La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago, le groupe Écologiste avait rappelé qu'il est de notre devoir à tous, ici présents, de protéger l'intérêt supérieur des enfants de la nation. Telle doit être notre boussole, en permanence. Au moment où notre assemblée entame la deuxième lecture de ce texte, il me semble donc essentiel de réaffirmer que la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant est une exigence constitutionnelle.
L'esprit qui anime les auteurs de cette proposition de loi est sans aucun doute celui d'une meilleure protection des enfants. C'est la raison pour laquelle nous la soutenons.
En première lecture, notre assemblée avait adopté à l'unanimité une rédaction ambitieuse, qui prenait notamment en compte les violences volontaires commises sur l'autre parent. Il s'agissait de protéger véritablement l'enfant, même lorsqu'il n'est pas la victime directe des violences intrafamiliales. Le Sénat a tenté de limiter la portée du texte, mais la commission des lois de l'Assemblée a eu la clairvoyance de rétablir les dispositifs ainsi amoindris.
Vous l'aurez compris, notre soutien à cette proposition de loi est entier et nous partageons pleinement son objectif. Toutefois, ce texte n'est qu'un premier pas : nous estimons que nous avons le devoir et que nous sommes en mesure d'aller beaucoup plus loin en matière de protection des enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
Face aux violences ignobles dont il est question, nous avions voté cette proposition de loi à l'unanimité en première lecture. J'espère que nous parviendrons au même résultat ce soir. Nous le devons aux millions de victimes, d'hier et d'aujourd'hui ; elles nous regardent et attendent de nous que nous soyons à la hauteur.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Ce n'est pas sans une certaine satisfaction que je m'exprime devant vous pour la deuxième lecture de la proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago, visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales. Je me félicite qu'après avoir été adopté ici même à l'unanimité, ce texte ait pu poursuivre son chemin parlementaire, tant le problème qu'il traite constitue un enjeu de société majeur. Actuellement, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences intrafamiliales. Chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles. En 2019, ces violences ont augmenté de 14 %. En 2020, la hausse s'est poursuivie, s'établissant à 10 %.
Dans chacun de ces cas, il y a une violence physique ou psychique immédiate. Rappelons que, tous les cinq jours, un enfant meurt des suites de maltraitances. Il y a en outre une violence traumatique et des conséquences somatiques pour une vie entière. Les études et les statistiques sont glaçantes et sans équivoque : 60 % des enfants témoins de violence souffrent de stress post-traumatique ; 50 % des personnes ayant été victimes de viol durant leur enfance ont fait une tentative de suicide.
Il est donc nécessaire d'agir pour protéger l'intérêt supérieur des enfants. C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi, qui vise à améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont les enfants sont victimes. Elle prévoit deux évolutions majeures, qui visent à pallier une importante anomalie juridique conduisant à ce que les auteurs ou les auteurs présumés restent investis de l'exercice de l'autorité parentale ; ils n'en sont privés que dans de très rares occasions.
La première de ces mesures consiste à protéger l'enfant dès le début de la procédure judiciaire. Ainsi, lorsque les faits reprochés relèvent d'un crime, l'exercice de l'autorité parentale ainsi que les droits de visite et d'hébergement seront suspendus, dès le stade des poursuites. La deuxième évolution majeure est le retrait obligatoire de l'autorité parentale en cas de condamnation pour un crime commis sur l'enfant ou sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle sur l'enfant, sauf décision contraire du juge, qui doit alors être spécialement motivée.
En ce qui concerne la première évolution, je me réjouis que, lors de l'examen en commission, nous soyons revenus au texte initialement adopté par l'Assemblée. En effet, celui-ci s'avérait plus ambitieux puisqu'il prévoyait que la levée immédiate de l'exercice de l'autorité parentale s'appliquait non seulement si le crime était commis sur l'enfant, mais aussi s'il l'était sur le conjoint, l'enfant étant alors une covictime. Un conjoint violent ne peut être un bon père ; je me réjouis que cette analyse soit de plus en plus largement partagée. La vulnérabilité des enfants nous commande de prévoir une protection stricte et sans concession.
À cet égard, le texte qui nous est soumis correspond à une position équilibrée : il concilie, d'une part, la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales et la protection des enfants et, d'autre part, la présomption d'innocence et le droit au juge.
Cette proposition de loi marque donc le début d'un changement dans notre manière d'appréhender les violences intrafamiliales et d'accompagner les victimes. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'en félicite et la votera, comme en première lecture.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
En février dernier, lorsque nous avons adopté cette proposition de loi à l'unanimité, nous avons tous voulu faire un pas de plus vers la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales. Je tiens à le souligner car c'est chose rare sous cette législature : ce texte aura permis à notre assemblée de retrouver une certaine unité et de parler d'une même voix. Il est effectivement urgent d'agir et je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, de votre travail.
L'autorité parentale et les violences infligées à l'enfant dans le noyau familial sont des questions sensibles qui appellent une réponse à la hauteur des enjeux. Lorsque la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a engagé ses travaux, elle a voulu dire à chacun des 400 000 enfants victimes : « Je te crois. » Désormais, notre rôle en tant que législateur est de dire à chacun de ces enfants : « Je te protège. »
Sans grande surprise, le groupe LIOT votera de nouveau pour cette proposition de loi. Il le fera, je tiens à le dire, avec la même détermination qu'en première lecture.
En effet, ce texte s'attaque à des difficultés qui ne sont plus acceptables. Certaines failles, tant dans le code pénal que dans le code civil, pénalisaient les victimes ou les plaçaient dans une situation difficile. En cas de violences familiales, qu'il s'agisse de violences conjugales ou de violences sexuelles contre l'enfant, la priorité est de soustraire l'enfant à l'emprise du parent violent.
À cet égard, cette proposition de loi met en place un véritable bouclier pour défendre les enfants, grâce à deux grandes avancées. La première est la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale. Il est nécessaire de procéder à une telle suspension lorsque le parent est mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l'autre partent ou pour une agression sexuelle incestueuse sur l'enfant. Cela peut paraître évident ; pourtant, ce n'est toujours pas le cas à l'heure actuelle. Si ce texte entre en vigueur, plus aucun enfant ne devrait être laissé sous l'autorité d'un parent ayant commis de tels actes de violence.
L'article 1er prévoit un autre mode, plus spécifique, de suspension de l'exercice de l'autorité parentale, en cas de violences conjugales commises en présence de l'enfant. Notre groupe avait des inquiétudes à propos de ce dernier critère, mais nous prenons en considération les précisions que vous nous avez apportées, madame la rapporteure, en commission et ici même à la fin de la séance de cet après-midi. Il est essentiel que ce critère soit apprécié avec souplesse par le juge, afin de prendre en compte la présence, même indirecte, de l'enfant qui, sans avoir été témoin oculaire des violences conjugales, pourrait être affecté par celles-ci.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, acquiesce.
Nous le rappelons une nouvelle fois : les violences conjugales sont des violences familiales qui touchent aussi l'enfant. Je tiens d'ailleurs à saluer le choix de maintenir dans le titre de la proposition de loi la notion d'enfants « covictimes ».
J'en viens à l'autre grande avancée du texte, qui consiste à pousser les juridictions pénales à prononcer plus systématiquement le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice dès qu'un cas grave se présente devant elles. En cas d'inceste, il est nécessaire que le principe soit celui d'un retrait total de l'autorité parentale. Grâce à ce texte, seule une décision spécialement motivée du juge pourra en décider autrement ; cette avancée est très attendue. Un certain équilibre est maintenu : le législateur guide le juge pénal vers une solution, tout en lui laissant une marge d'appréciation des situations individuelles. Je relève en outre un ajout essentiel de la commission des lois de notre assemblée : dans le cas où le juge pénal ne retiendrait pas le retrait total de l'autorité parentale, il aurait l'obligation de se prononcer sur le retrait partiel de l'autorité parentale et sur le retrait de son exercice.
Vous l'avez compris, le groupe LIOT souscrit pleinement à la logique qui sous-tend cette proposition de loi. La priorité doit toujours être la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant, sa sécurité physique et, ne l'oublions pas, sa sécurité affective. C'est pourquoi, je le répète, notre groupe votera de nouveau en faveur de ce texte et espère qu'il sera définitivement adopté à bref délai.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Mme la rapporteure applaudit aussi.
Chaque année, près de 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. En 2021, 208 000 victimes de violences conjugales ont été recensées, dont 80 % avaient des enfants. Derrière ces chiffres, il y a la terrible réalité humaine vécue par des centaines de milliers d'enfants victimes d'inceste ou de violences intrafamiliales.
Ces enfants sont victimes non seulement de ce qu'ils subissent directement, de ce que leur infligent des membres de leur propre famille, mais aussi de ce qu'ils voient, de la violence à laquelle leur environnement familial les confronte lorsqu'ils grandissent auprès d'un parent, d'un frère ou d'une sœur maltraitée. Ces violences ont des conséquences ravageuses sur le développement des enfants : elles peuvent se manifester par un stress post-traumatique, par des troubles du développement du cerveau et du système nerveux ou par des addictions. De telles traces sont lourdes à porter, à plus forte raison pour un enfant.
Si l'article 371-1 du code civil reconnaît la vocation naturelle et première des parents à assurer la protection et l'éducation de leurs enfants, il ne faut pas oublier que c'est une responsabilité qui leur est ainsi confiée et que l'autorité parentale accompagnant cette responsabilité doit s'exercer sans violence physique ni psychologique. Lorsqu'ils faillissent à cette responsabilité en n'assurant plus la protection de l'enfant ou, pis, en étant à l'origine de sa mise en danger, le contrat est rompu. Or la sécurité physique et psychologique de l'enfant doit être assurée ; elle doit donc passer avant tout.
Qui voulons-nous vraiment protéger ? La réponse est évidente : l'enfant. Cependant, la réalité semble parfois plus contrastée. Innocent, l'enfant victime de telles violences ne doit pas subir, en plus de ces maux, la latence de la société. Même si cela passe par la restriction de certains droits parentaux, il est nécessaire de le protéger de son agresseur et de toute violence supplémentaire, physique ou psychologique.
Depuis 2017, le Président de la République a fait de l'enfance une priorité de son mandat, dont le Grenelle des violences conjugales de 2019 est l'une des nombreuses illustrations. Notre majorité s'est employée à renforcer le déploiement du bracelet antirapprochement et du téléphone grave danger ainsi qu'à donner la possibilité au juge pénal d'aménager ou de suspendre l'autorité parentale du conjoint violent grâce à la loi du 28 décembre 2019. Nous avons également agi pour permettre, par la loi du 30 juillet 2020, la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur du parent violent, et pour créer, par la loi du 21 avril 2021, quatre nouvelles infractions afin de protéger les mineurs des crimes et délits sexuels.
La même année, faisant suite aux témoignages marquants du # MeTooInceste, le Président de la République a souhaité la création d'une commission indépendante chargée d'enquêter sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. La Ciivise a vu le jour en mars 2021. En un an, elle a recueilli plus de 16 000 témoignages et a formulé vingt propositions pour mieux prévenir, repérer, soigner et traiter judiciairement ces violences.
Si des mesures importantes ont été prises, le chemin à parcourir reste encore long et beaucoup de progrès sont attendus – à raison.
La proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture contribuera à combler les lacunes du droit et contribuera à mieux garantir la protection de l'enfant. Le groupe Renaissance partage cette volonté et salue la convergence qui a été trouvée avec la rapporteure, Isabelle Santiago, ainsi qu'avec le Gouvernement, tout au long de l'examen du texte. Cette proposition de loi s'ajoute aux engagements pris par le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, et au travail permanent et inlassable de la secrétaire d'État chargée de l'enfance, Charlotte Caubel. Ensemble, par l'engagement profond de Mme la rapporteure et du Gouvernement, nous avons su trouver l'équilibre le plus à même de protéger et d'accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Cet équilibre a été rétabli en commission après les modifications apportées par le Sénat, et deux amendements identiques déposés en séance par Mme la rapporteure et par notre groupe contribueront à le parfaire.
Le groupe Renaissance votera pour la proposition de loi ainsi amendée et espère que ce texte sera une nouvelle fois adopté à l'unanimité, comme ce fut le cas en première lecture et en commission des lois. Il sera un exemple de notre capacité à travailler ensemble pour protéger nos enfants de pareilles violences et leur assurer un avenir meilleur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Dans huit jours exactement, nous célébrerons la journée internationale des droits de l'enfant. Le 20 novembre marque en effet l'anniversaire de la signature de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations unies. Cette convention, faut-il le rappeler, avait été précédée par deux déclarations des droits de l'enfant de simple portée morale, dont la première en 1923. Voilà donc un siècle que l'on cherche à protéger de façon spécifique les droits de l'enfant. Pourtant, le compte n'y est pas.
Un enfant meurt en France tous les cinq jours des suites de maltraitances, si ce n'est pas bien davantage, comme en témoignent d'autres associations et le professeur Bernard Hœrni, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui signalait la mort de deux enfants par jour en France des suites de maltraitances. Parmi ces petites victimes, 160 000 subiraient chaque année une agression sexuelle ou un viol incestueux, dont la majorité aurait été commise par un proche parent, parfois le leur, et dont 2 000 seulement auraient fait l'objet d'une condamnation. Il fallait donc agir.
La proposition de loi présentée par Isabelle Santiago vise précisément à mieux protéger l'enfant victime de violences intrafamiliales. On ne peut plus tolérer que des enfants risquent de mourir sous les coups de ceux qui en ont la garde. Nous en avons encore eu un exemple récent avec une fillette battue à mort dont les parents étaient soupçonnés de violences. Voilà ce que disait le journal 20 minutes de l'Eure, le 26 septembre 2023 : « Elle allait fêter son quatrième anniversaire dans quelques jours. Une enfant âgée de trois ans a été retrouvée sans vie au domicile familial. Le corps de l'enfant présentait de nombreuses ecchymoses évoquant des coups reçus. Soupçonné de mauvais traitement, le couple inculpé a reconnu des violences récurrentes sur l'enfant. » Si l'exercice de l'autorité parentale avait été suspendu dès les premières violences, même de façon provisoire, l'enfant ne serait sans doute pas décédée.
C'est en partie l'objet de cette proposition de loi. Elle apporte deux innovations.
La première réside dans la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dès lors qu'un parent est poursuivi pour crime ou inceste, jusqu'à la décision du juge. Cette suspension est déjà prévue dans le code civil actuel, mais la décision reste pour l'instant à la liberté du juge. Dans les cas de crime perpétré sur la mère ou d'agression sexuelle, le père poursuivi peut ne pas être dépossédé de son droit de visite et d'hébergement, ce qui reste incompréhensible pour le commun des mortels.
« Lorsqu'une enquête judiciaire est ouverte », disait Marine Le Pen dans son programme présidentiel, « c'est bien parce que des soupçons graves de maltraitance ont été mis en évidence. Or il arrive que le magistrat concerné ne prenne pas la décision de retirer l'enfant à ses parents durant cette période. Cela a deux conséquences potentielles : que les sévices, s'ils existent, se poursuivent voire s'aggravent, et que des pressions soient exercées sur la victime pour qu'elle revienne sur son témoignage […] » Marine Le Pen a fait de la protection des mineurs et de la condamnation des violences physiques une priorité. Elle indiquait déjà, dans son programme, qu'il fallait mettre à l'abri les enfants durant le temps de l'enquête.
De son côté, Édouard Durand, juge des enfants et président de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles et intrafamiliales, indiquait qu'il y a trop d'aléas dans la décision que peut prendre un juge. Tout est dans la loi, certes, mais chacun prend sa décision en fonction des preuves que contient le dossier et de sa propre perception. Or, au moins pendant le temps des poursuites, l'enfant doit être protégé, et pas seulement en cas de culpabilité certaine.
En deuxième lieu, la proposition de loi vise au retrait automatique – sauf décision spécialement motivée –, total ou partiel, de l'autorité parentale en cas de crime commis sur la personne du conjoint ou sur l'enfant, ou en cas d'agression sexuelle sur l'enfant. Sans doute aurait-il fallu aller plus loin en élargissant le champ d'application du texte aux délits graves, comme cela était prévu dans la rédaction initiale. De mon point de vue, il est contraire à l'intérêt de l'enfant de cantonner cette mesure aux seules infractions de crime et d'inceste puisque, comme cela a été dit, un enfant peut mourir de violences répétées. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à suspendre également l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites pour violences entraînant une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours sur la personne de l'enfant.
Il n'en demeure pas moins que cette proposition de loi est une réelle avancée pour la protection des enfants que je vous invite à voter, car il est plus que jamais essentiel de nous réunir sur des sujets transpartisans. Pour paraphraser Gandhi, le degré de civilisation d'un pays se juge à la façon dont il traite ses enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Pour le juge, je suis une mère aliénante, folle, voulant écarter leur père. J'ai fait tout ce que je pouvais pour protéger mes enfants. Mais rien de plus que ce qu'aurait fait n'importe quel parent. » Ces mots, ce sont ceux d'Hanna Dam-Stockholm. Ses trois enfants ne l'ont pas vue depuis trois ans : ils vivent avec leur père, quelque part en Polynésie. Pourtant, celui-ci fait l'objet d'une dizaine de signalements pour violences, y compris sexuelles. Les signalements des professeurs et des professionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE) convergent avec les constats des psychologues qui ont estimé que les enfants étaient en danger auprès de lui. Il a pourtant été autorisé à passer les vacances scolaires avec ses enfants durant l'été 2020. Hanna, déjà en vacances avec eux à ce moment-là, a tardé à les lui remettre. Elle a été condamnée à un an de prison pour soustraction d'enfants. Je le dis devant vous : j'aurais fait comme elle. Et je sais que beaucoup d'entre vous auraient fait comme elle car notre premier devoir de parent est de protéger nos enfants.
L'état du droit et le fonctionnement actuel des institutions ne permettent pas de protéger efficacement les enfants victimes de violences intrafamiliales. Le cas d'Hanna Dam-Stockholm est loin d'être isolé : trop de parents violents conservent l'autorité parentale ainsi que leurs droits de visite et d'hébergement. Beaucoup de ces enfants sont alors condamnés à vivre des années de violences destructrices. Le nombre d'enfants concernés est vertigineux. 160 000 sont en effet victimes de violences sexuelles chaque année en France et 400 000 sont victimes ou covictimes de violences intrafamiliales, tous types confondus. Parmi eux, la majorité n'est pas protégée, y compris lorsque les violences sont connues des institutions.
Le présent texte a pour objectif de remédier en partie à ces carences en permettant d'agir vite lorsqu'un enfant est en danger. En agissant sur la suspension et le retrait de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement, il s'agit de limiter ou de rompre les relations entre l'enfant et son parent violent afin de mettre l'enfant en sécurité. C'est une évolution essentielle du droit. Je remercie l'autrice de ce texte, Isabelle Santiago, pour son travail, et je me félicite que les députés de la commission des lois aient rétabli l'esprit du texte initial, qui avait été vidé de sa substance lors de son passage au Sénat.
Ce texte et les débats qui l'accompagnent témoignent d'une prise de conscience croissante concernant l'ampleur et la gravité des violences faites aux enfants. Cette prise de conscience n'est pas sans lien avec le travail essentiel que la Ciivise réalise depuis bientôt trois ans – commission qui doit poursuivre ses missions.
Depuis des années, la Ciivise ainsi que de nombreux acteurs de la protection de l'enfance appellent de leurs vœux un changement de paradigme dans la façon dont les institutions considèrent et prennent en charge les violences intrafamiliales. Nous sommes actuellement dans un régime de présomption de culpabilité pour la personne qui dénonce des violences commises sur un enfant. C'est incroyable ! La mère est encore trop fréquemment accusée de mentir et de manipuler son enfant pour nuire à son ex-compagnon. Quant à la parole de l'enfant elle-même, elle est jugée peu crédible. Nous devons passer à un régime de présomption de crédibilité de la parole de l'enfant. C'est une condition nécessaire pour que toutes les victimes puissent être protégées dès les premiers stades de l'enquête. Ce qui prime, c'est la protection. Nous parlons ici de violences qui laissent des traces indélébiles. On ne peut pas se contenter de laisser l'enfant avec le parent accusé de violences et espérer que tout ira bien. Nous le répétons depuis des années : un auteur de violences, y compris conjugales, n'est pas un bon parent.
La proposition de loi telle qu'elle nous parvient aujourd'hui n'est pas parfaite. Elle pourrait être plus protectrice. Mais elle constitue déjà un grand pas en avant, et le groupe LFI – NUPES votera évidemment en sa faveur.
Je tiens néanmoins à rappeler que ces modifications législatives devront s'accompagner d'un plan global de lutte contre les violences faites aux enfants. Quand je parle de plan global, j'ai en tête quelque chose d'un peu plus ambitieux que les mesures adoptées jusqu'ici par la secrétaire d'État chargée de l'enfance. Elle a lancé dernièrement une campagne d'information sur les violences sexuelles faites aux enfants. C'est très bien. Mais quand des enfants ou des adultes verront cette campagne et décideront de signaler des faits de violences, que se passera-t-il ? Quels moyens pour la police, la justice, l'ASE, l'éducation nationale, pour traiter correctement ces situations, protéger les enfants et les prendre en charge ? Seule une hausse des moyens à la hauteur des besoins permettra la protection réelle des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le retrait de l'autorité parentale est, dans notre culture, encore difficile à envisager. Pourtant, il est devenu nécessaire et même indispensable d'intégrer cette option dans l'éventail des moyens de protection à l'égard de l'enfant victime de sa famille. En effet, le rapport Sauvé sur les violences sexuelles dans l'Église catholique, publié en octobre 2021, estime que près de 15 % des femmes et plus de 6 % des hommes majeurs, soit environ 10 % de la population totale, auraient été sexuellement agressés lorsqu'ils étaient mineurs. C'est dire l'ampleur du phénomène et l'importance de l'enjeu dont le législateur est aujourd'hui saisi.
Concrètement, le retrait de l'autorité parentale prive l'un des parents de l'ensemble de ses attributions, y compris les plus symboliques, comme le droit de consentir au mariage de son enfant. Ce retrait revient également à confier exclusivement à l'autre parent le soin de veiller sur l'enfant et de prendre les décisions nécessaires notamment à sa santé ou à son éducation. Depuis des décennies, les acteurs de la protection de l'enfant expriment en la matière des conceptions opposées. Le législateur doit donc trancher : il est indispensable de sanctionner le parent coupable de violences très graves sur son enfant et de protéger physiquement cet être vulnérable, en l'éloignant juridiquement de l'autorité dont il dépend et qui le détruit. À ce titre, madame la rapporteure, je salue votre travail et votre engagement constant sur ce texte : vous êtes déterminée et vous avez raison de l'être. Grâce à votre travail, nous allons faire avancer cette cause.
Depuis quelques années, un chemin avait déjà été tracé et des avancées importantes ont été obtenues. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, défendue par notre collègue Aurélien Pradié – que je salue –, avait été adoptée à l'unanimité ; elle a créé un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour crime contre l'autre parent. Puis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a étendu la possibilité de retirer totalement l'autorité parentale ou son exercice par décision expresse du jugement pénal aux cas dans lesquels un parent est condamné pour délit sur l'autre parent. Quel lien peut demeurer entre un enfant et un père qui a commis le pire envers sa femme ? C'est toute la question.
Veiller à la protection des enfants, c'est-à-dire de ceux qui n'ont pas leur mot à dire car ils ne peuvent tout simplement pas raconter ce qui se passe, est notre devoir collectif : c'est à nous de les aider en agissant. En France, 400 000 enfants vivent dans un foyer dans lequel s'exercent des violences conjugales, et 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. Dans 90 % des cas l'agresseur est un homme et, dans la moitié des cas, c'est un membre de la famille.
La présente proposition de loi renforce les dispositifs juridiques en vigueur en suspendant de plein droit l'autorité parentale du parent poursuivi pour agression, et en la lui retirant de manière systématique en cas de condamnation. C'est nécessaire et nous apportons notre plein soutien à cette mesure. En première lecture, les députés et les sénateurs ont complété et enrichi ce texte, en permettant notamment la suspension de plein droit dès les premières poursuites pour agression sexuelle incestueuse et pour crimes commis contre l'enfant ou contre l'autre parent. L'article 378 du code civil sera ainsi réécrit efficacement dans ce sens. En effet, il n'est pas envisageable qu'en cas de condamnation pour un crime commis sur son enfant ou sur l'autre parent, un parent puisse conserver l'autorité parentale.
L'objectif principal qui doit nous guider, c'est la protection des victimes et la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je voterai donc ce texte, car il replace l'enfant victime au cœur du dispositif judiciaire. Coordonner le civil et le pénal est une priorité pour la protection de l'enfant victime ; c'est mon intime conviction. Le retrait de l'autorité parentale peut être nécessaire pour arrêter la reproduction de la violence familiale au sein des générations suivantes, mais il faut en même temps préparer l'avenir de l'enfant concerné et lui offrir une stabilité juridique et affective sur le long terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Béatrice Descamps et Sophie Mette applaudissent également.
« Nous devons à nos enfants, les citoyens les plus vulnérables de toute société, une vie à l'abri de la violence et de la peur », disait Nelson Mandela. Or, malgré de nombreux textes, de nombreuses mesures et de multiples campagnes de sensibilisation pour protéger les enfants, les violences intrafamiliales ne cessent pas. Un enfant est tué par l'un de ses parents tous les cinq jours dans notre pays. Ces maltraitances et ces infanticides, en constante augmentation, sont insoutenables. Entendons ces cris, ces plaintes, ces maux, ces souffrances, ces traumatismes tenus sous silence depuis des années.
Les violences intrafamiliales sont un fléau dans notre société, un fléau trop souvent laissé dans l'ombre, qu'il est devenu impossible d'ignorer. Pour chacun de ces enfants, nous avons la responsabilité d'agir. Grâce à ce texte, nous allons apporter plus de sécurité dans la vie affective de l'enfant. Ainsi, je tiens à féliciter notre collègue Isabelle Santiago d'avoir su nous mobiliser de manière transpartisane face à la gravité de la situation. Je remercie également l'ensemble de nos collègues pour leur travail, qui a permis l'amélioration du texte pour une meilleure protection de l'enfance. Nous démontrons ce soir, dans l'hémicycle, notre capacité à nous unir autour de ce sujet essentiel que sont les violences intrafamiliales. Ensemble, bâtissons un avenir où chaque enfant pourra bénéficier d'un foyer protecteur pour grandir. Un tel avenir passe par l'adoption de ce texte – soyons-en fiers.
Le travail transpartisan que nous avons mené à l'Assemblée aboutit à un texte équilibré et en tout point nécessaire à la protection de l'enfant témoin et victime. Désormais, en cas d'agression sexuelle incestueuse ou de crimes commis par un parent sur son enfant ou sur l'autre parent, l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement pourront être suspendus, et ce dès le déclenchement de poursuites judiciaires. En adoptant ce texte, nous disons haut et fort que chaque enfant a le droit de grandir à l'abri de toute forme de violence. Alors engageons-nous à briser le silence et à protéger les plus vulnérables. C'est une responsabilité qui nous incombe en tant que législateurs, mais surtout en tant qu'êtres humains.
J'espère que cette proposition de loi recueillera, en seconde lecture, l'unanimité que mérite la cause défendue. Pour conclure, je tiens à faire résonner les mots de la Déclaration des droits de l'enfant de 1959 : « L'intérêt supérieur de l'enfant doit être [notre] guide » ; il doit être « la considération déterminante » de nos réflexions et de nos choix. Le groupe Démocrate votera en faveur du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l'amendement n° 3 rectifié .
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'en profiterai pour défendre également l'amendement n° 4 . Que ce soit très clair – madame la rapporteure le sait parfaitement : ma voix est totalement bienveillante et je la félicite d'ailleurs pour son travail. Je tenais cependant à mettre en garde contre des dérives potentielles qui pourraient découler de cette proposition de loi, car la protection de l'enfant passe aussi, à mon sens, par la protection contre les instrumentalisations dont il peut parfois faire l'objet. En effet, malheureusement – j'ai pu en faire l'expérience à plusieurs reprises dans le cadre de mon activité d'avocat en droit de la famille –, il existe des cas dans lesquels un des deux parents se sert de l'enfant comme d'un instrument de vengeance contre l'autre parent. Lorsque ce parent, pour des raisons qui lui sont propres, ne supporte pas l'idée que l'autre parent, qu'il déteste, puisse poursuivre des relations avec son enfant, il lui suffit, grâce au présent article, de faire engager des poursuites contre lui en déposant une plainte pour violence. Dès lors, le lien est coupé entre l'enfant et l'autre parent durant le temps de la procédure, qui peut durer plusieurs mois voire plusieurs années.
Mon intention est simplement de mettre en garde. Mon amendement n° 4 propose donc que la suspension de l'autorité parentale, au lieu d'être automatique et « de plein droit », soit une possibilité offerte au juge : la libre appréciation lui serait laissée sur ce point. Quant à mon amendement n° 3 rectifié , il vise à supprimer la suspension du droit de visite en ne conservant que celle du droit d'hébergement. Laissons au moins la possibilité d'envisager un droit de visite du parent poursuivi, dans un lieu neutre et public, par exemple les locaux d'une association.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Nous en avons déjà discuté ensemble, chère collègue : l'avis est défavorable sur ces deux amendements. Comme vous le savez, je ne partage pas du tout votre point de vue à ce sujet, même si vous avez bien évidemment le droit de le défendre ; il est d'ailleurs très minoritaire. Je tiens à rappeler que notre travail transpartisan a introduit dans le texte d'utiles garde-fous. Ainsi, la suspension en question ne s'oppose pas, évidemment, à la présomption d'innocence : elle court jusqu'à la décision d'un juge qui pourra être le juge aux affaires familiales (JAF) saisi par le parent poursuivi, le juge d'instruction s'il prononce un non-lieu dans l'affaire, ou bien le juge pénal lorsqu'il rend sa décision au fond.
Avis défavorable, donc, à propos d'un sujet sur lequel nous avons déjà échangé. Vous savez qu'en matière de violences conjugales et de violences faites aux enfants, les cas que vous évoquez sont très minoritaires.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enfance, pour donner l'avis du Gouvernement.
Nous sommes dans l'obligation d'établir un équilibre entre le principe de présomption d'innocence et les exigences de protection de l'enfant ; or il est clair qu'en l'état du droit, cet équilibre n'est pas garanti. Il nous fallait donc instaurer un dispositif permettant certes d'agir rapidement pour protéger l'enfant, mais aussi, pour le parent poursuivi, de saisir un juge tout aussi rapidement.
Par ailleurs, en modifiant aussi l'alinéa suivant, vos amendements supprimeraient des mesures qui concernent uniquement le parent condamné et ne s'appliquent pas au parent poursuivi. Cela reviendrait à vider ce texte tout à fait essentiel de sa substance. L'intervention rapide d'un juge permettra de concilier l'obligation de protection, à propos de laquelle nous ne sommes pas à la hauteur – trop d'enfants restent trop longtemps, compte tenu de la longueur des enquêtes, sous l'emprise de leur parent abusif –, et le respect de la présomption d'innocence. Je suis défavorable aux deux amendements.
Je vous invite, chers collègues, à voter contre cet amendement, pour une bonne raison : il vise à vider complètement le texte de sa substance. Si nous voulons faire avancer les droits des enfants, il ne faut pas adopter cette disposition, qui tend à revenir à l'état actuel du droit. Le juge peut en effet déjà décider de suspendre ou non l'exercice de l'autorité parentale. C'est ce à quoi Mme Yadan, médiatrice familiale comme moi, propose de revenir : si nous faisions droit à son amendement, le juge conserverait la faculté de retirer ou non l'exercice de l'autorité parentale à la personne visée. Or c'est précisément ce que nous ne souhaitons pas, les familles ne comprenant pas que ce retrait ne soit pas automatique en cas de crime ou d'inceste.
Je rassure d'ailleurs ma consœur : non seulement, comme la rapporteure l'a souligné, les mises en scène ou les mensonges de l'autre parent sont beaucoup moins nombreux que les cas d'enfants qui continuent à voir un père violent qui les traumatise alors qu'ils devraient en être éloignés ; mais, en outre, la suspension prévue à l'article 1er ou le retrait prévu à l'article 2 ne pourront intervenir qu'en cas de poursuites. Or on ne poursuit pas quelqu'un pour rien : si aucun élément concret n'est rapporté, les poursuites ne seront pas engagées et la suspension quasi automatique de l'autorité parentale ne trouvera donc pas à s'appliquer. Je précise enfin que ladite suspension ne sera pas automatique : le juge pourra toujours l'écarter en motivant sa décision et choisir, si la situation lui semble l'exiger, de laisser l'enfant auprès de son père ou de prévoir des droits de visite.
Il n'y a donc aucun danger à repousser cet amendement. Je vous invite à le faire, pour, j'y insiste, ne pas vider le texte de sa substance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Jean-Pierre Taite applaudit également.
Merci, madame Roullaud. Je rappelle qu'il n'y a pas de confrères ou de consœurs dans cet hémicycle, mais seulement des collègues.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 9 par le groupe Rassemblement national et sur l'article 2 ter par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Terlier.
On peut être collègues et confrères à la fois : ce n'est pas antinomique.
Non : nous n'avons pas, dans cette enceinte, d'autre titre que celui de député.
Les utiliser permet toutefois de rappeler quelles étaient les anciennes professions des uns et des autres.
Vous me permettrez donc de le faire, en vertu de la liberté qui est la mienne lorsque je m'exprime à ce micro.
Si je partage le constat de notre collègue Yadan quant aux comportements de certains parents qui sont parfois tentés d'instrumentaliser leur enfant, il me semble que, comme l'a rappelé Mme la secrétaire d'État, ce problème a été clairement identifié : il faut concilier le respect de la présomption d'innocence et la protection des droits de l'enfant. Je tiens, à ce titre, à féliciter la rapporteure Santiago pour l'équilibre auquel nous sommes parvenus dans ce texte.
Je m'oppose à cet amendement car, comme l'a rappelé la collègue du groupe Rassemblement national, des garde-fous ont bien été prévus. L'autorité judiciaire n'engage des poursuites que sur la base d'indices graves et concordants, que le juge est amené à apprécier. La commission a complété l'article en prévoyant la suspension de l'autorité parentale en cas de condamnation pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, situations dans lesquelles la victime présente des stigmates d'actes concrets, que le juge est à même d'apprécier en tant qu'autorité de poursuite. À ce titre, les garanties me semblent réunies pour appliquer ce dispositif bienvenu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 3 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Je crois l'avoir dit au cours de la discussion générale, mais je le répète pour ceux qui n'étaient pas présents : il me semble nécessaire d'élargir le texte aux cas de violences envers l'enfant ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. J'estime en effet que le fait de cantonner le dispositif aux seuls crimes et agressions sexuelles ne permet pas de protéger suffisamment les enfants. Je l'ai rappelé : la petite Lisa, morte sous les coups, aurait été mieux protégée s'il avait été possible de suspendre les droits de visite et d'hébergement après un divorce, par exemple.
Je souhaite donc que l'article 1er soit élargi aux violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, qui constituent des violences graves. L'amendement évoquant en outre les seules violences volontaires, il n'y a aucun risque à les inclure dans le texte. Au contraire, il me semble nécessaire de le faire pour que des enfants ne soient pas martyrisés sans que les adultes ne réagissent.
M. Christophe Barthès applaudit.
Nous avons échangé nos points de vue sur ces questions. J'émets un avis défavorable car le texte tel qu'il est rédigé reflète un équilibre et que nous pouvons difficilement l'élargir. Par ailleurs, il est évident que la proposition de loi ne traite pas de tous les enjeux liés à la maltraitance faite aux enfants : nous n'avons abordé que certains d'entre eux dans le cadre de nos travaux.
Vous entendez étendre le champ de l'article 1er aux violences ayant entraîné une ITT de huit jours ou plus lorsqu'elles sont commises sur l'enfant. Ayant été pendant de très longues années vice-présidente du conseil départemental du Val-de-Marne chargée de la protection de l'enfance, je peux vous assurer que, sur ces questions, les juges sont déjà saisis par des textes de lois assez nombreux. On peut toujours faire beaucoup mieux en matière de protection de l'enfance, mais les dispositions que vous proposez figurent déjà quasiment telles quelles dans la loi et sont appliquées dans les juridictions.
En revanche, s'agissant de cette proposition de loi transpartisane, il importe de conserver l'équilibre du texte, qui s'appliquera aux crimes, aux agressions sexuelles incestueuses et aux violences intrafamiliales ayant entraîné une ITT de plus de huit jours dont l'enfant est covictime. Cet équilibre doit être préservé, y compris en vue de l'examen du texte au Sénat, au cours duquel il importera une nouvelle fois de convaincre tout le monde. Nous souhaitons donc en rester au texte adopté par la commission.
Je suis défavorable à cet amendement, qui soulève deux enjeux. D'abord, cela vient d'être dit, il faut préserver l'équilibre du texte, qui introduit des sanctions très importantes pour les parents, à savoir le retrait de l'autorité parentale, sur la base d'un certificat, en cas de violences. Ces dernières, lorsqu'elles sont de nature psychologique, ne sont pas toujours faciles à évaluer. Une ITT de huit jours, dans ce contexte, ne correspond pas forcément à un seuil très élevé.
Nous avons considéré qu'il convenait de garantir l'équilibre du texte.
Je veux aussi vous rassurer, madame la députée : lorsque des violences sur un enfant sont repérées et qu'une ITT de huit jours est délivrée, des mécanismes permettent déjà de le protéger, de façon provisoire, pendant la durée de l'enquête – puisqu'une fois la condamnation prononcée, la loi s'applique pleinement. Ils sont rapidement mis en œuvre.
Si : dans la situation que vous avez évoquée, l'enquête n'avait pas démarré et aucune mesure provisoire de protection de l'enfant n'avait pu être prise. Une fois constatée l'existence de coups, qui sont hélas plus faciles – pardonnez-moi ce terme – à détecter que des agressions sexuelles, les dispositifs de protection existent et sont très rapidement mobilisés par les départements et par le parquet. Il peut par exemple s'agir d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'entrer en contact avec les victimes ou d'une ordonnance de placement provisoire dans une structure d'aide sociale à l'enfance.
Évidemment, quand on arrive trop tard et que l'enquête n'a pas démarré, des drames surviennent, mais c'est alors le repérage et le signalement des violences qui font défaut : ce n'est pas au moment des investigations que nous peinons à protéger les enfants, mais au stade précédent. Le Gouvernement est par ailleurs engagé pour former tous les professionnels et mettra très prochainement une plateforme d'écoute à leur disposition pour les accompagner. Le problème est toutefois d'une autre nature : une fois les violences repérées, nous disposons de tous les outils nécessaires pour protéger les enfants. Les juges et les magistrats du parquet prennent régulièrement des décisions de ce type pour protéger les enfants.
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La demande de scrutin public sur l'article 2 ter a quant à elle été retirée.
Je mets aux voix l'amendement n° 9 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 23
Contre 68
L'amendement n° 9 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 86
Contre 0
L'article 1er est adopté.
Les articles 2, 2 bis et 2 ter A sont successivement adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 2 et 6 , qui font l'objet d'une demande de scrutin public déposée par le groupe Rassemblement national, tout comme l'article 2 quater .
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 2 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
La parole est à M. Éric Poulliat, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Les députés du groupe Renaissance sont totalement en phase avec Mme la rapporteure et défendent donc la rédaction proposée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 94
Contre 0
L'article 2 ter, amendé, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 94
Contre 0
L'article 2 quater est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 1 rectifié et 7 rectifié , faisant l'objet de deux sous-amendements.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1 rectifié .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à réécrire l'article 3 pour parfaire la coordination entre le code pénal et le code civil. Il est très important de le faire pour que, quand le texte sera – je l'espère – adopté définitivement, il trouve à s'appliquer correctement.
La parole est à M. Éric Poulliat, pour soutenir l'amendement n° 7 rectifié .
Nous sommes, là encore, d'accord avec la rédaction proposée par Mme la rapporteure. En revanche, nous sommes totalement défavorables aux deux sous-amendements.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 14 .
J'y associe notre collègue Jean-Pierre Taite, élu dans la Loire. Afin de protéger les victimes, un parent auteur, coauteur ou complice de crime ou d'inceste sur son enfant doit se voir retirer l'autorité parentale, sans exception possible.
Vous gardez la parole pour soutenir le sous-amendement n° 13 , monsieur Cinieri.
Notre collègue Jean-Pierre Taite et moi-même estimons qu'afin de protéger les frères et sœurs des victimes, le parent auteur, coauteur ou complice de crime ou d'inceste sur l'un de ses enfants ne doit plus exercer l'autorité parentale sur aucun d'entre eux, sans exception possible.
M. Jean-Pierre Taite applaudit.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 14 , même si nous avons débattu de cette question, je me permets de préciser pourquoi j'émets un avis défavorable.
Je rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé que le prononcé automatique d'une privation de l'autorité parentale en cas de condamnation pénale n'était pas conforme à l'article 8 de la convention dès lors que cette privation ne pouvait être écartée notamment en fonction de l'appréciation de l'intérêt de l'enfant.
Nous avons mené un travail légistique, en tenant compte des exigences constitutionnelles, afin de parfaire le dispositif et d'aboutir au résultat que nous souhaitions atteindre avec ce texte, c'est-à-dire rendre la décision quasi automatique, sans toutefois que cet objectif soit écrit ainsi dans le texte, et ce pour que la proposition de loi, une fois votée, ne soit ni inapplicable ni inconstitutionnelle. Comme je l'ai déjà dit, la solution que nous avons trouvée consiste à réécrire l'article 3 comme le prévoient les amendements identiques n° 1 rectifié et 7 rectifié .
Je vous invite donc à voter contre le sous-amendement n° 14 même si je reste évidemment ouverte au débat.
La commission est également défavorable au sous-amendement n° 13 . L'objectif de la proposition de loi est d'impulser un changement profond dans les pratiques du juge pénal puisqu'il aura l'obligation de se prononcer sur les modalités de l'autorité parentale dans certaines affaires, ce qu'il ne fait que rarement aujourd'hui. Votre sous-amendement n'a donc pas sa place dans le texte tel que nous l'envisageons.
Je vous informe que sur l'article 3, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public et que sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je suis favorable aux amendements car il convient de mettre en cohérence le code civil avec le code pénal. À cet égard, les propositions de Mme la rapporteure et de M. Poulliat sont indispensables pour assurer une application claire du code civil aussi bien que du code pénal.
En revanche, je suis défavorable aux deux sous-amendements. Comme l'a dit Mme la rapporteure, il est très important de changer les pratiques. Les magistrats doivent se poser systématiquement la question de l'exercice de l'autorité parentale et se prononcer sur les modalités de cet exercice dans les cas définis dans le texte.
Cependant, si la proposition de loi contenait des décisions automatiques, il serait fragile d'un point de vue constitutionnel. Car le lien qui unit les parents et les enfants est très important. Pour le rompre, il faut en passer par une décision de justice même si, nous sommes tous d'accord, dans certaines situations, une telle mesure est indispensable.
Les amendements identiques n° 1 rectifié et 7 rectifié sont adoptés ; en conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Les articles 3 bis et 4 sont successivement adoptés.
Je remercie Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d'État pour le travail accompli. La teneur de cette explication de vote ne vous surprendra pas car nous sommes très fiers du travail effectué par notre collègue.
L'examen de ce texte nous donne aussi l'occasion de nous souvenir du travail énorme réalisé par Édouard Durand. Cette proposition de loi, qui apparaît comme un aboutissement et comme un texte utile, commande en fait de poursuivre encore son travail.
Il n'était pas si facile de trouver un équilibre car il nous fallait nous situer dans le droit fil de la Constitution, laquelle nous oblige à peser les termes. Notre assemblée y est parvenue de façon admirable.
Avec ce texte, qui marque une avancée importante, un signal fort est envoyé. Il nous reste beaucoup à faire en matière de justice, notamment, madame la secrétaire d'État, s'agissant des classements sans suite, dont le pourcentage reste des plus élevés dans le type d'affaires que nous avons évoquées aujourd'hui.
Le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte avec, j'y insiste, beaucoup de fierté, et je salue au passage l'adhésion exprimée par l'ensemble des collègues.
Ce soir marque une grande avancée pour la protection de l'enfant. Nous avons tous travaillé ensemble dans ce sens. Il faut souligner le caractère transpartisan de cette proposition de loi. Bravo, madame la rapporteure, vous avez rendu possible ce moment de communion dans l'hémicycle.
C'est vrai, cela arrive lorsque nous abordons des sujets majeurs.
Le groupe Horizons et apparentés votera évidemment ce texte avec une grande conviction. En ce qui concerne les violences intrafamiliales, les dispositions d'ordre judiciaire de la proposition de loi sont très importantes. Reste qu'il faudra aborder un autre chantier, avec également un fort engagement : la question des soins apportés à ces enfants et à leur famille.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Tout d'abord, nous sommes très heureux que la rédaction du texte soumis au vote ce soir corresponde à celle que nous espérions en première lecture. Je tiens également à souligner la très grande qualité du travail que nous avons mené avec Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d'État. L'une comme l'autre ont fait preuve d'une grande qualité d'écoute.
Nous pouvons tous nous féliciter de voter un texte qui fera avancer très clairement la justice et accroîtra la protection de nos enfants. Nous sommes nombreux, au sein du groupe Renaissance, à travailler sur cette question – je pense à notre collègue Terlier, qui a longtemps travaillé sur la justice des mineurs. Nous pouvons être fiers d'avoir œuvré ensemble pour faire avancer le droit dans l'intérêt des enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous serons très heureux de voter ce texte même si nous regrettons que l'Assemblée n'ait pas adopté nos amendements. Je rappelle à Mme la secrétaire d'État, qui se satisfait du nombre actuel de signalements, que le petit Bastien – dont j'ai déjà raconté l'histoire – a été mis dans une machine à laver après avoir fait l'objet de neuf signalements, et qu'il en est mort.
Oui, j'aurais bien aimé que soit prévue une suspension de l'autorité parentale dès lors qu'une institution apprend qu'un enfant est victime de coups. Je ne demandais pas grand-chose. Peut-être devrais-je déposer à mon tour une proposition de loi sur le sujet. Nous aurions en tout cas aimé que celle-ci aille plus loin car, vous le savez, des coups peuvent entraîner la mort.
Nous saluons tout de même la belle avancée – un pas après l'autre – que constitue cette proposition de loi et remercions Mme le rapporteur.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 111
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur la plupart des bancs.
Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des groupes. Cette proposition de loi correspond à un engagement qui est le mien de longue date. J'ai tenu à adopter une attitude d'écoute et de partage avec vous pour faire avancer le droit des enfants, cela dans leur intérêt supérieur. À vrai dire, il n'a pas été nécessaire de faire beaucoup d'efforts pour vous convaincre. Vous avez été très réceptifs et nous avons ainsi abouti de façon collective à cette avancée.
Je remercie le cabinet du garde des sceaux qui a beaucoup travaillé avec moi, notamment sur la partie légistique du texte. Je remercie également Marine, l'administratrice de la commission des lois qui m'a beaucoup aidée.
Elle est excellente, je vous le confirme. Je remercie l'ensemble des personnes qui ont travaillé avec moi, notamment, évidemment, mes collaborateurs.
Je remercie également chaleureusement mon groupe. Certes, je suis à l'origine de ce texte cosigné par mes collègues mais il a été présenté pour la première fois, et voté à l'unanimité, à l'occasion d'une niche du groupe Socialistes et apparentés.
Je mesure les pas qui ont été faits, les briques qui se sont ajoutées. Il est à présent très important pour moi que nous disions à nos collègues sénateurs – nous en connaissons dans tous les groupes – qu'un examen par la Haute Assemblée doit avoir lieu rapidement car, dans l'intérêt supérieur des enfants, ce texte doit être adopté si possible par un vote conforme. C'est ce qu'attendent les enfants car cette proposition de loi répond à une urgence : la nécessité de mieux les accompagner.
Je vous remercie tous pour le travail accompli collectivement, et vous aussi, madame la secrétaire d'État, pour votre écoute à propos de ces combats que nous menons ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem et HOR.
Je suis évidemment très honorée d'être présente dans l'hémicycle au moment où un texte transpartisan, au service de la protection de nos enfants, est adopté.
Voilà une pierre indispensable ajoutée à un dispositif global composé déjà de nombreuses petites pierres, qu'il s'agisse de textes portant sur le numérique ou sur les violences contre les mineurs. Je pense à différents projets de loi du garde des sceaux ou à des propositions de loi adoptées lors du précédent quinquennat. Je pense également au travail mené par la chancellerie ou encore par l'Office central de lutte contre les violences faites aux mineurs, créé récemment par le ministre de l'intérieur, mais aussi à notre engagement collectif. La Première ministre et le Président de la République ont en effet annoncé que cette question constituait une priorité.
C'est un combat qui m'est personnel mais nous nous devons de le mener ensemble. Je vous remercie donc d'y prendre part à mes côtés car il faut évidemment que les chiffres que j'ai cités à plusieurs reprises baissent rapidement et fortement.
Je suis sûre que l'Assemblée nationale contribuera à sensibiliser tous les adultes du pays. Nous ne devons plus accepter de telles situations et nous devons être vigilants. Oui, madame la députée Roullaud, nous sommes confrontés à un nombre trop important de signalements qui ne donnent pas lieu à une réaction suffisamment forte de la part des autorités. Cependant, le Gouvernement – qu'il s'agisse du ministre de l'intérieur ou du ministre de la justice – a mis en œuvre des moyens qui peuvent nous laisser espérer que des réponses seront données plus rapidement.
Grâce à votre texte, nous protégerons de nombreux enfants qui, jusqu'à aujourd'hui, avaient peur de se retrouver sous l'autorité de leurs parents. Ils atteindront une certaine sérénité – je dis bien « une certaine » car ce n'est qu'une toute petite partie du chemin qui mènera à la reconstruction de leur vie d'enfant et d'adulte.
Encore un immense merci pour ce vote transpartisan.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.
Je laisse tout de suite, en lui souhaitant la bienvenue, la parole à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez ce soir est essentielle parce qu'elle concerne un métier essentiel. Vous connaissez mon engagement en faveur des secrétaires de mairie. J'en ai fait une de mes priorités pour plusieurs raisons, la première étant que je connais l'exigence de ce métier et le rôle central que jouent celles qui l'exercent dans la vie de nos communes rurales. La deuxième raison, c'est que je n'ai pas une rencontre avec des élus locaux sans que ce sujet prioritaire ne soit abordé. Enfin, les échanges que j'ai avec les secrétaires de mairie elles-mêmes, lors de chacun de mes déplacements, sont parmi les plus forts et me convainquent de la nécessité d'agir collectivement.
On sait bien que l'on surprend parfois ses interlocuteurs parisiens en leur parlant des secrétaires de mairie. Elles sont moins sur les chaînes d'info en continu que dans la vie quotidienne de nos concitoyens. En réalité, elles sont même au carrefour de beaucoup d'enjeux de notre société aujourd'hui.
C'est d'abord vrai parce qu'elles sont les bras droits des maires ruraux, et nous savons tout l'engagement que cela nécessite, notamment dans le cadre du plan France ruralités, pour pouvoir venir en appui des maires des plus petites communes, qui ne sont pas de petits maires puisqu'ils tiennent et soutiennent nos territoires,…
…et auxquels nous devons donner les moyens de mener à bien leurs missions et de remplir des fonctions dont ils sont de plus en plus nombreux à se détourner. Les secrétaires de mairie sont bien souvent de facto le binôme du maire ; il s'agit là de l'un des enjeux de ce métier
Elles sont ensuite au carrefour des enjeux parce qu'elles sont garantes des services publics de proximité, elles qui dans la même journée vont rédiger l'acte de naissance du petit dernier de la famille, préparer le permis de construire de la première maison, répondre aux questions sur les transports scolaires, gérer le cimetière où reposent les grands-parents, préparer le budget de la commune pour l'année suivante, organiser la réunion du conseil municipal du soir… Oui, mesdames et messieurs les députés, vous le savez parfaitement : les secrétaires de mairie sont le cœur battant de nos communes rurales. Or nous savons à quel point nous devons renforcer les services publics dans les territoires – ce que nous faisons par exemple avec les 2 600 espaces France Services. J'ai coutume de dire que nos 23 000 secrétaires de mairie sont parfois des maisons France Services à elles toutes seules, avant même que ces maisons communes n'existent.
Et quand une secrétaire de mairie quitte sa commune sans être remplacée, cela équivaut à la fermeture d'un guichet de service public.
Le sujet dont nous débattons est d'autant plus important que, nous le savons aussi, la situation des secrétaires de mairie est un concentré des défis à relever et des difficultés à surmonter s'agissant de la fonction publique, à commencer par le défi démographique car un tiers de nos secrétaires de mairie partiront en retraite dans les huit années qui viennent. Il y a aussi un défi en matière d'attractivité : ce métier est touché par des difficultés de recrutement encore plus intensément que d'autres alors que 2 000 secrétaires de mairie manquent aujourd'hui dans nos territoires.
Enfin, c'est un défi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Je le dis ici, à l'Assemblée nationale, où nous avons collectivement permis l'entrée en vigueur d'une proposition de loi importante pour l'égalité salariale dans la fonction publique : agir pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, c'est aussi revaloriser les filières les plus féminisées. Vous avez remarqué que je dis « elles » depuis le début de mon discours.
C'est parce qu'à 94 %, les secrétaires de mairie sont des femmes.
Les réponses que nous allons, j'en suis certain, apporter pour relever ces défis, valent au fond pour l'ensemble de la fonction publique puisqu'il s'agit de valoriser les agents publics que sont les secrétaires de mairie. Pour plus des deux tiers d'entre elles, elles sont aujourd'hui en catégorie C et connaissent des effets d'écrasement des grilles et un régime indemnitaire trop peu mobilisé.
Nos réponses visent aussi à fluidifier le parcours des carrières, sachant que leurs viviers de recrutement se tarissent, que leur formation est trop peu développée et les promotions sont limitées par des quotas.
Les réponses à apporter concernent également les conditions de travail : toutes les secrétaires de mairie que vous côtoyez dans vos circonscriptions évoquent des difficultés avec certains outils, le temps de transport, voire la confrontation à de l'agressivité.
Ce sont tous ces sujets auxquels nous devons apporter des réponses aujourd'hui, et j'assume de dire que ce que nous allons faire pour les secrétaires de mairie constitue les prémices, à l'échelle d'un métier, de ce que je souhaite promouvoir à l'échelle de la fonction publique tout entière, et dont on aura certainement à débattre dans les prochains mois dans cet hémicycle.
C'est la raison pour laquelle ce que nous allons faire, ce que vous allez faire, grâce à cette proposition de loi, sera, j'en suis sincèrement convaincu, déterminant du fait des avancées que ce texte permet et que je vais rappeler en quelques mots.
Tout d'abord, c'est la reconnaissance d'une logique métier. C'était déjà la proposition de Céline Brulin, sénatrice communiste, ce qui montre à quel point il n'y a pas de contradiction entre la garantie du statut de la fonction publique, auquel je suis absolument attaché, et le cadre d'une entrée métier. Le statut et le métier, c'est compatible, bien évidemment.
Ensuite, c'est la revalorisation de la fonction, de façon symbolique certes puisqu'il s'agit d'un changement de dénomination, les secrétaires de mairie devenant désormais des secrétaires généraux de mairie, mais les symboles, cela compte aussi. Ce changement faisait consensus sur le terrain, et je l'ai respecté.
Cette revalorisation, cet attachement, cette considération pour le métier amène aussi à considérer que nous ne parlons pas d'un métier de catégorie C, mais au minimum de catégorie B, et c'est ce que nous allons consacrer ici. J'avais pris l'engagement au Sénat de traduire cela par voie réglementaire mais, comme vous m'avez demandé de pouvoir l'inscrire dans la loi, j'ai fait le choix de lever les contraintes de recevabilité de l'amendement déposé sur ce sujet, madame la rapporteure. La loi pourra ainsi disposer que le métier de secrétaire général de mairie relève au moins de la catégorie B de la fonction publique territoriale.
Enfin, nous faisons sauter les verrous, j'allais dire les plafonds de verre, qui bloquent parfois nos secrétaires de mairie.
Mesdames et messieurs les députés, combien de fois les élus locaux de vos circonscriptions vous ont demandé d'assouplir les quotas qui empêchent parfois de promouvoir des agents méritants ?
Cette proposition de loi vise justement à remédier à ce problème, notamment grâce à la formation : en effet, si vous l'acceptez, nous inscrirons dans la loi l'accès à des formations qualifiantes qui permettront aux maires de contourner purement et simplement les quotas de promotion interne.
Nous agirons également sur les voies d'accès pour reconnaître les acquis de l'expérience professionnelle, ce que nous faisons trop peu dans la fonction publique. Nous nous donnons cette possibilité dans le présent texte ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE
…c'est un point essentiel.
« Avec quels moyens ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'en profite pour dire à la représentation nationale que je ne compte pas m'arrêter là. Ce mercredi, au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), nous examinerons des textes actant l'assouplissement des quotas de promotion interne pour l'ensemble des métiers de la fonction publique, passant de la règle de « 1 pour 3 » – une promotion pour trois recrutements –, à celle de « 1 pour 2 ». C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi et pour les employeurs territoriaux, ça veut dire beaucoup.
Sourires.
Il s'agit concrètement d'augmenter de 50 %, en moyenne, la capacité de promotion des employeurs territoriaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Évidemment, cette reconnaissance doit trouver une traduction dans la rémunération de nos secrétaires de mairie :
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
c'est ainsi que les secrétaires générales de mairie seront promues de la catégorie C à la catégorie B.
J'ai proposé que nous allions plus loin – ce que vous avez approuvé –, grâce à un accélérateur des modalités d'avancement qui soit spécifique à l'exercice de ce métier, quel que soit le cadre d'emploi. Les secrétaires de mairie bénéficieront ainsi d'un avancement de carrière accéléré, qui s'accompagnera d'une traduction indiciaire. Cette mesure, qui marque une avancée extraordinairement importante, était attendue ; nous en avons débattu au Sénat et vous l'avez adoptée en commission !
Je tiens à saluer le travail qui a été accompli de manière totalement transpartisane pour faire évoluer ce texte – je souhaite que ce soit encore le cas ce soir. Je veux tout d'abord saluer le travail du Sénat qui, à la suite d'un rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par François Gatel, a élaboré une première proposition de loi, puis une deuxième ; cette dernière, déposée par le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), reprend des mesures qui ont été défendues de façon unanime par l'ensemble des sénateurs pour aboutir au texte soumis à votre assemblée.
Je tiens ensuite à saluer le travail de la commission des lois de cette assemblée, notamment celui de la rapporteure, qui s'est avéré minutieux et collectif et a permis, encore une fois, l'adoption de ce texte à l'unanimité. Certains points ont été précisés ; je pense à la distinction entre l'article créant un plan de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle pour les secrétaires de mairie déjà en poste et celui qui instaure une formation qualifiante : les choses sont désormais très clairement définies dans le texte, et c'est le fruit de votre travail ! Je pense aussi – comme je le mentionnais à l'instant – à la réintroduction des accélérateurs indiciaires de carrière, mesure particulièrement importante.
À mon sens, ce texte s'approche de sa rédaction optimale. Je me contenterai donc de proposer quelques amendements complémentaires : j'ai déjà évoqué la reconnaissance des agents en catégorie B et la levée des contraintes d'irrecevabilité ; je défendrai par ailleurs deux amendements de suppression et de cohérence, aux articles 2 ter et 5 – je sais que cela suscitera des discussions.
Je veux enfin dire, avec humilité, que nous aurons acté des étapes importantes dans la loi, mais que cela n'épuisera pas le sujet de la reconnaissance de ce métier. Je dis cela en pensant à toutes les secrétaires de mairie avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger, que ce soit dans le Lot, à Gigouzac, où je me suis rendu il y a seulement quelques jours, en Aveyron, où j'ai rencontré la présidente de l'association des secrétaires de mairie (ADSM) du Gers, ou en Alsace – et partout ailleurs. Toutes les solutions ne seront pas apportées par la loi.
Je souhaite ardemment que nous puissions adopter une première loi, pour ce qui relève du pouvoir du législateur, mais nous devrons poursuivre le travail, d'abord sur le plan réglementaire. Je prends ici l'engagement formel d'aller vite et bien pour préciser les durées minimales d'ancienneté donnant droit au plan de requalification, mais aussi le contenu précis de la formation qualifiante et le déroulé des accélérateurs de carrière.
Au-delà des domaines législatif et réglementaire, nous devrons continuer d'œuvrer à améliorer les conditions de travail au quotidien de nos secrétaires de mairie. Là encore, c'est la mobilisation de l'ensemble des acteurs qui sera nécessaire, en particulier celle des maires, surtout lorsqu'ils sont plusieurs à employer la même secrétaire de mairie. C'est un sujet essentiel, que vous abordez par certains de vos amendements. Il faudra nous pencher sur la validation des temps de travail, des congés et des formations, mais aussi sur la mobilisation du régime indemnitaire. Je proposerai un référentiel avec une série de critères liés notamment à la taille de la commune, afin de mieux encadrer le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep).
Le rôle des centres de gestion en matière d'animation du réseau des secrétaires de mairie et de remplacement devra être consolidé. Il faut aussi compter sur le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) s'agissant des formations, et sur les services de l'État, l'administration déconcentrée, afin d'assurer plus de fluidité dans le rapport qu'entretiennent nos administrations avec le réseau des secrétaires de mairie.
Au fond, il nous faut transformer l'essai et poursuivre ce travail avec l'ensemble des parties prenantes.
Je souhaite, mesdames et messieurs les députés, que cette proposition de loi puisse être adoptée. Nous enverrions ainsi aux secrétaires de mairie un message particulièrement important et attendu de considération pour le travail dans la fonction publique, un message sur la dignité de ce travail. Je crois que beaucoup de secrétaires de mairie nous regardent ce soir, malgré l'heure tardive. Permettez donc que je leur adresse ce dernier mot : merci !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La proposition de loi que nous examinons ce soir vise à offrir une meilleure reconnaissance aux secrétaires de mairie qui – dois-je le rappeler ? – exercent une profession indispensable à l'administration d'un grand nombre de communes. Les secrétaires de mairie, qui sont très souvent des femmes, ne sont pas les secrétaires des maires. En fonction des besoins et des communes, elles sont agents d'état civil, gestionnaires des écoles et des opérations funéraires ; elles sont aussi chargées du personnel ou du budget, juristes, responsables des marchés, rédactrices des délibérations du conseil municipal et deviennent parfois – il faut le reconnaître – le soutien psychologique des élus.
Je pourrais continuer ainsi pendant longtemps, tant la liste de leurs missions est longue. Être secrétaire de mairie, c'est faire preuve de polyvalence, de technicité, et avoir un sens aigu de l'adaptation face aux situations du quotidien. Facteur de difficulté supplémentaire, ces missions sont souvent exercées en grande autonomie, pour ne pas dire dans une grande solitude, notamment dans les communes rurales.
Au total, 23 000 secrétaires de mairie exercent leurs fonctions dans plus de 30 000 communes de moins de 3 500 habitants. Les secrétaires de mairie sont des agents pouvant appartenir aux trois catégories de la fonction publique territoriale : les adjoints administratifs territoriaux de catégorie C, les rédacteurs territoriaux de catégorie B ou les attachés territoriaux de catégorie A ; on compte aussi quelques membres de l'ancien corps des secrétaires de mairie, mis en extinction en 2001. La catégorie dépend souvent de la strate de la commune, associée au nombre d'habitants, et du niveau de responsabilité qui en découle – mais pas toujours. Enfin, une partie des secrétaires de mairie travaillent dans plusieurs communes à temps partiel.
La profession fait face à deux grands défis, que nous entendons relever grâce à cette proposition de loi, à commencer par un manque de reconnaissance et de visibilité. Ainsi, les missions correspondent souvent à un niveau de catégorie B, alors que 60 % des secrétaires de mairie appartiennent à la catégorie C. C'est pourquoi l'évolution de ces fonctionnaires territoriaux vers la catégorie B est l'un des principaux objectifs de la proposition de loi.
Ensuite, ce métier en tension fait face à une crise d'attractivité. Il manque près de 2 000 secrétaires de mairie en France et la pyramide des âges de la profession aura pour conséquence qu'un tiers d'entre elles partiront à la retraite d'ici à 2030.
La proposition de loi que nous examinons ce soir s'inscrit dans la continuité de travaux du Sénat : élaborée à l'initiative de François Patriat, président du groupe RDPI au Sénat, elle fait non seulement suite à la mission d'information conduite par nos collègues sénateurs Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, mais aussi à la proposition de loi de Céline Brulin. Ses principales dispositions concernent, d'une part, le recrutement et la progression des secrétaires de mairie et, d'autre part, leurs conditions de travail et de formation.
En outre, le présent texte inscrit la fonction de secrétaire de mairie dans le code général des collectivités territoriales, consacrant ainsi sa reconnaissance législative.
« Il était temps ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet : il était temps !
Les deux premiers articles facilitent la progression des agents de la catégorie C vers la catégorie B. L'article 1er instaure une voie de promotion exceptionnelle permettant aux agents de catégorie C exerçant déjà les fonctions de secrétaire de mairie d'être nommés dans un cadre d'emploi de catégorie B. Cette voie de promotion est dérogatoire, dans la mesure où elle s'affranchit de la règle de droit commun qui impose une proportionnalité entre les recrutements intervenant au titre de la promotion interne et les autres. Les conditions tenant à l'ancienneté et au grade seront ensuite à définir par décret.
L'article 2, quant à lui, crée une autre voie de promotion interne, qui sera pérenne, grâce à la formation qualifiante. Par ailleurs, afin de favoriser la promotion interne des secrétaires de mairie, toutes catégories confondues, l'article 2 ter prévoit que les listes d'aptitudes comprennent une part minimale de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie, fixée par décret.
S'agissant de la formation, l'article 2 ter A prévoit que le Gouvernement doit remettre un rapport sur la création d'une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie. En effet, il n'existe pas de cursus unifié à l'heure actuelle. Par pragmatisme, et parce que le recrutement reste difficile, l'article 4 relève de 1 000 à 2 000 habitants le seuil au-dessus duquel les communes peuvent recruter de plein droit des agents contractuels à temps plein pour des emplois de secrétaire de mairie.
Une fois en poste, les secrétaires de mairie doivent pouvoir bénéficier rapidement d'une formation, en fonction des besoins des collectivités. Tel est l'objet de l'article 2 bis . Les dispositions de droit commun en la matière sont encore insuffisantes pour le plein exercice de ce métier exigeant.
Enfin, il est souhaitable que les secrétaires de mairie puissent s'échanger les bonnes pratiques et des conseils. Aussi l'article 2 bis A confère-t-il aux centres de gestion une compétence d'animation du réseau départemental des secrétaires généraux de mairie.
En commission, nous avons conservé dans leur ensemble les apports du Sénat, en procédant toutefois à quelques modifications. Concernant l'article 1er A, nous avons supprimé la distinction entre les secrétaires de mairie de catégorie C et les secrétaires généraux de mairie de catégorie B ou A, qui pouvait être source de confusion et était peu cohérente avec l'objet de la loi. À cette occasion, nous nous sommes beaucoup interrogés sur les catégories dont devaient relever les secrétaires générales de mairie, en lien avec le nombre d'habitants de la commune. Fallait-il prévoir que les secrétaires de mairie ne puissent exercer que dans les communes de moins de 2 000 habitants, au lieu de 3 500 ? Cela ne me paraît pas souhaitable : je suis en effet très attachée au fait de laisser aux maires, dans les communes qui comptent entre 2 000 et 3 500 habitants, le choix dont ils disposent actuellement, celui d'embaucher un secrétaire de mairie ou un directeur général des services (DGS).
À population égale, des communes peuvent se trouver dans des situations très différentes avec des besoins très différents. Communes touristiques connaissant un pic saisonnier de population ou communes dortoirs disposant de peu d'infrastructures et de services : le nombre d'habitants n'est pas toujours révélateur de l'importance des services apportés au public – et c'est bien le sujet qui nous intéresse.
Concernant le recrutement et la carrière, le dispositif prévu à l'article 2 a été élargi à l'ensemble des fonctionnaires de catégorie C pour augmenter le nombre potentiel d'agents ayant vocation à devenir secrétaires de mairie. En matière d'évolution de carrière, la bonification d'ancienneté pour l'avancement d'échelon, prévue à l'article 3 dans la version initiale du texte, a été rétablie.
Quant aux formations et aux conditions de travail, la commission a élargi l'objet du rapport prévu à l'article 2 ter A. Avant d'étudier la pertinence de la création d'une filière de formation au niveau national, ce rapport devra évaluer les formations qui existent déjà et préparent à ce même métier. En améliorant la formation et l'accompagnement des secrétaires de mairie par leurs pairs, ces dispositions participent à l'amélioration de leurs conditions de travail et à l'attractivité du métier.
J'en viens à l'un des problèmes centraux qui se posent à cette profession. Au cours des auditions que nous avons menées collectivement, un consensus a émergé pour que les secrétaires de mairie relèvent au minimum de la catégorie B. Les règles de recevabilité financière nous ont empêchés d'agir en ce sens dès les travaux en commission – la rapporteure du texte au Sénat a d'ailleurs été confrontée au même problème. Nous avons néanmoins pu trouver un accord avec vous, monsieur le ministre : je vous remercie infiniment pour votre écoute tout au long de nos travaux en commission.
Je présenterai donc un amendement à l'article 1er A afin que les secrétaires de mairie ne puissent plus être nommées que parmi des agents de catégorie B ou A. Cette mesure paraît cohérente avec les dispositions du texte visant à permettre à un maximum de secrétaires de mairie de catégorie C déjà en poste d'évoluer vers la catégorie B.
Cette évolution est une avancée majeure pour les secrétaires de mairie. En effet, elle empêchera à l'avenir de recruter des secrétaires de mairie en catégorie C, ce qui ne correspond ni à leur niveau de responsabilité ni aux compétences requises. À terme, c'est l'ensemble de la fonction qui s'en trouvera revalorisée. De l'aveu de certaines personnes auditionnées, et je l'ai moi-même constaté sur le terrain, les secrétaires de mairie sont parfois les premières à s'autocensurer en matière de salaires et de primes car elles sont conscientes que la marge de manœuvre financière des communes peut être limitée.
Or les principaux leviers ne dépendent pas de nous – je pense au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, le Rifseep, que certaines collectivités n'utilisent pas encore car il leur paraît trop compliqué. En attendant, le recrutement en catégorie B au minimum améliorera la rémunération des personnes concernées.
Enfin, je remercie l'ensemble de mes collègues qui se sont investis dans ce travail, ainsi que les membres de votre cabinet, monsieur le ministre, qui ont toujours été disponibles, tout comme vous, pour nous aider à faire aboutir notre projet.
Je vous invite, chers collègues, à vous exprimer ici aussi sereinement qu'en commission et à voter ce texte à l'unanimité !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Mathilde Desjonquères.
Si chacun peut apprécier le travail des secrétaires de mairie, les quatorze années que j'ai passées dans la fonction publique territoriale m'ont largement donné le temps de comprendre ce métier ô combien indispensable au bon fonctionnement de nos communes. Malheureusement, il devient de plus en plus difficile de recruter des secrétaires de mairie alors qu'elles sont un rouage essentiel de la vie communale. Il est indispensable de revaloriser le statut des secrétaires de mairie qui accompagnent et assistent au quotidien les maires.
Je salue cette initiative législative qui intervient dans un contexte de crise puisque le métier souffre d'une perte d'attractivité du fait de son manque de visibilité et de reconnaissance. Plus de 1 900 postes sont vacants, sans compter le départ à la retraite de près d'un tiers des agents en poste, d'ici à 2030. Rappelons que les secrétaires de mairie participent à la fixation du budget et au contrôle de son exécution et qu'elles sont responsables de la rédaction des documents administratifs ainsi que de la préparation et de la mise en forme des actes officiels. Elles appliquent les décisions du conseil municipal et sont chargées d'intégrer et de prioriser les enjeux climatiques, environnementaux, économiques et sociaux dans les différents projets. Ces missions sont extrêmement larges et leur confèrent d'importantes responsabilités.
Les secrétaires de mairie apportent un soutien technique, administratif et juridique aux élus, en particulier au maire, dans une relation de confiance et de respect. Ils mènent, sous les directives des élus, les politiques de l'équipe municipale, ce qui requiert de multiples compétences. Leur travail est une condition indissociable du bon fonctionnement de nos communes. Nous ne pouvons donc pas ignorer les difficultés que pose la perte d'attractivité de ce métier.
Le cadre législatif et réglementaire de cette fonction est particulièrement flou et a subi de nombreux changements qui ont eu des conséquences pour son attractivité. L'hétérogénéité des recrutements statutaires a fait perdre à ces fonctions leur lisibilité. Aujourd'hui, 14 % d'attachés territoriaux de catégorie A exercent des fonctions de secrétaires, 34 % de rédacteurs de catégorie B et 53 % d'adjoints administratifs de catégorie C. La proposition de loi vise à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Nous devons aller encore plus loin afin de rendre ce texte efficace. Tout d'abord, il faut modifier le statut pour que les secrétaires de mairie soient au moins recrutés en catégorie B. L'appellation même du métier doit également évoluer.
Se pose aussi la question de la formation et de l'animation du réseau des secrétaires de mairie, une fois en poste. S'il est impératif de prévoir une formation spécifique et adéquate qui ne se limite pas aux filières universitaires mais cible les formations du supérieur, il est tout aussi important de conforter les équilibres des initiatives prises dans les territoires, en particulier par les centres de gestion, pour animer le réseau de ces agents.
Beaucoup reste à faire mais je tiens à remercier le ministre pour son engagement aux côtés des fonctionnaires et son écoute tout au long de la préparation de ce texte.
Madame la rapporteure, je salue également la qualité, toujours très constructive, de nos échanges. Nous avons pu travailler avec la majorité présidentielle dans un bel esprit d'équipe. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate accompagnera toutes les démarches tendant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Vous l'avez sûrement constaté comme moi dans vos circonscriptions : la pénurie de secrétaires de mairie inquiète de plus en plus nos élus locaux et nos concitoyens. Avec plus de 1 900 postes vacants et le départ à la retraite d'ici à 2030 du tiers des effectifs aujourd'hui en poste, il était urgent que le Parlement s'empare du sujet pour répondre à la profonde crise de vocation qui frappe ce métier, pourtant indispensable au bon fonctionnement de nos services publics locaux.
Leur titre est trompeur : leur fonction ne se résume nullement à des travaux de secrétariat ! Ils, et surtout elles, sont au contraire de formidables « couteaux suisses » – Mme la rapporteure a déjà employé cette expression – pour les petites communes faiblement dotées en personnels.
Véritables bras droit du maire, elles ne comptent ni leurs heures ni leurs efforts pour faire avancer les dossiers et épauler les élus dans leurs tâches – état civil, urbanisme, budget, dossiers de demandes de subvention etc. –, en faisant opportunément jouer le système D quand cela est nécessaire.
En première ligne, face aux habitants, elles représentent bien trop souvent le dernier accès aux services publics dans de nombreux territoires qui ont subi ces dernières années la réduction des dépenses de personnels et la fuite des services déconcentrés de l'État. Elles se substituent ainsi très souvent aux agents de l'État pour aider nos concitoyens dans leurs démarches du quotidien : déclarations d'impôts, dossiers de retraites ou encore recherches de logement, et la liste est loin d'être close.
Malgré ce rôle essentiel, la fonction de secrétaire de mairie, méconnue, n'est pas reconnue. L'ampleur des difficultés rencontrées est telle qu'il y a un an, le panorama de l'emploi territorial rangeait le métier au premier rang des professions de la fonction publique territoriale les plus en tension.
Comme cela a été largement rappelé, la crise des vocations s'explique principalement par la faible attractivité de la profession : 61 % des secrétaires de mairie relèvent de la catégorie C de la fonction publique territoriale. À cette faible reconnaissance s'ajoute un manque de formation initiale spécifique et un défaut d'offre de formation continue, formation qui reviendrait à priver la collectivité employeuse de la présence indispensable de celui ou celle qui en est souvent l'unique agent.
Eu égard à l'importance de ce métier pour le fonctionnement de nos communes, le groupe Socialistes et apparentés salue le travail transpartisan réalisé au Sénat et se réjouit des avancées permises par l'examen du texte à l'Assemblée en commission des lois.
Nous nous félicitons également de l'amendement déposé par le Gouvernement qui vise à corriger un effet de bord à l'article 1er A. La rédaction actuelle de l'article aurait en effet pu inciter à recruter des agents en dehors de la catégorie A dans les communes de plus de 2 000 habitants. Cependant, il nous aurait paru préférable d'aller plus loin et de réserver aux seuls fonctionnaires de catégorie A les postes de secrétaires généraux de mairie dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants. Cette demande, qui émane de l'AMF – Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité –, ainsi que des représentants syndicaux, se justifie compte tenu de l'accroissement des contraintes qui pèsent sur les communes et de la technicité attendue toujours plus grande du fait des transitions de toute nature auxquelles elles doivent faire face.
Nous avions proposé un amendement dans ce sens mais il a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Monsieur le ministre, nous espérons que vous vous engagerez à ce que cette proposition soit étudiée au cours de la navette parlementaire.
Nous souhaitons également revoir la rédaction de l'article 2 bis A pour redonner une compétence obligatoire aux centres de gestion en matière d'animation du réseau des secrétaires de mairie, sans faire obstacle aux autres initiatives issues des collectivités territoriales, de leurs associations d'élus ou du CNFPT.
Enfin, nous espérons que le Gouvernement prenne des engagements pour favoriser le recrutement en catégorie B et faciliter la promotion en catégorie A des secrétaires de mairie, les contraintes de recevabilité financière nous empêchant d'en débattre. En effet, si ce texte permet de renforcer l'attractivité d'un métier essentiel au bon fonctionnement de nos services publics, il est impératif d'aller plus loin pour remédier en profondeur à la crise de la fonction. Nous serons donc attentifs aux déclarations de M. le ministre. Le groupe Socialistes et apparentés votera bien entendu en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, HOR, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Revaloriser le métier de secrétaire de mairie : voilà la lourde tâche qui nous incombe aujourd'hui. Je parle de lourde tâche parce que les secrétaires de mairie jouent, dans près de 85 % des communes du territoire français, un rôle capital. Elles sont souvent le premier contact de nos concitoyens avec les services publics. Or parmi les 14 000 secrétaires de mairie que l'on compte aujourd'hui, 60 % ont plus de 50 ans et, d'ici à 2030, ce sera près d'un tiers de celles qui sont aujourd'hui en poste qui partiront à la retraite.
Il est donc urgent d'agir : agir parce que ce métier n'est pas valorisé comme il le devrait, parce que les besoins des communes varient selon leur taille et leur situation et parce que beaucoup de mairies peinent à recruter. Cette fonction n'a pas d'existence juridique dans le code général des collectivités territoriales. Il est temps que les choses changent.
Adoptée à l'unanimité en commission des lois, la proposition de loi prévoit des avancées que nous soutenons : consacrer, dans la loi, l'existence de cet emploi si essentiel, créer une voie de promotion interne dérogatoire afin de faciliter le passage de la catégorie C à la catégorie B, permettre, compte tenu de la pénurie à venir, de recourir à des contractuels pour pourvoir ces postes.
Par ailleurs, à l'initiative de la rapporteure, Mme Marie-Agnès Poussier Winsback, dont je salue le travail et l'investissement, un secrétaire de mairie sera désormais appelé secrétaire général de mairie.
Au-delà de l'aspect symbolique, ce changement de nom correspond surtout à la réalité des missions variées et techniques qui se sont transformées au fil du temps, du fait de la numérisation des procédures dans l'administration et la complexification des normes.
Certaines propositions ont pu faire évoluer les débats – je pense notamment à celles du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales mais aussi celles relatives à l'animation du réseau des secrétaires de mairie. Le partage de bonnes pratiques et la fluidité de l'information sont déterminants pour ces agents, parfois isolés et partagés entre différentes communes.
Des initiatives d'animation de réseaux se développent dans tout le territoire, à l'initiative des départements, des associations d'élus ou des centres de gestion. Pour ne pas limiter ces initiatives, nous avons déposé en commission un amendement visant à rendre facultative cette compétence d'animation pour les centres de gestion. Mais, dans certains départements, aucun acteur ne s'en est emparé. Nous proposerons donc de réaffirmer les responsabilités du centre de gestion en la matière afin que cette animation soit assurée partout.
Si la proposition de loi prévoit à ce stade des dispositions nécessaires, nous pensons qu'il faut aller plus loin et imposer le recrutement, en catégorie B, des secrétaires de mairie.
Il faut pousser les collectivités à recruter des femmes et des hommes à un niveau qui corresponde davantage aux exigences et aux compétences de cet emploi.
Soyons clairs, la revalorisation de cette mission ne peut se faire sans évoquer la question de la revalorisation financière. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé conjointement avec la rapporteure, que je sais très attachée à cette question, et les groupes Renaissance et Démocrate. À ce titre, nous remercions le Gouvernement d'avoir accompagné cette démarche. Vous l'aurez compris, c'est avec conviction que le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem, et sur les bancs des commissions.
L'expression « couteau suisse » est communément employée pour qualifier les secrétaires de mairie. Ces 23 000 personnes sont la première, parfois l'unique, interlocutrice de proximité pour les habitants, le point de contact pour l'accès aux droits et les démarches administratives, mais pas seulement. En effet, leurs missions sont larges et diversifiées : gestion du quotidien et des commissions, préparation du conseil municipal, suivi du budget, traitement des demandes d'urbanisme, constitution des dossiers de subvention, encadrement des employés communaux, etc.
La complexité croissante de l'action publique leur demande toujours plus de compétences et de technicité, sans qu'elles soient reconnues. Pourtant, sans elles, l'action de la commune est beaucoup moins efficace ou ne répond pas aux attentes des administrés. Il n'est pas étonnant que ce métier soit si peu considéré et si peu valorisé puisqu'il est exercé à 94 % par des femmes.
Cela n'en est pas pour autant moins sidérant.
Enfin ! Enfin, la représentation nationale s'intéresse à ces premières agentes du service public. Ce texte nécessaire est le bienvenu. Fruit d'un travail bicaméral, il vise à apporter une meilleure considération au métier de secrétaire de mairie et à répondre en partie aux difficultés de recrutement rencontrées par les communes. Nous connaissons toutes et tous un ou une maire qui s'est retrouvé, durant une période plus ou moins longue, sans ces précieuses alliées. Ainsi, au mois de mars dernier, 1 900 postes étaient vacants.
Ces enjeux sont, en fait, les deux faces d'une même pièce. Nous parviendrons à revaloriser ce métier à la hauteur de ses responsabilités et à rendre cette voie professionnelle attractive, en améliorant les conditions de travail, en reconnaissant les compétences, les savoir-faire et l'expertise, en structurant le déroulement de carrière, et, bien entendu, en augmentant les salaires.
Étant donné que les mesures proposées sont positives pour les communes et leur agent exerçant les fonctions de secrétaire de mairie, le groupe Écologiste – NUPES est favorable à ce texte dans son ensemble. Néanmoins, la présence ou l'absence de certaines dispositions appellent quelques remarques.
S'agissant de la possibilité de recruter des contractuels pour les communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants, nous comprenons l'intérêt d'augmenter le vivier potentiel de personnes pouvant exercer le métier de secrétaire de mairie. Néanmoins, c'est une réponse de court terme. Enchaîner des CDD ne constitue pas une revalorisation. Nous devons plutôt chercher à atteindre l'objectif de recruter des secrétaires de mairie fonctionnaires. Le contrat ne peut être qu'un outil temporaire devant conduire à une entrée dans la fonction publique.
Quelle meilleure manière de revaloriser ce métier si ce n'est justement en l'inscrivant dans le cadre protecteur de la fonction publique, qui permet une évolution de carrière, tant en matière de responsabilités exercées que de rémunération ? Je suis attaché à la fonction publique, qui garantit l'emploi et l'égalité dans l'accès aux droits, assure de fortes protections, et incarne nos principes républicains.
Si des mairies peinent à recruter, c'est d'abord le signe que le Gouvernement pèche dans sa politique d'attractivité de la fonction publique.
Les collectivités ne sont pas responsables de la crise des vocations, que l'on constate ailleurs dans le public. Refuser la révision des grilles indiciaires et l'augmentation nécessaire du point d'indice, ne pas améliorer les conditions de travail et délaisser les services publics, cela a des conséquences.
Par ailleurs, nous regrettons que la proposition de loi n'ait pas créé un cadre d'emplois dédié au secrétaire général de mairie, contrairement au texte proposé par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) au Sénat. Une telle disposition permettait pourtant de prévoir une politique salariale globale, relative tant à l'organisation de carrière qu'à la rémunération.
Enfin, une autre grande lacune du texte tient à l'absence de dispositions financières. Là encore, le texte examiné est moins-disant que la proposition de loi du groupe communiste du Sénat qui prévoyait la création d'un fonds de soutien aux communes pour la revalorisation de la situation des secrétaires de mairie. Une telle mesure favoriserait l'attractivité, en accompagnant l'avancement et l'augmentation de la rémunération.
Ces observations, partagées par des élus locaux et des maires, doivent nous conduire à compléter ces mesures, dans le cadre d'un travail parlementaire qui serait mené ultérieurement, forts de l'évaluation de l'application du présent texte et des rapports du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Cela a été dit, et chacun en convient : les secrétaires de mairie sont de véritables piliers de la vie communale. En ma qualité d'élu d'une circonscription rurale de 126 communes, dans le département de l'Allier, dont l'immense majorité ne compte pas plus de quelques centaines d'habitants, je mesure, lors de chaque réunion avec les maires, le lien essentiel, décisif, organique qui existe entre le maire et le secrétaire de mairie, et la relation de confiance et de respect mutuel qui les lie.
C'est encore plus vrai dans les communes rurales, où les secrétaires de mairie sont parfois le principal – et souvent l'unique – collaborateur du maire. Du reste, je devrais parler de collaboratrice, puisque 94 % des secrétaires de mairie sont des femmes. Pour nos concitoyens, elles sont souvent le premier contact avec l'administration et le service public.
Conseillères techniques et, de fait, conseillères politiques, il leur arrive même d'être écrivains publics en aidant les administrés dans leurs démarches administratives. Leur rôle est donc important non seulement pour garantir le bon fonctionnement de la collectivité, mais aussi pour assurer la cohésion sociale et lutter contre l'exclusion.
Par ailleurs, le recul de l'État, en matière d'ingénierie et de services publics locaux – c'est encore plus vrai dans les territoires ruraux – a renforcé leur rôle et leur place dans nos mairies, mais a également rendu leurs tâches plus complexes et accru leurs responsabilités.
Cette fonction requiert des compétences de plus en plus fines et variées. Des compétences financières d'abord, puisque les secrétaires de mairie assistent le maire dans la préparation du budget tout en étant le garant de l'exécution budgétaire. Des compétences rédactionnelles ensuite, car les secrétaires préparent les délibérations du conseil municipal, les arrêtés municipaux ou encore les actes d'état civil. À cela s'ajoutent l'instruction des demandes d'urbanisme, la gestion funéraire qui comprend toutes les démarches consécutives au décès, l'organisation des élections, le suivi des services et des agents techniques de la commune, le montage des dossiers de subventions ou d'enquête publique.
Bref ! Lorsque le Président de la République, il y a un an, affirmait que les maires « portent la République et […] au quotidien face à toutes les crises la capacité à tenir », c'était aussi, en creux, un hommage aux secrétaires de mairie. Pourtant, à chaque fois que je rencontre les maires de ma circonscription, je ressens leur inquiétude. Le manque de reconnaissance du métier fait craindre une véritable pénurie de secrétaires de mairie.
C'est le métier le plus en tension de la fonction publique territoriale, et les petites collectivités peinent à recruter, voire n'y parviennent pas. Les emplois sont souvent à temps partiel ou précaires. Ainsi, 1 900 postes ne sont pas pourvus et, d'ici à 2030, un tiers des secrétaires de mairie sera à la retraite.
Alors, il faut faire quelque chose. Aussi partageons-nous pleinement les objectifs de la proposition de loi, qui reprennent largement ceux de la proposition de loi de notre collègue Céline Brulin et du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat, adoptée à l'unanimité le 6 avril dernier. D'ailleurs, monsieur le ministre, pour gagner du temps, vous auriez pu la reprendre.
Nous soutenons l'instauration d'une formation initiale qualifiante et commune à l'ensemble des secrétaires de mairie. Nous soutenons la possibilité, pour les communes de 1 000 à 2 000 habitants, confrontées à des difficultés de recrutement, de recruter à temps complet des contractuels pour leurs emplois permanents de secrétaires de mairie. Nous soutenons également la création d'une voie de promotion interne pour des agents de catégorie C, afin de leur permettre, grâce à un processus de reconnaissance des acquis de l'expérience, d'être nommés en catégorie B. Ce sont autant de mesures que la proposition de loi, présentée par les sénateurs communistes, prévoyait.
Nous souhaiterions aussi aller plus loin, en permettant à celles qui appartiennent de longue date à la catégorie B de rejoindre la catégorie A. Nous sommes également favorables à un plan de déprécarisation de la profession, qui permettrait d'intégrer les contractuels dans la fonction publique territoriale.
Compte tenu de la charge financière que représente ce type d'emplois pour des petites communes, il convient de prévoir des mesures de compensation, afin que cette requalification en catégorie A ou B devienne une réalité, ce qui pose la question décisive des moyens des collectivités. Monsieur le ministre, vous ne pouvez l'ignorer.
Enfin, nous regrettons que le texte n'aborde pas, ou si peu, la question centrale de la revalorisation salariale, incontournable dans le cadre du renforcement de l'attractivité du métier. Elle mérite d'être prévue dans la proposition de loi.
Cette proposition de loi n'épuisera pas, à elle seule, la totalité des sujets liés au métier de secrétaire de mairie. Beaucoup d'entre eux sont de nature réglementaire et relèvent donc de la responsabilité du Gouvernement. Elle illustre cependant une prise de conscience et contient des avancées appréciables. Aussi le groupe GDR – NUPES se prononcera-t-il en faveur de son adoption.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Caroline Fiat applaudit également.
Je le dis d'emblée, le groupe LIOT soutiendra ce texte et espère une entrée en vigueur rapide, face aux alertes qui remontent du terrain et émises par les associations d'élus.
Cette proposition de loi est en effet très attendue, notamment dans les petites communes, par les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux qui exercent en zone rurale. Je veux rendre hommage à ces milliers de personnes, dont le travail discret, quotidien, constitue le fondement même, essentiel, de notre démocratie communale.
Depuis longtemps, nous faisons le constat du manque d'attractivité chronique du métier de secrétaire de mairie, alors même qu'il est indispensable à la vie de nos communes. Nous connaissons tous le besoin de reconnaissance de ces agents. Les syndicats et représentants des secrétaires de mairie nous l'ont bien souvent rappelé. Cette reconnaissance doit passer par la loi, bien entendu, et ne pas rester symbolique. L'attractivité et la fidélisation de ces agents territoriaux passent également par une revalorisation salariale, ainsi que par une réorganisation du déroulement de leur carrière.
Nous voulons alerter sur la nécessité d'agir rapidement, sans se contenter de petits pas, dans la mesure où 1 900 postes sont vacants et où 30 % des secrétaires devraient partir à la retraite d'ici à 2030. Le risque de voir la fracture territoriale s'aggraver est réel, la mairie étant souvent le premier, et parfois le seul, service de proximité dans les zones rurales.
Je tiens à saluer le travail effectué en commission qui a déjà permis d'améliorer le texte. Le Sénat avait fait le choix de maintenir une distinction entre les fonctions de secrétaire de mairie, exercées par les agents de catégorie C, et celles de secrétaire général de mairie, exercées par les agents de catégories A ou B. Cette distinction peu pertinente allait à l'encontre de l'objectif de revalorisation de cette fonction. En commission, l'adoption des amendements de la rapporteure et de notre groupe a permis de consacrer dans la loi le seul intitulé de secrétaire général de mairie. Ce premier pas, certes symbolique, compte aux yeux des agents concernés.
Dans le même sens, nous saluons également la création de voies de promotion interne dérogatoires jusqu'à fin 2028. Ces voies parallèles, très attendues sur le terrain, devraient permettre aux secrétaires de catégorie C d'accéder plus facilement et plus rapidement aux postes de catégories B. Notre groupe relaie également les demandes des syndicats. Ils appellent à ne pas oublier les agents de catégorie B qui souhaiteraient accéder plus rapidement au grade B+, voire à la catégorie A.
J'en viens donc au volet indemnitaire, qui est le plus attendu et, paradoxalement, le plus délaissé par ce texte. En commission, il a seulement été possible de rétablir un avantage spécifique pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, ce qui est bien mais insuffisant. Dès lors, nous saluons l'initiative du Gouvernement qui rendra possible l'adoption en séance de mesures indemnitaires. Nous proposons également un amendement visant à une cette revalorisation.
Le groupe LIOT se fait ainsi le relais des demandes des secrétaires de mairie et des collectivités, afin de leur donner, ainsi qu'aux élus locaux, un véritable coup de pouce budgétaire, sans lequel la proposition de loi aurait été incomplète. Comme en commission, notre groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, et sur les bancs des commissions.
Depuis de nombreuses années, la lecture des sondages qui traduisent le niveau de confiance de nos concitoyens envers leurs institutions donne le vertige. Il existe cependant une institution, un acteur de la démocratie, qui résiste à cette défiance quasi généralisée : la commune et, à sa tête, le maire. Aux côtés du maire et des élus municipaux, on trouve un personnage discret, mais non moins central et essentiel dans nos communes rurales : le secrétaire de mairie.
Sous la responsabilité des élus, les secrétaires doivent pour ainsi dire tout gérer : les élections, l'état civil, l'urbanisme, la comptabilité, les réunions du conseil municipal, la communication, le cadastre, les concessions, le bulletin municipal, les fêtes et les cérémonies, et ce que cela implique en matière de déclarations et de plans de sécurité, l'application du RGPD – règlement général sur la protection des données –, les archives, le scolaire. La secrétaire de mairie s'occupe aussi du lampadaire qui tombe en panne, de la dératisation, de l'horloge de l'église, de la téléphonie, des statistiques à destination de l'Insee – et j'en passe.
Comme nombre d'entre vous, dans la perspective de l'examen de ce texte, j'ai rencontré les secrétaires de mairie de ma circonscription. Je soulignerai d'abord à quel point ces femmes – car je n'ai, pour ma part, rencontré que des femmes – étaient enthousiastes à l'évocation de leur métier. C'est suffisamment rare pour être souligné : elles aiment profondément ce qu'elles font.
Outre cet enthousiasme, parmi les nombreuses difficultés rencontrées dans l'exercice de leur mission, elles citent tout d'abord la complexité administrative à laquelle elles sont directement confrontées. En présentant son étude publiée il y a quelques semaines, « L'usager, du premier au dernier kilomètre », le Conseil d'État l'a affirmé sans ambages : « […] le volume des normes n'a cessé de croître, contribuant à faire peser la complexité de l'action administrative sur l'usager et sur les acteurs de terrain en charge du dernier kilomètre. » Les secrétaires de mairie sont, parmi d'autres, ces acteurs de terrain qui subissent la complexité administrative.
Des services administratifs inaccessibles et difficiles à joindre, des procédures qui s'empilent et dont on peine parfois à comprendre1'utilité lorsque l'on travaille pour une commune qui ne compte que quelques habitants, mais aussi la défiance de l'État envers les acteurs de terrain : tout cela pollue le quotidien des secrétaires de mairie et il est bien évident qu'une proposition de loi ne pourra pas le régler. Toutefois, parmi les nombreuses préconisations du Conseil d'État, je relève une idée toute simple, qui résume l'aspiration de tous dans la ruralité : « Il faut des personnes pour parler aux personnes. »
Les secrétaires de mairie que j'ai rencontrées évoquent ensuite les écueils de la fonction publique territoriale, que certaines ont d'ailleurs quittée dans l'espoir d'obtenir une meilleure rémunération. Aussi attendons-nous avec une grande impatience, monsieur le ministre, la réforme de la fonction publique destinée à renforcer l'attractivité de ses métiers et à récompenser ceux qui travaillent dur pour faire fonctionner les services publics.
En plus de ces deux sujets majeurs, les secrétaires de mairie m'ont parlé de rémunération et de formation. Certaines évoquent aussi les difficultés liées à leur isolement, autant de sujets que nous traitons ce soir.
D'une part, la proposition de loi récompense le mérite des secrétaires de mairie en permettant aux agents de catégorie C d'accéder à la catégorie B grâce à une validation d'expérience ou à une formation qualifiante, avec une progression indiciaire à la clé, donc une meilleure rémunération. Le mérite servira d'accélérateur de carrière : permettre à ces agents de franchir des échelons plus rapidement et d'obtenir une rétribution supplémentaire est une manière de reconnaître la spécificité de leur mission.
D'autre part, le texte donne des perspectives. Il prévoit une formation à l'entrée dans le métier. Aussi nécessaire soit-elle, elle faisait défaut, jusque-là, dans de nombreux territoires. La proposition de loi améliore l'organisation et l'animation territoriales, afin de rompre avec le lourd sentiment de solitude de certains agents. Il est demandé au Gouvernement un rapport relatif au projet d'une filière propre à ces métiers, filière qu'il faut organiser de toute urgence. Parmi ces perspectives, il y a aussi la possibilité pour les maires des communes de moins de 2 000 habitants de recourir à des agents contractuels à temps complet.
Ajoutons que le ministre s'est engagé à faire avancer la cause des secrétaires de mairie par voie réglementaire et au moyen d'une charte d'engagement, où seront abordés des sujets essentiels : la mise en œuvre du Rifseep, les relations avec les maisons France Services, l'accessibilité effective des formations, le tutorat – qu'il faut également développer en urgence – ou les logiciels.
Cette proposition de loi nous paraît utile car elle concerne potentiellement près de 29 000 maires parmi les 35 000 communes de France. On ne peut pas confier sans cesse de nouvelles responsabilités aux maires, et donc aux secrétaires de mairie, sans leur donner les moyens de les exercer.
Ce texte pose des jalons et doit absolument être considéré comme un point de départ et non d'arrivée. Il doit pour ainsi dire nous forcer à nous interroger plus largement sur la place que nous accordons aux mairies des petites communes. Nous voterons cette proposition de loi, tout en souhaitant vivement que la relation de confiance entre l'État et les communes se poursuive.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.
Dans un régime d'aspiration démocratique, il est communément admis que le fait majoritaire doit être entendu à défaut d'être systématiquement suivi. Cet axiome ne se vérifie pas lorsqu'il s'agit de la voix des territoires ruraux qui représentaient pourtant 88 % des communes françaises en 2017, selon un nouveau calcul de l'Insee.
Nos villages sont les enfants pauvres des politiques publiques, des déshérités « menacés », comme je le soulignais auprès de mes collègues de la commission des lois, « par leur agglomérat dans des entités sans âme et trop grandes pour eux ». Ébranlés par les déserts médicaux, éprouvés par l'absence de services de proximité, nos territoires ruraux, nos terroirs, sont les grands oubliés de politiques par trop centralisées, alors même que 33 % de nos compatriotes y vivent.
Aussi nous réjouissons-nous qu'une proposition de loi contribue à revaloriser ces artisans d'une certaine cohésion sociale dans nos villages, ces points d'appui précieux des maires, exerçant un métier aux fonctions multiples : les secrétaires de mairie. Le groupe Rassemblement National votera donc ce texte de bon sens. Si rien n'est fait, une profession valeureuse autant qu'un maillon essentiel entre le maire et ses administrés risque de disparaître.
Avec plus de 1 900 postes qui attendent d'être pourvus et une pyramide des âges particulièrement défavorable, le métier de secrétaire de mairie est en péril : en 2020, il a été couronné du titre de première profession en tension de l'emploi territorial, alors qu'il n'occupait que la quatrième place de ce classement en 2018. Je regrette d'ailleurs que mon amendement au projet de loi de finances (PLF) visant à créer un indicateur propre à mesurer l'attractivité du poste de secrétaire de mairie ait été repoussé par le Gouvernement.
Comme en commission, nous saluons l'instauration d'une formation qualifiante pour ces professionnels : elle est aussi nécessaire aux missions de ces derniers qu'à la reconnaissance de leur métier. Précisons néanmoins qu'elle sera dispensée par le Centre national de la fonction publique territoriale, dont l'une des missions consiste à prodiguer à l'ensemble des personnels territoriaux les formations statutaires obligatoires. Nous avons déposé un amendement en ce sens, sur l'article 2.
Plus fâcheux en revanche : la création d'une formation au niveau national semble remise en cause par les dispositions du texte relatives au rapport prévu sur ce sujet. Alors que selon l'article 2 ter A, dans sa rédaction issue du Sénat, il s'agissait d'un rapport « évaluant selon quelles modalités peut être créée, au niveau national, une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie », la nouvelle rédaction, tissée de précautions oratoires, remet en question la légitimité même de ce qui nous apparaît comme une nécessité. Ce métier aux rangs désertés mérite d'être enseigné à l'échelle nationale afin d'être plus largement exercé dans le futur. N'est-ce pas la condition de sa revalorisation ?
Dans cette perspective, le bénéfice d'un avantage spécifique pour le calcul de l'ancienneté paraît opportun. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été adopté en commission. Il était soutenu par l'une de nos collègues du groupe Rassemblement national. Ce léger avantage ne doit pas occulter le grand absent de ce texte : une mesure convaincante portant sur la rémunération indiciaire ou indemnitaire, qui ne doit cependant pas peser sur les collectivités territoriales car leurs moyens financiers sont bien trop restreints.
Ne nous leurrons pas : la déshérence de ce métier s'explique par un manque d'attractivité qui ne sera comblé que par une revalorisation salariale ainsi qu'une plus grande reconnaissance. Les tâches du secrétaire de mairie s'apparentent parfois à celles d'un directeur général des services, comme le souligne à juste titre mon collègue Yoann Gillet dans la présentation de l'un de ses amendements.
Autres oublis regrettables : les cas où un secrétaire doit quitter son poste, gérer un remplacement imprévu ou lorsqu'il ne parvient plus à travailler de concert avec son maire – du fait d'une incompatibilité ou d'une rupture de confiance. Le texte ne prévoit rien pour parer à de telles éventualités, c'est pourquoi j'ai déposé un amendement après l'article 5.
Chers collègues, nous mesurons l'occasion que représente un tel texte pour nos secrétaires de mairie, pour nos maires et leurs administrés. Soucieux de la bonne organisation de la cité et de la continuité d'un service public de proximité, lequel suppose un échelon subsidiaire efficace et sûr, nous voterons en faveur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pendant qu'il est encore jeune ! À minuit, dans quelques minutes, il aura vieilli !
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte ô combien important. Cela prouve sans aucun doute votre volonté de revaloriser ce métier. Lors de l'examen de ce texte au Sénat, le 14 juin, vous le présentiez comme l'une de vos priorités ; et ce soir également. Sur ce point, nous sommes d'accord.
Permettez-moi néanmoins de vous faire part de certaines de mes observations. L'intérêt dont vous témoignez aujourd'hui ne saurait nous faire oublier le mépris du Gouvernement envers nos fonctionnaires et nos collectivités territoriales. Je n'oublie pas le gel du point d'indice durant tout le premier mandat du président Macron : c'est un fait unique dans notre histoire – depuis l'année 2000, les gels représentent une perte équivalente à trois mois de salaire par rapport à l'inflation. C'est un mépris à l'égard des Français et des Françaises qui font vivre nos institutions et notre société, et qui parviennent difficilement à boucler leurs fins de mois.
Vous évoquez une priorité, mais vous n'avez pas retenu notre proposition d'indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation dans le PLF, après avoir déclenché un énième 49.3. Quel signal envoyez-vous aux maires et à la fonction publique territoriale ? La mépriser, c'est mépriser la République et l'ensemble de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cessons d'invisibiliser les secrétaires de mairie : ils incarnent, cela a été répété maintes fois, les maillons incontournables de la vie communale et les garants de la démocratie locale. Reconnaissons la complexité de leur travail, revalorisons leur statut – ce qui passe nécessairement par un changement de l'intitulé de leur poste –, augmentons leur salaire et dynamisons les grilles indiciaires pour améliorer les pensions de retraite.
Ces femmes, qui représentent 94 % des secrétaires de mairie en poste, sont les seules collaboratrices du maire. Elles exercent des missions de juriste, d'urbaniste, de comptable, d'informaticienne et mettent en place les dispositifs de participation citoyenne. Dans plus de 30 000 communes de moins de 3 500 habitants, elles représentent bien souvent le seul lien qui subsiste encore entre les citoyens d'un côté et l'État, la nation et les services publics de l'autre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Face à la pénurie des candidatures, aux départs en retraite plus que mérités, quelles revalorisations promettez-vous à ces agents municipaux polyvalents ? Où se niche la revalorisation de leur métier ? Où sont les réelles mesures, alors que vous asphyxiez les budgets des collectivités locales ? Comme souvent, vous proposez de faire plus avec moins : l'agilité, l'austérité et la précarité pour la majorité, voilà votre modèle de société !
Vous plaisantez ? En octobre, vous vous félicitiez d'avoir augmenté de 70 euros brut leur salaire mensuel. C'est bien maigre, monsieur le ministre, face à l'inflation en cours.
Les « attachées d'administration communale » sont connues mais pas reconnues.
Ayant moi-même été agent de catégorie C, je peux le dire : la rémunération de nos fonctionnaires est une honte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le deuxième grade de la catégorie C a évolué de 10 points d'indice en huit ans, soit 40 euros supplémentaires sur les fiches de paie. Ces fonctionnaires finissent leur carrière avec 1 800 euros brut par mois. Cette augmentation permet sans doute de régler les pleins d'essence nécessaires aux déplacements d'une mairie à l'autre – conséquence fréquente du cumul de plusieurs emplois à temps partiel.
Revoir le code général des collectivités territoriales pour encourager les recrutements à temps partiel ou les emplois à temps non-complet et faciliter l'embauche de contractuels revient à précariser à nouveau la fonction publique territoriale.
J'entends les inquiétudes des maires financièrement asphyxiés, qui recrutent en catégorie C car leurs ressources ne leur permettent pas de faire autrement, bien que le niveau de compétence des agents concernés relève de la catégorie supérieure.
J'espère que ces interruptions seront décomptées de mon temps de parole.
Cette proposition ressemble à un signe positif à destination des communes et des secrétaires de mairie, mais elle ne répond pas à son objectif initial : favoriser l'attractivité du métier. Cela demanderait une formation solide, une réelle reconnaissance, une juste revalorisation des salaires comme de l'ensemble des grilles indiciaires des catégories B et A, c'est-à-dire une augmentation du budget des collectivités locales.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, monsieur le ministre, il est minuit, mais je vous propose que nous entendions les deux derniers orateurs inscrits dans la discussion générale avant la levée de la séance. En revanche, la réponse de M. le ministre interviendra demain.
La parole est à M. Aurélien Pradié.
Franchement, monsieur Gosselin, vous n'avez pas été très sympathique pour l'anniversaire de M. Bex !
Vous ne connaissez pas les collectivités : vous semblez les découvrir !
Madame la présidente Fiat, messieurs, si vous ne voulez pas que nos débats s'achèvent trop tard, laissez M. Pradié s'exprimer, et nous nous quitterons bons amis.
Sourires.
Notre démocratie est faite de femmes et d'hommes dont nous oublions trop souvent l'existence et qui sont pourtant essentiels. Nos secrétaires de mairie font partie de ces rouages vitaux qui soutiennent un pan entier de notre démocratie locale. Dans chaque commune de France, jusqu'à la plus petite d'entre elles, elles accueillent nos concitoyens, les conseillent, accompagnent le maire et les élus, bâtissent le budget, réalisent et sécurisent nombre d'actes d'état civil. Chaque semaine, elles digèrent le dur régime des normes et circulaires dont le nombre explose.
Que chacun le mesure bien : sans l'exigence et la rigueur de nos secrétaires de mairie, la République et nos lois n'auraient pas la même réalité selon que l'on habite dans telle ou telle commune de France ! Je le redis, leur importance est capitale car elles assurent rien de moins que le maillage de la démocratie et de la République.
Dans le sillage des décentralisations successives, leur métier a chaque jour un peu moins à voir avec l'exécution mécanique de tâches administratives basiques. Elles conseillent, conçoivent et endossent une responsabilité de tout premier ordre. Nos secrétaires de mairie sont bien plus que des exécutantes ; elles assurent la continuité de notre démocratie locale.
Le non-cumul des mandats et un certain culte de la déconnexion n'ont pas encore tout effacé dans notre assemblée. Il reste ici quelques députés ayant exercé le mandat de maire.
Nous sommes quelques-uns à savoir que, sans nos secrétaires de mairie, nous n'aurions pas pu agir comme nous l'avons fait, au service de l'intérêt général.
Monsieur le ministre, lors de votre récente visite dans le Lot, vous avez pu constater non seulement leurs responsabilités et leur dignité mais aussi leur détermination. Vous avez sûrement, comme moi, retenu autre chose : une loi bavarde ou superficielle ne les trompera pas. Parce qu'elles sont des actrices de terrain, elles se lassent très vite des mots vides et des déclarations sans effets réels.
Elles ne veulent pas vraiment de gestes d'affection, comme un nouveau nom pour habiller leur fonction, même celui de secrétaire général de mairie qui leur est proposé. Ce qu'elles souhaitent vraiment, c'est notamment une évolution de leur cadre d'emploi.
Elles ne veulent pas de l'hypothétique possibilité de voir leur grade et leur salaire évoluer ni de la perspective de longues années avant que ces évolutions interviennent enfin. Non, elles souhaitent légitimement que leur situation change maintenant.
L'État a profité de la facilité consistant à confier aux secrétaires de mairie le soin d'exécuter des missions dont il s'est lui-même déchargé au fil du temps. Notre démocratie a suffisamment compté sur ces femmes et ces hommes engagés pour ne leur promettre aujourd'hui que des petits pas.
Pire que l'inaction, monsieur le ministre, il y a la déception. L'idée que les réformes passent à côté de l'essentiel est un poison lent qui dévitalise toute l'action publique. Aucune désillusion n'est petite. Que la question soit d'ordre régalien ou qu'elle porte sur l'avenir de nos secrétaires de mairie, le poison qu'instille la désillusion est aussi grave. Chacun d'entre nous, dans ses fonctions et ses engagements, doit se garder de faire espérer grand et d'agir petit.
Avec 1 919 postes à pouvoir actuellement et plus de 8 000 d'ici à 2030, le métier de secrétaire de mairie est le plus en tension de la fonction publique territoriale. Pour lui redonner une nouvelle attractivité, il faut traiter de manière approfondie la formation initiale, faire évoluer son cadre d'emploi, porter la rémunération à la hauteur requise. Sans évolution et sans réelle promotion pour toutes les catégories, rien ne changera vraiment.
Enfin, nous n'échapperons pas à la question des moyens alloués par l'État aux communes de France : sans moyens nouveaux, il n'y a pas d'évolution ni de sortie de la précarité possibles.
Sur chacun de ces sujets, la position des députés Les Républicains sera la même : une position déterminée. Il nous faut enrichir un texte que nous considérons comme bienvenu et pour lequel nous souhaitons voter. Il nous faut porter au-devant des Français cette profession, belle et essentielle.
À nos secrétaires de mairie je veux dire notre respect et notre reconnaissance. À vous, chers collègues, et à vous, monsieur le ministre, je veux dire, en conclusion, qu'elles nous regardent et qu'elles attendent beaucoup de nous parce que, depuis des années, nous avons beaucoup attendu d'elles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je commencerai mon propos comme M. Pradié a achevé le sien : en exprimant mon respect pour les 23 000 secrétaires de mairie que compte notre pays, en particulier celles des 177 communes de ma circonscription.
Je leur exprime également ma gratitude, ma reconnaissance et mon amitié, car des liens se sont tissés entre nous, et je mesure chaque jour combien ces femmes – puisque ce sont majoritairement des femmes – sont attachées au service public et au respect de la volonté des élus, et combien leur disponibilité pour nos administrés est sans limite.
Au cours des dix dernières années, elles se sont formées et ont acquis compétences et technicité, plus que toute autre profession de la fonction publique territoriale. Elles se sont adaptées au développement de l'intercommunalité et, monsieur le ministre – cela a été dit par notre collègue communiste –, aux nouvelles faiblesses de l'État dans le cadre de ses missions territoriales, notamment en matière d'ingénierie. Je pense au ministère qui sait mieux inventer des textes que résoudre les problèmes : celui de l'environnement.
Pourtant, la secrétaire de mairie reste le parent pauvre de notre organisation administrative. Aussi cette proposition de loi est-elle un bon texte, pour lequel je voterai.
Elle présente, certes, des insuffisances, qui ont été relevées par nombre d'orateurs – pour ne pas dire tous. Avant d'avoir connaissance de l'initiative du Sénat, j'avais moi-même travaillé à une proposition de loi sur le sujet avec un groupe de secrétaires de mairie. Or, lorsque j'ai déposé mon texte, j'étais insatisfait car j'étais conscient de ne pas atteindre l'objectif que je m'étais fixé – ou qu'elles m'avaient fixé.
En effet, nous devons, dans ce domaine, suivre une ligne de crête entre, d'un côté, le législatif et, de l'autre, le réglementaire. Ainsi, le Conseil constitutionnel nous demande de ne pas légiférer sur des questions qui relèvent du règlement et de votre seule autorité, monsieur le ministre, telles que celles relatives à la rémunération, à la prise en charge des frais de déplacement, aux autorisations d'absence pour formation. Or, j'aurais souhaité les aborder dans mon texte, car ce sont des éléments essentiels de la vie quotidienne des secrétaires de mairie.
Néanmoins, en favorisant leur accès à la catégorie B, vous nous proposez, disons-le, de faire un grand pas.
Cette mesure leur permettra de bénéficier d'une revalorisation indiciaire automatique et contribuera à une meilleure identification de leur fonction, donc à une meilleure reconnaissance de leur importance dans notre organisation administrative, non seulement par les administrés et les élus municipaux, mais aussi par l'État et sa propre fonction publique.
J'en viens aux quelques insuffisances de la proposition de loi.
S'agissant de l'établissement des conditions requises pour prétendre au reclassement en catégorie B, renvoyé à un décret, nous aurions pu avoir davantage de précisions. Les conditions d'ancienneté ne sont pas fixées à ce jour et la part dite minimale des listes d'aptitude nous demeure inconnue.
N'est pas non plus évoqué – nous en avons déjà discuté, monsieur le ministre – le seuil horaire minimal en deçà duquel une commune ne peut pas recruter une secrétaire de mairie. Parmi les 177 communes de ma circonscription, certaines n'en emploient une que quelques heures. Ce n'est pas possible ! En 2023, un seuil minimal est nécessaire. La question relève-t-elle du domaine de la loi ou du domaine du règlement ? Je l'ignore. En tout état de cause, nous devons avancer sur ce point.
Le principe de libre administration des collectivités ne doit pas nous conduire à accepter comme une fatalité la précarité de la situation d'un certain nombre de nos concitoyens. J'ai été maire pendant dix-neuf ans, président d'une grosse intercommunalité pendant vingt-cinq ans, je suis député depuis vingt et un ans.
Mme Karen Erodi s'exclame.
Fort de cette expérience, je sais que nous devons consentir des efforts en la matière.
Je m'interroge : pourquoi une telle initiative n'a-t-elle pas été prise plus tôt ? Pourquoi est-ce si difficile ? D'abord, la question relève, je l'ai dit, à la fois du domaine législatif et du domaine réglementaire. Ensuite, nous nous adressons à un public féminin composé de personnes très isolées, peu syndiquées et qui se trouvent souvent, au moment de leur recrutement, dans une situation de grande précarité.
Et puis, je le dis en tant qu'ancien élu local – peut-être reviendra-t-on un jour sur cette disposition inique qu'est le non-cumul des mandats –,…
Vous apparteniez pourtant à la majorité qui l'a adoptée : c'était sous Hollande !
…on a souvent considéré que les progrès dont pourraient bénéficier les secrétaires de mairie feraient peser des contraintes supplémentaires sur les collectivités locales. La dynamique doit ne faire que des gagnants ; on ne peut pas rester dans une opposition systémique entre les uns et les autres.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance, aujourd'hui, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour le plein emploi ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 14 novembre 2023, à zéro heure dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra