La France est une grande nation agricole et elle le restera. Nous le savons tous : notre histoire, notre culture et notre avenir sont liés à notre agriculture, aux particularités de nos terroirs et aux inimitables saveurs de leurs produits.
Je viens d'une région où la terre est sacrée et où chacun de nous a un membre de sa famille qui a été, est ou sera paysanne ou paysan. Trop longtemps moqués ou ostracisés, les Bretons ont réussi en quelques décennies à faire de la Bretagne la première région agricole de France. Et nous en sommes particulièrement fiers.
Vous comprendrez que le texte que nous examinons revêt pour moi une importance toute particulière. Laissons de côté nos ambitions politiques et nos idéologies parfois dangereuses. Les agricultrices et les agriculteurs méritent que nous parvenions à élaborer une loi transpartisane, où seul l'intérêt général prime. Même s'il ne soignera pas tous les maux de l'agriculture, ce texte vise ainsi à redresser le secteur agricole français, à accompagner les transitions en cours et à répondre aux urgences relevées par le monde agricole. Une partie réglementaire sera par ailleurs nécessaire, puisque tous les problèmes ne relèvent pas du domaine de la loi.
Ainsi, soutenir l'agriculture est notre priorité. Et c'est bien ce que propose l'article 1er, qui dispose que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».
Il est intéressant de prendre un instant pour réfléchir à la notion de « souveraineté alimentaire », que l'on a encore du mal à définir clairement, faute de consensus. Pour ma part, si j'essaie de synthétiser les propos des personnes auditionnées et les nombreux articles sur ce sujet, je pense qu'on peut la définir comme étant la capacité pour la France, dans le respect de ses engagements européens et internationaux, à pouvoir assurer, par elle-même, un approvisionnement en biens agricoles et agroalimentaires destinés en priorité à l'alimentation de sa population, et qui ne puisse être remise en question par les crises de toute nature susceptibles de l'affecter.
Cette définition mériterait sans doute d'être discutée, expertisée et travaillée. Mais il me semble nécessaire, au cours de la discussion de ce projet ou dans un autre cadre, de parvenir à une définition du concept qui est aujourd'hui un enjeu majeur pour notre agriculture, et plus largement pour notre pays.
Toujours est-il qu'avec ce projet, l'agriculture est pour la première fois consacrée dans un texte législatif. En effet, si l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime assigne à l'agriculture un certain nombre de missions fondamentales, il ne lui conférait pas pour autant une valeur spécifique. La pêche et l'agriculture sont désormais élevées au rang d'activités d'intérêt général majeur.
L'article 1er consacre également la notion de souveraineté alimentaire, tout en détaillant les politiques publiques visant à contribuer efficacement à sa protection. Il réécrit très largement l'article L. 1 du code précité, afin de mettre l'accent sur le rôle joué par la politique d'installation et de transmission en agriculture. L'enjeu du renouvellement des générations est en effet considérable et il nécessite une action urgente, puisque 45 % des agriculteurs cesseront leur activité d'ici à 2026.
Pour la première fois, l'article 2 vise ainsi à définir des objectifs programmatiques clairs pour les politiques d'orientation et de formation dans le domaine agricole.
L'article 3 complète les dispositions du code rural qui déterminent les missions que doivent poursuivre l'enseignement et la formation professionnelle publics et privés aux métiers de l'agriculture. Une sixième mission est ainsi dévolue aux établissements d'enseignement et de formation agricoles, qui doivent mettre en œuvre « toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ».
Quant à l'article 4, il vise à intégrer la dimension agricole dans les contrats de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles en vue d'accroître le nombre de personnes formées dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Ces deux derniers articles visent à rétablir le lien entre la société et le monde agricole, en offrant aux jeunes l'opportunité de découvrir les métiers de l'agriculture.
Il est de la responsabilité du monde agricole – qui a été associé à la rédaction de ce texte – et de la représentation nationale de décider ce que sera notre agriculture. La souveraineté alimentaire doit être construite sur des exigences solides et pérennes, et c'est précisément ce que permettra cette future loi.