Chaque jour, près de trente exploitations agricoles disparaissent en France : durant l'examen de ce projet de loi par la commission des affaires économiques, notre pays aura ainsi perdu 150 exploitations. Le titre III vise à endiguer cette trajectoire. C'est là une condition essentielle de la protection de notre souveraineté alimentaire.
Un cap est fixé dans l'article 8 : tout mettre en œuvre pour favoriser « la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles, tout en prenant en compte les attentes socio-professionnelles et la diversité des profils concernés ». Je proposerai d'ailleurs de faire du seuil de quatre cent mille exploitations un plancher, et de graver l'atteinte de cet objectif en 2035 dans le marbre de la loi.
Pour tenir ce cap, nous devons répondre à trois impératifs. Le premier consiste à soutenir la transmissibilité des fermes et leur évolution. Assurer la durabilité sociale, économique et environnementale des exploitations est un défi dont nous devons prendre la mesure en nous appuyant sur des analyses claires. Certaines structures ne sont plus adaptées ; objectivons cette réalité pour mieux faire évoluer la ferme France. Tel est l'objet du diagnostic modulaire prévu à l'article 9, qui inclura une évaluation de la résilience de l'exploitation au changement climatique et de sa capacité à contribuer à son atténuation. Deux modules seront notamment créés : un « stress test » climatique et un diagnostic de la qualité des sols, dont nous serons probablement amenés à débattre au vu des réserves émises pendant les auditions. Je défendrai plusieurs évolutions du dispositif, en vue de le mettre au service de la viabilité – notamment économique – des exploitations et de conforter sa dimension incitative.
Le second impératif consiste à nous adapter aux profils des futurs agriculteurs, notamment ceux qui ne seront pas issus du milieu agricole, à les conseiller et à les accompagner tout au long de leur projet. C'est l'objet de l'article 10, qui prévoit la création du réseau « France services agriculture » (FSA) et d'un guichet unique qui, dans chaque chambre départementale d'agriculture, servira de « porte d'entrée » à toute la population agricole. L'intégration du futur cédant dans une démarche d'accompagnement cinq ans avant sa retraite lui permettra de préparer au mieux sa cessation d'activité et d'anticiper la prise de contact avec un repreneur potentiel.
L'agrément des structures de conseil et d'accompagnement, qui constitueront le cœur du réseau, reposera sur des cahiers des charges régionaux établis par les comités régionaux installation-transmission (Crit). Leur raccordement au répertoire départemental unique, matérialisé par une plateforme informatique commune, sera le nerf de la guerre, quand le guichet unique jouera le rôle d'interface. Je proposerai des modifications permettant de distinguer plus clairement les trois composantes du réseau FSA, d'assurer son fonctionnement pluriel et équitable, et de mieux définir ses interactions avec France Travail ou avec le diagnostic modulaire.
Alors que plus de 25 Md€ d'investissements seront nécessaires au cours des dix prochaines années pour acquérir les terres détenues par les agriculteurs qui partiront à la retraite, le troisième impératif consiste à créer les conditions économiques du rachat des exploitations et à lisser dans le temps la charge financière qui pèsera sur les jeunes. À cette fin, le texte prévoit deux dispositifs de portage.
L'article 12 consacre le GFAI, que le rapporteur propose de renommer « groupement foncier agricole d'épargne » (GFAE). Conçue sur le modèle du groupement forestier d'investissement, cette structure aura vocation à attirer des capitaux extérieurs au monde agricole pour acquérir du foncier. Pour répondre aux craintes de « financiarisation » du secteur, le rapporteur général défend une version du groupement foncier à même de garantir les droits de l'exploitant tout en ouvrant le dispositif aux personnes publiques. En complément, je proposerai d'inscrire à l'article 8 l'objectif consistant à mobiliser davantage de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole. Je crois en effet beaucoup à la montée en charge du fonds de portage Élan, abondé par la Banque des territoires et par l'État à travers le fonds « Entrepreneurs du vivant », en coopération avec les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et les collectivités territoriales, et avec la participation de banques privées.
Plus largement, afin de sécuriser économiquement le secteur, l'article 11 prévoit de renforcer les groupements d'employeurs. Le rapporteur général et moi-même présenterons en outre, dès cet automne, des mesures fiscales visant à faciliter les transmissions.
La crise que nous avons connue cet hiver a révélé les difficultés des agriculteurs, qui, à n'en pas douter, porteront une grande attention à nos décisions et à la qualité de nos débats. J'espère que nous saurons assumer nos responsabilités en adoptant les mesures proposées, qui ont fait l'objet d'une concertation de plus de six mois avec l'ensemble du secteur.