Cette loi, ce n'est pas la montagne… mais la campagne qui accouche d'une souris ! Dans ce texte que le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé dès 2022 et dont l'examen a été reporté à plusieurs reprises, il y a finalement plus de vide que de plein.
Ce projet de loi passe à côté de l'essentiel des revendications formulées lors des mobilisations agricoles de l'hiver. Il ne dit rien sur les rémunérations, rien sur la répartition de la valeur, rien sur les dangers des traités de libre-échange pour notre souveraineté alimentaire ; rien, enfin, sur la déclinaison de la nouvelle PAC, qui se fait sans véritable accompagnement des services publics dans les fermes. On a tellement taillé les branches des services publics de l'État qu'on les a réduits à des fonctions de contrôle tatillon, alors qu'ils devraient avoir un rôle d'accompagnement, ce qui est évidemment très mal vécu par nos agriculteurs.
Hier, avec le président André Chassaigne, nous avons réuni des agriculteurs chez moi, à Quièvrecourt, dans le pays de Bray, une terre d'élevage laitier et de haies. Nous voulions les écouter et prendre le pouls de la situation avant le débat parlementaire. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que cette loi « ne casse pas trois pattes à un canard ». Elle ne suscite, pour le moment, qu'une large indifférence. Où sont passées, par exemple, la question des prix rémunérateurs et celle du libre-échange, que vous cherchez à soustraire au regard du Parlement ?
J'aimerais vous faire entendre les mots que j'ai entendus hier. Les agriculteurs nous ont dit que l'élevage laitier dévisse, sans réaction des pouvoirs publics, que la filière bio est en friche, pas suffisamment accompagnée, qu'on ne fait pas grand-chose pour l'installation des jeunes hors du cadre familial, alors qu'eux aussi ont le droit d'être paysans. Ils nous ont dit que le groupement foncier agricole d'investissement risque d'être détourné et de ne financer que des agrandissements, que les fonds d'investissement « ne font pas l'amour à l'œil » et qu'ils demanderont des contreparties lucratives immédiates, que l'excès de réglementation va tuer les herbages et les haies. Un agriculteur m'a dit : « La déclinaison de la PAC, même ingénieur, je n'y arrive pas. » Un autre a expliqué qu'une simple erreur sur le formulaire se paye cher.
On nous a dit encore que pour les échéanciers de paiement de la Mutualité sociale agricole (MSA), il faudrait, en cas de difficulté, porter la limite de deux à sept ans, que les cotisants solidaires sont exclus de la retraite agricole, que la hausse de la CSG a siphonné l'augmentation des pensions de retraite, qui se résume à 4 euros pour un grand nombre d'entre eux, que les pensions de réversion sont les perdantes de la retraite agricole, que les aides d'urgence pour le bio n'ont pas été accordées à ceux qui n'ont pas un grand compte dans un centre de gestion agréé, qu'il n'y a pas de vraie valorisation d'exploitation pour ce qui relève du service environnemental et que la loi Egalim ne s'applique pas aux produits d'exportation – ni même, d'ailleurs, aux produits vendus chez nous. Quand un agriculteur plante une haie, il faut le sécuriser sur le fait que la réglementation n'évoluera pas. L'un d'eux disait encore hier : « Chacun veut la rondelle de saucisson à l'apéro, mais personne ne veut l'élevage de cochons. »
Dans votre texte, il y a la charrue, mais pas les bœufs. Nous allons nous battre, dans les discussions qui s'ouvrent, pour une agriculture à taille humaine, qui rémunère correctement les producteurs, qui assure le renouvellement des générations et qui nous permette de regagner notre souveraineté alimentaire.