Depuis de nombreuses années, la lecture des sondages qui traduisent le niveau de confiance de nos concitoyens envers leurs institutions donne le vertige. Il existe cependant une institution, un acteur de la démocratie, qui résiste à cette défiance quasi généralisée : la commune et, à sa tête, le maire. Aux côtés du maire et des élus municipaux, on trouve un personnage discret, mais non moins central et essentiel dans nos communes rurales : le secrétaire de mairie.
Sous la responsabilité des élus, les secrétaires doivent pour ainsi dire tout gérer : les élections, l'état civil, l'urbanisme, la comptabilité, les réunions du conseil municipal, la communication, le cadastre, les concessions, le bulletin municipal, les fêtes et les cérémonies, et ce que cela implique en matière de déclarations et de plans de sécurité, l'application du RGPD – règlement général sur la protection des données –, les archives, le scolaire. La secrétaire de mairie s'occupe aussi du lampadaire qui tombe en panne, de la dératisation, de l'horloge de l'église, de la téléphonie, des statistiques à destination de l'Insee – et j'en passe.
Comme nombre d'entre vous, dans la perspective de l'examen de ce texte, j'ai rencontré les secrétaires de mairie de ma circonscription. Je soulignerai d'abord à quel point ces femmes – car je n'ai, pour ma part, rencontré que des femmes – étaient enthousiastes à l'évocation de leur métier. C'est suffisamment rare pour être souligné : elles aiment profondément ce qu'elles font.
Outre cet enthousiasme, parmi les nombreuses difficultés rencontrées dans l'exercice de leur mission, elles citent tout d'abord la complexité administrative à laquelle elles sont directement confrontées. En présentant son étude publiée il y a quelques semaines, « L'usager, du premier au dernier kilomètre », le Conseil d'État l'a affirmé sans ambages : « […] le volume des normes n'a cessé de croître, contribuant à faire peser la complexité de l'action administrative sur l'usager et sur les acteurs de terrain en charge du dernier kilomètre. » Les secrétaires de mairie sont, parmi d'autres, ces acteurs de terrain qui subissent la complexité administrative.
Des services administratifs inaccessibles et difficiles à joindre, des procédures qui s'empilent et dont on peine parfois à comprendre1'utilité lorsque l'on travaille pour une commune qui ne compte que quelques habitants, mais aussi la défiance de l'État envers les acteurs de terrain : tout cela pollue le quotidien des secrétaires de mairie et il est bien évident qu'une proposition de loi ne pourra pas le régler. Toutefois, parmi les nombreuses préconisations du Conseil d'État, je relève une idée toute simple, qui résume l'aspiration de tous dans la ruralité : « Il faut des personnes pour parler aux personnes. »
Les secrétaires de mairie que j'ai rencontrées évoquent ensuite les écueils de la fonction publique territoriale, que certaines ont d'ailleurs quittée dans l'espoir d'obtenir une meilleure rémunération. Aussi attendons-nous avec une grande impatience, monsieur le ministre, la réforme de la fonction publique destinée à renforcer l'attractivité de ses métiers et à récompenser ceux qui travaillent dur pour faire fonctionner les services publics.
En plus de ces deux sujets majeurs, les secrétaires de mairie m'ont parlé de rémunération et de formation. Certaines évoquent aussi les difficultés liées à leur isolement, autant de sujets que nous traitons ce soir.
D'une part, la proposition de loi récompense le mérite des secrétaires de mairie en permettant aux agents de catégorie C d'accéder à la catégorie B grâce à une validation d'expérience ou à une formation qualifiante, avec une progression indiciaire à la clé, donc une meilleure rémunération. Le mérite servira d'accélérateur de carrière : permettre à ces agents de franchir des échelons plus rapidement et d'obtenir une rétribution supplémentaire est une manière de reconnaître la spécificité de leur mission.
D'autre part, le texte donne des perspectives. Il prévoit une formation à l'entrée dans le métier. Aussi nécessaire soit-elle, elle faisait défaut, jusque-là, dans de nombreux territoires. La proposition de loi améliore l'organisation et l'animation territoriales, afin de rompre avec le lourd sentiment de solitude de certains agents. Il est demandé au Gouvernement un rapport relatif au projet d'une filière propre à ces métiers, filière qu'il faut organiser de toute urgence. Parmi ces perspectives, il y a aussi la possibilité pour les maires des communes de moins de 2 000 habitants de recourir à des agents contractuels à temps complet.
Ajoutons que le ministre s'est engagé à faire avancer la cause des secrétaires de mairie par voie réglementaire et au moyen d'une charte d'engagement, où seront abordés des sujets essentiels : la mise en œuvre du Rifseep, les relations avec les maisons France Services, l'accessibilité effective des formations, le tutorat – qu'il faut également développer en urgence – ou les logiciels.
Cette proposition de loi nous paraît utile car elle concerne potentiellement près de 29 000 maires parmi les 35 000 communes de France. On ne peut pas confier sans cesse de nouvelles responsabilités aux maires, et donc aux secrétaires de mairie, sans leur donner les moyens de les exercer.