Nous examinons ce projet de loi en lecture définitive : les deux chambres n'étant pas parvenues à s'accorder sur une rédaction commune, le dernier mot revient à l'Assemblée nationale. Cette navette a pour conséquence que l'ordre du jour percute l'actualité de plein fouet : vous aurez pu, comme moi, apprendre qu'avait été inauguré à Saint-Denis, ce week-end, un centre de formation de cinq étages appartenant à l'Église de scientologie. Les élus locaux se sont pourtant opposés durant des années à cette ouverture, permise par le Conseil d'État. Je constate en tout cas que, malgré ce que nous sommes amenés à voter, ce texte n'empêcherait pas le développement de sectes de ce genre.
Le groupe LIOT observe donc avec inquiétude la prolifération des dérives sectaires, phénomène encore exacerbé par de nouveaux canaux de diffusion : réseaux sociaux, messageries instantanées. Il est nécessaire de faire évoluer l'arsenal législatif afin de mieux protéger les personnes vulnérables ou sous emprise, d'autant que – je tiens à le rappeler – ce n'est pas tant la répression des gourous que cette protection, assurée par la puissance publique, qui permettra d'endiguer le phénomène. C'est pourquoi nous saluons la consécration de la Miviludes, qui a su démontrer son utilité et son efficacité, ainsi que de son caractère interministériel ; nous regrettons cependant le rejet de nos amendements visant à en préciser les actions.
Nous saluons également les associations, en première ligne dans ce combat : l'endiguement des sectes ne pourrait avoir lieu sans leur aide précieuse. En ouvrant la possibilité aux associations agréées, et non plus seulement aux seules associations d'utilité publique, de se constituer partie civile, ce texte va dans le bon sens. Rappelons que le maintien de cette possibilité pour les associations d'utilité publique a été obtenu grâce à un amendement de ma collègue Béatrice Descamps.
Dès lors, nous accueillons cette version du texte de façon globalement positive. Cependant, notre groupe exprime une fois de plus son inquiétude au sujet de la portée et de l'application de l'article 4, bien que sa rédaction ait évolué à la suite de son rejet, à l'issue d'une première délibération, lors de l'examen du texte en séance. Les dispositions pénales en vigueur sont suffisantes, ainsi que l'a souligné le Conseil d'État dans son avis, considérant « que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».
En outre, nous doutons fortement de l'efficacité des mesures visant à protéger les lanceurs d'alerte. L'article prévoit désormais que l'infraction n'est plus constituée si la provocation à l'abstention de soins ou à des soins alternatifs s'accompagne « notamment » d'une « information claire et complète » : il convient de se poser des questions sur la légitimité et les compétences qu'auraient, pour informer de la sorte, les individus qui formulent de telles recommandations.
Comme de très nombreux Français, nous nous interrogeons, je le répète, au sujet de l'application de l'article 4, qui pourrait mettre à mal la liberté d'expression. Il faut du reste rappeler par quelle méthode cet article, supprimé par l'Assemblée nationale aussi bien que par le Sénat, fut réintroduit dans le texte, signe d'une démocratie peu respectueuse du travail parlementaire. Enfin, sa constitutionnalité n'est pas évidente : il conviendrait que le Conseil constitutionnel soit saisi dès l'adoption du texte, car, à défaut, il le sera inévitablement dans quelques années par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité, et la censure de l'article fragiliserait grandement les procédures en cours.
Néanmoins, quoique cet article demeure dangereux et inadapté, notre groupe votera majoritairement en faveur du texte.