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Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du mardi 9 avril 2024 à 15h00
Discussion des articles (projet de loi) — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

…ni de l'Anccli. Même la Cour des comptes, pourtant avide de processus de réorganisation et de fusion, déclarait en 2014 que « la fusion [de l'ASN et de l'IRSN] constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu'elle soulèverait », et adoptait successivement, en octobre 2018 et avril 2021, des observations définitives relatives à ces deux organismes, pointant d'ailleurs leur efficacité.

Et je ne parle pas des premiers concernés que sont les salariés ! Du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à l'IRSN, tous ont dénoncé les risques majeurs liés au projet, s'alarmant d'un possible délitement de la recherche et d'une possible désorganisation de la sûreté nucléaire en pleine relance de la filière. Et tous ont signalé les risques de perte de compétence et d'indépendance qu'une fusion occasionnerait.

Comme beaucoup, parmi ceux qui croient à la relance de la filière nucléaire, nous ne pouvons ignorer ces alertes, d'autant que le débat nous a prouvé, une fois de plus, combien le projet ne répond, au bout du compte, à aucune justification technique ou scientifique. Il est seulement le fait du prince ! Les réelles justifications d'un tel pari demeureront opaques et secrètes, murées dans le silence du conseil de politique nucléaire et d'un rapport confidentiel.

Patiemment, au rythme des alternances et des événements, la France a construit un modèle original, unique ; un modèle de sûreté qui vise le progrès continu et qui s'oppose en l'occurrence au modèle américain. Vouloir casser ce modèle, c'est ignorer que la démonstration de la sûreté ne peut se résumer à une assertion. Il faut douter pour convaincre ! J'insiste : en matière de sûreté et de sécurité, le doute doit tracer la route.

Si le modèle français a perduré, c'est qu'il a été un moteur de changement et qu'il répond aux défis du moment, qui sont, je le répète, la relance de la filière et la prolongation de la durée de vie des centrales existantes.

Pourquoi, dès lors, mettre au placard ce qui a permis à la France d'être le pays à la fois le plus en avance en matière nucléaire et le plus sûr de son parc ? Pourquoi réformer ce qui fonctionne dans un pays où tant de choses vont si mal ? Pourquoi donner des arguments supplémentaires à mes collègues qui expriment des doutes importants sur la relance de la filière ? Depuis un an et demi, il est plus que légitime de se poser ces questions.

Loin d'y répondre, la discussion de ce texte aura accumulé les invraisemblances, entre déni et ignorance du Gouvernement. Le débat aura été empêché, y compris lorsque nous avons souhaité améliorer les conditions de cette fusion pour les personnels et l'organisation – transformation de l'ASNR en autorité administrative indépendante (AAI) ou séparation des expertises, de défense et civile, jusqu'à présent conjointes.

Que l'on croie ou non à la relance nucléaire, l'absence d'étude d'opportunité sérieuse doit nous conduire à refuser de donner un blanc-seing à ce projet jupitérien de fausse simplification. Fusionner des entités comme l'ASN et l'IRSN n'améliorera pas la fluidité du système – rien ne le démontre. Au mieux, la réforme durera dix ans. Quels gains en tirerons-nous ? Nous n'en savons rien. La quête de rationalité et d'efficience des grands ministères et des administrations ne produit pas souvent de bons résultats…

Votre réforme créera une surcharge de travail inédite pour une structure en pleine réorganisation et des personnels sous tension. Avons-nous amélioré la gouvernance territoriale en fusionnant les régions ?

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