Malgré son intitulé séduisant, le présent texte ne permet pas d'améliorer l'accompagnement des victimes. En faisant le choix unique de la répression, le camp présidentiel a omis le volet préventif et curatif, comme celui de la prise en charge concrète des victimes d'emprise sectaire. Au fur et à mesure des débats, le texte a été allongé, mais il n'a pas été grandi pour autant.
Pourtant, l'enjeu de la lutte contre les dérives sectaires est fondamental et les chiffres le démontrent. Les signalements à la Miviludes ont augmenté de 86 % entre 2018 et 2023. Derrière ces chiffres, ce sont des centaines de milliers de femmes et d'hommes, mineurs ou majeurs, qui subissent une vie drapée dans le rideau de la dépendance et de la manipulation.
L'actualité des phénomènes sectaires a d'ailleurs été démontrée samedi dernier, à l'occasion de l'inauguration du nouveau siège de l'Église de scientologie en Seine-Saint-Denis. Ce hasard du calendrier devrait alerter sur la nécessité de légiférer à la hauteur des enjeux, ce qui n'a malheureusement pas été fait.
Les victimes du poison sectaire sont atteintes dans leur esprit et dans leur chair et les conséquences sont parfois irréversibles, surtout pour les enfants qui seraient plus de 70 000 à être élevés dans un contexte sectaire. Plus généralement, les gourous, qui ont toujours existé et existeront hélas toujours, se nourrissent du malaise de notre société et jouissent désormais d'un rayon d'influence démesuré dans la sphère numérique. Comme l'avait annoncé en mars 2023 Christian Gravel, alors président de la Miviludes, l'ère des réseaux sociaux a amené avec elle une « démultiplication de micro-influenceurs sectaires ». Ces charlatans 2.0 se servent de vidéos alléchantes et de promesses de bonheur pour étendre leur pouvoir sur les personnes vulnérables, en particulier les plus jeunes.
C'est pour tenir compte de la force de frappe numérique de ces dérives que le Rassemblement national avait proposé un renforcement de la peine applicable en cas d'incitation sectaire commise en ligne. C'est également pour cette raison que nous avions pris à bras-le-corps la question du délai imposé au fournisseur d'accès internet pour bloquer les informations délivrées par un groupement sectaire. Toutes ces propositions de bon sens ont été rejetées.
En outre, si les victimes ne seront pas vraiment mieux accompagnées, il y a une cible que la Macronie n'a pas manquée : les lanceurs d'alerte, qui seront désormais muselés par l'article 4 du projet de loi, attentatoire à la liberté d'expression comme à la liberté du débat scientifique. Le parcours de cet article est à l'image du parcours du projet de loi : rocambolesque ! Supprimé de la version initiale du projet de loi par le Sénat, rétabli par la commission des lois de l'Assemblée nationale, puis supprimé en séance lors de l'examen du texte en première lecture, ce mauvais article a été réintroduit par une deuxième délibération ; alors qu'il avait été chassé par la porte de la démocratie, le Gouvernement l'a fait revenir par la fenêtre de la magouille politicienne ! Rappelons qu'il a été jugé inconstitutionnel et disproportionné par le Conseil d'État et qu'il est, surtout, superflu, puisqu'il existe déjà six infractions qui permettent de réprimer la promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire.
Bien loin de garantir la répression des manipulateurs sectaires, il permet de poursuivre des personnalités telles qu'Irène Frachon, qui avait pourtant révélé le scandale du Mediator et sauvé des milliers de vies. Pour sauver l'article 4, vous avez tenté de le modifier en excluant les lanceurs d'alerte du champ de l'infraction. Mais, de nouveau et pour la troisième fois, je vous le dis : c'est une chimère ! Il y a un problème de temporalité que vous ne parvenez pas à résoudre et auquel vous n'avez jamais été capables d'apporter une quelconque réponse.
Avant d'avoir publiquement raison, le propre d'un lanceur d'alerte est d'avoir tort. Vous vous contentez de prévoir – le cœur léger et, surtout, les yeux fermés – une exemption pour les lanceurs d'alerte, ce qui, du point de vue du droit pénal, est ubuesque et incompréhensible. En effet, cet article permettra le lancement de poursuites à l'encontre des auteurs présumés de provocations – donc leur condamnation. C'est oublier que, parfois, les allégations d'un lanceur d'alerte ne sont légitimées dans l'opinion que des années après les faits.
En fin de compte, le texte a été modifié au gré des examens, sans être enrichi par de véritables mesures d'accompagnement – de prévention ou de prise en charge – des victimes de dérives sectaires, et l'article 4 n'a pas été supprimé. Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national votera – une bonne fois pour toutes – contre ce texte.