Si le projet de loi de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire est loin de faire consensus sur le plan politique, ce n'est pas pour des raisons idéologiques mais bien parce qu'il est contre-productif. Nous sommes loin du clivage entre les pro et les antinucléaires dans lequel vous avez voulu enfermer le débat. Nous le disons depuis plus d'un an.
À de nombreuses reprises, vous avez vous-même rappelé que l'organisation actuelle fonctionnait. Aucun diagnostic négatif n'a d'ailleurs motivé ce projet de réforme, présenté le 20 décembre devant le Conseil des ministres.
Ce texte remet en cause un système de gouvernance dual qui a pourtant fait ses preuves depuis des années. Distinguant clairement l'expert qu'est l'IRSN de l'autorité qu'est l'ASN pour les installations civiles, il est reconnu et plébiscité dans le monde entier. Adopté par de nombreux pays européens, il a prouvé son efficacité, qu'il s'agisse d'évaluer la prolongation à cinquante ans de la durée d'exploitation des centrales existantes et la conception de l'EPR, de tirer les enseignements de la catastrophe de Fukushima et de l'accident de radiothérapie d'Épinal ou encore de mesurer les risques associés à la centrale ukrainienne de Zaporijjia. Les experts de l'IRSN sont sollicités par de nombreux pays et ses chercheurs assurent la direction de grands projets internationaux.
Votre projet de fusion-absorption a été conçu dans le but affiché de raccourcir les délais des procédures réglementaires, qui pénaliseraient les projets nucléaires, sans réduire la performance de sûreté. Si ce texte était finalement adopté, il est presque certain qu'il ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé et qu'il affecterait à terme la confiance dans la filière nucléaire.
Il y a trois raisons à cela. Premièrement, l'allongement des délais est dû non pas aux dérives de l'expertise scientifique de l'IRSN mais à la bureaucratisation croissante du contrôle de la sûreté, que vous avez soulignée vous aussi. Comme cette évolution est imputable aux pratiques de l'Autorité de sûreté nucléaire, la fusion IRSN-ASN n'aura pas d'effets positifs, elle pourrait même aggraver la situation.