Le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire honore plusieurs engagements.
Tout d'abord, il crée les conditions nécessaires pour que la relance de la filière nucléaire soit effective. Dès l'an dernier, lorsque le rapport de l'Opecst a été rendu public, nous avons souligné que la réorganisation des autorités de sûreté nucléaire, l'ASN et l'IRSN, devait faire l'objet d'un projet de loi spécifique, assorti d'une étude d'impact complète. C'est chose faite : jeudi 4 avril, en CMP, nos deux chambres ont trouvé un accord qui fixe les modalités de la fusion des organismes de contrôle.
En l'état, les conditions ne sont pas réunies pour que l'ASN assure l'ensemble de ses missions tout en accompagnant le déploiement du programme inscrit dans la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires que nous avons votée en mai 2023.
Notre rôle est de garantir au seul organisme indépendant et décisionnaire – aujourd'hui l'ASN, demain l'ASNR – les meilleures conditions d'expertise possible. Au fil des politiques qui ont délaissé le nucléaire et nous ont fait perdre en souveraineté énergétique, nous n'avons pas été suffisamment attentifs aux conditions de travail de cette autorité indépendante. Nous nous retrouvons avec un écart énorme de moyens humains entre l'IRSN, qui dispose de près de 1 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et l'ASN, qui n'en compte que 500 environ.
Il ne s'agit plus de regarder ses pieds en se disant que tout va bien, dans un contexte de stagnation ; il convient d'anticiper le déploiement du nouveau programme nucléaire. Bien que certains aient du mal avec l'anticipation, essayons de nous projeter ensemble dans dix ans, une fois que le programme aura été déployé. Actuellement, l'ASN procède à 2 000 inspections et délivre environ 2 000 décisions individuelles d'autorisation et d'enregistrement chaque année ; en 2035, ces chiffres seront quatre à cinq fois plus élevés. Sans ce projet de loi, le contrôle assuré par l'ASN ne pourra être à la hauteur des exigences que nous nous fixons en matière de sûreté.
La relance du nucléaire fera peser sur l'ASN une charge de travail considérable : il s'agira à la fois de garantir la prolongation du parc actuel dans de bonnes conditions, de superviser la construction des réacteurs EPR, d'examiner les options pour les réacteurs de nouvelle génération tels que les SMR et de relancer la fermeture du cycle du combustible grâce aux réacteurs à neutrons rapides.
Le texte issu de la CMP assure la continuité des missions incombant aux acteurs mobilisés, et ne modifie nullement le cadre de sûreté nucléaire existant. Il sépare les rôles d'expertise et de décision dans la nouvelle organisation – la CMP a tenu à conforter cette séparation.
Il renforce également la transparence et la déontologie dont l'ASNR doit faire preuve, tant à l'égard du grand public qu'à l'égard du Parlement et de l'Opecst.
Il autorise la portabilité des droits des travailleurs transférés et donne une marge de manœuvre à l'ASNR pour qu'elle recrute les meilleurs chercheurs et ingénieurs de la filière – ce sera évidemment un gage d'excellence pour la sûreté nucléaire française. Il augmente le niveau des rémunérations des travailleurs et leur donne des perspectives d'évolution, comme le statut de fonctionnaire, ce qui rendra les métiers du nucléaire plus attractifs.
Enfin, il coordonne le rôle et le positionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique, à l'heure où les décideurs politiques doivent davantage prendre en compte la parole scientifique.
Toutes les conditions sont donc réunies pour que notre sûreté nucléaire se conforme aux meilleurs standards internationaux, tout en prenant en compte les spécificités du nucléaire français.
Lors de l'examen de ce projet de loi, il y a eu beaucoup de bavardage : certains utilisent ce texte pour ralentir le déploiement du programme nucléaire – nous ne sommes pas dupes.