Si la lutte contre les dérives sectaires est un sujet d'intérêt public, légiférer est délicat, car il faut tout à la fois permettre aux opinions de s'exprimer, aux libertés de s'exercer, et à nos concitoyens d'être protégés – voilà la ligne de crête. Et de ce point de vue, vous avez échoué.
Je m'explique : vous auriez dû créer les moyens d'empêcher les auteurs de dérives sectaires d'agir et de récidiver, et doter l'éducation, la recherche, la santé et la justice de moyens et de personnels, car il est bien connu que l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires – numériques ou non –, est conditionnée par de véritables mesures préventives et éducatives soutenues par des moyens suffisants.
Rien dans ce texte ne va dans ce sens, et pour cause : vous ne faites qu'imposer une austérité mortifère ! Ce que vous auriez dû faire : sanctuariser la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, en la rendant indépendante du pouvoir exécutif, ce qui lui aurait donné légitimité et pouvoir pour mener à bien ses missions. Ce que vous auriez dû faire : soutenir les associations d'éducation populaire et de défense des victimes, car l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires est conditionnée à un accompagnement et à un suivi psycho-social des victimes. Et pourtant, il n'en n'est rien. Au contraire, vous ne cessez de couper les subventions aux associations, même aux associations d'aide aux victimes que vous ne soutenez pas davantage, en totale contradiction avec les affirmations du garde des sceaux.
Ce que vous faites : encore de la surenchère pénale. À ce titre, vous codifiez des agissements qui existent déjà dans l'arsenal pénal : pratique illégale de la médecine, incitation à l'abandon de soins, mise en danger de la vie d'autrui, abus de faiblesse ou encore non-assistance à personne en danger. Ce que vous faites, en définitive, revient à menacer nos libertés. Or, la lutte contre les dérives sectaires ne consiste pas à codifier des croyances, mais à combattre les dérives induites par certaines d'entre elles, lorsqu'elles ont des conséquences dommageables sur la santé physique et mentale des adeptes et de leur famille ainsi que sur l'ordre public.
Par ailleurs, votre projet de loi entraîne l'automaticité de certaines peines, allant à l'encontre de principes fondamentaux comme la liberté d'expression et l'individualisation des peines. La surpénalisation n'est aucunement la solution et ne fera pas cesser les dérives sectaires. De plus, votre objectif affiché de protection des victimes est louable mais à défaut de moyens, ce texte se contente d'empiler des peines et des sanctions, en contradiction avec les libertés fondamentales – la ligne de crête que j'évoquais il y a un instant.
En somme, votre texte est une coquille vide au regard de son objectif. Mais comme il faut paraître sévère, il promeut l'aggravation des peines au mépris des libertés fondamentales : un classique dans cette majorité relative ! De même que la crise sanitaire n'explique pas à elle seule la montée des dérives sectaires, la crise sociale, la crise écologique ou encore la crise démocratique que vous ne cessez d'alimenter sont autant de facteurs qui plongent nos concitoyens dans un désarroi qui profite aux marchands de chimères : autant de crises où vous avez brillé par votre incompétence, ou pire encore, par votre indifférence. La prévention est la clé et seuls les moyens permettront des résultats. Mais votre loi, sans moyens et uniquement répressive, sera une loi sans intérêt, sans résultat et privatrice de liberté.