Ce n'est pas sans une certaine satisfaction que je m'exprime devant vous pour la deuxième lecture de la proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago, visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales. Je me félicite qu'après avoir été adopté ici même à l'unanimité, ce texte ait pu poursuivre son chemin parlementaire, tant le problème qu'il traite constitue un enjeu de société majeur. Actuellement, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences intrafamiliales. Chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles. En 2019, ces violences ont augmenté de 14 %. En 2020, la hausse s'est poursuivie, s'établissant à 10 %.
Dans chacun de ces cas, il y a une violence physique ou psychique immédiate. Rappelons que, tous les cinq jours, un enfant meurt des suites de maltraitances. Il y a en outre une violence traumatique et des conséquences somatiques pour une vie entière. Les études et les statistiques sont glaçantes et sans équivoque : 60 % des enfants témoins de violence souffrent de stress post-traumatique ; 50 % des personnes ayant été victimes de viol durant leur enfance ont fait une tentative de suicide.
Il est donc nécessaire d'agir pour protéger l'intérêt supérieur des enfants. C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi, qui vise à améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont les enfants sont victimes. Elle prévoit deux évolutions majeures, qui visent à pallier une importante anomalie juridique conduisant à ce que les auteurs ou les auteurs présumés restent investis de l'exercice de l'autorité parentale ; ils n'en sont privés que dans de très rares occasions.
La première de ces mesures consiste à protéger l'enfant dès le début de la procédure judiciaire. Ainsi, lorsque les faits reprochés relèvent d'un crime, l'exercice de l'autorité parentale ainsi que les droits de visite et d'hébergement seront suspendus, dès le stade des poursuites. La deuxième évolution majeure est le retrait obligatoire de l'autorité parentale en cas de condamnation pour un crime commis sur l'enfant ou sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle sur l'enfant, sauf décision contraire du juge, qui doit alors être spécialement motivée.
En ce qui concerne la première évolution, je me réjouis que, lors de l'examen en commission, nous soyons revenus au texte initialement adopté par l'Assemblée. En effet, celui-ci s'avérait plus ambitieux puisqu'il prévoyait que la levée immédiate de l'exercice de l'autorité parentale s'appliquait non seulement si le crime était commis sur l'enfant, mais aussi s'il l'était sur le conjoint, l'enfant étant alors une covictime. Un conjoint violent ne peut être un bon père ; je me réjouis que cette analyse soit de plus en plus largement partagée. La vulnérabilité des enfants nous commande de prévoir une protection stricte et sans concession.
À cet égard, le texte qui nous est soumis correspond à une position équilibrée : il concilie, d'une part, la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales et la protection des enfants et, d'autre part, la présomption d'innocence et le droit au juge.
Cette proposition de loi marque donc le début d'un changement dans notre manière d'appréhender les violences intrafamiliales et d'accompagner les victimes. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'en félicite et la votera, comme en première lecture.