Fruit d'un compromis patiemment construit depuis le lancement du plan Messmer, notre modèle de sûreté nucléaire a largement fait ses preuves. Il repose, je le rappelle, sur la séparation des activités de contrôle de la sûreté nucléaire et des missions d'expertise et de recherche. Cette distinction a permis et permet encore de conjuguer les compétences et de développer une capacité de diagnostic particulièrement efficace pour assurer la sûreté des sites existants ainsi que la protection des populations.
Cette organisation duale, qui a contribué à éviter un accident nucléaire majeur, participe de manière évidente à la confiance que nos concitoyens placent dans la filière électronucléaire. Plus d'un Français sur deux juge efficace le contrôle de la sûreté des centrales nucléaires, niveau de confiance jamais atteint depuis 2014.
Alors, pourquoi bousculer une organisation qui fonctionne et que ses acteurs souhaitent préserver ? Pourquoi prendre le risque d'entamer la confiance de nos concitoyens dans la sûreté nucléaire, précisément au moment où l'on décide enfin de relancer la filière ? Pourquoi vouloir conduire à marche forcée une réforme de la sûreté nucléaire aux conséquences incertaines alors que la période et les défis à venir invitent plutôt à miser sur la stabilité ?
Contrairement à ce que vous affirmez, votre projet n'est pas, avec ce texte, de renforcer la transparence et l'efficacité de notre système de sûreté nucléaire. Si vous vouliez conforter l'expertise et la recherche et bâtir une sécurité nucléaire plus efficace, il suffisait en vérité de renforcer les moyens financiers et humains. L'une des priorités aurait été de mettre fin, pour ne citer qu'un exemple, à la réduction continue des moyens que subit l'IRSN depuis dix ans.
Votre objectif avec cette réforme n'est donc pas de consolider l'organisation de notre sûreté nucléaire, il est d'abord de fluidifier le système, de favoriser l'émergence d'un interlocuteur unique qui facilitera dangereusement l'entrée sur le marché d'opérateurs privés, notamment ceux qui promeuvent des projets de nucléaire modulaire. Il s'agit en somme, comme le souligne le rapport du Sénat, de contribuer à la rationalisation des compétences critiques et de simplifier la relation avec les start-up – notez bien : « la relation avec les start-up ».