En préambule, je tiens à remercier l'ensemble des personnes auditionnées, ainsi que les administrateurs de l'Assemblée nationale, les équipes du ministère et les rapporteurs pour l'important travail de fond réalisé pour enrichir et renforcer ce texte.
L'agriculture et la France sont intrinsèquement liées. Depuis des siècles, la France et son agriculture vivent en symbiose. Concentré de traditions et d'innovations, l'agriculture fait partie intégrante de notre histoire et de notre patrimoine.
En tant qu'élu de terrain, j'ai la chance d'arpenter une circonscription qui, si elle est marquée par la viticulture, connaît également une grande diversité de productions agricoles, allant des grandes cultures à l'élevage en passant par le maraîchage. Cette diversité, ces femmes et ces hommes dont le labeur quotidien façonne nos territoires et assure à nos concitoyens une alimentation durable, saine et équilibrée démontrent la richesse de l'agriculture de notre pays.
L'agriculture française subit aussi des distorsions de concurrence, aussi bien à l'échelle internationale qu'intra-européenne. Les surtranspositions nuisent à l'économie agricole et induisent souvent l'importation de produits moins-disants en matière de traçabilité et de qualité. Cette situation a récemment conduit l'Europe à une importante crise agricole.
Nous devons nous donner pour objectif d'accompagner les exploitants agricoles pour leur permettre de développer des exploitations durables, résilientes et compétitives. Dans ce contexte, je tiens à souligner que la France s'est engagée dans une importante politique de soutien à l'agriculture. En effet, de longs mois de concertation avec les représentants du monde agricole, les élus et les services de l'État ont permis, dans un travail de coconstruction, de dresser les contours d'un pacte d'orientation et d'avenir agricoles, qui se compose de plusieurs éléments structurants et dont le présent projet de loi est l'un des outils. Il est indispensable de rappeler ce qu'est ce projet de loi et ce qu'il n'est pas.
Il concerne tout d'abord la souveraineté agricole et le renouvellement des générations. Il n'a pas vocation à régler le problème majeur de la protection des revenus du monde agricole. Nos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard présenteront fin juin des propositions pour apporter des modifications aux lois Egalim – lesquelles ont été appréciées par le monde agricole – et il nous appartient d'en étendre les dispositions à l'échelle européenne. Nous ne débattons pas ici d'une loi foncière, ni d'une loi relative à l'usage des produits phytopharmaceutiques. Enfin, le texte ne peut pas répondre aux difficultés propres à l'organisation européenne de l'agriculture. L'ensemble des sujets que je viens d'aborder font l'objet d'autres travaux, qui trouveront une traduction législative ou réglementaire et s'intégreront au pacte d'orientation et d'avenir agricoles, afin de répondre aux besoins des agriculteurs.
Toutefois, ce projet de loi revêt une importance majeure car il répond à une difficulté urgente du monde agricole, celle du renouvellement des générations. Les principaux acteurs du monde agricole sont unanimes à ce sujet : cette loi est essentielle pour garantir l'avenir de l'agriculture française. La crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont mis en exergue le rôle essentiel des agriculteurs dans notre société et la nécessité impérieuse de maintenir la souveraineté de l'appareil productif alimentaire français.
L'agriculture française doit être au centre de nos préoccupations économiques, sociales, environnementales, de santé publique et de sécurité alimentaire. Pour ce faire, le projet de loi fixe le cap de la souveraineté alimentaire pour les dix prochaines années.
Afin de mieux défendre les projets agricoles, le titre Ier propose de définir la souveraineté alimentaire comme un objectif structurant pour les politiques publiques. L'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont ainsi reconnues comme d'intérêt général majeur, car elles constituent la garantie de cette notion de souveraineté alimentaire. Par-delà la simple sécurité alimentaire, la production agricole française contribue, par la richesse et la diversité de ses productions, au rayonnement de notre pays, de l'art de vivre à la française et de notre puissance économique.
Le projet de loi s'appuie sur trois leviers pour soutenir et garantir durablement cette souveraineté.
Le premier d'entre eux réside dans le titre II relatif à la formation, qui vise à former plus et mieux pour répondre au besoin d'installation de près de cent mille nouveaux agriculteurs d'ici à 2026. Il s'agit aussi d'accompagner la transition des exploitations pour qu'elles soient résilientes face au changement climatique et mieux adaptées aux besoins des marchés national, européen et mondial.
Le deuxième levier, qui relève du titre III, porte sur la transformation de la politique d'installation et de transmission. Je laisserai à mon éminent collègue Pascal Lecamp le soin d'en esquisser les contours. J'insiste, pour ma part, sur la nécessité de prévoir en complément un volet fiscal dans le prochain projet de loi de finances. J'ai d'ailleurs déposé un amendement programmatique qui va dans ce sens. Je suis convaincu que nous ne pouvons pas parler d'installation et de transmission sans aborder la fiscalité. Durant les dix prochaines années, un agriculteur sur deux devra prendre sa retraite et 45 % de ces futurs retraités pourront partir d'ici à 2026. Il y a urgence si nous voulons maintenir à près de quatre cent mille le nombre des exploitations françaises d'ici à 2035.
L'activité agricole nécessite un fort investissement en capital, mais elle génère dans l'ensemble des revenus moyens d'activité assez faibles. Dans le même temps, l'évolution du prix moyen du foncier constaté sur nos territoires, combinée au poids de la fiscalité inhérente à la transmission, ralentissent le processus des cessions. L'observation de la fiscalité des droits de mutation fait apparaître les points saillants suivants : en Europe, la France a le deuxième taux marginal d'imposition le plus élevé en matière de droits de mutation à titre gratuit, le quatrième en matière de droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux d'imposition le plus élevé sur les plus-values immobilières, avec des abattements qui s'étendent sur des durées extrêmement longues – vingt-deux ans pour les plus-values elles-mêmes et trente ans pour les prélèvements sociaux. Le Conseil des prélèvements obligatoires a ainsi démontré que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles est beaucoup plus élevée en France qu'en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
Si nous voulons faire de l'agriculture un intérêt général majeur pour notre pays, il faut protéger en amont les facteurs de production que sont tout d'abord les agricultrices et les agriculteurs, animateurs du vivant, ensuite les actifs immobilisés et circulants et, enfin, le foncier.
Sur la base de ces constats, nous devons, dès le projet de loi de finances pour 2025, harmoniser la fiscalité applicable aux transmissions d'exploitations agricoles pour accélérer ces processus. Il s'agit de consentir un investissement fiscal pour l'avenir, afin d'inciter les générations qui disposent d'un patrimoine à le transmettre de leur vivant pour assurer une meilleure circulation des richesses au profit des jeunes générations. Cela permettra aux nouveaux exploitants de financer la transformation de leurs exploitations, pour les rendre plus résilientes et compétitives.
J'en viens enfin au dernier levier, objet du titre IV, qui comporte des mesures de simplification administrative et procédurale pour sécuriser les projets agricoles et accélérer leur développement sur l'ensemble du territoire national.
Ainsi, ce projet de loi soutiendra la souveraineté agricole de la France et de ses outre-mer par le biais de trois axes stratégiques, au service de nos agriculteurs. Il s'agit de renouveler, d'accompagner et de simplifier. Il nous appartient de poser ensemble les pierres qui constitueront les fondations de l'édifice de la souveraineté agricole française pour les dix prochaines années.
Avec mes collègues rapporteurs, nous voulons procéder de manière constructive, afin de renforcer ce texte. Nous devons le faire non pas pour nous, mais pour les agriculteurs et les agricultrices, pour nos concitoyens et pour la France.