Dans huit jours exactement, nous célébrerons la journée internationale des droits de l'enfant. Le 20 novembre marque en effet l'anniversaire de la signature de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations unies. Cette convention, faut-il le rappeler, avait été précédée par deux déclarations des droits de l'enfant de simple portée morale, dont la première en 1923. Voilà donc un siècle que l'on cherche à protéger de façon spécifique les droits de l'enfant. Pourtant, le compte n'y est pas.
Un enfant meurt en France tous les cinq jours des suites de maltraitances, si ce n'est pas bien davantage, comme en témoignent d'autres associations et le professeur Bernard Hœrni, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui signalait la mort de deux enfants par jour en France des suites de maltraitances. Parmi ces petites victimes, 160 000 subiraient chaque année une agression sexuelle ou un viol incestueux, dont la majorité aurait été commise par un proche parent, parfois le leur, et dont 2 000 seulement auraient fait l'objet d'une condamnation. Il fallait donc agir.
La proposition de loi présentée par Isabelle Santiago vise précisément à mieux protéger l'enfant victime de violences intrafamiliales. On ne peut plus tolérer que des enfants risquent de mourir sous les coups de ceux qui en ont la garde. Nous en avons encore eu un exemple récent avec une fillette battue à mort dont les parents étaient soupçonnés de violences. Voilà ce que disait le journal 20 minutes de l'Eure, le 26 septembre 2023 : « Elle allait fêter son quatrième anniversaire dans quelques jours. Une enfant âgée de trois ans a été retrouvée sans vie au domicile familial. Le corps de l'enfant présentait de nombreuses ecchymoses évoquant des coups reçus. Soupçonné de mauvais traitement, le couple inculpé a reconnu des violences récurrentes sur l'enfant. » Si l'exercice de l'autorité parentale avait été suspendu dès les premières violences, même de façon provisoire, l'enfant ne serait sans doute pas décédée.
C'est en partie l'objet de cette proposition de loi. Elle apporte deux innovations.
La première réside dans la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dès lors qu'un parent est poursuivi pour crime ou inceste, jusqu'à la décision du juge. Cette suspension est déjà prévue dans le code civil actuel, mais la décision reste pour l'instant à la liberté du juge. Dans les cas de crime perpétré sur la mère ou d'agression sexuelle, le père poursuivi peut ne pas être dépossédé de son droit de visite et d'hébergement, ce qui reste incompréhensible pour le commun des mortels.
« Lorsqu'une enquête judiciaire est ouverte », disait Marine Le Pen dans son programme présidentiel, « c'est bien parce que des soupçons graves de maltraitance ont été mis en évidence. Or il arrive que le magistrat concerné ne prenne pas la décision de retirer l'enfant à ses parents durant cette période. Cela a deux conséquences potentielles : que les sévices, s'ils existent, se poursuivent voire s'aggravent, et que des pressions soient exercées sur la victime pour qu'elle revienne sur son témoignage […] » Marine Le Pen a fait de la protection des mineurs et de la condamnation des violences physiques une priorité. Elle indiquait déjà, dans son programme, qu'il fallait mettre à l'abri les enfants durant le temps de l'enquête.
De son côté, Édouard Durand, juge des enfants et président de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles et intrafamiliales, indiquait qu'il y a trop d'aléas dans la décision que peut prendre un juge. Tout est dans la loi, certes, mais chacun prend sa décision en fonction des preuves que contient le dossier et de sa propre perception. Or, au moins pendant le temps des poursuites, l'enfant doit être protégé, et pas seulement en cas de culpabilité certaine.
En deuxième lieu, la proposition de loi vise au retrait automatique – sauf décision spécialement motivée –, total ou partiel, de l'autorité parentale en cas de crime commis sur la personne du conjoint ou sur l'enfant, ou en cas d'agression sexuelle sur l'enfant. Sans doute aurait-il fallu aller plus loin en élargissant le champ d'application du texte aux délits graves, comme cela était prévu dans la rédaction initiale. De mon point de vue, il est contraire à l'intérêt de l'enfant de cantonner cette mesure aux seules infractions de crime et d'inceste puisque, comme cela a été dit, un enfant peut mourir de violences répétées. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à suspendre également l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites pour violences entraînant une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours sur la personne de l'enfant.
Il n'en demeure pas moins que cette proposition de loi est une réelle avancée pour la protection des enfants que je vous invite à voter, car il est plus que jamais essentiel de nous réunir sur des sujets transpartisans. Pour paraphraser Gandhi, le degré de civilisation d'un pays se juge à la façon dont il traite ses enfants.