Effectivement, ce texte était attendu. Il intervient après une mobilisation très forte de l'ensemble du monde agricole, que les députés du groupe LFI-NUPES ont soutenue parce qu'il revendique avant tout, de façon bien légitime, de pouvoir vivre dignement de son travail.
Comme souvent avec ce gouvernement, même si nous n'attendions rien – ou presque – de votre projet de loi, nous sommes déçus, voire en colère, car vous ne présentez pas un texte de nature à répondre aux attentes des agriculteurs, mais un projet taillé par et pour l' agrobusiness. Toutes les études le montrent et tous les acteurs de terrain le confirment : pour s'installer, un jeune a besoin de revenus dignes, de débouchés et d'un accès à la terre. Rien de tout cela ne figure dans le texte, comme le groupe de suivi parlementaire relatif à la préparation de la loi d'orientation agricole – que vous vous gardez bien de citer – l'avait d'ailleurs souligné.
La seule disposition que vous avez jugé bon d'introduire, à l'article 12, provoquera une financiarisation du foncier agricole et un accaparement des terres au profit de fonds d'épargne et d'assurance. Je m'interroge d'ailleurs sérieusement sur l'identité de l'auteur de cet article, qui se traduira par une hausse du prix des terres agricoles et ouvrira une brèche en faveur de l'agriculture capitaliste, au détriment de l'agriculture familiale, en permettant à des acteurs financiers non agricoles de posséder les outils de production des travailleurs.
Ce qui se joue, au fond, c'est la question du modèle agricole que nous voulons. Le vôtre, c'est le règne du grand marché, la compétition féroce au sein de laquelle ne pourront survivre que ceux qui seront capables de faire baisser les coûts de production, au détriment des règles sociales, environnementales et sanitaires. Chacun ici souhaite alléger autant que possible la charge bureaucratique qui pèse sur les exploitants, mais vous faites le choix, au titre IV, d'inscrire dans le droit de l'environnement des reculs très inquiétants, sans justification agricole ou alimentaire. Nous aussi avons sillonné les campagnes et rencontré des dizaines d'agriculteurs. Ils expliquent tous vouloir s'engager dans la bifurcation écologique, à condition de disposer des moyens nécessaires et d'être protégés de la concurrence. Seulement, vous préférez soutenir les accords de libre-échange, à commencer par celui qui nous lie au Canada.
Nous voulons une agriculture intensive en emplois, à forte valeur ajoutée et respectueuse de la planète. Cette agriculture existe, mais votre politique la tue à petit feu. Comme toujours depuis sept ans, vous agissez pour une minorité, au détriment des travailleurs et du vivant, en escamotant des débats cruciaux. Vous comprendrez donc que mon groupe s'opposera fermement à ce projet de loi.