Le retrait de l'autorité parentale est, dans notre culture, encore difficile à envisager. Pourtant, il est devenu nécessaire et même indispensable d'intégrer cette option dans l'éventail des moyens de protection à l'égard de l'enfant victime de sa famille. En effet, le rapport Sauvé sur les violences sexuelles dans l'Église catholique, publié en octobre 2021, estime que près de 15 % des femmes et plus de 6 % des hommes majeurs, soit environ 10 % de la population totale, auraient été sexuellement agressés lorsqu'ils étaient mineurs. C'est dire l'ampleur du phénomène et l'importance de l'enjeu dont le législateur est aujourd'hui saisi.
Concrètement, le retrait de l'autorité parentale prive l'un des parents de l'ensemble de ses attributions, y compris les plus symboliques, comme le droit de consentir au mariage de son enfant. Ce retrait revient également à confier exclusivement à l'autre parent le soin de veiller sur l'enfant et de prendre les décisions nécessaires notamment à sa santé ou à son éducation. Depuis des décennies, les acteurs de la protection de l'enfant expriment en la matière des conceptions opposées. Le législateur doit donc trancher : il est indispensable de sanctionner le parent coupable de violences très graves sur son enfant et de protéger physiquement cet être vulnérable, en l'éloignant juridiquement de l'autorité dont il dépend et qui le détruit. À ce titre, madame la rapporteure, je salue votre travail et votre engagement constant sur ce texte : vous êtes déterminée et vous avez raison de l'être. Grâce à votre travail, nous allons faire avancer cette cause.
Depuis quelques années, un chemin avait déjà été tracé et des avancées importantes ont été obtenues. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, défendue par notre collègue Aurélien Pradié – que je salue –, avait été adoptée à l'unanimité ; elle a créé un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour crime contre l'autre parent. Puis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a étendu la possibilité de retirer totalement l'autorité parentale ou son exercice par décision expresse du jugement pénal aux cas dans lesquels un parent est condamné pour délit sur l'autre parent. Quel lien peut demeurer entre un enfant et un père qui a commis le pire envers sa femme ? C'est toute la question.
Veiller à la protection des enfants, c'est-à-dire de ceux qui n'ont pas leur mot à dire car ils ne peuvent tout simplement pas raconter ce qui se passe, est notre devoir collectif : c'est à nous de les aider en agissant. En France, 400 000 enfants vivent dans un foyer dans lequel s'exercent des violences conjugales, et 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. Dans 90 % des cas l'agresseur est un homme et, dans la moitié des cas, c'est un membre de la famille.
La présente proposition de loi renforce les dispositifs juridiques en vigueur en suspendant de plein droit l'autorité parentale du parent poursuivi pour agression, et en la lui retirant de manière systématique en cas de condamnation. C'est nécessaire et nous apportons notre plein soutien à cette mesure. En première lecture, les députés et les sénateurs ont complété et enrichi ce texte, en permettant notamment la suspension de plein droit dès les premières poursuites pour agression sexuelle incestueuse et pour crimes commis contre l'enfant ou contre l'autre parent. L'article 378 du code civil sera ainsi réécrit efficacement dans ce sens. En effet, il n'est pas envisageable qu'en cas de condamnation pour un crime commis sur son enfant ou sur l'autre parent, un parent puisse conserver l'autorité parentale.
L'objectif principal qui doit nous guider, c'est la protection des victimes et la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je voterai donc ce texte, car il replace l'enfant victime au cœur du dispositif judiciaire. Coordonner le civil et le pénal est une priorité pour la protection de l'enfant victime ; c'est mon intime conviction. Le retrait de l'autorité parentale peut être nécessaire pour arrêter la reproduction de la violence familiale au sein des générations suivantes, mais il faut en même temps préparer l'avenir de l'enfant concerné et lui offrir une stabilité juridique et affective sur le long terme.