des résultats assez similaires à ceux de la société IN Groupe.
Toutefois, une question reste pendante : Dorcel est un site payant, qui nécessite de disposer d'une carte bancaire. Par conséquent, l'utilité d'instaurer la double vérification et d'élaborer un référentiel concerne plutôt les « tubes ». Alors, pourquoi parlez-vous de Dorcel ?
J'ai donc une question : quelqu'un aurait-il fait un gros chèque au rapporteur général ou au Gouvernement pour qu'ils présentent une solution qui ne marche pas ?
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Vous nous présentez une solution dont vous n'êtes même pas capables de nous démontrer la fiabilité. En tant que parlementaire, j'aimerais que vous nous citiez l'intégralité de ces plateformes si parfaites et que vous nous apportiez la garantie de leur fiabilité. Parce que, bizarrement, les chercheurs ne sont pas d'accord avec vous.
Chers collègues, attention aux provocations inutiles et à ce qui pourrait ressembler à des attaques personnelles.
Nous soutenons l'amendement de Mme Ménard. Oui, ce référentiel est nécessaire et oui, nous devons empêcher les mineurs d'avoir accès aux contenus pornographiques. Toutefois, l'alinéa 3 accorde un blanc-seing à l'Arcom : le dispositif n'est pas cadré et aucune exigence n'est fixée – je pense par exemple à l'interdiction du recours à la biométrie. Nous ne pouvons pas vous laisser donner tous les pouvoirs à cette autorité. Il appartient à la représentation nationale de préciser ce qui doit figurer ou non dans le référentiel. Puisque vous refusez de le faire, nous suivrons la position de Mme Ménard en votant son amendement de suppression de l'alinéa 3.
Mme Caroline Parmentier applaudit.
Permettez-moi de répondre à M. Kerbrat : la solution GreenBadg, dont je vous ai rapidement expliqué le fonctionnement tout à l'heure, est utilisée actuellement en mode test par la plateforme marcdorcel.com. Pourquoi ? Parce que cette plateforme est française et bénévolente ; elle l'est davantage que les autres plateformes, face à l'évolution du droit qu'elle anticipe et dont nous débattons en ce moment. La solution GreenBadg fonctionnera tout autant sur les grandes plateformes gratuites que sont Pornhub, YouPorn ou autres. Elle permet simplement d'accéder à un site internet selon le principe du double anonymat et d'envoyer un certificat d'âge. Et pourquoi Pornhub ou YouPorn n'utilisent-ils pas cette solution qui existe ? Pour la simple et bonne raison que nous devons adopter cette loi : en instaurant le référentiel, nous les obligerons à utiliser des solutions qui existent et qui fonctionnent, comme GreenBadg.
L'amendement n° 197 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 340 .
Comme je l'ai précisé précédemment, de nombreux sites pornographiques tentent de contourner l'obligation de vérification de l'âge de leurs utilisateurs créée par la loi de 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. La batterie d'avocats représentant ces sites recherche la moindre faille leur permettant d'allonger les procédures juridiques à leur encontre. Leur objectif est clair : empêcher la demande de blocage de leurs sites engagée par l'Arcom et ne pas se conformer à la loi de 2020.
Si nous ne modifions pas l'alinéa 3 de l'article 1er , les avocats des sites pornographiques pourront argumenter que si le législateur estime la loi de 2020 imparfaite et souhaite lui substituer une nouvelle loi, rien ne sert de juger les sites sur la base de la loi de 2020. En somme, ils pourraient défendre l'idée qu'il vaudrait mieux attendre la publication du référentiel technique avant que la justice se prononce, et ce dans l'idée de retarder le plus possible leur mise en conformité avec la loi.
Pour y remédier, nous proposons, par cet amendement, de rendre facultative la publication du référentiel technique par l'Arcom, de façon à garantir la poursuite des procédures déjà engagées contre ces sites et faire en sorte que ceux-ci ne puissent utiliser l'argument du délai de rédaction et de publication du référentiel auprès de la justice pour empêcher ces procédures.
Nous entendons vos craintes, qui ont d'ailleurs été soulevées par plusieurs associations au cours de nos auditions lors de la préparation du texte. Je voudrais vous rassurer, parce que l'objectif n'est pas de sortir divisés de cette séance, mais plutôt d'être fiers et satisfaits de ce que nous défendons. Nous nous rejoignons sur l'idée de lutter contre l'accès à la pornographie des mineurs.
Vous avez souligné que les sites sont à la recherche de la moindre faille ; c'est vrai. C'est pourquoi nous avons été sensibles aux arguments des députés et avons proposé les amendements que j'ai présentés précédemment, visant à cumuler les obligations de résultat et de moyens. C'est le cadre qui s'appliquera si le texte est voté.
S'agissant des procédures en cours que vous évoquez plus particulièrement, je voudrais vous rappeler, comme je l'ai déjà fait, que, jusqu'au 1er janvier 2024, le droit en vigueur reste applicable et les procédures enclenchées jusqu'à la fin de l'année resteront traitées par le juge judiciaire. Tant que la loi n'aura pas été promulguée, le droit actuel s'applique. C'est d'ailleurs ce que précise l'article 36 du présent projet de loi, que nous examinerons et adopterons, je l'espère, dans quelques jours. Avis défavorable.
Je voudrais rassurer Mme Pasquini, en exposant la façon dont on nous a présenté cet article. Nous ne sommes pas en train de revoir à la baisse les exigences définies par la loi de 2020. L'article 227-24 du code pénal formule des obligations de résultat et prévoit des sanctions en cas d'infraction. Nous ne revenons pas en arrière sur ces dispositions.
Nous formulons désormais, à travers le référentiel publié par l'Arcom, des obligations de moyens et nous prévoyons des sanctions, à savoir des amendes, en cas d'infraction. Si l'obligation de résultat n'est pas respectée, c'est-à-dire si on constate que des mineurs accèdent au site, l'infraction est sanctionnée par le code pénal. Il y a donc un double niveau de sanctions. La solution choisie est, à mon sens, la plus protectrice qui soit.
J'ai une question à poser à certains députés qui nous répètent : « Ça ne marche pas » et qui nous disent qu'il ne faut rien faire.
Si, j'ai l'impression que c'est ce que vous soutenez : vous avez d'abord déposé une motion de rejet préalable pour rejeter l'ensemble du projet de loi, puis vous déposez des amendements pour supprimer les articles, et ainsi de suite.
J'ai donc une question simple : Que proposez-vous pour protéger les mineurs, tout en préservant la liberté d'aller et venir sur les sites internet ? Je ne sais pas si vous êtes capables de répondre à cette question, mais nous attendons votre réponse.
Quand on écoute M. Balanant, on s'aperçoit que le sujet est complexe ; en effet, je ne suis pas certain que chacun ait compris ce qu'il a expliqué.
Nous sommes satisfaits de la clarification apportée. En particulier, il est extrêmement important de maintenir cette obligation de résultat. Jusqu'à présent, les plateformes arguaient qu'elles faisaient ce qu'elles pouvaient. Étant donné qu'elles n'avaient aucune obligation de moyens et qu'aucun outil ne leur était imposé, elles demandaient simplement aux utilisateurs s'ils étaient majeurs et considéraient que, par cette demande, elles avaient fait leur boulot. Nous avons constaté, les uns et les autres, que le dispositif était inopérant, car les infractions n'étaient pas sanctionnées.
Désormais, il devrait y avoir une obligation de moyens. Néanmoins, contre ceux qui soutiennent que ce n'est pas à nous de faire de la technique et que nous devons confier cela à l'Arcom, je pense que nous avons tous le souci de rendre des comptes à ceux que nous représentons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Si j'explique à ceux qui m'ont élu que j'ai voté à l'aveugle un dispositif dans lequel j'ignore ce qu'il y a, je serais un peu gêné aux entournures. Nous voulons simplement avoir un débat sur les outils, sur le contenu, tandis que vous nous faites voter sur une boîte à outils sans nous dire quels outils elle contient. Comprenez que c'est très gênant.
Nous vous remercions d'avoir entendu le besoin de clarification que nous exprimions. Toutefois je pense que nous aurons à revenir sur ce qui est une défaillance, en quelque sorte, parce que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout. Nous savons tous que d'autres grandes nations ont élaboré une réflexion sur ce sujet sans parvenir à trouver de bonnes solutions. Certes, c'est bien que la France s'y engage aussi, mais je ne suis convaincu ni que nous soyons plus intelligents que les autres ni que ce référentiel soit un jour opérationnel.
Mme Élisa Martin applaudit.
Nous avons été interpellés plusieurs fois au sujet de la vigilance dont nous devrions faire preuve à l'égard de l'Arcom. Rappelons que l'Arcom n'est pas une autorité administrative indépendante dont les parlementaires ignorent tout.
La nomination du président de l'Arcom est soumise au vote de l'Assemblée nationale. Chaque année, l'Arcom remet un rapport aux parlementaires sur ses activités. En commission, nous avons d'ailleurs adopté un amendement qui vise à inclure dans ce rapport les mécanismes de vérification de l'âge et le bilan sur ces mécanismes et sur le référentiel.
Enfin, en tant que parlementaires, nous avons le pouvoir d'auditionner les représentants de l'Arcom et de la Cnil, comme nous l'avons fait deux fois au cours de l'examen de ce projet de loi et comme nous pouvons le faire pour d'autres autorités administratives indépendantes. Elles répondent très rapidement à nos convocations, et de telles auditions permettent d'aborder toutes les questions que vous soulevez.
L'amendement n° 340 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 1039 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 1 et 603 .
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 1 .
L'amendement vise à s'assurer que le référentiel publié par l'Arcom ne sera pas contraire à l'avis de la Cnil.
L'objet de ce référentiel étant sensible, car il s'agit de déterminer « les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l'âge mis en place pour l'accès aux services de communication au public en ligne qui mettent à la disposition du public des contenus pornographiques, en matière de fiabilité du contrôle de l'âge des utilisateurs et de respect de leur vie privée », il faudra trouver un équilibre entre liberté, droit et protection. Il convient donc de rendre contraignant l'avis de la Cnil qui, par sa compétence dans ces domaines, apportera une garantie certaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 603 .
Il vise à lier les avis de l'Arcom et de la Cnil pour que la Cnil émette un avis conforme et non simplement consultatif.
En commission, vous nous avez expliqué que c'était impossible car c'était contraire à la Constitution, puis vous avez ajouté : « Après tout, cela va de soi. » Les débats en commission permettent de procéder à des vérifications avant l'examen du texte dans l'hémicycle ; néanmoins, celles auxquelles nous avons procédé ne nous permettent pas de comprendre votre avis.
En effet, en exigeant un avis conforme, nous ne créons aucune supériorité d'une autorité administrative sur l'autre. Ni l'Arcom ni la Cnil ne décideront seules ; elles décideront ensemble, et leurs avis auront la même valeur. Elles devront simplement travailler de concert, ce dont vous avez dit : « Cela va de soi. »
Néanmoins, pour appliquer la loi, on prend en considération non seulement la lettre, mais aussi l'esprit. Or il est parfois compliqué de se référer au débat législatif pour connaître les intentions du législateur.
Dans un souci de sécurité juridique, il est parfois préférable d'inscrire ce qui « va de soi » dans la loi.
Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet, notamment lors des auditions de l'Arcom et de la Cnil. Nous comprenons parfaitement votre intention mais, comme M. le ministre délégué le dira certainement mieux que moi, chaque autorité administrative indépendante se prononce sur le projet qui lui est soumis par le Gouvernement en fonction de son propre champ de compétence. Il ne revient ni à Cnil ni à l'Arcom de donner un avis sur l'avis émis par l'autre institution, a fortiori un avis conforme, qui obligerait ensuite l'Arcom ou la Cnil à revoir leur copie, ce qui porterait de fait atteinte à leur indépendance.
Du reste, on voit mal l'Arcom s'éloigner de l'avis de la Cnil. Cela nous a été amplement démontré lors des auditions car ces deux institutions travaillent ensemble sur ce sujet depuis le début. Enfin, cela risque de ralentir la procédure lorsque le référentiel sera amené à évoluer.
J'exprimerai le même avis que celui de la rapporteure et celui que j'ai donné en commission. Faire dépendre l'élaboration du référentiel par l'Arcom de l'avis conforme d'une autre autorité administrative indépendante est contradictoire, car cela subordonnerait une autorité administrative indépendante à l'autre. Notre position n'a pas changé sur ce point.
En revanche, si vous avez participé à l'audition de l'Arcom que le rapporteur général a convoquée pour la présentation du référentiel, vous avez pu constater que la Cnil était présente physiquement à cette audition pour répondre à toutes les questions qui lui étaient posées. C'est bien naturel : sur un sujet aussi important, l'Arcom ne prendrait évidemment pas le risque de travailler dans son coin sans associer dès le départ les équipes de la Cnil, notamment pour établir la partie du référentiel qui traite du respect de la vie privée.
Je vous demande donc de retirer ces amendements, sans quoi j'émettrai un avis défavorable.
Plusieurs orateurs ont demandé à s'exprimer et je vais devoir choisir – c'est terrible.
Sourires.
Je donnerais plutôt la parole à Mme K/Bidi, si vous le voulez bien.
Monsieur Gosselin, souhaitez-vous vous exprimer pour ou contre l'amendement ?
Je souhaite m'exprimer en défense de l'amendement. J'étais membre de la Cnil, si cela peut vous aider à choisir !
Sourires.
Mêmes mouvements.
Tout le monde ne pourra manifestement pas prendre la parole, mais je voudrais rebondir sur les propos de la rapporteure. Vous soutenez qu'il est hors de question que la Cnil donne un avis sur l'avis de l'Arcom. Néanmoins, si on relit le projet de loi, il ne s'agit pas pour la Cnil de donner un avis sur l'avis de l'Arcom, mais sur le référentiel, de la même façon que l'Arcom donnera un avis sur le référentiel. Nous ne proposons donc pas de faire dépendre l'avis de l'Arcom de celui de la Cnil, mais nous faisons dépendre le référentiel de l'avis de deux autorités administratives, dont nous estimons indispensable qu'elles se prononcent.
Vous nous expliquez que l'Arcom va travailler de concert avec la Cnil et qu'il n'y a finalement pas de risque de contradiction. Écrivons-le dans le projet de loi, parce que ce qui n'est pas écrit ne nous protège pas du risque, et rien ne nous dit qu'à l'avenir ne surgiront pas des contradictions, parce qu'on voudrait aller trop vite ou parce que les administrations ne se seraient pas bien comprises entre elles. Si c'est si simple et si naturel, ajoutons « conforme » : ce n'est pas grand-chose, c'est un tout petit mot, mais il peut revêtir beaucoup d'importance.
Je crois qu'il est effectivement impossible d'inscrire dans la loi une hiérarchie entre des autorités administratives indépendantes. Néanmoins, ces autorités croisent déjà régulièrement leurs opinions et certains échanges ont même été institutionnalisés.
Un membre de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) siège au collège de la Cnil et il n'y a pas pour autant de tutelle de la Cnil sur la Cada. Il me semble donc que l'argument avancé par la rapporteure et le ministre délégué tombe.
Pourquoi mettre en avant la Cnil ? Il s'agit d'une des plus anciennes autorités administratives indépendantes : vous le savez, elle a été créée en 1978, dans un contexte très particulier. Il y avait alors quatre autorités administratives indépendantes : outre la Cnil, la Commission des opérations de bourse (COB), le Médiateur de la République et la Cada. La Cnil a donc une antériorité. La loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est tellement fondamentale qu'on a failli, en 2018, dans un projet avorté de réforme de la Constitution, constitutionnaliser le rôle de la Cnil et la protection des données personnelles. Nous sommes donc parfaitement dans le sujet.
Je crois que ce ne serait pas faire offense à l'Arcom, non pas d'instituer une tutelle de la Cnil sur ses décisions, mais d'élaborer une coconstruction. Le non-dit, à savoir qu'ils doivent s'arranger et trouver un terrain d'entente, serait ainsi institutionnalisé. L'intérêt général serait qu'existe une démarche commune, collective et qui permette d'avancer.
La situation ce soir est intéressante et constitue pratiquement un cas d'école : les députés du groupe LR soutiennent deux amendements identiques défendus par le RN ainsi que par le groupe GDR – NUPES et soutenus par les Insoumis. Si ce point suscite un tel accord, ce n'est pas par hasard.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à aller dans ce sens. Cela ne court-circuite en rien l'autorité de l'Arcom. Au contraire, cela permet d'avoir un ensemble plus cohérent et sécurisé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Andy Kerbrat applaudit également.
Je soutiens ce qu'a dit la rapporteure. Quand nous avons participé à l'audition de l'Arcom et de la Cnil, nous avons vu à quel point les deux autorités indépendantes travaillent de concert sur ce sujet.
Quand on a demandé à la Cnil s'il fallait un avis conforme, elle a répondu qu'elle ne le demandait pas, car cela alourdirait la procédure.
Enfin, si on demande à une autorité indépendante de se conformer à l'avis d'une autre autorité indépendante, on admet une forme de supériorité de la seconde sur la première, or c'est ce qu'il faut absolument éviter. Voilà pourquoi le groupe Renaissance votera contre ces amendements.
M. Benjamin Haddad applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 57
Contre 70
La parole est à M. Victor Habert-Dassault, pour soutenir l'amendement n° 1039 .
Nous partageons l'objectif affiché par le Gouvernement de contrôler davantage les sites pornographiques en formulant cette obligation de moyens. Toutefois, et nous l'avons déjà indiqué, les différentes solutions quant à la forme du référentiel posent problème. En effet, nous ignorons s'il s'agira d'une vérification de la carte d'identité ou du double anonymat, qui semble être d'ailleurs l'exception française puisqu'aucun autre pays n'utilise cette technique à ce jour. C'est un point dont il nous faut véritablement débattre.
Aussi, nous pensons qu'il est souhaitable, voire nécessaire, que le Parlement puisse contrôler la forme que prendra ce référentiel, car toutes les options n'auront peut-être pas la même efficacité et n'assureront pas la même protection des données personnelles. Je propose que le Parlement donne un avis définitif sur cette question.
Vous avez raison, monsieur le député, le Parlement doit être informé de la forme que prendra ce référentiel, mais il l'est déjà en réalité.
En effet, les membres de l'Arcom, que nous avons entendus lors d'une ultime audition, ont indiqué que le référentiel sera soumis à une consultation publique, qui démarrera dans les prochaines semaines – c'est un élément nouveau qui n'avait pas été porté à notre connaissance jusqu'alors. En outre, ils nous ont bien précisé qu'un rapport sera remis au Parlement chaque année et qu'il comprendra des éléments sur le référentiel et ses évolutions.
Enfin, je rappellerai que notre assemblée peut très bien convoquer les différents membres de l'Arcom si elle souhaite obtenir des précisions complémentaires ; le Parlement est d'ailleurs très régulièrement impliqué dans la nomination de ses membres. Bref, il me semble que cette autorité présente toutes les garanties d'indépendance pour élaborer le référentiel et que nous avons suffisamment d'outils à notre disposition pour contrôler son évolution. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Je précise que c'est bien la commission spéciale qui a ajouté par voie d'amendement l'obligation pour l'Arcom de rendre compte au Parlement chaque année des actualisations du référentiel, des audits et des systèmes de vérification de l'âge mis en œuvre par les services de communication au public en ligne. Le texte, tel qu'il est rédigé, prévoit donc au moins un rendez-vous annuel avec l'Arcom, spécifiquement au sujet du référentiel. Cela n'empêche aucunement les parlementaires ici présents de solliciter l'Arcom à tout moment pour obtenir les explications nécessaires.
Je souhaiterais d'abord présenter mes excuses à M. le rapporteur général pour avoir mis en doute son intégrité tout à l'heure au sujet des possibilités d'identification. Mais soyez certains que nous reviendrons plus tard sur la question de l'identification des plateformes, publiques ou privées, qui se trouvent derrière le dispositif.
J'abonderai dans le sens des propos de notre collègue Habert-Dassault. Ce soir, ou peut-être demain, nous allons voter l'article 1er , alors même que nous en ignorons le contenu – c'est bien ce qu'a rappelé mon collègue Saulignac tout à l'heure ! Vous avez raison, monsieur le ministre délégué : oui, nous serons informés ; oui, nous rencontrerons les membres de l'Arcom ; oui, nous recevons des bribes d'éléments, petit à petit. L'Arcom est totalement indépendante, cela ne fait pas de doute, mais celui qui fait la loi dans ce pays, c'est le Parlement, c'est l'Assemblée nationale ! Il semble y avoir un sous-texte dans ce que vient d'affirmer notre collègue. Un avis signifie aussi une prise de décision.
Vous semblez ne pas le comprendre, ou alors vous détournez le débat en nous reprochant d'être contre la protection de l'enfance, mais ce que nous demandons depuis le départ, c'est de soumettre ce référentiel au vote du Parlement. Aussi, je demande que la rapporteure et le ministre délégué revoient leur avis et soutiennent cet amendement, qui nous permettra à nous, parlementaires, d'exercer réellement notre mandat.
Pour notre part, nous soutiendrons cet amendement. Monsieur le ministre délégué, vous donnez un blanc-seing à l'Arcom pour la création de ce référentiel et vous refusez les garde-fous qu'on vous propose de mettre en place. En plus, vous avez rejeté l'idée d'un avis conforme de la Cnil. C'est à nous, parlementaires, qu'il revient de contrôler la forme que prendra ce référentiel, puisque vous refusez toutes les autres possibilités. J'insiste : vous ne pouvez pas nous exclure de son élaboration alors qu'il attentera potentiellement à la vie privée des Français et à leur sécurité en ligne. Nous voterons pour cet amendement !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mesdames et messieurs les députés, en ce qui concerne le référentiel, je n'ai rien dissimulé ,
M. Andy Kerbrat s'exclame
pas plus que le rapporteur général et la rapporteure. D'ailleurs, rien n'obligeait ceux-ci à convoquer les membres de l'Arcom pour présenter le référentiel lors d'une audition ; et si aucune question n'est restée sans réponse, c'est bien qu'il y a quelque chose de fondamentalement crédible et sérieux au fond de cette démarche. Je regrette que ceux qui reviennent à la charge aujourd'hui n'aient pas été présents à cette audition pour poser leurs questions. Nous avons pris un risque : en effet, que serait-il advenu en séance si l'Arcom n'avait pas répondu à toutes les questions ? Dans le fond, peu importe : elle y a répondu ! Idem pour la Cnil. Aussi, comprenez que nous puissions repousser certains de vos amendements, sachant que l'Arcom et la Cnil ont déjà répondu à la représentation nationale lorsque celle-ci les a interrogées.
Encore une fois, nous n'avons pas eu peur,…
…le rapporteur général n'a pas craint d'inviter les représentants de l'Arcom et de la Cnil pour présenter l'état de leurs travaux. N'ayez aucune inquiétude sur ce référentiel : il a été présenté en détail et il sera actualisé régulièrement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 60
Contre 71
L'amendement n° 1039 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 844 .
Cet amendement fait écho à ce que je disais au départ : il vise à préciser que le contenu du référentiel comportera les exigences techniques minimales imposables au service de communication au public en ligne des sites dont il est question. Par ailleurs, le référentiel sera potentiellement applicable à tous les systèmes de vérification de l'âge.
Par pitié, monsieur le ministre délégué ! En commission, vous ne saviez pas si vous alliez pouvoir nous présenter le référentiel en séance – vous l'avez reconnu et nous en avons débattu. Ce soir, vous ne cessez de faire référence à une audition à laquelle vous avez convié les représentants de l'Arcom et de la Cnil, et vous vous targuez du fait que ces derniers auraient répondu à toutes les questions. Franchement, je trouve ça un peu léger ! D'abord, je ne suis pas sûr que ceux qui se sont engagés dans de brillantes études pour faire l'ENA – École nationale d'administration – et travailler à l'Arcom…
…aient un jour pensé qu'on leur demanderait d'édifier un référentiel pour contrôler l'âge à l'entrée des sites pornographiques. Il est certain qu'ils songeaient à d'autres choses lorsqu'ils se sont lancés dans ces grandes carrières.
Par ailleurs, vous prétendez qu'il faut absolument passer par les autorités administratives indépendantes pour fermer certains sites plus rapidement que la justice. Peut-on vraiment y croire ? Je trouve que l'Arcom ne va pas très vite lorsqu'elle est appelée à censurer certaines chaînes qui laissent passer des discours absolument atroces d'incitation à la haine raciale lors de débats à la télévision – c'est pourtant son rôle, dans la mesure où elle a remplacé le CSA. Je ne vois donc pas très bien en quoi le système que vous proposez serait plus efficace.
Tout à l'heure, la rapporteure a assuré qu'il ne sera en aucun cas question d'étendre ces dispositions à d'autres activités en ligne, comme les jeux d'argent, parce que ce ne serait pas fiable – et c'est bien vous qui avez parlé de jeux d'argent, monsieur le ministre délégué ! Or cet amendement permet le contraire. Il faut être clair : allez-vous garantir l'anonymat et encadrer l'entrée sur les sites pornographiques grâce aux dispositions du texte, ou êtes-vous en train de tâtonner et de jouer aux apprentis sorciers du numérique avec ce référentiel, dont personne n'a bien compris à quoi il ressemblerait ?
Encore une fois, vous ne nous rassurez pas avec votre petite audition menée en présence de ces deux autorités administratives, qui ne sont d'ailleurs pas si indépendantes que cela, madame la rapporteure : le président de l'Arcom est tout de même directement nommé par le Président de la République ! On ne retrouve pas vraiment l'idée d'une justice indépendante qui veillerait à la protection de nos enfants contre les contenus pornographiques et garantirait le droit à la vie privée. Plus je vous écoute, moins je suis rassuré !
Il se fonde sur l'article 100, qui concerne la bonne tenue des débats.
Cela fait plusieurs fois que le ministre délégué met en cause certains députés pour avoir manqué la seconde audition qui a été organisée avec les représentants de l'Arcom et de la Cnil la semaine dernière. Monsieur le ministre délégué, avant de mettre en cause les députés – ce que vous n'êtes pas en mesure de faire –, vous feriez mieux de vous rappeler les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à travailler ces dernières semaines : l'agenda a été préparé à la dernière minute, plus de vingt-cinq auditions ont été organisées en l'espace d'une semaine et vous avez décidé, au dernier moment, de recevoir pour une audition les membres de l'Arcom et de la Cnil, après vous être engagé devant tous les membres de la commission spéciale à nous remettre un référentiel, dont on n'a jamais vu la couleur. Vous pensiez sincèrement nous offrir un lot de consolation avec cette audition en nous envoyant la convocation la veille ? Bref, arrêtez de brandir cet argument, une bonne fois pour toutes ! Sinon, nous ne manquerons pas de vous rappeler la manière dont vous avez organisé les travaux ces derniers jours : vous ne pouvez pas nous traiter de cette façon-là !
Par ailleurs, mon groupe dispose d'un compte rendu de cette audition, qui a été dressé par l'un de nos collaborateurs, qui y a assisté. Nous savons donc exactement ce qui s'y est dit. Encore une fois, arrêtez avec cet argument, que vous avez brandi deux ou trois fois depuis le début des débats. Exprimez-vous sur le fond,…
C'est ce que j'ai fait !
…mais s'il vous plaît, arrêtez avec les petits prétextes et les petites accusations de ce genre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.
Je voudrais répondre au collègue Taché, dont je trouve le propos dur, voire méprisant pour les équipes de l'Arcom. Car, pour le coup, elles ont su se montrer réactives. J'ai eu moi-même des mots plutôt durs en commission. Mais force est de constater, qu'entre la commission et la séance, les équipes et la présidence de l'Arcom se sont mobilisées, ce qui s'est illustré par leur présence à cette seconde audition et par divers échanges que j'ai pu avoir directement avec son président.
Rappelez-vous les évolutions majeures de l'Arcom, créée le 1er janvier 2022 : nous nous sommes départis du CSA, qui s'avérait complètement inadapté au temps du numérique et de l'audiovisuel que nous connaissons aujourd'hui, au profit d'une nouvelle autorité dotée d'un grand nombre de compétences et d'agents, à même de répondre aux problématiques actuelles.
Vu les réponses qui nous ont été apportées au cours de cette audition et des échanges que nous avons pu avoir, j'ai senti que les agents de l'Arcom, contrairement à ce que je pouvais penser, étaient déterminés à lutter contre le fléau de l'accès des plus jeunes aux contenus pornographiques en ligne. Les réponses ont été assez claires sur les grandes lignes du référentiel. Je conçois qu'il puisse y avoir un débat entre ceux qui conçoivent ce référentiel comme un carcan très rigide et ceux qui préfèrent le définir dans ses grandes lignes, pour mieux l'adapter aux évolutions technologiques – notre collègue Éric Bothorel rappelait tout à l'heure les mérites de l'adaptabilité, face à une technologie qui évolue très vite. Ainsi, au moment de la loi de 2020, nous n'avions pas du tout les mêmes questionnements ni les mêmes difficultés technologiques à affronter qu'en 2023.
Je voulais simplement préciser que le Gouvernement était par avance favorable à l'amendement n° 878 de M. Naegelen,…
…mais je crains que l'amendement n° 844 de Mme Morel, s'il venait à être adopté, ne le fasse tomber.
C'est exact, monsieur le ministre délégué ! Nous allons le savoir immédiatement, puisque nous allons procéder au vote.
On ne sait pas si ce référentiel existera ou non, mais peu importe : nous vous proposons d'ajouter à son cahier des charges un troisième critère, à savoir la préservation impérative de l'anonymat.
Normalement, tout le monde devrait voter pour cet amendement. Pourquoi ? Parce que depuis le début, vous nous expliquez que nous nous inquiétons pour rien, que ça va bien se passer – oh, pardon, je confonds avec ce que le ministre de l'intérieur a dit dans d'autres circonstances
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES
– , qu'il n'y aura strictement aucun problème.
La ligne de crête que nous cherchons à suivre vise à concilier protection et liberté, ce qui implique le respect de l'anonymat. Par conséquent, si l'on en croit ce que vous dites depuis le début, vous devriez voter pour l'amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Sur l'amendement n° 377 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
De même, sur l'amendement n° 26 et les amendements identiques, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Cet amendement a été déposé à l'initiative de mon collègue Ian Boucard.
L'article 1er , que nous examinons, prévoit des mesures de vérification d'âge pour empêcher l'accès des mineurs à des contenus pornographiques. Chaque mois, 2,3 millions de mineurs visitent un site à destination des adultes ; plus de la moitié des garçons le font dès 12 ans.
La mise en œuvre d'un référentiel a été confiée à l'Arcom, en vue de déterminer les exigences techniques auxquelles devrait répondre le système de vérification d'âge. Il comprend deux critères : la fiabilité du contrôle de l'âge et le respect de la vie privée.
Il semble important d'ajouter des garde-fous supplémentaires, tels que la garantie de l'anonymat en ligne : celui-ci ne peut être remis en cause que dans de rares cas, et toujours à la suite d'une décision judiciaire. Le contrôle de l'âge lors du visionnage de contenus pornographiques ne constitue pas un motif suffisant pour que l'anonymat en ligne ne soit pas préservé.
C'est pourquoi le présent amendement a pour objet d'inscrire expressément dans la loi que les systèmes de vérification de l'âge pour accéder à un site pornographique devront respecter l'anonymat en ligne de leurs utilisateurs.
C'est un peu l'amendement de la dernière chance pour ce qui concerne l'anonymat en ligne…
Honnêtement, s'agissant du référentiel, je crois que tout a été dit – d'ailleurs, je trouve que les discussions avaient été plus intéressantes en commission, mais bon… N'y revenons pas, et demandons-nous simplement si véritablement vous voulez respecter l'anonymat, ou non.
Monsieur le ministre délégué, est-il vrai que lors de leur audition – que nous y ayons assisté ou pas, nous en avons consulté le contenu –, l'Arcom et la Cnil ont dit que le système de double anonymat que vous défendez ne serait pas prêt avant un certain temps ? Du coup, qu'est-ce qui est aujourd'hui reconnu comme opérationnel par ces autorités administratives ? C'est la reconnaissance faciale ou la carte bancaire. Je ne pense pas que ce soient des systèmes parfaits pour ce qui est du respect de la vie privée et de l'anonymat !
En attendant ce système de double anonymat dont vous nous promettez qu'il verra le jour sous peu et qu'il nous protégera tous, mais dont nous n'avons toujours pas vu la couleur, nous pourrions au moins graver dans le marbre que l'anonymat en ligne sera préservé.
Nous ne vous demandons pas grand-chose. Plusieurs groupes parlementaires le disent : si véritablement ces dispositions visent à protéger nos enfants de l'exposition au porno et ne sont pas le cheval de Troie du contrôle de l'identité sur internet – puisqu'on sait que des parlementaires de la majorité souhaitent instaurer un contrôle d'identité à l'entrée des réseaux sociaux et que le rapporteur général nous a déjà dit qu'il voulait mettre en place, sur internet, un système d'immatriculation comparable à celui utilisé pour les voitures –, inscrivez dans la loi que l'anonymat en ligne sera respecté. Cela permettrait à nos débats de se poursuivre plus sereinement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 284 .
La Cnil, dans son avis de juin 2023, a affirmé quelques grands principes, dont l'interdiction de toute collecte directe de pièce d'identité par les éditeurs de sites pornographiques, l'interdiction d'estimations de l'âge effectuées à partir de l'historique de navigation de l'internaute et l'interdiction du traitement de données biométriques aux fins d'identifier une personne physique.
L'amendement vise à s'aligner sur ce que dit la Cnil, en précisant que le référentiel doit garantir l'anonymat en ligne de l'utilisateur. Certes, l'article mentionne le respect de la vie privée, mais cette formulation est floue. Il convient d'inscrire expressément dans la loi que l'anonymat en ligne sera préservé. Il s'agit donc d'un amendement de précision.
Au Rassemblement national, nous rejetons les technologies trop intrusives ou invasives, qui pourraient porter atteinte à la vie privée, ainsi que toute mesure risquant de conduire à l'instauration d'une identité numérique. Or, avec ce référentiel, on se dirige potentiellement, voire directement, vers ce type de technologie. Nous voulons cadrer les choses, et préserver l'anonymat des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 338 .
Monsieur le ministre, vous avez gentiment indiqué que le Gouvernement aurait émis un avis favorable sur l'amendement n° 878 s'il n'était pas tombé. Celui-ci vous donnera l'occasion de vous rattraper.
C'est très simple. Pour l'authentification, certains sites demandent une carte d'identité, voire une carte de crédit. Vous préconisez pour votre part le système du double anonymat. Cette dernière solution nous paraît préférable et nous espérons que c'est elle qui sera mise en place.
C'est précisément parce que nous tenons à ce système que nous souhaitons inscrire dans la loi que l'anonymat en ligne sera préservé. C'est important pour la liberté de nos concitoyens.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous engageons là un débat sur les critères que le référentiel devra respecter. Nous en avons longuement discuté avec de nombreux collègues, dont le rapporteur général. Il me semble que la rédaction actuelle est la bonne. En effet, l'article mentionne la fiabilité du contrôle et le respect de la vie privée, ce qui nous semble plus large que la seule préservation de l'anonymat.
D'autre part, nous ne souhaitons pas inscrire dans le marbre le choix d'une solution technique plutôt que d'une autre – c'est là tout l'objet des échanges que nous avons eus en commission.
Nous ne voulons pas contraindre davantage l'Arcom et la Cnil, laquelle, je vous le rappelle, a travaillé avec le Peren, le pôle d'expertise de la régulation numérique, et qui est garante de la protection des données personnelles, en conformité avec le RGPD.
Certes, nous présentons dans le rapport la solution du double anonymat, mais cela ne préjuge pas des caractéristiques techniques du référentiel. Je rappelle que le principe du double anonymat, c'est que celui qui certifie que vous avez l'âge requis sait qui vous êtes mais ne sait pas quel site vous visitez, et que le site visité reçoit la preuve que vous avez l'âge requis mais ne sait pas qui vous êtes.
Si l'article est adopté en l'état, l'Arcom élaborera un référentiel de solutions techniques, puis les sites pornographiques choisiront l'une d'entre elles. Cela nous semble une position équilibrée. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Même avis.
Je voudrais, pour commencer, vous relire les préconisations de l'Arcom et de la Cnil concernant le référentiel et les garanties entourant la vie privée et les données personnelles : publication du référentiel après avis de la Cnil ; encadrement de la création de comptes utilisateurs ; recours à un tiers indépendant ; enfin, mise à disposition d'au moins une solution renforcée de préservation de la vie privée, dite de double anonymat, sans préjudice de la mise à disposition d'autres solutions. Cette solution de double anonymat passera par un tiers de confiance qui assurera l'étanchéité totale entre le fournisseur d'une preuve de majorité et le site internet réservé aux adultes. Il me semble que ces termes sont précis – davantage d'ailleurs que la notion d'anonymat en ligne à laquelle les amendements font référence.
En outre, il existera parmi les solutions proposées des méthodes moins étanches que le double anonymat. Certaines personnes préféreront faire authentifier leur âge de manière moins exigeante ; elles y sont prêtes, et n'y voient pas de difficulté. C'est la raison pour laquelle le principe retenu est qu'au moins une solution de double anonymat soit présentée, à destination de celles et ceux qui tiennent à ce que leur anonymat soit préservé, afin que les sites visités ne sachent pas qui ils sont et que les institutions qui leur ont fourni la preuve d'âge ne sachent pas ce pour quoi elle sera utilisée, mais cette solution-là coexistera, si les sites le souhaitent, avec d'autres solutions, peut-être un peu plus intrusives, sous réserve qu'elles respectent les conditions prescrites par la Cnil.
Cela vous paraît compliqué ? Je répète : il existera au moins une solution de préservation renforcée de la vie privée, dite de double anonymat, aux côtés d'autres solutions, si le site concerné le souhaite, à condition que celles-ci respectent les caractéristiques prévues dans le référentiel, c'est-à-dire l'encadrement des créations de comptes utilisateurs et le recours à un tiers indépendant.
Tout cela mis bout à bout me semble clair – plus, en tout cas, que la notion d'anonymat en ligne. Si les amendements étaient adoptés, cela signifierait que toutes les solutions devront garantir l'anonymat en ligne, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable. Il faut qu'au moins une solution l'assure, au moyen du double anonymat et à destination de ceux qui souhaitent préserver leur vie privée, mais ceux qui n'en ont pas spécialement envie doivent pouvoir recourir à des solutions qui respectent les critères du référentiel sans que cela pose de problème.
M. Jean-François Coulomme fait le geste de ramer.
Nous nous trouvons là au cœur du sujet. Vous nous dites : « Faites-nous confiance, il y aura un référentiel ». Nous n'avons toujours pas à notre disposition le référentiel complet, mais vous nous assurez que l'anonymat sera garanti par au moins un moyen. Dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ?
Votre réponse, c'est qu'il faut vous faire confiance – mais, excusez-moi, vous n'êtes pas un serpent, je ne suis pas Mowgli et nous ne sommes pas dans Le Livre de la jungle !
Si vous estimez que le texte inclut effectivement cette garantie, je le répète, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ? Si cela va sans dire, cela va toujours mieux en le disant ! Garantissons qu'il y aura au moins une solution qui préservera l'anonymat – et non une solution qui porterait le nom de « double anonymat » sans pour autant garantir le droit effectif à l'anonymat de toutes celles et tous ceux qui le souhaiteront.
Pour être tout à fait honnête, quand nous avons pris connaissance de ces amendements, nous nous sommes interrogés. Le respect de l'anonymat est un principe qui va de soi et auquel nous souscrivons tous ; dès lors, pourquoi ne pas l'inscrire dans le référentiel et dans la loi ?
Il y a encore trois minutes, j'étais plutôt de cet avis – mais les explications de M. le ministre délégué ont été limpides…
…et elles m'ont convaincu.
Certains sites pornos ou des plateformes comme OnlyFans ou MYM exercent déjà un contrôle d'identité ou demandent des cartes bancaires. Si l'on inscrit le principe d'anonymat dans la loi, ces pratiques deviendront illégales, alors qu'elles sont bien plus exigeantes que ce que vous souhaitez.
Lors de son audition, la Cnil a été extrêmement précise sur ce point. Nous visons tous le même objectif, mais inscrire le respect de l'anonymat dans la loi serait contreproductif. Ne le faisons pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 52
Contre 60
L'amendement n° 377 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 55
Contre 61
Nous en venons à l'amendement n° 275 , sur lequel je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement.
Je sais que vous serez sensible à cet amendement, monsieur le ministre délégué ; vous y serez peut-être même favorable. Il vise à préciser que le référentiel doit fixer des exigences en matière de sécurité des données. En 2022, la Cnil a expliqué que le référentiel devait garantir la protection des données ainsi que le respect de la vie privée des individus et leur sécurité. Les données traitées seront des données personnelles telles que l'âge. Elles doivent donc être protégées, grâce à des exigences de sécurité suffisamment fortes, contre les cyberattaques et autres actes de malveillance. Il s'agit aussi d'assurer le bon fonctionnement technique du référentiel.
Ce sont nos données qui sont en jeu, y compris celles de mineurs. Nous voulons donc que le niveau de sécurité soit élevé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avec la Cnil « dans la boucle », si je puis dire, la sécurité des données sera bien entendu assurée. Je vais même plus loin : grâce à l'Europe, nous disposons désormais du RGPD, auquel ce référentiel devra être conforme. J'émets donc un avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 24
Contre 61
L'amendement n° 275 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 211 .
Je propose de supprimer, à l'alinéa 3, la mention « et le respect de leur vie privée ». Il s'agit en quelque sorte d'un amendement d'appel. Le respect de la vie privée est l'un des principes les plus essentiels de notre société, mais il ne suffit pas de déclarer que le système de contrôle sera respectueux de la vie privée des usagers ; il est impératif de démontrer que ce respect sera effectif. Or, en l'état actuel, avec la création d'une identité numérique, il est difficile de croire que la vie privée des usagers sera réellement respectée. Tout le monde le sait dans cet hémicycle et vous l'avez rappelé en introduction, madame la rapporteure, l'anonymat n'est pas de mise sur internet.
Il serait préférable d'interdire l'accès gratuit aux sites pornographiques – c'est une de mes marottes ; j'y reviens une fois de plus, car je pense que c'est la solution –, au besoin en contraignant financièrement les fournisseurs d'accès à internet à bloquer les sites ou les plateformes qui refuseraient de rendre cet accès payant. Par ailleurs, en lieu et place d'une identité numérique, il serait nettement préférable de démocratiser le recours aux moteurs de recherche sécurisés pour les mineurs, par exemple en obligeant les FAI à préconfigurer les box internet.
Vous l'avez dit, c'est un amendement d'appel. Au demeurant, je n'en saisis pas très bien le sens : il vise à supprimer les mots « et le respect de leur vie privée » alors même que vous affirmez que c'est l'un des principes les plus essentiels de notre société. Je comprends qu'il s'agissait de susciter un échange sur l'opportunité d'interdire l'accès gratuit aux sites pornographiques, mais tel n'est pas non plus l'objet de l'amendement. Mon avis est donc défavorable.
Je tiens à exprimer une inquiétude. Le référentiel proposera aux plateformes et aux sites un choix entre différentes solutions pour vérifier l'âge de l'utilisateur, notamment celle du double anonymat. Or ces solutions n'auront pas la même efficacité en matière de protection des données personnelles et de respect de l'anonymat. Cela risque de poser un véritable problème : les plateformes et les sites choisiront bien évidemment ce qui est le plus adapté de leur point de vue, plutôt que du point de vue de l'utilisateur.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous garantir que l'anonymat sera garanti pour l'utilisateur, quelle que soit la solution choisie par les plateformes ou les sites ? J'espère que les utilisateurs pourront continuer à naviguer sur tous les sites avec la plus grande liberté.
Madame Ménard, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous voulez faire porter aux FAI la responsabilité de la non-exécution par les plateformes des obligations qui incombent à ces dernières, sachant qu'il s'agit d'acteurs distincts. Lorsqu'ils décident de bloquer des contenus, les FAI doivent fournir des efforts techniques et humains ; ce n'est pas simplement un bouton sur lequel on appuie. Je ne vois pas quel équilibre vous cherchez à atteindre.
Monsieur Habert-Dassault, les sites devront proposer au moins une solution dite de double anonymat. Cela étant, je l'ai indiqué tout à l'heure, le critère du respect de l'anonymat en ligne me paraît plus flou que les critères actuels, compte tenu du niveau de détail dans lequel entre le référentiel.
À la tribune et sur les bancs qui vous font face, certains nous ont appelé à renoncer au référentiel, arguant d'une demande des associations en ce sens. Or, si nous n'avions pas prévu l'élaboration d'un référentiel explicite sur la manière dont la vérification de l'âge doit être effectuée, du point de vue tant de la fiabilité – s'agit-il ou non d'une véritable vérification de l'âge ? – que du respect de la vie privée, on nous aurait reproché de donner des pouvoirs de blocage à l'Arcom. C'est précisément pour cette raison que nous avons décidé de proposer le présent article 1er , qui a d'ailleurs été considérablement enrichi par le Parlement.
Le respect de la vie privée sera garanti ; la Cnil y veillera. Néanmoins, toutes les solutions proposées ne relèveront pas du double anonymat. M. Cazeneuve l'a relevé, lorsqu'ils recueillent le consentement de leurs utilisateurs, certains sites demandent déjà des données dans un cadre qui n'est pas celui du double anonymat.
Grâce à l'article 1er , nous imposons la règle suivante : la vérification de l'âge sera réputée faite si et seulement si au moins une solution de double anonymat est proposée. Comme l'a expliqué M. le rapporteur général, chaque utilisateur pourra choisir s'il fait l'effort de télécharger l'application ad hoc ou s'il préfère une autre solution, qui ne garantira certes pas une étanchéité absolue, mais qui respectera les conditions que j'ai citées précédemment – trois conditions en matière de fiabilité et trois en matière de respect de la vie privée.
L'amendement n° 211 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Nous l'avons rappelé, nous sommes attachés au contrôle de l'âge afin de protéger les mineurs, mais nous voulons aussi avoir des garanties en matière de protection des données collectées et de respect de la vie privée, expression au demeurant assez large et imprécise. Il nous semble donc opportun d'inscrire dans la loi que le référentiel doit garantir la protection des données personnelles des utilisateurs, en s'assurant que celles-ci ne pourront pas être exploitées à d'autres fins que celles qu'il établit, ni cédées, ni revendues.
Le référentiel garantira bel et bien la protection des données personnelles, puisqu'il sera soumis au RGPD. Votre amendement étant satisfait, j'en demande le retrait, sans quoi mon avis sera défavorable.
À mesure que l'heure avance, cette histoire devient de plus en plus embêtante ; à tous, ce référentiel nous fait un peu perdre la tête. L'objectif premier est la protection de l'enfance, Tel est l'argument, monsieur le ministre délégué, que vous nous avez opposé pendant tout le débat. Nous avons effectivement exprimé une opposition, parce que nous estimons qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de fermer un site ; il faut plutôt donner à la justice les moyens de faire appliquer la loi en vigueur.
« Quelles solutions ? », m'a demandé avec insistance notre collègue Balanant. Pour nous, la solution, c'est le service public du numérique. C'est assez simple : il s'agit de donner à la justice de véritables moyens, notamment humains, pour fermer les sites qui ne respectent pas la loi.
Venons-en au référentiel. Tel site utilisera la double vérification, tel autre la reconnaissance faciale, tel autre encore la biométrie, ou la carte bancaire, ou la carte d'identité. En réalité, compte tenu de ce qu'est leur modèle économique, les sites choisiront la solution la moins fiable. Autrement dit, vous ne garantissez pas la fiabilité technique du contrôle de l'âge ; voilà ce qui est en jeu.
Nous ne nous opposons pas à ce qu'on interdise certaines choses aux moins de 18 ans – vous devriez d'ailleurs interdire tout ce qui représente un danger pour notre jeunesse ! Nous demandons simplement que le dispositif soit fiable.
Dès lors qu'on ne lui a pas présenté ce référentiel, qu'on s'est contenté de lui donner des éléments flous, le Parlement ne pourra pas s'exprimer de manière éclairée, alors que c'est son rôle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
On a l'impression que vous parlez du référentiel comme s'il n'existait pas, comme s'il s'agissait d'un objet magique. Je vous renvoie à la réunion que nous avons tenue jeudi dernier à dix-sept heures quarante-cinq dans la salle 6665 du Palais-Bourbon, qui était accessible en visioconférence à tous les députés, et au cours de laquelle l'Arcom nous a présenté le référentiel.
Je vous fais part de quelques éléments concrets qui y figurent, ce qui pourra éclairer nos débats. D'une part, le référentiel prévoit le recours à un tiers indépendant. D'autre part, le ministre délégué l'a dit, il précise que chaque site devra offrir au moins une solution de double anonymat – cela s'appliquera bien à chaque site, je le souligne notamment à l'attention de notre collègue Victor Habert-Dassault. Pour être très clair, PornHub devra proposer au moins une solution de double anonymat, ce qui n'exclut pas qu'il y en ait une ou plusieurs autres, de double anonymat ou non.
En outre, une discussion s'est engagée sur le point de savoir si la vérification de l'âge devait être faite à chaque connexion ou si l'utilisateur pouvait garder pendant une certaine durée – quarante-cinq jours ou deux mois – le bénéfice d'une vérification précédente de son âge. Cette question a été soulevée au cours des auditions, notamment par Docaposte. Lorsqu'elle a présenté son référentiel, qui sera soumis au débat public, l'Arcom a répondu que le référentiel exigerait une vérification de l'âge lors de chaque accès au site considéré.
Bref, le référentiel est très concret. Voilà ce qui nous a été présenté il y a quelques jours, lors de la réunion que j'ai mentionnée.
Monsieur le rapporteur général, si le référentiel existe, pourquoi refusez-vous de nous le présenter ? Nous vous le demandons tous depuis le début de la séance. Vous nous dites : « Il existe, nous l'avons détaillé en audition. » S'il est si formidable et si complet que vous le prétendez, présentez-le-nous, afin que nous ayons des éléments concrets sur lesquels travailler. Vous pouvez le mettre en ligne, l'imprimer en 577 exemplaires ou nous l'envoyer par mail si cela vous chante, mais nous ne pouvons pas voter à l'aveugle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Bien que la séance ait été dynamique, nous n'avons examiné ce soir que trente-trois amendements, c'est-à-dire treize amendements de l'heure ; à ce rythme, il faudrait soixante-cinq heures de débat, ce qui n'est pas à l'agenda.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra