La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, nous avons dépassé la barre des 3 100 milliards d'euros de dette :…
…c'est un record pour la France. Nos dépenses publiques atteignent 57 % du PIB : c'est un record en Europe. Notre déficit public dépasse 5,5 % du PIB : c'est également un record. Nos prélèvements obligatoires représentent 48 % du PIB : c'est un record mondial. La crise inédite de nos finances publiques va nous conduire à la dégradation. Dans ce contexte extrêmement préoccupant pour notre pays, dont vous êtes comptable et responsable,…
…le Président de la République considère qu'il n'y a aucun problème de dépenses et qu'il n'y a qu'un problème de recettes. On croit rêver ! Il fallait oser…
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Nous percevons votre plan caché : vous voulez qu'au lendemain des élections européennes les Français épongent vos dettes par leurs impôts et leurs cotisations ! Vous venez d'installer dans votre majorité un groupe de travail sur la rente. Qu'est-ce que la rente ? L'assurance vie, les loyers, l'épargne ? Allez-vous augmenter les impôts après les élections européennes, désindexer les pensions de retraite, toucher aux dépenses de santé ?
Nous vous le disons solennellement : le groupe Les Républicains s'opposera avec la plus grande vigueur et par tous les moyens constitutionnels à ce plan que vous dissimulez aux Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous répondrai de manière calme, sereine et claire. Avec le Président de la République, nous défendons une conviction depuis 2017 : pour financer durablement notre modèle social et les services publics, nous devons stimuler l'activité économique et le travail. Si nous avions le taux d'emploi de notre voisin allemand, nous aurions beaucoup moins de difficulté à équilibrer nos finances publiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous devons continuer de tout faire pour atteindre le plein emploi.
La ligne que nous suivons n'a pas varié : pour favoriser l'activité économique et le travail, il ne faut pas augmenter les impôts, mais les baisser.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit aussi.
C'est ce que nous avons fait depuis 2017 avec la suppression de la taxe d'habitation compensée pour les collectivités locales,…
…avec la baisse des premières tranches de l'impôt sur le revenu, avec la suppression de la redevance audiovisuelle dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, suppression que le groupe Les Républicains a soutenue.
Je le répète, mais je crois que vous le savez : il n'y aura pas d'augmentation des impôts des Français. Je le dis clairement et calmement. La ficelle est un peu grosse à vouloir faire croire l'inverse. Nous avons toujours suivi cette ligne et nous n'en varierons pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Nous n'avons pas varié non plus sur un autre sujet : quand une grande entreprise bénéficie d'une rente de situation…
…et tire des profits de la spéculation et de l'inflation qui mettent les Français en difficulté, nous proposons de capter une partie de cette rente indue.
Avec la majorité, nous avons toujours assumé cette position. Nous l'avons fait avec les énergéticiens et les activités de raffinerie l'année dernière ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…mais aussi avec le secteur de la biologie médicale ,
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR
ce qui n'était pas simple. Il a enregistré un chiffre d'affaires de 7 milliards pendant la crise sanitaire grâce à la vente des tests de dépistage du covid, remboursés par la sécurité sociale. Nous avons assumé de prélever une partie des profits réalisés par ce secteur très financiarisé.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les parlementaires auxquels j'ai confié la mission sur la rente que vous évoquez travaillent dans ce cadre – soyez donc rassuré, monsieur Ciotti.
Le Président de la République a par ailleurs rappelé, suivant les données de l'Insee – j'imagine que nous nous accordons tous ici sur le sérieux de cet organisme –, que si le déficit avait dépassé les prévisions l'année dernière, ce n'était pas du fait des dépenses, puisque l'État a dépensé 8 milliards de moins que ce qui était prévu,
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
mais du fait des recettes, qui ont diminué en raison du ralentissement économique européen.
Vous le savez, les Allemands ont revu à la baisse leur prévision de croissance, passée de 1,3 % à 0,1 % pour 2024, tout comme les Italiens, qui ont du même coup modifié l'estimation de leur déficit public. Le ralentissement économique concerne toute l'Europe. L'enjeu pour nous est de maintenir l'activité économique et de continuer de soutenir les entreprises, qui embauchent. Nous assumons de vouloir un modèle social tourné vers l'activité plutôt que vers l'inactivité. Alors que de nombreuses entreprises, partout sur le territoire, cherchent toujours à recruter, …
…nous devons inciter à la reprise d'emploi.
Sur cette ligne, je conçois qu'il puisse exister des désaccords, mais nous ne changerons pas de boussole.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En réponse au ralentissement des recettes, j'ai pris, après ma nomination en tant que Premier ministre, avec Bruno Le Maire, un décret d'annulation de 10 milliards de crédits, ce qui était tout à fait inédit.
Nous continuerons sur le chemin de la responsabilité – nous le devons aux Français –, avec une seule préoccupation : agir dans l'intérêt du pays en soutenant les entreprises qui créent de la richesse et des emplois, et les Français qui travaillent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, votre politique budgétaire et économique mène le pays dans le mur. Lors de l'examen du projet de loi de finances, vous avez surestimé la croissance pour 2024 et sous-estimé le déficit de 2023. Mais nous y voilà : la croissance sur laquelle vous comptiez pour réduire ce déficit dont vous faites le Graal de vos politiques, sous la contrainte réaffirmée de Bruxelles, n'est donc pas là.
Alors même qu'Emmanuel Macron rejoint notre analyse de longue date selon laquelle le déficit vient de la baisse des recettes et non de l'augmentation des dépenses – ce que je vois comme une autocritique de la politique qu'il mène depuis 2017 –, que faites-vous ? Un premier coup de rabot de 10 milliards prétendument indolore, avec des économies que les ministres s'épuisent à trouver tant leur budget est à l'os : seuls deux ministères ont rendu leur copie, attendue initialement fin mars. Pour la suite, vous annoncez 20 milliards de nouvelles baisses en 2025 et votre volonté de vous en prendre aux dépenses sociales. Les 3 milliards que vous comptez rapter indûment à l'Unedic, pour le plus grand malheur des chômeurs, ne sont-ils pas une première étape du projet de démantèlement de notre système assurantiel et universel de protection sociale et de santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau et M. Sébastien Jumel applaudissent aussi.
En vous attaquant aux dépenses publiques, vous diminuez encore les recettes qu'elles induisent. En réduisant les prestations sociales, vous affaiblissez la consommation populaire, l'un des principaux feux de notre économie.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Votre politique budgétaire est mauvaise pour l'économie et la population et incapable de répondre aux défis climatiques. En définitive, vous comptez faire payer aux revenus issus du travail les cadeaux mirifiques accordés à une toute petite minorité d'ultrariches.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Et ce n'est pas la mission confiée à la minorité présidentielle sur la taxation de la rente qui va changer la logique de votre politique – c'est un leurre.
Le budget exécuté en 2024 n'aura, en vérité, rien à voir avec le budget adopté. Pour preuve supplémentaire, je suis certain que le déficit que vous annoncerez bientôt dans le programme de stabilité dépassera largement les 4,4 % initialement prévus. Pour toutes ces raisons et pour un évident impératif démocratique, vous ne pouvez vous soustraire à un projet de loi de finances rectificative (PLFR) sans 49.3.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Véronique Louwagie ainsi que MM. Thomas Ménagé et Philippe Gosselin applaudissent aussi.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Nous connaissons votre vision de la politique budgétaire – hausse d'impôts,…
…augmentation massive de la dépense publique,…
…accélération de l'endettement du pays – et vous aurez l'occasion de la défendre lorsque nous présenterons le programme de stabilité, puisqu'il fera l'objet d'un débat les 29 et 30 avril prochains. Je vous donne donc rendez-vous à cette occasion.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Vous pourrez alors défendre votre position tout comme nous ferons valoir la politique que nous menons depuis sept ans avec le Président de la République et la majorité.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Nous avons relancé la croissance et l'activité, créé 2 millions d'emplois, engagé la réindustrialisation et évité à la France de passer par la case récession, contrairement à beaucoup d'autres pays européens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Voilà la politique économique que nous avons menée ! Car le véritable enjeu est de garantir la puissance économique de la nation française.
Le deuxième volet de notre politique, parfaitement rappelé tout à l'heure par le Premier ministre, est de réaliser des économies là où c'est nécessaire. En 2023, nous avons eu une mauvaise surprise en matière de recettes.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Si nous gagnons moins, nous dépensons moins : c'est du bon sens ! Le bon sens fait défaut à la NUPES, mais il est le propre de cette majorité.
Nous faisons des économies quand c'est nécessaire, là où c'est utile, pour rétablir les comptes publics.
Enfin, le troisième élément qui nous différencie est que, contrairement à vous, nous ne voulons pas augmenter les impôts des Français.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
En tant que ministre des finances, je n'ai pas varié de cette ligne depuis 2017, une ligne qui vient d'être rappelée par le Premier ministre et qui a été défendue sans relâche par le Président de la République. Pourquoi refusons-nous d'augmenter les impôts ? Non pas pour faire des cadeaux aux riches, mais parce que la stabilité fiscale permet aux entreprises d'investir, de créer des emplois, d'ouvrir des usines, de garantir la prospérité des territoires et de relancer la puissance économique française. La stabilité et la visibilité fiscales sont le socle de notre économie et les garantes de sa solidité. Nous n'augmenterons pas les impôts des Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Il s'appelait Shemseddine, il avait 15 ans. Les cris de douleur, les larmes, le silence : il fallait être dans ce couloir du collège Les Sablons de Viry-Châtillon vendredi pour mesurer l'effroi et le désespoir à l'annonce de sa mort. Shemseddine a été tué. Par qui, pour quoi ? L'enquête est en cours et nous respectons le temps de son déroulement, mais ces cris glaçants résonnent dans ma tête. On ne meurt pas quand on a 15 ans. On se blesse en jouant au foot, on ne se fait pas massacrer au bas de son immeuble. On ne meurt pas quand on a 15 ans.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Ce qui s'est produit à Viry-Châtillon est tout sauf un drame ordinaire. Ils ont arraché Shemseddine à sa mère, à sa sœur et à son frère ; ils l'ont arraché à ses amis, à son collège et à son quartier.
Je veux exprimer nos condoléances à sa famille et à tous ceux qui l'ont connu. Je tiens également à saluer le courage et l'engagement du maire de Viry-Châtillon, Jean-Marie Vilain, qui a su trouver les mots justes
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs SOC et GDR – NUPES – Mme Sophia Chikirou applaudit aussi
pour exprimer le traumatisme d'une ville et l'émotion de la nation tout entière.
Monsieur le garde des sceaux, le temps de la justice est venu. Si les personnes mises en cause sont coupables, il faudra s'interroger sur l'efficacité des mesures judiciaires dont ils avaient déjà fait l'objet et sur l'absence d'éducation dans leur cadre familial.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Si cette mise à mort est liée à une pseudo-réputation dans la rue, au collège ou sur les réseaux sociaux, il faudra s'interroger : pourquoi certains considèrent encore qu'une fille peut être la propriété des garçons de sa famille ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Il n'y a aucun honneur à considérer qu'une drague entre collégiens mérite la peine de mort. Sommes-nous prêts à utiliser tous les moyens
Exclamations sur les bancs du groupe RN
pour faire comprendre aux mineurs, et surtout à leurs parents, qu'aucun précepte moral ou religieux ne peut servir de prétexte à un acte barbare ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je tiens à présenter à la famille de ce jeune homme, à ses proches, à ses amis, au maire de Viry-Châtillon et au personnel scolaire les condoléances attristées du Gouvernement, mais aussi l'expression de notre révolte et de notre colère. Que les choses soient claires : il n'y a pas de crime d'honneur, il n'y a que des crimes d'horreur – en l'occurrence, d'horreur absolue.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, LR, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Bien évidemment, il m'est interdit de commenter l'enquête en cours. Si les auteurs sont majeurs, ils encourent une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
S'ils sont mineurs, ils encourent une peine de vingt ans d'emprisonnement…
…mais la juridiction a toujours la possibilité d'écarter l'excuse de minorité.
En matière de sécurité, permettez-moi de dire à nouveau que nous avons renforcé les moyens de la justice dans l'Essonne, dont il est ici question : elle compte sept magistrats et quatorze greffiers supplémentaires depuis 2017. Nous poursuivrons cet effort, puisque la création de vingt postes de magistrats, de trente-quatre postes de greffiers et de quinze postes d'attachés de justice est prévue.
Je tiens également à rappeler solennellement la responsabilité des parents quand ils ont oublié leurs devoirs. Il y a quelques jours, j'ai vu éclore un tweet demandant au Président de la République combien de condamnations avaient été prononcées à l'encontre de parents : leur nombre est supérieur à 310 depuis que j'ai rendu possible l'engagement de la responsabilité pénale des parents – c'est indispensable. Ce chiffre a augmenté de 40 % depuis le premier trimestre 2023.
La délinquance est l'affaire de toutes et tous : cette lutte collective nous implique toutes et tous, en particulier les parents – je ne l'ai pas oublié, monsieur Reda.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, alors que vous avez annoncé en février dernier une nouvelle hausse de 10 % du tarif de l'électricité, il apparaît que près de 1 million de foyers modestes risquent d'être privés du chèque énergie.
Ce dernier était à l'origine corrélé à la taxe d'habitation, afin d'automatiser son attribution. La suppression de cette taxe a privé l'administration fiscale des informations utiles pour identifier les nouveaux bénéficiaires. Alors que cette suppression était prévue depuis quatre ans, rien n'a été anticipé par votre gouvernement ; vous êtes pourtant en poste depuis sept ans, monsieur le ministre.
Vous avez récemment évoqué des problèmes techniques ; nous parlons d'une grave négligence et d'un manque d'anticipation qui pourraient priver un million de nos concitoyens du chèque énergie, sur les 5,6 millions de Français qui le recevront cette année. Face à cette incurie, vous annoncez une solution de réclamation sur internet, qui ne ferait aucun perdant. Mais en retirant à l'attribution du chèque énergie son caractère automatique, vous dénaturez son essence même et favorisez ainsi le non-recours. Celui-ci dépassant les 30 % pour certaines prestations sociales, nous nous interrogeons : ne s'agit-il pas d'un nouveau moyen de faire des économies sur le dos des ménages les plus modestes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Depuis 2019, le montant du chèque énergie n'a pas augmenté, malgré la flambée des prix de l'énergie, mais cela ne vous suffit pas ! Celui-ci ne compensera même pas les augmentations de l'année écoulée. Vous semblez maintenant vous attaquer aux bénéficiaires mêmes de cette prestation sociale nécessaire.
Qu'attendez-vous pour corriger cette grave négligence et aider réellement les ménages modestes, en permettant une attribution pleinement automatique du chèque énergie et en augmentant son montant ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
Monsieur Leseul, je dois avouer que votre question ne manque pas de sel. Le chèque énergie permet de verser, sous conditions de ressources, une aide à nos concitoyens qui font face à des factures énergétiques importantes ; pendant trois ans, nous les avons protégés de la hausse des tarifs à l'aide de mesures que vous n'avez pas votées.
Ce chèque était jusqu'à présent attaché la taxe d'habitation – injuste, inéquitable et inefficace – que nous avons supprimée ; vous n'avez pas voté cette suppression.
M. Antoine Léaument s'exclame.
Vous nous reprochez l'arrêt de l'automatisation du versement du chèque énergie pour une partie de nos concitoyens qui y ont droit : ils le recevront néanmoins !
L'année dernière, 5,6 millions de Français ont reçu le chèque énergie ; chacun d'entre eux le touchera cette année. Le versement, d'un montant de 48 à 277 euros, est automatique ; il sera effectué entre le 1
Certains d'entre eux, en raison de la suppression de la taxe d'habitation – que vous n'avez pas votée –, ne le recevront pas automatiquement.
Ils peuvent en faire la demande par le biais d'un site internet ou en se rendant dans les maisons France Services – que nous avons créées. Celles-ci sont désormais présentes dans tous les cantons pour accompagner nos concitoyens confrontés à l'illectronisme.
Monsieur Leseul, vous devriez vous satisfaire de toutes ces mesures ! Nous augmentons le nombre de récipiendaires du chèque énergie ; nous accompagnons les foyers modestes face à la hausse des tarifs de l'électricité ; nous supprimons des impôts inefficaces, iniques et injustes, et vous arrivez encore à vous plaindre ! Je le regrette. Nous aidons les Français, alors que vous vous plaignez !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Une enfant de 13 ans violée à mort, un jeune garçon lynché pour des raisons abjectes et une pharmacienne assassinée en Guyane. Les drames auxquels nous assistons, partout et tous les jours, ne sont plus des faits divers, mais des faits de société ; des faits atroces, dans une société qui sombre chaque jour davantage dans la barbarie. Leur récurrence, leur aggravation en nombre et en conséquences humaines, l'abaissement au fil des années de l'âge des auteurs et l'absence systématique d'empathie des coupables, ne peuvent se satisfaire des explications faciles renvoyant aux causes sociales, à la ghettoïsation ou à la responsabilité de la société, voire des institutions.
Ce droit au tabassage, ce droit de vie ou de mort, ces agressions impulsives, souvent gratuites, se produisent sur fond de sexisme, d'intégrisme religieux, de racisme, de partage mafieux de territoires et de volonté de semer la terreur. La République ne peut le tolérer.
Certains parlent de décivilisation, laissant entendre que toute la société perdrait ses repères moraux. Parce que je n'ai pas peur des mots, je préfère qualifier d'ensauvagement cet effondrement moral et social. N'est-il pas temps, sans tabou, sans dérobade devant le réel et sans lâcheté devant les mesures à édicter, de prendre à bras-le-corps ce sujet et de mettre en pratique, pénalement, la sacralisation de la personne humaine ?
Le défi qui nous est lancé tient en un mot : autorité. Autorité à l'égard des familles, qui sont parfois le vivier de la violence ; autorité à l'école, ce lieu sacré que chacun doit apprendre à respecter ; autorité implacable que l'État doit imposer à des bandes qui deviendront des gangs, puis des armées criminelles, si nous laissons faire davantage. Pour notre part, nous y sommes prêts ! Mais vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes en charge de prendre des décisions, que comptez-vous faire pour sortir du commentaire et entrer dans l'action ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Yoann Gillet se lève pour applaudir.
Ces derniers jours, notre pays a été frappé par une série de drames, qui ont profondément ému nos concitoyens : je pense à cette jeune fille, violemment agressée devant son collège à Montpellier ; à ce jeune garçon, roué de coups et battu à mort à Viry-Châtillon ; à cette pharmacienne, lâchement assassinée à Saint-Laurent-du-Maroni. Il y a quelques semaines, j'avais eu l'occasion de recevoir cette dernière à Matignon, avec une centaine d'autres femmes engagées ; à mon tour, je souhaite lui rendre hommage.
Derrière ces drames, il y a les victimes, leurs proches et leurs familles ; il y a aussi, plus largement, nos concitoyens, qui attendent de nous une réponse implacable à cette violence. Ils attendent que nous nous donnions les moyens de lutter contre une forme de perte de respect pour l'autorité qui existe aujourd'hui chez les jeunes.
Mmes Laure Lavalette et Caroline Parmentier s'esclaffent.
Je pense qu'un tel sujet appelle une certaine gravité. Personne n'a interrompu Mme Le Pen, mais je constate que les députés du Rassemblement national ne respectent pas la solennité du moment et de nos échanges.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La réponse passe par un renforcement des moyens, que la majorité défend depuis 2017 : 17 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, plus de 200 brigades de gendarmerie supplémentaires…
…et 10 000 recrutements dans le système judiciaire d'ici à 2027.
S'agissant de l'école, j'ai eu à cœur, en tant que ministre de l'éducation nationale, de rappeler clairement les règles d'application de la laïcité à l'école de la République par une série de décisions : l'interdiction de l'abaya et du qamis ; l'expérimentation de la tenue unique à l'école ; l'adoption de mesures de soutien aux enseignants, pour mettre définitivement fin au « pas de vague » – je sais que nous sommes nombreux à le souhaiter –, qui conduit encore trop d'enseignants à s'autocensurer ou à ne pas signaler les agressions dont ils sont victimes. Bien évidemment, Nicole Belloubet poursuit ces actions.
Au-delà du renforcement des moyens techniques, opérationnels et budgétaires, un ressaisissement sociétal est nécessaire. On ne peut tolérer les images ou les faits qui ont traversé l'actualité ces derniers jours ! Il n'y aura jamais, en France, de droit à tabasser ; de droit à frapper ; de droit à s'en prendre à un garçon parce qu'il aime une jeune fille ; de droit à s'en prendre à une jeune fille parce qu'elle n'épouse pas certaines convictions, y compris religieuses. Ce sursaut est nécessaire.
Avec les membres du Gouvernement, nous travaillons à l'élaboration d'un plan, qui sera présenté dans les prochaines semaines. Certaines mesures concerneront la parentalité, d'autres, l'éducation nationale. Nous devons aller plus loin dans l'échelle des sanctions à l'école, face à des mineurs, de plus en plus jeunes, qui se livrent à des actes inacceptables. Je l'ai dit à cette tribune, nous devons défendre, partout et en tous lieux, un principe clair : « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter ».
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
C'est ce principe qui sera défendu par mon gouvernement lors des annonces que nous ferons au cours des prochaines semaines. D'autres mesures concernent la justice des mineurs ; le garde des sceaux y travaille.
Quand un jeune part à la dérive, il faut convoquer un conseil de discipline sans attendre que la situation s'aggrave et que ce jeune ait provoqué beaucoup de dégâts ; au contraire, il faut agir tout de suite, dans le cadre proposé par l'éducation nationale.
Quand un jeune part à la dérive et que sa famille ne parvient manifestement pas à le remettre dans le droit chemin, il faut le couper de ses mauvaises fréquentations et assumer de le placer en internat. Telles sont les mesures sur lesquelles nous travaillons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il faut également se montrer beaucoup plus sévères et beaucoup plus forts face à certaines situations, dans lesquelles des familles laissent délibérément des jeunes partir à la dérive et pourrir la vie d'un quartier. Face aux situations qui pourrissent la vie d'un certain nombre de nos concitoyens – les rodéos urbains, les agressions du quotidien –, il faut continuer à prendre des mesures. Nous avons beaucoup renforcé nos moyens et nous continuerons à le faire ; nous présenterons dans les prochaines semaines des mesures extrêmement claires et extrêmement fortes, en vue du sursaut que j'appelle de mes vœux ; nous continuerons à agir, à agir partout – dans la rue, dans les classes, dans les familles – pour la sécurité, l'ordre et le respect de l'autorité dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le Premier ministre Gabriel Attal vient d'annoncer des mesures concrètes pour améliorer l'accès aux soins des Français,…
…lesquelles s'inscrivent dans la continuité de la politique menée ces dernières années.
Premièrement, celle-ci vise à améliorer la démographie médicale. Grâce à la fin du numerus clausus, le nombre de médecins formés sera multiplié par deux d'ici 2027 – il atteindra alors 16 000 par an. Certes, cette mesure ne portera ses fruits qu'à long terme, mais ce doublement est rendu nécessaire par l'évolution des besoins de santé.
Deuxièmement, elle vise à investir dans la santé, l'un des chantiers prioritaires définis par le Président de la République. Nos dépenses annuelles de santé atteignent aujourd'hui 255 milliards d'euros,…
Pour quel résultat ? Il y a des services d'urgence qui ferment dans les zones rurales !
...soit 64 milliards de plus qu'en 2017 ; elles permettent notamment de revaloriser les salaires des professionnels, de développer la prévention et d'améliorer l'accès aux soins.
Les récentes annonces viennent conforter la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé que j'ai défendue et que nous avons adoptée en mai 2023. Car oui, permettre l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes, permettre aux pharmaciens de délivrer des antibiotiques à un patient atteint d'une angine ou d'une infection urinaire, ou encore permettre l'adaptation des verres de correction sans rendez-vous préalable chez un ophtalmologue permet de libérer du temps de médecin et de responsabiliser les professionnels de santé en valorisant leurs compétences.
De la même façon, demander à nos concitoyens de respecter les rendez-vous ou de les annuler en cas d'empêchement permet aussi de redonner du temps disponible aux médecins.
Chacun de nous peut et doit prendre sa part pour préserver notre système de santé. Dès lors, comment les évolutions concrètes qui ont été annoncées seront-elles réalisées ? Son expertise étant essentielle au bon soin, comment faire pour que le médecin traitant conserve sa place centrale dans les nouveaux parcours de soins ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous avez rappelé les mesures très concrètes et ambitieuses que le Premier ministre a annoncées il y a quelques jours. Elles s'inscrivent dans le droit fil du travail déjà fait par la majorité, notamment de la loi que vous avez évoquée. Votée en mai 2023, elle permettait de reconnaître concrètement d'autres professionnels que les médecins, pour libérer du temps médical et répondre à l'urgence de l'amélioration de l'accès aux soins des Français. Tel est également l'objectif des mesures annoncées par le Premier ministre.
Les trois quarts des décrets ne sont pas parus et depuis, des services d'urgences ont fermé.
Comme je le disais, les délégations de tâches permettent d'améliorer l'accès aux soins. Certaines – qui offrent l'accès direct aux orthophonistes dans les structures d'exercice coordonné ou la possibilité d'aller chez un orthoptiste pour une prescription de lunettes – sont d'ailleurs déjà en vigueur.
Conformément aux mesures annoncées par le Premier ministre, seize prises en charge du quotidien évolueront, afin que les Français puissent trouver des solutions adaptées à leurs besoins en soin. Vous avez cité la possibilité pour les pharmaciens de délivrer des antibiotiques aux personnes souffrant d'une cystite ou d'une angine, c'est un exemple tout à fait concret des mesures annoncées.
Libérer du temps médical, c'est aussi recourir aux assistants médicaux. Nous en recensons déjà 8 000 et en compterons 9 000 avant l'automne, l'objectif étant d'en dénombrer 10 000 d'ici la fin de l'année : ces assistants soulagent les cabinets médicaux et permettent aux médecins de dégager un temps équivalent à 2,5 millions de rendez-vous.
Enfin, vous avez cité l'expérimentation de l'accès direct aux spécialistes. Cette mesure n'a pas été conçue comme un contournement du rôle du médecin généraliste, qui reste au cœur de la prise en charge dans notre système de santé, mais dans les zones les plus tendues au plan de la démographie médicale, elle facilitera l'accès direct des Français à une expertise médicale.
L'expérimentation aura lieu dans treize départements et sera organisée dans les prochains mois ; son objectif est, je le répète, d'améliorer l'accès aux soins des Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le 17 avril 2023, le président Macron annonçait un nouveau pacte de la vie au travail et chargeait les partenaires sociaux de négocier un accord sur des sujets qui se trouvaient alors au cœur du très important mouvement social de contestation de la réforme des retraites. Une fois ce dernier passé, le Gouvernement n'a pourtant affiché aucune ambition et n'a fait aucune annonce susceptible de convaincre le patronat d'infléchir sa position. Aussi, les négociations patinent, car les organisations patronales jouent la montre et retardent la prise de dispositions en faveur des salariés âgés, contre les effets de la pénibilité ou favorisant les reconversions choisies – autant de mesures sur lesquelles vous vous étiez engagés et qui tiennent lieu de compensation à l'inique réforme des retraites.
En réalité, vous ne voulez pas de cet accord, dont l'absence vous assurerait un coup double : la poursuite du soutien au dumping social d'un patronat voulant préserver ses dividendes et la possibilité de passer par décret votre nouvelle réforme de l'assurance chômage – nous savons bien que vous ne disposez pas de la majorité qui vous permettrait de baisser à nouveau les droits des salariés contre le risque de chômage.
La justification de cette réforme par l'incitation au retour à l'emploi a fait long feu, plus personne n'y croit ! Aujourd'hui, plus aucun économiste ne valide votre théorie fumeuse, qui contredit d'ailleurs celle dont vous vous réclamiez l'an dernier. En outre, les comptes de l'Unedic sont au vert.
Qui sont au juste ces salariés dont il faudrait encore réduire les droits ? Ce sont les 100 000 licenciés pour inaptitude chaque année, cassés par des conditions de travail toujours plus dures, qu'aucun corps ne peut supporter pendant des dizaines d'années. Ce sont des seniors devenus trop chers, remerciés à la première occasion pour comprimer les coûts. Ce sont elles et eux, qui auraient cruellement besoin d'un accord national interprofessionnel (ANI) ambitieux, pas d'une réduction de leurs droits – ils n'ont rien fait pour la mériter.
Ma question est donc simple : tenterez-vous de remettre en cause l'un des fondements de notre protection sociale, l'assurance chômage, par un simple décret ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Votre question est quelque peu prématurée, car au moment où vous la posez, les partenaires sociaux sont précisément encore en train de négocier. Devant la représentation nationale, j'affirmerai donc tout d'abord que le dialogue social existe.
C'est d'ailleurs tellement vrai que les partenaires sociaux ont demandé le 26 mars au Premier ministre de repousser la date de la remise de l'accord. Celle-ci devait intervenir hier, mais les négociateurs ont fait savoir le jour même qu'ils avaient besoin d'une journée de travail de plus. Alors que j'arrivais à l'Assemblée, nous attendions encore leur retour et, à quinze heures quarante, nous pouvons considérer que ces négociations sont toujours en cours.
Vous savez parfaitement que les partenaires sociaux discutent de plusieurs éléments, le premier étant effectivement l'emploi des seniors, c'est-à-dire leur employabilité, leur usure, les modalités de leur reconversion et celles de leur formation. Vous ne pouvez toutefois pas vous prévaloir des conclusions de cette négociation, alors que les partenaires sociaux ne les ont pas présentées. Du reste, vous savez très bien que le projet d'accord restera ouvert à la signature pendant dix jours à compter de sa remise et qu'à l'issue de ce délai, il sera transmis au Premier ministre. Telle la règle que nous respectons et qui nous est imposée par l'article L. 1 du code du travail.
Nous nous en tenons au code du travail et rien qu'au code du travail. Si nous avions procédé différemment, qu'auriez-vous dit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quand on dit aux partenaires sociaux de négocier, il arrive – et c'est bien souvent le cas –, que les gouvernements agissent et proposent, pour soutenir des représentants de salariés moins aguerris à la négociation que les représentants du patronat. Force est de constater que vous ne l'avez pas fait.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous nous livrez votre lecture du dialogue social, que nous ne partageons pas. Pour nous, le dialogue social est le respect des deux parties, les organisations syndicales d'un côté et les organisations patronales de l'autre !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Elles n'ont ni le même niveau, ni les mêmes droits, ni les mêmes possibilités !
Dans la situation que connaît notre pays, vous vous plaisez à rappeler la stratégie et la cohérence qui ont été celles du Gouvernement pendant sept ans. Vous avez baissé de près de 60 milliards d'euros les impôts et vous vous êtes ainsi privés de 60 milliards de recettes, avant même de vous attaquer aux dépenses – il y a encore peu, la question des déficits n'était pas votre priorité. À l'exception de la suppression de la taxe d'habitation, les mesures que vous avez prises ont profité aux plus fortunés du pays, je pense notamment à la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) ou au régime fiscal et social des dividendes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.
Vous avez agi ainsi au prétexte qu'en France, le taux de prélèvement est l'un des plus élevés au monde ; vous avez fait valoir que votre devoir commandait de le réduire. Aujourd'hui, le taux de prélèvement est toujours en France l'un des plus élevés au monde : vous avez donc échoué à atténuer la pression fiscale. En plus, vous avez créé une dette abyssale, que personne ne peut nier aujourd'hui.
Le groupe LIOT a formulé il y a près d'un an un certain nombre de propositions concourant à une plus grande justice fiscale. Je ne reviendrai pas sur celles visant à baisser les dépenses, qui sont relativement nombreuses mais qui ne sont plus à l'ordre du jour. En revanche, je reviendrai sur les recettes : de l'avis de tous, en particulier du Président de la République, c'est là où le bât blesse.
Ma question est donc simple : quand et comment comptez-vous prendre en compte les propositions qu'a formulées le groupe LIOT il y a près d'un an ? Il s'agit notamment de taxer les plus riches de ce pays à travers les dividendes et les rachats d'actions pour qu'enfin la justice fiscale advienne.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC. – Mme Sandra Regol applaudit aussi.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur Saint-Huile, nous sommes autant attachés à la justice fiscale que vous !
Vous dites que nous avons seulement baissé les impôts des plus riches. Nous avons pourtant défiscalisé les heures supplémentaires payées aux ouvriers et aux employés : voilà une baisse d'impôt au profit des plus modestes et de ceux qui travaillent ! Nous avons instauré une prime Macron, entièrement défiscalisée et à laquelle tous ceux qui travaillent et qui accomplissent des heures supplémentaires peuvent prétendre : j'y vois une aide fiscale aux plus modestes. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu dans toutes les tranches de revenu imposable, y compris les plus modestes.
Nous avons pris des décisions en matière de fiscalité internationale, nous avons taxé les géants du numérique, nous avons fixé une taxation minimale des sociétés multinationales.
Voilà des mesures de justice fiscale qui profitent à l'ensemble de la société française. Nous sommes toutefois disposés à examiner vos propositions, pourvu qu'elles nous permettent de diminuer nos dépenses et de rétablir les comptes publics. À la fin du mois d'avril, un débat d'orientation et de programmation des finances publiques se tiendra au sein de l'Assemblée nationale : il sera l'occasion, pour le groupe LIOT, comme pour tout groupe d'opposition, de faire valoir ses propositions en matière de rétablissement des finances publiques. Notre objectif reste le même : revenir sous le niveau de 3 % de déficit public en 2027.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Sauf votre respect, je trouve quelque peu usant d'entendre toujours les mêmes formules.
C'est avec un peu de mépris que vous accueillez les propositions que nous avons formulées au sujet des superdividendes et des rachats d'action, mais vous oubliez que ces propositions ne sont pas celles de Bolcheviks : elles viennent même des rangs de la majorité, plus précisément de ceux du MODEM !
M. Jean-Paul Mattei sourit.
Ces propositions devraient donc être mises à l'étude ! Pour vous dire les choses avec un peu de clarté et avec les mots du Président de la République : ça fait sept ans que tu es là Bruno, il est temps de s'y mettre !
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je vous redis que depuis sept ans nous suivons une ligne de politique économique qui donne les résultats que vous connaissez. Ni le Premier ministre, ni le Président de la République, ni moi-même ne comptons en dévier : quand on est capable de s'approcher enfin du plein emploi, de réindustrialiser le pays, d'ouvrir de nouvelles filières industrielles, de devenir la nation la plus attractive d'Europe pour les investissements étrangers, on ne change pas le cap de sa politique économique !
Mme Estelle Youssouffa lève les bras au ciel.
Regardons ensemble la proposition que vous faites au sujet des rachats d'action. Leur nombre a beaucoup augmenté dans les dernières années et ces opérations méritent notre attention.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la ministre de l'éducation nationale, je n'ose pas y croire ! La semaine dernière, j'ai été contacté par des parents et des élèves de toute la France, scolarisés en filière professionnelle. Ceux-ci m'ont appris – tenez-vous bien – que depuis les sept mois qui nous séparent maintenant de la rentrée, plusieurs milliers de lycéens effectuent leur stage sans être payés.
C'était pourtant la grande promesse du président Macron : plus de stages pour les lycéens de la voie professionnelle et, en contrepartie, une rémunération.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Où est passé le respect quand on oblige à trouver des stages tout seuls – tout le monde n'a pas accès au réseau du lycée Stanislas – des lycéens, qui, au bout du compte, effectueront dans les entreprises des tâches sans aucun rapport avec leurs études ?
Où est passé le respect quand ces stages sont payés par l'État et non par les entreprises ? C'est un cadeau pour le patronat qui ne paie rien
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également
et une arnaque pour les lycéens qui se retrouvent à travailler pour 1 à 5 euros de l'heure. Ce n'est pas de l'enseignement professionnel, c'est de l'exploitation !
Où est passé le respect quand vous refusez à la jeunesse ouvrière, à ces futurs ouvriers, commerçants et techniciens hautement qualifiés ,
Mêmes mouvements
l'allocation d'autonomie de 1 159 euros – dont la création avait été soumise au vote par notre groupe – pour rémunérer le travail accompli dans les ateliers ?
Où est passé le respect lorsque vous huez ma question sur la voie professionnelle ? Si vos indemnités étaient versées avec un retard de sept mois, ce serait tous les jours un sujet à l'Assemblée nationale !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent longuement. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.
Où est passé le respect, quand l'État doit de l'argent à un tiers de la jeunesse scolarisée et que tout le monde s'en fout ?
En effet, qui ici s'intéresse à la jeunesse populaire ? Sûrement pas les macronistes, et certainement pas la bande à Bardella, qui, au Parlement européen, vote contre la rémunération des stages, et, en France, ne fait rien pour défendre la jeunesse ouvrière : Barde-est-pas-là.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je vous pose donc la question clairement : pourquoi les lycéens de la voie professionnelle ne sont toujours pas payés. Quand le seront-ils ? Rendez l'argent !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Oui, avec le Président de la République, nous avons fait de la filière professionnelle une filière d'excellence, avec la réforme de la filière professionnelle menée grâce à cette majorité.
Vous allez écouter ma réponse ! Cette majorité a créé un lien plus étroit entre les entreprises et les étudiants, en instaurant des bureaux d'entreprises au sein des établissements, en luttant notamment contre le décrochage scolaire avec des mesures très précises, et en versant aux lycéens professionnels une gratification pour leur stage.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'annonce aux familles et aux lycéens qui s'interrogent légitimement, que d'ici à la semaine prochaine, 100 000 jeunes lycéens recevront leur gratification.
Dans les semaines à venir, le reste des gratifications seront versées.
Vous avez parlé d'arnaque.
Mais qui est l'arnaque ici ? Comment osez-vous nous donner des leçons alors que vous vous êtes opposés à l'application de cette réforme et à l'instauration de la gratification ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Louis Boyard fait de grands mouvements avec les bras.
Vous pouvez parler de gratification. Vous pouvez dire que vous n'osez y croire. Mais moi je n'ose toujours pas croire à votre capacité à faire de l'indécence votre seule compétence !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
M. Louis Boyard cherche à intervenir alors que son temps de parole est écoulé et brandit le texte de sa question.
M. Louis Boyard fait un signe de reddition.
C'est inadmissible, vous venez de parler de respect tout au long de votre question et vous ne respectez pas cet hémicycle !
Les députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, dont quelques députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Louis Boyard invite de la main les députés des groupes RE, Dem et HOR à se lever puis les salue théâtralement.
Ma question s'adresse au ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. Nous sommes 577 députés dans cet hémicycle. Dix d'entre nous pourraient être atteints de la maladie de Parkinson, car on estime qu'une personne sur cinquante pourrait l'être au cours de sa vie.
Depuis plusieurs années, nous observons une inquiétante augmentation des cas de maladies neurodégénératives. Si de plus en plus de malades sont diagnostiqués, un nombre encore plus important de personnes voit leur vie affectée par la maladie. Je pense aux familles, mais encore plus aux aidants, notamment quand le niveau de dépendance augmente.
L'une des priorités de nos politiques publiques en matière de santé est donc de créer les conditions pour que les patients restent autonomes le plus longtemps possible. Pour cela, nous savons qu'il existe un élément déterminant dans le parcours de soins. Il faut encourager massivement les personnes atteintes de la maladie de Parkinson à pratiquer une activité physique régulière. Mais encore faut-il qu'elles soient correctement informées et accompagnées au cours de leur maladie.
Cela fait bientôt vingt ans que l'un de mes proches en est atteint, et il n'existe toujours pas de protocole d'accompagnement. Avec une centaine de députés, j'ai signé une proposition transpartisane,…
…rédigée en lien avec l'association France Parkinson et la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes, visant à proposer un entretien systématique avec un kiné dès le diagnostic de Parkinson établi. Il permettra au patient d'apprendre à vivre avec la maladie, et lui donnera les clés pour ralentir sa progression et vivre dans de meilleures conditions.
À l'occasion de la Journée mondiale de la maladie de Parkinson, jeudi 11 avril, j'aimerais savoir ce que le Gouvernement envisage de faire pour améliorer l'accompagnement des patients.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous avez raison, la maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative chronique qui affecte près de 300 000 de nos concitoyens. Près de 30 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. C'est une maladie qui pèse sur le quotidien des patients, mais aussi de leur entourage. C'est la deuxième cause de handicap moteur chez les adultes. La Journée mondiale de la maladie de Parkinson permettra de mettre en lumière ce fléau.
Je connais votre mobilisation sur ce sujet et je tiens à la saluer. Mieux accompagner le patient durant sa maladie et son traitement, lui donner les clés pour mieux comprendre l'impact sur sa vie est le sens de l'action que mène le Gouvernement, notamment avec le déploiement, dans les prochaines semaines, des bilans de prévention souhaités par le Président de la République.
Mieux aider et mieux reconnaître le rôle des aidants dans l'accompagnement des personnes malades est aussi le sens des mesures prises depuis longtemps par cette majorité. Dans le cadre de la prochaine stratégie nationale maladies neurodégénératives 2024-2028 qui sera définie dans les prochaines semaines, je prévoirai plusieurs mesures pour franchir un cap supplémentaire, d'une part, en matière d'accompagnement, d'autre part, pour faire en sorte que chaque personne touchée appréhende mieux les contraintes de cette maladie.
Votre proposition de loi y trouve toute sa place. C'est avec beaucoup d'intérêt que je vous inviterai à participer aux travaux préparatoires, afin de viser l'objectif – comme nous le faisons pour toutes les pathologies lourdes – de mieux accompagner les Français touchés et ceux qui les entourent.
Mme Maud Bregeon applaudit.
Le pacte sur la migration et l'asile, soumis demain au vote du Parlement européen, est imposé par l'Union européenne. Pour cette Union européenne, l'immigration massive n'est pas un problème mais un projet.
Mme Nadia Hai s'exclame.
Les chiffres de 2022 en sont la parfaite illustration : sur 330 000 entrées illégales, seules 24 850 expulsions ont été effectuées par Frontex – Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.
Ce pacte comporte des mesures que nous jugeons dramatiques et antidémocratiques pour les Français et notre nation, comme la simplification des procédures de regroupement familial et l'instauration d'une amende de 20 000 euros par migrant infligée aux États membres refusant la relocalisation des demandeurs d'asile. En imposant l'immigration massive, ce pacte alimente une fabrique à séjours irréguliers.
Pire encore, ce pacte s'inscrit dans un contexte où l'augmentation de la délinquance et de la criminalité est clairement liée à l'immigration massive. En effet, le lien entre la flambée des violences et l'immigration est manifeste. Alors que, d'après l'Insee, la population étrangère représente 7 % de la population totale, le ministère de la justice relève que 25 % des détenus sont étrangers.
M. Antoine Léaument s'exclame.
En outre, je rappelle que la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure – a établi un lien clair et net entre les parcours migratoires et l'arrivée d'islamistes sur notre territoire.
Face à cette terrible réalité, le Rassemblement national et Marine Le Pen
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ont toujours défendu courageusement des solutions fermes et pragmatiques. Les demandes d'asiles doivent être examinées en dehors des frontières. Frontex doit devenir une véritable agence de protection des frontières.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous vous opposez systématiquement à chaque réponse concrète que nous apportons aux problèmes des Français, car vous en vivez, vous en faites du carburant électoral.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Le pacte sur la migration et l'asile était un engagement pris par le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne en 2017.
Ce pacte, qui sera adopté dans les prochains jours par le Parlement européen, repose sur trois piliers équilibrés : le renforcement de nos frontières, l'efficacité de la procédure d'asile et la solidarité entre les États membres.
Le renforcement de nos frontières consistera à filtrer les personnes qui y arrivent, à effectuer des contrôles sanitaires et sécuritaires, et à enregistrer ces personnes dans des bases de données afin d'assurer leur suivi sur le territoire. L'efficacité de la procédure d'asile sera garantie par le traitement, dans des délais raccourcis, des demandes provenant de pays extérieurs et ayant peu de chances d'aboutir, et par des retours facilités vers les pays d'origine. Enfin, les États feront preuve de solidarité, puisque ceux qui ne souhaiteront pas accueillir des relocalisations participeront financièrement à des projets d'accueil dans d'autres États.
C'est une solidarité choisie et non forcée.
Permettez-moi de vous poser une question : alors qu'il y a quelques semaines, vous avez voté la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, pourquoi vous prononcez-vous contre le pacte sur la migration et l'asile ?
Mme Natalia Pouzyreff applaudit.
J'émets deux hypothèses : soit vous n'avez pas les idées claires sur les questions d'immigration et c'est préoccupant, soit, malgré vos grands discours, vous n'avez aucune intention de résoudre les problèmes en matière d'immigration et alors, c'est très grave.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre Hervé Berville, jeudi dernier, vous vous êtes rendu à Arcachon auprès des ostréiculteurs brutalement touchés par la crise de norovirus qui s'est répandu sur le bassin d'Arcachon l'hiver dernier. Si la crise était bien localisée, j'affirme, en ma qualité de président du groupe d'études économie fluviale et maritime et filière halieutique, qu'il s'agit d'un sujet d'intérêt national majeur qui touche l'ensemble des bassins, parmi lesquels figurent, en premier lieu, ceux de la Charente-Maritime.
Même si le norovirus n'a pas contaminé les exploitations ostréicoles de la Charente-Maritime au point d'arrêter les ventes d'huîtres, l'inquiétude des consommateurs a touché l'ensemble du pays pendant les fêtes de Noël, qui représentent le pic de la consommation. La Normandie, la Bretagne et la Vendée n'ont pas été épargnées.
Ainsi, bien que maintenues ouvertes, les exploitations de Marennes-Oléron, comme celles dans tout le territoire, ont accusé une baisse de la consommation de 40 à 50 % durant la période. De plus, ces méventes entraînent une augmentation des stocks, et, après une crise du volume, se profile une chute des prix.
Ma question est donc simple : pouvez-vous nous dire si les mesures annoncées jeudi dernier concerneront toutes les exploitations ayant connu une baisse des recettes, et pas seulement celles qui ont été fermées ? Je pense notamment à l'exonération des redevances domaniales, à l'indemnisation des exploitations, au bénéfice du programme de communication de 500 000 euros que vous avez annoncé pour relancer la consommation, et surtout au financement de la création d'aires de lagunage en cas de saturation des stations de traitement des eaux polluées, et à la protection de l'ensemble des sites face au risque lié à la qualité de l'eau qui menace toutes les exploitations.
Nous parlons beaucoup de l'importance de l'agriculture, je tiens à souligner aussi celle de l'ostréiculture, de la mytiliculture, de la pêche et de toutes les autres filières marines. Le point commun de ces sujets est la qualité de l'eau, qu'elle soit douce ou salée.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.
Les ostréiculteurs font la fierté de notre pays, et nous délectent de produits de qualité au quotidien. Pendant la période des fêtes, ils ont vécu une situation grave et inédite.
Un certain nombre d'entre eux réalisent 70 % de leur chiffre d'affaires durant les fêtes de Noël. Le norovirus nous a contraints à interdire la vente et ils n'ont donc pas pu commercialiser leur production ni écouler leurs stocks. Cette interdiction a affecté les autres entreprises ostréicoles, car une perte de confiance s'est ensuivie : ceux de nos concitoyens qui consomment des huîtres n'en ont pas acheté autant que d'habitude.
Les ostréiculteurs n'ont pas à payer l'addition de la mauvaise qualité des eaux. Je me suis rendu jeudi dernier dans le bassin d'Arcachon, auprès des producteurs, pour leur annoncer une série de décisions, à la demande du Président de la République et du Premier ministre : d'une part un plan d'urgence, avec des financements pour des opérations de communication à même de raviver le goût des huîtres ; d'autre part des exonérations de redevances domaniales, avec des taux différenciés en fonction des territoires concernés.
Nous devons également poursuivre le combat à moyen et à long terme. À situation exceptionnelle, aides exceptionnelles : c'est ce que nous défendons à moyen terme auprès de l'Union européenne, avec Jean-Noël Barrot, à la demande du Premier ministre. À plus long terme, nous devons favoriser l'adaptation au changement climatique, financer les investissements nécessaires dans le réseau d'assainissement et soutenir une meilleure gestion des eaux pluviale, en lieu avec les agences de l'eau, dans tous les territoires. Nous serons ainsi en mesure de préserver la souveraineté du pays et d'accompagner les producteurs de ce produit d'excellence que je vous invite à manger tout au long de l'année !
Monsieur le Premier ministre, vous receviez le mois dernier les lauréates du concours « 101 Femmes de Matignon », dédié aux entrepreneuses. Saviez-vous que l'une d'elles est morte hier, poignardée gratuitement sur le chemin du travail ? Il s'agissait d'une jeune femme accomplie, mère de famille, une entrepreneuse qui était rentrée au pays. Je tiens à rendre hommage à Hélène Tarcy-Cétout.
Applaudissements sur divers bancs.
Merci, chers collègues.
C'est la population qui a arrêté l'assassin présumé. Je remercie ces citoyens qui ont fait preuve d'une grande bravoure en se lançant à son assaut. La Guyane perd une citoyenne émérite alors que plusieurs courriers, de ma part et de la part d'autres élus et parlementaires de Guyane, qui alertaient sur les multiples formes de criminalité et formulaient des propositions concrètes pour y faire face, sont restés sans réponse de votre part.
Dans la même veine, plusieurs amendements ont été déposés, rejetés, déposés à nouveau puis rejetés à nouveau – témoins des postures politiques d'une majorité et d'un Gouvernement drogués à l'autosatisfaction. La Guyane n'est pas la métropole ! Nous butons contre un État qui reste sourd à nos propositions, fait fi des réalités propres à cette région et ignore les amendements de bon sens déposés à répétition. Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut rien entendre ! Or celui qui s'enferme dans ses postures politiciennes finit par avoir du sang sur les mains. L'État n'est pas au niveau : garantir la sécurité des populations relève pourtant de votre responsabilité. Les solutions ne peuvent toutefois pas être décalquées à l'identique à Marseille, à Mayotte ou en Guyane.
Vous avez annoncé hier, dans la précipitation, une opération Place nette XXL en Guyane. « Plus c'est gros, plus ça passe » : cela ne marche pas à tous les coups ! Lancer cette opération d'envergure ne changera rien aux causes profondes de l'insécurité. Les effets de manche et les coups de com plaisent peut-être à vos abonnés sur les réseaux sociaux, pas à moi, pas à nous !
Mme Caroline Abadie s'esclaffe.
Quand écouterez-vous les élus qui ont reçu l'aval du peuple, avant de définir une stratégie territoriale ? Quand engagerez-vous les moyens nécessaires pour s'attaquer aux causes de l'insécurité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous évoquez la mort d'Hélène Tarcy-Cétout, à qui je veux rendre hommage, comme l'a fait le Premier ministre tout à l'heure. Une pharmacienne de 34 ans, mère de famille, une femme de cœur, secouriste et pompière volontaire, une femme d'action également, entrepreneuse primée par le Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le Gouvernement ne fait pas un coup de com en s'engageant à protéger nos concitoyens en Guyane : les opérations Place nette sont lancées sur tout le territoire depuis le début de l'année, y compris en Guyane. Grâce aux dernières opérations menées sur place, 10 000 personnes ont été contrôlées, 86 ont été interpellées et enfin 16 tonnes de marchandises prohibées, ainsi que des avoirs criminels d'une valeur de 3 millions d'euros, ont été saisis.
J'ai eu hier au téléphone la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, Sophie Charles, qui nous a demandé de lancer une opération Place nette XXL dans sa ville. Nous ferons en sorte qu'elle ait lieu. C'est la moindre des choses.
Nous voulons aussi renforcer les contrôles. Nous avons annoncé la création de quatre brigades, dont une à Saint-Laurent-du-Maroni, qui viendra au soutien du dispositif de vidéoprotection. Nous sommes fortement engagés.
Votre question était respectueuse dans un premier temps mais très acerbe à la fin. Vous n'étiez pas là pour voter des moyens supplémentaires en faveur de la police et de la justice, monsieur Rimane !
Ce n'est pas parce qu'il n'était pas de votre côté qu'il n'était pas là !
Vous n'étiez pas là…
Mme la présidente coupe le micro de la ministre, dont le temps de parole est écoulé.
Kwibuka – « souviens-toi » – du génocide, dont on commémore le trentième anniversaire. En 100 jours, au printemps 1994, le dernier génocide du XXe siècle a fait plus de 800 000 victimes. Des hommes, des femmes et des bébés ont été massacrés, dans un accès de folie collective sanguinaire, par des hommes ordinaires – parfois le voisin, le collègue, l'ami.
Mme Estelle Youssouffa applaudit.
Dimanche 7 avril à Kigali, je faisais partie de la délégation française en tant que présidente du groupe d'amitié France-Rwanda. J'ai assisté à une cérémonie du souvenir marquée par une rare émotion qui nous a tous submergés et dont nous garderons à jamais, en nos cœurs, une trace indélébile. Je veux saluer et honorer solennellement la résilience des rescapés et des jeunes générations qui ont su reconstruire l'unité de leur nation avec abnégation et dignité.
Ces derniers ne peuvent cependant pas faire table rase du fait que la communauté internationale a été cruellement absente au printemps 1994. La France a eu sa part de responsabilité dans cette faillite collective, comme l'a reconnu le Président de la République en mai 2021 au Rwanda. Deux ans auparavant, Emmanuel Macron avait ouvert les archives françaises aux historiens. Issu de ces travaux, le rapport Duclert a pointé « des responsabilités accablantes » de la France, tout en soulignant l'absence de complicité de génocide. Avec le Rwanda, nous avons su travailler sur la mémoire, nous réconcilier et bâtir un partenariat de confiance.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, bien que les leçons tirées de l'histoire aient permis d'éclaircir l'avenir, et alors que la France accueillera cette année le sommet de l'Organisation internationale de la francophonie, quelles sont les perspectives concrètes de notre relation bilatérale avec le Rwanda ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mmes Estelle Youssouffa et Maud Petit applaudissent également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger.
Je vous prie d'excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères qui est retenu avec son homologue marocain, en visite à Paris. Stéphane Séjourné a représenté le Président de la République dimanche dernier à Kigali, lors des commémorations du génocide perpétré contre les Tutsis. Vous étiez également présente, avec plusieurs de vos collègues, en votre qualité de présidente du groupe d'amitié France-Rwanda. J'aurai d'abord une pensée pour les victimes, pour les survivants et pour le peuple rwandais tout entier.
Avec le Rwanda, nous sommes parvenus à nous réconcilier, d'abord en regardant notre passé en face. Nous avons ouvert nos archives et installé une commission composée d'historiens. Sur la base du rapport Duclert, en mai 2021, le Président de la République a reconnu les « responsabilités » de la France. Ces mots très clairs ont été répétés par lui dimanche dernier.
Avec le Rwanda, nous travaillons main dans la main sur la mémoire du génocide, et nous cherchons aussi à accélérer les enquêtes impliquant des génocidaires présumés. Au reste, depuis 2019, nous avons bâti un partenariat solide, une relation de confiance tournée vers l'avenir : nous avons ouvert un centre culturel dynamique, nommé un ambassadeur, relancé des projets ambitieux d'aide à l'investissement dans la santé, la formation professionnelle et l'environnement.
Samedi, à Kigali, le ministre Séjourné a signé deux conventions bilatérales ambitieuses pour renforcer ce partenariat dans tous les domaines, notamment au moyen d'une aide de 400 millions d'euros de l'Agence française de développement (AFD) entre 2024 et 2028. Nous travaillons aussi au renforcement des partenariats commerciaux et des partenariats économiques bilatéraux. En octobre 2021, dans le prolongement du nouveau sommet Afrique-France, je m'étais d'ailleurs rendu à Kigali avec une délégation d'entreprises pour participer à un forum réunissant des acteurs économiques. Nous continuons à travailler en ce sens.
La France a réussi à surmonter les tensions du passé avec le Rwanda, je crois que nous pouvons tous nous en réjouir.
Nous assistons depuis quelques jours, effarés, à la multiplication des actes d'une violence atroce : des agressions, d'une violence inouïe, d'autant plus insupportables qu'elles ont lieu dans l'espace public et qu'elles frappent des adolescents de plus en plus jeunes. Je partage évidemment la douleur immense des familles dont les vies sont détruites à jamais. J'ai une pensée pour ces victimes de la barbarie.
Thomas, 16 ans, poignardé à mort à Crépol ; Shanon, 13 ans, violée et tuée dans ma circonscription de l'Oise – ses obsèques ont lieu en ce moment même ; Shemseddine, 15 ans, lynché à mort à Viry-Châtillon ; Samara, 13 ans, rouée de coups à la sortie de son collège à Montpellier. Cette sauvagerie gratuite, aveugle et, hélas, presque banale, ne doit pas seulement nous interpeller. Elle nous oblige à réagir collectivement. Elle vous impose de sortir de l'aveuglement : non, contrairement à ce que disait le garde des sceaux, l'insécurité n'est pas un « sentiment ». C'est une triste réalité. Non, l'ensauvagement de la société ne peut plus être contesté.
Votre réponse passe, entre autres, par une lutte implacable contre le harcèlement en ligne : des sanctions très fermes contre ses auteurs et des mesures de protection des victimes. Cela implique nécessairement la responsabilisation des parents démissionnaires et la suspension, le cas échéant, des allocations familiales. Il faut également en finir avec l'excuse de minorité, puisque les bourreaux sont souvent à peine plus âgés que leurs victimes. Les mesurettes ne suffisent plus. La réponse pénale doit être implacable. Comment répondrez-vous à ces violences d'une telle barbarie ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Commence par débarrasser ton groupe de ses dealers !
Quelle honte, monsieur Delogu ! Les parents des défunts vous entendent.
Cette série de crimes nous accable évidemment toutes et tous. Comment lutte-t-on contre la délinquance lorsque, contrairement à certains, on ne dispose pas de baguette magique ?
D'abord, vous avez raison de souligner qu'il faut rappeler aux parents leurs responsabilités. J'ai donné tout à l'heure le chiffre : depuis que j'ai demandé au procureur de poursuivre les parents, non pas dépassés, mais défaillants, 310 personnes ont été condamnées.
L'école ensuite, creuset républicain : vous connaissez l'engagement du Premier ministre en la matière.
S'agissant du réarmement des forces de sécurité intérieures, votre famille politique a voté les textes qui permettent d'embaucher des gendarmes et des policiers.
Quant au réarmement judiciaire, il est multiple. Le ministère de la justice est, d'une certaine manière, le ministère du malheur : lorsqu'un malheur survient, la justice est saisie. Nous avons renforcé l'arsenal juridique en votant des lois très importantes. La justice n'a jamais été aussi sévère, en dépit des affirmations de certains – la Cour des comptes le confirme très clairement. Le réarmement de la justice est en cours, grâce au plan d'embauches que vous nous avez permis de lancer, monsieur le député Minot.
S'agissant enfin des réseaux sociaux, un énorme travail a été accompli, notamment au niveau européen, grâce au Président de la République. Il faut continuer encore et encore, sans relâche, toujours.
Sourires.
Monsieur le ministre, nous avons toujours soutenu la réponse pénale. Nous ne pouvons plus nous contenter de minutes de silence et de moments de recueillement. Sachez que…
Désolée de vous interrompre, monsieur Minot, mais vous avez épuisé votre temps de parole.
Sourires.
Monsieur le ministre de la justice, d'une opération de communication XXL à une politique pénitentiaire XXS, il n'y a qu'un pas. Alors que nos policiers et nos gendarmes fournissent quotidiennement un travail colossal pour tenter de mettre hors-service les trafiquants de drogue, vous voilà, une fois de plus, dans le rôle de l'instigateur du laxisme.
Le trafic et la consommation de stupéfiants doivent être combattus dans la rue, mais aussi dans nos prisons. Or vous préparez un décret visant à instaurer des alternatives aux poursuites en cas d'infractions disciplinaires commises par des détenus, même lorsqu'il s'agit d'affaires de stupéfiants ou de la détention d'un téléphone portable. Comment accepter que la sanction puisse être une simple lettre d'excuses lorsqu'on sait, d'une part, que ces trafics se développent à vitesse grand V à l'intérieur des prisons, d'autre part, que de nombreux détenus continuent de gérer depuis leur cellule des points de deal à l'extérieur ?
Vous affaiblissez toujours un peu plus l'autorité du personnel de surveillance, qui exerce sa mission dans des conditions très difficiles. Vous, le ministre des détenus, comptez-vous faire de nos prisons des zones de non-droit ? Car, par cette décision, vous ne diffusez pas un sentiment d'impunité, vous instaurez l'impunité !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous venez de présenter, devant la représentation nationale, un mensonge et une fake news – vous en avez d'ailleurs l'habitude.
Vous évoquez un projet de décret qui tendrait à réduire les sanctions disciplinaires pour les détenus qui se livreraient au trafic de stupéfiants en détention. Ce n'est pas vrai : c'est précisément tout l'inverse !
Mais vous n'avez sans doute pas lu la dernière version du décret en préparation. Ce décret, qui fait l'objet d'une concertation, vise précisément à lutter contre l'impunité en détention. Il prévoit une sanction rapide, systématique, pour les incidents de faible gravité – jet de détritus par la fenêtre de la cellule, volume excessif du poste de radio : les détenus auront l'obligation immédiate de nettoyer ou de réparer. Quant aux incidents les plus graves – violences, menaces, insultes, trafic de stupéfiants –, ils sont totalement exclus de ce dispositif.
Vous n'avez pas lu le projet de décret, et la présentation que vous en faites est scandaleuse !
Mme Caroline Abadie applaudit.
Vous, vous n'avez pas écouté, car je n'ai pas forcément parlé de trafic de stupéfiants. Il existe plusieurs groupes d'infractions disciplinaires. Il y a notamment la détention ou la consommation de stupéfiants.
Quelle ratatouille !
On sait que vous aimez amuser la galerie, mais nos prisons ont davantage besoin d'ordre et de discipline que d'être transformées en parcs d'attractions ,
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
comme vous le faites souvent.
Ce décret est un aveu de faiblesse car, face à l'explosion des incidents dans les établissements pénitentiaires, c'est la seule solution que vous avez trouvée. J'ai le souvenir d'un Dupond-Moretti visionnaire : celui qui affirmait, en 2018, que s'il devenait ministre de la justice, ce serait le bordel. Bravo : vous aviez raison !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Alors là, vous avez du mal : vous cherchez à vous rattraper, mais quelle ratatouille !
Sourires et applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Vous me faites le reproche, devant la représentation nationale, de prendre un décret qui aurait pour objet de ne plus sanctionner les infractions les plus graves en détention alors qu'en réalité, il s'agit de dire aux détenus fautifs – cela va plaire au Premier ministre, j'en suis convaincu : « Tu nettoies, tu casses, tu répares »…
Non : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ! »
Sourires.
Pardon. Tout cela pour éviter de réunir la commission. Quant aux infractions les plus graves, elles seront sanctionnées. Ratatouille, ratatouille ! Cuisine !
Mme Caroline Abadie applaudit. – « Ça rame ! » sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, une nouvelle fois, nous interpellons le Gouvernement sur la situation de la psychiatrie publique. Aujourd'hui, c'est moi ; hier, c'était ma collègue Anne Stambach-Terrenoir, à Toulouse ; demain, ce sera Mathilde Hignet, à Redon. Car la crise est partout !
Dans la Sarthe, à la désertification médicale s'ajoutent la fermeture régulière des urgences périphériques, la suppression, en dix ans, de 180 lits dans l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe – encore 42 l'été dernier – et la vacance de 29 postes de psychiatre. Au détriment de tous les patients, le service des urgences du centre hospitalier du Mans prend le relais de l'EPSM, auquel vous ne donnez pas les moyens de remplir sa mission.
Fait exceptionnel, les médecins et soignants des urgences témoignent, ouvertement, comme ils l'ont fait la semaine dernière sur France 2. Vous obligez les soignants à mettre des personnes sous contrainte pendant plusieurs jours, sans cadre légal, sans formation ni prise en charge psychiatrique. Vous hospitalisez les personnes hors de leur département, loin de leurs proches et de leurs repères ; parfois, le pire advient. Mettez-vous à la place des soignants qui doivent annoncer aux familles que leur proche s'est suicidé à l'hôpital après dix jours d'attente aux urgences !
Comme vos prédécesseurs, je vous ai invité à vous rendre dans notre territoire pour entendre les soignants, les patients et leurs proches. N'attendez pas qu'un drame survienne au Mans, comme ce fut le cas à Toulouse ! Venez voir les équipes de l'EPSM : elles ont des propositions, elles sont attachées à la psychiatrie publique et refusent sa destruction programmée.
Au-delà des effets d'annonce, qu'il s'agisse d'une quelconque grande cause nationale ou d'un énième rapport, que comptez-vous faire sérieusement, dans la Sarthe et ailleurs, pour réparer ce que vingt années de vos politiques néolibérales ont détruit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
La situation des urgences du Mans doit nous interpeller, et elle m'interpelle.
Je connais bien la situation de la Sarthe. J'ai confié, ces derniers jours, à une mission d'experts la tâche d'apporter un appui aux soignants, qui font face à une situation très tendue. Celle-ci est due à la vacance de la moitié des postes de psychiatre, c'est-à-dire à un manque d'effectifs qui limite la capacité à faire face aux besoins des patients du territoire, et non à une diminution de moyens imposée par le Gouvernement.
Face à cette situation, une chaîne de solidarité s'est formée, grâce à l'implication de l'hôpital du Mans et du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers, qui ont ouvert des lits de manière à assurer la continuité des soins.
Vous avez cité Toulouse. Les problèmes n'y sont pas les mêmes : ils sont liés à un dialogue et à une coopération difficiles entre le public et le privé. La situation s'améliore depuis quelques semaines.
Dans la Sarthe, le problème est différent et appelle des solutions très différentes : chaque situation est particulière et doit être examinée à la lumière de ce que vit le territoire.
Avec le Gouvernement, nous avons apporté des réponses très concrètes. C'est ce gouvernement qui a augmenté les capacités en matière de formation des médecins et qui va continuer à en former davantage. C'est ce gouvernement qui favorise la montée en compétence des personnels paramédicaux aux côtés des médecins, pour améliorer la prise en charge de l'ensemble des patients, notamment en santé mentale. C'est ce gouvernement qui agit : il ne reste pas les bras ballants. Nous agirons pour la Sarthe, comme nous avons agi pour Toulouse.
Vous répondez par petits bouts : une mission ici, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ailleurs, ce qui montre bien que celle-ci n'a pas les moyens de réaliser plusieurs enquêtes simultanément.
À quand une réflexion sur les conséquences de vos choix politiques, qui ont fait fondre les effectifs de la médecine scolaire, de la petite école à l'université, comme de la médecine du travail ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vos choix politiques mettent à mal la protection de l'enfance et le secteur médico-social, abîment les corps et les esprits, à cause de la retraite à 64 ans et de la réforme de l'assurance chômage.
Mêmes mouvements.
Ces choix font que 13 millions de Français souffrent d'un trouble psychiatrique.
Soyez au rendez-vous du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et lisez le travail que nous avons fourni pour celui de 2024, que vous avez balayé à coups de 49.3 !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Le ministre de la justice a parlé de bouillabaisse. Vous concernant, il s'agit plutôt de gloubi-boulga : vous mélangez tous les sujets !
M. Erwan Balanant applaudit. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai évoqué les filières de formation, la montée en compétence de certains soignants. Vous ne voulez rien entendre ! La situation de la Sarthe sera réglée, comme celle de Toulouse.
Pour rendre justice au garde des sceaux, je précise qu'il a parlé de ratatouille et non de bouillabaisse.
Sourires.
Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, samedi dernier, un soignant du centre hospitalier de Challans était agressé par l'accompagnateur d'un patient alors qu'il tentait simplement de porter assistance à ce dernier. Je tiens à saluer, ici, le travail des forces de l'ordre qui ont interpellé le suspect.
Le brancardier, figure éphémère de ces héros du quotidien qui peuplent nos établissements de santé, était, ce matin encore, en soins intensifs. Le 23 mai dernier, notre collègue Éric Girardin prenait la parole dans cet hémicycle, à la suite de l'agression dont ont été victimes une infirmière et une secrétaire médicale du centre hospitalier universitaire de Reims ; l'une d'entre elles en est même décédée.
Ces cas extrêmes ne sont pas isolés. En effet, selon les chiffres de l'Observatoire national des violences en milieu de santé, en 2022, 23 500 professionnels ont déclaré avoir été victimes de violences dans des établissements de santé, soit 64 victimes par jour. Ce chiffre doit tous nous alerter.
Nous le reconnaissons, le Gouvernement a d'ores et déjà mené des actions d'ampleur. Ainsi, le plan pour la sécurité des professionnels de santé, dévoilé en septembre 2023, fait du renforcement du signalement des violences portées aux soignants en chantier prioritaire du ministère de la santé et de la prévention. Mais, face à l'urgence de la situation et pour apaiser les inquiétudes légitimes de la profession, il nous faut répondre par des actes politiques forts.
Monsieur le ministre délégué, comment comptez-vous garantir la sécurité de nos personnels soignants dans l'exercice quotidien de leur mission essentielle ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Je tiens tout d'abord à exprimer toute mon indignation face à l'agression inadmissible dont a été victime ce brancardier âgé de 61 ans qui travaille depuis très longtemps à l'hôpital de Challans, où il est apprécié de ses collègues. Son état de santé s'améliore ; il est à présent stabilisé. Le pronostic vital a été levé et il se remet de ses blessures. Je lui adresse, au nom du Gouvernement et, je suppose, de la représentation nationale, des vœux de prompt rétablissement.
Je veux également lui témoigner ma solidarité, ainsi qu'à sa famille, à ses amis et aux agents de l'hôpital de Challans : ils ont été particulièrement choqués par cette agression violente et barbare, qui est un pur acte de délinquance.
L'auteur des faits a été interpellé grâce au circuit de vidéosurveillance, qui a permis aux forces de police de l'identifier très rapidement et de l'arrêter. Le développement de la vidéosurveillance est un des aspects du plan présenté en décembre dernier. Ce plan comporte une quarantaine de mesures très concrètes et précises qui visent à renforcer la sécurité des soignants, à l'hôpital comme dans le secteur libéral. Je n'entrerai pas dans le détail de ces mesures dont l'application est en cours ; elles permettront d'apporter des réponses très concrètes.
Puisque vous avez appelé de vos vœux un acte politique fort, je rappelle que votre assemblée a adopté, le 14 mars, une proposition de loi du député du groupe Horizons Philippe Pradal, qui vise à aggraver les peines encourues par les personnes coupables d'agressions contre les soignants et à rapprocher ainsi la protection de ces derniers de celle dont bénéficient les agents publics. Il s'agit de sanctionner plus fortement encore ceux qui commettent l'irréparable lorsqu'ils agressent des soignants, dont la vocation est de prendre en charge des malades et de tendre la main à l'autre.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2437) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (n° 2438).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, rapporteur des commissions mixtes paritaires.
Nous parvenons à la fin de l'examen du projet de loi relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur avec mon collègue Antoine Armand. L'Assemblée nationale et le Sénat ont trouvé un accord sur ce texte, lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est tenue le mercredi 3 avril. Je souhaite remercier chaleureusement l'ensemble des administrateurs de l'Assemblée, ainsi que les collaborateurs du ministère et de mon équipe, qui ont suivi l'examen de ce texte et travaillé avec rigueur et détermination à son élaboration.
Ce projet de loi s'inscrit dans le fil d'une réflexion approfondie à propos de notre modèle énergétique. Engagée au cours de la précédente législature, elle a conduit au discours de Belfort du 10 février 2022, dans lequel le Président de la République a tracé les grandes orientations du destin énergétique de la France : sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, garantir notre souveraineté et accélérer la transition énergétique, afin d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.
Depuis, la politique énergétique française a été précisée. Elle repose sur quatre piliers, complémentaires et indispensables : la sobriété, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire. Le Parlement a travaillé à sa mise en œuvre, en adoptant début 2023 le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, ainsi que le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
En parallèle, une réflexion sur la gouvernance de la sûreté nucléaire s'est engagée. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a été saisi du sujet il y a un an. Dans ce cadre, nous avons, avec le sénateur Stéphane Piednoir, formulé dix-sept recommandations, dont le Conseil de politique nucléaire s'est fait l'écho, et qui ont constitué le socle du présent projet de loi.
Le texte qui nous est soumis consacre l'indépendance, vis-à-vis du Gouvernement et des exploitants, de l'entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection, en la dotant du statut d'autorité administrative indépendante. En créant une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), nous pourrons fixer un calendrier de priorités unique, et nous renforcerons le partage d'informations et le pilotage des moyens. De plus, par sa taille et son haut niveau de compétence, la future autorité sera mieux à même d'attirer de nouveaux talents,…
…nécessaires pour consolider l'activité de contrôle et pour accompagner les nombreux projets industriels liés à la relance du nucléaire.
Ce projet de loi a été clarifié et enrichi lors de son examen au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, et enfin en commission mixte paritaire. Le travail constructif que nous avons mené avec les rapporteurs du Sénat a permis de préciser certaines dispositions et de trouver les meilleurs équilibres afin de bâtir un système de sûreté nucléaire renforcé, robuste et attractif.
Je présenterai les principales modifications apportées par la CMP aux articles dont j'ai été le rapporteur.
À l'article 1er , la diffusion d'une culture de la radioprotection auprès de nos concitoyens a été ajoutée aux missions fondamentales de l'ASNR.
Un compromis a été trouvé à l'article 2 – qui constitue le cœur de la réforme – afin de renforcer le principe de la distinction entre expertise et décision. Par ailleurs, si cet article maintient le principe d'une publication concomitante des résultats d'expertise et des décisions, il invite désormais à ce que, dans le cas de dossiers de longue durée, les résultats d'expertise soient publiés tout au long du processus, afin de favoriser et d'enrichir les possibilités de participation du public.
L'article 4 reprend le souhait du Sénat que soit présenté à l'Opecst le projet d'adoption du règlement intérieur de la nouvelle autorité. En revanche, la présentation et la transmission de ce projet au Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et à l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) sont supprimées, en raison des problèmes déontologiques que cela aurait posés, comme je l'avais expliqué lors de l'examen en première lecture.
Je me félicite que la CMP ait conservé des apports essentiels issus de notre assemblée. Il s'agit, en particulier, de la création, à l'article 3, d'un conseil scientifique, sur le modèle de celui qui existe au sein de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Cette mesure manifeste notre détermination à voir la nouvelle autorité jouer un rôle important en matière de recherche. L'article 11 conforte, quant à lui, la proposition importante d'instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de l'ASNR, en ne retenant plus que la faisabilité – et non l'opportunité – de sa nomination. Enfin, les deux chambres se sont accordées pour renforcer le suivi de la réforme, en conservant l'article 15 bis introduit à l'Assemblée nationale, qui prévoit la remise à l'Opecst de trois rapports de suivi, dans un souci de bonne information du Parlement.
Je précise que le projet de loi organique tire les conséquences de ce projet de loi ordinaire.
En conclusion, je vous appelle, chers collègues, à voter ce texte. La réorganisation qu'il vise est nécessaire pour permettre la relance du nucléaire, dans un contexte où les défis environnementaux et technologiques se multiplient.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
Nous sommes appelés à nous prononcer sur les conclusions des commissions mixtes paritaires relatives aux projets de loi – ordinaire et organique – portant sur la gouvernance de la sûreté nucléaire. Je me réjouis que l'Assemblée nationale et le Sénat aient trouvé un accord. Je tiens à saluer particulièrement le travail mené par les rapporteurs du Sénat, Pascal Martin et Patrick Chaize, et par le rapporteur de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Jean-Luc Fugit, ainsi que l'esprit de coconstruction…
…et d'ouverture dont a fait preuve, durant tout l'examen du texte, le Gouvernement.
Nous sommes parvenus à un texte efficace, qui offre un cadre structurant et solide à la nouvelle autorité de sûreté ; un texte qui inscrit dans la loi certains principes importants de la sûreté nucléaire, qui ont fait la force du modèle français en la matière, et qui continueront à le faire ; enfin, un texte qui sait renvoyer à la future autorité et au dialogue entre ses principales instances – et donc aux connaisseurs, aux spécialistes et aux praticiens – la définition de son fonctionnement courant. Cette double dimension fait tout l'intérêt de ce projet de loi.
Il s'agit d'une réforme d'organisation – j'y insiste – qui, contrairement à certaines allégations récurrentes – trompeuses, et parfois tapageuses –, ne change pas un mot à notre doctrine de sûreté, ni aux critères scientifiques et techniques qui s'appliqueront aux réacteurs existants et à venir.
Cette réforme permettra aussi une mutualisation des moyens – nous l'avons dit –, ainsi qu'une simplification des procédures, au service aussi bien de la relance nucléaire que de notre exigence intraitable, constante et renouvelée de sûreté, sur laquelle je tiens à insister.
Ce texte comprend les avancées obtenues en commission mixte paritaire. Jean-Luc Fugit les a déjà abordées s'agissant des articles du projet de loi dont il avait la charge. Pour ma part, je retiendrai la rédaction de compromis, demandée par de nombreux députés, qui clarifie la distinction entre expertise et décision au sein de la future autorité.
Pour ce qui est des articles dont la commission des affaires économiques de l'Assemblée avait reçu délégation au fond, nous avons également su trouver des points d'équilibre et des compromis avec le rapporteur Chaize.
S'agissant du rôle du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA), objet de l'article 12 du projet de loi ordinaire, dès la première lecture et conformément au souhait du Sénat, l'Assemblée a conservé la base légale de son existence. La commission mixte paritaire a, par surcroît, précisé ses attributions, prévoyant qu'il sera saisi sur les textes – attendus – de programmation énergétique.
Nous avons confirmé que la nomination du haut-commissaire ne relèvera plus de la procédure prévue à l'article 13, alinéa 5 de la Constitution, le vote favorable des commissions compétentes du Parlement ne correspondant ni à l'esprit ni à l'exercice de la mission du HCEA en matière de recherche nucléaire depuis maintenant des décennies. Je souligne toutefois que nous avons fait droit au souhait du Sénat d'appliquer cette procédure à la nomination du président d'Orano. En effet, compte tenu des enjeux majeurs liés au cycle du combustible, sur lesquels nous sommes tous d'accord, il n'est pas incohérent de renforcer le contrôle du Parlement sur les grandes orientations de cette entreprise.
Enfin, en ce qui concerne les aménagements aux règles de la commande publique pour les projets nucléaires, prévus aux articles 16 à 18 du projet de loi ordinaire et sur lesquels nous avons eu des débats nourris, un accord a été plutôt facile à trouver. En effet, de tels aménagements, qui seront strictement encadrés, se justifient par le caractère hors norme des chantiers et l'enjeu que ces derniers représentent pour notre souveraineté nationale et pour toutes les personnes favorables à la relance nucléaire inédite engagée par le Président de la République et par le Gouvernement.
Une nouvelle fois, nous avons entendu le souhait du Sénat, d'ailleurs partagé par certains sur nos bancs, de renforcer le contrôle du Parlement sur l'emploi des mesures dérogatoires les plus importantes. Est ainsi prévue, à l'article 18, la remise, tous les quatre ans, d'un rapport sur le recours aux dispositions permettant de déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Vous le voyez donc, le point d'équilibre trouvé avec le Sénat, à la suite d'un long et respectueux travail de coconstruction à l'Assemblée, permet de répondre à certaines des attentes exprimées sur ces bancs dès la première lecture. Il est désormais temps de passer à l'application de cette réforme, c'est-à-dire à la préfiguration de la nouvelle autorité et à son organisation concrète et pratique. Celle-ci ne se décidera pas ici, mais dans les instances pertinentes et avec les acteurs compétents, soit celles et ceux qui font la sûreté nucléaire au quotidien et à qui nous devons tant.
C'est sur cet hommage aux hommes et aux femmes que nous avons respectés tout au long de ces débats et que nous respecterons encore davantage demain dans le cadre de la nouvelle autorité que je terminerai mon propos.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
Il y a prescription, monsieur Jumel !
Nous sommes rassemblés pour parfaire un dispositif de relance de la filière nucléaire en terminant – je l'espère – un processus parlementaire abouti et en autorisant – je l'espère également – la relance d'un autre processus tout aussi important : le rapprochement opérationnel des deux entités de sûreté nucléaire existantes.
Vous êtes amenés à vous prononcer sur les conclusions des commissions mixtes paritaires, et avant de parler un peu du fond – même si nos débats ont été longs –, je tiens à saluer la qualité de nos travaux. Je remercie particulièrement les rapporteurs de l'Assemblée nationale, Jean-Luc Fugit et Antoine Armand ; ceux du Sénat, Pascal Martin et Patrick Chaize, que j'aurai, je l'espère, l'occasion de saluer directement tout à l'heure ; les membres des commissions mixtes paritaires, qui sont pour la plupart présents cet après-midi en ce qui concerne les députés ; les membres de l'Opecst, pour leur travail ; les présidents des commissions saisies ; ainsi que l'ensemble des parlementaires, qui ont beaucoup œuvré sur ces textes.
Au cœur de notre projet, il y a une ambition : permettre à nos talents, à qui le rapporteur Armand vient de rendre hommage, de se focaliser, demain, au sein d'une seule et même institution tout autant connue et reconnue que les deux qui existent actuellement, sur les enjeux prioritaires de sûreté et sur les sujets critiques pour le calendrier des projets nucléaires, sans revenir en aucun cas sur nos exigences en matière de sûreté.
Ces textes ont pour objet central la création d'une autorité unique de sûreté nucléaire et de radioprotection, et l'adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires.
Les deux chambres ont enrichi et précisé les textes en clarifiant la portée de la distinction entre expertise et décision ; en consacrant les groupes permanents d'experts ; en prévoyant la publication concomitante des résultats d'expertise et des décisions ; et en dotant la future autorité – le rapporteur Fugit l'a dit – d'une commission d'éthique et de déontologie, et d'un conseil scientifique.
Ce travail s'est poursuivi la semaine dernière lors des commissions mixtes paritaires, dont les conclusions comportent des ajouts utiles qui, je l'espère, emporteront l'assentiment d'une majorité de députés et d'une majorité de sénateurs. Ces ajouts concernent notamment le règlement intérieur de la future autorité, qui est très encadré. Ils visent d'abord à renforcer la place de ce règlement dans l'articulation entre expertise et décision, et à assurer cette distinction, tout en évitant une rigidification excessive de la structure. Ils visent ensuite à établir des lignes directrices concernant les exceptions au principe de publication concomitante des résultats d'expertise et des décisions auxquelles ils se rapportent. Les résultats de l'expertise seront ainsi publiés avant la décision s'agissant des instructions longues, telles que le projet Cigéo ou les visites décennales, et après la décision en ce qui concerne les instructions courtes, comme c'est le cas actuellement. Enfin, ces ajouts prévoient la présentation du règlement intérieur à l'Opecst.
Le Parlement a ainsi mené un travail constructif pour façonner l'organisation de la future autorité. Le travail ne fait que commencer. Comme je m'y suis engagé lors de l'examen des projets de loi, je suivrai de très près l'application de la réforme, pourvu que vous acceptiez de la voter, ainsi que vos collègues sénateurs. Nous procéderons très rapidement à la nomination d'un préfigurateur pour relancer le travail de rapprochement opérationnel.
Mesdames et messieurs les députés, vous avez devant vous un compromis parlementaire : deux textes ayant trait à des enjeux majeurs de demain, sur lesquels les deux chambres sont parvenues à se mettre d'accord. Il serait pour moi incompréhensible que vous ne les votiez pas alors qu'ils sont le fruit d'un consensus réfléchi et abouti entre députés et sénateurs.
M. Sébastien Jumel proteste.
En les approuvant, vous permettrez de répondre dans les meilleures conditions au défi de la relance de la filière nucléaire et assurerez les moyens de faire face au défi industriel et énergétique sans précédent qui se présente à nous, tout en préservant bien sûr notre niveau de sûreté exigeant.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
J'ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
La parole est à M. Sébastien Jumel.
En septembre 1963, le général de Gaulle, alors en tournée d'inspection des premières constructions de centrales nucléaires, déclarait que l'énergie atomique « est, comme vous le savez tous, le fond de l'activité de demain ».
En tant que député communiste, je crois que demain est déjà là. Demain, c'est le réchauffement climatique et ses multiples conséquences, qui nous obligent à disposer d'une source d'énergie décarbonée. C'est la guerre aux portes de l'Europe, qui nous oblige à trouver des sources d'énergie alternatives au gaz russe. C'est la nécessité de disposer d'une énergie pilotable alors que nous cherchons à réindustrialiser et à électrifier les usages.
Je sais que nous ne partageons pas tous le même constat. Sur ces bancs, figurent des gaullistes et des communistes, qui se souviennent d'avoir apporté leur concours à la construction de notre outil de production d'énergie nucléaire. D'autres pensent différemment et tous les points de vue sont légitimes : je tenais à le dire d'emblée. Mais quelle que soit notre religion, si je puis le dire ainsi, les uns souhaitant que le nucléaire figure dans le mix énergétique, les autres ne le voulant pas, cette énergie fait partie de notre réalité. Il faut donc la traiter avec intelligence. Il faut donc préserver la confiance.
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron a présenté ses objectifs énergétiques pour notre pays, à savoir la relance de la filière nucléaire française, grâce à la construction d'au moins six réacteurs de type EPR, et la prolongation de la durée de vie des centrales existantes. Or, qu'on adhère ou non à ces objectifs, le contrat est clair : une relance de la filière ne peut avoir lieu qu'à cadre de sûreté constant – cadre qui demeure la condition sine qua non de la confiance.
Pourtant, depuis un an et demi, vous tentez de la briser. Vous avez d'abord agi à la hussarde, en essayant d'introduire par voie d'amendement une réforme du modèle de sûreté nucléaire, que la représentation nucléaire s'est empressée de balayer. Ensuite, après des mois d'offensive, vous avez présenté un projet de loi fabriqué sans consentement ni consensus, et contre l'avis de tous, quoi que vous en disiez désormais.
Il aurait été utile de mettre à profit ces quelques mois pour convaincre les parlementaires et mettre d'accord les salariés et les experts. Mais pas plus aujourd'hui qu'il y a un an et demi, il n'existe de raison de réformer notre système de sûreté nucléaire, si ce n'est une obsession pathologique pour semer la pagaille et le désordre ! Le débat au Parlement n'aura pas levé nos doutes et nos interrogations, pas plus que ceux de la communauté scientifique. Aucun rapport ne l'aura permis non plus, y compris celui que vous corédigé et présenté à l'Opecst en juillet 2023, monsieur le rapporteur Fugit. Ce rapport n'a pas décelé la moindre faille dans le modèle français – pas plus que ceux de tous les organismes compétents en matière de sûreté nucléaire.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) nous a-t-elle demandé de réviser notre modèle de sûreté nucléaire ? Évidemment que non ! Elle met régulièrement en lumière les meilleures pratiques dans ce domaine et la France est souvent citée en exemple. D'autres organismes ou personnalités ont-ils appelé de leurs vœux une telle réorganisation ? Non ! En tout cas, ce ne fut le cas ni des anciens présidents de l'Opecst…
…ni de l'Anccli. Même la Cour des comptes, pourtant avide de processus de réorganisation et de fusion, déclarait en 2014 que « la fusion [de l'ASN et de l'IRSN] constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu'elle soulèverait », et adoptait successivement, en octobre 2018 et avril 2021, des observations définitives relatives à ces deux organismes, pointant d'ailleurs leur efficacité.
Et je ne parle pas des premiers concernés que sont les salariés ! Du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à l'IRSN, tous ont dénoncé les risques majeurs liés au projet, s'alarmant d'un possible délitement de la recherche et d'une possible désorganisation de la sûreté nucléaire en pleine relance de la filière. Et tous ont signalé les risques de perte de compétence et d'indépendance qu'une fusion occasionnerait.
Comme beaucoup, parmi ceux qui croient à la relance de la filière nucléaire, nous ne pouvons ignorer ces alertes, d'autant que le débat nous a prouvé, une fois de plus, combien le projet ne répond, au bout du compte, à aucune justification technique ou scientifique. Il est seulement le fait du prince ! Les réelles justifications d'un tel pari demeureront opaques et secrètes, murées dans le silence du conseil de politique nucléaire et d'un rapport confidentiel.
Patiemment, au rythme des alternances et des événements, la France a construit un modèle original, unique ; un modèle de sûreté qui vise le progrès continu et qui s'oppose en l'occurrence au modèle américain. Vouloir casser ce modèle, c'est ignorer que la démonstration de la sûreté ne peut se résumer à une assertion. Il faut douter pour convaincre ! J'insiste : en matière de sûreté et de sécurité, le doute doit tracer la route.
Si le modèle français a perduré, c'est qu'il a été un moteur de changement et qu'il répond aux défis du moment, qui sont, je le répète, la relance de la filière et la prolongation de la durée de vie des centrales existantes.
Pourquoi, dès lors, mettre au placard ce qui a permis à la France d'être le pays à la fois le plus en avance en matière nucléaire et le plus sûr de son parc ? Pourquoi réformer ce qui fonctionne dans un pays où tant de choses vont si mal ? Pourquoi donner des arguments supplémentaires à mes collègues qui expriment des doutes importants sur la relance de la filière ? Depuis un an et demi, il est plus que légitime de se poser ces questions.
Loin d'y répondre, la discussion de ce texte aura accumulé les invraisemblances, entre déni et ignorance du Gouvernement. Le débat aura été empêché, y compris lorsque nous avons souhaité améliorer les conditions de cette fusion pour les personnels et l'organisation – transformation de l'ASNR en autorité administrative indépendante (AAI) ou séparation des expertises, de défense et civile, jusqu'à présent conjointes.
Que l'on croie ou non à la relance nucléaire, l'absence d'étude d'opportunité sérieuse doit nous conduire à refuser de donner un blanc-seing à ce projet jupitérien de fausse simplification. Fusionner des entités comme l'ASN et l'IRSN n'améliorera pas la fluidité du système – rien ne le démontre. Au mieux, la réforme durera dix ans. Quels gains en tirerons-nous ? Nous n'en savons rien. La quête de rationalité et d'efficience des grands ministères et des administrations ne produit pas souvent de bons résultats…
Votre réforme créera une surcharge de travail inédite pour une structure en pleine réorganisation et des personnels sous tension. Avons-nous amélioré la gouvernance territoriale en fusionnant les régions ?
Avons-nous doté la France d'outils sanitaires stratégiques en créant les agences régionales de santé (ARS) ?
À ces questions, tout le monde répond « non ». Le risque, c'est une réforme à l'économie : fusionner ne servira peut-être, à la fin, qu'à faire baisser la dépense publique en matière de sûreté, alors que c'est tout le contraire qu'il faut faire ! C'est en substance ce qu'affirmait le rapport de notre collègue sénateur du groupe Les Républicains, Jean-François Rapin, en mai 2023. Nous ne voulons pas d'une réforme comptable qui ferait de nous des apprentis chimistes, à l'heure où beaucoup doit être fait pour accélérer la relance de la filière.
En tant que député de la circonscription où se situent Dieppe et Penly, qui accueillera bientôt le premier réacteur de type EPR 2, je suis conscient des impensés de la loi relative à la relance de la filière nucléaire. Pourquoi créer de nouveaux désordres avec le présent texte ? Qu'en sera-t-il de l'articulation de la législation relative au nucléaire et de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ? Qu'en sera-t-il de la conciliation de la protection des zones littorales avec les installations nécessaires au chantier ? Qu'en sera-t-il enfin de l'accompagnement des territoires qui accueillent les nouveaux EPR, en matière d'infrastructures et de formation ? Ces questions appellent des réponses urgentes et concrètes. Nous aurons demain matin, je l'espère, monsieur le ministre délégué, l'occasion d'échanger.
J'y insiste, la formation fait encore défaut : doit-on consacrer du temps, des moyens et des effectifs à orchestrer une fusion inutile – une fusion de logos – alors que nous devrions nous concentrer sur le renouvellement des savoir-faire et former 100 000 personnes ?
La réforme de la sûreté nucléaire va nous faire perdre un temps précieux alors que le dispositif actuel fonctionne. Pire, elle risque d'être un nouveau moyen de désorganiser notre outil de production nationale, alors que nous venons, tous ensemble, de rappeler le caractère incessible d'EDF.
Le débat aura permis de faire tomber les masques, dévoilant vos velléités de confier à des marchands de savonnettes – et de soleil – la création et l'exploitation des petits réacteurs modulaires (SMR). C'est une ligne rouge inacceptable !
Une majorité de nos concitoyens est prête à adhérer au projet de relance de la filière nucléaire – cette majorité se reflète d'ailleurs au Parlement –, mais pas n'importe comment, ni à n'importe quel prix, en faisant des économies sur notre sûreté nucléaire et notre sécurité. C'est pourquoi je vous invite à voter cette motion de rejet préalable sans hésiter.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Pierre Henriet.
Ce texte, issu des discussions de la commission mixte paritaire, est équilibré et répond à l'ensemble des inquiétudes. Il assure les conditions de la continuité des missions incombant aux différents acteurs et ne modifie pas le cadre de la sûreté nucléaire.
Il sépare les rôles d'expertise et de décision dans la nouvelle organisation – en CMP, nous avons tenu à conserver ces dispositions dans les articles du projet de loi.
Il renforce la transparence et la déontologie de l'ASNR, tant vis-à-vis du grand public que du Parlement, particulièrement de l'Opecst. Il organise enfin la portabilité des droits des travailleurs transférés, tout en améliorant la flexibilité nécessaire aux recrutements à venir – il s'agit de recruter les meilleurs chercheurs et ingénieurs de la filière.
Toutes les conditions sont donc réunies pour garantir que la sûreté nucléaire réponde aux exigences de la relance du nucléaire. Le groupe Horizons votera contre la motion de rejet préalable.
Mme Maud Petit applaudit.
Pendant plusieurs semaines, nous avons auditionné des acteurs de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Nous sommes de plus en plus inquiets par cette fusion-absorption de l'IRSN par l'ASN, dont nous ne connaissons toujours pas la raison objective, hormis le fait qu'il s'agit d'une décision présidentielle. Pire, depuis plusieurs semaines, notre inquiétude sur les conséquences et répercussions de cette fusion n'a fait que croître car vous n'avez pas réussi à convaincre.
Les salariés du nucléaire sont largement mobilisés contre ce projet de réforme : les personnels de l'IRSN y sont opposés, tout comme ceux de l'ASN et du CEA, ainsi que plusieurs anciens présidents de l'IRSN et de l'Opecst. De très nombreux autorités et experts vous ont alertés sur le risque de perte de compétences, et sur la désorganisation que cette réforme fait peser sur la sûreté nucléaire au moment où vous décidez d'une relance de l'industrie nucléaire, avec la construction de six nouveaux réacteurs à l'horizon 2037.
Nous nous inquiétons des conséquences de cette réforme sur l'information, la transparence et le dialogue technique avec la société. Dans votre entêtement et votre précipitation, vous avez refusé de prendre le temps d'améliorer le dispositif existant, dans le respect des attributions de chacun et de la distinction entre expertise et décision. Comment imaginer la réussite de votre projet alors que l'ensemble des acteurs s'oppose à cette fusion ? Vous prétendez rendre notre système de sûreté et de sécurité nucléaires plus efficace, mais vous allez seulement réussir à le déstabiliser et à l'affaiblir, tant en France qu'à l'étranger. En concertation avec tous les acteurs, nous étions prêts à débattre de l'amélioration du système actuel, dual, pour qu'il soit plus fluide et en phase avec les nouveaux projets – selon vos propres termes.
Si vos interrogations sont légitimes, vous apportez de mauvaises réponses. C'est pourquoi, en responsabilité, le groupe Socialistes et apparentés votera pour la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Nos débats ont confirmé le caractère trompeur de ce texte, qui tend à réorganiser les structures plutôt que d'améliorer notre sûreté nucléaire. La distinction spécifiquement française entre l'organe de contrôle – l'AAI – et l'organe de sécurité – l'établissement public industriel et commercial (Epic) – représente un modèle éprouvé et efficace en matière de sûreté nucléaire. Ce système permet de confronter les doutes et fonctionne très bien.
La fusion des deux entités signe la fuite inéluctable des compétences – cela a déjà été déploré. Rappelons l'avis des institutions qui font autorité en la matière. L'Anccli suit le HCTISN, qui « se demande […] si, au-delà de l'exposé des motifs, les dispositions du projet de loi sont à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement. Certains points risquent en effet d'être en retrait par rapport au droit en vigueur. » Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) souligne lui aussi que « certains membres s'interrogent sur l'opportunité et la temporalité de la réforme » et s'inquiète unanimement du « risque d'instabilité » qu'elle introduit. Il a également relevé, parmi les points faibles du texte – toujours présents après la CMP –, les multiples renvois au règlement intérieur de la future autorité.
Le groupe GDR – NUPES s'opposera à l'absorption de l'IRSN par l'ASN en votant la motion de rejet préalable. Il le fera pour trois principales raisons. D'abord, c'est une fusion injustifiée : l'organisation actuelle est efficace et la réforme viendrait bousculer une organisation fonctionnelle, que l'ensemble des acteurs souhaitent préserver. En outre, le risque de fissuration de notre système de sûreté nucléaire est réel avec cette charge de travail inédite. Enfin, nous ne sommes pas dupes : la réforme vise surtout à favoriser le business nucléaire et l'arrivée de nouveaux acteurs, dont ceux des SMR – le rapport du Sénat l'explique très clairement. Autant de raisons, chers collègues, de voter cette motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Depuis la première lecture, le texte a-t-il fondamentalement changé ? Non. Avons-nous obtenu des réponses nouvelles aux questions, nombreuses et anciennes ? Non. La réalité n'a pas changé non plus. Ce texte a été adopté à une voix près en première lecture et des députés se sont opposés, ou abstenus, dans tous les groupes de la majorité !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela dit quelque chose de votre difficulté à convaincre les parlementaires qui travaillent de bonne foi sur le sujet.
Chers collègues, si vous avez encore un doute légitime, mais qu'il vous semble difficile de vous opposer au Gouvernement – ce que je peux comprendre –, c'est le moment d'aller vous promener, ou de sortir passer un coup de téléphone !
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Si la motion est adoptée, cela nous évitera la catastrophe et le déshonneur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Cela permettra de conserver notre système dual, reconnu, et évitera une victoire à la Pyrrhus, à quelques voix près, qui fragiliserait d'emblée le nouveau système.
Le groupe LIOT votera pour la motion de rejet préalable.
Mêmes mouvements.
Peut-on réformer la sûreté et la sécurité nucléaires contre l'avis des meilleurs experts du sujet, des syndicats, des salariés, des anciens présidents de l'Opecst ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Non ! C'est donc pour de bonnes raisons que cette réforme, introduite par amendement il y a un an – elle porte toujours la marque du péché originel –, a été repoussée par deux fois par l'Assemblée nationale : une fois il y a un an et une seconde fois, début mars, en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
En séance publique, en première lecture, elle a été adoptée à une voix d'écart.
En conséquence, quoiqu'il arrive, la légitimité de cette réforme est plombée.
Le texte remet en cause les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire : prise en compte du facteur humain ; transparence – contrairement aux mensonges que vous assénez, cette réforme constitue une rupture historique en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, en CMP, vous avez poussé le cynisme jusqu'à prévoir qu'au 1er
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – NUPES votera la motion de rejet préalable défendue par Sébastien Jumel.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Renaissance et Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Maud Bregeon.
Pour commencer, au nom de la majorité, je remercie tous les salariés qui œuvrent chaque jour pour la sûreté du parc nucléaire, au sein de l'ASN, de l'IRSN, chez les différents exploitants et prestataires, pour leur travail au service de la sûreté et de la production d'électricité décarbonée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je remercie également les rapporteurs du texte et les parlementaires, ainsi que MM. les présidents des commissions, les sénateurs et M. le ministre délégué pour le travail réalisé.
Le nucléaire français est à la croisée des chemins. Sa transformation est nécessaire. Il ne s'agit pas d'un nivellement par le bas de la sûreté nucléaire française, mais d'une transformation, d'une simplification et d'une rationalisation. Tous les députés sincèrement attachés à la relance du nucléaire et au programme des EPR 2 ont vocation à rejeter cette motion. C'est ce que fera la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Pourquoi le Rassemblement national a-t-il voté contre ce texte le 19 mars dernier ? Il s'agissait d'un coup de semonce qui faisait suite aux propos inadmissibles qui avaient été tenus par une ministre dans l'hémicycle. Ces propos nous visaient directement et nous voulions affirmer notre ras-le-bol du mépris de l'opposition. Tous les collègues de mon groupe, et moi-même, avons été élus par le peuple français ; ne l'oubliez jamais !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Revenons-en au cœur, non pas du réacteur nucléaire, mais de ce texte. La fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire s'impose pour des raisons claires : elle garantit la sûreté de nos installations nucléaires actuelles tout en permettant la construction de nouveaux réacteurs – de ce point de vue, il y a urgence. De nombreux autres pays occidentaux disposent d'un organisme de contrôle unique.
Il faut réduire les délais, fluidifier et rendre le processus décisionnel plus intelligible. La relance du nucléaire – une énergie pilotable et décarbonée – est indissociable d'un système de contrôle indépendant et lisible. Ce texte permettra de renforcer les moyens humains dont dispose l'ASN, actuellement sous-dotée par rapport à l'IRSN.
Pour toutes ces raisons, le Rassemblement national votera contre cette motion de rejet déposée par la NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Michel Lauzzana applaudit également.
En première lecture, le texte soumis à notre examen a été adopté à une voix près. Nombre de nos collègues doutaient – y compris certains qui sont attachés à la relance du nucléaire. Ils ont été sensibles aux arguments que nous avons relayés, mais surtout à ceux des experts pour qui ce texte fragilisera la sûreté nucléaire, la transparence, la confiance du public ainsi que la relance des projets nucléaires. En fin de compte, beaucoup ici ont considéré qu'entériner ce texte présentait des avantages très incertains et des inconvénients bien prévisibles.
Que s'est-il passé depuis que nous avons voté, il y a trois semaines, et qui aurait pu lever ces doutes ? Une commission mixte paritaire a été créée et, n'en déplaise aux corapporteurs, son bilan est fort décevant.
Premièrement, l'IRSN reste démantelé et ses fonctions fondamentales sont éclatées, ce qui est contraire aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Deuxièmement, la publication en amont des expertises n'est pas garantie ; vous vous apprêtez donc à renforcer l'opacité et la méfiance du public à l'encontre du nucléaire.
Troisièmement, nous n'avons obtenu aucune garantie qu'expertise et décision seront séparées : vous allez faire fuir les experts, notamment ceux qui se sont encore rassemblés aujourd'hui aux Invalides – 300 employés de l'IRSN sont mobilisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Si j'étais cynique, je vous inviterais à voter ce projet de loi pour, précisément, affaiblir la relance de la filière, mais je ne le suis pas : il m'est facile de voter pour cette motion de rejet et contre ce texte. Ce devrait être facile pour Les Républicains, qui ne devraient pas s'associer à cette fragilisation.
Ce devrait aussi être facile pour le Rassemblement national, mais ce sont malheureusement les docteurs Folamour du nucléaire. C'est plus difficile pour la majorité : je note tout de même qu'il y a eu en son sein dix-huit abstentions et cinq votes contre en première lecture. Nos collègues ont eu le courage de voter pour leurs convictions, en s'opposant à la pression du patron : je souhaite qu'ils soient encore plus nombreux cette fois-ci. Votez cette motion de rejet !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Lisa Belluco applaudit également.
Le groupe Les Républicains ne peut que s'opposer à cette motion de rejet ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
pour les mêmes raisons qu'au moment où nous avons entamé l'examen de ce texte.
Nous sommes d'accord avec son principe : nous comprenons la nécessité de fusionner l'ASN et l'IRSN afin d'optimiser notre système de sécurité et de contrôle du nucléaire en vue de la relance que nous appelons de nos vœux depuis longtemps.
Nous comprenions que cette fusion était nécessaire il y a un an, nous le comprenions aussi il y a un mois, et nous le comprenons toujours aujourd'hui.
Par ailleurs, l'ensemble des réserves que nous avions exprimées en amont ont disparu car l'examen du texte a pris la forme d'une discussion très ouverte. En lien avec nos collègues sénateurs, nous avons pu compter sur l'écoute et l'ouverture qui ont prévalu sur plusieurs bancs, et obtenir toutes les garanties que nous souhaitions s'agissant de la transparence, de la distinction entre expertise et décision, et des ressources humaines.
Enfin, à ce stade du parcours législatif – après une adoption par le Sénat, par l'Assemblée nationale et par la commission mixte paritaire, dans un climat apaisé que seule une minorité a tenté de troubler –, un rejet préalable ne refléterait pas l'état d'esprit de notre parlement. Au contraire, nous sommes satisfaits d'avoir tous contribué à améliorer un texte que les défis des années à venir ont rendu nécessaire.
Pour toutes ces raisons, nous appelons à voter contre cette motion de rejet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Marre qu'une motion de rejet préalable soit systématiquement déposée avant chaque texte ;…
…marre que vous nous fassiez perdre du temps ; marre que vous fassiez prévaloir vos opérations de communication sur l'intérêt des Français et la bonne tenue des débats. Un jour, c'est la gauche ; le suivant, l'extrême gauche. Et ça tourne, ça alterne – je soupçonne même que vous avez créé un tableau Excel pour vous répartir plus facilement les motions de rejet.
Aujourd'hui, c'est le pompon : nous sommes censés voter le texte issu de la CMP dans une heure ; pourquoi diable perdre une heure supplémentaire ?
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
N'avez-vous pas des rendez-vous à honorer ? Des textes à préparer sérieusement ?
Rappelons quand même la genèse des motions de rejet : elles ont été instaurées par le parlement britannique pour mettre fin à un débat lorsqu'il était évident qu'une proposition ne faisait pas consensus ou ne bénéficiait pas d'un soutien suffisant. Est-ce le cas du présent projet ? Loin de là ! Vous dévoyez donc totalement la motion de rejet. Cette méthode conduit à banaliser ce type d'expression parlementaire. C'est votre droit, mais nous trouvons cet usage abusif.
La motion de rejet est devenue une course au temps de parole et un moyen d'obstruction systématique. Vous comptez sur ces motions pour que l'opposition bénéficie temporairement d'un rapport numérique favorable, alors même que l'expression démocratique sur ce texte doit avoir lieu dans l'heure.
Ces motions permettent certes à deux députés par groupe d'avoir leur moment de gloire, leur capsule vidéo à poster sur les réseaux sociaux.
Nous sommes entrés dans l'ère des députés youtubeurs : quelle preuve de vitalité démocratique !
J'appelle ceux qui sont attachés à la bonne tenue des débats, ceux qui sont ici pour argumenter, à arrêter de donner du crédit à ce genre de techniques parlementaires. Nous aurons tous, je l'espère, l'occasion d'expliquer pourquoi nous voterons ou non ce texte ; alors faisons vite, rejetons cette motion et passons à l'examen du texte !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 418
Nombre de suffrages exprimés 407
Majorité absolue 204
Pour l'adoption 115
Contre 292
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Pierre Henriet.
Le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire honore plusieurs engagements.
Tout d'abord, il crée les conditions nécessaires pour que la relance de la filière nucléaire soit effective. Dès l'an dernier, lorsque le rapport de l'Opecst a été rendu public, nous avons souligné que la réorganisation des autorités de sûreté nucléaire, l'ASN et l'IRSN, devait faire l'objet d'un projet de loi spécifique, assorti d'une étude d'impact complète. C'est chose faite : jeudi 4 avril, en CMP, nos deux chambres ont trouvé un accord qui fixe les modalités de la fusion des organismes de contrôle.
En l'état, les conditions ne sont pas réunies pour que l'ASN assure l'ensemble de ses missions tout en accompagnant le déploiement du programme inscrit dans la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires que nous avons votée en mai 2023.
Notre rôle est de garantir au seul organisme indépendant et décisionnaire – aujourd'hui l'ASN, demain l'ASNR – les meilleures conditions d'expertise possible. Au fil des politiques qui ont délaissé le nucléaire et nous ont fait perdre en souveraineté énergétique, nous n'avons pas été suffisamment attentifs aux conditions de travail de cette autorité indépendante. Nous nous retrouvons avec un écart énorme de moyens humains entre l'IRSN, qui dispose de près de 1 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et l'ASN, qui n'en compte que 500 environ.
Il ne s'agit plus de regarder ses pieds en se disant que tout va bien, dans un contexte de stagnation ; il convient d'anticiper le déploiement du nouveau programme nucléaire. Bien que certains aient du mal avec l'anticipation, essayons de nous projeter ensemble dans dix ans, une fois que le programme aura été déployé. Actuellement, l'ASN procède à 2 000 inspections et délivre environ 2 000 décisions individuelles d'autorisation et d'enregistrement chaque année ; en 2035, ces chiffres seront quatre à cinq fois plus élevés. Sans ce projet de loi, le contrôle assuré par l'ASN ne pourra être à la hauteur des exigences que nous nous fixons en matière de sûreté.
La relance du nucléaire fera peser sur l'ASN une charge de travail considérable : il s'agira à la fois de garantir la prolongation du parc actuel dans de bonnes conditions, de superviser la construction des réacteurs EPR, d'examiner les options pour les réacteurs de nouvelle génération tels que les SMR et de relancer la fermeture du cycle du combustible grâce aux réacteurs à neutrons rapides.
Le texte issu de la CMP assure la continuité des missions incombant aux acteurs mobilisés, et ne modifie nullement le cadre de sûreté nucléaire existant. Il sépare les rôles d'expertise et de décision dans la nouvelle organisation – la CMP a tenu à conforter cette séparation.
Il renforce également la transparence et la déontologie dont l'ASNR doit faire preuve, tant à l'égard du grand public qu'à l'égard du Parlement et de l'Opecst.
Il autorise la portabilité des droits des travailleurs transférés et donne une marge de manœuvre à l'ASNR pour qu'elle recrute les meilleurs chercheurs et ingénieurs de la filière – ce sera évidemment un gage d'excellence pour la sûreté nucléaire française. Il augmente le niveau des rémunérations des travailleurs et leur donne des perspectives d'évolution, comme le statut de fonctionnaire, ce qui rendra les métiers du nucléaire plus attractifs.
Enfin, il coordonne le rôle et le positionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique, à l'heure où les décideurs politiques doivent davantage prendre en compte la parole scientifique.
Toutes les conditions sont donc réunies pour que notre sûreté nucléaire se conforme aux meilleurs standards internationaux, tout en prenant en compte les spécificités du nucléaire français.
Lors de l'examen de ce projet de loi, il y a eu beaucoup de bavardage : certains utilisent ce texte pour ralentir le déploiement du programme nucléaire – nous ne sommes pas dupes.
Face aux défis énergétiques, climatiques et industriels que nous devons relever, le groupe Horizons se prononcera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.
La réforme de la gouvernance de la sécurité nucléaire prévoit la création d'une autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection issue de l'absorption de l'IRSN par l'ASN, qui emploient respectivement environ 1 740 agents et 530 salariés. Selon votre gouvernement, cette fusion doit fluidifier un secteur nucléaire en pleine relance.
Il y a plus d'un an, lorsque vous avez tenté de nous faire avaler ce projet au détour d'un malicieux amendement, nous avons voté majoritairement contre ; en mars dernier, vous n'avez réussi à faire adopter ce texte en première lecture qu'à une voix près.
Rappelons que toutes les lois précédentes portant sur ce sujet ont été adoptées à la quasi-unanimité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Si le projet de loi de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire est loin de faire consensus sur le plan politique, ce n'est pas pour des raisons idéologiques mais bien parce qu'il est contre-productif. Nous sommes loin du clivage entre les pro et les antinucléaires dans lequel vous avez voulu enfermer le débat. Nous le disons depuis plus d'un an.
À de nombreuses reprises, vous avez vous-même rappelé que l'organisation actuelle fonctionnait. Aucun diagnostic négatif n'a d'ailleurs motivé ce projet de réforme, présenté le 20 décembre devant le Conseil des ministres.
Ce texte remet en cause un système de gouvernance dual qui a pourtant fait ses preuves depuis des années. Distinguant clairement l'expert qu'est l'IRSN de l'autorité qu'est l'ASN pour les installations civiles, il est reconnu et plébiscité dans le monde entier. Adopté par de nombreux pays européens, il a prouvé son efficacité, qu'il s'agisse d'évaluer la prolongation à cinquante ans de la durée d'exploitation des centrales existantes et la conception de l'EPR, de tirer les enseignements de la catastrophe de Fukushima et de l'accident de radiothérapie d'Épinal ou encore de mesurer les risques associés à la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Les experts de l'IRSN sont sollicités par de nombreux pays et ses chercheurs assurent la direction de grands projets internationaux.
Votre projet de fusion-absorption a été conçu dans le but affiché de raccourcir les délais des procédures réglementaires, qui pénaliseraient les projets nucléaires, sans réduire la performance de sûreté. Si ce texte était finalement adopté, il est presque certain qu'il ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé et qu'il affecterait à terme la confiance dans la filière nucléaire.
Il y a trois raisons à cela. Premièrement, l'allongement des délais est dû non pas aux dérives de l'expertise scientifique de l'IRSN mais à la bureaucratisation croissante du contrôle de la sûreté, que vous avez soulignée vous aussi. Comme cette évolution est imputable aux pratiques de l'Autorité de sûreté nucléaire, la fusion IRSN-ASN n'aura pas d'effets positifs, elle pourrait même aggraver la situation.
Deuxièmement, le regroupement des ressources nationales liées à la sûreté nucléaire au sein d'une entité unique dédiée au contrôle conduira inéluctablement à l'attrition de l'effort de recherche. Nous vous avons mis en garde à de nombreuses reprises et tous les experts vous ont alertés sur ce point.
Troisièmement, pour être crédible, le partage des connaissances avec la société civile en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection exige une prise de distance avec les actions du contrôle régalien. Or, il y a fort à craindre que la nouvelle autorité ne souhaite pas prendre le risque de communiquer sur des situations évolutives susceptibles de concerner l'action des pouvoirs publics français ou des gouvernements étrangers. Des menaces pèsent donc sur la bonne information du public.
Ce ne sont pas les deux ou trois aménagements arrachés durant la commission mixte paritaire qui nous convaincront de ne pas nous opposer au texte. Il n'est toutefois pas trop tard pour abandonner ce projet de loi. Recherchons de meilleures solutions pour accompagner plus efficacement et en toute sûreté les projets majeurs de l'industrie nucléaire. L'IRSN et l'ASN mènent des travaux pour améliorer la fluidité des opérations. Pourquoi n'avoir pas commencé par ce chantier ?
Nous pouvons et nous devons refuser ce mauvais texte qui conduit à des régressions majeures dont certaines vont même à l'encontre des recommandations techniques de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
C'est faux !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Fruit d'un compromis patiemment construit depuis le lancement du plan Messmer, notre modèle de sûreté nucléaire a largement fait ses preuves. Il repose, je le rappelle, sur la séparation des activités de contrôle de la sûreté nucléaire et des missions d'expertise et de recherche. Cette distinction a permis et permet encore de conjuguer les compétences et de développer une capacité de diagnostic particulièrement efficace pour assurer la sûreté des sites existants ainsi que la protection des populations.
Cette organisation duale, qui a contribué à éviter un accident nucléaire majeur, participe de manière évidente à la confiance que nos concitoyens placent dans la filière électronucléaire. Plus d'un Français sur deux juge efficace le contrôle de la sûreté des centrales nucléaires, niveau de confiance jamais atteint depuis 2014.
Alors, pourquoi bousculer une organisation qui fonctionne et que ses acteurs souhaitent préserver ? Pourquoi prendre le risque d'entamer la confiance de nos concitoyens dans la sûreté nucléaire, précisément au moment où l'on décide enfin de relancer la filière ? Pourquoi vouloir conduire à marche forcée une réforme de la sûreté nucléaire aux conséquences incertaines alors que la période et les défis à venir invitent plutôt à miser sur la stabilité ?
Contrairement à ce que vous affirmez, votre projet n'est pas, avec ce texte, de renforcer la transparence et l'efficacité de notre système de sûreté nucléaire. Si vous vouliez conforter l'expertise et la recherche et bâtir une sécurité nucléaire plus efficace, il suffisait en vérité de renforcer les moyens financiers et humains. L'une des priorités aurait été de mettre fin, pour ne citer qu'un exemple, à la réduction continue des moyens que subit l'IRSN depuis dix ans.
Votre objectif avec cette réforme n'est donc pas de consolider l'organisation de notre sûreté nucléaire, il est d'abord de fluidifier le système, de favoriser l'émergence d'un interlocuteur unique qui facilitera dangereusement l'entrée sur le marché d'opérateurs privés, notamment ceux qui promeuvent des projets de nucléaire modulaire. Il s'agit en somme, comme le souligne le rapport du Sénat, de contribuer à la rationalisation des compétences critiques et de simplifier la relation avec les start-up – notez bien : « la relation avec les start-up ».
La réforme que vous appelez de vos vœux n'est qu'une occasion d'aller plus loin dans la libéralisation du secteur. Ce que vous souhaitez, c'est offrir aux acteurs économiques des garanties en termes de simplification des procédures. En somme, il s'agit pour vous de faire sauter les garde-fous.
Avec ce projet, vous cherchez encore à contourner l'obstacle du renouvellement des moyens financiers et humains. Vous misez sur la mutualisation pour réduire l'effort budgétaire qu'il vous faudra pourtant consentir un jour, compte tenu de l'importance des enjeux. Vous savez, comme nous, que les moyens actuels ne sont pas adaptés et, compte tenu des orientations budgétaires à venir, de lourdes incertitudes pèsent sur le devenir de la probable future entité que vous défendez mordicus. De toute évidence, elle n'a pas vocation à répondre aux attentes légitimes des salariés et, surtout, de nos concitoyens.
Au-delà des inquiétudes et des réserves exprimées par nombre des institutions et des experts consultés dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, nous voyons se dessiner avec votre texte un horizon dangereux, celui du moins-disant qualitatif, du moins-disant scientifique, du moins-disant démocratique.
La relance du nucléaire ne suppose pourtant pas seulement de rebâtir un écosystème durement mis à mal ces dernières décennies, elle appelle la mise en œuvre d'une stratégie financière et industrielle cohérente en vue de financer la recherche et l'innovation, de conduire des politiques de formation et de recrutement ambitieuses, de consolider un ensemble complexe d'industries, sans jamais en rabattre sur le haut degré d'exigence en matière de sûreté qui est aujourd'hui le nôtre.
Notre sûreté nucléaire ne doit pas seulement disposer de moyens humains et financiers à la hauteur de ses ambitions. Il importe aussi que son organisation ne soit pas remise en cause pour servir les intérêts de ceux qui voient dans l'énergie non pas un bien commun mais un business comme un autre.
En conséquence, nous voterons contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je n'avais pas prévu de citer Edgar Faure à cette tribune, néanmoins les circonstances dans lesquelles nous examinons ce texte me conduisent à m'y référer : « Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent ».
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je m'adresse ici à nos collègues du Rassemblement national qui ont justifié leur huitième revirement…
…par le fait que s'ils avaient précédemment voté contre, c'était parce qu'un ministre avait été méchant avec eux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
C'est soit catastrophique pour la qualité de nos débats, soit très éclairant sur votre incompétence et votre incapacité à vous saisir de sujets aussi sérieux que celui de la sûreté nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LIOT. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il ne peut qu'être gênant pour vous de recenser vos positions successives, en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, en commission des affaires économiques, en séance lors de la première lecture, puis en séance pour cette CMP. Vous voici revenus au point de départ, vous qui changez d'avis comme des feuilles mortes poussées par le vent.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est votre responsabilité qui est en cause mais j'ai bien compris que votre seul objectif était de démontrer que vous étiez pour le nucléaire et que vous y avez toujours cru.
Vous oubliez au passage les déclarations un peu décalées de Mme Le Pen, il y a quelques années.
Vous êtes démasqués, vous et vos faux nez, vous qui n'avez pas de colonne vertébrale. Je le regrette pour la sûreté du pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.
Mais vous êtes là ; que voulez-vous, cette réalité s'impose à tous.
Revenons au fond du texte,…
…autrement dit, à ce que vous n'avez pas pris en considération puisque vous déterminez votre vote selon la manière dont les ministres vous parlent et vous traitent. Dont acte.
Après le vote de la loi d'accélération du nucléaire, le Gouvernement a fabriqué un argumentaire poussif destiné à nous démontrer que pour soutenir la relance du nucléaire, il fallait inévitablement modifier le système sur lequel repose la sûreté nucléaire, système dual pourtant reconnu partout dans le monde. Cela a été tellement laborieux que cela a provoqué, outre des revirements, des doutes sur sa grande idée de fusion.
J'ai fait partie de ceux, avec d'autres dans mon groupe, qui ont assumé une position clairement pronucléaire. Nous avons défendu la relance du nucléaire en soulignant qu'il fallait être à la hauteur des ambitions pour notre parc. C'est parce que nous sommes conscients de ces réalités que nous avons combattu ce projet de loi : il n'apporte pas les réponses nécessaires. Celles-ci passent d'abord par des moyens financiers et humains destinés à assurer le fonctionnement du système.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dans tous les systèmes, il y a matière à amélioration. Prenons l'exemple de la gestion de crise à laquelle les rapporteurs ont consacré du temps, soulignant qu'une seule cellule était préférable à deux. Je suis d'accord avec eux mais j'estime qu'on aurait pu procéder aux modifications qui s'imposaient en dehors du cadre de la fusion entre IRSN et ASN. Cela nous aurait évité des discussions stériles au cours desquelles nous avons pu constater qu'aucun argument solide ne venait justifier cette réforme.
Nous voyons bien que certains tentent de faire croire que ceux qui sont pour le nucléaire doivent inévitablement être pour ce texte et que ceux qui sont contre sont forcément d'affreux antinucléaires. Ce débat aurait mérité d'être plus structuré et d'offrir davantage de perspectives.
En outre, vous avez prévu, de manière insidieuse, de publier les avis des experts en concomitance avec les décisions auxquelles ils se rapportent. Or, nous le savons, certains opposants au nucléaire construisent leur discours autour du fait qu'on nous cacherait certaines choses. Avec ce principe, vous n'allez faire que renforcer cette tendance, ce que je regrette amèrement. Vous tirez ainsi à balles réelles contre le camp de ceux qui défendent le nucléaire.
Pour toutes ces raisons, en cohérence avec la logique intellectuelle que nous avons suivie depuis le début, nous voterons très majoritairement contre ce texte car nous estimons qu'il va à l'encontre de l'objectif visé, autrement dit la relance nucléaire en France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Charles de Courson applaudit également.
Nous appelons la représentation nationale à s'emparer de sa souveraineté. Ce vote n'est pas ordinaire, il n'est pas partisan. Si ce projet de loi doit être rejeté, ce n'est pas parce qu'il est présenté par ce gouvernement mais parce qu'il est dangereux. Sa portée dépasse de loin les circonstances actuelles. Elle engage la sûreté nucléaire de la France, c'est-à-dire la prévention et la gestion d'un risque majeur. Si un accident se produisait, il aurait selon son degré de gravité des conséquences sur la vie et la santé humaines et sur l'environnement pendant plusieurs générations. Chacune et chacun de nous a donc une responsabilité personnelle éminente.
La sûreté nucléaire repose d'abord sur le facteur humain, et l'ensemble des femmes et des hommes qui assurent la sûreté nucléaire à l'IRSN, à l'ASN et au CEA sont vent debout contre ce projet. La perturbation majeure qu'entraînerait cette réforme pour les ressources humaines de la sûreté nucléaire est à elle seule un argument suffisant pour rejeter le texte. C'est la chronique d'un chaos annoncé. Adopter le projet de loi revient à se tirer une balle dans le pied, mais aussi dans les jambes, dans les bras et dans le cerveau.
Les risques sont nombreux, à commencer par le risque de départs et de perte de compétences rares. Faut-il rappeler que, dans les domaines de l'expertise scientifique et technique de pointe, de la recherche et de l'ingénierie de sûreté nucléaire, le fameux principe selon lequel personne n'est irremplaçable ne s'applique pas ? Il faut ajouter à cela les risques sociaux, les risques psychosociaux et le risque que le système de sûreté nucléaire perde de son efficacité lorsque les personnels seront absorbés par des questions de statut, de service, d'organisation interne et par de nombreux problèmes matériels.
Ces risques sont notoires et vous nous demandez de voter pour, en connaissance de cause. Le tout, sur fond d'impréparation confondante, de données manquantes et, bien sûr, de coupes budgétaires à venir – car vous nous faites craindre le pire lorsque vous affirmez qu'il n'est pas possible d'augmenter les moyens de l'ASN sans prendre ceux de l'IRSN.
Si le facteur humain est ignoré en dépit de toute rationalité, c'est parce que l'objectif réel du projet de loi consiste à en finir avec la séparation stricte entre l'expertise et la décision de sûreté nucléaire. Vous espérez ainsi en finir avec la transparence, considérée comme gênante et enquiquinante. Les raisons inavouables de cette fusion figurent d'ailleurs dans un rapport classé secret-défense.
Si nous mettons fin à la publication de l'expertise en amont de la décision, le secret deviendra la règle et la transparence l'exception. C'est un cadeau empoisonné qui fera porter le soupçon sur les décisions de la future autorité de sûreté nucléaire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Or – chacune et chacun ici doit le mesurer – en cas de crise ou de situation exceptionnelle, si la confiance est rompue entre les citoyens et l'autorité, les conséquences peuvent être incontrôlables. Le passé récent a vu progresser peu à peu le droit à l'information des citoyennes et des citoyens ; la fin de la transparence est une rupture historique.
La réforme entraînera non seulement un recul démocratique, mais aussi une perte de souveraineté.
Après la fin du monopole d'EDF sur les réacteurs nucléaires de production d'électricité, voici la fin de l'IRSN, cet outil de l'État qui a fait ses preuves et dont tous regretteront la liquidation, car grâce à lui, la France était une référence internationale en la matière, notamment sur le plan scientifique. Voici surtout – c'est un point d'une importance capitale pour notre souveraineté – la fin de l'approche intégrée des enjeux de sûreté et de sécurité, une décision qu'André-Claude Lacoste, ancien président de l'ASN, qualifie de faute majeure.
Malgré le contexte géopolitique actuel et malgré la menace terroriste pesant sur la sécurité intérieure, vous choisissez, par le démantèlement de l'IRSN, de mettre fin à la conception commune de la sûreté et de la sécurité ainsi qu'à l'expertise commune en matière de nucléaire civil et militaire et de non-prolifération. On se demande comment il est possible de traiter avec une telle légèreté des intérêts si fondamentaux de la nation, alors même que plusieurs gouvernements ont autrefois écarté cette réforme pour des raisons de sécurité nationale.
Ce projet de loi fait de la sécurité une variable d'ajustement : après tout, on n'a qu'à mettre la sécurité des installations nucléaires civiles sous la houlette du ministère des armées, dont elle ne relève pas ! Et on n'a qu'à mettre là, dans une filiale du CEA, la dosimétrie essentielle en cas de crise nucléaire !
La France ne peut engager sa sécurité et sa sûreté nucléaire sur une pente aussi périlleuse. Cette mauvaise réforme est typique d'un pouvoir faible, qui manque d'une qualité essentielle qu'on appelle le sens de l'État.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Nous nous retrouvons une nouvelle fois pour parler de sûreté nucléaire. Le texte ne concerne pas les principes de la sûreté nucléaire, les savoir-faire qui y sont associés, ni les procédures qu'exécutent les femmes et les hommes participant chaque jour à la sécurité des installations nucléaires qui nous fournissent une énergie décarbonée ; il porte sur les modalités de la gouvernance de la sûreté nucléaire.
Le projet de loi n'a pas pour objectif de détricoter notre appareil de vigilance, comme j'ai pu l'entendre, ni de faire des économies en réduisant les effectifs.
Au contraire, nous investissons financièrement dans la sûreté et dans l'attractivité de ces métiers, afin d'attirer de nouveaux profils face à la concurrence du secteur industriel.
Le texte vise à accélérer le déploiement de nouvelles centrales nucléaires. C'est un enjeu majeur, car, j'en suis convaincu, cette impulsion est nécessaire pour relever les défis auxquels la France doit faire face. Je pense à la montée en charge ou encore au regroupement des compétences, nécessaire pour la construction des EPR et des SMR, mais aussi pour le démantèlement des centrales nucléaires qui arriveront prochainement en fin de vie.
Le travail fourni par les députés et sénateurs membres de la CMP a abouti à un compromis qui renforce encore la sûreté nucléaire. Je pense notamment à la disposition selon laquelle la nomination du président du conseil d'administration de la société Orano sera décidée par le Président de la République et soumise à l'approbation souveraine du Parlement, afin de garantir, entre autres, la sûreté de l'approvisionnement en uranium.
De même, la CMP a renforcé le rôle du Parlement en donnant à l'Opecst un droit de regard sur le projet de règlement intérieur de l'ASNR. Certains d'entre vous ont regretté que tous les points de ce règlement ne soient pas fixés par la loi ; c'est que leur inscription dans la loi, nécessairement rigide, aurait pu compromettre certains aspects de la fusion, qui exige de la souplesse et de la réflexion.
Sur le plan scientifique, cher au rapporteur Jean-Luc Fugit, la CMP a conforté la création du conseil scientifique qu'avait décidée notre assemblée. Il convient de saluer cette disposition, qui constitue une avancée concrète pour les experts de l'ASNR.
Le travail collégial effectué avec le Sénat a également permis de fluidifier certains processus tels que les relations entre expertise et décision, tout en veillant à maintenir la distinction et la séparation entre les agents chargés de chacune des missions. Une confrontation entre les services – similaire à celle qui existe entre l'ASN et l'IRSN – sera donc possible en cas de doute. Ce point a suscité une inquiétude, souvent exprimée lors de l'examen du texte, et a constitué une source de crispation. Les rapporteurs des deux chambres, ayant entendu ces remarques, ont tenu à procéder aux modifications adéquates, dans un esprit de coconstruction des modalités de fonctionnement de la future entité.
Par ailleurs, la fusion de l'ASN et de l'IRSN au sein de la nouvelle ASNR sera accompagnée par un préfigurateur, qui pourra s'appuyer sur les travaux déjà conduits par une douzaine de groupes de travail à l'œuvre pour assurer au mieux la transition vers cette nouvelle structure.
Le texte issu de la CMP permet également de conserver l'indépendance et la transparence de l'ASNR ; c'est évident, mais je tiens à le préciser à l'intention des groupes qui prétendent que nous cherchons à confisquer certaines informations ou à les dissimuler au public. Les résultats des expertises seront systématiquement publiés pour que les décisions ne puissent souffrir d'aucune contestation.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
De plus, le Parlement et la société civile seront parties prenantes ; ainsi, les infrastructures nucléaires civiles feront l'objet de la plus grande vigilance. Enfin, les missions du haut-commissaire à l'énergie atomique ont été consolidées : elles incluent désormais la remise d'un avis sur la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie et l'évaluation annuelle de l'état du parc nucléaire existant. Ce renforcement de la transparence est évidemment le bienvenu, et le groupe Renaissance salue ces différentes mesures.
Vous l'aurez compris, les discussions en CMP ont ainsi permis de garantir mieux encore la transparence des décisions et la séparation entre experts et décideurs,…
…de mieux sécuriser notre filière nucléaire, mais aussi de mieux intégrer le Parlement et la société civile à cette évolution de la gouvernance. Un travail exigeant reste à fournir dans les mois à venir ; le groupe Renaissance, monsieur le ministre, vous appelle de nouveau à la vigilance quant à la rémunération des personnels de l'ASNR, indispensable pour garantir l'attractivité des métiers qui la composent.
Une nouvelle fois, l'immense majorité des députés du groupe Renaissance se prononceront en faveur du texte, pour permettre la restructuration de la gouvernance de la sûreté nucléaire française, à l'aube de la relance de la filière.
Mme Sandra Marsaud applaudit.
Nous voilà enfin au terme du travail parlementaire relatif à la fusion de l'ASN et de l'IRSN. Il aura été bien laborieux, donnant lieu à des polémiques incessantes et à une confusion totale liée à la technicité d'un sujet qui aurait pourtant dû faire consensus, puisque la relance de notre filière nucléaire est désormais soutenue par une large majorité de nos compatriotes.
Hélas, vous avez abordé ce sujet de la pire des façons possible, donnant prise aux partis obscurantistes de la NUPES pour diffuser leurs mensonges qui ont fait tant de mal à la France et pour saboter la transition écologique qu'ils font semblant de défendre. Vous avez d'abord voulu imposer cette réforme par surprise, sous la forme d'un amendement au projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, ce qui a créé la cacophonie au sein de votre propre majorité et a nourri la paranoïa de la NUPES, focalisée sur un rapport dont avait eu connaissance M. Macron et qui avait été classé secret-défense. Si ce rapport avait été public, comme il aurait dû l'être dans une démocratie transparente, que de temps aurions-nous gagné !
Un rapport parlementaire de l'Opecst a permis de clarifier la situation. Je salue la qualité et le sérieux de ce rapport rédigé par Jean-Luc Fugit et par Stéphane Piednoir, ainsi que ceux du travail qu'a accompli Antoine Armand, prenant la suite de Maud Bregeon. Malheureusement, le travail sérieux des parlementaires attachés à la technique, à la science et à l'intérêt national est systématiquement fragilisé par l'hypocrisie de la Macronie, toujours prompte à vouloir satisfaire les fantasmes de la NUPES – rejointe par M. Saint-Huile, qui s'est enfin découvert une vocation – quant aux dangers du nucléaire.
Vous n'assumez jamais de dire que cette fusion n'est pas faite pour renforcer la sûreté nucléaire, qui est déjà à son maximum, mais pour que la sûreté ne serve plus d'excuse à la paralysie du système. Vous négociez sans cesse avec ceux qui ont saboté le nucléaire par idéologie ou par lâcheté des dispositions qui affaiblissent la relance du nucléaire, au lieu d'accepter de travailler sur ce sujet d'intérêt national avec le Rassemblement national. Dans ce domaine comme dans d'autres, nous défendons l'intérêt général ; vous choisissez le sectarisme, et ce sont malheureusement les Français qui en subiront les conséquences.
Vous scandez tous, comme un moulin à prières, que notre système de sûreté est optimal, alors que c'est faux. C'est précisément pour cela que vous le réformez ; sinon, tout ce tintamarre n'aurait aucun sens ! En réalité, depuis que le système a été mis en place entre 2001 et 2006, la filière nucléaire est entravée, non pas au profit de la sûreté, mais au profit de la peur et de la bureaucratie. Alors qu'il faut relancer de toute urgence notre filière nucléaire, prolonger la durée de vie de nos réacteurs, investir dans la quatrième génération et dans les petits réacteurs modulaires, vous êtes confrontés au monstre que la lâcheté de l'UMPS a créé : un mur administratif, irresponsable dans tous les sens du terme, une sûreté de papier illusoire et hypocrite.
Tout cela, vous le savez, mais vous n'assumez rien, tant et si bien que personne ne comprend rien à votre réforme.
Les Français de bonne foi se demandent à quoi sert tout ce tapage, puisque vous n'en donnez pas les vraies raisons. Encore une fois, seul le Rassemblement national dit la vérité à nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous changez d'avis toutes les cinq minutes ! Qu'est-ce qu'ils peuvent y comprendre, les Français ?
Je prends d'ailleurs comme un hommage le fait que les collègues de la NUPES m'aient ciblé à de nombreuses reprises, puisqu'ils savent, eux aussi, que c'est le Rassemblement national qui donne le dessous des cartes de cette réforme et qui relancera vraiment le nucléaire, à leur désespoir.
Cela étant dit, le rattachement de l'IRSN à l'ASN est bienvenu. Il évitera peut-être quelques chamailleries de bureaucrates.
Ce rapprochement devra être complété par l'octroi de moyens importants à la nouvelle instance, de sorte qu'elle puisse assurer toutes ses missions dans les meilleurs délais. De même, il conviendra de mobiliser les moyens financiers nécessaires pour respecter les statuts des personnels et éviter de perdre du temps dans les chamailleries incessantes qui ont déjà tant affaibli notre fleuron national. Il est hors de question que la relance du nucléaire, clé de toute notre économie et de la baisse des factures d'électricité pour les Français, soit ralentie pour des économies de bouts de chandelle.
Bref, la fin du système dual pourrait mettre fin à la confusion et à d'innombrables pertes de temps, pour peu que le Gouvernement ait l'autorité de mener correctement cette fusion. La balle est dans votre camp, monsieur le ministre, mais le retard déjà pris dans le développement de l'EPR 2, des SMR et des réacteurs de quatrième génération – retard contre lequel le Rassemblement national vous avait mis en garde – ne peut que m'inquiéter.
Au-delà du retour d'un ordre administratif au service de la démocratie, il reste encore à conduire la bataille culturelle visant à renouer avec la science, avec le progrès et avec l'économie de production. Ces deux combats doivent être menés de front, et je constate qu'en dehors de quelques individus courageux, seul le Rassemblement national sait où il veut mener la France et le dit sans hypocrisie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme d'habitude, le Gouvernement négocie et s'allie avec n'importe qui…
Une voix d'écart a permis à ce projet de loi qui déstabilise profondément notre système de sûreté nucléaire de passer en première lecture, après le rejet de l'article 1er lors de l'examen du texte par la commission du développement durable. Une voix seulement, après le rejet de la même proposition l'an dernier dans le cadre de la loi de relance nucléaire. Comment ne comprenez-vous pas, monsieur le ministre ?
La majorité des salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de l'Autorité de sûreté nucléaire et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives sont opposés à cette réforme.
Trois anciens présidents de l'Opecst soutiennent que « le projet de démantèlement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, décidé brutalement, sans la moindre étude et en contradiction avec toutes les évaluations sérieuses de ces vingt-cinq dernières années, constitue une dérive technocratique dangereuse. » Mais vous n'écoutez rien, vous foncez !
Le titre du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire pourrait remporter la Palme de l'humour noir. En effet, vous faites exactement l'inverse !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Vous désorganisez la gouvernance et vous tirez une balle dans le pied de la relance que vous voulez tant.
Par ce projet de loi, vous vous apprêtez à démanteler une structure qui fonctionne. L'IRSN rassemble plus de 1 700 scientifiques, des ingénieurs, des chercheurs. Pour leur intersyndicale, ce projet de loi pose la première pierre du délitement de la recherche en sûreté nucléaire et radioprotection au profit d'un entêtement extrême. Résultat, 57 % des experts ont envisagé de quitter l'IRSN depuis un an. Vous organisez la fuite des cerveaux, le départ de personnes aux compétences rares acquises après de longues années de travail, et ce au pire moment possible.
Le parc nucléaire français a 38 ans d'âge moyen. La question de la prolongation des réacteurs augmente déjà la charge de travail qui pèse sur les experts. Pourtant, dans votre désir de relancer le nucléaire, vous prévoyez la construction de huit nouveaux EPR, puis de quatorze au total, alors qu'on ne maîtrise pas encore totalement leur ingénierie et alors que l'EPR de Flamanville essuie un énième camouflet. En effet, il devait démarrer le mois dernier, mais finalement ce sera pour cet été, peut-être. Honnêtement, après douze ou treize ans de retard pour un gouffre financier de près de 20 milliards d'euros, on n'est plus aux pièces. Par ailleurs, on nous annonce que les coûts des EPR 2 augmenteront au moins de 30 %, alors que rien n'a commencé. Cela non plus ne vous alarme pas ?
En outre, la Cour des comptes estime que les conséquences du changement climatique sont largement sous-estimées dans vos plans : avec l'aggravation annoncée des sécheresses, il faudrait investir au moins 3 à 4 milliards supplémentaires dans des tours réfrigérantes. En réalité, on ne sait pas si on aura encore assez d'eau pour refroidir les réacteurs que vous espérez faire sortir de terre dans quinze ans, au mieux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Bref, votre relance fait face à des défis colossaux, et pourtant vous y ajoutez une désorganisation majeure du système de sûreté. Votre attitude est irresponsable. Emmanuel Macron a une idée qu'il croit géniale, il décide et veut aller vite, en mode bulldozer, puis le ministre exécute – nous avons l'habitude. Mais nous parlons là de la sûreté nucléaire ; la légèreté n'est pas une option.
Ces textes sacrifient l'indépendance de l'expertise scientifique en la mettant sous la coupe du décideur et donc en la subordonnant à des considérations économiques, industrielles ou politiques. Faire primer la logique économique sur la connaissance et l'intérêt général est potentiellement criminel et c'est contraire aux prescriptions de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Quand on croit avoir touché le fond, vous creusez encore, en empêchant tout débat public, toute pression sur le décideur par la publication des avis scientifiques, qui ne seront plus publiés en amont de la décision, mais en même temps. Tranquille !
Mêmes mouvements.
Je veux rappeler que si le tsunami à Fukushima est devenu une catastrophe nucléaire, c'est justement en raison du défaut d'indépendance des structures de sûreté nucléaire gérées par l'État, et de la complaisance envers l'exploitant, Tepco. Sept tsunamis de plus de 12 mètres avaient déjà atteint la côte pacifique mais, par souci d'économie, Tepco a estimé qu'une digue de 5,70 mètres suffirait. Il est vrai que les tsunamis ne se produisent pas partout, mais souvenez-vous de l'inondation de la centrale du Blayais en 1999, parce que la digue de protection de la centrale n'était pas assez haute. Deux ans auparavant, une note technique préconisait d'augmenter sa hauteur, mais EDF avait reporté l'échéance à 2002, et nous avons frôlé une catastrophe majeure.
Ces deux dernières années, une véritable épidémie de corrosion sous contrainte a été découverte dans les réacteurs ; certains tuyaux ne tenaient plus qu'à quelques millimètres.
Un peu d'humilité ! Tout cela montre l'importance de notre système dual de sûreté nucléaire, qui n'a cessé de s'améliorer depuis vingt ans.
Mêmes mouvements.
Cerise sur le gâteau nucléaire, vous démantelez aussi le service de fourniture et d'exploitation des dosimètres, qui mesurent la radioactivité et sont donc essentiels en cas de crise nucléaire.
On vient d'apprendre de nouvelles menaces sur la centrale de Zaporijjia. Que nous direz-vous si la situation dégénère ? Prétendrez-vous que les dosimètres, c'est comme les masques, cela ne sert à rien, ou que le nuage s'arrêtera à nos frontières ? Selon M. Bernard Doroszczuk, président de l'ASN, « un accident nucléaire est toujours possible » et le nier serait irresponsable. Or 40 millions de Français, que nous représentons sur ces bancs, vivent à moins de 100 kilomètres d'une centrale nucléaire.
Naoto Kan, Premier ministre du Japon lors de l'accident de Fukushima, a déclaré : « Quand un accident nucléaire survient, les dégâts sont énormes, presque équivalents à ceux d'une grande guerre. On ne peut empêcher que des catastrophes naturelles, comme des séismes, se produisent, même si on peut en atténuer les conséquences. Mais les accidents nucléaires, on peut les empêcher. »
Collègues pronucléaires qui doutez de la pertinence de ce texte, la commission mixte paritaire n'a strictement rien apporté qui puisse lever vos doutes. Ne laissez pas une voix manquer. Les générations futures vous demanderont des comptes. Rejetons définitivement ce texte dangereux !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à des scrutins publics sur l'ensemble du projet de loi et sur l'ensemble du projet de loi organique, tels qu'ils résultent des travaux des commissions mixtes paritaires.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Maquet.
Cela fait un peu plus d'un an que l'idée d'une fusion de l'ASN et de l'IRSN a été soumise à cette assemblée pour la première fois. Certains – ce fut le cas du groupe Les Républicains – ont pu regretter la méthode utilisée alors. Toutefois, convaincus que les vingt prochaines années ne ressembleront pas aux vingt dernières – heureusement – nous avons considéré dès le début qu'une telle réforme allait dans le bon sens.
Une discussion enrichissante sur les modalités de cette fusion s'est alors engagée. Nous savons tous que le travail des agents de l'ASN comme de l'IRSN est exemplaire et fait la fierté du système de sécurité nucléaire français ; je tiens ici à leur rendre hommage. Dès lors, la réussite du nouvel outil que nous nous apprêtons à créer dépend de ses modalités d'application. Nous élaborons une agence plus unitaire, donc plus efficace et intégrée, sans faire aucune concession sur la sécurité des installations que nous devons à nos concitoyens.
Le groupe Les Républicains a pris sa part à cette discussion, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, dans la perspective d'un soutien vigilant et exigeant à la réforme. Nous avons été particulièrement attentifs aux points suivants.
D'abord, il est nécessaire que la distinction entre expertise et décision soit parfaitement bien définie pour tous les acteurs. Grâce aux apports du Sénat, cette distinction a été clarifiée à l'article 2 et elle est désormais limpide, la CMP ayant levé les dernières ambiguïtés sur ce point.
Ensuite, la transparence des décisions et des rapports d'expertise devait être parfaitement assurée, comme l'exigent les principes de la grande puissance nucléaire que nous sommes. À l'issue de la CMP, un accord a été trouvé pour que ces publications interviennent de manière concomitante, sauf dans certains cas particulièrement complexes choisis par l'Autorité. C'est le bon équilibre entre, d'une part, l'information et la participation du public et, d'autre part, la cohérence de la communication de l'autorité.
Enfin, nous étions vigilants à apporter toutes les garanties en matière de ressources humaines, avec des transferts de contrats à l'identique, et des trajectoires de rémunération revues à la hausse. Nous insistons sur ce point car il est crucial : peu importe le système, dual ou unitaire, le nerf de la guerre, ce sont les moyens.
En effet, lorsqu'on prétend garantir la sécurité de nos concitoyens, même avec la meilleure organisation du monde, il est nécessaire de prévoir un budget suffisant. Seuls les moyens, mes chers collègues, mettront fin à l'hémorragie de compétences qui touche ce secteur. La France est un grand pays de production d'ingénieurs, mais encore faut-il qu'elle leur offre des carrières attractives. La réouverture de la prestigieuse filière nucléaire doit leur proposer des débouchés.
Cette réforme sera structurante, comme l'a été la fusion de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et du Service central de protection contre les rayonnements ionisants en 2001, aboutissant à la création de l'IRSN.
Le groupe Les Républicains a participé à l'élaboration de cette réforme dans un effort de coconstruction, mais ce n'était pas là l'attitude de certains groupes de cet hémicycle, qui ont fait preuve de cohérence dans le blocage, l'opposition bornée, le refus de toute relance du nucléaire. À rebours d'une attitude constructive, certaines personnes se sont spécialisées dans l'agitation des peurs, oubliant que le modèle que nous nous apprêtons à créer est la norme dans la majorité des pays nucléarisés du monde,…
…oubliant aussi que les professionnels seront les mêmes, avant et après la réforme : ils conserveront leur rigueur, leur professionnalisme et le souci du travail bien fait.
Heureusement, ces clivages ont pu être dépassés tant au Sénat qu'à l'Assemblée. Les derniers doutes ont pu être levés au terme d'une CMP particulièrement consensuelle où – je dois le dire – j'ai entendu des arguments constructifs et équilibrés.
Chers collègues, le groupe Les Républicains appelle donc à voter sans ambiguïté pour la création de cette nouvelle agence : une agence adaptée à la relance que nous appelons tous de nos vœux depuis de nombreuses années, pleinement apte à relever les défis de notre pays et à donner au modèle français de sûreté nucléaire les moyens d'accroître son efficacité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui s'achève un processus entamé il y a plus d'un an, avec son lot de controverses comme notre parlement sait si bien en créer. Puisque ce jour marque la fin du processus démocratique, revenons sur ce qui pousse le Gouvernement et la majorité à soutenir la fusion entre les deux piliers du contrôle nucléaire de notre pays.
Nous sommes résolument en faveur de l'énergie nucléaire : le plan Messmer a permis à notre pays de bénéficier d'une énergie propre, peu chère et disponible – nous mesurons chaque jour la chance que nous avons de disposer de ce système énergétique. En 2023, le gouvernement d'Élisabeth Borne avait voulu simplifier le contrôle du nucléaire en fusionnant l'ASN et l'IRSN à travers un amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération du nucléaire. Les députés du MODEM s'y étaient opposés.
Un tel changement mérite un texte, tel que le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique qui sont aujourd'hui soumis à notre vote. Afin de parvenir à un texte équilibré et complet, l'Assemblée nationale et le Sénat ont décidé de saisir l'Opecst pour qu'il étudie la faisabilité de cette fusion. Le rapport de l'Office, réalisé par le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir et publié en juillet dernier, rappelle le bon fonctionnement du système actuel tout en insistant sur la nécessité de le réformer pour s'adapter aux nouveaux enjeux. Nous avons logiquement fait le choix de suivre les préconisations de ce rapport de grande qualité.
Le texte qui nous est soumis est le fruit d'un compromis. De nombreuses modifications ont été apportées, tant par les sénateurs que par les députés, dans chacun des hémicycles puis en CMP. Nous avons déjà parlé des apports respectifs du Sénat et de l'Assemblée ; revenons désormais sur ceux de la CMP. Nous avions souhaité conserver une grande partie des apports du Sénat tout en remaniant certaines parties du texte. La CMP a permis de compléter certaines dispositions essentielles du texte.
Ainsi, elle a précisé que le règlement intérieur définirait des règles de distinction et d'interaction pour une instruction donnée entre les personnels chargés des activités d'expertise et ceux qui sont chargés de la décision, complétant ainsi la distinction entre les personnes responsables ajoutée à l'Assemblée nationale.
Ensuite, l'obligation de publication simultanée des analyses et des décisions a été assouplie pour autoriser des exceptions qui seront précisées dans le règlement intérieur au regard de la nature des dossiers concernés ou pour favoriser la participation du public.
En outre, la présentation devant l'Opecst du futur règlement intérieur de l'Autorité ainsi que de toutes ses modifications, supprimée à l'Assemblée nationale, a été rétablie.
Enfin, dans le projet de loi organique, députés et sénateurs ont ajouté à la liste des emplois et fonctions donnant lieu à une nomination par le Président de la République la présidence du conseil d'administration de la société Orano.
Nous voyons ces modifications d'un bon œil. Elles vont toutes dans le bon sens. Elles permettent de lever encore davantage les doutes quant à l'indépendance et à la transparence de la nouvelle entité. Cette fusion constitue la pierre angulaire de la relance du nucléaire que nous avons votée l'année dernière. Vous ne pouvez à la fois déclarer publiquement que vous soutenez le nucléaire et rejeter ce texte : ce serait antinomique.
Étant le dernier à prendre la parole, je voudrais répéter encore une fois à nos collègues qui s'apprêtent à voter que cette fusion ne remet pas en cause la sûreté nucléaire dans notre pays, qui demeurera la plus exigeante du monde.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Une entité unique améliorera l'efficacité et garantira un meilleur accompagnement pour les start-up de la filière.
L'ASNR rassemblera les talents de la sûreté nucléaire. Elle facilitera le travail des agents en leur permettant de se concentrer sur les enjeux de sûreté et de radioprotection plutôt que sur les tâches administratives. Le travail du Parlement est exemplaire : les textes qui nous sont présentés répondent à toutes les craintes soulevées par certains acteurs et par les employés de l'ASN et de l'IRSN.
À ce jour, il n'y a aucune raison de s'opposer à ce texte, si ce n'est du dogmatisme antinucléaire. Si vous êtes favorables à l'indépendance énergétique de notre pays, si vous voulez qu'il bénéficie d'une énergie propre, bon marché, sûre et disponible, votez ce texte !
Le groupe Démocrate soutient la fusion entre l'ASN et l'IRSN. En toute cohérence, nous soutenons aussi le projet de loi organique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi ordinaire, tel qu'issu de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 543
Nombre de suffrages exprimés 513
Majorité absolue 257
Pour l'adoption 340
Contre 173
Le projet de loi est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique, tel qu'issu de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 545
Nombre de suffrages exprimés 521
Majorité absolue 261
Pour l'adoption 349
Contre 172
Le projet de loi organique est adopté.
Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires qui ont contribué à ce débat, en particulier les députés qui ont voté pour cette loi et l'ont améliorée, qu'ils soient membres de la majorité ou de certaines oppositions.
M. Benoit Mournet applaudit.
Je pense aussi au rapporteur et au président de commission, qui ont réalisé un travail exceptionnel au service de l'Assemblée et des ministères. Ce vote m'oblige, il nous oblige tous.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre, quel que soit l'écart de voix affiché au tableau, la loi s'impose à tous, une fois qu'elle est votée. Si le Sénat vous suit ce soir, je m'engage à faire de cette fusion une réussite. J'espère que vous contribuerez tous au succès de ce rapprochement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes (n° 2429).
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
Après cinq mois de navette parlementaire, de discussion et de travail, nous nous retrouvons dans cet hémicycle pour la lecture définitive du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.
Si le texte a bien évolué depuis le début de son examen, les constats et les objectifs poursuivis restent les mêmes. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, vingt-trois ans après l'adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard, il était impératif de faire évoluer la réponse des pouvoirs publics aux nouvelles formes de dérives sectaires.
Ce constat est très largement partagé par la majorité des groupes politiques de cet hémicycle. Il a donné lieu à de riches et longs débats, et, surtout, il a permis de faire évoluer le texte dans le bon sens.
Nos débats ont essentiellement porté sur la préservation de nos libertés. Je souhaite donc le dire clairement : des garanties juridiques et rédactionnelles, issues d'un travail collectif et transpartisan, ont été apportées. Le Gouvernement ne lutte pas contre les croyances, les opinions ou les religions. En revanche, il lutte contre toutes les formes de dérives sectaires. Ainsi, c'est bien dans le strict respect de nos principes constitutionnels que l'État en protège ses citoyens.
Il est impératif de lutter contre ce fléau protéiforme qui évolue constamment, menace notre cohésion sociale et fait des milliers de victimes chaque année. Le dernier rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est très éclairant. Il alerte sur l'expansion et la dangerosité de ces pratiques, par exemple des solutions miracles proposées par des pseudothérapeutes contre des pathologies cancéreuses, ou encore des incitations à l'interruption de soins de médecine conventionnelle. Voilà ce à quoi nous sommes tous exposés, à travers nos familles, nos enfants, nos grands-parents – et même nos élus, comme l'a montré l'actualité. Vous en conviendrez donc : nous ne pouvons pas laisser seuls les victimes et leurs proches. Nous avons le devoir de les protéger, en tant que législateur.
C'est l'objectif de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027. Permettez-moi de rappeler ses trois axes. Le premier est dédié à la prévention des risques de dérives sectaires ; le deuxième se concentre sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; enfin, le troisième est consacré au renforcement de l'arsenal juridique. Ce projet de loi en est la mesure phare.
Ainsi, contrairement à ce qui a été affirmé par certains, il n'est aucunement question d'abandonner la prévention et l'accompagnement des victimes. Cependant, cela ne passe pas toujours par des mesures législatives. Récemment, nous avons lancé une vaste campagne de communication et de sensibilisation à destination du grand public – je me réjouis de voir que vous avez été nombreux à la partager sur les réseaux sociaux. Soyez assurés que nous sommes déterminés à agir sur tous les fronts et sur tous les terrains.
Une dernière fois – j'espère –, permettez-moi de revenir sur les dispositions de ce texte, qui auront des effets importants tant sur la répression des auteurs que sur l'indemnisation et l'accompagnement des victimes.
L'ambition du Gouvernement est de créer deux nouveaux délits : à l'article 1er , le fait même de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l'article 4, la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé. La santé est devenue un enjeu majeur de la lutte contre les dérives sectaires et il est impératif de lutter contre la prolifération des pratiques dangereuses.
Bien que ce constat soit, je le sais, partagé, de profondes inquiétudes se sont fait jour, en particulier concernant l'article 4.
Portant sur trois points essentiels, les critiques formulées contre cet article du projet de loi initial, notamment par l'Assemblée nationale, cherchaient à s'assurer que le texte garantirait la liberté de conscience, préserverait la libre critique médicale et s'abstiendrait de réprimer les discours tenus dans la sphère privée, notamment les discours familiaux, à l'emporte-pièce. Le Gouvernement a bien entendu ces critiques, et nous avons collectivement apporté des garanties rédactionnelles sur ces trois points.
S'agissant de la liberté de conscience, la rédaction actuelle de l'article 4 est claire : si on ne prétend pas que l'interruption d'un traitement qui maintient en vie est bonne pour la santé, il n'y a pas d'infraction. En effet, aux termes de l'alinéa 2, pour que l'infraction soit caractérisée, l'interruption d'un tel traitement doit être « présentée comme bénéfique », l'alinéa 4 posant comme seule exigence la dispense d'une information libre et éclairée.
S'agissant de la liberté de critique médicale, l'alinéa 6 exclut explicitement les lanceurs d'alerte du champ d'application du texte. En outre, le niveau de gravité des conséquences de l'arrêt d'un traitement permettant de caractériser l'infraction a été rehaussé à « particulièrement grave ».
Enfin, les discours tenus de manière spontanée dans la sphère privée sont clairement exclus du champ d'application du texte : l'alinéa 2 précise que les provocations concernées doivent faire l'objet de « pressions ou de manœuvres réitérées », ce qui, à l'évidence, ne correspond pas à une conversation familiale ou entre amis.
Cette rédaction transpartisane apporte l'ensemble des garanties demandées par les deux chambres.
Si, toutefois, certains doutes persistaient dans vos rangs, et puisque les débats parlementaires sont une source d'interprétation du droit,…
…je vous le dis à nouveau : il n'est dans l'intention du Gouvernement ni d'interdire la critique médicale, ni d'empêcher les malades pleinement éclairés de décider, en toute conscience, de prendre un traitement ou de s'en abstenir, ni d'épingler les discussions familiales ou amicales. La seule intention du Gouvernement est de mettre hors d'état de nuire les gourous 2.0, les guérisseurs malhonnêtes et les escrocs qui mentent, tuent et font souffrir.
Pour nos concitoyens, pour les familles qui ont vécu des drames, pour éviter que cela se reproduise, abandonnons les postures politiques et ayons conscience de l'urgence du vote d'aujourd'hui.
Avec l'article 1er , qui crée un nouveau délit d'assujettissement psychologique ou physique, nous souhaitons agir en amont de l'abus de faiblesse en ciblant la mécanique néfaste de l'embrigadement sectaire, car il s'agit de la porte ouverte à tous les abus. De l'avis général des acteurs de la lutte contre les dérives sectaires, cet article constitue une avancée majeure pour la protection des victimes et la réparation de leur préjudice. En cohérence avec la création de cet article, sur lequel le Conseil d'État a émis un avis favorable, nous avons proposé de retenir la circonstance aggravante pour plusieurs crimes et délits, lorsqu'ils sont commis dans un environnement sectaire.
Nous souhaitons également renforcer l'accompagnement des victimes. La délivrance, par le ministère public, d'un agrément aux associations remplissant des conditions particulièrement strictes définies par décret, permettra d'établir la liste des associations autorisées à agir en la matière. En outre, afin de faciliter la prise de sanctions disciplinaires à l'encontre des praticiens déviants, le texte prévoit que les condamnations et décisions de contrôle judiciaire soient obligatoirement transmises aux ordres professionnels de santé. L'information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires sera également améliorée grâce à une meilleure association des services de l'État. Enfin, vous avez enrichi le texte d'une disposition fondamentale : la consécration de la Miviludes dans la loi.
Madame la rapporteure, vous savez combien je suis attachée à l'importance du travail parlementaire : à ce titre, je tiens à vous remercier pour votre investissement et votre travail remarquable sur ce texte. Je tiens également à remercier l'ensemble des députés qui ont contribué à sa construction lors d'échanges riches, parfois houleux, je le reconnais, mais toujours constructifs. J'ai toute confiance dans la mobilisation de cette assemblée pour continuer à défendre les victimes : de la loi About-Picard de 2001 aux rapports d'enquête parlementaire sur les dérives sectaires, qui ont permis de faire progresser cette politique publique, nous savons tout ce que la lutte contre les dérives sectaires doit au Parlement.
À cet instant, j'ai une pensée sincère pour les victimes et leurs familles, et pour les associations spécialisées qui agissent au quotidien pour leur venir en aide. J'espère profondément que ce texte saura contribuer à leur apaisement ; au nôtre, aussi. C'est ce qui me tient le plus à cœur et me pousse à continuer le combat.
La lutte contre les dérives sectaires ne s'achèvera évidemment pas avec le vote de ce projet de loi, et de nombreuses actions devront être poursuivies au service de ce combat. Je m'emploierai à soutenir l'action de prévention de la Miviludes, dont les moyens interministériels ont été renforcés, et, plus largement, celle des acteurs publics et des associations, pour alerter le grand public et faire toujours mieux connaître les dangers des dérives sectaires, notamment auprès des plus vulnérables, et en particulier des mineurs.
Renforcer l'aide aux victimes suppose d'améliorer notre capacité à repérer les dérives sectaires et de permettre aux professionnels d'agir de manière précoce. Pour faire vivre cette politique publique dans les territoires, j'adresserai très prochainement une circulaire aux préfets, les enjoignant à systématiser les réunions entre les services déconcentrés et les acteurs associatifs, mais aussi à renforcer la sensibilisation des élus locaux aux enjeux des dérives sectaires et leur implication en la matière.
Enfin, nous devrons approfondir la coopération à l'échelle internationale, en particulier avec les États de l'Union européenne. Par exemple, l'Espagne a lancé en mars un plan opérationnel d'action et de coordination contre les sectes destructrices, et d'autres États ont déjà développé des moyens originaux pour lutter contre ces phénomènes. À l'avenir, des projets européens sur des thématiques précises pourraient ainsi nous réunir, et contribuer au développement de cette politique publique.
Nous devons dépasser nos clivages et nos postures politiques pour nous rassembler autour d'une cause commune : la défense et l'accompagnement des victimes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous voilà réunis à nouveau, et pour la dernière fois, afin de nous prononcer sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes. Le Sénat ayant, le 2 avril, décidé d'opposer au texte la question préalable, et donc de le rejeter sans en débattre, il nous appartient aujourd'hui de faire un choix simple : adopter définitivement le texte ambitieux que notre assemblée a voté le 20 mars ou laisser les gourous prospérer.
Choix simple, disais-je, car la solution me paraît évidente : pour mieux protéger nos concitoyens et accompagner les victimes, nous devons adopter ce projet de loi, essentiel pour mieux nous adapter aux nouvelles pratiques et aux nouveaux moyens utilisés par les mouvements sectaires, et renforcer ainsi la lutte contre les dérives sectaires et les gourous.
Ce texte connaît aujourd'hui sa dernière étape parlementaire – une étape clôturant un long travail, qui a abouti grâce à deux secrétaires d'État : Mme Sonia Backès, qui en a été à l'origine, et Mme Sabrina Agresti-Roubache, que je remercie de défendre ce texte depuis de longues semaines maintenant. Je souhaite également remercier celles et ceux qui, dans cet hémicycle – plutôt par là
L'oratrice désigne les bancs du groupe RE
– et au-delà, ont œuvré pour faire avancer ce texte et ses dispositions. Je tiens aussi à remercier les administrateurs et mon équipe qui, bien que davantage dans l'ombre, m'ont beaucoup aidée.
Je veux le réaffirmer clairement : non, les dérives sectaires n'ont pas leur place dans notre société ; oui, leurs victimes doivent être protégées. Et je déplore que certains continuent de ne pas voir, ou feignent d'ignorer, l'importance des mesures qui, je l'espère, seront adoptées aujourd'hui à une large majorité. En prétendant que le droit actuel est suffisant, et que certaines mesures seraient inutiles, voire dangereuses, d'aucuns font le lit des gourous et des mouvements sectaires qui fondent sur les mêmes arguments leur opposition à toute évolution du cadre juridique qui pourrait mettre en péril leurs entreprises mortifères de sujétion d'autrui. C'est justement parce que cette loi les dérange qu'elle est utile.
Contrairement à ce que certains répètent inlassablement, le droit existant ne permet pas de répondre aux situations visées par l'article 1er
Au-delà des deux mesures phares prévues aux articles 1er et 4, le projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer comporte de nombreuses autres avancées majeures, comme la consécration législative de la Miviludes, ô combien essentielle pour mieux comprendre et lutter contre les dérives sectaires, le renforcement des mesures sanctionnant les thérapies de conversion et l'amélioration du soutien à leurs victimes, l'allongement du délai de prescription quand les victimes de dérives sectaires sont mineures, ou encore le signalement aux ordres professionnels de santé des dérives que certains de leurs membres peuvent commettre au détriment des patients, pour ne citer qu'elles. Mais je dois vous dire, mes chers collègues, que je nourris quelques regrets. Tout d'abord, je ne crois pas, je le répète, qu'intervenir dans l'élaboration des programmes scolaires doive être une mission de la Miviludes. Surtout, je regrette la suppression de la peine complémentaire de bannissement numérique, outil pourtant très utile pour entraver concrètement et définitivement l'action et l'aura des gourous 2.0.
Le choix est désormais clair : doter notre législation des outils qui lui font défaut pour lutter contre les dérives sectaires et aider les victimes, ou laisser les gourous faire prospérer leurs petites entreprises bien tranquillement. Je ne peux me résoudre à l'inaction, et je sais pouvoir compter sur nombre d'entre vous pour voter en faveur de ce texte crucial.
En conclusion, permettez-moi d'avoir une pensée pour toutes les victimes de dérives sectaires et leurs familles. Je sais qu'elles nous regardent et qu'elles attendent ce texte avec un immense espoir : c'est cette pensée qui me guide depuis des années, et c'est pourquoi je vous invite toutes et tous à voter en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Avant de donner la parole au premier orateur inscrit dans la discussion générale, je vous rappelle que, pour les lectures définitives, les interventions dans la discussion générale valent explications de vote.
Si la lutte contre les dérives sectaires est un sujet d'intérêt public, légiférer est délicat, car il faut tout à la fois permettre aux opinions de s'exprimer, aux libertés de s'exercer, et à nos concitoyens d'être protégés – voilà la ligne de crête. Et de ce point de vue, vous avez échoué.
Je m'explique : vous auriez dû créer les moyens d'empêcher les auteurs de dérives sectaires d'agir et de récidiver, et doter l'éducation, la recherche, la santé et la justice de moyens et de personnels, car il est bien connu que l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires – numériques ou non –, est conditionnée par de véritables mesures préventives et éducatives soutenues par des moyens suffisants.
Rien dans ce texte ne va dans ce sens, et pour cause : vous ne faites qu'imposer une austérité mortifère ! Ce que vous auriez dû faire : sanctuariser la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, en la rendant indépendante du pouvoir exécutif, ce qui lui aurait donné légitimité et pouvoir pour mener à bien ses missions. Ce que vous auriez dû faire : soutenir les associations d'éducation populaire et de défense des victimes, car l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires est conditionnée à un accompagnement et à un suivi psycho-social des victimes. Et pourtant, il n'en n'est rien. Au contraire, vous ne cessez de couper les subventions aux associations, même aux associations d'aide aux victimes que vous ne soutenez pas davantage, en totale contradiction avec les affirmations du garde des sceaux.
Ce que vous faites : encore de la surenchère pénale. À ce titre, vous codifiez des agissements qui existent déjà dans l'arsenal pénal : pratique illégale de la médecine, incitation à l'abandon de soins, mise en danger de la vie d'autrui, abus de faiblesse ou encore non-assistance à personne en danger. Ce que vous faites, en définitive, revient à menacer nos libertés. Or, la lutte contre les dérives sectaires ne consiste pas à codifier des croyances, mais à combattre les dérives induites par certaines d'entre elles, lorsqu'elles ont des conséquences dommageables sur la santé physique et mentale des adeptes et de leur famille ainsi que sur l'ordre public.
Par ailleurs, votre projet de loi entraîne l'automaticité de certaines peines, allant à l'encontre de principes fondamentaux comme la liberté d'expression et l'individualisation des peines. La surpénalisation n'est aucunement la solution et ne fera pas cesser les dérives sectaires. De plus, votre objectif affiché de protection des victimes est louable mais à défaut de moyens, ce texte se contente d'empiler des peines et des sanctions, en contradiction avec les libertés fondamentales – la ligne de crête que j'évoquais il y a un instant.
En somme, votre texte est une coquille vide au regard de son objectif. Mais comme il faut paraître sévère, il promeut l'aggravation des peines au mépris des libertés fondamentales : un classique dans cette majorité relative ! De même que la crise sanitaire n'explique pas à elle seule la montée des dérives sectaires, la crise sociale, la crise écologique ou encore la crise démocratique que vous ne cessez d'alimenter sont autant de facteurs qui plongent nos concitoyens dans un désarroi qui profite aux marchands de chimères : autant de crises où vous avez brillé par votre incompétence, ou pire encore, par votre indifférence. La prévention est la clé et seuls les moyens permettront des résultats. Mais votre loi, sans moyens et uniquement répressive, sera une loi sans intérêt, sans résultat et privatrice de liberté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Alain David applaudit également.
Sur tous les bancs, nous partageons la même volonté de lutter contre les dérives sectaires, qui sont de plus en plus nombreuses, couvrent de nouveaux champs – la santé, l'alimentation, le bien-être, le développement personnel ou le coaching – et s'appuient, grâce aux réseaux sociaux, sur de nouveaux canaux de communication. Cette situation appelle une réponse : nous nous accordons sur ce constat, qui rejoint les conclusions des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires organisées il y a un peu plus d'un an.
Malheureusement, la version initiale du projet de loi s'est focalisée presque uniquement sur la réponse pénale : dès le départ, la voie empruntée n'était pas la bonne,…
…d'une part parce que l'arsenal pénal existant n'a pas été suffisamment évalué pour en connaître vraiment l'efficacité et d'autre part, parce que les actions de prévention pourtant indispensables, comme l'accompagnement des victimes ou l'attribution de moyens supplémentaires à la justice et aux enquêteurs spécialisés, étaient cruellement absentes du texte proposé.
Le Sénat, en première lecture, a apporté au texte des améliorations importantes, je pense notamment à la reconnaissance législative de la Miviludes – occasion pour nous de souligner le rôle joué par l'un de ses anciens présidents, Georges Fenech, qui a largement accompagné sa croissance et son développement. Par la suite, la commission mixte paritaire (CMP) n'a pas pu parvenir à un accord, pour deux raisons majeures qui tiennent toutes deux aux défauts du texte initial. Tout d'abord, la visée essentiellement répressive de ce texte l'a orientée sur de mauvais rails. Ensuite, le choix de la procédure accélérée ne répondait en l'espèce à aucun besoin – mais on connaît la tendance du Gouvernement à abuser de cet outil qui dégrade la qualité du travail parlementaire.
Alors que le cours normal de la navette parlementaire aurait permis d'améliorer progressivement la rédaction du texte, nous avons dû nous en tenir à la confrontation des visions de chacune des chambres, ou plutôt de chacun des rapporteurs, qui a entraîné l'échec de la CMP. La nouvelle lecture aurait dû donner l'occasion d'amender ce projet de loi pour trouver un consensus…
…et pour l'améliorer, je pense notamment à ce fameux article 4, qualifié par certains d'article maudit puisqu'après les critiques initiales très sévères dont il avait fait l'objet de la part du Conseil d'État, il a été supprimé en première lecture au Sénat puis rétabli par la commission des lois de notre assemblée, puis à nouveau rejeté en séance avant de faire l'objet d'une seconde délibération. Enfin, lors de la nouvelle lecture, il a été adopté en commission à une voix près.
L'empilement des rédactions a donc rendu ce texte de plus en plus bricolé et de moins en moins lisible, alors même qu'il touche à des sujets importants comme la liberté d'expression, la liberté de conscience et la liberté d'opinion. Il aurait fallu trouver une voie qui garantisse les équilibres, plutôt que de vous entêter à maintenir une rédaction bricolée.
Enfin, certaines dispositions renvoient à la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Cette question a trouvé un écho particulier au cours même de nos débats avec la publication, le 19 mars dernier, d'un rapport de la sénatrice du Val-d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio sur la transidentification des mineurs qui constitue selon elle « l'un des plus grands scandales éthiques de la médecine moderne ». Malheureusement, les amendements adoptés en première lecture sur le sujet de l'identité de genre l'ont été de manière précipitée, sans prendre en compte les troubles et les souffrances que vivent certains jeunes dans notre pays et sans véritable étude d'impact de ces amendements.
Ce texte, dont l'intention aurait pu et dû nous rassembler, est donc loin de répondre aux attentes et suscite même des inquiétudes dans sa version finale. C'est pourquoi le groupe Les Républicains s'abstiendra lors du vote en lecture définitive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Après de nombreux va-et-vient entre le Sénat et l'Assemblée nationale, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires revient pour une dernière lecture. Depuis le début de son examen à l'Assemblée nationale, le groupe Démocrate n'a cessé de se mobiliser sur un sujet bien trop important pour laisser les divisions politiques nous empêcher de voter un texte attendu par les victimes et les associations. Pour rappel, ce projet de loi entend répondre à une hausse préoccupante de ce phénomène, en particulier dans le domaine thérapeutique. En 2021, le nombre de saisines de la Miviludes était en augmentation de 86 % par rapport à 2015. Environ un quart de ces saisines concernait la santé.
Depuis une dizaine d'années, les dérives thérapeutiques ont évolué. On y retrouve ainsi une multitude de groupes ou d'individus qui investissent notamment les domaines de la santé, de l'alimentation, du bien-être et de l'éducation, mais aussi le développement personnel, le coaching et la formation. Un chiffre en particulier devrait toutes et tous nous inquiéter : en 2012, 60 000 à 80 000 enfants étaient élevés dans un contexte sectaire. Les statistiques ne permettent pas davantage de précision et cette estimation est probablement bien au-dessous de la réalité.
De nombreux établissements scolaires sont pointés du doigt pour leurs assises pseudo-scientifiques issues du courant anthroposophique et occultiste. S'ajoute à cela l'émergence sur le web des « gourous 2.0 », nouveaux maîtres à penser autoproclamés, qui agissent en ligne et mettent à profit la viralité des réseaux sociaux pour fédérer autour d'eux de véritables communautés. C'est pourquoi nous devons être à la hauteur des enjeux. Les divers scandales liés aux dérives sectaires sont autant d'histoires sordides, où les victimes sont bien souvent laissées à leur désarroi.
Néanmoins, je tiens à rappeler de nouveau que cette lutte contre les dérives sectaires ne doit en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être, et encore moins entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, ou de choisir un autre type de traitement. C'est essentiel à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle, à condition bien sûr de ne pas subir de pressions inappropriées. Il est donc nécessaire de protéger les victimes de ces dérives mais aussi les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et de manière plus efficace les personnes mal intentionnées.
Je tiens de nouveau à féliciter Mme la rapporteure qui a pris soin, tout au long des différentes étapes du texte, d'écouter les avis et les demandes de chacun. Vous avez su appliquer la coconstruction à l'élaboration du texte, en permettant au groupe Démocrate d'y contribuer par l'adoption de plusieurs articles additionnels, relatifs à l'allongement des délais de prescription pour les mineurs et aux nouvelles obligations qui pèseront sur les fournisseurs d'accès à internet, ou qui permettent aux médecins, dans de strictes conditions, d'être des vigies dans la lutte contre les dérives sectaires.
Nous savons, madame la ministre, que les victimes vous trouveront à leurs côtés. C'est pourquoi nous vous remercions de l'implication dont vous avez fait preuve tout au long de cette navette parlementaire. Les dérives sectaires constituent un enjeu majeur de santé publique qui nécessite la pleine mobilisation des élus et des membres du Gouvernement. Ce travail collaboratif a permis d'aboutir à un texte à la fois protecteur et garant des libertés individuelles. Ainsi, et pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Enfin, nous arrivons aujourd'hui à la dernière étape du parcours législatif de ce texte. Tout a déjà été dit lors de nos débats antérieurs et par les orateurs précédents, mais je souhaiterais rappeler les principes fondamentaux qui ont guidé l'élaboration de ce projet de loi.
Quelques constats d'abord, que nous partageons tous ou presque : les dérives sectaires, dont la répression a été renforcée il y a plus de vingt ans, ont profondément évolué. Aux nombreuses structures et personnes qui investissent les champs de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation, sont venues s'ajouter, parfois même s'y confondre, des groupes à prétention religieuse ou spirituelle. Des gourous autoproclamés diffusent désormais leur doctrine sur les plateformes numériques, fédérant autour d'eux de véritables communautés.
La crise sanitaire – nous le savons – a entraîné une crise de confiance envers la science et la parole médicale, et a constitué un catalyseur de dérives dont la nature, les modes opératoires et l'ampleur nous préoccupent. L'augmentation constante des saisines de la Miviludes en est le reflet. Nous devons agir afin de mieux prendre en compte l'évolution des techniques employées dans le cadre des dérives sectaires. Ne soyons pas dupes : les nouveaux gourous se savent protégés par la loi sur la liberté d'expression et utilisent également le déficit de confiance des Français à l'égard des institutions, pour renforcer les doutes de ceux qui les écoutent et raffermir ainsi leur influence.
Les dérives sectaires et la lutte contre ce phénomène sont donc des enjeux de cohésion sociale, mais aussi de santé et d'ordre public. Elles constituent un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de croyance, qui porte atteinte à l'ordre public, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité de trop nombreuses personnes. Je regrette donc qu'un plus large consensus, notamment avec nos collègues sénateurs, n'ait pu être trouvé sur un sujet qui devrait tous nous rassembler.
La position du groupe Horizons et apparentés reste très favorable à l'adoption et à la rapide application d'un texte qui barre fermement la route à l'ensemble des dérives sectaires et qui appréhende leurs nouveaux aspects, instigateurs et modes de diffusion. Bien sûr – j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous –, nous devons toujours faire preuve de prudence lorsque nous abordons des sujets aussi sensibles que les croyances et la liberté d'expression, mais notre devoir et notre mission politique consistent à protéger les Français et à donner au pouvoir judiciaire les moyens de sanctionner ceux qui abusent de la confiance de nos concitoyens et mettent leur santé en danger. Ma position – celle du groupe Horizons – est de ne plus douter et de prendre nos responsabilités. Je suis convaincu que nous saurons prendre ensemble les mesures qui s'imposent avec une large adoption de ce projet de loi, que soutient le groupe Horizons et apparentés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
« On ne contracte pas ! » ; « […] je n'appartiens plus à l'entreprise République française présidence. Bah oui, c'est une société depuis 1947. Et vous, vous êtes aussi enregistrés à la secte Washington D.C., sous un numéro […], ce qui fait de vous des mercenaires sur le sol français. » S'ils prêtent à sourire, ces propos lunaires, adressés à des gendarmes, le week-end dernier, dans le cadre d'un contrôle routier, et largement relayés par les réseaux sociaux, n'en sont pas moins particulièrement inquiétants, puisque le mouvement né aux États-Unis qui les a inspirés, celui des « êtres souverains », est dans le viseur de la Miviludes, que je remercie d'ailleurs de son action. Dans son dernier rapport d'activité, daté de 2021 – j'espère que le prochain arrivera bientôt –, celle-ci précisait : « La notion d'''être souverain'' renvoie à une émancipation des citoyens vis-à-vis des États considérés comme illégitimes, autoritaires et non démocratiques. Le mouvement prônerait la ''désobéissance civique'' au travers de discours extrêmement virulents et empreints d'un fort mysticisme. »
Le développement massif des dérives sectaires en ligne n'est plus à prouver : en témoignent les faits dont je viens de parler mais aussi, ce week-end, la publication de vidéos de l'une de mes interventions par le gourou Thierry Casasnovas, qui, fort d'un petit million d'abonnés sur YouTube, et sous couvert de spiritualisme new age, a fait des extracteurs de jus de carotte un business juteux – si j'ose dire – et une source de revenus non négligeable en vantant les bienfaits du jeûne, tenant des propos complotistes à l'encontre des vaccins et incitant à l'arrêt des traitements médicaux, notamment ceux destinés à lutter contre le cancer. La liste des affirmations dangereuses de tels influenceurs n'est malheureusement que trop longue.
Mais les pratiques sectaires sur les réseaux sociaux sont diverses : d'autres influenceurs inquiétants ont même été invités par notre assemblée, par exemple Ophenya – 5 millions d'abonnés sur TikTok –, dont on me signale régulièrement l'emprise qu'elle exerce sur sa communauté d'abonnés très jeunes, souvent collégiennes ou collégiens, les BGnya, qui peuvent adopter des comportements dévastateurs pour l'estime et la confiance en soi : cadeaux sur TikTok, présence compulsive, du petit-déjeuner à la soirée, sur les réseaux où ils peuvent suivre l'influenceuse, sentiment d'appartenance exacerbé, effet de meute à l'encontre de ceux d'entre eux qui quitteraient la communauté – bref, un cocktail explosif. Cela n'a pas empêché le Gouvernement de voir en Ophenya une figure de la lutte contre le harcèlement scolaire. Beaucoup de travail reste à faire, en particulier concernant notre sensibilisation collective.
Hier, il était impensable que les diffuseurs de théories délirantes soient pris au sérieux ; aujourd'hui, Edward Dames, prétendu ancien médium de la CIA, est invité sur le plateau d'un talk-show parmi les plus regardés – je parle de « Touche pas à mon poste ! » – afin d'y expliquer qu'il connaissait l'emplacement des restes d'un enfant assassiné !
Pour la troisième fois, le groupe Socialistes et apparentés soutiendra ce projet de loi nécessaire. Ce soutien, madame la ministre, ne constitue pas un quitus au Gouvernement ni à sa politique : il manque au texte la question des moyens octroyés à la Miviludes, à l'Office anticybercriminalité (Ofac), à la justice, en vue de la prise en charge des victimes. Sans moyens, pas d'application convenable de la loi ! Néanmoins, ce texte reflète une époque qui nécessite de travailler sans cesse à l'adaptation du droit aux nouvelles dérives, ainsi qu'à la protection des victimes. C'est en citant l'une de ces dernières, après que nous avons légitimement beaucoup parlé des gourous, que je souhaiterais conclure. Le témoignage suivant est disponible sur le site de la Miviludes :
« Ma sœur Nicole S. a croisé des charlatans qui lui ont fait miroiter une guérison sans médicaments. Elle est alors âgée de 41 ans, maman d'une petite fille de 2 ans et passionnée par la danse sportive, elle est enseignante.
« À la découverte de son cancer du sein en 2003, elle entreprend une chimiothérapie. Sa tumeur disparaît presque totalement, mais par sécurité, les médecins veulent opérer. Affolée, elle s'en remet à la théorie de Ryke Geerd Hamer, qui préconise l'abandon de tous les traitements médicaux.
« Sur les conseils de deux thérapeutes, dont un disciple de Hamer, […] ma sœur se laisse convaincre que tout est psychologique ; ils l'incitent à arrêter les soins.
« Nicole dira à ses proches qu'elle n'a plus rien. Mais cela n'est pas sans conséquences sur son attitude : elle change et s'éloigne un peu plus de sa famille. La manipulation mentale infligée par le disciple de Hamer a consisté à l'isoler pour mieux la contrôler.
« Deux ans plus tard, en août 2005, Nicole m'annonce qu'elle a toujours son cancer du sein, et que les os sont touchés, mais le disciple de la médecine nouvelle continue à lui expliquer que son cancer des os est normal […]. Mais l'état de ma sœur ne fait que s'aggraver : elle ne peut plus marcher […].
« Deux mois plus tard, le 23 novembre 2005, Nicole décède, chez elle, dans d'horribles souffrances […]. »
Pour Nicole, pour toutes les autres victimes de dérives sectaires, ce texte sera un pas en avant. C'est avant tout pour elles que nous poursuivrons le combat que nous menons.
Mme la rapporteure, M. Benjamin Lucas-Lundy et M. Bertrand Petit applaudissent.
Comme nous le disons depuis le début de l'examen de ce texte, nous partageons pleinement l'objectif d'informer, de sensibiliser aux dangers des dérives sectaires et de lutter au mieux contre ce phénomène évolutif qui fait chaque année des milliers de victimes. En ce sens, le statut législatif conféré à la Miviludes par l'article 1er A constitue une avancée indéniable. Cette mission joue un rôle central, puisqu'elle coordonne l'action préventive et répressive des pouvoirs publics et informe le public des risques auxquels il est exposé. En 2020, elle était menacée de disparition : en l'inscrivant dans la durée, en confortant son statut interministériel, en reconnaissant l'ensemble des fonctions qu'elle exerce, nous l'aurons renforcée.
S'agissant des autres dispositions, nous sommes plus réservés ; nous doutons en particulier de l'efficacité de mesures essentiellement répressives. Prévenir plus efficacement les risques de dérives sectaires exige, en effet, de mobiliser prioritairement les moyens matériels et humains nécessaires en faveur de l'effectivité des mesures existantes, d'une meilleure formation des professionnels, d'une véritable politique de prévention et d'éducation. Aussi regrettons-nous que le Gouvernement, avant de proposer de nouveaux délits, n'ait pas procédé à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal.
L'article 1er , en particulier, qui vise à réprimer le fait de placer ou de maintenir autrui dans un état de « sujétion psychologique ou physique », est non seulement inutile, mais source de confusion. Tout d'abord, depuis la loi About-Picard, l'article 223-15-2 du code pénal concerne à la fois l'abus d'une faiblesse objective – due à l'âge, à l'état de santé, à une grossesse – et celui d'une faiblesse subjective, c'est-à-dire d'un « état de sujétion ». Ces dispositions sont équilibrées, claires, précises : rien n'en justifiait la remise en cause.
Ensuite, l'article 222-33-2-2 du code pénal, qui porte sur le harcèlement, recense déjà de manière exhaustive les comportements visés par la nouvelle infraction.
Enfin, cette dernière permet de sanctionner tout type d'emprise, religieuse, idéologique, conjugale, familiale, car la notion de dérive sectaire n'est pas définie par la loi. Elle risque donc de fragiliser les dispositions concernant les infractions existantes, en particulier celles qui visent à réprimer les violences à l'encontre des femmes et les violences intrafamiliales.
L'article 4 tend pour sa part à réprimer la provocation à abandonner des soins nécessaires, à s'en abstenir, ou encore à adopter des pratiques présentées comme bénéfiques, mais exposant manifestement à des risques graves. Certes, il est indispensable de répondre à la multiplication de telles incitations ; rappelons toutefois que notre droit sanctionne l'exercice illégal de la médecine, l'homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État, dans son avis, considère « que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ». On peut donc se demander s'il est, là encore, utile de légiférer à nouveau sur ce point.
Surtout, en dépit des modifications intervenues au cours de la navette parlementaire, la rédaction de cet article reste insatisfaisante : ces réécritures approximatives attestent la fragilité du dispositif, qui peine à concilier d'une part la protection de la santé publique, d'autre part la liberté de choisir ou de refuser des soins, la liberté d'expression, y compris celle du débat scientifique et des lanceurs d'alerte, la liberté de pratiquer une médecine non conventionnelle, telle que l'acupuncture ou l'ostéopathie.
En définitive, vous l'aurez compris, le groupe GDR – NUPES ne votera pas en faveur de ce texte juridiquement fragile, et qui n'est pas en mesure de lutter efficacement contre les dérives sectaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Nous examinons ce projet de loi en lecture définitive : les deux chambres n'étant pas parvenues à s'accorder sur une rédaction commune, le dernier mot revient à l'Assemblée nationale. Cette navette a pour conséquence que l'ordre du jour percute l'actualité de plein fouet : vous aurez pu, comme moi, apprendre qu'avait été inauguré à Saint-Denis, ce week-end, un centre de formation de cinq étages appartenant à l'Église de scientologie. Les élus locaux se sont pourtant opposés durant des années à cette ouverture, permise par le Conseil d'État. Je constate en tout cas que, malgré ce que nous sommes amenés à voter, ce texte n'empêcherait pas le développement de sectes de ce genre.
Le groupe LIOT observe donc avec inquiétude la prolifération des dérives sectaires, phénomène encore exacerbé par de nouveaux canaux de diffusion : réseaux sociaux, messageries instantanées. Il est nécessaire de faire évoluer l'arsenal législatif afin de mieux protéger les personnes vulnérables ou sous emprise, d'autant que – je tiens à le rappeler – ce n'est pas tant la répression des gourous que cette protection, assurée par la puissance publique, qui permettra d'endiguer le phénomène. C'est pourquoi nous saluons la consécration de la Miviludes, qui a su démontrer son utilité et son efficacité, ainsi que de son caractère interministériel ; nous regrettons cependant le rejet de nos amendements visant à en préciser les actions.
Nous saluons également les associations, en première ligne dans ce combat : l'endiguement des sectes ne pourrait avoir lieu sans leur aide précieuse. En ouvrant la possibilité aux associations agréées, et non plus seulement aux seules associations d'utilité publique, de se constituer partie civile, ce texte va dans le bon sens. Rappelons que le maintien de cette possibilité pour les associations d'utilité publique a été obtenu grâce à un amendement de ma collègue Béatrice Descamps.
Dès lors, nous accueillons cette version du texte de façon globalement positive. Cependant, notre groupe exprime une fois de plus son inquiétude au sujet de la portée et de l'application de l'article 4, bien que sa rédaction ait évolué à la suite de son rejet, à l'issue d'une première délibération, lors de l'examen du texte en séance. Les dispositions pénales en vigueur sont suffisantes, ainsi que l'a souligné le Conseil d'État dans son avis, considérant « que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».
En outre, nous doutons fortement de l'efficacité des mesures visant à protéger les lanceurs d'alerte. L'article prévoit désormais que l'infraction n'est plus constituée si la provocation à l'abstention de soins ou à des soins alternatifs s'accompagne « notamment » d'une « information claire et complète » : il convient de se poser des questions sur la légitimité et les compétences qu'auraient, pour informer de la sorte, les individus qui formulent de telles recommandations.
Comme de très nombreux Français, nous nous interrogeons, je le répète, au sujet de l'application de l'article 4, qui pourrait mettre à mal la liberté d'expression. Il faut du reste rappeler par quelle méthode cet article, supprimé par l'Assemblée nationale aussi bien que par le Sénat, fut réintroduit dans le texte, signe d'une démocratie peu respectueuse du travail parlementaire. Enfin, sa constitutionnalité n'est pas évidente : il conviendrait que le Conseil constitutionnel soit saisi dès l'adoption du texte, car, à défaut, il le sera inévitablement dans quelques années par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité, et la censure de l'article fragiliserait grandement les procédures en cours.
Néanmoins, quoique cet article demeure dangereux et inadapté, notre groupe votera majoritairement en faveur du texte.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Nous voici parvenus au terme d'un chemin parlementaire long – il aurait d'ailleurs pu l'être davantage –, mais nécessaire. À cet égard, je me joins aux demandes de mes collègues enjoignant le Gouvernement à engager moins souvent la procédure accélérée, afin de laisser au Parlement le temps de jouer pleinement son rôle.
Le groupe Écologiste votera le projet de loi, comme il l'a fait en nouvelle lecture, afin de combattre les dérives sectaires qui sont un enjeu majeur de santé publique et pour notre démocratie
M. Arthur Delaporte applaudit
– mon collègue Arthur Delaporte l'a brillamment rappelé. Qu'elles soient le fait de complotistes 2.0, de charlatans du web ou de gourous de la toile, ces dérives ont pris des formes multiples et des approches variées qui nous obligent à faire preuve de vigilance et à adapter nos réponses juridiques et pénales.
Toutefois, nous regrettons que le prisme répressif ait constitué votre seule boussole, à l'heure où nous manquons cruellement de prévention et de moyens ; il aurait fallu se préoccuper davantage d'accompagner les victimes de dérives sectaires.
Enfin, la hausse considérable du nombre des dérives sectaires ces dernières années, reconnue par tous, exige qu'un débat d'envergure soit engagé sur l'état de la société, dont elles sont l'illustration. Parce qu'expliquer n'est pas excuser, nous regrettons que le débat ait manqué de hauteur pour mieux comprendre ce que sont ces dérives, qui rendent nombre de nos concitoyennes et concitoyens vulnérables.
Elles sont le symptôme d'une société qui va mal. C'est pourquoi, madame la ministre, je vous invite à retourner à la table du Conseil des ministres et à dire que nous avons besoin de services publics et non d'austérité budgétaire. Une République qui va bien, c'est une République qui préserve ses services publics pour accompagner chacune et chacun. Allez dire que nous avons besoin d'écoles et non pas de fermetures de classes ou de suppressions de postes de conseillers principaux d'éducation, comme c'est le cas dans ma circonscription. Car c'est grâce à la vie scolaire, grâce à l'accompagnement des élèves que nous serons en mesure de mieux prévenir et combattre les dérives sectaires.
Mme Caroline Fiat et M. Arthur Delaporte applaudissent.
Nous n'avons pas besoin de caméras de vidéosurveillance ni de vigiles, mais d'êtres humains, de fonctionnaires, pour encadrer et accompagner les élèves dans les établissements scolaires.
Il faut aussi un hôpital public en meilleure santé.
Vous avez supprimé des milliers de lits d'hôpitaux : en laissant la santé publique à l'abandon, vous avez permis à des charlatans qui vendent leurs théories complotistes de prospérer, et vous avez favorisé les abandons de soins. Allez dire, enfin, qu'il faut lutter contre les déserts médicaux, car c'est de ce vide, de cette absence de réponse médicale et de prévention que se nourrissent les marchands de malheur, les gourous et les charlatans divers et variés.
Bien sûr, nous voterons ce texte, mais il appelle de nombreux autres débats. C'est pourquoi nous vous invitons à engager, dans les semaines et les mois à venir, une réflexion approfondie sur la casse de la santé publique, la casse républicaine que vous provoquez en attaquant, de manière inédite, les services publics. D'ailleurs, le ministre de la transformation et de la fonction publiques l'a encore fait cet après-midi, en menaçant le statut des fonctionnaires.
Si nous voulons la débarrasser des dérives sectaires, nous avons besoin d'une République qui soit forte et se mette au service de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en accomplissant sa mission d'égalité et d'accompagnement.
Je vous informe que sur le vote du projet de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Didier Paris.
Nous arrivons à la fin de la navette parlementaire, même si celle-ci a subi une légère sortie de route puisque le Sénat a adopté une motion tendant à opposer la question préalable à la délibération et a, ainsi, refusé d'examiner le texte. En réalité, cette décision a été prise à une courte majorité puisque, outre la majorité présidentielle, les groupes Socialiste, Communiste, Écologiste et Indépendants ont refusé de voter la question préalable, considérant que le débat devait se poursuivre. Après avoir entendu les représentants de ces groupes s'exprimer aujourd'hui, je reconnais volontiers leur sens de la mesure et salue la manière dont ils abordent le sujet. Il y a discussion et c'est bien normal – nous sommes ici pour débattre.
Nous discutons du projet de loi dans sa version adoptée en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 20 mars, sans qu'il soit possible de l'amender. Portons une analyse lucide sur ce texte : à mes yeux et aux yeux de la majorité présidentielle, il s'agit d'un texte nécessaire et ambitieux. Il est ambitieux car il touche, en réalité, une donnée éminemment subjective, contrairement à la législation et à la jurisprudence actuelles. Il vise des situations très particulières, délicates à circonscrire, de sujétions physiques ou psychologiques.
Telle est l'ambition de ce texte qui répond à une évolution. Et c'est là le deuxième aspect du texte : il est d'actualité et tout à fait contemporain. En effet, la loi About-Picard, que nous avons longuement évoquée, ne répond pas à la notion de sujétion et ne vise que les abus de faiblesse, essentiellement sur le volet patrimonial. La loi accusait donc, pardonnez-moi l'expression, de considérables trous dans la raquette à ce sujet.
Il s'agit d'un texte ambitieux donc, et nouveau : le phénomène des dérives sectaires – 2.0 ou de toute nature – est de plus en plus présent dans notre société – cela a été évoqué et je n'y reviendrai pas.
C'est aussi un texte de liberté. Certains ont fait référence au Conseil d'État, ce qui témoigne, à mon sens, d'un défaut de lecture ou, en tout cas, d'une lecture incomplète. Certes, le Conseil d'État rappelle qu'il existe des règles régissant le dialogue bilatéral entre le médecin et le patient ; toutefois, dès lors qu'il s'agit d'un discours grand public et d'une communication impersonnelle, nous n'avons pas d'éléments de réponse. C'est pourquoi il fallait impérativement trouver un moyen efficace de lutter contre ces phénomènes. C'est donc un texte de liberté parce qu'il préserve la liberté de conscience, la liberté de refus de soins qui est propre à l'intime de chacun d'entre nous, et la possibilité de choisir un traitement, voire de le refuser – ce n'est pas facile à vivre lorsque cela concerne un proche, mais c'est une donnée essentielle. Il préserve également la liberté de la presse et valorise, en quelque sorte, la qualité de l'information puisqu'il permettra de retenir la volonté libre et éclairée de la personne lorsqu'elle aura bénéficié d'une information effective et efficace.
Enfin, il s'agit d'un texte de précaution. Nous assumons son volet pénal, dont il a été largement question, parce que nous avons besoin d'une répression pénale adaptée, actuellement insuffisante. Il n'est pas cohérent de prévoir des circonstances aggravantes, parfaitement justifiées, dans le cas du meurtre d'un enfant, mais de ne pas en retenir lorsqu'il s'agit du meurtre d'une personne en état de faiblesse, sous sujétion psychologique ou physique, à la suite de manœuvres frauduleuses dont elle aurait été victime.
Nous renforçons donc le rôle de la Miviludes et poursuivons la protection des victimes et des associations qui les défendent. C'est pourquoi j'invite chacun d'entre vous, en conscience, compte tenu des éléments dont vous avez connaissance, à voter, comme le groupe Renaissance que j'ai l'honneur de représenter, ce texte d'évolution central.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Victor Hugo disait : « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface ».
En engageant la procédure accélérée sur le projet de loi relatif aux dérives sectaires, c'est la réalité du macronisme qui remonte à la surface : un système fâché avec la représentation nationale, qui préfère la division à l'union. Sur un sujet pourtant si consensuel au sein de la classe politique et si important pour les Français, le Gouvernement et la majorité ont réussi à tout gâcher. Du fait de votre entêtement et de votre dogmatisme, le Sénat a examiné le texte à deux reprises et l'Assemblée en débat désormais pour la troisième fois en séance publique, à la suite d'une CMP non conclusive. Il aurait pourtant été si simple, compte tenu de l'objet du texte, d'obtenir un vote conforme, à l'unanimité. À ce niveau-là, ce n'est plus une navette parlementaire, mais un navet législatif !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Malgré son intitulé séduisant, le présent texte ne permet pas d'améliorer l'accompagnement des victimes. En faisant le choix unique de la répression, le camp présidentiel a omis le volet préventif et curatif, comme celui de la prise en charge concrète des victimes d'emprise sectaire. Au fur et à mesure des débats, le texte a été allongé, mais il n'a pas été grandi pour autant.
Pourtant, l'enjeu de la lutte contre les dérives sectaires est fondamental et les chiffres le démontrent. Les signalements à la Miviludes ont augmenté de 86 % entre 2018 et 2023. Derrière ces chiffres, ce sont des centaines de milliers de femmes et d'hommes, mineurs ou majeurs, qui subissent une vie drapée dans le rideau de la dépendance et de la manipulation.
L'actualité des phénomènes sectaires a d'ailleurs été démontrée samedi dernier, à l'occasion de l'inauguration du nouveau siège de l'Église de scientologie en Seine-Saint-Denis. Ce hasard du calendrier devrait alerter sur la nécessité de légiférer à la hauteur des enjeux, ce qui n'a malheureusement pas été fait.
Les victimes du poison sectaire sont atteintes dans leur esprit et dans leur chair et les conséquences sont parfois irréversibles, surtout pour les enfants qui seraient plus de 70 000 à être élevés dans un contexte sectaire. Plus généralement, les gourous, qui ont toujours existé et existeront hélas toujours, se nourrissent du malaise de notre société et jouissent désormais d'un rayon d'influence démesuré dans la sphère numérique. Comme l'avait annoncé en mars 2023 Christian Gravel, alors président de la Miviludes, l'ère des réseaux sociaux a amené avec elle une « démultiplication de micro-influenceurs sectaires ». Ces charlatans 2.0 se servent de vidéos alléchantes et de promesses de bonheur pour étendre leur pouvoir sur les personnes vulnérables, en particulier les plus jeunes.
C'est pour tenir compte de la force de frappe numérique de ces dérives que le Rassemblement national avait proposé un renforcement de la peine applicable en cas d'incitation sectaire commise en ligne. C'est également pour cette raison que nous avions pris à bras-le-corps la question du délai imposé au fournisseur d'accès internet pour bloquer les informations délivrées par un groupement sectaire. Toutes ces propositions de bon sens ont été rejetées.
En outre, si les victimes ne seront pas vraiment mieux accompagnées, il y a une cible que la Macronie n'a pas manquée : les lanceurs d'alerte, qui seront désormais muselés par l'article 4 du projet de loi, attentatoire à la liberté d'expression comme à la liberté du débat scientifique. Le parcours de cet article est à l'image du parcours du projet de loi : rocambolesque ! Supprimé de la version initiale du projet de loi par le Sénat, rétabli par la commission des lois de l'Assemblée nationale, puis supprimé en séance lors de l'examen du texte en première lecture, ce mauvais article a été réintroduit par une deuxième délibération ; alors qu'il avait été chassé par la porte de la démocratie, le Gouvernement l'a fait revenir par la fenêtre de la magouille politicienne ! Rappelons qu'il a été jugé inconstitutionnel et disproportionné par le Conseil d'État et qu'il est, surtout, superflu, puisqu'il existe déjà six infractions qui permettent de réprimer la promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire.
Bien loin de garantir la répression des manipulateurs sectaires, il permet de poursuivre des personnalités telles qu'Irène Frachon, qui avait pourtant révélé le scandale du Mediator et sauvé des milliers de vies. Pour sauver l'article 4, vous avez tenté de le modifier en excluant les lanceurs d'alerte du champ de l'infraction. Mais, de nouveau et pour la troisième fois, je vous le dis : c'est une chimère ! Il y a un problème de temporalité que vous ne parvenez pas à résoudre et auquel vous n'avez jamais été capables d'apporter une quelconque réponse.
Avant d'avoir publiquement raison, le propre d'un lanceur d'alerte est d'avoir tort. Vous vous contentez de prévoir – le cœur léger et, surtout, les yeux fermés – une exemption pour les lanceurs d'alerte, ce qui, du point de vue du droit pénal, est ubuesque et incompréhensible. En effet, cet article permettra le lancement de poursuites à l'encontre des auteurs présumés de provocations – donc leur condamnation. C'est oublier que, parfois, les allégations d'un lanceur d'alerte ne sont légitimées dans l'opinion que des années après les faits.
En fin de compte, le texte a été modifié au gré des examens, sans être enrichi par de véritables mesures d'accompagnement – de prévention ou de prise en charge – des victimes de dérives sectaires, et l'article 4 n'a pas été supprimé. Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national votera – une bonne fois pour toutes – contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 266
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l'adoption 146
Contre 104
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra