Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30

La réunion

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La commission des affaires économiques a procédé à l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).

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Après deux semaines de suspension des travaux, notre commission se penche sur un texte très attendu : le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Je salue la présence de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour présenter ce texte au sujet duquel nous avons déjà procédé à plusieurs auditions, en entendant les grandes organisations syndicales agricoles, ainsi que l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite « Agence bio », et la Fédération nationale d'agriculture biologique.

L'an dernier, notre commission avait mis en place un groupe de suivi relatif à la préparation du projet de loi d'orientation agricole, sous la conduite de Pascal Lavergne et d'Aurélie Trouvé. Ce groupe a rendu ses conclusions le 6 décembre dernier.

Je vous rappelle qu'à la suite de la décision sur les modalités de présentation de ce projet de loi rendue par le Conseil constitutionnel le 22 avril dernier, la conférence des présidents a décidé ce matin qu'il serait inscrit à l'ordre du jour de la séance publique à compter du mardi 14 mai, pour une période de deux semaines, ce qui autorise un examen jusqu'au vendredi 24 mai.

Le projet qui nous est soumis comporte plusieurs volets. Le premier, qui est essentiellement programmatique, concerne la définition et l'orientation générale des politiques publiques qui contribuent à conforter notre souveraineté agricole et à assurer l'avenir de notre agriculture ; le deuxième volet vise à favoriser la formation, la recherche et l'innovation ; le troisième prévoit de faciliter l'installation et la transmission des exploitations agricoles ; le quatrième, enfin, a pour objet de sécuriser et de simplifier l'exercice des activités agricoles, confrontées à un grand nombre de règles, dont certaines méritent d'être adaptées afin de libérer les énergies et de dynamiser l'activité.

Pour mémoire, le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit « Egalim 1 », qui était d'une taille équivalente mais abordait des sujets plus variés, avait donné lieu à 2 100 amendements à l'échéance du délai de dépôt.

Plus de 3 500 amendements ont été déposés sur le texte que nous examinons. Sur ce total, 805 amendements, soit un peu plus de 22 %, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution en raison de l'absence de lien avec les dispositions du texte dont notre assemblée est saisie. Il nous appartient d'être vigilants à ce sujet, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers législatifs est exigeante. Je vous rappelle qu'une note rappelant l'objectif de chacun des articles vous avait été communiquée mardi dernier et que l'existence d'un lien n'est pas appréciée par rapport aux intitulés du projet de loi ou de ses titres. J'ai ainsi été conduit à déclarer irrecevables de nombreux amendements traitant de fiscalité ou d'urbanisme, de chasse et d'animaux prédateurs ou de sujets tels que les baux ruraux, l'utilisation des produits phytosanitaires ou les modalités de distribution et de publicité applicables à certains produits agricoles. D'autres textes de loi nous permettront certainement d'aborder au moins une partie de ces sujets.

Par ailleurs, 228 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution et 93 amendements au titre de l'article 38, notamment parce qu'ils élargissent le champ d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Au cours des prochains jours, nous serons appelés à examiner un peu plus de 2 200 amendements, avec de nombreuses séries d'identiques. Pour le bon déroulement de nos débats, je demande à chacun de bien vouloir faire preuve de concision afin que nous puissions avancer en vue de terminer samedi. Je souhaite que la présentation de chaque amendement soit limitée à une minute et je laisserai intervenir seulement un orateur « pour » et un orateur « contre » – sauf exception, bien évidemment, pour les questions qui nécessitent un débat plus approfondi. Pour éviter les redondances, en cas d'amendements identiques présentés par des députés d'un même groupe, une seule présentation sera effectuée.

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Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Mon propos liminaire sera synthétique, car j'aurai l'occasion de répondre aux interventions des représentants des groupes. Nous aurons en outre le temps de débattre des amendements, tant en commission qu'en séance.

Les enjeux sont connus et partagés par nombre d'entre nous. Nous faisons face à un défi démographique historique, avec une vague de départs potentiels à la retraite qui représente un tiers des agriculteurs dans les dix ans à venir. Cela exige que nous fassions plus et différemment, tant en matière de formation que d'installations. Il convient aussi d'améliorer l'attractivité de la profession, d'autant qu'une grande partie de ceux qui sont appelés à s'installer ne seront pas issus du milieu agricole. Il faut donc prendre des dispositions particulières pour ce public, dont nous aurons besoin pour renouveler les générations.

J'ajoute – et ce point est fondamental – que nous devons répondre à cet enjeu dans un contexte de bouleversements immenses – d'ordres climatique, géopolitique et économique – qui conduisent à s'interroger sur la manière dont nous produisons et pouvons assurer effectivement notre souveraineté. Ces bouleversements soulignent aussi le caractère absolument stratégique de l'activité agricole. Cela nécessite que nos agricultrices et nos agriculteurs soient accompagnés et soutenus pour faire face aux longues et profondes mutations à l'œuvre.

Les impératifs de souveraineté et de transition se font écho, et le renouvellement des générations doit permettre d'atteindre et de concilier ces deux objectifs. Telle est, au fond, l'orientation proposée par le projet de loi qui vous est soumis.

Cette orientation s'appuie sur le travail que nous avons accompli depuis 2017, à travers notamment trois batailles engagées – mais naturellement pas encore achevées : protéger le revenu agricole, mettre en place une concurrence plus équitable et accompagner les transitions. Ce projet engage de nouvelles batailles en activant des leviers qui devaient l'être davantage : l'orientation et la formation, l'installation et la transmission et, enfin, la simplification.

Le présent projet de loi ne répondra pas, à lui seul, à l'ensemble des défis auxquels est confrontée notre agriculture ; mais il fixe des principes et un cadre pour les acteurs, tout en proposant une organisation de nos politiques publiques cohérente avec ce que nous avons mis en œuvre depuis 2017 et que nous avons poursuivi depuis 2022 – et, à plus forte raison, depuis la crise agricole.

En préambule, je souhaite de nouveau indiquer dans quel cadre global s'inscrivent les avancées ici proposées.

Le présent texte est le fruit d'un dialogue de terrain avec les acteurs du monde agricole et avec ceux qui s'intéressent à l'agriculture, grâce à la concertation menée sur le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture – dont ce texte est issu, en grande partie – mais aussi grâce aux attentes exprimées lors des mobilisations agricoles. Ces dernières ont mis en évidence la nécessité de fixer une direction claire, de mettre un terme à ce qui était souvent légitimement perçu comme des injonctions contradictoires et de simplifier l'exercice de l'activité agricole.

Ce projet de loi d'orientation n'est pas un système isolé. Il s'insère dans un schéma cohérent et participe ainsi d'une vision d'ensemble pour notre agriculture. Depuis 2017 et depuis ma prise de fonction en 2022, des chantiers structurels ont été menés ou engagés. J'ajoute encore que le Premier ministre a fait des annonces fortes en fin de semaine dernière et que le Gouvernement demeure mobilisé pour que celles qui ne sont pas encore mises en œuvre le soient au plus vite. Comme il s'y était engagé, le Président de la République devrait s'exprimer devant la profession agricole le 2 mai. On peut toujours dire que ce n'est pas encore suffisant, mais des avancées absolument majeures ont été obtenues pour les agriculteurs, en particulier depuis le début de l'année.

Je sais que les parlementaires ont besoin de disposer d'une vision globale, en sachant ce que le Gouvernement proposera sur des sujets absolument essentiels qui ne sont pas abordés par ce texte.

S'agissant de la protection du revenu agricole, le Gouvernement a chargé vos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard d'une mission sur les améliorations à apporter au cadre mis en place par les lois du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dites lois « Égalim 1, 2 et 3 ». Des propositions seront mises sur la table avant l'été afin que vous puissiez vous en emparer.

En ce qui concerne la compétitivité, nous avons adapté et modernisé l'outil de production agricole, mais aussi conforté l'innovation avec le plan « France relance » (850 millions d'euros [M€] déployés sur deux ans) puis avec « France 2030 » (1,8 milliard d'euros [Md€]), tandis que le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) bénéficie de 146 M€ en 2024. Ce sont des moyens inédits. Les 800 M€ prévus au titre de la planification écologique pour l'agriculture commencent à être déployés. Nous avons soutenu les filières avec des plans de souveraineté – notamment dans les domaines des fruits et légumes, des protéines végétales, de l'élevage et du blé dur.

Nous avons allégé la fiscalité, en renforçant le dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE) en 2024, en mettant en place dès 2018 la déduction pour épargne de précaution ou encore en modifiant le seuil qui permet de bénéficier du régime des micro-bénéfices agricoles, dit « micro-BA ». Nous souhaitons aller plus loin, notamment en baissant la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), en pérennisant le dispositif TODE et en augmentant son seuil à 1,25 Smic, mais aussi en améliorant la déduction pour épargne de précaution et en augmentant le dégrèvement pour la TFPNB.

Un texte législatif sur les produits phytosanitaires sera présenté d'ici à l'été. Il portera notamment sur l'évolution du conseil stratégique et sur la séparation de la vente et du conseil.

Des engagements ont été pris en matière de transmission d'exploitation, en particulier s'agissant de l'augmentation de 13 à 20 millions d'euros du budget consacré à l'accompagnement à l'installation-transmission en agriculture (AITA). Un travail sera en outre mené pour améliorer l'efficacité des outils fiscaux et non fiscaux destinés à faciliter la transmission et la reprise des exploitations. Cela se traduira par des mesures dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Enfin, nous avons conscience que les dispositions présentées dans le cadre de ce projet de loi n'épuisent pas le sujet de la simplification, certaines mesures relevant du domaine réglementaire. Un chantier d'ampleur a été lancé en la matière, sur la base de trois mille propositions émanant du terrain. Elles ont commencé à trouver une traduction concrète, notamment grâce aux évolutions importantes de la politique agricole commune (PAC) que j'ai proposées au niveau européen, qui sont au cœur des attentes du monde agricole et s'appliqueront dès 2024.

Comme vous le voyez, nous proposons une vision d'ensemble qui devrait être enrichie grâce à nos débats. Mais des avancées utiles figurent déjà dans le projet. Sans entrer dans le détail, je souhaite vous présenter les principales d'entre elles.

La première consiste à ériger l'agriculture en « intérêt général majeur », ce qui produira des effets à long terme sur la prise en compte de l'impératif de souveraineté alimentaire, sur la manière dont vont vivre nos politiques publiques et nos lois et sur celle d'évaluer et de réaliser des projets agricoles. Je sais que les débats seront nourris sur l'article 1er, ce qui permettra de l'enrichir.

La deuxième avancée sera de conforter la dynamique positive de l'enseignement agricole constatée depuis 2019, grâce à une série de mesures destinées à adapter ce système de formation qui fait notre fierté et notre singularité. Cela lui permettra de mieux faire face aux défis de la souveraineté et des transitions tout en organisant ce système de telle sorte qu'il contribue à former davantage de personnes et mieux, en répondant à l'attente de jeunes et de moins jeunes qui veulent s'installer.

La troisième avancée réside dans le fait d'accompagner et d'installer différemment. Pour cela, nous proposons de créer un diagnostic modulaire et le réseau « France services agriculture ». J'aurai l'occasion d'y revenir, mais je tiens à saluer le travail réalisé par vos rapporteurs pour commencer à répondre à certaines interrogations qui ont pu s'exprimer. Je pense en particulier à la question centrale de l'équité et du pluralisme dans le fonctionnement de France services agriculture, ou encore à l'orientation donnée au diagnostic modulaire, qui correspond désormais davantage aux attentes exprimées par les secteurs agricoles.

Je voudrais évoquer plus spécifiquement la question des groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI). Là encore, je salue le travail réalisé par vos rapporteurs pour préciser l'objectif prioritaire, c'est-à-dire l'installation des jeunes, et pour améliorer les garde-fous prévus pour cet outil. Leur proposition de rédaction viendra nourrir un débat qui me semble utile. En effet, face aux défis identifiés, nous avons besoin d'instruments pour permettre de lever des capitaux afin de favoriser l'installation. Les GFAI sont complémentaires des moyens affectés par ailleurs au fonds « Entrepreneurs du vivant ».

J'ai déjà parlé de la quatrième avancée, constituée par les mesures de simplification. L'adaptation du régime de répression des atteintes au droit de l'environnement, avec des procédures et des peines véritablement adaptées aux situations, permettra d'éviter des procédures infamantes pour nos agriculteurs tout en ayant des sanctions proportionnées et progressives. Les délais de recours contentieux seront réduits en ce qui concerne les projets agricoles et d'ouvrages hydrauliques, avec une adaptation de différentes procédures qui permettra d'obtenir plus rapidement une décision sur leur conformité au droit.

Le régime applicable aux haies sera unifié, ce qui simplifiera la vie des agriculteurs et sécurisera leurs interventions. Cela les encouragera à planter et à gérer durablement des haies.

Enfin, je souhaite vous faire part de mon état d'esprit alors que débute ce travail parlementaire. Par nature, aucun projet de loi déposé au Parlement n'est parfait et ce texte n'échappe pas à la règle. Il a naturellement vocation à être amendé et enrichi par les députés, puis par les sénateurs. Dans cette perspective, je vous assure tout d'abord que je souhaite que les ordonnances déjà rédigées soient intégrées au texte d'ici à l'examen en séance publique, afin que l'Assemblée nationale ne soit pas privée d'un débat sur le fond.

J'ajoute que toutes les dispositions de ce projet seront directement applicables outre-mer, qu'il s'agisse de la souveraineté, de l'orientation et de la formation, de l'installation et de la transmission ou encore de la simplification. Mais je sais que ces territoires ont leurs spécificités, notamment en ce qui concerne les enjeux d'autonomie alimentaire. Je suis à votre écoute, en commission comme en séance, pour voir si nous avons besoin d'adapter certaines dispositions à la réalité de ces territoires.

J'espère que nous pourrons assumer des désaccords de manière responsable et corriger des dispositions dont nous aurons constaté ensemble qu'elles présentent des difficultés, mais aussi travailler avec tous les groupes à des convergences au service de notre agriculture. Je n'ignore rien du contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi et des attentes fortes qu'il suscite – autant sur les mesures qu'il comprend que sur celles qui ne s'y trouvent pas, et qui devront être traitées dans le cadre d'autres textes législatifs.

Comme toujours, je fais confiance à un débat parlementaire responsable, exigeant et constructif, au service de l'agriculture et de la souveraineté agricole.

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En préambule, je tiens à remercier l'ensemble des personnes auditionnées, ainsi que les administrateurs de l'Assemblée nationale, les équipes du ministère et les rapporteurs pour l'important travail de fond réalisé pour enrichir et renforcer ce texte.

L'agriculture et la France sont intrinsèquement liées. Depuis des siècles, la France et son agriculture vivent en symbiose. Concentré de traditions et d'innovations, l'agriculture fait partie intégrante de notre histoire et de notre patrimoine.

En tant qu'élu de terrain, j'ai la chance d'arpenter une circonscription qui, si elle est marquée par la viticulture, connaît également une grande diversité de productions agricoles, allant des grandes cultures à l'élevage en passant par le maraîchage. Cette diversité, ces femmes et ces hommes dont le labeur quotidien façonne nos territoires et assure à nos concitoyens une alimentation durable, saine et équilibrée démontrent la richesse de l'agriculture de notre pays.

L'agriculture française subit aussi des distorsions de concurrence, aussi bien à l'échelle internationale qu'intra-européenne. Les surtranspositions nuisent à l'économie agricole et induisent souvent l'importation de produits moins-disants en matière de traçabilité et de qualité. Cette situation a récemment conduit l'Europe à une importante crise agricole.

Nous devons nous donner pour objectif d'accompagner les exploitants agricoles pour leur permettre de développer des exploitations durables, résilientes et compétitives. Dans ce contexte, je tiens à souligner que la France s'est engagée dans une importante politique de soutien à l'agriculture. En effet, de longs mois de concertation avec les représentants du monde agricole, les élus et les services de l'État ont permis, dans un travail de coconstruction, de dresser les contours d'un pacte d'orientation et d'avenir agricoles, qui se compose de plusieurs éléments structurants et dont le présent projet de loi est l'un des outils. Il est indispensable de rappeler ce qu'est ce projet de loi et ce qu'il n'est pas.

Il concerne tout d'abord la souveraineté agricole et le renouvellement des générations. Il n'a pas vocation à régler le problème majeur de la protection des revenus du monde agricole. Nos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard présenteront fin juin des propositions pour apporter des modifications aux lois Egalim – lesquelles ont été appréciées par le monde agricole – et il nous appartient d'en étendre les dispositions à l'échelle européenne. Nous ne débattons pas ici d'une loi foncière, ni d'une loi relative à l'usage des produits phytopharmaceutiques. Enfin, le texte ne peut pas répondre aux difficultés propres à l'organisation européenne de l'agriculture. L'ensemble des sujets que je viens d'aborder font l'objet d'autres travaux, qui trouveront une traduction législative ou réglementaire et s'intégreront au pacte d'orientation et d'avenir agricoles, afin de répondre aux besoins des agriculteurs.

Toutefois, ce projet de loi revêt une importance majeure car il répond à une difficulté urgente du monde agricole, celle du renouvellement des générations. Les principaux acteurs du monde agricole sont unanimes à ce sujet : cette loi est essentielle pour garantir l'avenir de l'agriculture française. La crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont mis en exergue le rôle essentiel des agriculteurs dans notre société et la nécessité impérieuse de maintenir la souveraineté de l'appareil productif alimentaire français.

L'agriculture française doit être au centre de nos préoccupations économiques, sociales, environnementales, de santé publique et de sécurité alimentaire. Pour ce faire, le projet de loi fixe le cap de la souveraineté alimentaire pour les dix prochaines années.

Afin de mieux défendre les projets agricoles, le titre Ier propose de définir la souveraineté alimentaire comme un objectif structurant pour les politiques publiques. L'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont ainsi reconnues comme d'intérêt général majeur, car elles constituent la garantie de cette notion de souveraineté alimentaire. Par-delà la simple sécurité alimentaire, la production agricole française contribue, par la richesse et la diversité de ses productions, au rayonnement de notre pays, de l'art de vivre à la française et de notre puissance économique.

Le projet de loi s'appuie sur trois leviers pour soutenir et garantir durablement cette souveraineté.

Le premier d'entre eux réside dans le titre II relatif à la formation, qui vise à former plus et mieux pour répondre au besoin d'installation de près de cent mille nouveaux agriculteurs d'ici à 2026. Il s'agit aussi d'accompagner la transition des exploitations pour qu'elles soient résilientes face au changement climatique et mieux adaptées aux besoins des marchés national, européen et mondial.

Le deuxième levier, qui relève du titre III, porte sur la transformation de la politique d'installation et de transmission. Je laisserai à mon éminent collègue Pascal Lecamp le soin d'en esquisser les contours. J'insiste, pour ma part, sur la nécessité de prévoir en complément un volet fiscal dans le prochain projet de loi de finances. J'ai d'ailleurs déposé un amendement programmatique qui va dans ce sens. Je suis convaincu que nous ne pouvons pas parler d'installation et de transmission sans aborder la fiscalité. Durant les dix prochaines années, un agriculteur sur deux devra prendre sa retraite et 45 % de ces futurs retraités pourront partir d'ici à 2026. Il y a urgence si nous voulons maintenir à près de quatre cent mille le nombre des exploitations françaises d'ici à 2035.

L'activité agricole nécessite un fort investissement en capital, mais elle génère dans l'ensemble des revenus moyens d'activité assez faibles. Dans le même temps, l'évolution du prix moyen du foncier constaté sur nos territoires, combinée au poids de la fiscalité inhérente à la transmission, ralentissent le processus des cessions. L'observation de la fiscalité des droits de mutation fait apparaître les points saillants suivants : en Europe, la France a le deuxième taux marginal d'imposition le plus élevé en matière de droits de mutation à titre gratuit, le quatrième en matière de droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux d'imposition le plus élevé sur les plus-values immobilières, avec des abattements qui s'étendent sur des durées extrêmement longues – vingt-deux ans pour les plus-values elles-mêmes et trente ans pour les prélèvements sociaux. Le Conseil des prélèvements obligatoires a ainsi démontré que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles est beaucoup plus élevée en France qu'en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

Si nous voulons faire de l'agriculture un intérêt général majeur pour notre pays, il faut protéger en amont les facteurs de production que sont tout d'abord les agricultrices et les agriculteurs, animateurs du vivant, ensuite les actifs immobilisés et circulants et, enfin, le foncier.

Sur la base de ces constats, nous devons, dès le projet de loi de finances pour 2025, harmoniser la fiscalité applicable aux transmissions d'exploitations agricoles pour accélérer ces processus. Il s'agit de consentir un investissement fiscal pour l'avenir, afin d'inciter les générations qui disposent d'un patrimoine à le transmettre de leur vivant pour assurer une meilleure circulation des richesses au profit des jeunes générations. Cela permettra aux nouveaux exploitants de financer la transformation de leurs exploitations, pour les rendre plus résilientes et compétitives.

J'en viens enfin au dernier levier, objet du titre IV, qui comporte des mesures de simplification administrative et procédurale pour sécuriser les projets agricoles et accélérer leur développement sur l'ensemble du territoire national.

Ainsi, ce projet de loi soutiendra la souveraineté agricole de la France et de ses outre-mer par le biais de trois axes stratégiques, au service de nos agriculteurs. Il s'agit de renouveler, d'accompagner et de simplifier. Il nous appartient de poser ensemble les pierres qui constitueront les fondations de l'édifice de la souveraineté agricole française pour les dix prochaines années.

Avec mes collègues rapporteurs, nous voulons procéder de manière constructive, afin de renforcer ce texte. Nous devons le faire non pas pour nous, mais pour les agriculteurs et les agricultrices, pour nos concitoyens et pour la France.

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La France est une grande nation agricole et elle le restera. Nous le savons tous : notre histoire, notre culture et notre avenir sont liés à notre agriculture, aux particularités de nos terroirs et aux inimitables saveurs de leurs produits.

Je viens d'une région où la terre est sacrée et où chacun de nous a un membre de sa famille qui a été, est ou sera paysanne ou paysan. Trop longtemps moqués ou ostracisés, les Bretons ont réussi en quelques décennies à faire de la Bretagne la première région agricole de France. Et nous en sommes particulièrement fiers.

Vous comprendrez que le texte que nous examinons revêt pour moi une importance toute particulière. Laissons de côté nos ambitions politiques et nos idéologies parfois dangereuses. Les agricultrices et les agriculteurs méritent que nous parvenions à élaborer une loi transpartisane, où seul l'intérêt général prime. Même s'il ne soignera pas tous les maux de l'agriculture, ce texte vise ainsi à redresser le secteur agricole français, à accompagner les transitions en cours et à répondre aux urgences relevées par le monde agricole. Une partie réglementaire sera par ailleurs nécessaire, puisque tous les problèmes ne relèvent pas du domaine de la loi.

Ainsi, soutenir l'agriculture est notre priorité. Et c'est bien ce que propose l'article 1er, qui dispose que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».

Il est intéressant de prendre un instant pour réfléchir à la notion de « souveraineté alimentaire », que l'on a encore du mal à définir clairement, faute de consensus. Pour ma part, si j'essaie de synthétiser les propos des personnes auditionnées et les nombreux articles sur ce sujet, je pense qu'on peut la définir comme étant la capacité pour la France, dans le respect de ses engagements européens et internationaux, à pouvoir assurer, par elle-même, un approvisionnement en biens agricoles et agroalimentaires destinés en priorité à l'alimentation de sa population, et qui ne puisse être remise en question par les crises de toute nature susceptibles de l'affecter.

Cette définition mériterait sans doute d'être discutée, expertisée et travaillée. Mais il me semble nécessaire, au cours de la discussion de ce projet ou dans un autre cadre, de parvenir à une définition du concept qui est aujourd'hui un enjeu majeur pour notre agriculture, et plus largement pour notre pays.

Toujours est-il qu'avec ce projet, l'agriculture est pour la première fois consacrée dans un texte législatif. En effet, si l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime assigne à l'agriculture un certain nombre de missions fondamentales, il ne lui conférait pas pour autant une valeur spécifique. La pêche et l'agriculture sont désormais élevées au rang d'activités d'intérêt général majeur.

L'article 1er consacre également la notion de souveraineté alimentaire, tout en détaillant les politiques publiques visant à contribuer efficacement à sa protection. Il réécrit très largement l'article L. 1 du code précité, afin de mettre l'accent sur le rôle joué par la politique d'installation et de transmission en agriculture. L'enjeu du renouvellement des générations est en effet considérable et il nécessite une action urgente, puisque 45 % des agriculteurs cesseront leur activité d'ici à 2026.

Pour la première fois, l'article 2 vise ainsi à définir des objectifs programmatiques clairs pour les politiques d'orientation et de formation dans le domaine agricole.

L'article 3 complète les dispositions du code rural qui déterminent les missions que doivent poursuivre l'enseignement et la formation professionnelle publics et privés aux métiers de l'agriculture. Une sixième mission est ainsi dévolue aux établissements d'enseignement et de formation agricoles, qui doivent mettre en œuvre « toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ».

Quant à l'article 4, il vise à intégrer la dimension agricole dans les contrats de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles en vue d'accroître le nombre de personnes formées dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Ces deux derniers articles visent à rétablir le lien entre la société et le monde agricole, en offrant aux jeunes l'opportunité de découvrir les métiers de l'agriculture.

Il est de la responsabilité du monde agricole – qui a été associé à la rédaction de ce texte – et de la représentation nationale de décider ce que sera notre agriculture. La souveraineté alimentaire doit être construite sur des exigences solides et pérennes, et c'est précisément ce que permettra cette future loi.

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De combien de temps de parole la majorité dispose-t-elle avec cette armée mexicaine de rapporteurs ? Vous avez multiplié les traités de libre-échange, mais il n'était pas nécessaire de faire de même pour les rapporteurs – surtout pour un texte aussi vide…

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Je vous remercie de bien vouloir respecter leur travail. Vous avez déposé de nombreux amendements et vous pourrez vous exprimer lors de leur examen.

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Sauf que nous, nous n'avons pas de temps pour parler !

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Vous aurez tout le temps nécessaire. Vous savez combien je suis attaché à l'équité des temps de parole. Respectez les interventions des collègues et nous vous écouterons de la même manière lorsque votre tour viendra.

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Chaque groupe d'opposition disposera seulement de trois minutes !

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Vous aurez l'occasion de reprendre la parole lors de la discussion des amendements.

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Nous sommes réunis pour parler de l'avenir de l'agriculture et des agriculteurs, piliers de notre alimentation et de la nation.

Ces dernières années, nous avons connu des périodes troublées, marquées par des défis qui ont révélé nos faiblesses. Nous sommes arrivés à un moment critique qui impose de répondre de manière extraordinaire aux défis auxquels est confronté le monde agricole. Cette réponse passe par le texte que nous nous apprêtons à examiner. Je le conçois comme le fruit de dialogues et de consultations, d'une écoute attentive de ceux qui nous nourrissent – car ce sont eux qui connaissent la réalité et les difficultés inhérentes à l'agriculture.

Les enjeux de ce projet de loi sont multiples mais, selon moi, son objectif unique doit être d'y répondre de manière efficace et pragmatique.

Je suis heureux d'être rapporteur pour le titre II, relatif aux questions de formation, avec Nicole Le Peih, et pour le titre IV, qui concerne la simplification.

Le titre II doit répondre aux besoins de formation pour assurer le renouvellement des générations. Les seuls descendants d'agriculteurs n'y suffiront pas. Le projet a donc pour ambition de mieux faire connaître les métiers de l'agriculture, de l'amont jusqu'à l'aval. Adapter les formations aux enjeux de l'agriculture de demain est par ailleurs indispensable. Ainsi, l'article 5 prévoit de créer une formation d'enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie. Dans un contexte de transition énergétique et environnementale, bien former les agriculteurs de demain aux défis technologiques est un élément essentiel du renouvellement des générations – que cette formation soit assurée par l'enseignement public ou privé.

Être agriculteur en 2024, c'est en effet faire face à des défis qui ont beaucoup évolué et qui ne se résument plus à la simple productivité. Il faut désormais concilier la rentabilité économique, le respect des réglementations, la gestion managériale et administrative ainsi que la réduction de l'impact environnemental. Cette complexité est désormais structurelle dans les métiers de l'agriculture. Nous devons donc sécuriser et surtout simplifier l'exercice de cette activité.

Tel est l'objectif du titre IV. En l'espèce, ma vision est claire : il s'agit de revenir au bon sens et au pragmatisme, dont les agriculteurs ont toujours été les premiers à avoir fait preuve. Ce titre propose de leur rendre la vie moins difficile, tout en préservant l'environnement – deux notions que l'on a, à tort, trop souvent opposées.

L'article 13 permet d'adapter le régime de répression d'infractions au code de l'environnement, tandis que l'article 14 aborde le régime juridique des haies.

L'eau, essentielle à l'agriculture, fait l'objet de contentieux concernant certains projets d'aménagement agricole. Cela place les agriculteurs concernés dans l'incertitude, tout en allongeant et en rendant plus complexe la réalisation de ces projets. L'article 15 propose donc d'adapter notre droit en rationalisant et en accélérant les procédures contentieuses qui freinent le développement de ces derniers. Par ailleurs, l'article 18 traite des compétences des départements en matière de gestion de l'approvisionnement en eau.

Toujours dans un esprit pragmatique, l'article 16 a pour objet de sécuriser le recours aux chiens de protection de troupeaux, afin de structurer une filière dans ce domaine et de faciliter le recours à ces animaux pour protéger le bétail.

L'article 17, pour sa part, allège les contraintes qui pèsent sur les installations de valorisation des sous-produits lainiers et sur les activités aquacoles.

Enfin, l'article 19 aborde la question des conditions de représentativité des organisations professionnelles d'employeurs au niveau national et multiprofessionnel. Il s'agit d'empêcher la disparition de ces organisations, indispensables à la poursuite du dialogue social au sein de ce secteur d'activité.

Ces sujets sont d'une grande importance. Il s'agit de l'avenir de notre agriculture, de l'avenir de la terre sur laquelle poussent les récoltes – une terre dont j'aime à rappeler qu'elle ne nous appartient pas et que nous ne faisons que l'emprunter à nos enfants.

Des agriculteurs bien formés et dont le cadre de travail est simplifié constitueront rien moins que le socle sur lequel nous nous appuierons pour nous nourrir. Lors des débats, il conviendra de se rappeler qu'adopter les mesures prévues par ce texte est commandé, d'une part, par les agriculteurs et, d'autre part, par le bon sens.

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Chaque jour, près de trente exploitations agricoles disparaissent en France : durant l'examen de ce projet de loi par la commission des affaires économiques, notre pays aura ainsi perdu 150 exploitations. Le titre III vise à endiguer cette trajectoire. C'est là une condition essentielle de la protection de notre souveraineté alimentaire.

Un cap est fixé dans l'article 8 : tout mettre en œuvre pour favoriser « la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles, tout en prenant en compte les attentes socio-professionnelles et la diversité des profils concernés ». Je proposerai d'ailleurs de faire du seuil de quatre cent mille exploitations un plancher, et de graver l'atteinte de cet objectif en 2035 dans le marbre de la loi.

Pour tenir ce cap, nous devons répondre à trois impératifs. Le premier consiste à soutenir la transmissibilité des fermes et leur évolution. Assurer la durabilité sociale, économique et environnementale des exploitations est un défi dont nous devons prendre la mesure en nous appuyant sur des analyses claires. Certaines structures ne sont plus adaptées ; objectivons cette réalité pour mieux faire évoluer la ferme France. Tel est l'objet du diagnostic modulaire prévu à l'article 9, qui inclura une évaluation de la résilience de l'exploitation au changement climatique et de sa capacité à contribuer à son atténuation. Deux modules seront notamment créés : un « stress test » climatique et un diagnostic de la qualité des sols, dont nous serons probablement amenés à débattre au vu des réserves émises pendant les auditions. Je défendrai plusieurs évolutions du dispositif, en vue de le mettre au service de la viabilité – notamment économique – des exploitations et de conforter sa dimension incitative.

Le second impératif consiste à nous adapter aux profils des futurs agriculteurs, notamment ceux qui ne seront pas issus du milieu agricole, à les conseiller et à les accompagner tout au long de leur projet. C'est l'objet de l'article 10, qui prévoit la création du réseau « France services agriculture » (FSA) et d'un guichet unique qui, dans chaque chambre départementale d'agriculture, servira de « porte d'entrée » à toute la population agricole. L'intégration du futur cédant dans une démarche d'accompagnement cinq ans avant sa retraite lui permettra de préparer au mieux sa cessation d'activité et d'anticiper la prise de contact avec un repreneur potentiel.

L'agrément des structures de conseil et d'accompagnement, qui constitueront le cœur du réseau, reposera sur des cahiers des charges régionaux établis par les comités régionaux installation-transmission (Crit). Leur raccordement au répertoire départemental unique, matérialisé par une plateforme informatique commune, sera le nerf de la guerre, quand le guichet unique jouera le rôle d'interface. Je proposerai des modifications permettant de distinguer plus clairement les trois composantes du réseau FSA, d'assurer son fonctionnement pluriel et équitable, et de mieux définir ses interactions avec France Travail ou avec le diagnostic modulaire.

Alors que plus de 25 Md€ d'investissements seront nécessaires au cours des dix prochaines années pour acquérir les terres détenues par les agriculteurs qui partiront à la retraite, le troisième impératif consiste à créer les conditions économiques du rachat des exploitations et à lisser dans le temps la charge financière qui pèsera sur les jeunes. À cette fin, le texte prévoit deux dispositifs de portage.

L'article 12 consacre le GFAI, que le rapporteur propose de renommer « groupement foncier agricole d'épargne » (GFAE). Conçue sur le modèle du groupement forestier d'investissement, cette structure aura vocation à attirer des capitaux extérieurs au monde agricole pour acquérir du foncier. Pour répondre aux craintes de « financiarisation » du secteur, le rapporteur général défend une version du groupement foncier à même de garantir les droits de l'exploitant tout en ouvrant le dispositif aux personnes publiques. En complément, je proposerai d'inscrire à l'article 8 l'objectif consistant à mobiliser davantage de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole. Je crois en effet beaucoup à la montée en charge du fonds de portage Élan, abondé par la Banque des territoires et par l'État à travers le fonds « Entrepreneurs du vivant », en coopération avec les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et les collectivités territoriales, et avec la participation de banques privées.

Plus largement, afin de sécuriser économiquement le secteur, l'article 11 prévoit de renforcer les groupements d'employeurs. Le rapporteur général et moi-même présenterons en outre, dès cet automne, des mesures fiscales visant à faciliter les transmissions.

La crise que nous avons connue cet hiver a révélé les difficultés des agriculteurs, qui, à n'en pas douter, porteront une grande attention à nos décisions et à la qualité de nos débats. J'espère que nous saurons assumer nos responsabilités en adoptant les mesures proposées, qui ont fait l'objet d'une concertation de plus de six mois avec l'ensemble du secteur.

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La commission du développement durable a examiné hier près de sept cents amendements portant modification du projet de loi, avec une ambition claire : garantir la conciliation entre les objectifs d'installation de nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations et les objectifs de transitions agroécologique et climatique. C'est là une exigence incontournable, dont le respect ne portera nullement atteinte à la compétitivité de l'agriculture française, mais garantira au contraire sa résilience.

Le postulat est clair : si nous ne profitons pas du renouvellement des générations pour assurer la conformité des nouveaux modèles agricoles à l'urgence environnementale, nous placerons les agriculteurs et notre économie dans une impasse inextricable. Il est rare qu'un secteur vive un tel moment charnière. Nous devons faire de ce défi une chance et saisir cette occasion pour diversifier, restructurer et adapter les modèles de culture. Je serai attentive à ce que cette dimension systémique soit bien prise en compte dans le texte.

Trois points d'alerte ont été soulevés hier. Le premier concerne la nécessité d'assurer l'égalité de traitement entre intérêts économiques agricoles et droit de l'environnement : aucune hiérarchie – ou même apparence de hiérarchie – ne doit être établie.

Le deuxième axe a trait à l'articulation du projet de loi avec la définition internationale de la souveraineté alimentaire adoptée par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies en décembre 2018, laquelle valorise l'interdépendance des modèles agricoles et alimentaires des États – afin de ne pas confondre souveraineté et autarcie et d'encourager la solidarité internationale – et établit un lien entre souveraineté agricole et droit à l'alimentation. La production ne doit pas seulement garantir la disponibilité des denrées, mais aussi favoriser l'accès universel à une alimentation saine, durable et de qualité.

Le dernier point réside dans la nécessité de permettre la simplification administrative sans faire régresser les normes environnementales. S'il est salutaire de considérer l'installation de nouveaux projets et l'allégement des procédures administratives comme des priorités, nous devons aussi veiller à protéger les normes en vigueur et à garantir l'atteinte des objectifs fixés dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et dans la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).

Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Plusieurs références explicites à l'agriculture biologique ont été ajoutées et le principe d'un socle commun de formation à ce mode de production, assorti d'un volume horaire précis, a été acté. Afin de dépassionner les débats qui peuvent opposer agriculteurs et défenseurs de l'environnement et de limiter le risque de contentieux, la commission s'est prononcée en faveur de l'indépendance des études d'impact conduites dans le cadre des projets. Nous proposons également d'introduire une médiation lors de l'instruction des procédures de contentieux. En tant que rapporteure pour avis, je regrette néanmoins l'adoption d'une définition trop restrictive des haies, qui me semble porter atteinte à leur préservation.

J'insiste sur l'important travail d'enrichissement fourni par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je vous remercie par avance pour la considération que vous accorderez à son expertise : l'agriculture ne pourra prétendre à la compétitivité et à la souveraineté si les enjeux environnementaux sont mis de côté.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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De moins en moins de jeunes veulent devenir agriculteurs. À ce constat s'ajoute celui d'une profession dont le visage change : si, du temps de nos parents ou de nos grands-parents, chaque agriculteur était lui-même fils d'agriculteur, tel n'est plus le cas aujourd'hui et ce serait une erreur que de le déplorer. Accompagnons au contraire cette transition en épaulant mieux ceux qui, parmi les nouveaux installés, ne sont pas issus du milieu agricole – un tiers d'entre eux – et aidons l'ensemble des futurs agriculteurs dans le parcours du combattant que constitue la reprise d'une exploitation. C'est à cette fin que le texte vise à instaurer un accompagnement individualisé des personnes souhaitant s'installer en créant un guichet unique, qui permettra en outre de systématiser la mise en relation entre cédant et repreneur.

Alors que le foncier agricole représente un investissement de plus en plus lourd, l'article 12 institue un nouvel outil de portage, sur le modèle des groupements existants, et prévoit de permettre aux GFAI de lever des capitaux auprès de personnes physiques en soumettant leurs parts sociales à une offre au public. Ces capitaux ne pourront servir qu'à acquérir et à détenir du foncier agricole pour le mettre à disposition d'exploitants dans le cadre de baux ruraux à long terme. Plusieurs personnes auditionnées ayant alerté sur le risque de financiarisation du foncier agricole, les rapporteurs ont déposé un amendement afin de transformer le groupement d'investissement nouvellement créé en groupement d'épargne. Il sera soumis au droit commun applicable en matière de protection de l'usage des terres agricoles, lesquelles ne pourront pas être cédées avant dix ans.

Pour mieux préparer les futurs agriculteurs à exercer une profession toujours plus technique, le texte prévoit également de renforcer la formation, en créant un diplôme de niveau bac + 3 – que mon groupe proposera d'intituler « licence professionnelle agro-environnementale » plutôt que « Bachelor Agro » – pour permettre aux futurs professionnels d'accroître leurs compétences. Afin de susciter des vocations dès le plus jeune âge, un programme de découverte des métiers de l'agriculture sera également lancé.

Enfin, en réponse aux revendications des agriculteurs, lassés des lourdeurs administratives et des complexités réglementaires, et dans la droite ligne de la simplification de la PAC récemment adoptée par le Parlement européen, le texte comporte un volet de simplification incluant notamment la « mise à plat » des règles applicables aux haies et la réduction des délais de recours contre les projets agricoles et les retenues d'eau.

Le texte permettra ainsi de soutenir la souveraineté agricole de la France à travers trois axes stratégiques : le renouvellement des générations, l'accompagnement et la simplification.

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Marc Fesneau, ministre

Notre volonté, en créant le GFAI, consiste à créer un outil à même d'offrir les moyens financiers nécessaires aux jeunes souhaitant accéder au foncier ou reprendre une exploitation. Je rappelle que le foncier agricole est déjà, en très grande majorité, financé par des banques ou des investisseurs privés – et non par des fonds publics. En ce sens, le risque de financiarisation évoqué ne paraît pas évident. Nous y reviendrons néanmoins, car il semble effectivement important d'encadrer cet outil pour lever les doutes. L'intention du Gouvernement – que rejoint, me semble-t-il comprendre, celle du législateur – est bien de faire en sorte que les investissements soient consacrés à l'installation et d'éviter qu'un jeune souhaitant s'installer ne se trouve, en quelque sorte, mis sous tutelle.

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La montagne des vibrantes déclarations du Président de la République et du Premier ministre, accourus au chevet d'une agriculture française à bout de souffle, a accouché d'une souris législative. Alors que la mobilisation massive des fermiers semblait avoir conduit chacun à admettre que le monde agricole, plus que tout autre, a besoin de moins de contraintes, de davantage de protection contre une concurrence internationale déloyale et d'une réelle politique de soutien pour que les producteurs puissent vivre de leur travail, le projet de loi qui nous est soumis au terme d'une longue attente s'attache à ne répondre à aucun de ces problèmes majeurs, préférant en inventer d'autres, qu'il s'agira de résoudre par davantage de contraintes et qui se traduiront par plus grande vulnérabilité.

Dès l'article 1er, les objectifs de production alimentaire et de transition écologique sont allègrement brouillés, privant de toute cohérence l'inscription de la souveraineté agricole en ouverture du code rural et de la pêche maritime, mesure centrale du projet.

Le diagnostic modulaire prévu à l'article 9, conçu comme le pendant agricole du diagnostic de performance énergétique (DPE) – car ce qui a échoué quelque part ne doit-il pas être au plus vite répliqué ailleurs ? – et présenté comme un outil d'information de nature à faciliter les reprises d'exploitation, s'apparente déjà à un nouvel instrument de contrainte, qui conditionnera l'accès aux aides à l'installation.

Dans un même élan, vous proposez d'encadrer plus durement les cessions d'exploitation, en portant à cinq ans le délai de notification précédant le départ en retraite et en imposant un nouvel organisme administratif que vous semblez vouloir omniprésent dans la vie des agriculteurs.

Autre trouvaille : la création d'une nouvelle forme sociétaire, le GFAI, visiblement inspiré de la société civile de placement immobilier, qui vise à faciliter l'entrée de capitaux d'investisseurs dans les exploitations. Là encore, vous répondez à un faux problème, au risque de créer un appel d'air pour des acteurs étrangers soucieux de déposséder la France de son agriculture : le monde rural ne souffre pas de sous-investissement, mais de l'incapacité croissante des exploitants à vivre de leurs terres et de leur travail !

Parallèlement, malgré les annonces répétées depuis des mois, rien n'est prévu pour encourager les transmissions. Les mesures fiscales, notamment, sont absentes : rien sur les droits de mutation, rien sur l'imposition des plus-values, rien pour garantir un meilleur revenu aux agriculteurs.

En l'état, ce projet de loi restera dans l'histoire comme un monument érigé à la politique du vide. Nous comptons sur les amendements pour l'améliorer, plutôt que sur la politique politicienne.

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Marc Fesneau, ministre

Merci d'avoir indiqué ne pas vouloir faire de « politique politicienne » : nous voilà rassurés ! Pour ne pas répondre à la caricature par la caricature, je m'en tiendrai au fond : certaines dispositions de ce texte étaient attendues par de nombreux représentants de la profession agricole. C'est le cas notamment du guichet unique, qui facilitera les installations, mais aussi de diverses simplifications sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir – certains de vos collègues siégeant sur d'autres bancs nous reprocheront d'ailleurs d'être allés trop loin en la matière, signe que nous avons probablement trouvé un équilibre.

Sans doute devrons-nous clarifier certains points, mais présenter le GFAI comme un moyen offert aux puissances étrangères d'acquérir des terres agricoles, c'est se méprendre sur la finalité de l'outil et méconnaître la capacité de la France à prévenir de telles situations : s'il est vrai que des investisseurs étrangers peuvent acquérir du foncier agricole, nous sommes tout à fait capables de prévenir les opérations massives. Ne nous faisons pas peur inutilement ! En revanche, la nécessité de dégager des moyens supplémentaires pour permettre aux agriculteurs de s'installer est une réalité.

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Effectivement, ce texte était attendu. Il intervient après une mobilisation très forte de l'ensemble du monde agricole, que les députés du groupe LFI-NUPES ont soutenue parce qu'il revendique avant tout, de façon bien légitime, de pouvoir vivre dignement de son travail.

Comme souvent avec ce gouvernement, même si nous n'attendions rien – ou presque – de votre projet de loi, nous sommes déçus, voire en colère, car vous ne présentez pas un texte de nature à répondre aux attentes des agriculteurs, mais un projet taillé par et pour l' agrobusiness. Toutes les études le montrent et tous les acteurs de terrain le confirment : pour s'installer, un jeune a besoin de revenus dignes, de débouchés et d'un accès à la terre. Rien de tout cela ne figure dans le texte, comme le groupe de suivi parlementaire relatif à la préparation de la loi d'orientation agricole – que vous vous gardez bien de citer – l'avait d'ailleurs souligné.

La seule disposition que vous avez jugé bon d'introduire, à l'article 12, provoquera une financiarisation du foncier agricole et un accaparement des terres au profit de fonds d'épargne et d'assurance. Je m'interroge d'ailleurs sérieusement sur l'identité de l'auteur de cet article, qui se traduira par une hausse du prix des terres agricoles et ouvrira une brèche en faveur de l'agriculture capitaliste, au détriment de l'agriculture familiale, en permettant à des acteurs financiers non agricoles de posséder les outils de production des travailleurs.

Ce qui se joue, au fond, c'est la question du modèle agricole que nous voulons. Le vôtre, c'est le règne du grand marché, la compétition féroce au sein de laquelle ne pourront survivre que ceux qui seront capables de faire baisser les coûts de production, au détriment des règles sociales, environnementales et sanitaires. Chacun ici souhaite alléger autant que possible la charge bureaucratique qui pèse sur les exploitants, mais vous faites le choix, au titre IV, d'inscrire dans le droit de l'environnement des reculs très inquiétants, sans justification agricole ou alimentaire. Nous aussi avons sillonné les campagnes et rencontré des dizaines d'agriculteurs. Ils expliquent tous vouloir s'engager dans la bifurcation écologique, à condition de disposer des moyens nécessaires et d'être protégés de la concurrence. Seulement, vous préférez soutenir les accords de libre-échange, à commencer par celui qui nous lie au Canada.

Nous voulons une agriculture intensive en emplois, à forte valeur ajoutée et respectueuse de la planète. Cette agriculture existe, mais votre politique la tue à petit feu. Comme toujours depuis sept ans, vous agissez pour une minorité, au détriment des travailleurs et du vivant, en escamotant des débats cruciaux. Vous comprendrez donc que mon groupe s'opposera fermement à ce projet de loi.

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Marc Fesneau, ministre

Le groupement foncier agricole d'investissement est inspiré du groupement forestier d'investissement créé à l'initiative de l'un de mes prédécesseurs, M. Stéphane Le Foll. Le phénomène de capitalisation que vous décrivez a déjà cours : les prix du foncier agricole ont doublé, voire triplé, dernièrement, parce que la plupart de ceux qui investissent dans le foncier agricole n'ont aucun lien avec l'agriculture et n'ont d'ailleurs aucune envie de se soumettre au statut du fermage en aidant un exploitant à s'installer sur leurs terres. C'est bien pour cette raison qu'il faut agir.

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Chacun a en tête le contexte qui préside à l'examen de ce projet de loi, notamment la perspective du départ à la retraite d'un grand nombre d'agriculteurs au cours des prochaines années. L'évolution de la démographie mondiale – la terre comptera dix milliards d'habitants en 2050 – fera par ailleurs de l'agriculture le sujet du siècle : les questions d'alimentation et de gestion de l'eau seront potentiellement à l'origine de conflits, de mouvements de population et de désordres économiques. À l'échelle nationale, le mouvement lancé cet hiver par les agriculteurs, sans précédent dans sa capacité à transcender les filières, les générations et les régions, mérite toute notre attention.

Dans ce cadre, nous attendions une loi de programmation, qui définisse un cap et permette de trancher entre décroissance et production, entre souveraineté et dépendance, entre certaines organisations radicalisées et agriculteurs, entre courage politique et soumission à l'administration. Tel n'est pas l'objet de votre texte, puisque le projet de loi que vous présentez vise simplement à faciliter l'installation des exploitants et ne traite qu'une partie des revendications des agriculteurs – c'est en tout cas ainsi qu'il est perçu.

Cette remarque m'amène au contenu du texte. Nous serons vigilants quant à l'interprétation que les juges feront de l'article 1er, qui consacre l'agriculture comme une activité d'intérêt général majeur, au même titre que l'environnement. Nous nous montrerons aussi très attentifs à la question des GFAI institués à l'article 12, ce nouveau modèle suscitant des inquiétudes quant à un éventuel accaparement des terres par des entreprises – d'où l'intérêt de réserver ce dispositif aux seules personnes physiques. L'article 9, qui crée un diagnostic des sols, nous interpelle également, en raison des risques qu'il pourrait comporter. Nous regrettons enfin tout ce qui ne figure pas dans le texte, notamment l'absence de levier fiscal – une exonération des droits de succession, par exemple – pour encourager les installations.

Au vu de ces éléments, nous ferons preuve d'exigence – le groupe LR a été le plus prolifique, déposant environ 40 % des amendements qui seront examinés – et déterminerons notre position en fonction de la teneur des débats.

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Marc Fesneau, ministre

Vous avez raison de rappeler le cadre dans lequel le texte intervient : à la crise actuelle et au contexte européen s'ajoute un dérèglement géopolitique et climatique mondial, qui influera nécessairement sur les mesures à prendre pour assurer la souveraineté agricole de la France et de l'Europe.

Nous n'avons jamais prétendu que ce projet de loi permettrait de répondre à toutes les difficultés des agriculteurs : il est, c'est vrai, plutôt centré sur l'installation et sur la transmission des exploitations, ce que j'assume parfaitement. C'est pour cette raison que j'ai évoqué les mesures prévues par ailleurs et concernant la rémunération – notamment à travers une meilleure application de la loi Egalim – ou les produits phytosanitaires. Le fil directeur du présent texte est bien l'installation des agriculteurs, qui renvoie à plusieurs aspects comme la souveraineté, la simplification ou la création du GFAI, sur laquelle nous reviendrons.

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L'agriculture est vitale pour la France : elle permet d'assurer la sécurité alimentaire des Français, elle contribue activement à l'aménagement du territoire et à la biodiversité et elle dynamise la vie des villages. Mes collègues et moi-même tenons à mettre en avant les forces de notre agriculture, à rendre hommage aux agriculteurs et à souligner l'engagement de l'État, qui s'est mobilisé ces derniers mois pour répondre aux craintes et aux colères. Je salue le Premier ministre et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour leur écoute et leur réactivité.

Si nous sommes conscients des défis à relever, nous devons aussi rappeler en quoi notre modèle agricole est solide : il produit des aliments répondant aux plus hautes exigences de qualité, qui font la fierté de nos concitoyens ; l'État investit massivement pour réussir la transition écologique et relever les défis technologiques à travers le plan « France 2030 ».

Alors qu'un agriculteur sur deux partira à la retraite d'ici à 2030, le projet de loi fixe un cap clair pour assurer notre souveraineté alimentaire, réduire nos dépendances et faciliter l'installation des agriculteurs et la transmission des exploitations. Le réseau « France services agriculture », le « Bachelor Agro » et le « stress test » conduit avant la transmission des exploitations seront autant d'outils mis à disposition des nouvelles générations pour atteindre ces objectifs – sans oublier la simplification, qui, loin de nuire à l'environnement, favorisera la plantation de haies en facilitant leur gestion, tout en allégeant les procédures et les contrôles.

Notre groupe défendra des amendements visant à renforcer l'accompagnement et la préparation aux contrôles administratifs, à encourager la structuration des filières, à préciser les missions des GFAI, à définir une procédure de règlement des différends en cas de difficulté lors de l'examen local des projets d'installation, à clarifier les modalités de réalisation du diagnostic des sols, à enrichir les programmes d'enseignement agricole et à reconnaître le rôle de la sylviculture dans la production de biomasse et la décarbonation de l'économie.

Si d'autres textes viendront apporter des réponses pour protéger le revenu des agriculteurs, ne nous y trompons pas : les exploitants, notamment les plus jeunes, attendent cette loi d'orientation. J'espère que nos débats permettront de l'enrichir, afin qu'ils puissent travailler dans un environnement sécurisé et résilient face au changement climatique. Vous pourrez en tout cas compter sur notre pleine implication.

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Marc Fesneau, ministre

Dans le moment que nous traversons, il me semble nécessaire de repenser les dispositifs de formation existants à l'aune de plusieurs enjeux. Le premier est celui du dérèglement climatique, qui doit conduire à privilégier des formations globales plutôt que des modules spécifiques à chaque filière. Le second est celui de la gestion du risque, tous les dérèglements évoqués étant susceptibles à fragiliser les exploitations à moyen ou à long terme. Nous devrons consacrer des moyens supplémentaires pour orienter les formations en ce sens.

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Ce qui frappe, dans ce projet de loi, c'est une forme de dissociation entre la gravité du diagnostic et la faiblesse, voire la dangerosité, du texte. Le mur climatique et la falaise démographique menacent non seulement le monde paysan, mais aussi nos sociétés, la civilisation rurale et notre terre : c'est donc à raison que notre collègue Julien Dive a souligné que l'alimentation représente un enjeu géopolitique crucial. Face à ce constat, les mesures proposées dans le texte ne manquent pas d'étonner. Elles me semblent pouvoir être classées en trois catégories.

La première regroupe des mesures qui, sans être insignifiantes ou inintéressantes, restent mineures et ne relèvent nullement d'une loi d'orientation. Nous les considérons avec bienveillance et travaillerons à les améliorer par amendement.

La deuxième catégorie est constituée de dispositions relatives à l'environnement, qui touchent à la hiérarchie juridique existante et nous apparaissent comme des promesses empoisonnées : en plaçant l'agriculture au-dessus de tout plutôt que de bâtir un contrat social fondé sur l'équilibre des droits et des devoirs et sur la prise en compte des limites planétaires, vous empêchez le monde paysan et la société d'avancer main dans la main et de réconcilier le maintien des fonctions de production du secteur agricole et la protection de nos écosystèmes. Ce faisant, vous ne rendez pas service au monde paysan. Vous lui faites même une promesse dont une analyse juridique approfondie pourrait bien prouver le caractère fallacieux : si vous entendez effectivement faire prévaloir la protection de l'agriculture sur la Charte de l'environnement, une révision constitutionnelle est nécessaire ; sinon, vous vous contentez de faire une vaine promesse aux agriculteurs. Une clarification sera donc la bienvenue.

Tout cela serait assez secondaire sans la troisième catégorie de mesures, qui traitent de la question centrale de la terre. Si l'on veut renouveler les générations, il faut réguler le marché foncier. Si l'on veut réussir la transition agroécologique, comme le Haut Conseil pour le climat l'a encore rappelé dans son rapport du mois de janvier, il faut faire le contraire de ce que vous vous apprêtez à faire avec zèle – à savoir déréguler la PAC sur les prairies, les rotations et les infrastructures écologiques. La question cruciale, la seule qui comptera au regard de l'histoire, c'est celle des sols et du partage de la terre : sommes-nous capables de réparer les lois foncières de 1962, qui ont été modernisées au fil du temps, ou bien continuerons-nous à les détricoter ?

Pour tenter d'éteindre l'incendie de l'accaparement des terres, vous utilisez un lance-flammes, le GFAE, une sorte de GFAI relooké – soit le contraire de ce que le monde paysan a essayé de bâtir en matière de régulation et de prospérité, à la fois écologique et sociale. C'est absolument incompréhensible et c'est indigne de la tradition politique que vous incarnez, Monsieur le ministre.

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Marc Fesneau, ministre

Il faut opérer des transitions : il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus. Mais il ne faut pas confondre la loi et les politiques publiques. J'ai rappelé dans mon propos liminaire que nous consacrons plus de 800 M€ en crédits de paiement à la transition sur l'année 2024. Le plan Protéines végétales, la recherche d'alternatives aux produits phytosanitaires, le Pacte en faveur de la haie : si ce ne sont pas des transitions, je ne sais pas ce que c'est ! Je ne suis pas certain qu'il faille tout mettre dans la loi ; l'essentiel, pour moi, c'est le « sonnant et trébuchant ».

Nous aurons par ailleurs un débat sur la question foncière. Je ne fais pas la même lecture que vous du GFAI et je pense que nous pourrions être d'accord sur un certain nombre d'objectifs.

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Initialement, j'avais pensé qu'il s'agissait d'une loi d'orientation, mais je pense désormais qu'il serait plus objectif de dire qu'il s'agit d'une loi sur la formation et l'installation. Ce serait la meilleure façon de ne pas nourrir de faux espoirs vis-à-vis des agriculteurs, notamment vis-à-vis des candidats à l'installation.

Vous l'avez dit, Monsieur le ministre : il s'agit de former et d'installer plus, c'est-à-dire d'endiguer la chute du nombre d'exploitations agricoles. Le rapporteur Pascal Lecamp a rappelé tout à l'heure que trente exploitations agricoles disparaissent chaque jour en France. On en compte désormais moins de quatre cent mille : voilà le défi que nous avons à relever.

Pour favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, qu'ils soient ou non issus du monde agricole, la question qu'il faut traiter en priorité, c'est le partage du foncier. Il va falloir que l'on apprenne à partager le foncier et je m'adresse, en disant cela, au président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), que nous avons auditionné il y a quelques semaines. Il va falloir partager et travailler sur la régulation et la spéculation.

Je regrette que le texte ne détaille pas plus précisément les différentes fonctions que peut remplir l'agriculture en 2024 : à côté de sa fonction première, qui est de nourrir, elle peut aussi contribuer à produire de l'énergie, par exemple avec la filière bois-énergie ; elle a aussi une fonction de protection de l'environnement et de la biodiversité et, enfin, d'aménagement du territoire et de la ruralité. En voyant ce qui se passe en ce moment à Sciences-Po, dont les élèves ont vocation à devenir les futures élites du pays, je comprends mieux pourquoi une partie de la population se sent éloignée de ses élites… L'agriculture, le monde agricole et la ruralité, ce sont aussi des valeurs humaines et humanistes, dont nous devrions pouvoir parler dans un projet de loi d'orientation agricole.

Enfin, j'aimerais que l'on précise l'articulation entre ce projet de loi dit « d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture » et la politique agricole commune de l'Union européenne, qui nécessite, quant à elle, une réorientation. J'aimerais aussi que l'on parle davantage de l'élevage et du rôle des prairies, qui sont des filtres à eau et des pièges à carbone et qui, par le pâturage, peuvent garantir l'autonomie protéique du pays. La question des prairies, c'est aussi celle de la qualité de la matière organique de nos sols.

Nous avons déposé des amendements sur ces différents sujets, que nous souhaitons voir abordés. Je ne sais pas encore si je voterai ce texte : cela dépendra en grande partie du sort qui aura été réservé à nos amendements.

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Marc Fesneau, ministre

L'urgence, vous l'avez dit, c'est d'endiguer la chute démographique : c'est à la fois un enjeu d'aménagement du territoire et de souveraineté. Il y a un seuil en deçà duquel la question de la capacité à produire et de la transmission des outils va devenir critique – et nous y sommes.

Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais vous avez raison de dire que les terres agricoles ont vocation à produire de l'alimentation, mais aussi de l'énergie à partir de la biomasse : le texte le dit et nous devrons travailler là-dessus.

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Cette loi, ce n'est pas la montagne… mais la campagne qui accouche d'une souris ! Dans ce texte que le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé dès 2022 et dont l'examen a été reporté à plusieurs reprises, il y a finalement plus de vide que de plein.

Ce projet de loi passe à côté de l'essentiel des revendications formulées lors des mobilisations agricoles de l'hiver. Il ne dit rien sur les rémunérations, rien sur la répartition de la valeur, rien sur les dangers des traités de libre-échange pour notre souveraineté alimentaire ; rien, enfin, sur la déclinaison de la nouvelle PAC, qui se fait sans véritable accompagnement des services publics dans les fermes. On a tellement taillé les branches des services publics de l'État qu'on les a réduits à des fonctions de contrôle tatillon, alors qu'ils devraient avoir un rôle d'accompagnement, ce qui est évidemment très mal vécu par nos agriculteurs.

Hier, avec le président André Chassaigne, nous avons réuni des agriculteurs chez moi, à Quièvrecourt, dans le pays de Bray, une terre d'élevage laitier et de haies. Nous voulions les écouter et prendre le pouls de la situation avant le débat parlementaire. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que cette loi « ne casse pas trois pattes à un canard ». Elle ne suscite, pour le moment, qu'une large indifférence. Où sont passées, par exemple, la question des prix rémunérateurs et celle du libre-échange, que vous cherchez à soustraire au regard du Parlement ?

J'aimerais vous faire entendre les mots que j'ai entendus hier. Les agriculteurs nous ont dit que l'élevage laitier dévisse, sans réaction des pouvoirs publics, que la filière bio est en friche, pas suffisamment accompagnée, qu'on ne fait pas grand-chose pour l'installation des jeunes hors du cadre familial, alors qu'eux aussi ont le droit d'être paysans. Ils nous ont dit que le groupement foncier agricole d'investissement risque d'être détourné et de ne financer que des agrandissements, que les fonds d'investissement « ne font pas l'amour à l'œil » et qu'ils demanderont des contreparties lucratives immédiates, que l'excès de réglementation va tuer les herbages et les haies. Un agriculteur m'a dit : « La déclinaison de la PAC, même ingénieur, je n'y arrive pas. » Un autre a expliqué qu'une simple erreur sur le formulaire se paye cher.

On nous a dit encore que pour les échéanciers de paiement de la Mutualité sociale agricole (MSA), il faudrait, en cas de difficulté, porter la limite de deux à sept ans, que les cotisants solidaires sont exclus de la retraite agricole, que la hausse de la CSG a siphonné l'augmentation des pensions de retraite, qui se résume à 4 euros pour un grand nombre d'entre eux, que les pensions de réversion sont les perdantes de la retraite agricole, que les aides d'urgence pour le bio n'ont pas été accordées à ceux qui n'ont pas un grand compte dans un centre de gestion agréé, qu'il n'y a pas de vraie valorisation d'exploitation pour ce qui relève du service environnemental et que la loi Egalim ne s'applique pas aux produits d'exportation – ni même, d'ailleurs, aux produits vendus chez nous. Quand un agriculteur plante une haie, il faut le sécuriser sur le fait que la réglementation n'évoluera pas. L'un d'eux disait encore hier : « Chacun veut la rondelle de saucisson à l'apéro, mais personne ne veut l'élevage de cochons. »

Dans votre texte, il y a la charrue, mais pas les bœufs. Nous allons nous battre, dans les discussions qui s'ouvrent, pour une agriculture à taille humaine, qui rémunère correctement les producteurs, qui assure le renouvellement des générations et qui nous permette de regagner notre souveraineté alimentaire.

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Marc Fesneau, ministre

Si l'on veut tenir un discours de vérité aux paysans, on ne peut pas leur dire que l'on va, dans un projet de loi national, modifier la PAC. Leur dire cela, c'est forcément les décevoir. Certes, il y a une déclinaison nationale de la PAC, avec le plan stratégique national, mais on ne peut pas déroger aux règles communes. Ce qui fait mal à l'agriculture, ce sont les fausses promesses.

Vous avez évoqué l'élevage : la simplification des procédures va permettre l'essor de tous les types d'élevage, y compris ceux de cochons.

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Cela fait deux ans que nous attendons ce projet de loi, qui devait être « d'orientation et d'avenir ». Il en a perdu le nom, mais aussi le fond, puisqu'il ne fixe aucun objectif et que ses articles sont soit inutiles et vides, soit dangereux pour le droit de l'environnement.

Ce projet de loi n'est ni d'orientation, ni d'avenir, puisqu'il poursuit ce qui a été fait jusqu'ici et qui a conduit à un échec. En dix ans, la France a perdu cent mille agriculteurs et agricultrices : c'est un gigantesque plan social qui se joue dans nos campagnes. Ce n'est pas seulement l'agriculture qui meurt : ce sont nos villages qui se vident et les paysages qui se referment. Les inégalités se creusent dans le monde agricole et un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Ne pouvant déterminer leurs propres prix, ils dépendent d'une chaîne de valeur où les industriels du secteur phytosanitaire, aux mains des Chinois et des Américains, les agro-industriels qui vont chercher de meilleurs marchés ailleurs grâce à vos accords de libre-échange – je pense à Lactalis – et la grande distribution s'engraissent sur leur impuissance.

Les milliers d'hectares de haies qui disparaissent, la fertilité des sols qui s'effondre, les pollinisateurs qui auront disparu d'ici à la fin du siècle, les captages d'eau potable qui ferment, des pertes qui atteignent 20 %, 30 %, voire 100 % de la production... La semaine dernière encore, le gel a frappé, après quatorze mois consécutifs au-dessus des normales saisonnières. Vignerons, arboriculteurs, éleveurs, maraîchers, apiculteurs : nous sommes en train d'accélérer leur entrée dans l'ère de l'incertain. « C'est le propre du travail avec le vivant », me direz-vous. Eh bien non, mes chers collègues : cette incertitude, cette impuissance, cette insécurité, c'est le propre de l'inaction climatique, de la destruction des écosystèmes, puis de la mal-adaptation et de la fuite en avant.

Votre politique, c'est de ne pas choisir, alors même que certains modèles servent l'intérêt général, quand d'autres le menacent, et que le mythe de la diversité des modèles n'en soutient en réalité qu'un seul, celui de l'agro-industrie, qui met à mort l'agriculture familiale, paysanne et pastorale, qui ne peut pas lutter contre la concentration des terres et des ressources dans les mains de quelques-uns.

Il importe, enfin, de revenir au sens des mots. La souveraineté alimentaire, c'est un choix clair : c'est la possibilité, pour les peuples, de déterminer leur politique agricole pour et par eux-mêmes, et non pour satisfaire des impératifs de compétitivité imposés par une globalisation non régulée. La sécurité en agriculture, ce n'est pas mettre plus de moyens pour accélérer l'effondrement du vivant en faisant des feux de joie autour de la diversité des modèles. Assurer la sécurité des agriculteurs, c'est protéger leur métier, leurs revenus, leur santé ; c'est garantir qu'en regardant leurs enfants, ils auront envie de leur transmettre l'histoire d'une vie, que représente souvent une ferme, en sachant qu'ils leur lèguent des métiers rémunérateurs, où ils pourront s'épanouir, expérimenter, s'inscrire dans des écosystèmes vivants, produire une alimentation saine et de qualité et en être fiers.

Ce projet de loi n'est définitivement pas un projet d'orientation et d'avenir. Et pourtant, il y avait tant d'attentes et tant de besoins… Ce texte, c'est du gâchis : non seulement il ne répond pas aux besoins, non seulement il est vide, mais vous l'avez même rendu dangereux, à force de dévoyer le sens des mots. « Ce qui importe avant tout, c'est que le sens gouverne le choix des mots et non l'inverse », disait George Orwell.

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Marc Fesneau, ministre

Notre texte vise justement à répondre aux questions que vous soulevez. J'ai déjà indiqué qu'une politique publique, ce sont à la fois des lois, une réglementation, des moyens budgétaires et une trajectoire européenne – particulièrement dans le secteur agricole, qui est éminemment européen. Il faut entendre ce que nous disent les agriculteurs : ils se plaignent de ne pas comprendre ce qu'on leur demande et de la surréglementation. Je ne peux pas vous laisser dire que ce texte est vide, puisqu'il traite de la question de la formation et de l'installation et qu'il vise à préparer les agriculteurs au défi climatique.

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À la colère et à la détresse qu'ont fait entendre les agriculteurs en janvier dernier, le Gouvernement a fait le choix de répondre avec un projet de loi lacunaire. Il n'y a pas un mot sur le revenu des paysans, alors que garantir une rémunération décente à ceux qui travaillent la terre est un préalable essentiel pour rendre de nouveau le métier attractif.

De même, la question du foncier agricole est absente du texte. L'artificialisation des terres et les phénomènes de concentration ont encore de beaux jours devant eux, au détriment du renouvellement des générations et des enjeux environnementaux et alimentaires. Rien n'est prévu non plus concernant les débouchés de notre agriculture, la structuration des filières et la politique agro-industrielle.

J'ai entendu, Monsieur le ministre, que ce texte n'était que l'un des éléments de votre réponse à la crise et vous avez promis d'autres projets de loi et d'autres mesures, dont nous ne connaissons toutefois ni le contenu, ni l'orientation. Vous nous condamnez donc à naviguer à vue, avec un projet de loi d'orientation qui ne fixe pas réellement de cap.

Certaines des mesures que vous proposez suscitent des inquiétudes. Les groupements fonciers agricoles d'investissement, par exemple, pourraient devenir des instruments de spéculation et renchérir le prix des terres. D'autres font naître des interrogations : qui financera les diagnostics modulaires ? Seront-ils optionnels ou obligatoires ? Quelle sera leur finalité ? Faut-il y voir une sorte de « diagnostic de performance énergétique » (DPE) pour les sols ou un instrument de développement au service des exploitations ? Le guichet unique suscite, lui aussi, des préoccupations : comment garantir le pluralisme des structures agréées et des types d'exploitations accompagnées ?

Ce texte, enfin, suscite des regrets, car il est une occasion manquée de remettre du bon sens paysan au cœur de la politique agricole. Vous faites rimer simplification avec renoncement environnemental. Nous considérons pour notre part que la simplification devrait passer par une plus grande adaptabilité des règles aux contraintes climatiques et environnementales de chacun des territoires qui constituent la ferme France.

En bref, nous sommes loin de la grande loi d'orientation agricole annoncée par le Gouvernement. Le groupe LIOT tentera, dans la mesure du possible, de pallier les lacunes du texte, afin que nous puissions atteindre notre objectif de souveraineté alimentaire.

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Marc Fesneau, ministre

Aucune loi, même d'orientation, ne peut embrasser tous les sujets. Du reste, si c'était le cas, nous n'aurions pas à nous réunir aujourd'hui : d'autres lois d'orientation ont été votées par le passé et pourtant elles n'ont pas réglé tous les problèmes. Mais chaque loi a son utilité et cette loi d'orientation est au service d'un projet, celui du renouvellement des générations.

Je ne peux pas vous laisser dire que nous n'aurions pas répondu à la crise. Les agriculteurs eux-mêmes reconnaissent que nous avons agi, dans deux domaines au moins : celui de la simplification et celui des moyens. Demandez aux viticulteurs, qui bénéficient des mesures d'arrachage temporaire ou définitif, ou aux éleveurs, à qui l'on a accordé une mesure sociale et fiscale. Ce n'est pas avec ce projet de loi que nous répondons à la crise, mais avec des moyens, des orientations et de la simplification. Si nous avions voulu tout mettre dans le même texte, nous aurions quatre-vingts ou cent articles, ce qui n'aurait aucun sens. Il faut éviter les lois bavardes : il faut nous contenter de donner des orientations, sans entrer trop dans le détail, car cela risquerait de figer les choses – or c'est de cela que les agriculteurs se plaignent.

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Ce texte ne dit pas un mot de l'agroécologie et les mots « agriculture biologique » n'y figurent pas. Or la filière bio est en crise et ses ventes sont en baisse : elles ont reculé de 4 % en 2022.

La filière est pourtant très attractive, puisque 50 % des agriculteurs bio ne sont pas issus du monde agricole. Il y a donc urgence à lui venir en aide. Plusieurs études, dont celle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) intitulée « Une agriculture biologique pour nourrir l'Europe en 2050 », montrent qu'un système agroalimentaire bio et durable permettrait de renforcer l'autonomie de l'Europe, de nourrir la population attendue en 2050 et d'exporter encore des céréales vers les pays qui en ont besoin.

Une autre agriculture est donc possible et il est faux de dire que nous n'avons pas le choix : il faut juste une volonté politique. Vous ne respectez même pas l'objectif de 15 % des surfaces agricoles en bio que vous aviez vous-même fixé en 2022 ! Ce que nous proposons, c'est une caisse de défaisance pour reprendre la dette des agriculteurs qui souhaiteraient se convertir au bio et l'application effective de la loi Egalim. Pourquoi tant de mépris pour l'agriculture bio ? Que reprochez-vous aux agriculteurs bio ?

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Plus que jamais, le secteur agricole est à l'avant-garde du combat politique pour reconquérir notre souveraineté alimentaire. Nous devons réhabiliter l'acte de produire et rassurer nos jeunes, qui ont la vocation d'exercer ce beau métier d'agriculteur. Nos agriculteurs savent produire des produits de grande qualité. Nous devons les accompagner et les aider, faciliter l'acte de produire et lever les contraintes qui pèsent sur eux. Or votre texte ne prévoit rien, ou presque, en matière de fiscalité, de simplification administrative, de compétitivité et, surtout, au sujet du revenu des agriculteurs. Comptez-vous, Monsieur le ministre, corriger ces lacunes majeures de votre projet de loi ?

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J'interviens seulement pour déplorer l'organisation de nos travaux, avec des commissions dont les réunions se chevauchent. Nous avons assisté, au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, au piétinement de notre travail. Alors que la formation et le renouvellement des générations sont au cœur de ce projet de loi, notre commission ne disposait que de deux heures pour examiner cinq articles et plus de deux cents amendements. Résultat : nous n'avons débattu que d'un seul article et n'avons même pas abordé la question du Bachelor. Je regrette que les débats n'aient pas été organisés d'une façon convenable, dans le respect du travail des députés, de la société civile et des syndicats, qui se sont mobilisés sur la question de la formation. Notre commission, qui avait été saisie pour avis, n'a même pas pu le donner.

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J'aimerais revenir sur la réponse que vous avez faite à Sébastien Jumel concernant la politique agricole commune. Vous savez très bien que les grandes orientations de la PAC se déclinent au sein de chaque État dans des plans stratégiques nationaux : vous y avez d'ailleurs fait allusion. Or ce que l'on constate, c'est que les choix qui ont été faits par la France ne favorisent pas la transition écologique. Les agriculteurs de notre pays sont prêts à modifier leurs pratiques agricoles et à utiliser moins de pesticides : ils ont d'ailleurs commencé à le faire. Mais ils demandent à être accompagnés et à bénéficier d'une incitation financière. Or la France a fait le choix de ne déshabiller personne, surtout pas les plus gros, qui touchent des sommes énormes grâce à la politique agricole commune. En se pliant aux exigences de ceux qui « touchent le grisbi » et ne veulent pas le lâcher, on ne peut pas mener une politique favorisant la mutation de notre agriculture.

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Comme plusieurs collègues l'ont noté avant moi, ce texte n'est pas un projet de loi d'orientation. Je vous renvoie, Monsieur le ministre, à la loi de 1962 : on pouvait être pour ou contre, mais la loi Pisani était une loi d'orientation.

Monsieur le président, je suis très étonné que vous ayez déclaré contraires à l'article 45 de notre Constitution tous nos amendements fiscaux relatifs à la transmission, car il ne peut pas y avoir d'installation sans aménagement de la transmission du foncier. Nous redéposerons ces amendements en séance publique et je ferai appel au président de la commission de finances. Pour être très précis, vous n'avez retenu que deux amendements fiscaux, qui n'étaient d'ailleurs pas très différents des nôtres. On ne peut pas travailler de cette manière.

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Nous sommes très déçus par ce projet de loi, que nous attendions depuis deux ans, car il fait l'impasse sur les questions essentielles que sont la transition agroécologique et les revenus des agriculteurs – ce qui est cohérent avec la bataille que vous avez menée contre notre proposition de loi relative aux prix plancher. Il donne par ailleurs une définition très floue de la souveraineté, sur laquelle il faudra revenir.

Vous appelez, Monsieur le ministre, au renouvellement des générations, mais j'aimerais que vous nous exposiez votre ambition en la matière. La majorité des agriculteurs est en grande difficulté et nombre d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté : s'il s'agit de maintenir cet état de fait, le renouvellement que vous appelez de vos vœux n'est pas acceptable. Il faut plus d'agriculteurs, de fermes et d'exploitations, mais il faut aussi leur garantir des revenus. Or votre texte ne fait rien pour cela.

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Hier, devant la commission du développement durable, un amendement de notre groupe a été adopté, avec le soutien de la rapporteure pour avis, et le président de la commission s'est engagé à ce qu'il ne soit pas repoussé au titre de l'article 45. Il vise à renforcer l'article 44 de la loi Egalim et notre souveraineté alimentaire. Or je constate qu'il n'est pas prévu que nous en débattions au sein de notre commission, ce qui est regrettable.

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Pas moins de quatre lois agricoles vont être débattues en 2024 : la loi relative aux produits phytosanitaires, la nouvelle loi Egalim, un texte relatif à l'agrivoltaïsme et le présent projet de loi. Ce dernier est le seul sur lequel nous aurions pu faire des propositions relatives à l'agriculture de groupe, aux groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec) et à l'humain. Or il a été conçu de telle manière, et le choix de la recevabilité des amendements a été fait de telle manière, que nous n'avons pas pu accrocher des propositions qui, à mon avis, nous auraient pourtant tous rassemblés, car elles sont issues de l'expérience pratique du mouvement associatif et coopératif. Quel gâchis !

Autre manque : les quelque 1,5 million de salariés agricoles, qui travaillent dans les chambres, les fermes et l'agroalimentaire n'ont pas été consultés en amont de l'examen du projet de loi.

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Dans nos territoires pluriels, il n'y a pas « une » agriculture, mais « des » agricultures qui demandent des réponses adaptées. Hélas, une fois de plus, nous sommes face à un texte qui ne propose rien pour les outre-mer. Pourtant, la question de la souveraineté alimentaire se pose aussi dans nos territoires, mais différemment : elle concerne par exemple l'accès au foncier et sa préservation et la diversification des filières. Alors qu'il faudrait adapter la norme en fonction de la géographie et du climat, le projet de loi continue à imposer une réponse unique. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements pour corriger le tir. Mais celui qui est le plus important et qui a un lien direct avec le texte, quoi qu'en disent les services, a été déclaré irrecevable. C'est incompréhensible !

Il manque du bon sens paysan dans ce projet de loi pour simplifier la vie des agriculteurs. C'est une députée ancrée localement, avec un mandat de conseillère municipale dans la commune du Tampon, grenier à blé de La Réunion, et une petite fille d'agriculteur qui vous le dit, en toute humilité.

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Nombre de mes collègues l'ont dit : ce texte n'est pas une loi d'orientation, ni une loi d'avenir. Nos amendements auraient pu enrichir le débat en soulevant des sujets importants, mais nombre d'entre eux ont été déclarés irrecevables. Les questions des nuisibles, du stockage de l'eau, de la surtransposition, de la définition de la zone humide, qui entrave nos agriculteurs, de l'affichage et de l'étiquetage, ainsi que toutes les questions relatives à la simplification, que vous appeliez de vos vœux, ne trouveront finalement pas place dans nos débats. Je le déplore.

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Comme mes collègues, je regrette que certains de nos amendements relatifs à l'attractivité économique et à la compétitivité de notre agriculture ne puissent être examinés. Vous dites que la priorité est le renouvellement des générations. Nous devons renouveler un tiers de nos agriculteurs dans les dix années à venir : pensez-vous vraiment que la formation suffira à accroître l'attractivité du métier ? Pour ma part, je pense qu'il faut surtout travailler sur la question de la compétitivité. Or nos propositions ne trouveront pas place dans ce texte, ni dans les autres textes qui ont été annoncés – je partage sur ce point l'avis de notre collègue Dominique Potier. Nous restons donc un peu sur notre faim.

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Avant de donner la parole au ministre, je tiens à dire un mot au sujet de la recevabilité des amendements. Nous déclarons un amendement irrecevable au titre de l'article 45 lorsqu'il n'a pas « d'accroche » sur le texte. C'est la raison pour laquelle nous avons écarté les amendements relatifs aux produits phytosanitaires ou à la fiscalité – pour répondre à M. Charles de Courson. Vous pourrez déposer des amendements relatifs à la fiscalité sur le projet de loi de finances.

Cela étant dit, je vous invite évidemment à redéposer vos amendements en vue de l'examen du texte en séance publique. Les services de la séance feront peut-être preuve de plus de souplesse dans l'application de l'article 45. Nous avons fait preuve d'équité et traité tous les groupes de la même manière ; nous avons déclaré irrecevables des amendements du Gouvernement, parce qu'ils ne trouvaient pas d'accroche dans le texte. S'agissant de l'amendement de la commission du développement durable, nous avons considéré d'emblée qu'il était irrecevable. La commission du développement durable en avait décidé autrement : nous pourrons y revenir le moment venu.

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Marc Fesneau, ministre

Madame Chikirou, je ne sais pas où vous voyez du mépris pour le bio. Je considère que c'est l'une des voies d'avenir pour l'agriculture. Vous dites que nous n'avons pas atteint notre objectif en termes de surface, mais cet objectif est fixé pour la fin de la PAC 2023-2027 et nous ne sommes encore que dans la première année. Sous les deux précédents quinquennats, depuis l'époque où Stéphane Le Foll était ministre de l'agriculture, les surfaces dédiées au bio ont significativement augmenté en France : avec 10 %, nous avons la surface la plus importante d'Europe. Alors arrêtons de dire en permanence que les choses n'avancent pas ! Il est vrai que le secteur est en crise : c'est pourquoi nous lui avons consacré 100 M€ en 2023, auxquels on a ajouté 90 M€ d'aide d'urgence. Il importe aussi de stimuler la consommation : c'est pourquoi nous consacrons des moyens importants à la communication.

Monsieur Vigier, vous insistez sur la nécessité de reconquérir notre souveraineté alimentaire. Je répète ce que j'ai déjà dit : certaines questions trouveront leur réponse dans les politiques publiques et d'autres dans la loi Egalim, où plusieurs questions se poseront. Quels sont les indicateurs des coûts de production ? De quelle manière les lois précédentes ont-elles été dévoyées ? Quelles sont les filières qui entrent dans le dispositif et celles qui continuent à ne pas vouloir y rentrer ? Se posera, enfin, la question de la contractualisation, qui se pose aussi à propos de la mesure fiscale et sociale prise en faveur de l'élevage : à terme, l'idée est que cette mesure bénéficie à ceux qui contractualisent plutôt qu'à ceux qui ne le font pas, car c'est l'intérêt des agriculteurs. Mais tout cela n'a pas sa place dans ce projet de loi.

La souveraineté est un tout. Nous avons consacré un plan de souveraineté aux fruits et légumes, qui touche notamment à l'investissement, à la recherche et à l'innovation. Heureusement qu'il n'a pas été intégré dans une loi ! Cela l'aurait rigidifié. Les opérateurs en sont d'ailleurs plutôt satisfaits. La souveraineté passe aussi par des politiques publiques.

Comme vous le savez, Monsieur Chassaigne, l'acte de base de la politique agricole commune est décliné dans un plan stratégique national qui est, somme toute, le produit d'un dialogue entre les États membres et la Commission européenne. Une loi n'a pas vocation, par exemple, à augmenter les montants destinés à l'agriculture biologique : il faut prendre en compte un équilibre global – au reste, nous serions vite rattrapés par la patrouille européenne. Nous pourrons mener une réflexion sur la PAC lors de la révision à mi-parcours, mais ce n'est pas un objet législatif.

Par ailleurs, monsieur de Courson, les aspects relatifs à la formation, à l'installation et à la transmission contribuent bel et bien à l'orientation de notre politique agricole.

Quant à la cible du nombre d'agriculteurs, Monsieur Fournier, nous en débattrons lors de l'examen des amendements.

Je rappellerai à M. Potier que les salariés agricoles ont été associés à toutes les concertations, y compris lorsque j'ai présenté le pacte d'orientation en Normandie. Évitons de faire la « radio tam-tam » de ce que, pour pouvoir le dénoncer, on dit avoir entendu au cours de telle ou telle réunion… Au reste, la question agricole ne se limite pas aux chefs d'exploitation : elle concerne aussi leurs salariés ; le dispositif de formation doit répondre à leurs besoins. Je me réjouis d'ailleurs de vous entendre parler du secteur agroalimentaire sans fustiger caricaturalement l'« agrobusiness ». Ayons du respect pour les salariés qui travaillent dans les abattoirs ou dans les groupes laitiers, qui se dévouent pour produire une alimentation sûre. Ce n'est pas en stigmatisant les groupes agroalimentaires que nous y attirerons des candidats.

Enfin, Madame Bassire, nous aurons l'occasion de parler des spécificités des territoires d'outre-mer.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 40.

TITRE IER DÉFINIR NOS POLITIQUES EN FAVEUR DU RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS AU REGARD DE L'OBJECTIF DE SOUVERAINETÉ DE LA France

Avant l'article 1er

Amendement CE1 de M. Fabrice Brun

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Nous souhaitons que le titre Ier évoque « les principales politiques » plutôt que « nos politiques » en faveur du renouvellement des générations.

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Avis défavorable : nous devons définir l'ensemble des politiques publiques en faveur du renouvellement des générations, sans nous limiter aux principales.

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Marc Fesneau, ministre

Même avis.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE874 de M. Jean-Luc Bourgeaux

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Il s'agit de renommer l'intitulé du titre Ier, en parlant « de l'installation et de la transmission en agriculture » plutôt que « du renouvellement des générations ».

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Le renouvellement des générations est une ambition plus vaste que l'installation des agriculteurs et la transmission des exploitations. Avis défavorable.

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Marc Fesneau, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CE1608 de Mme Mathilde Hignet, CE3023 et CE3022 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

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Le constat est alarmant : le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par quatre en cinquante ans, passant de 1,5 million en 1970 à 390 000 aujourd'hui. Les exploitants agricoles ne représentent plus que 1,5 % des actifs, contre 7,1 % il y a quarante ans. Benjamin, dont j'ai visité la ferme dans le Morbihan, me disait sa frayeur d'être parmi les derniers paysans.

Pour remédier à ce plan social massif, nous proposons d'inscrire dans la loi l'objectif de 1 million d'exploitations agricoles en 2050, ce qui implique de doubler le nombre d'installations dans les dix ans à venir. Les candidats à la profession d'agriculteur ne manquent pas ; les freins résident dans des prix fonciers trop élevés et dans des revenus trop faibles.

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Depuis quarante ans se produit un plan social massif et silencieux : le nombre d'agriculteurs s'amenuise d'année en année – de plus de 2,5 millions en 1955, il est passé à moins de quatre cent mille. La capitalisation croissante des terres et des fermes, leur accaparement et leur concentration freinent l'installation d'exploitants. Les territoires ruraux voient partir leurs emplois et leurs familles ; ils deviennent résidentiels et perdent leur vitalité.

Il est essentiel de conserver un vivier d'agriculteurs et d'agricultrices dans l'ensemble du territoire pour relocaliser notre alimentation, engager la transition agroécologique des modes de production et assurer notre souveraineté alimentaire. L'amendement CE3023 vise à fixer l'objectif de 1 million d'exploitants en 2050, leur proportion dans l'emploi total ne pouvant être inférieure au seuil de 1,5 % : notre ambition pour l'agriculture doit être courageuse et claire. L'amendement CE3022, de repli, mentionne uniquement ce dernier seuil, qui correspond à la proportion actuelle.

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Je suis défavorable à l'amendement CE1608, qui me semble proposer un objectif trop élevé au regard des difficultés d'installation. À titre d'illustration, la Bretagne aspire à mille installations par an. Le renouvellement des générations est une affaire de temps long.

De même, les amendements CE3023 et CE3022 me semblent trop ambitieux et hasardeux. Avis défavorable.

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Marc Fesneau, ministre

Pour moi, le renouvellement des générations consiste à remplacer chaque départ, un pour un. N'affichons pas des promesses irréalisables. La France comptait 1 million d'exploitations au début des années 1980 ; depuis, les choses ont évolué. Voudriez-vous scinder des exploitations de quarante ou cinquante hectares ? Quel serait leur équilibre économique ? Un triplement du nombre d'exploitations relèverait d'une marche forcée planificatrice irréaliste. Il serait plus pertinent de fixer un objectif d'actifs agricoles.

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Nous pourrions donc, à la lumière de nos débats, corriger ces amendements en inscrivant un objectif d'actifs agricoles.

Ces amendements ont une portée essentiellement politique : nous voulons des paysannes et des paysans en grand nombre. Tous les rapports traitant du changement climatique, de la résilience face à ses effets et de la sécurité alimentaire affirment la nécessité de changer de modèle et d'augmenter considérablement le nombre d'actifs agricoles. En rejetant ces amendements, vous privilégiez un modèle composé de grandes exploitations industrialisées, presque dépourvues de main-d'œuvre, plutôt que d'hommes et de femmes travaillant dans des fermes. Je le déplore.

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Parlons-nous du nombre d'exploitations ou, comme le font ces amendements, d'exploitants agricoles ? De mon point de vue, le projet de loi d'orientation devrait parler des actifs agricoles. Cela permettrait de mettre en cohérence le projet stratégique national avec la politique agricole commune, dont l'évaluation pourrait survenir cette année. À mi-parcours, nous pourrions réorienter certains critères d'attribution de la PAC, notamment vers l'élevage et les actifs agricoles.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 1er : Consécration de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture comme étant « d'intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France

Amendement de suppression CE1799 de Mme Anne-Laure Blin

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L'article 1er est de l'enfumage. Dans la hiérarchie des normes, la loi est inférieure à la Constitution. Or la Charte de l'environnement, qui consacre le principe de précaution, a valeur constitutionnelle. Une loi ne peut donc prétendre renforcer la cause agricole par rapport à la cause environnementale, qui est inscrite dans la Constitution.

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La souveraineté alimentaire est la clé de voûte du projet de loi d'orientation ; il va sans dire que je ne peux que donner un avis défavorable à un amendement souhaitant supprimer cette mention.

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Marc Fesneau, ministre

Est-ce un amendement d'appel en vue d'une loi constitutionnelle ? Vous savez combien il est difficile de constituer des majorités sur de telles lois : on ne peut pas en prévoir une pour tous les sujets. Cela étant, la notion d'intérêt majeur fait l'objet d'un consensus avec plusieurs organisations agricoles. L'article 1er identifie utilement les politiques publiques qui devront contribuer à la souveraineté alimentaire aujourd'hui et demain. Avis défavorable.

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Vous ne répondez pas à ma préoccupation, Monsieur le ministre. J'en appelle effectivement à une réforme constitutionnelle : l'actualité a prouvé que quand on en avait la volonté, on savait convoquer le Congrès en un temps record. Je m'inquiète de la fragilité juridique du projet de loi d'orientation au regard de la hiérarchie des normes.

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Nous voterons cet amendement, car la notion d'intérêt général majeur, floue juridiquement, risque de l'emporter sur les considérations environnementales. Or la souveraineté alimentaire est indissociable de la préservation de la planète et des performances tout à la fois économique, sociale et écologique.

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Je souscris à l'argumentation sur la hiérarchie des normes. De toute évidence, les dispositions du projet de loi se fracasseront sur la Charte de l'environnement et, à son article 5, sur le principe de précaution. Derrière ses effets de communication, l'article 1er masque une conception de l'agriculture qui n'est pas la nôtre. Je voterai sa suppression.

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Je voterai l'amendement de suppression, même si je le ferai pour des raisons opposées à celles de Mme Blin. L'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, énonce déjà clairement les choses : la souveraineté populaire définit les orientations de l'agriculture pour assurer une alimentation sûre, saine, diversifiée, etc. Nous pourrions légitimement débattre de l'enrichissement de cet article, ou de la définition du modèle souhaitable d'agriculture. En revanche, la notion d'intérêt général majeur est très ambiguë. Je crains qu'on ne se moque des paysans en leur faisant une promesse vaine, qui ne tiendra pas face à la Charte de l'environnement, à valeur constitutionnelle. Prenons le temps d'expliquer précisément, en droit, ce que nous faisons.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE1914 de M. Henri Alfandari ; sous-amendements CE3556 et CE3558 de Mme Hélène Laporte, CE3559 de M. Frédéric Descrozaille, CE3560 de Mme Hélène Laporte, CE3561, CE3562 et CE3563 de M. Frédéric Descrozaille, CE3565 de M. Grégoire de Fournas et CE3567 de Mme Hélène Laporte ; amendements CE3025 de Mme Marie Pochon, CE2882 de M. Julien Dive, CE2125 de M. Dominique Potier et CE2883 de M. Julien Dive (discussion commune)

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L'amendement CE1914 vise à proposer une nouvelle rédaction de l'article 1er : seul l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime serait maintenu, enrichi de nouvelles orientations et d'objectifs ainsi que de définitions juridiques de la souveraineté agricole et alimentaire, de la sécurité alimentaire et de la sécurité sanitaire alimentaire. Le concept « une seule santé » y serait intégré. L'article reprendrait les objectifs des lois d'orientation agricole menées depuis les années soixante – celle de Henri Rochereau, celle d'Edgard Pisani et toutes celles qui les ont suivies –, en les actualisant au regard des besoins actuels. Il prévoirait une programmation pluriannuelle de l'agriculture tous les dix ans.

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Comment être crédible dans l'objectif de « manger français » si, au regard de dispositions ubuesques du code des marchés publics, les collectivités publiques ont l'interdiction de prioriser la production alimentaire nationale ? Mon sous-amendement CE3556 vise donc à ce que la commande publique favorise cette production.

Les dispositions fiscales pour favoriser la transmission et l'installation brillent par leur absence dans le texte. Le sous-amendement CE3558 tend ainsi à préciser, dans les limites étroites que nous impose l'article 40, que les politiques publiques assurent « un cadre fiscal et social favorable à la transmission, la détention et la cession des exploitations agricoles ». Nous recommandons en particulier une moindre imposition de la plus-value de cession, une exonération ou un abattement accru de celle-ci pour les transmissions intrafamiliales, une exonération totale de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), une diminution de la taxe sur le foncier non bâti et la pérennisation de l'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE). La marge de manœuvre pour une fiscalité réellement favorable à l'agriculture est considérable : le projet de loi ne peut donc faire l'impasse sur le sujet.

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Le sous-amendement CE3559 vise à ajouter la sylviculture aux activités citées à l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, dont l'amendement CE1914 propose la rédaction. Ce dernier a l'immense mérite de répondre à une question majeure : qu'attend la nation de son agriculture ?

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Par le sous-amendement d'appel CE3560, nous souhaitons ouvrir un débat sur la notion d'intérêt général majeur, jusqu'ici absente de notre législation : quelle est sa définition ? Quels sont ses effets juridiques ? Ne faut-il pas lui préférer la notion d'intérêt public majeur qui, consacrée par le code de l'environnement, n'entre pas en contradiction avec le caractère privé de l'activité agricole ?

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Le sous-amendement CE3561 est rédactionnel, tandis que les sous-amendements CE3562 et CE3563 visent à préciser qu'une loi d'orientation de l'agriculture doit intervenir tous les dix ans « au plus », pour tenir compte du calendrier pluriannuel de la PAC.

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L'amendement CE3025 vise à réécrire l'article 1er afin de clarifier les objectifs des politiques publiques agricoles. Face à des crises historiques il incombe en effet aux gouvernants d'anticiper et de planifier l'action publique. Notre agriculture va mal ; nous avons besoin d'une nouvelle révolution agricole et, sans nul doute, agroécologique pour répondre au plan social massif qu'elle subit, au fait qu'un Français sur cinq ne mange pas à sa faim, au mal-être des agriculteurs, au libéralisme effréné, à l'effondrement du vivant et au changement climatique.

Il s'agit ainsi de définir la souveraineté alimentaire, de réguler le foncier, de mieux préserver et partager les terres agricoles, d'assurer une juste répartition de la valeur et du revenu des agriculteurs, de réguler les échanges internationaux et de garantir le pluralisme dans la gouvernance des instances agricoles.

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L'amendement CE2882 a pour objet de préciser que les plans d'eau à usage agricole et l'élevage – un angle mort du texte – doivent être reconnus d'intérêt général majeur. Dans les zones rurales et de montagne notamment, l'élevage est confronté à des problèmes financiers qui compromettent sa viabilité. De plus, maintenir une surface agricole suffisante est vital pour assurer une production nationale capable de subvenir aux besoins alimentaires de notre pays.

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L'amendement de réécriture CE2125 est l'occasion pour le groupe Socialistes et apparentés de proposer une définition précise de la souveraineté agricole et alimentaire, conformément au projet politique que nous défendons : accès à une nourriture saine et diversifiée, conditions de vie dignes des paysans et des salariés de l'agroalimentaire, respect de l'objectif de développement durable n° 2 de l'Agenda 2030, respect des limites de la planète, principe de juste échange, dialogue démocratique entre la puissance publique et la société civile, politique de coopération et de développement.

Cette vision, universaliste et non nationaliste, pose les enjeux de l'anthropocène comme ceux de la faim dans le monde.

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L'amendement CE2883 vise à rédiger ainsi l'article 1er : « La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. » Souvent, en effet, les juges ne se réfèrent qu'à ce code.

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Pourquoi, Monsieur Alfandari, souhaitez-vous consacrer l'élevage et le pastoralisme comme étant d'intérêt général majeur alors que le vocable plus large d'agriculture recouvre déjà ces activités ? Vous proposez une définition de la souveraineté alimentaire : c'est une bonne idée, mais le concept est trop discuté pour que nous puissions trouver à cette heure une définition qui convienne parfaitement même si, du côté des rapporteurs, nous y travaillons depuis plusieurs semaines. Enfin, les précisions relatives aux productions nationales par filière me semblent sans lien avec cette définition. J'émets donc un avis défavorable à votre amendement ainsi qu'aux divers sous-amendements, dont la plupart sont rédactionnels ou reprennent des amendements existants.

Avec l'amendement CE2882, Monsieur Dive, vous réduisez le champ des activités considérées comme étant d'intérêt général majeur par rapport à ce que prévoit l'article 1er dans sa version actuelle.

Votre amendement CE3025, Madame Pochon, propose une définition de la souveraineté alimentaire se fondant sur une résolution adoptée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Or celle-ci n'est qu'une définition parmi d'autres, qui avait été adoptée majoritairement par des pays du Sud, sachant que, je le signale, de très nombreux pays dont la France n'avaient alors pas pris part au vote.

Votre amendement CE2125, Monsieur Potier, propose une définition de la souveraineté agricole et alimentaire, alors qu'il faut différencier ces deux aspects. Le rapporteur général, mes collègues rapporteurs et moi-même avons clairement distingué, dans notre rapport, la souveraineté alimentaire de la sécurité alimentaire ou de la sécurité agricole.

L'amendement CE2883 de Monsieur Dive a le mérite de la concision, mais il fait l'impasse sur les éléments qui permettraient de cerner la notion de souveraineté alimentaire.

J'émets un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

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Marc Fesneau, ministre

L'amendement de Monsieur Alfandari est au cœur du sujet. Si la réécriture complète de l'article qu'il propose mérite une analyse juridique, je serais néanmoins favorable à ce que, à la faveur de son retrait, nous puissions le retravailler d'ici à l'examen en séance, en intégrant des éléments figurant dans l'amendement CE1915. Il serait dommage qu'en l'adoptant dès à présent, nous passions directement à l'article 2 sans évoquer d'autres questions soulevées par les amendements suivants.

J'émets un avis défavorable aux autres amendements en précisant, à l'attention de Monsieur Dive, que l'articulation avec le code pénal pourrait sans doute être prévue à un autre endroit du texte.

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Il existe une cohérence entre mes amendements CE1914 et CE1915 : si je retire le premier, je retirerai également le second.

Les définitions que je propose, Madame la rapporteure, sont inspirées notamment de celles de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Par ailleurs, le pastoralisme n'est pas l'élevage ; il me semblait donc intéressant de le mentionner – tout comme il est intéressant d'évoquer la sylviculture.

Si vous le permettez, Monsieur le président, j'aimerais entendre les réactions de mes collègues avant de réagir aux avis qui ont été donnés.

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Il aurait été plus respectueux, Monsieur le ministre, que vous nous précisiez quelles formulations vous déplaisent dans nos définitions.

Vous me reprochez, Madame la rapporteure, d'évoquer la souveraineté agricole et alimentaire. Or il s'agit de la formulation exacte utilisée par le Gouvernement lui-même.

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Je voudrais remercier Monsieur le ministre d'avoir pris la mesure de l'importance du débat soulevé par cette série d'amendements. Quant à moi, je suis plutôt favorable à l'adoption de l'amendement de M. Alfandari comme base de travail, et je trouve que les amendements respectifs de Mme Pochon et de M. Potier contiennent des idées intéressantes. Il me semble possible de dégager une nette majorité en faveur d'une nouvelle rédaction de l'article 1er qui précisera ce que le législateur attend de l'agriculture.

Si toutefois M. Alfandari retirait son amendement, il faudrait que l'ensemble des amendements à l'article 1er soient retirés et que nous ayons un débat de fond en séance : cette question nous concerne tous en effet, et non pas seulement la majorité.

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Votre amendement, Monsieur Alfandari, ne nous convient absolument pas. D'abord, il reprend la notion d'intérêt général majeur, alors que le Conseil d'État lui-même estime que la portée d'une telle mention « n'est pas claire » et que son utilité est « douteuse ». Je le redis : notre groupe y est fermement opposé. Surtout, cet amendement conserve le pire de l'article 1er, puisqu'il fixe pour cadre le marché intérieur de l'Union européenne et le respect des engagements internationaux de la France : vous faites primer la libre concurrence du marché unique européen et la libéralisation des échanges. Le Gouvernement n'a eu de cesse de soutenir les accords de libre-échange, avec le Canada notamment, contre l'avis des oppositions. L'article que vous proposez d'intégrer au code rural et de la pêche maritime est donc tout à fait cohérent avec votre vision libre-échangiste des marchés agricoles, que notre groupe rejette fermement.

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Je voudrais démonter méthodiquement le nouvel article L. 1 A qui nous est proposé. D'abord, le fait d'y intégrer les engagements internationaux revient à considérer que les accords de libre-échange signés ou en préparation devront être appliqués : c'est un piège ! S'agissant ensuite de l'alimentation qui doit être « accessible à tous tout au long de l'année », il me semble au contraire nécessaire d'expliquer que l'on ne peut pas manger toute l'année les mêmes produits venus de loin, parfois issus de monocultures intensives. Enfin, la notion de sécurité alimentaire me rappelle la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo : si nous ne produisons pas chez nous, nous irons acheter ailleurs !

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Ces différents amendements illustrent à quel point l'article 1er ne convient pas. D'abord, il tend à donner de la souveraineté alimentaire une définition inverse à ce qu'elle était lors de son apparition dans le cadre du combat altermondialiste. Je suis par ailleurs étonnée, Madame la rapporteure, de vous entendre dire qu'une définition de l'ONU ne compterait pas ! Notre collègue Alfandari a le mérite de proposer une définition qui se rapproche de ce que souhaite notre groupe.

Il reste néanmoins un problème : pas plus que nous, le Conseil d'État ne sait ce qu'est la notion d'intérêt général majeur. Nous comprenons entre les lignes que vous cherchez à tordre la hiérarchie des normes. Je rappellerai à cet égard à M. Dive que l'équilibre du milieu naturel et de l'environnement figure parmi les intérêts fondamentaux de la nation listés à l'article 410-1 du code pénal.

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Le fait qu'il ne soit pas simple de réécrire un article complet n'empêche pas de le compléter. Je retire mes amendements et trouverais intéressant que soient retravaillés les amendements CE1914 et CE1915 de notre collègue Alfandari, qui me semblent pertinents.

Les amendements CE2882 et CE2883 sont retirés.

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S'agissant des engagements internationaux, je voudrais souligner que l'amendement que je propose sécuriserait la production, tandis que le texte dans sa version actuelle ne sécuriserait que les importations. Je retire mes deux amendements et serai heureux de travailler sur une nouvelle version qui pourrait convenir au plus grand nombre d'entre nous.

L'amendement CE1914 étant retiré, les sous-amendements tombent.

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Marc Fesneau, ministre

Merci à tous de vos propositions. Cet article étant un élément central du texte, travaillons ensemble très rapidement à une nouvelle rédaction reprenant des éléments des amendements CE1914 et CE1915 ; le Gouvernement portera une vigilance particulière à certains points juridiques qui le méritent.

Je voudrais répondre à la question de M. Potier, pour que l'on ne me fasse pas le grief de ne pas respecter les oppositions. L'amendement de M. Alfandari est celui qui synthétise le mieux la philosophie que nous défendons. Plusieurs sujets mentionnés dans les autres amendements, comme le pluralisme de la représentation syndicale, ne me paraissent pas avoir leur place à l'article 1er, raison pour laquelle j'y ai émis un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CE3025 et CE2125.

Amendement CE2386 de M. Sébastien Jumel

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J'ai déjà expliqué, au cours de la discussion précédente, pourquoi il fallait supprimer les alinéas 2 à 11 de l'article 1er.

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Avis défavorable. On ne cesse de discuter de souveraineté alimentaire dans le débat public et au Parlement sans savoir vraiment de quoi l'on parle. À défaut de précisément la définir, les alinéas 2 à 11 permettent de la cerner sans pour autant imposer une définition, sur laquelle aucun consensus n'a pu être trouvé à ce jour.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CE1915 de M. Henri Alfandari, CE2944 de M. Vincent Bru, CE2881 de M. Julien Dive et CE2946 de M. Vincent Bru (discussion commune)

L'amendement CE1915 est retiré.

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L'amendement CE2944 vise, d'une part, à revenir sur l'insertion prévue de l'article L. 1 A, dont le Conseil d'État a jugé qu'il proposait des définitions très générales. Il propose, d'autre part, d'insérer dans le texte que la protection, la valorisation et le déploiement de l'activité agricole sont reconnus d'intérêt général majeur, indépendamment de la question de la souveraineté alimentaire. Certaines activités agricoles, en effet, sont sans lien avec l'alimentation humaine : c'est le cas de l'élevage d'animaux non destinés à l'alimentation, de certaines branches de l'horticulture ou de certaines productions destinées au textile, comme le lin.

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L'amendement CE2881 du groupe Les Républicains vise à exprimer clairement et simplement le rôle essentiel de l'agriculture, en précisant que sa protection, sa valorisation et son développement sont d'intérêt général majeur au même titre que d'autres priorités nationales comme la protection des espaces naturels, des forêts et des zones humides, et la préservation des espèces animales.

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L'amendement CE2946 vise simplement à reconnaître la protection, la valorisation et le déploiement de l'activité agricole comme étant d'intérêt général majeur, sans revenir sur l'insertion de l'article L. 1 A.

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Je ne peux que donner un avis défavorable à ces trois amendements, qui auraient pour effet de supprimer la référence à la souveraineté alimentaire alors qu'elle est centrale dans le texte.

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Marc Fesneau, ministre

J'ajoute, Monsieur Bru, que le terme de « déploiement » de l'agriculture ne me paraît pas opérant ; il faudrait lui préférer celui de développement. La rédaction que vous proposez ne me paraît pas assez large, puisqu'elle omet, par exemple, l'aquaculture. Avis défavorable.

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Pourriez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre, comment l'intérêt général majeur s'articulera avec les dispositions de la Charte de l'environnement ? Concrètement, comment sera-t-il mis en pratique ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CE1781 de Mme Marie Pochon et CE3407 de la commission du développement durable, amendements CE2282 de Mme Mélanie Thomin, CE3100 de Mme Chantal Jourdan, CE1999 et CE1401 de M. Grégoire de Fournas, CE2387 de M. André Chassaigne, CE72 de M. Sébastien Jumel et CE1912 de Mme Manon Meunier (discussion commune)

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L'amendement CE1781 est identique à un amendement adopté hier par la commission du développement durable. Le Gouvernement souhaite introduire dans le droit la nécessité de protéger la souveraineté alimentaire, mais sans reprendre la définition qu'ont adoptée les Nations unies en 2018 dans leur déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Nous vous proposons de reprendre cette définition communément admise, qui garantira l'effectivité des efforts de simplification poursuivis par le projet de loi : nul en effet ne comprendrait la coexistence de deux définitions différentes, l'une admise au plan international et l'autre franco-française.

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Proclamer la souveraineté alimentaire sans la définir et sans rendre hommage à l'esprit de la Via Campesina, c'est donner trop peu de consistance au texte et soulever le risque d'une mauvaise interprétation de nos travaux. Je propose d'insérer un alinéa affirmant le droit, pour la France, de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base dans ses territoires, dans le respect de la diversité culturelle et agricole. Ce droit est une condition préalable à notre sécurité alimentaire.

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L'amendement que je défends propose également de préciser la définition de la souveraineté alimentaire en se référant à celle donnée par la Via Campesina. Le texte, en effet, ne se préoccupe guère du revenu des agriculteurs ni des conditions de production.

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La majorité a l'air sûre de sa définition, dont j'ai pourtant souligné les risques il y a quelques instants. Je propose d'ajouter dans le texte, par mesure de protection, la définition adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies.

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Plus c'est gros, plus ça passe : voilà ce que m'inspire votre définition de la souveraineté alimentaire ! Pour les Nations unies, elle désigne en effet le droit des populations à définir leurs systèmes alimentaires et agricoles sans nuire à la souveraineté alimentaire et au droit à l'alimentation des pays tiers. Pour le Petit Robert, la souveraineté, synonyme d'indépendance, est le caractère d'un État qui n'est soumis à aucun autre.

Pour vous au contraire, la souveraineté alimentaire désignerait la capacité de la France à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l'Union européenne et de ses engagements internationaux. Autrement dit, vous la fondez sur sa capacité à exporter et sur les accords de libre-échange, loin de tout principe d'indépendance. En outre, en inscrivant à l'article 1er la contribution de l'agriculture à la décarbonation de l'économie, vous ouvrez la porte au lobby de l'énergie !

Nous proposons donc de remplacer la définition que vous proposez par celle des Nations unies.

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Je suis favorable, sur le principe, à ce qu'une définition de la souveraineté alimentaire soit établie : le sujet est trop important pour laisser place à des approximations. Mais, en l'absence de consensus, il me semble nécessaire de mieux évaluer les impacts des différentes définitions que vous proposez avant d'adopter l'une d'elles – d'autant que certaines posent problème.

Je vois mal, Madame Pochon, comment la souveraineté alimentaire d'un pays pourrait nuire à celle d'un pays tiers.

Avec son amendement CE1999, monsieur de Fournas réduit la souveraineté alimentaire à sa stricte dimension agricole. En outre, quelle définition choisir entre les deux qu'il propose ?

Plusieurs amendements reprennent enfin la définition établie par la Via Campesina à Rome en 1996. Or celle-ci s'est enrichie depuis et, s'il me semble intéressant de la verser au débat, celui-ci ne me semble pas abouti pour qu'on arrête aujourd'hui une définition claire de la souveraineté alimentaire.

À défaut de leur retrait, j'émettrai un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

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La notion d'intérêt général majeur – qui constitue, certes, une innovation juridique – vise simplement à consacrer l'importance spécifique de l'agriculture dans notre pays. Son introduction dans le texte ne remet pas en cause le principe constitutionnel de protection de l'environnement et ne modifie pas la hiérarchie des normes. L'objectif est que l'agriculture fasse l'objet d'une attention spécifique, en cas de contradiction entre différentes dispositions législatives mais l'agriculture ainsi consacrée reste bien au niveau législatif.

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Les scientifiques auditionnés par la commission d'enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France renvoient systématiquement à la définition proposée par l'ONU et la Via Campesina. Quel crédit donnez-vous à leur parole ?

Enfin, Monsieur le ministre, comment mesurez-vous l'impact de la production de biomasse, laquelle est mise au même niveau que l'alimentation dans le texte ?

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Madame Le Peih nous reproche de ne pas avoir évalué l'impact de nos amendements. Le Gouvernement, lui, a-t-il mesuré les effets juridiques, symboliques et pratiques de cette véritable innovation juridique et lexicale, qui consiste à placer la production de biomasse énergétique sur le même plan que l'alimentation ?

Quant à vous, Monsieur le rapporteur général, vous prétendez que la notion d'intérêt général majeur crée du contradictoire. Au nom de quoi, en droit ? Par la bonne volonté du juge, par l'influence ? Je crains et j'espère tout à la fois que cela ne soit qu'un leurre. Ce n'est pas parce que l'on invente des mots qu'on leur donne une effectivité en droit !

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Revenons à la définition onusienne de la souveraineté alimentaire et à l'enjeu que représentent les échanges internationaux. La définition de la souveraineté alimentaire tient compte du cadre multilatéral actuel des échanges, celui des accords de Marrakech, qui est à l'agonie. Retenons néanmoins qu'il existe cinq zones production dans le monde, dont la nôtre, qui garantissent une sécurité alimentaire mondiale de deux à trois mois – je parle ici des cinq céréales qui permettent de couvrir les besoins énergétiques de base. La capacité exportatrice française représente une contribution nette à la stabilité géopolitique à nos frontières.

Personnellement, je serais favorable à la création d'une mission de diplomatie alimentaire, pour que la France inspire un nouveau cadre multilatéral où l'accès à l'alimentation serait une grille d'analyse de tous les échanges internationaux. En attendant ce grand soir, la définition onusienne peut très bien être aménagée pour tenir compte des échanges sans que cela nuise à la souveraineté alimentaire des pays concernés.

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Pour répondre à la demande de reclassement de votre amendement CE3407, madame Le Feur, pourriez-vous nous le présenter ?

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Cet amendement, adopté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, vise à prendre en compte la définition de la souveraineté alimentaire de l'ONU, qui n'est pas si ancienne puisqu'elle date de 2018. Même si elle n'a pas voté pour ce texte, la France doit s'y conformer. Il nous semble donc important de tenir compte de cette définition dans nos politiques d'orientation agricole.

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Marc Fesneau, ministre

Je suis plutôt en phase avec Monsieur Descrozaille sur la façon d'aborder la définition de la souveraineté alimentaire et sur la nécessité d'y réfléchir sous un angle diplomatique. Depuis l'émergence du concept, en 1996, il s'est passé quelques événements sur les plans climatique et géopolitique. Certains acteurs ne sont plus du tout coopératifs, quand ils n'essaient pas, comme le président Poutine, d'en placer d'autres sous leur coupe dans le domaine alimentaire. Pour le moment, il vaut toujours mieux que ce soit le continent européen qui soit en position de nourrir la planète.

Contrairement à ce que vous dites, Madame Le Feur, nous ne sommes pas engagés par la Déclaration, non contraignante, prise par l'ONU en 2018. Si vingt-deux des vingt-sept pays que compte l'Union européenne n'ont pas voté pour cette Déclaration, c'est probablement parce qu'elle suscite quelques interrogations. Parmi les pays européens qui l'ont approuvée, on trouve la Hongrie… Interrogeons-nous sur les motifs sous-jacents du soutien à cette Déclaration. Comme indiqué par Monsieur Alfandari, nous essayons de nous inspirer de cette définition, sans la reprendre telle quelle, ce qui serait gênant.

Monsieur Potier, ne donnons pas dans la caricature. Il existe une hiérarchie : nous ne mettons pas l'alimentation et la production d'énergie au même niveau. L'agriculture va contribuer à la décarbonation par le biais de la production de biomasse et d'énergie, à moins de décider qu'elle restera à l'écart du processus.

L'alinéa 7 est ainsi rédigé : « La souveraineté agricole du pays, liée à la production durable de biomasse sur le territoire et à la contribution du secteur à la décarbonation de l'économie. » Où avons-nous écrit que la priorité était la production d'énergie ? Nulle part. Certains textes récents, notamment la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, constituent des cadres qui permettent d'éviter les excès que, comme vous, je pourrais redouter. N'étant pas le perdreau de l'année, je sais que des gens pourraient être tentés de bouleverser la hiérarchie des usages. Cela étant, il n'y a rien dans le texte qui vous permette d'affirmer que nous mettons l'alimentation et l'énergie sur le même plan.

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À l'alinéa 14, il est écrit : « À ce titre, elle oriente en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique (…). » !

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Marc Fesneau, ministre

Oui, mais il s'agit de la priorité d'installation, pas de la priorité d'usage.

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C'est seulement pour les nouveaux installés !

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Marc Fesneau, ministre

Madame la députée, vous savez très bien que nous avons envisagé les énergies renouvelables en tenant compte du fait que certains systèmes trouveront leur équilibre en produisant aussi des énergies renouvelables.

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Alors ne dites pas qu'il existe une hiérarchie !

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Marc Fesneau, ministre

Si, parce que la priorité reste l'alimentation !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CE975 de M. Francis Dubois, CE1908 de Mme Danielle Brulebois, CE2925 de M. Benoit Mournet, CE2943 de M. Vincent Bru et CE3323 de M. Éric Bothorel, amendements identiques CE269 de M. Julien Dive, CE2026 de M. Charles de Courson, CE2184 de M. Didier Le Gac et CE2945 de M. Vincent Bru (discussion commune)

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Mon amendement, qui traduit juridiquement la volonté politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le déploiement de l'agriculture sont reconnus d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».

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L'histoire de l'humanité est liée à celle de l'agriculture, et la survie de l'homme dépend de la quantité de nourriture disponible. C'est la raison pour laquelle cet amendement, qui traduit juridiquement la volonté politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le déploiement de l'agriculture sont reconnus d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ». Dans la loi relative à l'accélération de la production d'énergie renouvelable, qui traite notamment de l'agrivoltaïsme, il est clairement indiqué que la fonction première de l'agriculture est de produire de la nourriture.

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Avis défavorable. Vos amendements réduisent à néant tout l'intérêt de l'article 1er.

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Marc Fesneau, ministre

S'agissant de la notion d'intérêt général majeur, vos amendements sont redondants avec l'article 1er.

En affirmant que « la protection, la valorisation, le développement de l'agriculture sont d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation », vous assimilez indirectement la défense de l'agriculture à un intérêt fondamental, ce qui n'est pas l'objectif du texte. Rappelons que les intérêts fondamentaux de la nation sont protégés par les articles 410-1 et suivants du code pénal, qui répriment très sévèrement les actes de sabotage et trahison – le registre n'est pas de même nature. Avis défavorable.

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J'ai oublié de donner la parole aux auteurs de la seconde série d'amendements identiques, qui sont en discussion commune avec les précédents. Veuillez m'en excuser.

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La formulation retenue dans l'article 1er du projet de loi, qui affirme que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur » risque de transformer l'agriculture en bien public pouvant justifier un droit de regard collectif sur les politiques agricoles.

C'est la raison pour laquelle mon amendement, qui traduit juridiquement la volonté́ politique de rééquilibrer intérêts agricoles et intérêts environnementaux, vise à inscrire le principe fondamental selon lequel « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture sont reconnus d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».

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Vous avez tous lu l'avis du Conseil d'État. Pour ma part, je participe à la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, où nous n'avons toujours pas réussi à définir cette notion. Cela n'a d'ailleurs pas d'importance, puisque le Conseil d'État nous dit que non seulement cette notion « n'est pas claire », mais que son utilité apparaît « douteuse ». Tout est dit.

Plutôt que nous battre sur des définitions sur lesquelles nous ne serons jamais d'accord, nous proposons plus simplement le remplacement des alinéas 2 et 3 par la formulation suivante : « La protection, la valorisation, le développement de l'agriculture sont d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation. »

Au moins, c'est un peu plus clair. Ces amendements proposent donc d'apporter des correctifs à la formulation du Gouvernement. Ils appellent à l'action en précisant que c'est la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture, qui sont d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation. Et nous avons ajouté la forêt.

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Mon argumentation rejoindra celle de mes collègues. Tel que rédigé, cet article pourrait en effet justifier un droit de regard collectif sur les politiques agricoles, ce qui peut être gênant. Il faut veiller à l'équilibre entre intérêts agricoles et intérêts environnementaux.

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Dans la même veine, nous défendons la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture. Cette fois-ci, nous n'avons pas commis l'erreur d'écrire « déploiement », Monsieur le ministre…

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Vos amendements supprimant la référence à la souveraineté alimentaire, j'y suis défavorable.

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Marc Fesneau, ministre

Vous évoquez le risque de faire de l'agriculture un bien public soumis au regard collectif, chacun pouvant venir inspecter les champs de l'agriculteur pour évaluer si les cultures correspondent bien à l'intérêt général majeur. Sans vouloir m'élever au-dessus de ma condition, je pense que cela ne tient pas sur le plan juridique. En outre, vous supprimez la notion de souveraineté alimentaire. Avis défavorable.

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Ces amendements m'étonnent : nos collègues redoutent qu'il y ait un droit de regard collectif sur les politiques agricoles. Que faisons-nous, ici même, sinon porter un regard collectif sur les politiques concernant le monde agricole ou d'autres secteurs de notre société ? Il est d'autant plus normal que les parlementaires et la société aient un droit de regard sur les politiques agricoles, que l'agriculture bénéficie de fonds publics.

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Monsieur le ministre, je suis très étonné de votre argumentaire contre ces amendements défendus par plusieurs courants de la minorité présidentielle et de l'opposition. Il n'y est pas question de transformer l'agriculture en bien public. Ces amendements ont le mérite d'affirmer que les politiques conduites en faveur de la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture sont au même niveau que les autres intérêts fondamentaux de la nation. Une telle affirmation a une réelle portée juridique, ce qui n'est pas le cas de la rédaction actuelle selon l'analyse qu'en fait le Conseil d'État lui-même. Or les éventuels contentieux seront du ressort du Conseil d'État.

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Marc Fesneau, ministre

Monsieur de Courson, nous nous sommes mal compris : je n'ai pas dit que vos amendements feraient de l'agriculture un bien public, mais à l'inverse, qu'ils tendaient à prévenir un tel risque, que j'estime inexistant.

Autre remarque : l'avis du Conseil d'État porte sur le projet de loi initial, et nous en avons tenu compte dans la rédaction du texte en cours d'examen. À cela s'ajoute un argument de fond déjà soulevé par votre rapporteure : il faut maintenir la notion de souveraineté alimentaire.

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Voici ce qu'écrit le Conseil d'État dans son avis : « [le Conseil d'État] propose de se limiter à indiquer que l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la France, sans pour autant retenir que celle-ci contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la portée d'une telle mention n'étant pas claire et son utilité apparaissant douteuse. » On ne peut pas dire que le Gouvernement ait suivi cet avis…

La commission rejette successivement les deux séries d'amendements identiques.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16 h 30

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, Mme Ségolène Amiot, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Benoît Bordat, M. Éric Bothorel, Mme Maud Bregeon, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, M. Francis Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Éric Girardin, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, Mme Chantal Jourdan, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, Mme Hélène Laporte, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Éric Martineau, Mme Louise Morel, M. Nicolas Pacquot, M. Patrice Perrot, Mme Marie Pochon, M. Dominique Potier, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, Mme Huguette Tiegna, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Perceval Gaillard, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. – M. Henri Alfandari, Mme Nathalie Bassire, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Vincent Bru, M. Charles de Courson, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, M. Inaki Echaniz, Mme Sandrine Le Feur, M. Didier Le Gac, Mme Manon Meunier, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Claude Raux, M. Nicolas Ray