La commission du développement durable a examiné hier près de sept cents amendements portant modification du projet de loi, avec une ambition claire : garantir la conciliation entre les objectifs d'installation de nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations et les objectifs de transitions agroécologique et climatique. C'est là une exigence incontournable, dont le respect ne portera nullement atteinte à la compétitivité de l'agriculture française, mais garantira au contraire sa résilience.
Le postulat est clair : si nous ne profitons pas du renouvellement des générations pour assurer la conformité des nouveaux modèles agricoles à l'urgence environnementale, nous placerons les agriculteurs et notre économie dans une impasse inextricable. Il est rare qu'un secteur vive un tel moment charnière. Nous devons faire de ce défi une chance et saisir cette occasion pour diversifier, restructurer et adapter les modèles de culture. Je serai attentive à ce que cette dimension systémique soit bien prise en compte dans le texte.
Trois points d'alerte ont été soulevés hier. Le premier concerne la nécessité d'assurer l'égalité de traitement entre intérêts économiques agricoles et droit de l'environnement : aucune hiérarchie – ou même apparence de hiérarchie – ne doit être établie.
Le deuxième axe a trait à l'articulation du projet de loi avec la définition internationale de la souveraineté alimentaire adoptée par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies en décembre 2018, laquelle valorise l'interdépendance des modèles agricoles et alimentaires des États – afin de ne pas confondre souveraineté et autarcie et d'encourager la solidarité internationale – et établit un lien entre souveraineté agricole et droit à l'alimentation. La production ne doit pas seulement garantir la disponibilité des denrées, mais aussi favoriser l'accès universel à une alimentation saine, durable et de qualité.
Le dernier point réside dans la nécessité de permettre la simplification administrative sans faire régresser les normes environnementales. S'il est salutaire de considérer l'installation de nouveaux projets et l'allégement des procédures administratives comme des priorités, nous devons aussi veiller à protéger les normes en vigueur et à garantir l'atteinte des objectifs fixés dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et dans la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).
Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Plusieurs références explicites à l'agriculture biologique ont été ajoutées et le principe d'un socle commun de formation à ce mode de production, assorti d'un volume horaire précis, a été acté. Afin de dépassionner les débats qui peuvent opposer agriculteurs et défenseurs de l'environnement et de limiter le risque de contentieux, la commission s'est prononcée en faveur de l'indépendance des études d'impact conduites dans le cadre des projets. Nous proposons également d'introduire une médiation lors de l'instruction des procédures de contentieux. En tant que rapporteure pour avis, je regrette néanmoins l'adoption d'une définition trop restrictive des haies, qui me semble porter atteinte à leur préservation.
J'insiste sur l'important travail d'enrichissement fourni par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je vous remercie par avance pour la considération que vous accorderez à son expertise : l'agriculture ne pourra prétendre à la compétitivité et à la souveraineté si les enjeux environnementaux sont mis de côté.