Nous arrivons à la fin de la navette parlementaire, même si celle-ci a subi une légère sortie de route puisque le Sénat a adopté une motion tendant à opposer la question préalable à la délibération et a, ainsi, refusé d'examiner le texte. En réalité, cette décision a été prise à une courte majorité puisque, outre la majorité présidentielle, les groupes Socialiste, Communiste, Écologiste et Indépendants ont refusé de voter la question préalable, considérant que le débat devait se poursuivre. Après avoir entendu les représentants de ces groupes s'exprimer aujourd'hui, je reconnais volontiers leur sens de la mesure et salue la manière dont ils abordent le sujet. Il y a discussion et c'est bien normal – nous sommes ici pour débattre.
Nous discutons du projet de loi dans sa version adoptée en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 20 mars, sans qu'il soit possible de l'amender. Portons une analyse lucide sur ce texte : à mes yeux et aux yeux de la majorité présidentielle, il s'agit d'un texte nécessaire et ambitieux. Il est ambitieux car il touche, en réalité, une donnée éminemment subjective, contrairement à la législation et à la jurisprudence actuelles. Il vise des situations très particulières, délicates à circonscrire, de sujétions physiques ou psychologiques.
Telle est l'ambition de ce texte qui répond à une évolution. Et c'est là le deuxième aspect du texte : il est d'actualité et tout à fait contemporain. En effet, la loi About-Picard, que nous avons longuement évoquée, ne répond pas à la notion de sujétion et ne vise que les abus de faiblesse, essentiellement sur le volet patrimonial. La loi accusait donc, pardonnez-moi l'expression, de considérables trous dans la raquette à ce sujet.
Il s'agit d'un texte ambitieux donc, et nouveau : le phénomène des dérives sectaires – 2.0 ou de toute nature – est de plus en plus présent dans notre société – cela a été évoqué et je n'y reviendrai pas.
C'est aussi un texte de liberté. Certains ont fait référence au Conseil d'État, ce qui témoigne, à mon sens, d'un défaut de lecture ou, en tout cas, d'une lecture incomplète. Certes, le Conseil d'État rappelle qu'il existe des règles régissant le dialogue bilatéral entre le médecin et le patient ; toutefois, dès lors qu'il s'agit d'un discours grand public et d'une communication impersonnelle, nous n'avons pas d'éléments de réponse. C'est pourquoi il fallait impérativement trouver un moyen efficace de lutter contre ces phénomènes. C'est donc un texte de liberté parce qu'il préserve la liberté de conscience, la liberté de refus de soins qui est propre à l'intime de chacun d'entre nous, et la possibilité de choisir un traitement, voire de le refuser – ce n'est pas facile à vivre lorsque cela concerne un proche, mais c'est une donnée essentielle. Il préserve également la liberté de la presse et valorise, en quelque sorte, la qualité de l'information puisqu'il permettra de retenir la volonté libre et éclairée de la personne lorsqu'elle aura bénéficié d'une information effective et efficace.
Enfin, il s'agit d'un texte de précaution. Nous assumons son volet pénal, dont il a été largement question, parce que nous avons besoin d'une répression pénale adaptée, actuellement insuffisante. Il n'est pas cohérent de prévoir des circonstances aggravantes, parfaitement justifiées, dans le cas du meurtre d'un enfant, mais de ne pas en retenir lorsqu'il s'agit du meurtre d'une personne en état de faiblesse, sous sujétion psychologique ou physique, à la suite de manœuvres frauduleuses dont elle aurait été victime.
Nous renforçons donc le rôle de la Miviludes et poursuivons la protection des victimes et des associations qui les défendent. C'est pourquoi j'invite chacun d'entre vous, en conscience, compte tenu des éléments dont vous avez connaissance, à voter, comme le groupe Renaissance que j'ai l'honneur de représenter, ce texte d'évolution central.