Comme nous le disons depuis le début de l'examen de ce texte, nous partageons pleinement l'objectif d'informer, de sensibiliser aux dangers des dérives sectaires et de lutter au mieux contre ce phénomène évolutif qui fait chaque année des milliers de victimes. En ce sens, le statut législatif conféré à la Miviludes par l'article 1er A constitue une avancée indéniable. Cette mission joue un rôle central, puisqu'elle coordonne l'action préventive et répressive des pouvoirs publics et informe le public des risques auxquels il est exposé. En 2020, elle était menacée de disparition : en l'inscrivant dans la durée, en confortant son statut interministériel, en reconnaissant l'ensemble des fonctions qu'elle exerce, nous l'aurons renforcée.
S'agissant des autres dispositions, nous sommes plus réservés ; nous doutons en particulier de l'efficacité de mesures essentiellement répressives. Prévenir plus efficacement les risques de dérives sectaires exige, en effet, de mobiliser prioritairement les moyens matériels et humains nécessaires en faveur de l'effectivité des mesures existantes, d'une meilleure formation des professionnels, d'une véritable politique de prévention et d'éducation. Aussi regrettons-nous que le Gouvernement, avant de proposer de nouveaux délits, n'ait pas procédé à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal.
L'article 1er , en particulier, qui vise à réprimer le fait de placer ou de maintenir autrui dans un état de « sujétion psychologique ou physique », est non seulement inutile, mais source de confusion. Tout d'abord, depuis la loi About-Picard, l'article 223-15-2 du code pénal concerne à la fois l'abus d'une faiblesse objective – due à l'âge, à l'état de santé, à une grossesse – et celui d'une faiblesse subjective, c'est-à-dire d'un « état de sujétion ». Ces dispositions sont équilibrées, claires, précises : rien n'en justifiait la remise en cause.
Ensuite, l'article 222-33-2-2 du code pénal, qui porte sur le harcèlement, recense déjà de manière exhaustive les comportements visés par la nouvelle infraction.
Enfin, cette dernière permet de sanctionner tout type d'emprise, religieuse, idéologique, conjugale, familiale, car la notion de dérive sectaire n'est pas définie par la loi. Elle risque donc de fragiliser les dispositions concernant les infractions existantes, en particulier celles qui visent à réprimer les violences à l'encontre des femmes et les violences intrafamiliales.
L'article 4 tend pour sa part à réprimer la provocation à abandonner des soins nécessaires, à s'en abstenir, ou encore à adopter des pratiques présentées comme bénéfiques, mais exposant manifestement à des risques graves. Certes, il est indispensable de répondre à la multiplication de telles incitations ; rappelons toutefois que notre droit sanctionne l'exercice illégal de la médecine, l'homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État, dans son avis, considère « que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ». On peut donc se demander s'il est, là encore, utile de légiférer à nouveau sur ce point.
Surtout, en dépit des modifications intervenues au cours de la navette parlementaire, la rédaction de cet article reste insatisfaisante : ces réécritures approximatives attestent la fragilité du dispositif, qui peine à concilier d'une part la protection de la santé publique, d'autre part la liberté de choisir ou de refuser des soins, la liberté d'expression, y compris celle du débat scientifique et des lanceurs d'alerte, la liberté de pratiquer une médecine non conventionnelle, telle que l'acupuncture ou l'ostéopathie.
En définitive, vous l'aurez compris, le groupe GDR – NUPES ne votera pas en faveur de ce texte juridiquement fragile, et qui n'est pas en mesure de lutter efficacement contre les dérives sectaires.