Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mercredi 4 octobre 2023 à 21h30
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Article 1er

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique :

Mme la rapporteure a raison : il faut débattre de l'article 1er , comme il faudra débattre de l'article 2. Tous ici nous partageons le même constat, et la même ambition d'amener, par la dissuasion, les sites pornographiques à vérifier l'âge de leurs utilisateurs.

Il y a trois ans, le Parlement a adopté une loi imposant aux sites pornographiques de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs sous peine de saisine par l'Arcom du tribunal judiciaire de Paris en vue de déclencher une procédure à leur encontre. L'Arcom a bien saisi le tribunal mais les procédures judiciaires représentent une lourde charge pour elle. De plus, elles sont longues : un an et demi après la saisine initiale, le tribunal judiciaire n'avait toujours pas rendu son délibéré.

C'est pourquoi dans leur rapport – que je ne brandirai pas à nouveau devant l'Assemblée, madame la présidente –, les sénatrices Billon, Borchio Fontimp, Cohen et Rossignol, que je citais tout à l'heure, ont proposé de confier à l'Arcom le pouvoir de bloquer, sans avoir à passer par une procédure judiciaire, les sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs.

Je vous demande quelques instants d'attention afin de vous expliquer les arguments sur lesquels se fonde l'article 1er , de sorte que la rapporteure et moi-même n'aurons pas à y revenir trop longuement par la suite. L'article 1er prévoit que l'Arcom élabore un référentiel et l'article 2 lui donne le pouvoir de blocage ; or l'un et l'autre ont suscité certaines inquiétudes, que traduisent les amendements. Elles sont de deux ordres.

Mmes Santiago et Pasquini, tout d'abord, nous mettent en garde contre la création d'un référentiel, car il sera contesté par les sites pornographiques et, en attendant le règlement des litiges, l'Arcom ne pourra pas utiliser son pouvoir de blocage. Ces inquiétudes sont légitimes.

D'autres parmi vous – Mmes Parmentier, K/Bidi, Amiot et Chikirou et MM. Seitlinger, Boucard, Taché, Lopez-Liguori et Chassaigne – considèrent dans leurs amendements qu'il faut être très vigilant quant à la manière dont l'âge des utilisateurs sera vérifié, en garantissant notamment le respect de la vie privée et des données personnelles. C'est précisément aux inquiétudes sur le mode de vérification de l'âge que répond le référentiel.

Les amendements n° 884 rectifié et 886 que présentera la rapporteure permettront de clarifier les rôles respectifs de l'article 1er et de l'article 2. En vertu de l'article 1er , l'Arcom élabore le référentiel que les sites sont tenus d'adopter sous peine d'une amende administrative. En vertu de l'article 2, les sites doivent respecter l'obligation qui leur est faite à l'article 227-24 du code pénal sous peine d'une mesure de police administrative – en l'occurrence le blocage du site.

Puisque la question du référentiel reviendra, je rappelle simplement que le rapporteur général et les rapporteurs thématiques ont convoqué l'Arcom et la Cnil jeudi dernier afin qu'elles répondent à toutes les interrogations des membres de la commission spéciale quant au contenu du référentiel. Il portera notamment sur la fiabilité de la solution adoptée pour vérifier l'âge des utilisateurs – elle doit permettre effectivement de vérifier l'âge, sans quoi elle ne sert à rien – et sur la protection des données et de la vie personnelle, car il est souhaitable, en effet, que la vérification d'âge ne soit pas trop intrusive et qu'elle ne présente pas de risque de fuite de données.

L'Arcom et la Cnil ont été très claires quant au contenu du référentiel et aux garanties tout à la fois de fiabilité – encore une fois, la vérification de l'âge doit permettre de s'assurer que les utilisateurs des sites pornographiques sont bien majeurs – et de protection de la vie privée. Voici quelles sont ces garanties.

En matière de fiabilité, aucun contenu pornographique ne doit apparaître avant la vérification effective de l'âge de l'utilisateur. C'est un principe dont nous avons débattu et que nous avons même anticipé en l'incluant dans le texte. Ensuite, la vérification de l'âge devra se faire à chaque accès au site, afin qu'il ne suffise pas de confirmer l'âge une seule fois sur un navigateur pour pouvoir ensuite accéder librement au site. Enfin, le référentiel devra être adapté dès que des méthodes de contournement seront détectées. Voilà pour la fiabilité, en réponse à ceux qui craignent que l'âge des utilisateurs ne soit pas effectivement vérifié.

Quant aux garanties entourant la vie privée et les données personnelles, le référentiel sera publié après avis de la Cnil, encadrera la création de comptes utilisateurs, précisera la condition de recours à un tiers indépendant et prévoira la mise à disposition d'au moins une solution renforcée de préservation de la vie privée – la solution dite de double anonymat – sans préjudice de la mise à disposition d'autres solutions passant par un tiers de confiance, qui assureront l'étanchéité totale entre le fournisseur d'une preuve de majorité et le site internet réservé aux adultes.

Compte tenu des clarifications ainsi apportées par l'Arcom et la Cnil et des amendements proposés par la rapporteure, je crois pouvoir rassurer tout à la fois Mmes Pasquini et Santiago quant au fait que l'Arcom, quoi qu'il arrive avec le référentiel, conservera son pouvoir de blocage, et tous ceux parmi vous qui, inquiets des questions relatives au respect de la vie privée, souhaitaient intégrer plusieurs garanties au texte.

Telles sont les précisions que je tenais à apporter, en appelant naturellement au rejet des amendements de suppression de l'article.

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