La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je vous présente tous mes vœux pour cette nouvelle année, à vous et à vos familles.
Monsieur le Premier ministre, la seule question que se posent les Français à la suite de votre nomination à Matignon est simple : est-ce que cela va changer quelque chose pour eux ? La France connaît une dette abyssale qui la place au bord de la faillite, les Français ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois, nos frontières restent des passoires, la violence explose, on ne peut plus se faire soigner dans de nombreux départements, nos Ehpad manquent de tout et nous connaissons désormais une crise du logement sans précédent,…
…avec des salariés contraints de dormir dans leur voiture : les défis qui vous attendent sont immenses, c'est peu de le dire.
Le seul remède est d'agir, avec courage, même quand c'est difficile, même quand c'est impopulaire.
Nous nous sommes quittés en décembre après l'adoption du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ce texte a suscité une crise qui a fait imploser votre majorité …
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR
…et le gouvernement de Mme Borne, notamment sur la question de l'aide médicale de l'État (AME). Cette aide sociale versée au bénéfice de 400 000 clandestins coûte 1,2 milliard d'euros aux Français, ces mêmes Français à qui vous réclamez 50 centimes supplémentaires par boîte de médicaments…
…et dont vous déremboursez un peu plus les soins dentaires.
Monsieur le Premier ministre, votre prédécesseure et le ministre de l'intérieur s'étaient engagés devant la représentation nationale à réformer enfin l'AME pour la recentrer sur les soins d'urgence et vitaux. Allez-vous tenir cet engagement ? Quand nous présenterez-vous un projet de loi en ce sens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les députés des groupes RE, et la plupart des députés des groupes Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement. – Les autres députés des groupes Dem et HOR applaudissent aussi.
C'est la première fois que je m'exprime dans cet hémicycle en tant que Premier ministre. Vous me permettrez donc de commencer en remerciant le Président de la République pour sa confiance ,
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
ainsi que les membres du Gouvernement dont j'ai proposé la nomination et qui ont accepté de m'accompagner, mais aussi la représentation nationale pour son accueil.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le président Marleix, en choisissant de me nommer Premier ministre, le Président de la République a choisi de nommer un ministre du précédent gouvernement parfaitement lucide sur la situation du pays et des Français.
Oui, notre pays, comme le monde, affronte de très grands défis. Oui, des Français traversent de grandes difficultés. Certains doutent, certains souffrent, certains sont en colère et n'y croient plus. Mais je ne tomberai jamais dans le fatalisme consistant à penser que leurs problèmes ne peuvent pas être réglés.
Au contraire, car nous voyons chaque jour des Français qui innovent, qui investissent, qui travaillent ,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Fabrice Brun mime un violoniste
…qui s'engagent dans des associations par solidarité.
M. Manuel Bompard s'exclame.
Comme les membres de mon gouvernement et comme moi-même, ces Français cherchent tout simplement à faire progresser notre pays et à répondre aux attentes de nos concitoyens.
J'aurai évidemment l'occasion de présenter ma déclaration de politique générale.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
La déclaration de politique générale, c'est à vingt heures ce soir !
Nous allons engager ensemble plusieurs chantiers. Je suis lucide sur les difficultés, notamment celles que vous évoquez, et totalement mobilisé pour y répondre. Votre question porte sur l'immigration, sur notre modèle social et sur l'aide médicale de l'État. Un texte a été débattu et adopté au Parlement. Le Conseil constitutionnel en est saisi et se prononcera prochainement. Lors de l'examen du texte, un débat a eu lieu sur l'aide médicale de l'État. Ma prédécesseure, Élisabeth Borne, a pris un engagement écrit, qui sera tenu.
J'aurai l'occasion, dans ma déclaration de politique générale ,
« Quand ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
de présenter les chantiers à venir et la méthode de travail, mais, vous l'aurez compris, je souhaite avancer vite et fort pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens et permettre à notre pays d'affronter les grands défis qui l'attendent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur quelques bancs du groupe HOR.
Les belles paroles, c'est bien, mais l'action, c'est mieux. Je vous rappelle que l'AME est financée par l'argent des Français, à qui vous demandez un effort dans leurs dépenses de santé. Rien ne justifierait que vous ne passiez pas très vite à l'action. Nous attendons la réforme de l'AME pour ce début d'année, comme l'a promis votre prédécesseure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Au moment où chacun formule des vœux de bonne santé, celle-ci reste la préoccupation principale des Français, notamment dans les territoires ruraux. Dans les Vosges comme dans le reste du pays, la médecine de ville affiche un manque criant de médecins et les hôpitaux de personnels soignants. Cette situation s'explique par les décisions politiques prises il y a quarante ans, mais nos concitoyens n'ont pas vu d'amélioration depuis sept ans et la transformation du numerus clausus en numerus apertus n'a rien changé.
Monsieur le Premier ministre, à quel moment, avec Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités et avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, ouvrirez-vous plus largement l'accès aux études de médecine et donnerez-vous plus de moyens aux universités pour former davantage de médecins ?
Vous avez annoncé récemment l'octroi de 32 milliards supplémentaires à l'hôpital, ce qui constituerait une excellente nouvelle. Ce chiffre correspond à la hausse du budget de la branche maladie adoptée par le Parlement dans le projet de loi de finances pour 2024. Est-ce un pur hasard ?
Le chiffre que vous avez annoncé correspond-il à une nouvelle augmentation – une augmentation nécessaire – des crédits affectés à l'hôpital et à ses personnels ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Vous avez raison, depuis quarante ans, notre pays connaît des difficultés en ce qui concerne le nombre de médecins et la situation des personnels soignants. Vous le dites vous-même : ces difficultés existent depuis quarante ans !
Toutefois, depuis 2019, les dépenses d'assurance maladie – l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'Ondam – ont augmenté de près de 55 milliards, dont la moitié au bénéfice des établissements de santé. Face à la crise du covid-19, le Ségur de la santé a apporté des réponses en matière aussi bien de fonctionnement, avec la revalorisation salariale de l'ensemble des équipes soignantes, que d'investissements, grâce à un effort budgétaire de 19 milliards pour la période 2020-2029.
Au-delà des chiffres, je veux mettre en avant les investissements du quotidien en faveur desquels vous avez voté, mesdames et messieurs les députés.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous allons mettre en œuvre le budget que vous avez adopté afin de permettre aux hôpitaux d'être plus modernes et plus verts. Comme au centre hospitalier de Remiremont, ces investissements amélioreront la qualité de l'offre de soins au service des bassins de vie et de nos concitoyens. Trois maîtres-mots guident notre action :…
…accélérer les investissements – les crédits sont là, nous devons aller plus vite –, concrétiser les modernisations, améliorer les conditions de travail des professionnels de santé. Voilà le chemin que nous avons tracé. Ensemble, dans le respect et le dialogue, nous allons avancer !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je ne remets pas en cause le Ségur de la santé – je salue même ses avancées –, je vous parle de la nécessité de former davantage de médecins. Compte tenu de la charge de travail des médecins aujourd'hui, il en faut trois pour remplacer celui qui part à la retraite. Nous avons besoin de plus de médecins !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Les députés du groupe RE et plusieurs députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent.
J'associe à ma question le président du groupe Démocrate (MODEM et indépendants), Jean-Paul Mattei.
Monsieur le Premier ministre, au nom de toute la majorité présidentielle, je salue votre nomination comme chef du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, LR et GDR – NUPES.
Elle est le gage de la volonté d'audace et de renouvellement que nous avons toujours incarnée aux yeux des Français. Fidèle à ces valeurs et à notre projet depuis 2017, celui du Président de la République, vous avez exprimé votre ambition d'un gouvernement centré sur l'action et les résultats, au bénéfice de tous les citoyens.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les chantiers, disons-le, sont nombreux. Tout d'abord, il y a bien sûr l'école de la République, dont vous avez fait une priorité absolue – nous ne pouvons que le saluer, monsieur le Premier ministre. Mais il y a également le respect de l'autorité et du droit à la sécurité, la défense du pouvoir d'achat et des classes moyennes, la promotion de la valeur travail, la préservation de notre modèle social, la maîtrise de nos finances publiques ou encore l'accélération de la transition écologique.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Tous ces défis, il est impératif que nous les relevions ensemble si nous voulons que la France de demain soit fidèle à elle-même et à son histoire. Dans cette perspective, comment entendez-vous dérouler votre action pour les mois à venir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quand j'ai été nommé Premier ministre, j'ai indiqué quelles étaient mes grandes priorités.
Comme vous, je veux agir pour tous ces Français qui assument leurs responsabilités,…
…qui travaillent tous les jours et qui, bien souvent, ont des revenus un peu trop importants pour bénéficier des aides sociales, mais insuffisants pour s'en sortir seuls.
Oui, c'est à cette France que je veux m'adresser et c'est elle que je souhaite accompagner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Je veux aussi continuer de m'engager pour l'école de la République. En tant que ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, j'ai fixé un cap et pris de premières décisions. Ce cap sera évidemment tenu. Nous devons remettre de l'exigence et de l'excellence à tous les étages. L'école n'est pas un tapis roulant que l'on emprunte pour passer de classe en classe sans qu'il ne soit vérifié que l'on a le niveau. Remettre de l'exigence et de l'excellence, c'est ce que nous devons à tous les élèves de France, au nom de l'égalité des chances.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Nous allons également agir, Mme la ministre vient de l'indiquer, dans le domaine de l'accès aux soins et de la santé – domaine qui constitue une très grande priorité.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Nous allons poursuivre notre investissement pour la sécurité de nos concitoyens, de sorte que les droits et les devoirs soient respectés en tout lieu de la République et que les familles assument leurs responsabilités, ainsi que celles de leurs enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Enfin, oui, nous allons continuer d'avancer dans le domaine de la planification écologique, cet immense chantier de transformation.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je l'affirme, les résultats que nous avons obtenus ces derniers mois en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont inédits.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous allons poursuivre cet effort.
Vous le savez, le Président de la République s'exprimera ce soir pour affirmer un cap.
Il m'appartiendra ensuite de présenter ma déclaration de politique générale devant la représentation nationale. Je souhaite la construire et la nourrir avec l'ensemble des forces politiques représentées dans cet hémicycle et au Sénat. Je recevrai donc leurs représentants à cet effet.
De la même manière, j'échangerai avec les forces syndicales…
Commencez par respecter les forces syndicales de l'éducation nationale !
…et les associations d'élus locaux, et je me déplacerai sur le terrain, au contact des Français pour nourrir cette feuille de route.
En conséquence, j'ai proposé à la présidente de l'Assemblée nationale que ma déclaration de politique générale ait lieu le 30 janvier prochain ici même, à l'issue de ce dialogue, de cette concertation avec toutes les personnes prêtes à s'engager pour relever les défis au service des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Monsieur le Premier ministre, le théâtre élyséen ferme ses portes ce soir, mais la nomination de votre gouvernement donne déjà une idée du grand rendez-vous promis par Emmanuel Macron.
Laxisme judiciaire et places de prison non construites : M. Dupond-Moretti reste à la justice !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Croissance quasi nulle, déficit commercial record et dette qui explose : M. Le Maire reste à l'économie !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Débâcle sécuritaire et chaos migratoire : M. Darmanin s'auto-reconduit au ministère de l'intérieur !
« Eh oui » sur les bancs du groupe RN.
Si vous voulez marquer des points, il faut citer le nom de Marine Le Pen au moins une fois !
S'ajoutent à la liste Mme Oudéa-Castéra, félicitée pour le mensonge du Stade de France – ce qui semble être d'ailleurs une marque de fabrique –, ou encore M. Séjourné, exfiltré en catastrophe des élections européennes et qui nous explique qu'il est compétent parce qu'il a vécu à l'étranger. Il s'agit bien sûr d'un argument de poids !
Il y a pire que de vouloir tout changer pour que rien ne change : ne rien vouloir changer du tout, à commencer la politique de saccage social, de fiscalité étouffante et de précarisation généralisée que vous menez depuis bientôt sept ans.
Voici qu'au beau milieu de l'hiver, vous annoncez la hausse de 10 % du montant des factures d'électricité pour les ménages.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Monsieur Attal, une inflation en baisse demeure une inflation. Les prix de la nourriture, des services et des biens continuent d'augmenter, et cela fait maintenant trois ans que les Français paient le litre d'essence près de 2 euros.
Si le problème est structurel, la réponse doit l'être également. La solution réside dans les taxes, qui représentent une part démesurée des prix à la pompe comme de l'électricité. Il faut d'urgence baisser la TVA sur les produits énergétiques, maintenir le gel de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et instaurer une TVA à 0 % pour 100 produits de première nécessité.
Après la nouvelle hausse du prix des péages, des trains, ou encore de la viande, allez-vous enfin prendre conscience de la gravité de la situation, ou attendez-vous la ruine définitive des classes moyennes de notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Le pouvoir d'achat est un sujet trop sérieux pour se contenter de déclarations péremptoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Éclats de rire sur les bancs du groupe RN.
Prenez la question de l'électricité et du gaz, qui est la principale raison de l'inflation dans notre pays depuis deux ans. Cette majorité a instauré un bouclier qui a fait de la population française la mieux protégée d'Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quand le prix de l'électricité a flambé, le montant de la facture des Français aurait dû doubler, passant en moyenne de 1 000 à 2 000 euros, mais nous avons pris en charge cette hausse de 1 000 euros. Avec votre groupe, vous proposiez de baisser la TVA à 5 %, ce qui n'aurait représenté une économie que de 300 euros.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous avons donc fait trois fois mieux que vous en matière de pouvoir d'achat.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'ajoute d'ailleurs que nous n'aurions pas eu de problème de pouvoir d'achat ni de flambée des prix de l'électricité et du gaz si votre ami, M. Vladimir Poutine, n'avait pas attaqué l'Ukraine.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Enfin, où était votre groupe quand nous avons décidé de revaloriser les pensions de retraite pour suivre l'inflation ? Vous avez voté contre cette mesure.
De même, quand nous avons décidé de revaloriser les minima sociaux ou encore de revoir le barème de l'impôt sur le revenu pour que les classes moyennes ne voient pas son montant augmenter, vous avez voté contre.
Vous avez voté contre toutes les revalorisations du pouvoir d'achat !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Un peu plus d'actes ! Un peu plus de décisions ! Et aidez-nous dans notre combat pour le pouvoir d'achat des Français !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous referons de la France le paradis énergétique qu'elle devrait être pour les ménages et les entreprises. Vous avez éteint la lumière : nous la rallumerons. Vivement le 9 juin !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le Premier ministre, en laissant Emmanuel Macron s'approprier tous les pouvoirs, c'est notre démocratie qui est en danger. Vous n'avez entre vos mains ni votre destin, ni celui de la France. Vous n'êtes là que par le bon vouloir du Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Votre nomination est le choix de la continuité. Rien d'étonnant alors au fait que vous renonciez à demander la confiance de l'Assemblée nationale. Comme Mme Borne, vous êtes condamné à rester l'exécutant zélé d'un président qui s'imagine souverain ; d'un président qui, depuis maintenant sept ans, ne peut que constater la chute de l'adhésion des Français à sa politique.
Pourtant, de remaniement en remaniement, rien ne change : de la répression des gilets jaunes au passage en force de la réforme des retraites ; du soutien aux prédateurs contre la parole des femmes à la connivence avec les profiteurs de la catastrophe climatique ; des menaces contre la Ligue des droits de l'homme à la déchéance morale qu'a représentée la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ; de la promotion du séparatisme scolaire à l'ascension des corrompus. « Par les riches, pour les riches » pourrait être le slogan de votre gouvernement !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
L'actuelle Assemblée nationale est née de la volonté des Français de mettre fin aux privilèges et de leur désir de reprendre le contrôle de leur destin. Un exécutif qui attaque les contre-pouvoirs, qui gouverne sans le Parlement et qui décide sans dialogue avec les corps intermédiaires, cela a un nom : un régime illibéral.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En France, nos institutions sont une protection. Elles ont vocation à assurer que le Président de la République ne décide pas seul et qu'il gouverne au nom de l'intérêt général et pour tous les Français. Je n'aurai donc qu'une question : fragiliserez-vous notre démocratie dans l'intérêt et pour le privilège de quelques-uns ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous remercie d'avoir rappelé la lettre de la Constitution de la V
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je pourrais répondre à nombre des sujets que vous avez évoqués : permettez-moi simplement de dire combien j'ai été heurté, comme beaucoup probablement ,
« Pas du tout ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
par certains des termes que vous avez employés. Opposer la France et la République française à la démocratie et parler de régime illibéral, c'est faire montre de mépris à l'égard de toutes les personnes qui se battent pour les droits de l'homme partout où ils ne sont pas garantis.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Si nous étions dans un régime illibéral ou dans une dictature, vous n'auriez pas même pu adresser votre question au Premier ministre !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, M. Raphaël Gérard et Mme Heydel Grillere s'étant levés. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous prétendez défendre les institutions, mais vous les piétinez avec de tels propos ! Oui, la France est une grande démocratie. Oui, notre pays connaît des difficultés. Oui, ces dernières font l'objet de débats politiques très souvent difficiles.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Oui, nous sommes amenés, pour agir et avancer, à utiliser notre Constitution, toute notre Constitution, rien que notre Constitution.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
En laissant entendre l'inverse, je répète que vous ne respectez pas celles et ceux qui se battent dans le monde pour vivre en démocratie. Vous pavez la voie aux véritables ennemis de notre démocratie et de notre République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, plusieurs députés des groupes RE et Dem s'étant levés.
Vous avez limogé le président du Conseil d'orientation des retraites (COR) pour avoir contesté et dit la vérité aux Français sur la réforme des retraites. Vous avez voulu dissoudre les Soulèvements de la Terre. Vous avez menacé de retirer leurs financements aux associations s'opposant à votre politique. Vous assumez de faire voter des lois contraires à notre Constitution, à nos règles communes, à nos valeurs.
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, plusieurs membres de ces groupes s'étant levés.
Priorités du nouveau Gouvernement
Nos pensées vont d'abord à nos compatriotes réunionnais et à nos voisins mauriciens, frappés par un cyclone. Nous leur adressons notre entière solidarité.
Les députés des groupes LFI – NUPES, RE, RN, LR, Dem, SOC, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR, dont certains députés se sont levés, ainsi que sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le Premier ministre, ceci n'est pas un remaniement : c'est un effondrement ! Artisan du malheur des Français depuis bientôt sept ans, vous êtes depuis sept jours Premier ministre d'un gouvernement que vous n'avez pas choisi. Vous étiez minoritaires en 2023 : vous serez minoritaires en 2024.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il n'a en effet jamais été question de changer de cap, mais de servir la bourgeoisie. Votre arrogance de classe, monsieur le Premier ministre, vous la devez à une géographie exiguë, étant passé par l'École alsacienne, Sciences Po et des cabinets ministériels. Il n'en demeure pas moins que vos ministres sont hués jusque dans le 6
Mêmes mouvements.
Les instances internationales s'inquiètent des libertés publiques dans notre pays. La France est condamnée pour inaction climatique. Des personnes sans-abri meurent gelées dans la septième puissance mondiale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le Président de la République multiplie les gesticulations, quand il ne sabote pas lui-même les initiatives qu'il a prises, de la Convention citoyenne pour le climat aux rencontres de Saint-Denis.
Il souhaite désormais renouer le débat avec les Français : qu'il commence par augmenter les salaires, baisser les prix de l'énergie, ou encore réquisitionner les logements vides !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré être entré en politique pour soutenir Ségolène Royal. Vous finissez par recycler les ministres de Nicolas Sarkozy.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Ceci n'est pas un remaniement : c'est un effondrement !
Vous êtes Premier ministre, mais le monarque républicain gouverne seul. Ce soir, il présentera la politique générale du Gouvernement à votre place.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ceci n'est pas un remaniement : c'est un effondrement !
Au prix de toutes les compromissions, vous avez fait adopter une loi sur l'immigration avec les voix et les idées de l'extrême droite.
Vous êtes le produit d'une faillite morale et idéologique. Pour la première fois de l'histoire, des invertébrés politiques sont au pouvoir !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Souhaitez-vous poursuivre l'œuvre de Mme Borne en faisant de la France la risée démocratique, ou comptez-vous demander un vote de confiance, comme l'ont fait tous les premiers ministres depuis trois décennies ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nouvelle année, nouveau Premier ministre, nouveau Gouvernement, mais certaines choses ne changent pas ! Vous avez posé la question la plus politicienne depuis le début de cette séance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez choisi de parler de ma vie, de mon parcours. Des déclarations ont également été faites au sujet des membres de mon gouvernement. Je tiens à être très clair sur ce point, ce qui nous différenciera manifestement, même si vous ne tenez pas toujours de tels discours : je ne regarde pas d'où les gens viennent, mais où ils veulent aller.
Je ne regarde pas les gens pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils font.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je ne me soucierai jamais de la couleur de peau, pas plus que de l'origine sociale ou géographique, de mes ministres, des parlementaires ou de tous les Français qui veulent agir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je ne m'en soucierai jamais car, l'important, c'est bien d'agir pour les Français.
Vous avez abordé un sujet important – le froid et ses conséquences sur nos concitoyens sans-abri.
Le sujet peut nous rassembler humainement et socialement .
Mme Sophia Chikirou proteste
Il nous indigne et nous avons tous à cœur d'agir.
Il n'y a pas de ministre du logement !
Madame Panot, je vous mets au défi de me citer une majorité qui, comme la nôtre, a sorti 550 000 personnes du sans-abrisme, en leur permettant de disposer d'un logement pérenne.
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou protestent également.
Qui a doublé le parc de l'hébergement d'urgence en le portant à 200 000 places ? C'est nous ! Il y a quelques jours, le Gouvernement a annoncé des crédits supplémentaires pour créer de nouvelles places d'hébergement pour nos concitoyens en difficulté.
Vous avez raison, madame Panot, c'est un sujet humainement et socialement très difficile, mais c'est un sujet sur lequel nous allons continuer à nous engager, sans tenir compte des anathèmes, des critiques politiciennes, des blocages et des oppositions de celles et ceux qui ne veulent pas que nous réglions les problèmes des Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Des vents à plus de 170 kilomètres par heure, des milliers de foyers privés d'eau et d'électricité, des milliers de personnes déplacées, l'île de La Réunion a frôlé le pire avec le cyclone Belal.
D'après les premières informations qui nous parviennent, les dégâts sont importants mais il semble que le cataclysme que nous craignions tous n'a pas eu lieu. Si la nature a peut-être été un peu plus clémente que prévu dans notre territoire, et s'il a tenu, c'est aussi parce qu'il s'est préparé avec méthode à affronter ces événements.
Je salue l'esprit de responsabilité et le civisme des Réunionnais, l'action efficace des services de l'État, des forces de secours et de sécurité, des agents des collectivités locales et de leurs élus qui ont préparé, mis en œuvre et respecté les mesures de protection.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ces dernières ont permis de préserver au mieux les vies, les équipements et les biens.
Au moment où je vous parle, on déplore malheureusement une victime. J'apporte notre soutien à sa famille et à ses proches. Pourrez-vous transmettre le salut fraternel de mon groupe – l'ensemble de la représentation nationale se joindra probablement à moi – aux Réunionnais que vous allez rejoindre dès ce soir ?
Chers collègues de La Réunion, quand un territoire de la nation est ainsi frappé, il n'y a plus de clivages, mais seulement l'union et la solidarité. Le Gouvernement a décidé de mobiliser des moyens importants pour réparer ce qui doit l'être, et accompagner nos compatriotes dans leurs démarches. Ainsi, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, des renforts de la sécurité civile, des gendarmes, ainsi que des agents Enedis, ont été envoyés sur place.
Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un état de la situation ? Qu'allez-vous entreprendre pour que l'île se relève au plus vite, apprenne de cet épisode dans le contexte du changement climatique et efface les stigmates de cette catastrophe ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'ai évidemment une pensée pour tous les Réunionnais. Malheureusement, nous avons découvert deux autres corps, ceux de sans-domicile fixe qui auraient refusé l'hébergement d'urgence, ce qui porte à trois le nombre de morts suite à ce cyclone à La Réunion. Je m'incline devant leur mémoire.
Comme vous, je salue les services de l'État, qui ont agi en lien avec les collectivités locales, ainsi que le travail exceptionnel du préfet, Jérôme Filippini. Grâce à son action et à celle de la sécurité civile, des pompiers, des policiers, des gendarmes et des élus locaux, de très nombreuses vies ont été sauvées à La Réunion.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
À la demande du Président de la République et du Premier ministre, je pars ce soir à La Réunion, pour y être demain. Cela me permettra de constater que les services de l'État – Météo France en premier, sous l'autorité de M. le ministre Christophe Béchu – ont su alerter à temps, mais aussi protéger grâce à la vigilance rouge et au confinement décidé par le préfet. Le système FR-Alert que nous avons collectivement mis en place a permis de sauver un maximum de vies et de biens, même si les Réunionnais ont vécu dans des conditions évidemment très dégradées.
Demain, je me rendrai auprès des agriculteurs, des travailleurs, des habitants de La Réunion. Ce sera l'occasion de répondre à leurs questions sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et, pour les agriculteurs, en lien avec Marc Fesneau, sur la reconnaissance au titre des calamités agricoles.
Ce sera aussi l'occasion de rappeler, au nom du Gouvernement, la solidarité de la France avec l'île Maurice, également touchée. Dans les prochaines heures, le Président de la République et le Premier ministre lui proposeront sans doute l'aide de la sécurité civile et les moyens du ministère de l'intérieur et des outre-mer, ainsi que des autres ministères.
Mêmes mouvements.
Je souhaite à mon tour faire part de notre solidarité la plus totale avec la population réunionnaise. Nous sommes à ses côtés en ces moments très difficiles.
Tous les députés se lèvent et applaudissent longuement.
« Conductrice de car scolaire, je fais quarante-huit kilomètres par jour pour me rendre à mon travail. Je commence à sept heures du matin, cinq jours par semaine. Je gagne à peine plus que le RSA. Je n'ai pas le droit à la prime d'activité car mon conjoint est agriculteur avec des revenus trop élevés et, en plus, je dois faire mon plein pour aller travailler. Mon salaire : 687,67 euros. »
M. Fabien Roussel tend une feuille de paie.
« Je suis salariée d'une entreprise textile à Saint-Étienne. J'ai trente-quatre ans d'ancienneté. Heureusement que ma fille de 27 ans vit avec moi et m'aide financièrement. Mon salaire : 1 661,49 euros. »
M. Fabien Roussel tend une autre feuille de paie.
Avec trente-quatre ans d'ancienneté !
Monsieur le Premier ministre, ce sont deux exemples parmi les centaines de témoignages que nous recevons depuis que le parti communiste français a lancé sa campagne « Opération vérité sur les salaires » et demandé aux salariés de lui envoyer leur fiche de paie.
C'est un déferlement, plein d'émotion mais aussi de colère. Depuis des années, les Français placent le pouvoir d'achat, la vie chère et l'inflation en tête de leurs préoccupations – et nous les comprenons ! Tout augmente sauf les salaires, mis à part le Smic. Pourtant, vous voulez encore augmenter le prix de l'électricité à compter du 1er février ! La situation actuelle est le fruit de votre politique, celle d'une caste qui a très bien servi les plus riches, abîmé nos services publics et attaqué nos acquis sociaux, comme la retraite.
Les Français de l'hexagone et d'outre-mer ne demandent pas l'aumône, mais la justice sociale. C'est ce que nous proposons : indexer les salaires sur l'inflation ; diviser par trois le prix de l'électricité grâce au nucléaire et investir dans les services publics, comme l'école et la santé.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin changer de cap ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Vous avez raison, il faut que tous les salariés disposent de meilleures rémunérations. La première condition pour atteindre cet objectif, c'est…
…un grand nombre de salariés. Une des grandes réussites de cette majorité, c'est l'augmentation du nombre de salariés : notre taux d'emploi est le plus élevé depuis quarante ans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Deuxième condition : protéger les rémunérations de ceux dont les salaires sont les plus faibles – ceux qui sont au Smic. Or, si une rémunération a beaucoup augmenté au cours des deux dernières années, c'est bien le Smic – de plus de 10 %.
Nous sommes le seul pays où il est indexé à la fois sur l'inflation et sur la moyenne des salaires. Le Smic protège donc bien l'ensemble de nos compatriotes.
Troisième condition, monsieur Roussel, votez avec nous l'augmentation de la prime d'activité !
Les Français ne la touchent pas ! Elle est calculée en fonction des revenus des conjoints !
Votez avec nous en faveur de la prime Macron défiscalisée : elle a profité à 5 millions de salariés, qui ont perçu en moyenne près de 700 euros par an. Votez avec nous – ce que vous avez toujours refusé – la défiscalisation des heures supplémentaires ; c'est une mesure de justice fondamentale pour tous les ouvriers, et plus largement pour tous les salariés, car c'est une rémunération additionnelle pour ceux qui travaillent.
Enfin, nous protégeons les plus modestes.
Avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons fait le choix d'indexer toutes les prestations et tous les minima sociaux sur l'inflation. Hier, j'ai également choisi de maintenir la rémunération du livret d'épargne populaire (LEP) à 5 % – un taux supérieur à l'inflation – alors qu'on me proposait 4,5 %.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
C'est une protection pour l'épargne des plus modestes !
Enfin, pour recréer de la dynamique salariale, nous devons analyser ensemble comment reprofiler les allégements de charges. Nous y sommes prêts et nous y travaillons !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le Premier ministre, le groupe Horizons et apparentés salue votre nomination, ainsi que celle de votre gouvernement. Je saisis également cette occasion pour saluer le travail effectué pendant vingt mois par votre prédécesseure, Mme Élisabeth Borne.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem. – M. Benjamin Lucas s'exclame.
Je le dis sans triomphalisme : nous avons pris les décisions que les circonstances exigeaient, dans l'intérêt général. Nous en sommes convaincus, la majorité présidentielle doit être au rendez-vous des espoirs et des attentes de nos concitoyens.
Se conformer à cet impératif, c'est faire des années qui viennent un temps utile pour la France. Partenaire sérieux, partenaire loyal, partenaire exigeant : c'est ainsi que nous concevons d'accompagner votre action résolue.
L'échec n'est pas permis, c'est pourquoi notre détermination demeure sans faille. Notre groupe fera preuve de constance dans la suite des débats parlementaires, et restera particulièrement attentif à la poursuite du travail engagé concernant les grandes priorités de notre temps : l'excellence à l'école…
…afin que chaque jeune ait les moyens de réaliser pleinement son potentiel ; la réforme de notre système de santé avec, notamment, la lutte contre les déserts médicaux ; la revalorisation du travail, afin que celui-ci paie pour toute personne qui contribue à l'effort productif de notre pays.
Il y a plus de ministres normands que de ministres Horizons au Gouvernement !
Sourires.
Nous plaidons également pour le maintien d'une politique économique ambitieuse, qui ne perd pas de vue l'objectif de baisse de nos déficits publics, tout en étant garante d'attractivité, de compétitivité, et donc de prospérité.
Enfin, nous serons attentifs à la transition écologique, sous l'autorité de M. le ministre Christophe Béchu ,
« Ah ! » sur plusieurs bancs
Monsieur le Premier ministre, il s'agit des préoccupations majeures des Français. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale comment celles-ci vont trouver leur place dans la politique menée par votre Gouvernement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Je vous remercie pour votre question et votre état d'esprit, comme celui des groupes Démocrate et Renaissance – ceux de la majorité présidentielle. Vous avez raison de poser cette question qui peut paraître simple, mais constitue le b.a.-ba : quelles sont les attentes concrètes de nos concitoyens ?
Comment pouvons-nous y répondre ? Ils attendent que le travail paie plus, et que travailler soit toujours plus intéressant que ne pas travailler. C'est aussi le b.a.-ba mais, malheureusement, ça ne l'est pas pour tout le monde, je le constate régulièrement dans le débat politique. Pour d'autres, il s'agit d'un objectif annexe.
Tu ne disais pas ça quand tu étais au Mouvement des jeunes socialistes !
Comme vous, j'insiste et continuerai à le faire : c'est le travail qui crée la richesse, et nous permet ensuite de financer nos services publics et la solidarité ; c'est le travail qui nous permet de redistribuer et d'investir dans les services publics.
Mmes Christine Arrighi et Sandrine Rousseau s'exclament.
Certains manient la taxe, l'impôt supplémentaire, comme un préalable alors que cela nuirait à la compétitivité de notre pays et au travail car cela aurait un impact sur nos recettes, celles qui nous permettent d'investir pour les Français.
Je partage votre analyse : les services publics majeurs que sont l'école et la santé sont des priorités absolues, et nous devons accélérer. Après avoir rencontré l'ensemble des groupes parlementaires, les associations d'élus, les organisations syndicales, j'indiquerai lors de ma déclaration de politique générale comment je souhaite avancer avec vous sur ces sujets.
Vous avez également raison d'évoquer la planification écologique, dessinée par le Président de la République et la Première ministre depuis plusieurs mois, que Christophe Béchu décline afin qu'en Europe, la France soit celle qui s'engage encore plus que les autres en faveur de la transition écologique.
J'entends bien les débats et les critiques, mais qu'on me présente un pays qui investit et agit autant que la France dans les domaines énergétique, climatique et de transition écologique !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous poursuivrons sur cette voie et je me réjouis de le faire avec vous et votre groupe, monsieur le président Marcangeli.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, vous venez de faire une annonce spectaculaire : 32 milliards d'euros supplémentaires pour le système de santé. Sauf que ces 32 milliards ne sont pas une nouveauté : ils ont déjà été votés.
Compte tenu de la situation de notre système de santé, on ne peut pas jouer avec les personnels de l'hôpital et les autres acteurs du monde de la santé en leur jetant de la poudre aux yeux. Vous ne faites qu'accroître la déception et le désarroi des personnels soignants à qui je veux d'ailleurs rendre hommage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Olivier Faure applaudit également.
L'hôpital est en crise et les Ehpad sont dans une situation financière dramatique : voilà la réalité de la France en 2024. Malgré leur dévouement et leur travail, les personnels soignants sont à bout de souffle et trop souvent débordés – ce sont les résidents et leurs familles qui en paient le prix fort. Où qu'ils se trouvent, les Ehpad sont au bord de l'asphyxie financière et ne réussissent pas à boucler leur budget, comme vous le savez.
Alors que la population vieillit, votre gouvernement doit faire de la question de l'autonomie et du grand âge une priorité pour notre pays.
Le président Macron nous promet le financement de la cinquième branche de la sécurité sociale depuis 2017, mais nous ne voyons toujours rien venir.
Serez-vous, contrairement à vos prédécesseurs, le Premier ministre des promesses tenues ? Il y a urgence à répondre aux demandes des hôpitaux et des Ehpad.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Votre question me permet de répondre aux professionnels de santé tout en rendant hommage à leur compétence et à leur engagement, qu'ils travaillent en libéral ou à l'hôpital.
L'hôpital est un trésor national ;…
…nous allons intensifier et accélérer les investissements qui leur sont destinés.
Les crédits sont là. Vous venez de faire allusion à des crédits votés.
Nous nous accorderons sûrement sur le fait que voter des crédits, c'est bien, mais que les dépenser, c'est mieux. Il convient à présent d'accélérer pour que ces crédits deviennent réalité et que les établissements de santé, qu'ils soient hospitaliers ou médico-sociaux, constatent l'évolution. Je vous renvoie aux chiffres que j'ai donnés précédemment.
Si je reviens sur ce sujet, c'est pour rappeler l'importance de la coopération entre les professionnels. Nous en avons été témoins avec M. le Premier ministre samedi, à Dijon, où nous avons visité un service d'urgences pédiatriques rénové récemment – une déclinaison précise. C'est en quelque sorte le secret pour inscrire un système de santé dans un bassin de vie.
Ce que vous venez de décrire correspond en effet aux attentes de nos concitoyens, qu'ils habitent en ville ou dans la ruralité.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Ma feuille de route au bout de trois jours est très claire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous le dis calmement, vociférer ne sert à rien.
Mêmes mouvements.
J'ai pour objectif de garantir une offre de soins à chacun, quels que soient son bassin de vie et sa tranche d'âge.
J'ai bien entendu votre réponse. Vous nous avez fait part de votre feuille de route ; maintenant, allez-y, vous avez les clefs…
…et le budget, nous attendons donc vos actes pour les Ehpad et les hôpitaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous vous présentez devant nous après l'adoption du projet de loi sur l'immigration, grave et coupable faillite politique et morale, normalisant plus que jamais l'extrême droite et ses idées.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous vous présentez devant nous avec un gouvernement qui fait figure d'aveu – c'est la fin du « en même temps » et la cohabitation assumée avec la droite dure :…
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Vous vous présentez devant nous avec un gouvernement incomplet : on cherche les ministres du logement, des transports, et de la fonction publique, tandis que MM. Darmanin, Le Maire et Lecornu se sont nommés eux-mêmes,…
…et que d'autres vous ont été imposés par le Président de la République.
Vous vous présentez devant nous avec une ministre de la famille qui a combattu le mariage pour tous
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
et s'est opposée devant le Conseil constitutionnel à la protection de l'interruption médicale de grossesse (IVG) ; avec une ministre de l'éducation qui méprise l'école publique et ses professeurs ; avec une ministre de la culture dont tous les votes à la Ville de Paris témoignent du peu d'intérêt qu'elle porte à la culture populaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit aussi.
Vous vous présentez devant nous avec une ministre mise en examen et une part des femmes dans le Gouvernement réduite à la portion congrue : la République exemplaire et la grande cause du quinquennat attendront encore.
Vous vous présentez devant nous sans avoir prononcé votre déclaration de politique générale.
Vous ne proposez rien ! Est-ce que les socialistes ont encore des idées ?
Vous attendez que le Président de la République, dont vous ne cessez d'être le collaborateur, donne son interview, et ses instructions, au mépris du Gouvernement ! Monsieur le Premier ministre, êtes-vous le chef du Gouvernement ? Êtes-vous le chef de la majorité ? De quelle majorité ? Êtes-vous responsable devant la représentation nationale ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
…monsieur le président Vallaud, je rectifie ce que j'ai dit précédemment : c'est en fait vous qui avez posé la question la plus politicienne depuis le début de cette séance
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également
et vous décrochez la médaille d'or que détenait jusqu'à présent Mme Panot.
Protestations sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Face aux défis auxquels notre pays est confronté et aux difficultés que traversent les Français, nous devons nous retrousser les manches et travailler avec des personnes qui viennent d'horizons politiques différents. Je l'assume totalement, et ce depuis 2017.
J'assume aussi très clairement mon gouvernement, dont vous me reprochez la composition : mais moi, je préfère travailler avec…
…Rachida Dati et Catherine Vautrin qu'avec Jean-Luc Mélenchon, comme vous ! Voilà, cela nous différencie ! Nous n'avons pas les mêmes valeurs, ni les mêmes objectifs – à chacun ses priorités et les personnalités auxquelles il souhaite s'associer.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Plusieurs députés du groupe RE se lèvent, de même que M. Jérémie Patrier-Leitus et Mme Anne Le Hénanff. – Vives protestations sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Quant au reste, je l'ai déjà dit : l'important pour moi, ce n'est pas de regarder d'où viennent les uns ou les autres, mais de garantir qu'ils veulent aller dans la même direction. C'est le cas de cette équipe gouvernementale et de cette majorité. L'important pour moi, ce n'est pas de demander à mes ministres de vider leurs poches pour vérifier si elles contiennent la carte d'un parti politique auquel ils ont pu appartenir il y a plusieurs années ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également
mais de voir ce qu'ils ont dans le ventre et ce qu'ils ont envie de faire pour notre pays – je l'assume totalement.
Ce qui importe, ce n'est pas de se jeter des anathèmes à la figure, mais de ne pas enfermer les uns et les autres dans des positions qu'ils ont pu tenir autrefois : encore heureux que certains Français puissent changer d'avis. Des millions l'ont fait sur certaines grandes questions que vous avez évoquées ! C'est ce qui s'appelle une démocratie, c'est la liberté de conscience – c'est un trésor pour notre pays et moi, je continuerai à le défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
…– comme aurait pu dire Clemenceau, vous êtes la gauche en peau de lapin.
Vous prétendez écouter les Français et les groupes d'opposition ; voici quelques suggestions : augmentez les salaires, rétablissez l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), gelez les tarifs de l'électricité et rétablissez les postes que vous avez supprimés dans l'éducation nationale pour que votre ministre consente peut-être à y inscrire ses enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – Les députés du groupe SOC et quelques députés du groupe Écolo – NUPES se lèvent.
Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes Dem, RE, LFI – NUPES, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent, de même que quelques députés des groupes LR et RN.
C'est avec beaucoup d'émotion que je reviens parmi vous aujourd'hui. Je tiens à tous vous remercier pour votre soutien et particulièrement pour le vôtre, madame la présidente.
Le 14 novembre dernier, je suis allée chez un ami le cœur léger pour fêter sa réélection. J'en suis ressortie terrorisée : j'ai découvert un agresseur. Je comprends alors que j'ai été droguée à mon insu. C'est ce qu'on appelle la soumission chimique.
Ce fait de société est un fléau qui fait des milliers de victimes, du berceau à l'Ehpad, du bureau à la maison, de la boîte de nuit à la soirée entre amis. Tout le nécessaire se trouve dans votre armoire à pharmacie. Neuf fois sur dix, la victime est une femme et, dans 70 % des cas, elle subira une agression sexuelle.
Aujourd'hui, je ne vous parle pas en tant que femme victime mais en tant que députée de la nation qui s'indigne que ce sujet ne soit pas pris à bras-le-corps.
Applaudissements sur tous les bancs.
J'en appelle au Gouvernement et plus particulièrement à vous, madame la ministre déléguée. La France est grande quand elle est juste : c'est un slogan des années 1990 qui a toute son actualité aujourd'hui.
À l'automne dernier, Caroline Darian et le collectif M'endors pas : Stop à la soumission chimique ont interpellé les pouvoirs publics pour que la lutte contre la soumission chimique fasse l'objet d'un travail collectif. Ces violences sont devenues des questions à la fois d'ordre public, de santé, de justice et d'éducation.
Madame la ministre déléguée, que répondez-vous à leur cri du cœur ? Seriez-vous d'accord pour mettre les moyens de l'État au service du combat contre ce phénomène, pour mieux le cerner et trouver enfin le moyen de sortir toutes les victimes de l'oubli ? Je compte sur vous !
Tous les députés se lèvent et applaudissent.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Madame la députée – chère Sandrine, si vous me le permettez –, merci pour votre courage : merci de vous lever dans cet hémicycle et de prendre la parole, merci d'oser témoigner et vous exposer, merci de faire de ce combat non pas simplement le vôtre, mais celui de toute notre société.
Vous vous êtes emparée de cette lutte et, vous le voyez, l'ensemble de cet hémicycle a fait de même. Nous le savons tous : les droits des femmes méritent des combattants et des combattantes. Vous êtes résolument l'une d'entre elles.
La question de la soumission chimique est un sujet qui mérite une mobilisation de la société tout entière et non des polémiques.
Pendant trop longtemps, nous avons cru que la soumission chimique ne pouvait survenir qu'au détour d'une soirée – c'était du GHB versé dans un verre.
Ce que vous avez traversé et que Caroline Darian a connu à travers sa mère peut arriver dans la plus parfaite intimité. Il peut s'agir d'un compagnon, d'un conjoint, d'un parent, ou d'un soi-disant ami.
La loi a changé – le garde des Sceaux en est le garant – pour que toutes les victimes soient prises en compte. Depuis la loi de 2018, la soumission chimique est un fait aggravant quand il y a viol ; c'est même devenu un délit à part entière. Mais nous devons en effet aller plus loin : mobiliser l'ensemble de la société, mieux former et mieux accompagner les victimes.
On sait que les dégâts causés par la soumission chimique, notamment les dégâts psychologiques, peuvent se faire sentir des semaines, des mois voire des années après les faits, du fait de l'amnésie traumatique.
Pendant trop longtemps, nous n'avons pas écouté les femmes lorsqu'elles parlaient. À présent, la société les écoute. Nous ne nous contentons pas de les écouter, nous leur disons que nous les croyons…
…et nous sommes à leurs côtés.
Au nom du groupe Rassemblement national, permettez-moi d'avoir une pensée pour nos compatriotes réunionnais en ces jours difficiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
Ma question s'adressait initialement au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui brille malheureusement par son absence en ce premier jour de questions au Gouvernement. Monsieur le Premier ministre, vous avez nommé M. Stéphane Séjourné à la tête du Quai d'Orsay pour représenter et défendre les intérêts de la France. Pourtant, les Français doivent savoir que le 22 novembre dernier, au Parlement européen, M. Stéphane Séjourné a appelé à la fin de notre souveraineté nationale en votant pour le rapport Verhofstadt.
Par ce vote symbolique de votre ministre et de vos députés européens, vous soutenez la création d'une présidence, d'un gouvernement et d'une armée pour l'Union européenne. Vous voulez soumettre notre droit national à l'arbitraire des juges européens. Vous souhaitez renforcer les pouvoirs de l'Union européenne au détriment des États en matière de santé, d'écologie, de sécurité, de défense ou encore de politique étrangère. Surtout, par ce vote, vous voulez mettre fin à la règle de l'unanimité, dernier garant de notre souveraineté au Conseil européen.
Monsieur le Premier ministre, vous voulez donc priver la France de son droit de veto, qui pourtant nous protège de toute décision qui porterait atteinte à nos intérêts vitaux. Par ce vote, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement dévoile l'intention d'Emmanuel Macron de dissoudre la France dans un État fédéral européen. Ma question est donc simple : comment prétendez-vous représenter et défendre notre pays alors qu'il y a seulement deux mois, votre ministre des affaires étrangères a voté pour la disparition de la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je suis un peu étonnée de votre question, monsieur Loubet, et je ne sais pas vraiment à qui je m'adresse aujourd'hui : au député national ou au directeur de campagne d'un homme présentement en campagne ?
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Vous voulez parler des votes ? Parlons-en !
Je pourrais parler en long et en large de vos votes dans cet hémicycle : vous le savez, j'ai été assise un peu plus haut sur ces bancs et j'ai témoigné du non-travail et de l'incompétence dans vos rangs.
Mais parlons plutôt de vos votes au Parlement européen : vous votez contre les soutiens à l'Europe ; vous votez contre la dénonciation de la mainmise de Poutine sur l'attaque en cours contre l'Ukraine …
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN
…vous votez contre le projet visant à défendre nos frontières européennes grâce au Pacte sur l'asile et la migration. Mais vous ignorez tout cela et je ne peux pas vous en vouloir. La raison en est simple : la personne pour laquelle vous faites campagne en ce moment est bien plus souvent en train de faire campagne pour elle-même que de travailler pour les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Madame la ministre déléguée, vos accusations sont fausses. Le 9 juin, aux élections européennes, les Français bloqueront votre projet fédéraliste.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre nomination à la tête de ce grand ministère.
En tant que présidente de la commission des affaires sociales, je me réjouis de notre collaboration sur ces sujets majeurs qui touchent en profondeur la vie de nos concitoyens.
Depuis près de cinquante ans, grâce au courage de Simone Veil, les femmes en France ont le droit de disposer de leur corps et de faire le choix d'une interruption volontaire de grossesse (IVG). Je veux saluer les professionnels qui les accompagnent dans cette épreuve, souvent vécue douloureusement. La liberté de recourir à l'IVG est un droit fondamental et je remercie le Président de la République d'avoir pris la décision forte de protéger ce droit en l'inscrivant dans la Constitution. Notre majorité est engagée dans la préservation de ce droit et pour en garantir l'effectivité pour toutes les femmes.
Mme Nathalie Oziol s'exclame.
C'est notre majorité qui a allongé le délai légal d'IVG de douze à quatorze semaines, qui a élargi l'accès à l'IVG médicamenteuse et étendu les compétences des sages-femmes à la pratique d'IVG instrumentales.
Madame la ministre, l'engagement des professionnels est une condition sine qua non pour garantir la réalité de ce droit ; ils attendent une juste reconnaissance. Or depuis 2016, les tarifs de l'IVG n'ont pas été revalorisés et ne reflètent plus la réalité des coûts. Quelles mesures entendez-vous prendre pour remédier à cette situation et réaffirmer la reconnaissance des professionnels pour garantir l'accès à l'IVG pour toutes ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Olivier Falorni applaudit aussi.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
À mon tour de rendre hommage, comme vous, à Simone Veil. La loi qui porte son nom, du 17 février 1975, aura bientôt quarante-neuf ans. Vous avez tout à fait raison, il est important que nous puissions accompagner les professionnels qui se sont engagés dans cette démarche.
Votre question est extrêmement précise ; j'y répondrai donc de manière tout aussi précise. Dans les prochaines semaines – j'ose à peine dire les tout prochains jours –, nous revaloriserons de 25 % les tarifs de l'IVG.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Benjamin Lucas s'exclame.
Les choses sont claires et seront menées à bien.
Par ailleurs, permettez-moi de vous dire qu'avec le garde des sceaux, nous travaillerons avec l'ensemble des parlementaires. Ce sera notre honneur que d'être ceux qui auront la responsabilité d'inscrire le droit à l'avortement dans le marbre de notre Constitution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Raquel Garrido s'exclame.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
j'ai bataillé durant des années pour que l'école publique et laïque donne à tous nos enfants le meilleur de ce que la République peut leur offrir. Mes combats, je les ai menés aux côtés de milliers d'autres parents, que vous avez méprisés et insultés en quelques déclarations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous vous êtes simplement moquée de ces élèves et de leurs parents qui voient chaque année des centaines d'heures d'enseignement de mathématiques, de français ou de langues disparaître, en prétendant avoir subi un « paquet d'heures non remplacées » en petite section d'une maternelle située dans l'un des quartiers les plus huppés de Paris.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Toutes ces militantes et tous ces militants de l'école publique, comme toutes celles et ceux qui n'ont pas fait le choix de la réseaucratie, méritent mieux.
Mêmes mouvements.
Vous qui êtes une partisane du mérite, sans vous soucier d'ailleurs de ce qui relève du mérite de l'argent ou du mérite du talent ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
je vous le dis : vous ne méritez plus d'être la ministre de l'éducation nationale !
Mêmes mouvements.
Si l'on en croit ce que disait Voltaire, « la politique, c'est l'art de mentir à propos ». Manifestement, vous avez manqué d'à-propos ! Ma question est simple : quand allez-vous clore ce chapitre ? Quand démissionnerez-vous ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
À peine nommée ministre de l'éducation nationale, j'ai été interpellée par Mediapart sur les choix de scolarisation de mes enfants. J'ai voulu y répondre, sans esquiver l'attaque.
Je l'ai fait avec sincérité et je n'aurais pas dû me laisser entraîner sur le terrain de la vie privée…
…ni me sentir obligée de me justifier.
Aucun parent d'élève ne devrait l'être.
Je n'aurais pas dû non plus exposer l'école Littré. Je suis allée à la rencontre de ses personnels ce matin pour m'en excuser et m'excuser de les avoir blessés. Ces excuses, je les leur devais.
Depuis vendredi, j'ai tout entendu : les leçons de morale sur l'école publique de la part de ceux qui mettent leurs enfants dans une école privée, l'agressivité de ceux qui rêveraient de raviver une guerre entre l'école publique et l'école privée,…
…guerre qui n'existera pas.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce week-end, ce sont mes valeurs éducatives de maman qui ont été mises en cause.
Dans mes propos tenus vendredi, je me suis appuyée sur le souvenir et le ressenti d'une expérience datant de quinze ans, lorsque notre famille a buté sur des problèmes d'organisation, comme nous nous en sommes souvenues avec l'enseignante de l'époque.
Désormais, je souhaite que nous avancions. J'ai de l'ambition pour l'école, je veux soutenir toute la communauté éducative pour remettre l'ascenseur social en marche et faire grandir le mérite et le talent.
C'est le sens du choc des savoirs et de l'exigence voulue par le Premier ministre, ainsi que des concertations engagées pour valoriser le métier de professeur.
Ce matin, j'ai discuté avec les enseignants de l'école Littré à propos de notre feuille de route pour l'école publique et des problèmes de remplacement.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons commencé à le traiter et nous irons jusqu'au bout, car c'est un problème que des millions de familles veulent que nous traitions. Je ferai des propositions en ce sens au Premier ministre.
Vives protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, qui désignent la pendule pour signifier que l'oratrice a dépassé son temps de parole.
L'école est la mère des batailles et je mesure l'honneur qui m'est fait de la servir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Cette affaire, que vous avez mise sur la place publique, n'est pas une affaire privée : c'est une affaire publique qui remet en question le fonctionnement même de l'éducation nationale, que manifestement vous ne connaissez pas !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Entre les propos que vous avez tenus en tant que ministre, et non en tant que mère de famille – car vous avez le droit de choisir l'école que vous souhaitez, comme la loi vous y autorise –, et les propos de cette enseignante qui n'a pas manqué d'heures de cours, j'ai choisi mon camp…
…celui des enseignants, qui mettent plus que leur salaire pour honorer le service public de l'éducation nationale !
Je vous en prie, allez chercher l'argent privé que vous avez pour faire en sorte que les Jeux olympiques se tiennent dans notre pays et redonnez à l'éducation nationale ses lettres de noblesse, que vous avez abîmées en deux déclarations !
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES, ainsi que plusieurs députés du groupe GDR – NUPES, se lèvent et applaudissent.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, mardi dernier, quelques heures après sa nomination, vous avez accompagné le Premier ministre Gabriel Attal dans le Pas-de-Calais – je le remercie sincèrement de ce déplacement –, afin d'apporter le soutien de la nation aux victimes des inondations.
Depuis des semaines, nous connaissons des épisodes pluvieux intenses provoquant des inondations exceptionnelles, qui ont touché plus de 200 communes, 2 000 habitations, une centaine de PME et une cinquantaine d'exploitations agricoles. Tous les moyens de pompage, nationaux et européens, étaient opérationnels dès le 6 janvier, mais la décrue est très lente.
Le Président Emmanuel Macron avait déjà annoncé une première indemnisation de 50 millions pour aider les communes à reconstruire les équipements publics. En commission des affaires européennes, nous avons également adopté un avis visant à solliciter le fonds de solidarité européen.
Les sinistrés, victimes de ces événements catastrophiques, attendent des réponses précises concernant les dédommagements possibles – franchises pour les entreprises, pertes d'exploitation pour les commerçants, les PME et les agriculteurs – et le lancement rapide des travaux qui permettront que de telles situations ne puissent se reproduire.
Le Premier ministre vient d'annoncer un plan de résilience en faveur des sinistrés des Hauts-de-France – Nord et Pas-de-Calais. Je vous serai fort reconnaissant de bien vouloir en détailler le contenu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Notre solidarité va évidemment aux Réunionnais, tout en continuant à concerner les habitants du Pas-de-Calais, dans lequel la décrue est extrêmement lente. Le Gouvernement, sous l'autorité du nouveau Premier ministre, est entièrement mobilisé : j'associe en particulier Marc Fesneau, pour les calamités agricoles, Bruno Le Maire au titre des franchises d'assurance et bien évidemment Gérald Darmanin, le ministre de l'intérieur, au titre de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Près de deux cents communes de ce territoire ont bénéficié deux fois de cette reconnaissance en l'espace de deux mois, compte tenu à la fois des pluies extrêmement fortes du mois de novembre et du nouvel épisode survenu au début du mois de janvier sur des sols gorgés d'eau, ce qui a produit de nouvelles crues.
Notre intervention se fera en deux temps. D'abord l'urgence : ainsi, dès hier des travaux de curage ont été menés par Voies navigables de France (VNF) sur le canal d'Audruicq. D'autres travaux, visant à enlever les embâcles, ont également commencé du côté de l'Aa. Un plan d'urgence, à très court terme, a été lancé. Il aboutira, au début du mois de février, à la modification des règles relatives au curage en France.
En parallèle, il faut se préoccuper du moyen terme, qui a fait l'objet du premier acte administratif de notre nouveau Premier ministre. En effet, il a lancé une mission de préfiguration d'un plan de résilience, qui cherche à atteindre trois objectifs.
Premièrement, lorsqu'il existe des commissions locales de l'eau (CLE), qui suivent l'application des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), cela dans des territoires à cheval sur deux départements, nous devons désigner un interlocuteur pour coordonner les travaux. Dans ce contexte, ne serait-il pas souhaitable de créer un établissement public territorial de bassin afin de mettre tout le monde d'accord ?
Deuxièmement, nous devons regarder la situation en face, afin de modifier les programmes d'action pour la prévention des inondations (Papi). Nous identifierons ainsi des territoires dans lesquels, à terme, on ne pourra plus habiter. Tels sont les objectifs du plan de résilience, qui vise à mobiliser les moyens annoncés et ceux qui le seront. Dans les prochains jours, j'aurai l'occasion de retourner dans le département du Pas-de-Calais.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je vous remercie. La population ne veut plus de projets, de promesses ou d'études. Elle veut, comme l'a dit le Premier ministre et comme vous venez de le dire, « de l'action, de l'action, de l'action ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités. À la fin de l'année 2020, le hashtag #BalanceTonStage révélait les bizutages ignobles subis par les étudiants en soins infirmiers lors de stages effectués en milieu hospitalier, en clinique ou en Ehpad. Bien que ces pratiques soient interdites et constituent un délit, et malgré l'émoi suscité il y a trois ans par tous les témoignages d'étudiants infirmiers, rien n'a changé.
Laure, Amélie, Sarah : derrière ces prénoms, des vies et des destins brisés. Elles avaient toutes les trois en commun le désir d'exercer un métier qui donne une place centrale à l'humain et dont la France a cruellement besoin.
Peu avant Noël, au cours de son stage à l'hôpital, Amélie a fait une tentative de suicide : elle ne supportait plus l'humiliation permanente qu'elle subissait, la façon inhumaine dont elle était traitée et la charge excessive de travail, incompatible avec une offre de soins de qualité. Laure, en stage dans un centre hospitalier, vient de découvrir que son service avait ouvert une cagnotte, dont le montant récolté serait versé à celui ou à celle qui arriverait à la faire pleurer en premier. Quant à Sarah, elle a fait un burn-out en plein stage et subissait à longueur de journée les humiliations des autres soignants : « Tu es nulle, tu ne sers à rien, démissionne ! » ; « On va fumer mais tu restes là ! » ; « Tu iras pisser à la fin de ta journée ! » ; « On ne veut pas te voir ! »
Entre 2019 et 2022, un tiers des étudiants infirmiers ont abandonné leurs études avant la fin du cursus. Une étude du Journal du dimanche, réalisée il y a un an, révélait que 75 % des étudiants infirmiers se disaient épuisés physiquement ; 33 % affirmaient faire des crises d'angoisse ; 26 % estimaient être en mauvaise santé psychique ; 28 % des sondés avaient pris ou prenaient des psychotropes afin de tenir.
Que comptez-vous faire concrètement pour mettre un terme définitif à ces pratiques qui se répètent ? Les victimes d'hier deviennent les bourreaux de demain. Le système de santé a terriblement besoin d'infirmiers. Nous devons prendre soin de nos étudiants afin qu'ils puissent être, à leur tour, les soignants de demain. Le système de santé a terriblement besoin de moyens et non de fake news comme les prétendus 32 milliards d'euros supplémentaires pour la santé, annoncés samedi par Gabriel Attal lors de votre déplacement conjoint.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Ce que vous venez de décrire est totalement inacceptable ; personne dans cet hémicycle ne dira le contraire. L'engagement infirmier à l'échelle du bassin de vie est indispensable, aussi bien à l'hôpital que dans les structures médico-sociales. Celui des infirmiers et des infirmières libéraux, qui sillonnent l'ensemble du territoire, l'est également.
Le sujet dont il est question est celui de l'offre de santé de proximité au service de tous. La reconnaissance des soignants est passée par la revalorisation de carrière du personnel hospitalier lors du Ségur de la santé et par des mesures salariales en leur faveur.
Deux chantiers sont ouverts : la refondation du métier et la rénovation de la formation. Dans ce cadre, nous devons examiner la manière dont se déroulent les stages, notamment en milieu hospitalier.
Enfin, je rappelle qu'après dix ans de gel des quotas, 6 000 places en institut de formation en soins infirmiers ont été ouvertes. Nous devons continuer à travailler avec les infirmiers libéraux hospitaliers à l'élargissement de leurs compétences. C'est une réponse qu'attendent nos concitoyens. Ne l'oublions jamais : les soins infirmiers de proximité garantissent notamment le maintien à domicile de nos aînés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre car le Président de la République n'a pas daigné nommer un ministre chargé du logement de plein exercice.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le Premier ministre, la vague de froid qui traverse le pays provoque une hécatombe. Une femme dans le Vaucluse, un homme dans les Hauts-de-Seine, un autre dans le Val-d'Oise. En seulement quatre jours, trois corps gelés ont été retrouvés dans la rue, une cave ou un abri de fortune.
Ces personnes ont été tuées non par le froid mais par la misère ! Elles sont les victimes de votre politique :
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également
la diminution des aides personnelles au logement (APL), l'augmentation des loyers, la casse du logement social, l'accélération des expulsions. Vous êtes responsable de ces drames humains.
On se souvient du vote de l'infâme loi Kasbarian, qui porte le nom du député pressenti pour être votre ministre chargé du logement. Cette loi réprime les sans-abri en les condamnant à deux ans de prison s'ils occupent un bâtiment vide. Vous avez fait de la haine des pauvres un critère pour devenir ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les enfants SDF sont un scandale dans le scandale. Des enseignants occupent leur école pour mettre à l'abri des élèves, sans quoi ces derniers passeraient la nuit dehors. Quelle réponse leur apportez-vous ? Encore et toujours la répression. Je pense à cette institutrice convoquée par le rectorat de Toulouse afin de justifier son acte de solidarité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces enseignants sont l'honneur de la France. Face à l'égoïsme social que vous incarnez, ils sont, eux, la République, ses principes, ses valeurs ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ils sont la fraternité inscrite sur le fronton des écoles. Gloire à eux et honte à vous !
L'année écoulée a été celle d'un double record : celui du nombre de sans-abri et celui des dividendes versés aux actionnaires du CAC40. Alors, les Insoumis lancent ici un appel. Réquisition ! Vous entendez ? Réquisition des logements vacants qui sont plus de 3 millions dans le pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si vous ne les trouvez pas, nous vous aiderons. À quelques centaines de mètres d'ici, au métro Solférino, des membres de l'association Droit au logement campent au pied d'un immeuble haussmannien vide. Vous n'avez aucune excuse.
Voilà pourquoi les Insoumis ont déposé plainte devant la Cour de justice de la République. Votre inaction est coupable, votre politique tue, vous avez des comptes à rendre ! À toutes les bonnes volontés : rendez-vous au métro Solférino pour défendre le droit au logement !
Les membres du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Cet hémicycle a été silencieux – ce qui l'honore, compte tenu de la gravité du sujet – lorsque la députée Sandrine Josso a pris la parole. J'aurais aimé que vous montriez également à la hauteur de cette question, au lieu de chercher à faire de la petite politique.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'orateur se lève et reste debout quelques instants.
Le nombre de places d'hébergement d'urgence ouvertes est historique, il a été doublé. Chaque soir, 120 000 personnes sont ainsi hébergées en Île-de-France.
Pour répondre à ce problème – et ce n'est pas de la gestion en fonction des variations du thermomètre –, la semaine dernière, le Premier ministre vient de le rappeler, 10 000 nouvelles places ont été ouvertes et 120 millions d'euros ont été débloqués.
Depuis quelques jours, les maraudes se sont intensifiées, le plan Grand froid a été appliqué dans près de soixante départements, des gymnases et des écoles ont été réquisitionnés afin de mettre à l'abri des femmes et des hommes. Dans ce contexte, vous choisissez la polémique au lieu de proposer des améliorations des dispositifs en vigueur.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Veuillez nous excuser d'exercer nos prérogatives de parlementaires ! Il n'y a pas de 49.3 lors des questions au Gouvernement !
Vous choisissez de déposer plainte au lieu de soutenir cette politique et vous décidez d'en faire un petit sujet. Dans tous les pays d'Europe, quelle que soit leur orientation politique, la question du sans-abrisme est considérée comme beaucoup trop complexe pour être réduite à une analyse simpliste. Montrez-vous à la hauteur de l'événement, soyez dignes ! Voyez comment nous pouvons travailler, notamment avec les collectivités locales, avec les associations, avec les uns et les autres.
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Hier soir, j'étais avec le Samu social. J'ai participé à une maraude avec un travailleur social, une infirmière, un chauffeur. Je peux vous assurer que leurs propos étaient bien plus dignes que votre manière de polémiquer sur le sujet. Honte à vous !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Rabault.
La présidente de l'Assemblée nationale a reçu de M. Hubert Wulfranc, député de la troisième circonscription de Seine-Maritime, une lettre l'informant qu'il se démettait de son mandat de député à compter du mercredi 10 janvier 2024. Par une communication du lundi 8 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a informé la présidente que M. Hubert Wulfranc était remplacé jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par M. Édouard Bénard, élu en même temps que lui à cet effet.
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les fonds d'aides au développement internationaux ».
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Cormier-Bouligeon.
Au moment où nous commémorons dans la plus grande tristesse les cent jours du massacre du 7 octobre et la prise en otages de plusieurs dizaines de femmes, d'hommes, d'enfants et de vieillards par les terroristes islamistes du Hamas en Israël ; au moment où le Proche-Orient n'a jamais eu autant besoin de paix, ma question concerne l'aide au développement apportée à la Palestine.
L'Union européenne, on le sait peu, est le premier pourvoyeur de fonds d'aides au développement aux Palestiniens. Dans le cadre de l'Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI), une enveloppe financière pluriannuelle de 1 milliard d'euros couvrant la période 2021-2024 est prévue pour la Palestine.
En 2022, l'Union européenne a ainsi versé 300 millions d'euros à l'Autorité palestinienne afin de participer au financement de programmes consacrés aux droits de l'homme et à la démocratie.
La France, quant à elle, a contribué, en 2022, à hauteur de près de 100 millions d'euros à l'aide versée à la Palestine. L'aide est une valeur humaniste qui est au cœur même de notre culture universaliste. Il n'est donc pas question de contester celle qui est allouée au peuple palestinien, bien au contraire ! Mais il convient de vérifier que les fonds servent bien la cause à laquelle nous les dédions. Cette aide profite-t-elle au développement pacifique des intérêts des Palestiniens ? Le doute existe, hélas, et cela n'est pas tolérable.
Regardons la réalité en face. Le samedi 7 octobre 2023, à six heures trente, le bruit insoutenable des hurlements a envahi Ofakim, ville israélienne située à quelques kilomètres de la bande de Gaza, à la suite du lancement de multiples roquettes. Dans les heures qui ont suivi, le Hamas a massacré, sans une once d'humanité, avec barbarie, les habitants de paisibles kibboutz ainsi que la jeunesse israélienne réunie au festival Nova. La haine des Israéliens en tant que Juifs a inspiré ces massacres.
Plus que jamais, nous devons combattre l'antisémitisme, aussi bien en France et en Occident qu'au Proche-Orient.
L'école laïque et républicaine permet d'assurer aux élèves de France une éducation humaniste qui leur permet de penser en citoyens républicains. Je le dis avec force, la jeunesse palestinienne a le droit, elle aussi, à une telle instruction humaniste. Or, en Palestine, dans toutes les matières enseignées, les manuels – que l'on ne peut, hélas ! pas qualifier de scolaires ou de pédagogiques – incitent les élèves de tous âges à la violence et à l'antisémitisme, allant jusqu'à glorifier les actes terroristes, perçus comme l'unique voie à suivre. Voilà la triste réalité !
Je citerai deux exemples. Premièrement, un manuel de sciences explique aux jeunes Palestiniens la loi de la gravitation universelle de Newton à l'aide d'un exercice qui met en scène des tirs visant des soldats israéliens. Ce n'est pas acceptable ! Deuxième exemple, Dalal al-Mugrhabi, une femme terroriste qui, en 1978, a tué trente-huit Israéliens dont treize enfants, est donnée en exemple aux jeunes Palestiniens dans un manuel de linguistique. Cela ne peut plus durer !
Les enfants palestiniens sont victimes d'une politique d'endoctrinement qui vise à attiser et à ancrer en eux de façon pérenne la haine de leurs voisins israéliens. Or, comme tous les enfants du monde, ils bénéficient du droit le plus élémentaire à l'éducation, premier vecteur d'émancipation. Républicains, démocrates, humanistes, Français, nous avons le devoir de nous assurer que les valeurs transmises aux jeunes Palestiniens sont en accord avec les valeurs des droits de l'homme. Notre devoir est non seulement de sanctionner avec la plus grande sévérité les dirigeants du Hamas, mais aussi de traiter à la racine la gangrène qu'est l'antisémitisme.
Nos voisins européens, comme le Royaume-Uni, la Norvège et la Belgique, ont mis un terme aux financements destinés à l'Autorité palestinienne dans le domaine de l'éducation. La France doit soutenir la jeunesse palestinienne ; elle ne peut donc pas cautionner la propagande et l'endoctrinement de l'Autorité palestinienne.
Pour pacifier la région à long terme, une réforme éducative globale des programmes scolaires est une nécessité absolue. Nos financements doivent être subordonnés à la suppression effective de toute référence à une forme de discrimination, d'antisémitisme et d'incitation à la haine ou la violence envers le voisin israélien.
Je conclus, madame la présidente. Tel est le sens de la proposition de résolution que nous avons déposée, à l'initiative de notre collègue Caroline Yadan.
Madame la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, quels moyens la France met-elle en œuvre pour contrôler les fonds qu'elle alloue…
Mmes Laetitia Saint-Paul et Caroline Yadan, ainsi que M. Christophe Blanchet applaudissent.
Grâce à l'augmentation de son aide publique au développement (APD), la France est devenue le quatrième contributeur du monde en la matière. Et c'est sans compter l'aide de l'Union européenne – qui correspond à 10 % de son budget total –, à laquelle nous avons participé également à hauteur de 18,5 % en 2023. Ainsi, l'an dernier, les Français ont contribué, au total – il faut le rappeler –, à hauteur de 20 milliards d'euros.
Au Rassemblement national, nous considérons que, si elle est nécessaire, la politique d'aide publique au développement doit être évaluée sous l'angle de l'intérêt des Français. C'est avant tout leur argent, et nous devons être garants de son usage. S'agissant des fonds d'aides au développement, notre position se veut donc équilibrée : notre objectif est d'améliorer la coopération et le développement des pays qui en bénéficient tout en nous assurant que cela ne s'oppose pas à l'intérêt de nos compatriotes.
C'est pourquoi nous préférons les échanges et les programmes bilatéraux à la dilution de la position de la France dans un multilatéralisme qui souffre par ailleurs généralement d'un manque de contrôle efficace. Le bilatéralisme défendu par Marine Le Pen est une constante de notre ligne politique au service des Français. Ainsi demandons-nous que toute action de la France soit visible et authentifiée, ce qui est plus rarement le cas dans les programmes internationaux. Cette recommandation est d'ailleurs partagée par d'autres formations politiques, comme en témoigne un récent rapport de la commission des affaires étrangères.
Nous nous opposons à ce que des aides françaises puissent être accordées à des projets qui financent des concurrents des Français et bénéficier aux pays qui ne participent pas à l'action contre l'immigration illégale et favorisent l'émigration de leurs ressortissants ou refusent la délivrance de laissez-passer consulaires. Nous déplorons que les moyens des Français soient déployés vers des pays qui refusent de réintégrer ceux de leurs ressortissants soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Dans un même esprit, le RN juge primordial de réserver les financements à des pays répondant à des critères objectifs concernant leur niveau de développement économique. L'exemple de la Chine, qui a pu bénéficier d'aides publiques, démontre que le pilotage politique de l'APD est déficient. Le récent débat qui a porté sur la proposition de loi du président Bourlanges relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'APD, en est le dernier exemple.
Pour ces différentes raisons, le RN demande depuis longtemps que l'aide publique au développement soit gérée et suivie par le ministère des affaires étrangères. La générosité de la France doit, pour des raisons morales, être attribuée à des pays où l'aide bénéficiera effectivement aux populations locales. Or la corruption, qui gangrène beaucoup de pays, est favorisée par des circuits multilatéraux que la France ne contrôle pas.
Cette exigence d'efficacité renforcée par la probité doit être le fil conducteur de notre politique d'aide au développement.
Pour conclure, soyons clairs : nous proposons un véritable réarmement de la diplomatie au service des Français. Il faut un véritable ministère des affaires étrangères au service de la politique de la France, ce qui suppose un budget à la hauteur de nos ambitions.
Si nous ne pouvons que saluer l'augmentation de celui-ci, nous ne comprenons pas la réforme des corps diplomatiques, qui a pour conséquence une perte de compétences et de technicité de si beau et difficile métier qu'est celui de diplomate. Un vrai contrôle politique de l'APD par le ministère des affaires étrangères et une implication plus importante des ambassadeurs dans ce domaine permettront de maintenir la vocation historique et universaliste que notre pays a toujours incarnée.
Ce qui nous anime, au Rassemblement national, c'est avant tout l'intérêt de la France et des Français, même lorsqu'il s'agit d'aide publique au développement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Aux pays du Sud, nous demandons de se priver du charbon, de ne pas forer leurs sous-sols, de ne pas couper leurs forêts. Bref, tout ce que nous avons fait, durant un siècle et demi, nous voulons empêcher les autres de le faire, et ce pour une bonne raison, puisqu'il s'agit de sauver la planète. En échange, nous avons promis de les aider en leur consacrant 0,7 % de notre revenu national. Nous avons promis cela en 1973 et, cinquante ans plus tard, nous n'y sommes toujours pas ! Le président Macron l'a de nouveau promis pour 2025 mais, finalement, non : ce sera pour 2030, ou plus tard – autant dire jamais…
Alors, oui, il est urgent que nous rejoignions le cercle très fermé des pays qui respectent leur engagement : le Luxembourg, la Suède, la Norvège, l'Allemagne, le Danemark. C'est la première chose.
Deuxièmement, les aides au développement ne devraient pas être un caprice, une chose qu'on donne et qu'on reprend, comme pour punir un enfant. Au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les dirigeants ont rejeté nos diplomates et notre armée. Nous avons échoué à transformer une bataille commune, la lutte contre le djihadisme, en une influence politique. Pire : la France s'est fait haïr.
Comment agir, alors ? Vexé, le président Macron a décidé de couper nos aides au développement. C'est une erreur, cette saute d'humeur. Pourquoi ? Parce que ces aides ne sont pas destinées aux gouvernements, aux juntes au pouvoir, mais aux populations.
M. Matthias Tavel applaudit.
Ainsi, ce sont des familles, des femmes, des enfants que l'on punit, et non les dirigeants. Ce sont des accès à l'eau potable qui ne seront pas construits. Ce sont des coopératives de production de mangues, d'amandes ou de karité à l'arrêt. Ce sont des microcrédits bloqués. Ce sont des milliers, des centaines de milliers de personnes qui avaient un projet et dont l'avenir s'assombrit. Ce sont des régions, déjà instables, que l'on déstabilise davantage encore.
Croit-on vraiment que c'est ainsi, en multipliant changements et revirements, que nous renouerons une coopération avec ces pays ?
Troisièmement, ces fonds ne font pas une politique, ne remplacent pas la politique. Pour la Palestine, la France délivre chaque année une aide de 95 millions d'euros, et nous œuvrons actuellement, en plein conflit, à contribuer aux secours humanitaires. Mais à quoi bon ?
À quoi bon quand ces territoires sont chaque jour bombardés ?
M. Matthias Tavel applaudit.
À quoi bon quand plus de 20 000 Gazaouis sont tués ? À quoi bon quand 3 % d'entre eux sont blessés, quand la moitié ont leur maison détruite, quand 85 % sont déplacés hors de leur domicile ?
Mme Caroline Yadan s'exclame.
À quoi bon quand se répandent la faim et les maladies ? À quoi bon quand le gouvernement israélien mène une nouvelle guerre sainte, une guerre fanatique, celle des « fils de la lumière contre les fils de l'ombre », selon les termes de Netanyahou ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À quoi bon quand, à Tel-Aviv, des ministres d'extrême droite dévoilent leur objectif : chasser les Palestiniens de leurs terres pour qu'ils se réfugient au Rwanda, au Congo ou au Tchad ? À quoi bon quand, pour ne pas dévoiler les horreurs, pour ne pas rendre humains les humains, la présence des journalistes est interdite à Gaza ? À quoi bon quand les derniers reporters sur place sont ciblés par les frappes israéliennes, oui : ciblés et abattus – soixante-dix-neuf reporters ont été tués ? À quoi bon verser notre obole si, devant ce massacre, la France demeure muette, aphone ? À quoi bon si nous traitons encore les bourreaux en alliés – en alliés gênants, en alliés encombrants, mais en alliés tout de même ? À quoi bon si nous nous taisons, si nous regardons ailleurs ?
Pourtant, si la France voulait, la France pourrait. Elle ne pourrait pas tout, elle ne pourrait aucun miracle, mais elle pourrait un peu. La France, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, pourrait défendre une résolution en son nom afin de demander un cessez-le-feu immédiat à Gaza et un arrêt des colonies en Cisjordanie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La France pourrait appuyer les plaintes déposées devant la Cour pénale internationale contre les cadres du Hamas mais aussi contre les dirigeants israéliens, accusés de crimes de guerre.
M. Matthias Tavel applaudit.
La France, qui accueille les Jeux olympiques cet été, pourrait proposer au Comité international (CIO) des mesures de sanction, de rétorsion, comme pour les athlètes russes : pas d'hymne ni de drapeau.
La France, membre de l'Union européenne, premier partenaire commercial d'Israël, pourrait, dans le cadre d'une coalition, remettre en cause l'accord d'association. La France qui, après les massacres du 7 octobre, a éclairé la tour Eiffel aux couleurs d'Israël, pourrait l'éclairer aux couleurs de la Palestine ou, au moins, à celles des deux pays, et afficher les deux drapeaux, à l'image des deux peuples que nous voulons voir vivre en paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La France doit bouger pour faire bouger les États-Unis, les seuls qui feront bouger Israël. La France doit bouger pour que le Proche-Orient ne s'embrase pas. La France doit bouger pour servir de pont avec le Sud, conformément à sa tradition.
Cette voix, les millions d'euros ne la remplaceront pas. Cette voix qui dit : « Une vie vaut une vie ». Cette voix qui dit : « Il n'y aura pas de solution militaire au conflit. Il faut cesser les colonies. Il faut un État palestinien dans des frontières sûres, reconnues par son voisin. »
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette voix qui dit : « La loi, le droit plutôt que la force ! » C'est cette voix, haute et forte, grave et ferme qu'il nous faut retrouver.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Ces mots d'Albert Camus, lors de la remise de son prix Nobel de littérature en 1957, résonnent encore davantage dans le monde de 2024. Oui, la génération à laquelle j'appartiens veut faire en sorte que le monde ne se défasse pas.
Cette mission passe inévitablement par l'aide publique au développement, dont les objectifs sont multiples. Née au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un contexte de nécessaire reconstruction, elle a su accompagner la croissance économique et le développement. Par la suite, elle s'est progressivement concentrée sur les problèmes de développement durable et de sécurité, conservant l'équité et la justice comme valeurs cardinales.
La France prend toute sa part dans l'aide au développement : en 2022, notre pays a dépensé à ce titre plus de 15 milliards d'euros. Il se classe ainsi à la quatrième place des principaux donateurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), derrière les États-Unis, l'Allemagne et le Japon. Le premier continent bénéficiaire de l'aide française est évidemment l'Afrique. Il y a encore peu de temps, les principaux pays à en bénéficier étaient – outre le Sénégal – le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces trois derniers ont connu récemment des coups d'État militaires, au mépris de tout principe démocratique.
« À bas la France ! », « Armée française criminelle », « Français dehors ! », tels sont les slogans qui ont fleuri il y a six mois au Niger, alors que ce dernier figure parmi les quatre pays les plus aidés par la France.
Un coup d'État a conduit à la destitution du président démocratiquement élu. Pour nous remercier de l'argent versé, notre ambassadeur et nos militaires ont été humiliés, et nos compatriotes sommés de quitter le territoire sans délai.
La France a eu raison de couper toute aide aux putschistes.
Mais cet exemple tragique ne doit pas nous conduire à adopter une attitude isolationniste qui prônerait la fin de l'aide au développement. Il doit au contraire nous alerter et nous encourager à faire preuve de vigilance, d'exigence et de maîtrise. La Cour des comptes le signalait dans son étude, L'Agence française de développement et les organisations de la société civile, publiée le 22 juin dernier : chaque euro dépensé doit poursuivre un but précis, et notre pays doit toujours conserver un droit de regard sur la manière dont les fonds qu'il met à disposition sont utilisés.
Force est de constater que l'aide publique au développement française n'a pas toujours servi de nobles causes. En Cisjordanie et à Gaza, les aides internationales ont été détournées. Cet argent a servi à armer les terroristes qui s'en sont pris à des populations civiles en Israël, le 7 octobre 2023. Le montant de l'aide publique au développement versé par la France en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a atteint 60 millions d'euros en 2021. Les Français peuvent comprendre que c'est l'honneur de notre pays que de venir en aide à des populations n'ayant souvent connu que la souffrance. En revanche, ils ne peuvent accepter que leurs impôts servent à financer la construction des tunnels de Gaza, dans lesquels se cachent aujourd'hui les combattants du Hamas. Éric Ciotti et les Républicains vous l'ont déjà demandé : suspendez les aides aux terroristes de Gaza !
Face à ces réalités, une redéfinition de notre approche en matière d'aide publique au développement est nécessaire.
En premier lieu, nous devons renforcer la transparence et le suivi de l'utilisation des fonds alloués. Chaque euro doit être tracé et son impact mesuré. Cela implique une collaboration plus étroite avec les acteurs locaux et les organisations de la société civile.
Deuxièmement, il est essentiel de s'engager dans une diplomatie active et préventive. Nous devons être à l'écoute des pays bénéficiaires pour mieux anticiper les crises et adapter notre aide en conséquence.
Enfin, notre stratégie d'aide au développement doit rester flexible pour répondre aux crises émergentes. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre les projets de long terme, comme l'éducation et la santé, et les interventions d'urgence. Le dérèglement climatique déstabilise déjà des régions entières du globe. L'aide française doit s'adapter pour soutenir les pays en première ligne dans cette nouvelle bataille.
Le président Chirac le déclarait à l'ONU en 2004, « la dignité et l'espoir d'une vie meilleure sont les antidotes les plus efficaces aux poisons de la violence et du fanatisme ». La France a toujours su apporter sa part à la construction de notre monde. Aujourd'hui, nous avons l'occasion et le devoir de renouveler et de renforcer cet engagement. La responsabilité, la transparence et le respect doivent guider notre action. La contribution de la France à un monde plus juste et plus durable ne saurait se faire sans la confiance de nos compatriotes. Pour reprendre une formule de Michel Barnier, si la France n'est plus attendue dans le monde, elle reste encore espérée par de nombreux concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Louis Bourlanges applaudit également.
Ce n'est pas parce qu'il a cité Chirac que c'est bien ! Il n'y avait que cette phrase-là qui était bonne !
L'aide publique au développement de la France est en réalité constituée – on l'oublie souvent – par l'ensemble des engagements de la France. Il s'agit des engagements de la nation et pas uniquement ceux du contribuable, du Gouvernement ou de l'administration, en solidarité avec les régions du monde où nos sœurs et frères humains sont les plus démunis, les plus opprimés, les plus désorganisés. Nous, Démocrates, avons en permanence en tête, selon les mots de Marc Sangnier, « la conscience et la responsabilité de chacun ».
Avec une grande majorité de nos concitoyens, nous avons conscience d'être des privilégiés de notre petite planète ; mais nous assumons et nous prenons nos responsabilités à tous les niveaux de notre démocratie qui n'est pas aussi moribonde que certains le disent.
En plus de l'État, de son administration et de ses opérateurs, c'est l'engagement des associations, des ONG, des collectivités territoriales, des syndicats, des financiers, des universités, des grandes écoles, des lycées, des alliances françaises, des citoyens qui conduisent des camions jusqu'à l'étranger – y compris au Proche-Orient –, c'est l'engagement de toutes les forces vives de la nation qui anime cette politique publique. Il ne s'agit donc pas de se désengager mais de se rassembler. C'est l'État qui coordonne mais, j'y insiste, c'est la nation qui s'engage.
Nous refusons la culpabilité éternelle dont certains font leur fonds de commerce. Cet engagement multiforme, depuis la Révolution française, est le véritable sens, vivant, d'une nation citoyenne avant tout. Flatter les égoïsmes électoraux du café du commerce n'est pas à la hauteur des citoyens français engagés de longue date, avec Solidarnosc, Médecins sans frontières, le Réseau international des Instituts Pasteur (RIIP),…
…avec les trois millions de Français résidant à l'étranger, avec les jeunes et les moins jeunes qui s'impliquent, aux quatre coins du monde, dans les ONG, avec, enfin, les opérations de sécurité que nous menons en cas de coup dur.
Nous sommes une nation qui s'est toujours rendue disponible et solidaire contre les inégalités et les malheurs du monde. Jamais aucune citoyenne, aucun citoyen français engagé, conscient et responsable ne dira « moi, d'abord » ni « les Français d'abord ».
Ne réduisons pas la solidarité nationale contre les inégalités dans le monde à quelques actions du Gouvernement, encore moins à des étiquettes distribuées par des gentils contre les méchants, ou à quelques slogans. Notre politique d'aide au développement, c'est la grandeur de la France tout entière.
Le contrôle de cette aide est effectif. Le Parlement est représenté dans les conseils d'administration de l'Agence française de développement (AFD), avec le ministère des affaires étrangères. Nous exerçons ce contrôle avec nos collègues Mme Abomangoli, Mme Caroit et M. Potier.
D'autres de nos collègues siègent à Expertise France – l'Agence française d'expertise technique internationale (Afeti) – et dans tous les opérateurs. Le conseil d'administration de l'Agence française de développement, s'agissant du financement provenant du contribuable, examine chaque projet, crise après crise, y passant des journées entières, pour vérifier et contrôler.
Au passage, nous ne finançons pas la Chine : c'est une erreur. Nous prêtons de l'argent à la Chine, mais il n'y a pas un centime d'argent public donné à ce pays.
Le contrôle se fait, donc, mais il ne peut se faire qu'au cas par cas, avec précision et avec rigueur. Est-ce que notre aide est détournée ? Non.
Au cours de ce mandat, je me suis rendu à Hébron, à Bethléem, à Jérusalem, à Tel-Aviv, en Algérie, au Kurdistan et au Liban, dans le cadre de ma mission au sein de la commission des affaires étrangères,…
…afin d'observer comment nos projets faisaient sens en zone de conflit. J'ai pu me rendre compte à quel point ces projets sont vitaux pour la population.
Il s'agit de projets liés à l'eau, à l'éducation ou à la culture, qui sont autant d'outils contre la haine, contre le fanatisme et contre la guerre. Ce sont nos meilleurs instruments pour la paix et la réconciliation futures.
Évidemment, il faut de la transparence, et, je le répète, cette dernière est présente, même si elle est peu connue, y compris au sein de cette assemblée. Évidemment, il faut de la rigueur et du contrôle, mais nous retirer et abandonner ces territoires à la misère extrême, y compris à la misère culturelle et citoyenne, ce serait préparer les drames de demain.
Enfin, je voudrais faire référence au centre culturel franco-allemand de Ramallah, et à la conclusion du président de la commission des affaires étrangères, Jean Louis Bourlanges, lorsqu'il a pris la parole à cette tribune sur le conflit Israël-Hamas. La dimension franco-allemande mériterait d'être développée. Je suis convaincu que le rôle d'une agence de l'eau commune, au Proche-Orient, pourrait remplir les mêmes objectifs que la Communauté européenne du charbon et de l'acier il y a quatre-vingts ans en Europe.
Certains projets communs liés à l'eau sont d'ailleurs envisagés, en dessous des radars. Je crois profondément que nous pouvons, citoyens français et allemands, citoyens européens, porter cette voix, même quand c'est difficile. Est-ce que je me donne le droit de construire des coopérations avec l'ennemi héréditaire de mes parents ? C'est aujourd'hui l'engagement des citoyens français et allemands. Cet engagement doit demeurer ; contrôlé, maîtrisé, mais présent, innovant et audible dans le chaos que vivent nos sœurs et frères humains au Proche-Orient.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – MM. François Ruffin et Hubert Julien-Laferrière applaudissent également.
Les acteurs de l'aide publique au développement sont nombreux : les États, bien sûr, les collectivités, par l'intermédiaire de la coopération décentralisée, des agences – comme l'AFD en France – ou des banques de développement. Ces dernières décennies, l'ampleur de certains problèmes globaux a poussé à la création de fonds internationaux pour l'environnement ou contre des maladies comme le sida, le paludisme ou la tuberculose.
Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), créé en 1991, est sans doute le plus connu. Il réunit 183 pays membres, finance des projets ambitieux et coorganise les conférences des parties contractantes à la Convention sur la diversité biologique (CDB), ainsi que celles liées à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD), et à la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en 2002, recueille quant à lui les dons de nombreux pays donateurs, mais aussi d'acteurs privés, entreprises ou fondations.
Avec les collègues de la commission des affaires étrangères, nous évoquons régulièrement cette question de l'aide au développement, notamment lors de l'examen du budget, mais pas seulement.
Depuis l'adoption de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, nous constatons malheureusement que la trajectoire peine à s'approcher de l'objectif de 0,55 % du revenu national brut (RNB). Nous constatons également que notre volonté d'une plus juste évaluation de cette aide publique rencontre des obstacles.
La piste de nouveaux fonds thématiques verticaux, comme on les qualifie parfois, mériterait donc d'être explorée, afin d'augmenter les efforts d'aide au développement. L'actualité pose par exemple la douloureuse question des réfugiés, ou celle des catastrophes naturelles, qu'elles soient liées ou non au dérèglement climatique.
On se souvient que le président Chirac avait su, en son temps, proposer une piste de financement originale – celle de la taxe de solidarité sur les billets d'avion.
D'autre part, la piste d'une taxation des transactions financières reste insuffisamment exploitée, alors qu'elle pourrait permettre de se consacrer avec plus d'ampleur à de nouvelles causes.
Je rappelle que le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) du 18 juillet 2023 avait réaffirmé l'ambition d'atteindre, non pas seulement 0,55 % du revenu national brut, mais bien les 0,7 % régulièrement considérés comme nécessaires depuis plus de cinquante ans.
Seuls des pays comme la Norvège, la Suède, le Danemark ou le Luxembourg se situent régulièrement au-dessus de cette barre symbolique, alors que le Royaume-Uni depuis 2013, et l'Allemagne depuis 2016, tentent de se maintenir dans le cercle restreint des pays altruistes et engagés. La France est certes le cinquième contributeur en valeur, derrière les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon, mais nous voyons qu'il existe des pistes sérieuses d'amélioration.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés seront attentifs, madame la ministre déléguée, afin que l'aide publique au développement, qu'elle soit directe ou qu'elle passe par les utiles fonds d'aides au développement internationaux, joue pleinement son rôle pour renforcer la solidarité et réduire les inégalités mondiales.
M. Jean-Louis Bourlanges applaudit.
La politique de développement et de solidarité internationale est un outil précieux pour accompagner les pays les plus vulnérables, or elle ne peut être réalisée sans financement durable. L'action des fonds d'aides au développement internationaux doit être cohérente, soutenue et crédible afin d'en garantir la soutenabilité.
D'abord, elle doit être cohérente car les financements font intervenir une multiplicité d'acteurs, tels que des gouvernements, des collectivités, des ONG, des entreprises, des banques et des institutions internationales, qui ont recours à une grande diversité d'outils : les dons, les prêts à taux préférentiel, les subventions, les allègements de dette et les investissements directs.
En outre, les objectifs de développement, tels qu'ils ont été définis par les Nations unies pour la période 2015-2030, sont toujours plus larges : ils comprennent la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la promotion de la paix et de la justice, la protection de la biodiversité et du climat, ou encore la garantie d'une éducation de qualité et de la santé pour tous.
Faire preuve de cohérence, c'est encourager ces acteurs à interagir et à travailler ensemble pour atteindre les objectifs définis par une feuille de route commune. C'est ce que permet, dans une certaine mesure, l'agenda 2030 fixé par les Nations unies. Mais cela suppose aussi de réformer le financement du développement afin d'associer les capitaux privés à ces objectifs. Les différentes initiatives lancées et confirmées lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s'est tenu à Paris en juin 2023 doivent permettre d'orienter les financements privés et publics vers des objectifs de développement communs. Enfin, nous devons coordonner notre action au niveau européen.
Toutefois, au-delà de la mise en cohérence des fonds d'aides au développement, il faut procéder à une véritable montée en puissance. En effet, comme cela a été rappelé au sommet de Paris, nous avons besoin d'une impulsion financière et de ressources supplémentaires pour aider les populations à sortir de la pauvreté, tout en protégeant la planète.
Certes, les capitaux privés doivent y contribuer, mais une augmentation significative de l'aide publique au développement des pays les plus prospères est également nécessaire.
La France y a pris toute sa part : le montant des aides augmente constamment depuis plusieurs années et s'élève désormais à plus de 15 milliards d'euros par an. Comme M. Vermorel-Marques l'a rappelé, cela situe la France à la quatrième place des pays donateurs parmi les pays membres de l'OCDE.
Enfin, pour relever ces défis, il ne suffit pas de mobiliser des ressources financières, il faut aussi s'assurer que ces ressources sont utilisées de manière efficace, transparente et responsable.
C'est pourquoi nous devons renforcer l'évaluation d'impact de nos fonds d'aides au développement. L'évaluation d'impact est un outil indispensable pour rendre des comptes à nos concitoyens, qui financent l'aide au développement par leurs impôts, mais aussi à nos partenaires dans les pays en développement, qui doivent être associés à la conception, à la mise en œuvre et au suivi de nos projets.
Le Parlement et les experts de la politique de développement doivent y prendre toute leur part. En conséquence, le groupe Horizons est convaincu de la nécessité de rendre effective la commission d'évaluation prévue par la loi du 4 août 2021, ,
M. Jean-Louis Bourlanges applaudit
afin de renforcer la transparence et l'efficacité de ces aides. L'évaluation d'impact permet en effet de vérifier si nos objectifs sont atteints, d'identifier les facteurs de succès ou d'échec et de tirer des enseignements pour améliorer nos pratiques.
Mes chers collègues, la responsabilité des fonds d'aides au développement internationaux est considérable. Ils ne représentent pas seulement un investissement pour l'avenir dans les pays concernés. Ils sont aussi une expression de nos valeurs, de notre solidarité et de notre responsabilité. C'est pourquoi nous devons les augmenter, les réformer et les évaluer, afin de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable et à la construction d'un monde plus juste.
Mêmes mouvements.
Le présent débat sur les aides internationales s'ancre dans une réalité terrible, celle de la situation à Gaza. Ce petit territoire marqué par des décennies de conflit et de restrictions sévères, avec une densité de population parmi les plus élevées au monde, connaît actuellement le conflit le plus meurtrier de ce siècle, qui conduit à une situation humanitaire absolument dramatique – j'y reviendrai.
Cette situation n'est malheureusement pas isolée. Elle reflète les failles systémiques de notre politique internationale et des aides qui y sont liées. Elle interroge l'efficacité de notre aide au développement et la nécessité de garantir que nos interventions humanitaires ne soient pas entravées par des considérations purement politiques ou stratégiques, comme c'est le cas au Sahel, dans différents pays tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, où les peuples sont punis pour les fautes de leurs dirigeants.
En effet, les aides que nous leur délivrions ont été, pour la plupart, suspendues, du fait des coups d'État qui ont frappé ces pays. Pourtant, la situation au Sahel est critique : terrorisme, précarité extrême, réchauffement climatique. Selon différents scénarios, une augmentation de la température moyenne de 1,5 degré à 2 degrés pourrait toucher cette région et la rendre complètement invivable car les températures y excéderaient régulièrement 40 degrés. Cela entraînerait bien sûr des flux migratoires de grande ampleur, des millions de personnes étant contraintes de fuir ou de mourir.
Ces projections ne sont pas de simples hypothèses comme on l'entend encore parfois ; elles sont étayées par des données scientifiques robustes et devraient façonner notre politique d'aide internationale, en développant des stratégies d'adaptation et d'atténuation.
Un autre aspect crucial de notre politique d'aide internationale réside dans la compréhension du rôle des entreprises multinationales dans le modèle de développement actuel. Ces entités, de par leur taille et leurs ressources, influencent les décisions économiques, politiques et sociales des pays où elles opèrent. Elles peuvent dicter les termes des échanges commerciaux, modifier les normes de production et de travail et avoir un impact considérable sur les politiques nationales.
Ces géants économiques, qui peuvent être complices de pratiques néocoloniales, exploitent les ressources des pays en développement et entravent bien souvent leur véritable autonomie. Prenons l'exemple du projet mortifère de TotalEnergies en Ouganda, où 100 000 paysans ont été chassés de leurs terres pour qu'y passent des pipelines qui les souilleront à jamais, dans le seul but de continuer à maximiser les profits pétroliers, alors qu'il faudrait au contraire en finir avec les énergies fossiles.
Quand la guerre fait rage, la situation se complique davantage. Par exemple, l'entreprise Vinci bénéficie encore de marchés très importants en Russie, tout en cherchant à se positionner pour participer à la reconstruction en Ukraine. Carrefour, qui laisse mourir de faim les enfants gazaouis, s'implante en revanche dans les colonies israéliennes et soutient ainsi directement le nettoyage ethnique en cours en Palestine.
Madame la ministre déléguée, ces entreprises, c'est aussi l'image de la France. Notre engagement international doit embrasser une vision globale, qui questionne la responsabilité géopolitique des entreprises et où l'aide humanitaire, le développement et l'action de tous les acteurs internationaux sont intrinsèquement liés. Il est impératif de veiller à ce que l'aide publique au développement ne soit pas compromise par les pratiques néocoloniales, ou coloniales tout court dans le cas de la Palestine, de certaines entités économiques. Nous devons également nous assurer que notre présence contribue réellement à l'autonomie des nations bénéficiaires.
En juin dernier, le Président de la République a annoncé un « choc de financement public » significatif en faveur des pays les plus vulnérables. Cependant ces promesses semblent s'évaporer : le Gouvernement a récemment gelé ses efforts de solidarité pour 2024 et reporté à 2030 l'objectif d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en aide publique au développement. Cette révision représente un recul majeur dans nos engagements internationaux : le montant de l'aide pourtant cruciale ainsi perdue s'élèverait à environ 21,4 milliards d'euros. Cela affecte non seulement les pays destinataires de cette aide, mais aussi la crédibilité de la France sur la scène internationale. Il est en effet impossible de promouvoir une politique étrangère véritablement fondée sur l'humanisme et la solidarité, en abandonnant ainsi nos engagements financiers.
Ce n'est pas tout. La loi sur l'immigration que le gouvernement Borne a fait adopter avant les fêtes, sous la dictée et avec les voix du Rassemblement national,…
En la conditionnant à la lutte contre l'immigration irrégulière, comme le prévoit l'article 14 de la loi, c'est un nouveau coup porté à la France ainsi qu'à la francophonie et un cadeau de plus à l'influence de la Russie et de la Chine, qui n'en demandaient pas tant.
M. Hubert Julien-Laferrière applaudit.
En transformant ainsi l'aide humanitaire en instrument de pression diplomatique liée à de nauséabondes considérations de politique intérieure, la France rompt avec les principes de solidarité et d'équité tirés de sa tradition humaniste, qui a pourtant fait d'elle une grande nation, écoutée et respectée. En aggravant les inégalités et en tentant de perpétuer des rapports de domination, cette approche alimente le ressentiment des populations des pays bénéficiaires et sape les fondements mêmes de l'aide internationale.
Alors que le Président de la République avait, durant son premier quinquennat, fait avancer l'aide publique au développement, nous voici confrontés à une énième série de renoncements. La France, par son histoire, ses valeurs et sa place dans le monde, a pourtant le devoir de se positionner comme un leader dans la lutte contre les inégalités mondiales et le réchauffement climatique. Il est temps de restaurer notre engagement et de redéfinir notre rôle sur la scène internationale, en agissant de manière cohérente, responsable et solidaire.
M. Hubert Julien-Laferrière applaudit.
Madame la ministre… Je dois vous dire que, quand j'ai écrit mon intervention, je pensais m'adresser à Mme Colonna, ministre des affaires étrangères. Cependant, nous n'avons pas le choix et je m'adresserai à vous.
Ce n'est pas une critique. Votre propos, tout à l'heure, n'était pas très élégant non plus.
Vous voudriez peut-être recommencer ? Vous n'en avez pas assez dit, tout à l'heure, des propos racistes ?
Depuis 2017, la politique française d'aide publique au développement, en particulier le financement des fonds d'aides au développement internationaux, est très décevante.
Après l'annonce d'objectifs très ambitieux en 2017 et d'une programmation annuelle régulière, bien trop peu a été réalisé, et ce qui était annoncé n'a finalement pas été respecté. Pire, alors que les riches débats parlementaires sur la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales avaient permis d'ajouter de nombreux éléments, le consensus trouvé a été bafoué.
Je l'ai dit lors de l'audition du 29 novembre dernier : malgré notre mobilisation, il a suffi d'une réunion avec le Président de la République dans le cadre de son obscur conseil présidentiel du développement pour que tout soit balayé. Ensuite, il a suffi d'un comité interministériel de la coopération internationale et du développement pour entériner ces changements que personne ne vous avait demandés.
L'objectif d'allouer 0,7 % du revenu national brut français à l'aide publique au développement a été reporté de 2025 à 2030, alors que la France est signataire de cet engagement depuis 1970, et que les États membres de l'OCDE ont un revenu par habitant en moyenne cinquante fois supérieur à celui des pays à faible revenu.
Cet écart n'est pas le fruit du hasard, mais s'explique par l'histoire de la colonisation des États du Sud par ceux du Nord et par l'exploitation des ressources sans juste rétribution fiscale des États et sans redistribution envers les populations.
L'aide publique au développement française ne devrait donc pas être autant orientée vers les prêts, mais bien vers les dons, comme le réclame la commission des affaires étrangères depuis des années. Là encore, le reniement de l'exécutif français est incroyable : malgré les alertes, l'équilibre entre les prêts et les dons n'a jamais été corrigé. Les fonds d'aides au développement internationaux en subissent les conséquences puisqu'ils fonctionnent en grande partie grâce aux dons et non grâce aux prêts.
La France est le troisième État membre de l'OCDE qui utilise le plus de prêts dans son aide publique bilatérale et elle en a même encore augmenté la part ces dernières années.
Le combat pour rééquilibrer notre politique d'aide publique au développement en faveur des dons devrait s'accompagner d'une réforme du financement de cette politique. Il faut commencer par élargir enfin le taux et l'assiette de la taxe sur les transactions financières.
Les députés communistes le demandent tous les ans, mais l'exécutif refuse de bouger au nom de l'idée que cette taxe serait en discussion à l'échelle européenne, alors qu'elle est totalement bloquée à Bruxelles. Vous utilisez donc l'Union européenne pour ne rien faire en France, ce qui est pour le moins cynique.
Assumez-le, et dites que vous ne voulez pas augmenter de 0,3 % à 0,5 % un impôt sur un secteur financier devenu fou, qui est le seul à n'avoir fait aucun effort durant le covid et qui ne fait toujours aucun effort en matière écologique. Ce secteur dévastateur passe à travers les mailles du filet et utilise à plein les nombreuses failles de la fiscalité internationale pour s'enrichir davantage. Cependant, vous refusez de mener cette lutte.
Pour garantir une justice sociale ou écologique, encore faut-il que les États perçoivent de justes recettes fiscales, qui leur donnent les moyens de l'indépendance politique. Lutter contre l'évasion fiscale et contre la faiblesse des taux d'imposition sur les entreprises est l'une des clés pour permettre d'enrichir les États les plus fragiles. Aider à la construction de la fiscalité, à celle de l'État et des services publics devrait être une ambition forte.
Les parlementaires communistes proposent par exemple d'allouer 10 % de l'aide publique au développement à la construction des services régaliens des États comme les services fiscaux, afin qu'ils retrouvent de solides ressources internes pour favoriser un développement souverain.
Alors, si la loi de 2021 n'est plus un carcan pour l'exécutif, madame la ministre déléguée, comment comptez-vous nous rendre des comptes pour appliquer enfin la politique que le Parlement, et donc le peuple français, vous a demandé d'appliquer en votant la loi de programmation de l'aide publique au développement ?
J'ai entendu des députés soutenir qu'il fallait conditionner l'aide publique au développement.
Je rappelle quand même que les règles de l'OCDE interdisent de conditionner l'aide publique au développement. C'est une aide à la souveraineté des peuples – que nous devons soutenir – qui est désintéressée. Donnez-la ou ne la donnez pas, mais ne la conditionnez pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je tiens à remercier le groupe Renaissance de nous offrir un débat sur cette question, essentielle, de l'aide au développement. Les pays de l'Union européenne y contribuent, sous forme de prêts, de garanties ou de dons, à hauteur de 70 milliards d'euros en moyenne par an, ce qui représentait 47 % des engagements en 2021.
La participation française s'élevait à 15 milliards d'euros en 2022 ; notre pays est ainsi le quatrième financeur de l'aide publique au développement dans le monde. L'Agence française de développement peut compter sur ses 3 000 collaborateurs, répartis dans 85 agences, qui financent des milliers de projets dans le monde.
Fidèle à son engagement historique, la France tend à consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement. Cet objectif devrait être atteint en 2025, comme le prévoit la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Cette politique est indispensable et louable, même si sa soutenabilité pose question. Je pense à l'importance de la dette publique, aux 144 milliards d'euros de déficit public et à l'augmentation des intérêts de la dette publique qui dépasseront 52 milliards. Fait aggravant, l'État ne consacre que 7 % de son budget aux investissements : cela représente 30 petits milliards.
Entre le caractère impératif de l'aide, d'un côté, et, de l'autre, la nécessité de répondre aux besoins internes tout en rééquilibrant les comptes publics, la situation est indiscutablement complexe.
On peut également s'interroger sur la nature des pays bénéficiaires des aides – la Chine, par exemple. Entre 2018 et 2020, 400 millions d'euros ont été attribués à des projets chinois : est-il nécessaire de rappeler qu'il s'agit d'un pays dont le PIB est six fois plus important que celui de la France, dont l'indice de développement humain (IDH) est considéré comme élevé, et dont le coefficient de Gini est comparable à celui des États-Unis ? Je n'évoque pas l'interprétation toute particulière des droits de l'homme dans ce pays, la politique au Tibet, les relations avec la démocratie taïwanaise, le respect relatif de la souveraineté maritime des voisins, et la nature des relations économiques avec l'Europe…
Dans le même ordre d'idées, convient-il de financer des projets dans des États autoritaires comme l'Azerbaïdjan – je pense aux Arméniens – ou la Turquie – je pense au peuple kurde ? .
M. Frédéric Mathieu applaudit
Enfin comment ne pas parler de l'Afrique ? Ce continent est le principal bénéficiaire des aides françaises – soit environ 6 milliards d'euros l'an dernier. Au niveau mondial, l'Afrique reçoit 30 % des aides au développement.
Au cours des dix-huit dernières années, 805 milliards d'euros ont été versés à ce continent. Pourtant, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté, le développement est encore très limité, l'insécurité grandit et la défaillance des États en raison d'une mauvaise gouvernance est toujours criante. Inévitablement, la question des retours de ces aides au développement se pose aussi – quand même.
La balance commerciale française continue de « plonger », alors même que certaines des économies bénéficiant de nos aides poursuivent leur ascension. C'est heureux – et c'est l'objectif même de cette politique. Toutefois, on pouvait espérer une amplification des flux en retour. C'est le contraire qui se produit : la France, qui était un partenaire commercial majeur, ne cesse de s'effacer au profit d'économies émergentes – sans compter que, sur ce même continent, le sentiment antifrançais se propage à grande vitesse.
Les dictatures remplacent les démocraties fragiles que nous avions jusqu'ici portées à bout de bras. Ni les milliards ni les soldats tombés au front n'y auront changé quelque chose. Les valeurs occidentales que nous voulions voir triompher partout dans le monde s'érodent malheureusement face aux discours des émergents ; quelquefois, face à des messages bien plus nocifs encore.
Symbole d'un système à bout de souffle et signe patent d'échec, les vagues migratoires se succèdent vers l'Europe, suscitant chez nous les débats que l'on sait, et signifiant surtout l'échec des politiques de développement.
Face à ces échecs malheureux et sous l'effet de nos propres contraintes budgétaires, sans doute convient-il de reconsidérer notre politique de développement et, plus largement, celle des Occidentaux. Il s'agirait de mieux cibler les objectifs géographiques et sociaux, de viser davantage les politiques de formation et de santé, l'autodéveloppement et la maîtrise de la natalité.
Nous avons débattu de la politique migratoire ; si les aides au développement diligentées depuis des décennies avaient mieux atteint leurs objectifs, ces polémiques sur la pression migratoire n'auraient sans doute plus lieu d'être.
Le Fonds international de développement agricole, le Programme alimentaire mondial, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou encore le Fonds vert pour le climat sont autant de fonds d'aides au développement auxquels la France contribue. Elle le fait dans le cadre de sa politique d'investissement solidaire et durable, comme il convient désormais de l'appeler conformément aux derniers objectifs fixés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement.
En effet, notre politique de partenariats internationaux a beaucoup évolué ces dernières années. Dès 2017, le Président de la République a voulu l'amplifier. L'APD a atteint 15,3 milliards d'euros en 2022, contre 10 milliards en 2016. Notre pays a dépassé l'objectif qu'il s'était fixé d'allouer 0,55 % de son revenu national brut à l'APD ; il s'est hissé au quatrième rang des donateurs mondiaux.
Je me réjouis que nos investissements solidaires aient augmenté car les crises internationales – pandémie, dérèglement climatique, guerres en Ukraine, au Soudan, au Proche-Orient – se sont malheureusement multipliées. Ces chocs géopolitiques ont aussi nécessité un ajustement de la doctrine de développement et de solidarité internationale que le Parlement avait définie par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
En 2023, le Conseil présidentiel de développement a ainsi fixé dix nouveaux objectifs prioritaires et il a appelé à investir en particulier dans les pays les plus vulnérables.
Les 22 et 23 juin 2023, le Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial a permis de repenser le système financier international afin que coexistent les luttes contre la pauvreté et en faveur de la préservation des biens publics mondiaux, du climat et de la santé.
Le Cicid de juillet 2023 a quant à lui entériné le renforcement des dons, l'accroissement de 1 milliard d'euros par an d'ici à 2025 de l'aide humanitaire et l'abandon de la liste des dix-neuf pays prioritaires au profit de l'attribution de la moitié de l'effort financier bilatéral aux pays les moins avancés.
En tant que président du groupe d'amitié France-Soudan, j'espère que ce pays, qui ne figurait pas dans la liste des dix-neuf pays prioritaires, profitera de l'agilité de la nouvelle méthode de « priorisation » géographique ainsi que de l'augmentation de l'aide humanitaire.
Le Cicid a également renforcé le pilotage de notre politique d'investissement solidaire : les réunions ministérielles de suivi sont plus régulières et un comité de pilotage de la politique d'investissement solidaire a été réuni pour la première fois en novembre dernier.
La société civile est entendue dans le cadre du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI).
Des conseils locaux de développement sont mis en place par les ambassadeurs qui sont aussi chargés de définir une « stratégie pays ». Madame la ministre déléguée, pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce dernier point ? De quelle manière les conseils locaux de développement et les stratégies pays sont-ils envisagés dans les pays en guerre ? Je pense au Soudan et à ses voisins, déstabilisés par les flux migratoires causés par la guerre.
Les moyens, la doctrine et le pilotage de notre politique partenariale ayant été mis à jour, il nous reste à renforcer l'évaluation de cette politique. Ce sera le rôle de la Commission d'évaluation de l'aide publique au développement, instituée par la dernière loi de programmation du 4 août 2021.
Je salue le travail de nos collègues de la commission des affaires étrangères et du groupe Démocrate et apparentés : à travers la proposition de loi transpartisane dont nous débattrons jeudi, ils ont contribué à faire en sorte que cette commission soit conforme à l'esprit du législateur et qu'elle soit instaurée rapidement. Grâce à elle, nous pourrons savoir si les projets financés atteignent leurs objectifs et s'ils ont un effet réel sur les populations ciblées.
Dans l'attente du premier rapport de cette commission, c'est vous, madame la ministre déléguée, qui disposez des données sur les conséquences de nos investissements. Aussi comment en assurez-vous le suivi, en particulier dans les pays en guerre ? Comment parvenez-vous à garantir que ce sont les populations civiles et non les belligérants qui bénéficient de l'aide financière française ? Parvenez-vous à mesurer l'impact de ces investissements auprès de ces populations en extrême souffrance ?
En conclusion, permettez-moi d'insister sur la situation des civils soudanais, alors même que le conflit qui déchire le pays est assez peu médiatisé en France. Ce sont 12 000 morts et plus de 7 millions de déplacés qui sont passés sous silence. Ils ont besoin de nous, tout comme leurs voisins du Soudan du Sud et du Tchad.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, alors secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, tenait ce propos à l'Assemblée en novembre dernier : « Nous soutiendrons les pays qui ont envie de la France. »
Or, madame la ministre déléguée, pour l'avoir entendu tout au long de mon voyage au Soudan du Sud en octobre dernier, alors que je me rendais dans des camps de réfugiés, je peux vous l'affirmer : le Soudan et le Soudan du Sud ont envie de la France ! .
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem
Ça change de la première intervention ! Heureusement qu'il y a eu deux orateurs pour le groupe Renaissance !
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous remercie pour l'organisation de ce débat, qui va me permettre d'apporter des clarifications utiles sur certains aspects de notre politique d'investissement solidaire et de partenariats internationaux.
Dès le mois de mai 2017, le Président de la République a fait de la reconstruction de notre politique d'investissement solidaire une priorité au service de notre action extérieure.
Nous nous sommes donné les moyens d'être crédibles : l'aide publique au développement de la France est passée de moins de 10 milliards d'euros en 2016 à plus de 15 milliards d'euros en 2022 – un montant record qui fait de la France le quatrième bailleur à l'échelle mondiale. Cette progression, nous l'avons mise en œuvre en nous appuyant sur la volonté politique exprimée par le Parlement qui chaque fois a voté des crédits en hausse pour cette politique.
En effet, ces investissements représentent 0,56 % de notre richesse nationale, un peu au-delà de l'objectif de 0,55 % fixé par le Président de la République en 2017.
C'est fondamental car, sans moyens, il n'y a pas de politique. Ces moyens nous ont permis une montée en puissance sans précédent : nous avons pu investir massivement dans la transition verte, la santé, la réponse à la pandémie de covid, l'éducation et les droits des femmes.
Nous avons pu accompagner nos paroles et nos engagements d'actes concrets, comme l'annonce récente de mobiliser 250 millions d'euros en faveur des femmes, par le biais du fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF).
Alors que les crises se multiplient et s'aggravent, les moyens financiers mobilisés au bénéfice de l'APD permettent également à la France d'être un acteur majeur de l'action humanitaire internationale.
D'ici à 2025, l'action humanitaire, représentant déjà quelque 850 millions d'euros, sera portée à 1 milliard d'euros. Ainsi, les ONG et les organisations internationales pourront agir avec notre soutien, partout où frappent les guerres, les crises et les catastrophes, accompagnées de leurs lots de tragédies et de misère.
En novembre dernier, un mois après le début de la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre, nous pouvions ainsi annoncer 100 millions d'euros d'appui supplémentaire aux Palestiniens.
Que ce soit au Soudan, en Arménie ou face au tremblement de terre en Turquie et en Syrie, notre mobilisation financière a permis d'alléger les souffrances de ceux que la guerre chassait de Khartoum ou du Haut-Kharabakh. C'est une fierté pour notre pays.
Bien sûr, ces moyens nous obligent – et d'abord en matière d'efficacité. C'était l'objet du Conseil présidentiel du développement réuni le 5 mai 2023, et du Cicid qui s'est tenu au cours de l'été dernier, de manière dématérialisée.
Dans la continuité de la loi de 2021, nous avons voulu appliquer un choc de méthode à notre politique de solidarité internationale, afin de la rendre plus flexible. Monsieur le député Christophe Marion, le Soudan qui, en effet, n'était pas parmi les pays prioritaires, est intégré au nouveau mécanisme de concentration de nos efforts budgétaires, ciblant la catégorie des pays les moins avancés dont il fait partie.
Notre action, fondée sur dix objectifs politiques prioritaires, concrets et mesurables, s'attache ainsi résolument à l'impact produit. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères en assurera personnellement le suivi avec Bruno Le Maire. Notre action sur le terrain doit être claire et organisée ; elle doit être lisible pour nos partenaires et nos concitoyens.
Dans l'objectif de mieux rendre compte de notre action, cette réorganisation nous permettra, dans l'esprit de la loi du 4 août 2021, de progresser en matière de transparence et de traçabilité
Mais le choc de méthode qu'implique le Cicid concerne également notre organisation et notre pilotage
…dont la première édition s'est tenue en novembre, conformément aux dispositions du Cicid
Sur le terrain, nos ambassadrices et nos ambassadeurs doivent, plus que jamais, organiser les travaux de tous au service de l'efficacité de notre action et du respect de nos intérêts. Le conseil local de développement, créé par la loi du 4 août 2021, lequel permet de définir une stratégie pour chaque pays partenaire et d'adapter l'aide au contexte local tout en assurant sa cohérence avec nos priorités, demeure l'élément central de la mobilisation de tous les acteurs de cette équipe France. Les députés représentant les Français de l'étranger y ont bien évidemment toute leur place.
L'efficacité passera également par la mesure et l'évaluation des effets de nos actions : la mise en place d'une commission indépendante d'évaluation de l'aide publique au développement, que nous savons très attendue par l'Assemblée nationale, est le dernier point emblématique de la loi du 4 août 2021 qui n'ait pas encore été complètement mis en œuvre. Le ministère a désigné ses représentants au sein de cette enceinte, et nous devons désormais avancer ensemble
Soyez assurés que la volonté du Gouvernement
Vous le savez, les crises sont désormais multiples. En matière d'aide au développement, l'année 2023 aura été marquée à la fois par une succession de coups d'État au Sahel et par la guerre à Gaza. Ces événements ont suscité chez les élus des questionnements, et je voudrais donc rappeler les principes qui régissent la traçabilité de l'allocation des fonds
Conformément au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui a été renforcé par le décret du 18 avril 2018, les activités menées par l'Agence française de développement et les financements qu'elle octroie répondent aux normes internationales de lutte contre le financement des organisations terroristes.
En Palestine comme au Soudan, ravagé par la guerre, en Syrie ou au Sahel, aucun fonds, aucun bien monétisable, n'est mis à disposition d'entités ou d'individus faisant l'objet de mesures restrictives de la part de l'ONU, de l'Union européenne ou de la France elle-même, car les groupes mafieux ou terroristes qui sévissent dans ces territoires sont bien souvent la cause des souffrances que nous devons alléger.
Parfois, le contexte nous impose de revoir à la baisse nos actions. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, l'agressivité des autorités locales à notre égard nous a conduits à réduire nombre de projets
En résumé, le double renforcement de notre APD, à la fois en volume
Pour conclure, je suis ravie et honorée de représenter le ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour ce débat très important pour la représentation nationale et tous nos concitoyens. Plus que jamais, nous devons rappeler que nous sommes une nation solidaire et unie pour faire avancer partout nos valeurs, en particulier là où les populations sont fragilisées. Mais cela nécessite d'examiner dans le détail les dossiers.
Pour une fois, vous avez décidé de sortir du silence, mesdames et messieurs les députés du groupe Rassemblement national. Or, si j'ai souvent eu l'occasion de rappeler qui vous étiez, je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur le fait que vous ne travailliez pas assez vos fiches !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Dans son intervention, Mme Hamelet a laissé entendre qu'à travers l'Agence française au développement, la France donnait de l'argent à la Chine, sans aucun contrôle.
Mais, encore une fois, vous vous êtes trompés : c'est absolument faux…
Vous pourriez en dire autant au député du groupe Renaissance qui a affirmé tout à l'heure que l'aide au développement avait financé les tunnels du Hamas dans la bande de Gaza !
…et je ne laisserai plus proférer de tels mensonges, surtout au sein de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Monsieur Lecoq, vous pourrez vous exprimer lors de la phase de questions. Pour l'instant, seule la ministre a la parole.
Les députés du Rassemblement national peuvent répondre eux-mêmes, monsieur Lecoq, ils n'ont pas besoin que vous assuriez leur défense !
Mais je ne les défends pas ! Je remets en cause les propos d'un député Renaissance et vous ne me répondez pas !
Soyons clairs : l'AFD ne donne pas d'argent, elle en prête. Les prêts consentis à la Chine, dépourvus de tout élément concessionnel, n'impliquent aucun apport budgétaire de l'État : leur objectif
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
Avant de poser ma question, qui portera sur l'aide apportée aux territoires palestiniens, je tiens à avoir une pensée pour toutes les victimes de ce conflit, en particulier pour nos otages détenus depuis plus de 100 jours.
Alors que, depuis le début du conflit, les organisations non gouvernementales présentes sur le terrain ne cessent de sonner l'alarme, la situation humanitaire à Gaza a atteint des niveaux catastrophiques, nécessitant une réponse immédiate de la communauté internationale. Quelque 2,2 millions de personnes dépendent actuellement d'une assistance humanitaire d'urgence et la situation, déjà critique, est encore aggravée par l'état des hôpitaux de la région, dont les deux tiers sont hors service, privant la population d'un accès essentiel aux soins médicaux. Les infrastructures vitales, comme celles permettant l'approvisionnement en eau et en électricité, ont été coupées, accentuant la détresse des habitants. En outre, la suspension du traitement des eaux usées présente un risque majeur pour la santé publique.
Lors de la conférence humanitaire internationale pour la population civile à Gaza, en novembre, le Président de la République, Emmanuel Macron, a indiqué que la France augmenterait de 80 millions d'euros son soutien financier aux populations palestiniennes, portant l'enveloppe totale à 100 millions d'euros pour 2023. Afin de mieux évaluer la portée de cette contribution, pourriez-vous, madame la ministre déléguée, préciser la répartition prévue de ces fonds et les secteurs ciblés en priorité, et nous indiquer les mécanismes de contrôle qui permettront d'assurer une utilisation transparente et efficace de ces ressources ?
Il est évidemment impératif non seulement de maintenir cette aide à court terme, mais aussi de l'adapter face à l'explosion des besoins humanitaires. Au-delà, la reconstruction nécessitera également un soutien financier important à moyen et long termes. Comment la France envisage-t-elle d'y contribuer dans le cadre d'une coopération bilatérale efficace ?
Face à la détérioration de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, la France a d'abord annoncé, dès le 16 octobre, une aide humanitaire supplémentaire de 10 millions d'euros à destination des populations palestiniennes, transmises par le biais des agences de l'ONU et plusieurs ONG humanitaires. Le 9 novembre, une conférence humanitaire internationale pour la population civile à Gaza réunissant plusieurs chefs d'État et de gouvernement des Proche et Moyen-Orient s'est tenue à l'Élysée, à l'initiative du Président de la République. Sur les 100 millions d'euros d'aide humanitaire que la France s'est engagée à fournir aux populations palestiniennes à cette occasion, 83 millions transitent par les agences des Nations unies et des organisations internationales. Au total, la France a acheminé plus de 550 tonnes d'aide humanitaire vers l'Égypte et la Jordanie.
Le 6 novembre, les Nations unies ont lancé un appel à financement pour répondre à la situation humanitaire de 2,2 millions de Gazaouis et 500 000 personnes en Cisjordanie. Les 1,2 milliard d'euros sollicités doivent contribuer à répondre à leurs besoins en matière de santé
Comme vous le savez, nous avons considérablement renforcé notre aide et mobilisons tous les moyens possibles pour soutenir la population gazaouie.
Le 19 septembre, les Arméniens du Haut-Karabakh ont été contraints de fuir en masse vers l'Arménie après une attaque de l'armée azerbaïdjanaise ayant entraîné ce qui s'apparente à un nettoyage ethnique : plus de 100 000 hommes, femmes et enfants ont depuis trouvé refuge chez leurs voisins de la République démocratique d'Arménie. Face à ce drame, la France a fait preuve non seulement d'une grande clarté diplomatique, mais également d'un soutien fort et immédiat en matière humanitaire et politique, mais aussi en matière de sécurité, notamment par la signature de contrats de défense.
Néanmoins, le soutien économique et financier est le talon d'Achille de notre aide à l'Arménie. En effet, cette aide accordée à travers l'AFD est avant tout composée de prêts et facilités financières pour des projets de grande ampleur de long terme, qui ne verront le jour que dans plusieurs années. Or l'Arménie, petit pays de 3 millions d'habitants, fait face à un défi : intégrer 100 000 réfugiés et pourvoir à leurs besoins en matière de logement, de formation et d'emploi.
Ma question est donc simple : compte tenu de la gravité et de l'urgence de la situation à laquelle l'Arménie doit faire face, pouvons-nous envisager de la rendre éligible aux interventions de sortie de crise proposées par l'AFD au titre du programme 209, Solidarité avec les pays en développement, qui se présentent sous forme de bonifications et subventions
Mme Laetitia Saint-Paul applaudit.
Résolument engagée aux côtés des populations arméniennes du Haut-Karabakh et en soutien à l'Arménie, la France a décidé de tripler son aide humanitaire, qui atteint désormais 12,5 millions d'euros pour l'année 2023. À cette aide s'ajoutent les efforts de la société civile et des collectivités territoriales françaises : une aide médicale d'urgence a été remise aux autorités arméniennes et quatre grands blessés ont été pris en charge par les hôpitaux français. En outre, la France a versé une contribution additionnelle de 1 million d'euros au Programme alimentaire mondial (PAM), en faveur de l'Arménie, qui a permis à quelque 70 000 réfugiés de recevoir une aide, non seulement dans la zone frontalière, mais aussi, plus largement, dans tout le pays. Enfin, à travers l'Agence française de développement, la France soutient l'Arménie à hauteur de 251 millions d'euros. L'AFD y intervient principalement dans les secteurs de l'énergie et de l'agriculture, en particulier en matière d'irrigation et de gouvernance financière.
Par ailleurs, l'entretien de janvier 2021 entre le Premier ministre arménien et le Président de la République française a permis une reprise de l'activité souveraine de l'AFD en Arménie. En septembre 2022, un financement budgétaire de politique publique de 100 millions d'euros, dédié à la gouvernance financière, a été octroyé à l'Arménie. Avec nos partenaires européens, nous bâtissons un plan européen d'appui à l'Arménie indépendante, souveraine et démocratique. Notre objectif est de parvenir à l'établissement d'une paix juste et durable, fondée sur le respect du droit international au bénéfice de toutes les populations du sud du Caucase.
L'OCDE a publié, le 12 avril 2023, les données de l'APD mondiale pour l'année 2022. Pour la première fois – et c'est heureux – la France se classe en 2022 parmi les dix premiers acteurs en matière d'aide humanitaire. Forte de sa culture universaliste, c'est l'honneur de la France de concourir au développement des pays les moins favorisés. Néanmoins, notre aide ne doit pas tomber entre les mains des mauvaises personnes. Une aide efficace est une aide juste.
Depuis les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas, plusieurs ONG palestiniennes récipiendaires de fonds publics européens font l'objet d'allégations d'incitation à la haine et à la violence. Ces faits choquants et d'une extrême gravité ont conduit la Commission européenne à annoncer, le 21 novembre 2023, « l'inclusion de clauses contractuelles de non-incitation à la haine et la violence dans tous les nouveaux contrats et la surveillance de leur application stricte à tout moment ». En ce qui concerne les ONG soutenues par l'aide publique française, le cas du Palestinian Medical Relief Society (PMRS), partenaire d'un projet subventionné à hauteur de 865 000 euros par l'AFD pour la période 2021-2024, est le plus flagrant. En effet, le président du PMRS Mustafa Barghouti, décoré des insignes d'officier de la Légion d'honneur, a qualifié le pogrom antisémite du 7 octobre de « jour glorieux aux proportions historiques » et a nié à plusieurs reprises, sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision, les viols et mutilations commis contre les femmes le 7 octobre.
Les moyens engagés et que vous avez rappelés, madame la ministre déléguée, visant à s'assurer que l'argent des Français à destination de l'aide au développement ne finance pas l'islamisme, l'incitation à la haine et à la violence, la provocation à la haine raciale et l'antisémitisme, ne sont, selon toute vraisemblance, pas suffisants. Ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire pour que cette assurance devienne effective ? .
Mme Laetitia Saint-Paul et Mme Anne-Laure Petel applaudissent
La France accorde évidemment un soin particulier au choix des projets de solidarité internationale qu'elle finance. Chaque contribution doit être pleinement conforme à notre législation et en cohérence avec les valeurs que nous défendons, en particulier notre engagement ferme dans la lutte contre l'antisémitisme – toutes les formes d'antisémitisme – et contre le terrorisme. Les autorités françaises veillent en particulier à ce que ces financements ne soient pas détournés de leur objet et de leur cible : il s'agit de promouvoir une culture de paix et la défense des droits de l'homme, une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien dans le cadre du droit international.
Depuis 2018, le centre de crise et de soutien (CDCS) a appliqué une politique d'exigence renforcée à l'égard de ses partenaires, dans le cadre de ses opérations humanitaires. Ainsi a-t-il été établi une cartographie des ONG bénéficiaires de subventions, décidé un contrôle de l'utilisation des crédits publics par la réalisation d'évaluations et d'audits ex post sur site et sur pièces, enfin sont menées des actions de sensibilisation et de formation de nos postes aux exigences de conformité, pour assurer localement le bon suivi des projets. Des mécanismes d'alerte des autorités ont également été créés, lorsque les ONG identifient un risque de financement du terrorisme.
Aussi, afin de se mettre en conformité avec les exigences des bailleurs institutionnels, y compris européens et internationaux, les ONG investissent-elles progressivement dans des systèmes de gestion du risque, qui tendent à diminuer le risque de financement du terrorisme auquel elles sont potentiellement exposées dans le cadre de leur activité, en particulier pour les plus importantes.
Ces dix dernières années, la France a octroyé 145,6 milliards d'euros d'aide bilatérale en faveur des pays dits en développement, majoritairement sous la forme de dons. Mais – et c'est étonnant – après l'Allemagne, la France est le plus gros contributeur de l'aide publique destinée à la Chine, avec près de 400 millions d'euros versés entre 2018 et 2020. La situation risque d'ailleurs de perdurer puisque la Chine ne devrait pas sortir de la liste des bénéficiaires de l'aide publique avant 2026 ou 2027. La France apporte donc son aide au développement de la Chine, deuxième puissance mondiale, ainsi que de l'Inde, cinquième puissance mondiale, la liste des pays admissibles au bénéfice de l'APD étant fixée par l'OCDE en fonction du PIB par habitant.
Nous ne sommes pas opposés à l'aide internationale, mais elle doit passer après l'aide nationale. Je pense à nos agriculteurs, dont beaucoup peinent à se verser un salaire. La France incarne à leurs yeux des normes, des contraintes et une forme d'abandon. Ils ne peuvent comprendre que la France se transforme en généreux donateur en faveur de pays plus riches qu'elle et séparés d'elle par un vaste continent. En outre, quand la France investit en Chine, c'est pour y construire des infrastructures, mais quand la Chine investit en France c'est pour y racheter nos infrastructures, nos édifices et nos entreprises. Quel est ici l'intérêt de la France, des entreprises françaises et des Français ?
En parallèle, la politique de développement que nous avons menée en Afrique, au lieu de renforcer nos liens avec nos partenaires africains, est perçue par eux, soit comme de la cupidité, soit comme de la charité malvenue. Des milliards d'euros versés par la France au continent africain n'ont pas permis d'éviter l'apparition de mouvements haineux à notre égard, ni au Niger, ni au Burkina Faso, ni au Mali, ni en Centrafrique. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous expliquer quel est notre intérêt à persister dans une telle politique d'aide au développement, qui navigue en eaux troubles, les yeux fermés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'avoue être un peu déstabilisée… J'ai été parlementaire et je comprends, bien évidemment, qu'on prépare ses questions avant d'arriver en séance : c'est sain et serein, respectueux du fonctionnement des institutions. Pourtant, force est de constater que votre question contient les mêmes propos que ceux tenus par la représentante de votre groupe lors de la première partie du débat. J'y ai donc déjà répondu : la France ne fait pas de dons à la Chine par le biais de l'AFD. Je veux bien le répéter inlassablement mais cela ne fera pas avancer le débat qui porte sur un sujet aussi important.
Ensuite, vous évoquez, de façon générale, les fonds de l'AFD destinés à aider des pays qui en ont besoin, dans le cadre des valeurs que nous défendons en tant que Français, en particulier eu égard aux grands défis qui concernent notre pays mais également le monde, notamment le réchauffement climatique. Soyons très clairs : cet argent, nous ne le prenons pas à nos agriculteurs. En revanche, quand le Rassemblement national fait campagne contre l'Europe, il met en difficulté nos agriculteurs : c'est une réalité concrète.
Enfin, vous dites que la Chine vient en France pour capter notre richesse et mettre la main sur nos entreprises. Travaillons effectivement à protéger la souveraineté économique et l'attractivité de nos entreprises. Reste qu'entre vos paroles et vos actes dans cet hémicycle, il existe un grand écart qui commence à se voir ! Il y a quelques semaines, alors que ma collègue Olivia Grégoire était sur les bancs des ministres, vous étiez main dans la main avec cette partie de l'hémicycle ,
Mme la ministre déléguée désigne la gauche de l'hémicycle
pour tenter d'adopter une proposition de loi qui aurait mis à mal la compétitivité et l'attractivité de nos entreprises, notamment des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), en contrôlant leurs marges, et les aurait exposées ainsi à la concurrence mondiale. Je veux bien parler de tout, mais il faut travailler les sujets avec sérieux et en profondeur, et cesser le grand écart entre vos paroles et vos actes.
Le rapport d'information remis par la commission des affaires étrangères le 8 novembre 2023 sur les relations entre la France et l'Afrique fustige parfois le manque de respect perçu par les acteurs africains ainsi que l'existence d'un double standard qu'ils peuvent également dénoncer. Ne pensez-vous pas, madame la ministre déléguée – puisque vous remplacez le ministre, absent, dès le premier débat –, qu'impliquer plus encore les ambassadeurs dans l'attribution et la gestion de l'APD aurait pour bénéfice de faciliter leur travail et de mieux appréhender les aspects culturels, permettrait également de ménager la susceptibilité de ces pays quant à l'intention qu'ils dénoncent dans notre volonté d'exporter nos valeurs et notre modèle politique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Effectivement, il faut que nos ambassadeurs et nos ambassadrices soient investis plus encore dans la gestion et le contrôle des aides au développement.
Je parle au RN, et c'est la gauche qui me répond, ce qui produit un double écho assez étonnant. Il se passe vraiment des choses étonnantes dans cet hémicycle ! Donc, madame la députée, vous avez raison et nous agissons d'ailleurs en ce sens.
En ce moment même, affluent dans la petite station de Davos les jets privés de centaines de PDG soucieux de se ménager un siège auprès des chefs d'État et de gouvernement. Pendant ce temps, Oxfam nous alerte : alors que la fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, près de 60 % de la planète s'est appauvrie ; au rythme actuel, il faudrait plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté. Cette situation n'est même plus injuste, elle est indécente. Elle appelle un engagement renouvelé en faveur de la solidarité internationale, une action concrète pour réduire les inégalités, lutter contre la pauvreté et garantir l'accès pour toutes et tous aux droits fondamentaux.
Avec le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, la France semblait afficher cet engagement, en défendant le souhait ambitieux de réformer l'architecture et le fonctionnement des grands fonds d'aides au développement internationaux. Pourtant, les dernières décisions prises au niveau national contredisent les belles déclarations faites sur la scène internationale. Cet été, lors d'un Cicid organisé en catimini et sans en informer le Parlement, le Gouvernement a remis en cause la trajectoire de l'APD, inscrite dans la loi de 2021, repoussant de cinq ans l'objectif d'allouer 0,7 % du RNB à l'APD et retirant ainsi 11 milliards d'euros à la solidarité internationale.
À l'automne, lors de l'examen du budget, ce fut pire. Pour la première fois depuis des années, le Gouvernement a présenté des crédits en stagnation. En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, j'ai alerté sur ce recul pour la solidarité internationale, qui s'apparente plus à une réduction des crédits compte tenu de l'inflation. La suite, vous la connaissez : malgré les nombreuses alertes des acteurs du développement et nos amendements visant à donner à la solidarité internationale les moyens qu'elle mérite, c'est un budget rabougri qui a été adopté par un énième 49.3.
Alors que nous devons renforcer les systèmes de santé mondiaux et nous préparer aux prochaines pandémies, les derniers documents budgétaires prévoient de réduire les engagements en matière de santé mondiale : un signal d'autant plus alarmant que nous ne consacrons que 8 % de notre APD à la santé quand 4,5 milliards de personnes ne peuvent toujours pas accéder aux services de soins essentiels. Madame la ministre déléguée, alors que les actions du Gouvernement ont jusqu'ici contredit ses déclarations, quelles seront ses ambitions pour prendre part à la lutte contre l'extrême pauvreté et les inégalités de santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous m'interrogez sur la trajectoire de l'APD. Je rappelle simplement, comme je l'ai dit à la tribune, que depuis 2017 les moyens engagés au service de notre politique d'investissement solidaire et durable ont été substantiellement accrus. La France est ainsi passée d'un volume d'APD de près de 10 milliards d'euros en 2017, à plus de 15 milliards d'euros en 2022, faisant ainsi de notre pays le quatrième bailleur à l'échelle mondiale. Ces moyens supplémentaires, conformes aux ambitions du Président de la République depuis 2017 en matière de lutte contre les inégalités mondiales et pour la préservation des biens publics mondiaux, nous ont permis d'atteindre l'objectif intermédiaire de 0,55 % du RNB en 2022, respectant ainsi les dispositions de la loi de programmation du 4 août 2021.
Dans les années à venir, et malgré un contexte de forte pression sur nos finances publiques, les moyens consacrés à la solidarité internationale vont continuer à augmenter. À ce titre, l'ambition française d'atteindre 0,7 % du RNB a été réaffirmée par le Président de la République à l'occasion du conseil présidentiel du développement le 5 mai 2023, puis par les conclusions du Cicid du 18 juillet 2023.
Cet horizon de 2030 reste cohérent avec l'ambition fixée avec l'ensemble de nos partenaires européens, et cohérent avec l'agenda 2030.
Depuis les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier, le voile se lève sur le scandale du détournement massif de l'aide publique au développement octroyée par les pays occidentaux, dont la France, aide censée aider la Palestine et les Palestiniens mais qui finance, en réalité, le terrorisme islamiste.
Nous savions déjà que le Hamas utilisait les conduites d'adduction d'eau financées par l'Agence française de développement pour les transformer en corps de roquettes lancées depuis Gaza contre les civils israéliens. Nous savons désormais que des professeurs rémunérés par l'agence des Nations unies opérant en Palestine, l'Unrwa – Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient –, ont célébré les massacres du 7 octobre.
Nous avons également appris avec effroi qu'en plus d'abriter des caches d'armes du Hamas, les écoles et les collèges opérés par l'Unrwa sont des lieux où l'on enseigne aux enfants qu'un attentat à la bombe incendiaire contre un bus rempli de Juifs est « un barbecue de fête » et que les exercices sur lesquels les élèves travaillent glorifient le caractère divin et sacré de la lutte armée contre Israël.
Enfin, nous constatons que la France a financé, pour plusieurs centaines de milliers d'euros, de nombreux projets soutenus par l'UAWC
Pas un euro d'argent public, français ou européen, ne doit remplir les poches des dirigeants du Hamas ni financer le terrorisme, de façon directe ou indirecte. Il y a quelques semaines, alors qu'il était encore président du groupe macroniste au Parlement européen, le nouveau ministre de l'Europe et des affaires étrangères se réjouissait publiquement du triplement de l'aide financière à la Palestine, feignant d'ignorer que l'autorité palestinienne octroie aux familles des terroristes du Hamas tués ou emprisonnés depuis le 7 octobre des pensions mensuelles cinq à dix fois supérieures au salaire moyen.
Alors que quarante de nos compatriotes ont été massacrés par le Hamas, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre déléguée, que pas un seul euro des contribuables français n'a financé, ne finance ou ne financera le terrorisme islamiste au Proche-Orient ? Pouvez-vous également nous préciser quels sont les moyens de contrôle appliqués par le Gouvernement concernant l'utilisation de l'aide publique au développement française octroyée à la Palestine ?
Je trouve blessant de devoir répondre à cette question qui me paraît indigne, compte tenu du pays dans lequel nous vivons et qui a, lui-même, été frappé par le terrorisme. Affirmer mot pour mot
Nous pouvons débattre de tout, à condition que ce soit dans la dignité et le respect de ce que nous sommes, c'est-à-dire des Françaises et des Français fiers de nos valeurs.
Aider implique aussi d'être en mesure de contrôler ; je vous rejoins sur ce point, auquel j'ai eu l'occasion de répondre précédemment. Je l'affirme : jamais aucun euro français ne financera le terrorisme ni des organisations qui se battent contre nos valeurs. Que vous prononciez cette phrase, tout juste digne d'un tweet ou d'un réseau social, n'est pas à la hauteur de nos débats dans cet hémicycle ni de notre pays.
En ma qualité de président du Comité national anticontrefaçon (Cnac), je me suis rendu il y a deux mois en Côte d'Ivoire afin d'ouvrir, en partenariat avec l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), un bureau de l'Union des fabricants (Unifab) à Abidjan. L'objectif est de mener une politique de prévention et de contrôle de la contrefaçon, qui nuit aux pays dans laquelle elle s'exerce ainsi qu'à la France – j'y reviendrai dans ma conclusion.
La contrefaçon représente en Côte d'Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, un véritable fléau car elle concerne la fabrication de faux médicaments qui tuent – il n'y a pas d'autre mot – des citoyens africains, qui polluent et financent le crime organisé ainsi que les filières du terrorisme. C'est ce que nous avons dénoncé dans le rapport sur l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon que nous avons publié il y a deux mois avec mon collègue Kévin Mauvieux.
Lorsque j'étais en Côte d'Ivoire, 500 000 faux médicaments avaient été saisis et entreposés – ce qui nécessite de la place. Toutefois, au bout de quinze jours, faute d'incinérateurs pour les détruire, la moitié de ces médicaments avaient disparu pour être réintégrés dans le circuit.
Je sais qu'il n'est pas possible de conditionner l'aide française au développement, toutefois, ne pourrions-nous pas favoriser un investissement solidaire, pour aider les pays qui s'engagent dans la lutte contre la contrefaçon, parce qu'elle les menace, à financer cette lutte ? Ce faisant, nous nous protégerions aussi puisque la France perd 15 milliards d'euros de recettes fiscales du fait de l'importation de produits contrefaits, qu'il s'agisse de faux médicaments, de cigarettes, de produits de luxe, de crèmes de beauté, de produits de soins ou encore de jeux ou de jouets. Protéger ces pays face à la contrefaçon, c'est aussi nous protéger et préserver notre économie. Car, en ne luttant pas plus efficacement contre elle, nous accompagnons, en quelque sorte, le système.
Il faut revenir à la source. Comment l'AFD pourrait-elle mener une politique d'information dans les pays d'Afrique, d'Asie ou autres, qui nous menacent en fabriquant des produits contrefaits et mettent en danger leurs populations ?
Vous avez raison. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour les travaux que vous avez menés et le rapport que vous avez publié sur la lutte contre la contrefaçon, qui représente non seulement un enjeu économique mais également un enjeu de santé publique.
Vous le savez, la conditionnalité de l'aide française au développement n'est pas possible ; on ne va pas se mentir, nous sommes ici pour parler sans totem ni tabou, mais dans le respect des règles et des valeurs qui sont les nôtres.
Je vous propose de travailler sur ce sujet, en tenant compte des cadres que je viens de rappeler et qu'il n'est pas question de remettre en cause. Nous devons néanmoins mener un travail plus approfondi et méticuleux en matière de lutte contre la contrefaçon. Comme vous le savez, je représente ce soir le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à qui, je m'y engage, je ferai part de ce point, afin qu'il revienne vers vous dans les plus brefs délais.
Entre mai 2023 et janvier 2024, l'agence NewsGuard notait une augmentation de 1 200 % des sites internet générés par l'intelligence artificielle et relayant des informations erronées ou volontairement fausses. En novembre 2023, la représentation permanente de la France à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dénonçait l'ingérence numérique russe, l'accusant d'exploiter les crises internationales pour semer la confusion et créer des tensions dans le débat public et les États démocratiques.
Cette ingérence numérique est d'autant plus efficace et significative dans les pays dits en développement, dans lesquels l'instabilité est, par définition, plus grande et où la désinformation s'oppose frontalement aux efforts de coopération et de partenariat, de la France notamment.
De 2018 à 2023, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait défini une liste de dix-huit pays prioritaires de l'aide française au développement. Parmi ceux-ci, cinq se sont abstenus ou ont voté contre les résolutions du retrait des troupes russes en Ukraine à l'ONU en 2022 et en 2023 ; d'autres, comme le Niger, ont entériné cet été un refus en bloc des échanges bilatéraux avec la France, souvent au profit de relations accrues avec des régimes autoritaires.
Comment expliquer que, depuis des années, la France n'ait pas redoublé d'efforts budgétaires pour soutenir ses pays partenaires, alors que la désinformation contribuait directement à l'érosion de l'influence française ? Quelle sera désormais notre stratégie d'influence et de choix dans l'aide au développement ? Nous savons que les populations en ont besoin pour répondre à des enjeux tels que le climat ou l'éducation, des jeunes filles en particulier, face à des systèmes qui participent à la désinformation. L'aide au développement est aussi victime de la guerre numérique menée grâce à l'intelligence artificielle contre les États.
Vous avez raison, nous devons lutter contre la désinformation en France, en Europe et partout dans le monde, car elle constitue une menace pour nos démocraties et met en danger nos jeunes enfants qui sont souvent confrontés, seuls, à ces fléaux.
La France est bien sûr fortement mobilisée pour renforcer la résilience des États et des sociétés francophones face au désordre et au chaos de l'information. Elle apporte une réponse globale aux manipulations de l'information, grâce à la création de réseaux de médias et d'organisations de vérification de l'information, au développement de l'éducation aux médias, à la promotion d'une norme Journalism Trust initiative, au renforcement du dialogue avec les plateformes ou encore à l'aide aux journalistes en exil.
L'Agence française de développement médias, Canal France international (CFI) joue également un rôle majeur dans ce contexte. La France soutient aussi financièrement Reporters sans frontières, ainsi que le Forum sur l'information et la démocratie.
J'en profite pour saluer également la mobilisation de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui a pris l'initiative de créer une plateforme innovante en ligne, réunissant tous les acteurs concernés par la lutte contre la désinformation à l'échelle de la francophonie. À l'OIF, les États membres doivent poursuivre leurs efforts pour mutualiser les ressources et instaurer les systèmes d'alerte permettant une réponse rapide et coordonnée contre les fausses informations.
Nous nous sommes également engagés aux côtés de l'OIF à apporter un soutien financier important à l'IFPIM, le fonds international pour les médias d'intérêt public. Ce fonds a pour objectif d'aider les médias indépendants en difficulté, notamment les médias francophones, à construire un modèle économique soutenable. La décision du Fonds de s'installer à Paris montre également l'engagement de notre pays sur ce point.
Nous devons non seulement avancer pour eux, mais aussi chez nous car ce qui participe à la désinformation en France traverse malheureusement très rapidement les frontières du numérique pour gangrener au-delà. Cela permettra aussi, dans le cadre de nos institutions, de débattre davantage sur le fond.
Je vous remercie, madame la ministre déléguée, d'avoir rétabli l'honneur de la France à l'instant, face à la propagande de notre collègue Pierre-Henri Dumont, même si cela ne suffira pas.
Les massacres en cours à Gaza nécessitent une augmentation immédiate de l'aide française au développement envers la Palestine. Depuis le 7 octobre et les attaques terroristes du Hamas, que je condamne fermement, Israël a décidé de punir l'ensemble du peuple palestinien et détruit les infrastructures vitales déjà précaires dans ce territoire, laissant des milliers de civils sans accès aux soins, à l'éducation ou à des conditions de vie dignes.
Gaza, où les bombardements incessants ont déjà fait au cours des 100 derniers jours plus de 20 000 morts, dont 5 000 enfants, est aujourd'hui confrontée à une crise humanitaire sans précédent. Les Nations unies rapportent que plus de 80 % des personnes qui y habitent dépendent de l'aide humanitaire pour survivre. Face à cette urgence, nous devons agir concrètement. Si la première livraison par voie aérienne effectuée par la France est une bonne nouvelle, cela reste insuffisant.
Pouvez-vous nous exposer, madame la ministre déléguée, le plan d'action prévu pour aider les populations à Gaza et pour lutter contre les blocages israéliens ? La France envisage-t-elle des sanctions contre le gouvernement de Netanyahu et va-t-elle s'associer à la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice pour violation de la convention sur le génocide ?
Tout comme à Gaza, les pays du Sahel, en particulier le Mali, le Burkina Faso et le Niger, subissent de plein fouet les conséquences de décisions politiques concernant l'aide internationale. Vous nous avez expliqué que les versements avaient été interrompus pour ne pas financer les régimes ; toutefois, ce sont les peuples qui sont punis pour les actes de leurs dirigeants et le développement des pays concernés en est directement affecté. Selon l'indice de développement humain, le Mali est classé au 186
Le Gouvernement compte-t-il revenir sur cette décision aussi inefficace qu'injuste ? À défaut, les populations francophones de ces pays, qui ont connu l'horreur de la colonisation mais restaient pourtant francophiles, risquent de devenir francophobes.
J'ai déjà répondu sur le sujet de l'aide à Gaza et aux Gazaouis, et vous me permettrez de ne pas répéter ce qui a été dit et que vous avez dû entendre.
En revanche, je vous répondrai concernant la suspension de l'aide publique au développement au Mali et au Niger, sujet qui n'a pas encore été évoqué. À la suite du putsch survenu en juillet dernier à Niamey et du soutien affiché par la junte burkinabè, nous avons été contraints de suspendre notre aide au développement au Niger et au Burkina Faso. Au Mali, nous avions prévu de mettre fin à l'APD, mais ce sont les putschistes qui ont décidé de la fin de l'aide humanitaire, décision que nous avons publiquement regrettée.
La France est et restera de loin le premier bailleur bilatéral au Sahel : elle a octroyé 415 millions d'euros d'APD en 2022. Ceux qui nous reprochent de suspendre certaines aides et certains financements font souvent beaucoup moins.
Permettez-moi d'ajouter que cette décision difficile a été prise dans des conditions très spécifiques, que vous connaissez et que vous avez d'ailleurs rappelées : d'abord, dans un contexte de déchaînement de violences et d'hostilités contre les autorités légitimes – je pense notamment au président Bazoum qui est toujours retenu en otage – mais aussi contre la France, notre ambassade et nos ressortissants.
Ensuite, nous étions dans une stratégie de pression maximale à court terme, afin de mettre en échec la tentative de coup d'État. La quasi-totalité des bailleurs ont pris des mesures similaires.
Enfin, nous venions en soutien aux décisions de sanctions prises par ailleurs. Je rappelle que l'on dénonce parfois la suspension de l'aide en oubliant les mesures infiniment plus strictes décidées par les gouvernements africains eux-mêmes, notamment la suspension des livraisons d'électricité ou l'arrêt des transferts financiers.
Je vous garantis que nous continuons à soutenir les populations : partout, nous différencions les régimes politiques des populations. Il n'est pas question d'appliquer des punitions – je ne me souviens plus du terme que vous avez employé – à l'encontre des populations civiles, mais d'être justes et pragmatiques par rapport au contexte qui évolue très vite dans certaines zones.
L'aide publique au développement n'a de sens que si la France la considère comme ce qu'elle est : une réparation du pillage des ressources des États aidés. En ce sens, ces aides ne peuvent être que des dons. Il ne peut en être autrement : à défaut, les rapports entre les nations resteront des rapports néocoloniaux. Mais l'aide au développement, même sous la forme de dons, n'a pas vocation à durer. En effet, l'objectif est que les États qui en ont besoin parviennent peu à peu à s'en affranchir.
Pour que les États concernés puissent se passer de l'aide, il faut que l'Occident cesse de participer à la spéculation sur les ressources de ces pays. Il faut cesser de favoriser la mono-industrie et la monoculture dans ces pays pour avantager, égoïstement vos économies et vos besoins. Il faut cesser de soutenir – voire de participer à – l'installation de gouvernements fantoches. La France doit tendre vers une politique d'aide publique sincère, qui favorise un réel développement.
Peut-on parler d'une politique sincère quand le franc CFA est, encore aujourd'hui, imposé par la France à des États souverains ? Cette aide n'est pas sincère si, parallèlement, les politiques économiques et militaires menées par la France entravent la pleine souveraineté de ces États.
Le débat d'aujourd'hui devrait être celui d'une révolution de pensée : quand l'Occident arrêtera d'organiser le sous-développement de ces pays, l'aide publique au développement ne sera plus nécessaire et des questions comme celle de l'immigration – qui fait frémir beaucoup d'entre vous – deviendront secondaires.
Mais nous ne sommes pas dupes. Telle n'est pas la politique menée par la France. Les gouvernements néolibéraux préfèrent se donner bonne conscience et débattre du montant des aides qu'ils prêteront, car ils ont bien plus à y gagner, et la politique d'aide internationale n'est qu'une illusion. Mais les illusions ne durent qu'un temps, et il ne faut donc pas être surpris du réveil des peuples concernés.
La politique française d'aide au développement en Afrique compte-t-elle enfin sortir du néolibéralisme et du néocolonialisme ?
J'ai essayé de prendre en note l'intégralité de votre propos. J'ai été heurtée par quelques termes que j'attribue aux effets de l'émotion – une émotion tout à fait légitime et que j'entends. Avec tout le respect que je vous dois, il est assez étonnant d'affirmer, au sujet de l'aide publique au développement, dont la France est le quatrième bailleur mondial, que nous menons une politique tendant à favoriser le sous-développement des pays que nous aidons. Non ! Si nous contribuons en permanence à augmenter les aides à destination des pays en développement, c'est bien justement pour qu'ils sortent eux-mêmes de ce sous-développement, pour qu'ils puissent s'affranchir et se développer, notamment grâce à des programmes spécifiques, par exemple dans le domaine de l'agriculture.
Ensuite, vous avez mentionné la question de l'immigration. Pardonnez-moi, je ne vois pas quel est le rapport avec le débat. Étant moi-même fille d'immigrés, je n'ai pas le sentiment d'être un problème ni d'être l'objet de la discussion. Nous devons pouvoir scinder les sujets et les regarder dans leur globalité. Mais attention à ne pas dire n'importe quoi au sujet de l'aide au développement française, si importante pour permettre à certains pays de surmonter leurs difficultés, dans le contexte mondial que nous traversons. Nous risquons de perdre de vue le fond et l'étendue des sujets…
La politique d'aide au développement s'inscrit dans une politique générale. Que faites-vous du franc CFA ?
D'où l'importance, je pense, d'avoir un débat de fond en employant les termes précis pour ne pas générer ici des discussions sans lien avec le sujet de l'aide au développement. Étant moi-même originaire du continent africain, je peux le dire : cette aide est importante et elle et est appréciée.
Je veux aborder avec vous, madame la ministre déléguée, la question de l'aide au développement des Comores, qui concerne directement Mayotte du fait de son voisinage immédiat et des enjeux migratoires.
En 2019, l'accord-cadre entre la France et les Comores a octroyé à ce pays 150 millions d'euros d'aides sur trois ans. Le contribuable français avait précédemment consenti 150 millions d'aides sur dix ans pour le développement des Comores, ce qui n'a eu aucun impact, puisque ce pays se trouve toujours dans une situation de grande pauvreté.
Cette aide était conditionnée à la lutte contre l'immigration clandestine, là encore, sans aucun effet : l'immigration comorienne à Mayotte augmente constamment depuis plus de dix ans. Le rapport de la Cour des comptes « La politique de lutte contre l'immigration irrégulière », publié le 4 janvier 2024, signale que le principe de conditionnalité de l'aide « n'a jamais été mis en œuvre en France. Ainsi, en 2020, les Comores ont unilatéralement interrompu les éloignements pendant six mois, alors même que le plan de développement France-Comores de 2019, doté de 150 millions, prévoyait en contrepartie le maintien des éloignements depuis Mayotte. Les versements de cette aide publique n'ont pas cessé pour autant. »
Je rappelle que l'an dernier, les Comores, pour protester contre l'opération Wambushu, ont de nouveau bloqué le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Moroni exerce un chantage migratoire pour déstabiliser Mayotte, de manière pleinement assumée. Faut-il que nos impôts financent ce chantage ? Quand la France tirera-t-elle les conclusions de l'inefficacité de sa politique d'aide aux Comores et la remettra-t-elle en question ?
Quel est, madame la ministre déléguée, le montant de l'aide actuellement versée aux Comores, et quelles sont les perspectives financières de cette aide ?
Je vous remercie madame la députée pour votre question et pour votre engagement – je tenais à le dire parce qu'il est important de temps en temps de dire tout haut ce que nous pensons tous tout bas.
En 2019, après une période de tensions entre la France et les Comores, le Gouvernement a mis en place un système pour lutter contre l'immigration clandestine vers Mayotte : une opération de reconduite par jour, qui permet de reconduire 25 000 clandestins par an. Il a également institué un appui à la lutte contre les départs de kwassa-kwassa au large d'Anjouan et instauré un grand plan de développement des Comores visant à lutter contre les causes profondes de départ et de migration. Celles-ci sont importantes également à avoir en tête, sinon, nous parlerons toujours des mêmes sujets sans jamais trouver de solutions stables et pérennes.
Ce grand plan de développement d'un montant de 150 millions d'euros, mis en œuvre par l'AFD, cible en particulier l'île d'Anjouan d'où sont issus la majorité des clandestins vers Mayotte. Il cible les secteurs à même de dissuader l'émigration : il s'agit de construire des écoles, des hôpitaux, d'améliorer le système de santé et de renforcer les filières économiques qui emploient de nombreux jeunes, notamment dans l'agriculture. Un fort accent est mis également sur la formation professionnelle.
Pour éviter tout risque de détournement de l'aide, l'AFD s'appuie sur des procédures très strictes, comme c'est la règle pour l'aide au développement partout ailleurs dans le monde. C'est pourquoi la mise en œuvre des projets prend parfois du temps. Mais ce sont des projets de qualité, décidés et mis en œuvre avec les bénéficiaires comoriens afin de garantir l'efficacité de l'aide, son appropriation et sa pérennité.
L'Union européenne est le premier soutien financier des Palestiniens. Elle a déjà distribué 50 % de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros visant à assurer le développement de la Palestine entre 2021 et 2024. Une nouvelle enveloppe de 691 millions d'euros devrait être débloquée en 2024.
Comment être certains qu'une partie de cet argent public n'a pas été détournée par des organisations terroristes – le Hamas, pour ne pas le nommer. Où va l'argent ? Après avoir annoncé la fin de l'aide allouée aux Palestiniens, le lundi 9 octobre 2023, la Commission européenne a rétropédalé et annoncé qu'elle allait effectuer des vérifications pour voir où allait l'argent. Les gouvernements autrichien et allemand, quant à eux, ont annoncé l'arrêt provisoire de leurs aides au développement en attendant le traçage des fonds.
Ce n'est pas le cas de la France. En 2022, Paris a alloué 95 millions d'argent public aux Palestiniens. Une partie de ces 95 millions a été versée à la population palestinienne de Gaza par le biais de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Par la voix de l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne, le Gouvernement français a affirmé être très attentif à ce qu'aucun euro d'aide française n'aille à une organisation terroriste. Or on se souvient des accusations portées contre l'agence onusienne et les manuels scolaires qu'elle distribue aux enfants palestiniens, qui contiendraient des incitations à la violence et à la haine envers les juifs.
Autre interrogation : avec quel argent le Hamas a-t-il bien pu construire tant de kilomètres de tunnels ? Avez-vous pu vérifier où allaient véritablement l'argent français et l'argent européen ? Pouvez-vous nous assurer qu'aucun euro n'est en réalité redistribué au Hamas, organisme terroriste islamiste ?
Cette question a été soulevée à plusieurs reprises au long de ce débat, depuis plus d'une heure et demie. Je n'entrerai pas dans le détail de toutes les réponses apportées, puisque vous avez pu les entendre.
Je vous remercie néanmoins pour cette interpellation tout à fait légitime. Comme je l'ai répété tout à l'heure à votre collègue du groupe LR, il est évident que l'État ne finance et ne financera pas de quelque manière que ce soit des actions terroristes, au vu de nos valeurs et de notre histoire ; la France a elle-même été frappée par ce drame, et le Gouvernement continue à s'engager pour combattre les actions terroristes partout où elles se trouvent– vous avez adopté des lois en la matière.
Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de continuer à aider les populations qui en ont besoin. Je ne fais évidemment pas référence aux terroristes, mais aux populations gazaouies. Pour cela, nous devons avoir un contrôle efficace et précis des fonds qui sont apportés. Voilà ce que j'ai rappelé tout à l'heure dans mon propos liminaire en discussion générale et dans mes réponses aux questions posées par plusieurs de vos collègues sur différents bancs de cet hémicycle.
Je me tiens à votre disposition comme l'ensemble du cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour davantage de détails, si vous voyiez des éléments particuliers sur lesquels préciser notre contrôle.
L'ordre du jour appelle le débat sur « Les salaires en France ». La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
Rarement le fossé entre le théâtre politico-médiatique parisien et le peuple français n'aura été, hélas, si profond. Alors que nos concitoyens subissent depuis plus de deux ans la pire crise du pouvoir d'achat que notre pays ait traversée depuis un demi-siècle, la Macronie enchaîne les petits coups de communication et les jeux de chaises musicales. Notre démocratie est polluée par un débat public saturé par les jeux de pouvoirs et les coups d'esbroufe organisés par le Président de la République, qui, d'un Conseil national de la refondation bidon aux rencontres de Saint Denis ratées, fait perdre un temps précieux à notre pays et abandonne les familles de France à leur sort face aux injustices de la mondialisation.
Passée la prime exceptionnelle votée lors de l'installation de la législature, avec, d'ailleurs, le soutien du Rassemblement national, le Parlement n'a jamais été saisi de la question centrale des salaires, en dehors de la proposition de loi que mon groupe avait eu l'honneur de présenter lors de sa niche parlementaire, l'année dernière. Nous proposions alors, madame la ministre déléguée, une solution simple pour faciliter les augmentations de salaire de 10 % au sein d'une même entreprise. Cette solution simple permettait d'augmenter de 10 % les salaires entre un et trois Smic, afin de mettre un terme à la querelle stérile qui, depuis trop longtemps, oppose les classes populaires et les classes moyennes – impasse stérile qui a eu pour seule conséquence de tirer les salaires vers le bas et d'ouvrir la trappe à bas salaires. Aujourd'hui, madame la ministre déléguée, ce sont plus de 17 % des salariés de France qui sont au Smic, un taux jamais atteint.
Malheureusement, face à cette proposition de bon sens du Rassemblement national, unis dans le mépris de la valeur travail et le sectarisme, votre majorité, la NUPES et Les Républicains ont refusé notre proposition. Vous avez d'ailleurs tellement refusé notre proposition que vous avez refusé de l'améliorer, voire de la modifier, pour une raison simple : vous n'aviez aucune amélioration à apporter, aucune nuance à proposer. En réalité, vous n'avez rien à proposer aux salariés français pour augmenter leurs salaires.
Contrairement à vos prétentions, vous n'avez depuis rien apporté aux Français pour augmenter les salaires. La fameuse conférence des rémunérations qui avait été proposée par Madame Borne a été emportée avec elle dans les oubliettes.
En dix-huit mois d'existence, la seule chose que vous avez eu à offrir aux Français, c'est qu'il ne devait plus exister, au sein des branches, des salaires de base inférieurs au Smic légal. Les Français ont ainsi découvert, grâce à cette proposition révolutionnaire, qu'il était possible au sein des branches de définir un salaire de base inférieur au Smic, ce qui aurait dû être interdit depuis longtemps : comment est-il possible en France, en 2024, d'avoir des salaires de base inférieurs au Smic ?
Ce gouvernement, madame la ministre, compte pourtant des personnalités qui semblent avoir une conscience aiguë des difficultés salariales des Françaises et des Français. Je parlerai à nouveau du cas de Mme Oudéa-Castéra : il y a quelques mois, alors qu'elle était interrogée sur son modique salaire de 500 000 euros par an, elle s'était plainte d'être à présent mal payée, compte tenu de toutes les heures qu'elle s'enfournait, selon le vocabulaire élégant que je lui laisse. Comment espérer que votre gouvernement soit capable d'avoir un début de compréhension des problèmes qui touchent nos compatriotes quand l'une de ses ministres montre qu'elle est aussi déconnectée des réalités les plus élémentaires et manifeste une telle suffisance ?
Répétons-le, le Rassemblement national est le seul à poser la question des salaires en cette rentrée politique.
Le pouvoir d'achat repose sur trois piliers. Le premier correspond aux dépenses contraintes, qui explosent. Afin de réduire l'incidence de leur augmentation pour nos concitoyens, le Rassemblement national, avec Marine Le Pen, a proposé des réformes de fond : appliquer le taux réduit de TVA, de 5,5 %, sur le prix de l'énergie et la ramener à 0 % sur les produits de première nécessité.
Le deuxième pilier est la fiscalité. Jamais le poids des prélèvements obligatoires n'a été aussi élevé que lorsque M. Attal était ministre délégué chargé des comptes publics puisqu'ils ont atteint jusqu'à 46 % en 2022. Certes, il a légèrement diminué pour cette année, mais les annonces récentes concernant le refus de réduire de 2 milliards les impôts des classes moyennes laissent malheureusement présager que celles-ci ne pourront bénéficier d'aucune réduction en ce domaine, et les classes populaires encore moins.
Le troisième pilier renvoie aux salaires, question centrale qui nous occupe aujourd'hui. Nous avions espéré, et les Français avec nous, qu'elle serait enfin traitée, après que la crise du covid avait remis au cœur du débat public les métiers essentiels, l'importance de la production et l'éthique du travail. Hélas, ce n'est toujours pas le cas, et nous sommes les seuls à l'évoquer.
D'un côté, la NUPES ment aux Français en leur faisant croire qu'il suffirait de décréter une augmentation générale des salaires pour améliorer le pouvoir d'achat.
Tout ceci n'est qu'une fable : cette décision absurde se ferait au détriment des entreprises, en particulier des très petites et des petites et moyennes entreprises (TPE-PME), qui seraient dans l'impossibilité de procéder à une telle augmentation en l'absence des mesures d'aide que nous préconisons.
De l'autre côté, la Macronie et Les Républicains veulent faire croire aux Français que, grâce au marché, les salaires augmenteraient. Cela ne peut être le cas.
Vous faites en effet porter le poids exorbitant du financement de la protection sociale sur les seuls salaires. Comme on l'a vu pendant le premier mandat d'Emmanuel Macron, vous refusez d'imposer le patrimoine des privilégiés ; pire, vous le préservez en le soustrayant à la fiscalité qu'appelle la justice fiscale. Le ruissellement n'a pas fonctionné, nous l'avons bien vu. Le fait de favoriser les plus privilégiés ne permet pas de relancer l'économie et ne renvoie pas la valeur créée par les Françaises et les Français vers les salaires. Par ailleurs, l'alourdissement croissant des charges supportées par les salaires conduit à une impasse. Je le répète, jamais il n'y a eu autant de personnes au Smic dans notre pays et jamais le nombre de personnes gagnant des salaires bas, situés entre 1 et 1,2 Smic, n'a été aussi élevé.
Les services du ministère du travail ont révélé un chiffre qui a choqué beaucoup de Français : les entreprises doivent dégager jusqu'à 380 euros pour augmenter de 100 euros les bas salaires et plus de 500 euros pour 2,5 Smic.
Nous revenons à la ligne que défendait Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle : il faut cesser d'opposer les bas salaires aux salaires moyens, les classes populaires aux classes moyennes. Nous sommes prisonniers d'un mauvais modèle social qui fait porter sur la valeur travail l'essentiel de l'effort qu'exige la protection sociale. En imposant le travail, vous choisissez de protéger le patrimoine des privilégiés et les flux financiers alimentant la mondialisation la plus sauvage. Et ce, pour une raison simple : les salariés et les personnes à la tête des TPE-PME ne peuvent pas fuir notre pays car ils n'ont pas la mobilité de ce capitalisme devenu fou, qui verse plus de dividendes et qui rachète plus d'actions qu'il n'investit dans l'économie réelle.
Pour remettre les salaires au cœur du modèle social français, les propositions du Rassemblement national sont simples. Mais quelles sont celles du Gouvernement ? Quand allez-vous enfin permettre aux TPE-PME, aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) de rémunérer correctement leurs salariés, comme elles le souhaitent ? Nous constatons tous en effet dans nos circonscriptions que les chefs d'entreprise veulent augmenter leurs employés. Ils sont les premiers à savoir que ceux-ci ont du mal à faire face aux charges de carburant ou de chauffage et peinent à nourrir leurs familles. Ils voient que les gamelles ne sont plus aussi fournies qu'il y a quelques années. Ils se rendent bien compte qu'il n'est plus possible pour leurs salariés de vivre de leur travail, alors que ce devrait être la norme dans une République sociale.
Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas ! Laissez la République sociale en dehors de tout ça !
Vous le savez aussi, madame la ministre, et j'espère que vous aurez des choses concrètes à proposer aux Français alors que vous venez d'être nommée. Le Rassemblement national est prêt, je le redis, à travailler avec les députés de toutes les forces politiques pour avancer sur un sujet qui devrait être consensuel. Nous avons défendu une proposition de loi, que je pourrai vous transmettre, visant à inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % grâce à une exonération de cotisations patronales pendant trois ans, période à l'issue de laquelle la création de valeur au sein de l'économie réelle serait telle que les salaires ainsi augmentés se verraient à nouveau appliquer des charges sociales. Pourquoi refuser d'amorcer la pompe ?
Contrairement à ce qu'ont dit nos collègues de la NUPES en mentant sciemment, il ne s'agit pas de définancer notre régime de protection sociale.
Nous ne voulons pas supprimer les charges sociales définitivement mais seulement les suspendre pendant trois ans, le temps que l'économie réelle reprenne le dessus. À l'issue de cette période, nous pourrons à nouveau financer le modèle social. Nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez ce débat avec le Rassemblement national si ce n'est pour des motifs sectaires. Nous ne demandons qu'à travailler avec tous nos collègues pour élaborer des mesures concrètes. Si notre solution ne vous satisfait pas, madame la ministre, que le Gouvernement en propose une autre aux Français. Votre prédécesseur, lui, n'en a avancé aucune.
La question des salaires devrait tous nous unir dans un esprit constructif. Elle renvoie au consentement à l'impôt : si les classes populaires et moyennes acceptent de travailler pour enrichir la nation et financer des services publics, c'est qu'elles attendent un juste retour de leurs efforts. Nous touchons là au cœur de la République sociale, au cœur de la démocratie.
Nous savons bien que lorsque la classe moyenne est affaiblie, lorsque la valeur travail est affectée, c'est la République qui est menacée. Dépassons le sectarisme et travaillons ensemble à améliorer les salaires réels des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une augmentation de 21 % en 2023, ça fait rêver, n'est-ce pas ? Ne cherchez pas, ce ne sont pas les salariés qui ont eu droit à un tel traitement de faveur ; non, ce sont les actionnaires du CAC40, ceux-là mêmes que M. Macron s'apprête à cajoler, à Davos, demain.
L'année 2023 aura été marquée par un nouveau record : plus de 97 milliards d'euros, c'est le montant qu'ont perçu les actionnaires des seules entreprises du CAC40, qu'il s'agisse des dividendes ou des rachats d'actions, soit huit fois le prétendu déficit des retraites qui a servi de prétexte pour voler deux ans de vie aux Français l'an dernier.
Pendant ce temps, plus de 3 millions de salariés du privé voient leurs salaires bloqués au Smic, et les inégalités battent leur plein. La cause ne réside pas dans les augmentations du Smic, toujours insuffisantes, mais dans l'égoïsme des actionnaires qui refusent d'augmenter les salaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La richesse ne ruisselle pas, contrairement à ce que vous dites, elle s'évapore, captée qu'elle est par quelques-uns, très en amont, au détriment de tous les autres.
Parlons clairement, se limiter aux salaires, c'est ne pas voir l'éléphant dans la pièce, la rémunération du capital, la prédation, devrait-on dire plutôt.
Le travail paie moins que la rente : grâce à ses seules actions, Bernard Charlès, PDG de Dassault Systèmes, gagne en une seule année 1 800 fois le SMIC. En une heure et demie, il touche ce que la moitié des Français gagneront à peine en une année.
Aujourd'hui, pour vivre dignement, il faut non pas travailler mais être bien né ou être actionnaire ! La France est plus que jamais un pays de rentiers et d'héritiers, et ce n'est pas Mme Le Pen qui dira le contraire.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
On sent que les élections approchent : M. Tanguy a ouvert son petit dictionnaire au mot « salaire ». Pourtant, depuis dix-huit mois, les salariés n'ont jamais pu compter sur le soutien de Mme Le Pen et de ses amis face aux offensives macronistes. Heureusement que la NUPES et les Insoumis étaient là pour faire entendre la parole de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre. Mesdames, messieurs du Rassemblement national, vous ne parlez pas des dividendes et du coût du capital.
Vous ne parlez pas des frais bancaires qui étranglent les PME. Vous ne parlez pas de la course au dumping qui tire les salaires à la baisse par la sous-traitance, l'exploitation des travailleurs détachés ou sans papiers.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous ne parlez pas de l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes.
Ensemble, macronistes et lepénistes prétendent augmenter les salaires en baissant les cotisations sociales. La réalité, c'est que baisser les cotisations, c'est baisser les salaires ! Baisser les cotisations, c'est affaiblir la sécurité sociale et le droit à la retraite, c'est faciliter le déremboursement des soins et des médicaments, comme ce gouvernement le fait et comme le ferait demain Mme Le Pen pour financer ses mesures.
La seule proposition qu'elle a faite consiste à exonérer de cotisations les entreprises qui augmenteraient de 10 % tous les salaires inférieurs à 3 Smic. Cela représenterait un manque à gagner de 10 milliards d'euros par an pour la sécurité sociale. C'est cinq fois la somme qu'il manque pour boucler le budget de l'hôpital public. Ce n'est pas partager les richesses, c'est prendre aux travailleurs d'une main ce que vous prétendez leur donner de l'autre. C'est poursuivre les mêmes politiques inefficaces et coûteuses menées depuis des années : il y a déjà eu plus de 80 milliards d'euros par an d'exonérations de cotisations et chacun a pu constater que ça ne marchait pas ! En la matière, le lepénisme n'est qu'une variante du macronisme.
Mme Élise Leboucher applaudit.
Vous voulez des hausses de salaire ? Alors, il faut rompre avec cette logique de moins-disant social et de course à la compétitivité.
Je dis aux salariés de compter d'abord sur eux-mêmes. C'est toujours par leurs luttes les plus acharnées qu'ils ont gagné les plus fortes hausses de salaires : 20 % en 1936, 35 % en 1968. En 2023, encore, chez Vertbaudet, les salariés ont obtenu par la grève jusqu'à 7 % en plus et, aux États-Unis, les ouvriers de l'automobile, par la grève encore, une augmentation de 25 %.
Nous, parlementaires, avons aussi les moyens d'augmenter les salaires : pour diffuser la hausse du Smic aux salaires des classes moyennes, il s'agit d'indexer les salaires sur l'inflation, comme nous l'avons proposé à La France insoumise, solution refusée par les macronistes et les lepénistes.
Il importe aussi de limiter de un à vingt les écarts de salaires au sein d'une même entreprise pour en finir avec l'indécence actuelle,…
…d'augmenter les salaires des fonctionnaires, gelés depuis si longtemps, et de poursuivre l'augmentation du Smic pour le porter à 1 600 euros, afin que le travail paie.
Pourtant, macronistes et lepénistes, vous avez voté contre toutes ces mesures. Si vous voulez lutter contre un salariat à plusieurs vitesses, il faut protéger les entreprises sous-traitantes au lieu de laisser les donneurs d'ordres exploiter leurs salariés et aussi les petits patrons qui sont à leur tête. Pour protéger nos PME, il faut instaurer une caisse de solidarité interentreprises, afin que les grosses entreprises paient pour les petites.
Il faut promouvoir un protectionnisme solidaire pour empêcher les délocalisations et le dumping.
Nous voulons donner la priorité à l'augmentation des salaires ; vous, vous préférez les actionnaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Selon l'Insee, les salaires n'ont progressé, hors inflation, que de 0,6 % par an depuis vingt ans. Certes, cela constitue une hausse mais une hausse beaucoup trop faible au regard du potentiel de notre économie et des efforts que les Français consentent. Cette stagnation est un échec à la fois politique, social et humain.
Ce potentiel gâché, on peut le mesurer par comparaison avec l'Allemagne : en 2010, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'écart entre le revenu moyen des ménages français et allemands était de 5 % seulement, contre 12 % actuellement. C'est alarmant.
Le constat est clair : les salaires décrochent. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer l'évolution du Smic, lequel écrase dangereusement la grille des rémunérations en France. Actuellement, 17,3 % des salariés sont bloqués à ce niveau de rémunération contre 12 % en 2021. On peut parler de smicardisation de la société, pour reprendre l'expression du ministre de l'économie. Le Smic devient une trappe à bas salaires tant la marche fiscale et sociale à gravir pour en sortir est haute. Il n'est pas, comme certains voudraient le faire croire, l'outil d'élévation du pouvoir d'achat.
La première cause de ce phénomène réside dans le poids que constitue notre modèle social pour les salaires. D'après le site officiel de l'Urssaf, pour un salaire médian – 2 500 euros brut –, il y a 41 % de prélèvements obligatoires. Ce modèle social est précieux et il faut le préserver, madame la ministre, mais il est très coûteux. Si les salariés français percevaient le coût total que leur emploi génère, ils seraient parmi les mieux payés des salariés de l'OCDE, si ce n'est les mieux payés.
Contrairement à la TVA ou à la contribution sociale généralisée (CSG), dont l'assiette est large, les charges sur les salaires sont aussi dissuasives qu'une taxe carbone. J'en veux pour preuve le succès des autres modèles de rémunération comme l'autoentreprise, les titres-restaurant ou encore l'intéressement et la participation, voire la prime Macron.
Le nouveau gouvernement a reçu l'injonction d'être révolutionnaire.
Qu'il s'attelle donc à rapprocher le brut et le net. Pour ce faire, il pourra se saisir d'outils existants tels que la CSG, créée pour diversifier le financement de notre modèle social, qui pourrait être rendue plus juste grâce à l'instauration d'un barème progressif. Un tel barème tiendrait compte de l'activité et la récompenserait de manière directe, simple et individualisée, contrairement aux dispositifs actuels comme la prime d'activité, dont la complexité et le caractère conjugal pénalisent de nombreuses personnes.
Cela permettrait à la fois de rétablir le pouvoir d'achat et de remettre le travail au cœur du mécanisme de l'ascenseur social.
La deuxième grande cause de stagnation des salaires réside dans la situation économique. Trois leviers majeurs sont susceptibles d'améliorer la situation : la croissance, la formation initiale et continue ainsi que la baisse du chômage, qui donnerait plus de poids aux salariés dans les négociations salariales face aux patrons. Le groupe Les Républicains continuera d'en faire sa priorité, car pour défendre l'humain d'abord,…
…il faut défendre une économie de croissance. Dire le contraire, c'est mentir aux Français.
Enfin, n'oublions pas que la troisième grande cause de stagnation des salaires n'est autre que l'immigration non maîtrisée et non qualifiée. Cette réalité préoccupe légitimement les Français, n'en déplaise à certains idéologues. Nous ne croyons pas à la théorie selon laquelle il y aurait des métiers que les Français ne veulent plus exercer, alors que le pays affiche un taux de chômage de 7,5 %. Nos entreprises se sont trop longtemps reposées sur une main-d'œuvre étrangère à bon marché, retardant ainsi leur adaptation au vrai coût du travail, celui d'une population française de mieux en mieux formée et consciente de ses droits sociaux. Ce cercle vicieux prendra fin grâce à la récente loi que nous avons arrachée à la majorité.
Ces trois constats d'échec concernant respectivement notre modèle social, notre développement économique et l'immigration sont autant d'occasions de nous ressaisir. En effet, la stagnation des salaires n'affecte pas uniquement le pouvoir d'achat, mais entraîne une cascade de conséquences sociales et sociétales.
La première d'entre elles est le conflit générationnel. Conjuguée à la crise du logement, la pression fiscale est telle que la jeune génération a le sentiment de ne pas pouvoir faire mieux que ses parents. C'est d'autant plus grave qu'elle est plus diplômée que la génération précédente. Les jeunes renoncent à accéder à la propriété, mais également à fonder une famille. Les derniers chiffres de l'Insee le prouvent : en 2023, la France a connu le plus faible nombre de naissances depuis 1946.
C'est aussi cela, une société dans laquelle les salaires stagnent.
Certains font également le choix de l'expatriation. D'après un sondage récent, 54 % des jeunes de 18 à 24 ans l'envisagent.
En l'absence d'une réflexion profonde sur la dynamique des salaires, le pays s'expose donc à la fois au recul économique, au conflit générationnel et à la fuite des cerveaux, en un mot à l'aggravation de la fracture sociale. Tels sont les termes en lesquels le groupe Les Républicains envisage la question essentielle des salaires en France.
La thématique des salaires constitue un sujet primordial, au cœur des préoccupations des Français, dans un contexte d'inflation que nous connaissons tous. Il s'agit de pouvoir bien vivre de son travail.
En préambule, il convient de rappeler que les salaires ne sont pas uniquement à la main du Gouvernement. Pour une bonne part, ils dépendent des négociations entre les entreprises et les représentants syndicaux, des accords collectifs ou encore des négociations entre les entreprises et les employés eux-mêmes. L'État tient cependant un rôle par la rédaction de la législation encadrant les négociations salariales et le dialogue social, par la fixation des salaires de la fonction publique et du salaire minimum, ou encore par la fiscalité.
Sur ces points, malgré les chocs qu'a subis l'économie française en raison d'une conjoncture internationale défavorable, l'État et le Gouvernement ont été au rendez-vous. Pour rappel, au cours des dernières années, le salaire minimum a considérablement évolué ; il a connu en un an une augmentation de plus de 6 %, supérieure à l'inflation. De même, plusieurs mesures de revalorisation salariale ont été actées au bénéfice des quelque 5,7 millions de fonctionnaires qui servent chaque jour l'État et nos concitoyens. Je pense notamment à l'augmentation de 2,5 % de la rémunération fixe pour tous les agents, à la progression indiciaire pour les bas salaires – pouvant représenter jusqu'à 7 % d'augmentation pour les agents de catégorie C – et à la prime de pouvoir d'achat de 800 euros.
Cela dit, le débat devrait moins porter sur ce qui a été fait…
…que sur ce qui reste à faire. À cet égard, je souhaite évoquer deux enjeux. Le premier concerne les classes moyennes, dont le nombre a progressé au fil des générations, mais qui restent marquées par des fragilités, dont la stagnation de leur niveau de revenus depuis 2008 et un sentiment de déclassement. Elles bénéficient globalement moins du système et subissent de plein fouet les effets de la conjoncture. Ce débat et les réflexions à venir doivent se focaliser prioritairement sur elles, comme l'a rappelé le Premier ministre lors des questions au Gouvernement.
Le second enjeu concerne l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Comme l'ont rappelé la Fondation des femmes et le Défenseur des droits, un tiers des femmes voient leur vie au travail négativement affectée par la maternité et 36 % des femmes réduisent leur activité professionnelle à partir du premier enfant, contre 9 % des hommes. Enfin, à temps de travail équivalent, les femmes cadres gagnent 16 % de moins que les hommes ; pour être tout à fait exacte, je précise que cet écart est réduit à 5 % quand on compare les salaires à poste équivalent au sein d'une même entreprise.
Malgré la politique très volontariste du Gouvernement, on peut s'interroger sur le chemin qu'il reste à parcourir en constatant que les écarts de salaire existent également dans les pays considérés comme chefs de file en matière d'égalité des sexes et qui ont déployé tout un arsenal législatif et normatif pour faire progresser cette cause. Ainsi, s'il est vrai qu'à poste équivalent les hautes fonctionnaires suédoises gagnent en moyenne 100 euros de plus que leurs homologues masculins, cela reste un cas particulier, car l'écart, à poste égal dans le secteur privé, est encore de 7 % en leur défaveur, alors même que le congé parental est partagé entre les conjoints.
Tous ces sujets sont d'une importance capitale. Nous devons nous en saisir avec intelligence, pragmatisme et réflexion, en laissant de côté les idéologies, les dogmes et les petites phrases. Surtout, nous devons éviter de prendre des décisions qui entraîneraient des effets pervers ou des effets d'aubaine et qui, quoique nées d'une idée louable sur le papier, se révéleraient délétères pour nombre de travailleurs.
Je pense par exemple à la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 sur la transparence des rémunérations, à laquelle toutes les entreprises françaises devront se conformer avant le 7 juin 2026. La transparence salariale peut certes constituer un outil de lutte contre la discrimination, notamment entre les femmes et les hommes, mais les auteurs d'une récente étude américaine considèrent que ce texte risque d'avoir un effet négatif non négligeable sur les salaires moyens. Ils se fondent sur l'effet des lois sur la transparence salariale aux États-Unis, dont ils estiment qu'elles ont fait baisser les salaires réels de 2 % en moyenne. Ce mouvement n'est d'ailleurs pas uniforme, les secteurs peu syndiqués et plus précaires ayant subi une baisse estimée à 4 %.
Enfin, il faut s'interroger quant aux exonérations de charges, au sujet desquelles MM. Guedj et Ferracci ont rédigé un rapport d'information. Cette question est intimement liée à celles du coût élevé du travail pour les entreprises françaises et de leur compétitivité dans un contexte de rivalité internationale.
Les sujets sont sur la table. Il nous revient, à notre niveau, de nous montrer à la hauteur.
Samedi dernier, sur la route entre deux cérémonies de vœux, j'ai reçu un appel d'un numéro inconnu. C'était une dame d'un certain âge qui voulait me parler de la situation de son fils. Agent d'entretien en CDI dans un centre commercial, il dormait sous une tente. Voilà la réalité. Même s'il touchait la prime d'activité, il était trop pauvre pour louer un logement. La précarité explose, notamment pour les bas salaires, car le Gouvernement refuse d'augmenter le Smic, comme l'ont fait d'autres pays en Europe.
Cela se voit tous les jours. Hier encore, j'étais à la clinique Saint-Martin, à Caen, où tout le personnel soignant était en grève car les salaires stagnent depuis plus de deux ans, alors que l'inflation cumulée sur la même période dépasse les 10 %. En d'autres termes, ces soignants ont perdu 10 % de leur pouvoir d'achat. Un brancardier m'a même dit : « Au bout de quinze ans d'ancienneté, je gagne 68 euros brut de plus qu'un nouvel arrivant au Smic. » Voilà, madame la ministre, la réalité de la politique du gouvernement que vous avez rejoint.
Chers collègues, en parcourant les cérémonies de vœux, nous entendons partout nos concitoyens nous parler de leur porte-monnaie vide et du découvert bancaire atteint dès le 10 du mois. Toutefois, collègues du Rassemblement national, on ne m'a parlé dans aucune cérémonie de votre autre marotte, l'immigration ravageuse, qui nourrit tous vos fantasmes et constitue votre véritable fonds de commerce.
Vous avez fait le choix d'inscrire la question des salaires parmi les débats de cette semaine de contrôle. Toutefois, je vais le dire une fois pour toutes, mesdames et messieurs du Rassemblement national :…
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes les complices de l'exploitation et de la perpétuation des inégalités. Organiser un débat sur les salaires pour essayer de faire bonne figure ne serait pour vous qu'un gagne-pain supplémentaire, si ce n'était aussi l'illustration de votre hypocrisie. Vous êtes des profiteurs de crise, qui croyez vous nourrir de l'inaction du Gouvernement en matière salariale.
Chers collègues, qu'ont proposé les députés d'extrême droite depuis un an et demi ?
Une convention d'entreprise prévoyant une hausse de 10 % des salaires, exonérée de cotisations patronales ; exonérée de cotisations patronales, mais pas de cotisations salariales !
En gros, votre seule proposition consiste à faire un cadeau aux entreprises. Elle aurait pour seul effet de faire baisser les salaires différés, c'est-à-dire les retraites, les allocations chômage ou encore l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
Je rappelle que le Rassemblement national voulait aussi laisser sans ressources les parents d'enfants malades du cancer, s'ils étaient étrangers.
Alors que les Français veulent l'augmentation des salaires, vous êtes contre la hausse du Smic, contre l'indexation des salaires sur l'inflation, contre le blocage des prix des produits de première nécessité,…
…contre le gel du prix des loyers et contre l'augmentation des moyens de l'hébergement d'urgence.
De même, vous vous opposez aux mesures visant à lutter contre les inégalités et à financer la redistribution et notre modèle social, alors que nous avons appris hier que les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune pendant que la richesse cumulée de 5 milliards de personnes, elle, a baissé.
…contre la suppression de la niche fiscale du kérosène aérien, contre la taxe sur les revenus supérieurs à 3 millions d'euros, contre l'augmentation de la TVA sur les produits de luxe…
…et contre la hausse des moyens pour lutter contre la fraude fiscale. Voilà la réalité : vous êtes pour les possédants et contre ceux qui travaillent.
Vous êtes aussi contre l'Europe qui pourrait, si le gouvernement français ne l'en empêchait pas, reconnaître le statut de travailleur salarié aux employés d'Uber ou de Deliveroo et qui vous permet pourtant, je le rappelle, d'embaucher des collaborateurs salariés au Parlement européen.
Mesdames et messieurs du Rassemblement national, votre hypocrisie d'aujourd'hui est d'autant plus odieuse que vous êtes les alliés insidieux mais objectifs d'un gouvernement qui refuse systématiquement les propositions des Socialistes et de la gauche visant à l'augmentation du Smic, à la taxation des plus hauts revenus, à la limitation des écarts de salaire dans l'entreprise ou encore à l'organisation d'une conférence nationale sur les salaires.
Forcément, ce soir, je pense à cette femme qui se bat pour que son fils ait un toit, à tous les bénévoles de la solidarité qui interviennent sans condition auprès de tous ceux qui sont en détresse, quels que soient leur statut et leur carte d'identité.
Je pense aussi à l'exemple que donne le Président de la République en nommant une ministre de l'éducation nationale qui trouvait trop faible son salaire horaire à la tête de la Fédération française de tennis (FFT), alors qu'elle recevait 35 000 euros par mois.
Je l'affirme, face à l'hypocrisie ravageuse du Rassemblement national et face à l'inaction du Gouvernement, nous n'abandonnerons pas le combat de la justice.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
En cette journée de réouverture de nos travaux, nous nous retrouvons pour un débat sur les salaires.
Tout d'abord, laissez-moi vous présenter mes vœux pour cette nouvelle année…
Merci !
…et formuler ce souhait pour le débat qui nous occupe : que l'année 2024 nous permette de sortir des postures et de trouver des solutions concrètes à la problématique des salaires et du pouvoir d'achat.
Pour trouver des solutions, il faut commencer par reconnaître qu'il y a une question, mais aussi accepter de sortir des caricatures et de changer d'approche face au problème.
Ce problème, quel est-il ? Nos concitoyens ne sont pas assez bien payés eu égard aux efforts qu'ils fournissent au travail et ils ne gagnent pas suffisamment pour faire face au coût de leurs besoins élémentaires.
Quelles en sont les raisons ? Nous avons établi en France un salaire minimum ; nous ne sommes pas les seuls mais nous n'observons pas le même phénomène de paupérisation vers les bas salaires dans les pays comparables au nôtre.
En matière économique, chacun conviendra qu'il existe un rapport entre le coût du travail et son attractivité. Le système social français reposant largement sur les cotisations sur le travail, nous comprendrons que celles-ci constituent une composante essentielle de ce coût, lequel est, en conséquence, l'un des plus élevés des pays de l'OCDE.
Certains objecteront que les efforts fournis en faveur des entreprises nous ont repositionnés dans la moyenne européenne. Je répondrai qu'il existe non seulement des cotisations salariales, mais aussi des cotisations patronales, qu'on ne saurait ignorer, le cumul des deux nous laissant sur le podium du coût du travail. Sans en dire du bien ou du mal, le coût du travail en France est l'un des plus élevés au monde : c'est un fait.
Par ailleurs, toutes les justifications idéologiques ne changeront le point de vue ni des salariés ni des employeurs. Pour les salariés, les cotisations sont des charges baissant le salaire net. Pour les employeurs, ce sont des charges augmentant les coûts de production. Dans les deux cas, ces charges pèsent sur le produit du travail.
Nombreux sont ceux qui, depuis quarante ans, s'interrogent sur l'attractivité du travail en France. Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont à cet égard créé une commission ou un comité Théodule afin d'améliorer la situation de l'emploi. Ici réside la principale raison de la paupérisation des salariés français vers le Smic.
Quelles ont été les propositions des experts et les mesures prises par les gouvernements successifs ? Au fond, il n'y en a eu qu'une seule : la baisse des charges – ou des cotisations, c'est selon –, mais concentrée sur les bas salaires. En effet, un emploi au Smic est exonéré de cotisations patronales, et tout emploi payé jusqu'à 1,6 Smic bénéficie d'une baisse de cotisations. Cette situation crée un effet d'aubaine pour les employeurs, ainsi incités à repenser leur structuration afin de disposer d'un maximum d'emplois dans ces catégories, pour profiter au mieux des baisses de charges.
Les conséquences de ces choix, nous les avons sous les yeux. Au total, 3,1 millions de salariés sont actuellement payés au Smic – soit 17 % des travailleurs – et plus de 50 % des salariés gagnent moins de 2 091 euros net par mois.
Ces effets sont amplifiés par le fait que seul le Smic est revalorisé en cas d'inflation supérieure à 2 %, ce qui crée un tassement de tous les autres salaires jusqu'à 1,6 Smic. Et n'oublions pas les aberrations induites par les effets de seuil, la prime d'activité n'étant par exemple plus versée au-delà d'un certain niveau de revenu.
Continuer cette politique, c'est assurément augmenter le nombre de travailleurs mal payés dans notre pays ; c'est accroître le sentiment d'injustice de ceux qui travaillent pour un faible salaire vis-à-vis de ceux qui bénéficient des aides sociales ; c'est créer un phénomène d'immobilité sociale par la non-progression des carrières, laquelle remet en cause la culture du travail ; et c'est figer le pays dans des productions à faible valeur ajoutée qui, à terme, nous déclasseront dans le concert mondial et creuseront toujours plus notre déficit commercial. Il s'agit d'un cercle vicieux, mais dont nous pouvons sortir.
La boussole du groupe Horizons est de défendre celles et ceux qui travaillent et participent à l'effort collectif de la nation. C'est pour cette raison que nous soutenons une baisse d'impôt de 2 milliards d'euros à leur bénéfice.
Ce que nous voulons, c'est que les travailleurs bénéficient davantage de leurs efforts, qu'ils soient mieux payés. Ce que nous ne voulons pas, c'est que l'effort contributif soit supporté par les moins favorisés. Par ailleurs, nous savons que dans notre société, l'une des plus grandes sources d'injustice est la conséquence des effets de seuil que j'ai évoqués.
Sur le fondement de ces trois critères, mettons-nous au travail pour trouver une solution qui incite les employeurs à payer plus, qui assure l'équité devant la charge en tenant compte de l'écart des salaires dans l'entreprise, qui ne crée pas d'effet de seuil, si inefficace économiquement et si injuste socialement.
Madame la ministre, chers collègues, je suis persuadé que, si nous travaillons dès maintenant en ce sens, nous trouverons une solution qui emportera le soutien d'une majorité de parlementaires et de Français.
Le Rassemblement national veut un débat sur les salaires en France : c'est une vaste blague !
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.
Le sujet mérite certes que nous y consacrions un débat, de longs débats même, ainsi que de l'action publique, mais pas au prix de l'hypocrisie.
Les élus du RN disent représenter les intérêts des Françaises et des Français, mais ils défendent plutôt ceux des ultrariches, des dirigeants d'entreprise, des actionnaires. Voilà ce que vous faites.
50 % des ouvriers ont voté pour nous au premier tour de l'élection présidentielle !
Les députés du Rassemblement national défendent un projet politique antisocial. Des propositions, nous en avons fait.
Elles sont nombreuses et en voici la liste, qui correspond d'ailleurs à tout ce que vous avez rejeté. Vous avez voté contre le gel des loyers, qui aide le pouvoir d'achat.
Vous avez voté contre l'augmentation du Smic qui, me semble-t-il, est un salaire ; contre l'augmentation des minima sociaux ; contre l'indexation des salaires sur l'inflation ;…
…contre le blocage des prix ; contre une garantie jeune à 1 063 euros ; contre la revalorisation des petites retraites et de celles des fonctionnaires ; contre le rétablissement de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune ;…
…contre le conditionnement des aides aux entreprises ; et contre la taxation des superprofits.
Vous n'êtes pas du côté des travailleurs et des travailleuses qui subissent la précarité et les salaires trop bas.
Vous n'êtes pas du côté des Françaises et des Français, dont la priorité n'est pas la chasse à l'immigration, mais bien la hausse des prix et les fins de mois difficiles.
Vous voulez parler des salaires, mais votre unique proposition est d'inciter les entreprises à augmenter les paies de 10 % en les exonérant de cotisations patronales.
Voilà quelle est votre conception du travail : la protection du capital, auquel il ne faut surtout rien demander, et les fausses augmentations de salaire, financées par la sécu.
De cette manière, nous réduirons encore et encore le service public, que vous ne défendez pas car, nous le savons, l'extrême droite et l'ultralibéralisme font très bon ménage !
Au fond, votre vision du travail s'inscrit dans la suite logique de votre histoire. Votre vision du travail est très largement pétainiste : tous unis derrière le patron, au nom d'un prétendu intérêt national !
C'est l'une des propositions que vous aviez formulées lors de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi qui m'a fait comprendre combien vous vous inscrivez dans cette tradition. Vous aviez proposé d'interdire aux travailleurs étrangers de participer aux élections professionnelles.
Au nom de la souveraineté française, vous souhaitiez distinguer les travailleurs en fonction de leur nationalité et, surtout, protéger le patronat, qui vous intéresse en priorité. Tous unis derrière les patrons, ne les dérangeons pas, continuons et applaudissons quand ils s'enrichissent !
Pour vous, peu importe que les étrangers qui travaillent en France contribuent, paient des impôts, souffrent au travail, comme tous les salariés. Il faudrait qu'on les entende le moins possible, qu'ils n'aient pas accès à la démocratie professionnelle, car ils risqueraient de subvertir le tissu économique national au bénéfice d'ingérences étrangères. Ce n'est en réalité pas le cas : ils l'aident même à exister, en assumant notamment les tâches les plus ingrates.
Vous le savez très bien, mais vous préférez monter les gens les uns contre les autres ; c'est votre marque de fabrique.
Députés du Rassemblement national, vous menez une politique contre les hausses de salaire, contre les plus précaires, contre les femmes, contre les travailleurs étrangers. Surtout, nous n'oublions pas votre silence complice lors de l'examen de l'ignoble réforme des retraites.
Pour notre part – la gauche et les écologistes –, nous avons mené un combat pour la retraite et la dignité des Françaises et des Français,…
Vous n'aviez rien à dire sur ce sujet. Aussi considérons-nous que vous n'êtes pas légitimes à vous exprimer sur les salaires ou les retraites car, en définitive, votre seule proposition est de protéger les patrons et le capital.
Notre combat est de faire en sorte que les Françaises et les Français puissent vivre dignement de leur salaire,…
…que personne ne meure dans la rue quand d'autres se gavent toujours plus de profits ; c'est le sens de toutes les propositions que j'ai énumérées et que, je le répète, vous avez repoussées avec la majorité présidentielle.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Ah, la valeur travail ! Slogan moraliste pour en appeler à la docilité ! Slogan qui fait semblant, car il ne dit rien de la valeur du travail, de sa rémunération, du respect de celles et ceux qui travaillent !
Depuis 2017, il y a un mot tabou, un mot qui tord le ventre à la majorité macroniste et lui fait saigner les oreilles. C'est un mot qui fait peur : le mot « salaire ». Les inégalités s'aggravent, le salariat se paupérise, le monde du travail peine à boucler ses fins de mois, le salaire est de moins en moins la juste contrepartie au travail fourni.
Les faits établis par l'Insee et par la Dares – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – sont alarmants. Le pays compte 1,2 million de travailleurs pauvres, lesquels touchent un salaire inférieur à 918 euros par mois. Le revenu salarial moyen, faussé par les très hauts salaires, s'élève, quant à lui, à 1 800 euros net.
Une très grande part des salaires dans le secteur privé sont rattrapés par le Smic. Quand, en 2021, 12 % des travailleurs étaient payés à ce niveau, ils sont désormais 17,3 % à l'être. La France compte ainsi, en ce début d'année, 3,1 millions de salariés payés au Smic, dont 58 % de femmes, qui travaillent pourtant dans des secteurs économiques essentiels, comme ceux du soin ou du lien.
La faiblesse des revalorisations des salaires dans la fonction publique entraîne de lourds problèmes de recrutement, notamment à l'hôpital et dans l'éducation nationale, et nourrit un grand sentiment d'injustice et des difficultés quotidiennes. L'écart de salaires entre femmes et hommes demeure vertigineux – 25,7 % dans le privé –, tandis que les écarts entre hauts et bas salaires ne cessent de s'accroître. Entre 2011 et 2021, l'écart de rémunération moyen entre les PDG et le salaire moyen dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse est passé de 64 à 97. Comme disait ma grand-mère, il n'y a pas besoin d'en discuter 107 ans : il y a urgence à revaloriser les salaires, à revaloriser le travail.
Depuis deux ans, le Gouvernement se contente d'un vague discours épisodique pouvant se résumer à des suggestions à l'intention des employeurs. Il favorise la prime désocialisée, inégalitaire, au détriment des revalorisations salariales pérennes.
M. Arthur Delaporte applaudit.
En revanche, il contraint les travailleurs. Le contournement du salaire est un marqueur central de votre politique. Or quand on ne paye pas le travail, on paye le capital et on manque de respect à celles et ceux qui travaillent. Pas de surprise, vous menez une politique de classe.
Et le Rassemblement national ,
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN
qui, à la faveur de ce débat, essaie de se grimer en ami du pouvoir d'achat, n'est qu'un faux ami ; un ennemi mal déguisé des salariés et des ouvriers. Il ne cherche qu'à les diviser, qu'à les tromper, qu'à les utiliser.
Il n'a formulé qu'une seule proposition : une exonération de cotisations sociales patronales,…
…laquelle affaiblirait encore un peu plus la sécurité sociale. Son programme, ami du capitalisme, repose en effet sur les mêmes principes néolibéraux.
Oui, la cotisation sociale, c'est du salaire, en l'occurrence partagé, différé, solidaire.
C'est l'assurance maladie, c'est la retraite, ce sont nos droits sociaux ! Prendre sur les cotisations, c'est une fausse augmentation. C'est l'affaiblissement de la protection sociale, de la prévoyance collective – affaiblissement qui, de toute façon, se paiera. Attaquer la cotisation, c'est attaquer le salaire.
Quand les primes se substituent au salaire, quand les droits des travailleurs et des privés d'emploi sont abaissés de toutes parts, on crée une logique de bas salaires et de droits sociaux au rabais, au lieu de garantir une véritable reconnaissance sociale et politique. Garantir un juste salaire pour tous et toutes, c'est donc aussi s'attaquer aux inégalités et, partant, consolider la cohésion sociale du pays. Le salaire n'est pas seulement ce qui permet de vivre : il est la reconnaissance du travail accompli, la valorisation de qualifications et d'une utilité sociale. Quand le travail ne paie plus, il perd aussi de son sens.
Plutôt que de faire de Bernard Arnault le héros ultime de la République, face à l'urgence de justice sociale, nous en appelons à une politique en faveur des salariés, du salaire et des traitements. Il faut rétablir l'échelle mobile des salaires. Indexer les salaires sur l'inflation n'en fabriquera pas davantage : c'est un mensonge. La forte inflation actuelle est principalement due aux bénéfices des grandes entreprises et aux dividendes. Même la Banque centrale européenne (BCE) affirme que l'inflation restera à un niveau élevé tant que la spirale profits-prix ne sera pas arrêtée et que ce sont les salaires qui suivent les prix, et non l'inverse.
Il faut conditionner les aides publiques au respect d'engagements sociaux et environnementaux fermes et ambitieux. Il faut réintroduire un véritable partage de la richesse par du salaire et par un encadrement des écarts de rémunération. Il faut redonner une force véritable au dialogue social dans les entreprises, car ce sont bien les représentants des travailleurs et des travailleuses qui sont les experts du travail et des salaires, non votre groupe d'experts sur le Smic.
Augmenter les salaires, c'est défendre un modèle social protecteur et juste pour toutes et tous. Attention, je répète le mot : salaire !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Le sujet que nous traitons est ô combien important – le pouvoir d'achat est sur les lèvres de nos concitoyens tous les jours. En octobre dernier, une importante conférence sociale s'est tenue : on y a recensé 80 branches professionnelles sur 171 présentant des grilles de salaires démarrant en dessous du Smic, ce qui exclut les salariés concernés des augmentations automatiques liées à l'inflation, les enfonçant encore davantage dans la précarité.
Le pouvoir d'achat des Français a été durement touché par l'inflation. Il est de notre devoir de le renforcer. Pour cela, nous devons plus que jamais donner les moyens aux entreprises locales – mais aussi à nos administrations et aux grandes entreprises nationales – d'augmenter les salaires de leurs employés. Si je parle de nos entreprises locales, c'est que ce sont elles qui ont le plus besoin de l'État.
Plusieurs pistes méritent d'être explorées pour atteindre l'objectif. Ainsi, on pourrait conditionner les exonérations de cotisations au respect du Smic pour les salaires les plus bas. Notre groupe est favorable à ce que les branches dont les salaires minimums sont inférieurs au Smic voient leur délai de négociation salariale ramené de trois mois à quarante-cinq jours. Nous proposons de conditionner le bénéfice de certaines exonérations de cotisations à la revalorisation des minima de branche, l'existence de minima inférieurs au Smic pendant plus de six mois entraînant la suppression des exonérations si aucune négociation n'est ouverte dans ce délai.
Ensuite, notre groupe appelle à ouvrir une réflexion sur les inégalités salariales et l'absence de progression salariale. En effet, au sein d'une entreprise ou d'un groupe, certaines très hautes rémunérations sont sans commune mesure avec les plus faibles. Par le biais du dialogue social, on pourrait envisager la négociation d'un rapport maximal entre les plus hautes et les plus basses rémunérations dans une entreprise ou un groupe.
Enfin, pour favoriser la reprise d'activité, il faut s'assurer que chacun puisse vivre dignement de son travail, ce qui implique notamment un écart plus important entre le Smic et les minima sociaux. Afin de majorer le salaire net, la prime d'activité pourrait être directement financée par l'employeur, en contrepartie d'une suppression de certaines cotisations.
Il faut également cibler la baisse du coût du travail sur les petits salaires. Nous proposons de supprimer les réductions de cotisations d'allocations familiales patronales, dites bandeau famille, pour les salaires supérieurs à deux fois et demie le Smic, car cela coûte 1,6 milliard par an. Les économies ainsi engendrées pourraient être répercutées sur les plus bas salaires en augmentant, par exemple, le seuil des salaires concernés.
Comment ne pas parler du revenu de nos agriculteurs ? Si une profession est touchée, ce sont bien les agriculteurs, qui ne demandent qu'à vivre du revenu de leur activité. Comment ne pas parler également de nos TPE ? Souvent, sur ces bancs, j'ai entendu certaines généralités – faciles – sur les patrons. Pourtant, certains chefs d'entreprise de TPE-PME ont aussi du mal à joindre les deux bouts, et ils se sacrifient parfois pour leur entreprise. Il faut impérativement valoriser l'entrepreneuriat et aider les chefs d'entreprise à faire vivre leur entreprise, bien sûr, mais aussi à vivre de ses fruits.
Madame la ministre, la mission qui vous est confiée est complexe, mais elle est nécessaire. Des solutions existent – j'en ai énoncé cinq, mais il en existe de nombreuses autres. Cette question est transpartisane, car elle touche tous nos concitoyens. Il faut donc inclure tous les groupes dans la discussion et agir, maintenant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Lors de sa déclaration de politique générale, le 8 juillet 1981, Pierre Mauroy proclamait à cette tribune : « Le travailleur, dans ce pays, doit retrouver sa place ; l'ouvrier doit être payé pour sa peine ; le droit au travail est aussi le droit à un salaire qui permette de vivre. »
Néanmoins, sous l'impulsion de Jacques Delors en 1983, le mécanisme d'indexation des salaires que proposait Pierre Mauroy était abandonné car il avait alimenté une spirale prix-salaires – une inflation par les coûts – aux conséquences désastreuses pour la compétitivité, l'emploi et l'économie de notre pays. Jacques Delors a donc pris une décision de bon sens, qui a permis de maîtriser en quelques années la hausse des prix, ainsi que la hausse continue de l'inflation. Ce fut la victoire de ce que l'on a appelé la désinflation compétitive, les salariés au bas revenus bénéficiant malgré tout d'une protection puisque le Smic est resté indexé sur les prix à la consommation.
Depuis cette date, il y a plus de trente ans, la France est un cas à part en matière de répartition de la richesse créée par les entreprises.
Contrairement à une idée faussement répandue, la répartition primaire de la valeur ajoutée entre la rémunération des salariés et ce qu'on appelle, en comptabilité nationale, l'excédent brut d'exploitation (EBE) des entreprises – le profit au sens large – n'a pas connu de déformation en faveur du capital ou au détriment du travail, bien au contraire.
En 1990, à prix courants, la rémunération des salariés représentait 56,6 % de la valeur ajoutée, c'est-à-dire de la richesse créée par les entreprises.
M. Matthias Tavel s'exclame.
Elle en représente dorénavant 58,2 %, soit une augmentation de 1,6 %. L'EBE, quant à lui, représentait 31,6 % de la valeur ajoutée en 1990, pour 32,4 % aujourd'hui, soit une hausse de 0,8 %, deux fois moindre que celle de la rémunération des salariés.
Ces éléments, très intéressants, méritent d'être rappelés car ils illustrent la singularité de la situation de la France, unique à bien des égards : ainsi, la part de la rémunération des salariés dans la valeur ajoutée est l'une des plus élevées d'Europe ; celle du profit ou taux de marge – qui correspond à l'excédent brut d'exploitation divisé par la valeur ajoutée – est l'une des plus faibles, ce qui met en difficulté les entreprises.
Mais, surtout, on ne note pas de déformation des parts relatives au cours du temps. Cela tient à un salaire minimum parmi les plus élevés d'Europe.
Ce sont les données de la comptabilité nationale – celles de l'Insee : entre 1996 et 2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés du secteur privé a augmenté de 15,6 % en euros constants, et le salaire des ouvriers de 17,4 %, soit plus rapidement que celui des autres catégories socioprofessionnelles. Cette tendance haussière s'est confirmée en 2023, la majorité des entreprises ayant accordé plus de 4 % d'augmentation salariale au cours de cette année.
Notre majorité entend amplifier la tendance grâce aux dispositifs qu'elle a adoptés : développement de l'intéressement, réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires, baisse des cotisations sociales des indépendants, prime de partage de la valeur (PPV).
En outre, de nouvelles avancées ambitieuses sont également en cours d'élaboration : il s'agit de mieux aider les chômeurs les plus éloignés de l'emploi à reprendre une activité, et de soutenir les entreprises dans leurs recrutements avec France Travail. Il s'agit également de soutenir l'emploi des plus de 55 ans en responsabilisant les entreprises et en alignant la durée d'indemnisation du chômage des seniors sur celle de l'ensemble de la population. Il s'agit enfin de mieux accompagner la formation des jeunes qui s'orientent vers des métiers en tension dans le tourisme, la construction ou l'industrie, par exemple.
S'agissant des inégalités salariales, qui demeurent et dont nous pouvons débattre, je plaide pour une approche amplifiée du PIB, permettant de mieux mesurer la répartition de la richesse au sein de notre économie. Si le PIB renseigne utilement sur la répartition primaire de la valeur ajoutée entre rémunération des salariés et excédent brut d'exploitation, il ne dit rien sur la répartition secondaire de la richesse. Or, selon l'Insee, si l'on valorise les services publics, la notion de niveau de vie élargi contribue à une réduction des écarts de richesse entre les plus riches et les plus pauvres.
Nous devons être à la hauteur de la tâche, notamment en matière de réduction du chômage, et nous y parviendrons.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Notre débat est au cœur des préoccupations de nos concitoyens, et donc au cœur de mes priorités. Comme beaucoup d'entre vous, avant d'entrer au Gouvernement, j'étais une élue de terrain et, comme vous, j'ai pu mesurer l'importance du pouvoir d'achat.
Nous le vivons au quotidien, la crise sanitaire et l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont provoqué une inflation que les pays européens n'avaient pas connue depuis près de quarante ans. Cette inflation a été principalement tirée vers le haut par les prix de l'énergie et ceux de l'alimentation. Soyons clairs, elle touche d'abord les plus vulnérables.
Le Gouvernement a déjà agi, et celui auquel j'ai l'honneur d'appartenir va continuer d'agir massivement pour le pouvoir d'achat des Français. Pour limiter les effets de l'inflation, nous avons pris des mesures pour protéger ce pouvoir d'achat, et prioritairement celui des plus modestes. Ainsi, les minima sociaux ont été revalorisés de 4 %, en complément de la revalorisation intervenue en janvier 2022 pour les retraites et en avril de la même année pour les prestations sociales.
Suite à l'adoption du dernier budget de la sécurité sociale, les pensions de retraite et le minimum vieillesse augmenteront de 5,3 % à partir de janvier 2024. Enfin, pour ce qui concerne un autre de nos sujets de préoccupation, les jeunes, les bourses étudiantes sur critères sociaux, qui concernent 750 000 étudiants, ont été revalorisées de 4 %.
Au mois de novembre dernier, vous avez adopté le projet de loi de transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise : intéressement, participation, prime de partage de la valeur, épargne salariale sont aussi des gains pour le pouvoir d'achat des travailleurs, en particulier ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises.
Parce que c'est avant tout l'énergie qui a tiré l'inflation, le Gouvernement avait mis en place un bouclier tarifaire, qui a permis de transférer une part considérable de la hausse de la facture énergétique.
M. Matthias Tavel s'exclame.
Le Premier ministre l'a réaffirmé avec force la semaine dernière, notre gouvernement agira en faveur de la juste rémunération du travail. Sur ce point, mesdames et messieurs les députés, peut-être y aura-t-il consensus : le travail doit toujours être mieux valorisé que le fait de ne pas travailler. Je serai particulièrement mobilisée sur ce point.
Monsieur Labaronne l'a démontré : le système français est le plus protecteur en Europe pour les bas salaires.
La France constitue une exception européenne : rares sont les pays qui ont à la fois un salaire minimal universel et un mécanisme d'indexation automatique. Ce sont les faits, je ne fais que les rappeler.
Un tel système est particulièrement protecteur contre l'inflation.
En effet, le calcul prend en compte le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes et les évolutions salariales. En outre, les revalorisations interviennent chaque année, mais aussi dès que la hausse des prix depuis la dernière revalorisation atteint 2 %. Par conséquent, les périodes où l'inflation érode le pouvoir d'achat sont plus limitées que dans d'autres pays d'Europe. Encore une fois, il est important de le rappeler.
Je vous rappelle que, contrairement à ce que j'ai entendu, le Smic a été revalorisé sept fois, ce qui représente une hausse cumulée de 13,7 %, et ce alors que l'inflation atteignait des sommets. Chacun peut en penser ce qu'il veut, mais ce sont les faits.
La hausse du niveau du Smic a un effet d'entraînement : elle provoque la diffusion progressive des revalorisations. Si les bas salaires ont progressé plus rapidement – de 13,7 % s'agissant du Smic –, le salaire moyen a augmenté de 4,2 % par rapport à 2021.
On touche là à un sujet important à mes yeux : la lutte contre les effets de seuil dont est victime la classe moyenne – celles et ceux qui gagnent toujours trop pour être aidés, mais pas assez pour ne pas compter.
Nous devons travailler sur ce sujet.
Dans ce contexte, se lancer dans une fuite en avant serait risqué,…
…aussi bien pour la dynamique d'inflation et la compétitivité que pour le dialogue social. En effet, l'indexation des salaires sur l'inflation, déjà proposée au mois de novembre, aurait évidemment de lourdes conséquences sur l'emploi…
…et sur la compétitivité des entreprises, qui ne sauraient absorber une hausse brutale des salaires – en particulier les TPE et PME. Dans nos territoires, nous rencontrons tous des dirigeants de TPE ou de PME qui nous parlent de l'importance de la compétitivité. Ces entreprises ne pourraient pas assumer un tel coût supplémentaire. Nous voyons bien ce qui nous menace : une hausse massive des destructions d'emploi.
Au mirage de l'indexation des salaires sur l'inflation, dangereuse et insoutenable, nous préférons des réponses concrètes, pour que le travail paie mieux.
C'était justement l'objet de la conférence sociale réunie par Olivier Dussopt en octobre dernier. Nous concrétiserons les engagements pris à cette occasion, en premier lieu la création du Haut conseil des rémunérations. Je voudrais surtout insister sur le suivi et la convocation des branches ayant des minima inférieurs au Smic – le député Naegelen en a parlé précédemment –, pour qu'elles remédient rapidement à cette situation inacceptable. Nous le devons aux salariés des entreprises concernées, mais il y va également de l'attractivité de ces secteurs – qui est aussi liée aux rémunérations.
Je voudrais également rappeler que la place des femmes au travail est une priorité. Elles sont les premières concernées par les bas salaires, mais aussi souvent par le temps partiel subi.
Notre index de l'égalité professionnelle porte ses fruits : le nombre de répondants est en hausse constante, et atteint un taux de 85,5 % en 2023. La note moyenne augmente également – elle est de 88 en 2023, contre 86 en 2022 et 85 en 2021. Les pratiques bougent, et il faut continuer. Les textes européens nous conduiront à transposer. Nous pouvons avancer sur ce sujet, être plus ambitieux et transparents. Je suivrai avec une attention toute particulière cette réforme que j'engage dès cette année, et sur laquelle j'aurai l'occasion de faire le point avec vous et les partenaires sociaux.
Au moment où j'arrive rue de Grenelle, je tiens à vous dire combien je suis à votre disposition pour discuter dans le dialogue, l'écoute et le respect de tous ces sujets qui relèvent du quotidien de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée de ces dernières, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Christian Girard.
À l'heure où nos concitoyens souffrent de l'inflation, de la perte de pouvoir d'achat, de charges publiques colossales et du déclassement qui les guette, ce débat sur les salaires tombe à point. C'est à propos de ceux des enseignants que je souhaite vous interpeller.
Ce n'est pas nouveau : l'instruction nationale est en grande souffrance. Le décrochement de la France au classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) n'est qu'une nouvelle humiliation pour notre pays, qui avait fait de la formation intellectuelle la clé de son rayonnement dans le monde.
Les effets d'annonce et les mesures d'aumône pour nos enseignants se succèdent, sans revalorisation substantielle. Pour rappel, un professeur débutant, après cinq ans d'études et un concours exigeant, ne touche qu'environ 2 000 euros en début de carrière ; le salaire des enseignants français est inférieur de 15 % à la moyenne de l'OCDE ; selon le Sénat, entre 2000 et 2020, les professeurs ont perdu entre 15 et 25 % de pouvoir d'achat. La récente hausse de près de 200 euros net est grignotée par l'inflation, et les rémunérations sont bien inférieures à celles des autres fonctionnaires de catégorie A.
Tant qu'on ne paiera pas décemment nos enseignants, on ne réglera ni le problème d'attractivité du métier ni la dégradation du service public de l'instruction. Les enseignants attendent donc de pied ferme vos annonces : pouvez-vous nous indiquer le moment et l'ampleur de la revalorisation indiciaire des enseignants ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Ma réponse sera courte : nous sortons du périmètre du ministère qui est le mien, puisque l'emploi des enseignants relève de la fonction publique, dont je ne suis pour le moment pas chargée.
Cela étant dit, je voudrais vous rappeler que le salaire des enseignants a été revalorisé en 2023, même si j'entends bien votre demande.
Enfin, je ne peux que réaffirmer l'attachement de notre gouvernement aux enseignants et à ce qu'ils reçoivent une juste rémunération pour leur travail – l'accompagnement de l'ensemble des enfants.
Pour que la fonction publique aille mieux, il faut que le travail paie – c'est dans l'intérêt des fonctionnaires et de l'ensemble des Français. Je donnerai un seul exemple, qui parlera aux habitants du nord : les infirmiers français continuent de percevoir un salaire inférieur de 30 % à celui de leurs homologues belges. La disparité grandissante entre salaires du public et du privé appelle une action immédiate et significative en faveur de la revalorisation des rémunérations des agents publics.
On en est loin : les organisations représentatives du secteur public ont exprimé leur inquiétude quant à une possible année blanche sur le plan salarial. Elles estiment que les augmentations générales de 3,5 % en 2022 et de 1,5 % en 2023 sont insuffisantes pour répondre aux besoins croissants des fonctionnaires et faire face à l'inflation – et elles ont raison.
C'est pourquoi le programme de Marine Le Pen, tant attendu par les Français, prévoit des revalorisations de salaire et des recrutements sectoriels dans la fonction publique : pas moins de 2 milliards sur cinq ans pour revaloriser les salaires du personnel soignant hospitalier et une hausse de 10 % de la rémunération des infirmiers.
Au lieu de cela, vous recrutez des personnes en service civique pour pallier les suppressions d'emplois. Elles touchent une indemnité de 609 euros et 95 centimes, madame la ministre – une aumône ! Le lien entre les salaires et les conditions de travail est pourtant limpide. La dégradation continue de la qualité des services publics prouve que l'attractivité des salaires est insuffisante pour attirer des candidats. Quel soignant a envie d'exercer dans une équipe en sous-effectif en étant mal rémunéré ? Revalorisation et recrutement sectoriel sont les deux faces d'une même pièce. La fonction publique française mérite mieux que votre politique à la petite semaine.
Madame la ministre, vous avez fait une fausse annonce de 32 milliards d'euros pour la santé, d'ores et déjà votés. Quel montant supplémentaire comptez-vous débloquer pour les salaires à l'hôpital et pour l'ensemble de la fonction publique ?
Elle va nous dire que ce n'est pas dans son périmètre !
Je n'ai pas fait de fausse annonce : les 32 milliards font bien partie de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), il s'agit donc de crédits votés et disponibles. Certains crédits sont destinés au fonctionnement, d'autres à l'investissement. L'objectif actuel consiste à accélérer les investissements pour permettre des évolutions.
S'agissant des infirmiers et de l'attractivité de ces métiers, il faut rappeler dans cet hémicycle que, lorsque nous parlons de salaires, il s'agit toujours de moyennes. Les chiffres que je m'apprête à vous donner peuvent évidemment varier en fonction de la carrière, du statut et d'éléments variables de paie, comme les primes ou les indemnités. Les rémunérations du personnel soignant non médical suivantes intègrent les dernières revalorisations qui ont eu lieu sous le patronage de Stanislas Guerini, alors ministre de la fonction publique : le salaire mensuel net d'un infirmier en soins généraux est de 2 030 euros en début de carrière et de 3 393,99 euros en fin de carrière. Si l'on décompose, les infirmiers ont bénéficié d'un apport direct du Ségur de 183 euros net par mois, de 192 euros du fait de la revalorisation du point d'indice et de 54 euros de gain immédiat lié au reclassement sur les nouvelles grilles du Ségur.
La revalorisation du travail de nuit était très attendue. Depuis le 1er janvier 2024, il est mieux indemnisé : le gain moyen pour un infirmier est de 200 euros en début de carrière, de 425 en fin de carrière. Les indemnisations du travail du dimanche, autre sujet important, ont été revalorisées de 160 euros net par an. Cette revalorisation concerne également les aides-soignants, qui ont, eux aussi, bénéficié du Ségur.
À partir du 1er janvier, le travail de nuit des aides-soignants sera mieux rémunéré. Comme le travail du week-end, il méritait une reconnaissance toute particulière. Les métiers dont nous parlons sont en effet des métiers du présentiel, qui exigent une sujétion importante méritant la reconnaissance. C'était d'ailleurs le sens de la visite que nous avons faite au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon samedi, avec le Premier ministre.
Ce débat est évidemment salutaire, même s'il est dommage qu'il soit proposé par les députés d'extrême droite, étant donné que ce sont les premiers à vouloir baisser les salaires réels dans le pays.
M. Matthias Tavel applaudit.
Nous entendons depuis le début des propos extraordinaires – en premier lieu que tout irait bien en France. Madame la ministre, je vous invite à consulter la publication du 8 décembre 2023 de la Dares, qui est sous votre autorité et publie des données sur l'évolution des salaires. Elle y rappelle que les salaires réels – une fois l'inflation prise en compte – ont reculé ce trimestre, comme les autres : de 0,5 % pour les employés et de 1 % pour les cadres, en trois mois seulement.
Ce recul s'inscrit dans une dynamique beaucoup plus longue de baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Notre collègue Labaronne a déclaré le contraire : je l'invite à consulter les travaux de l'Insee ou de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), qui sont très clairs.
M. Matthias Tavel applaudit.
Pour un euro de production en 1982, donc un euro de valeur ajoutée, il y avait 74 centimes de salaire. Cette part est tombée à 68 centimes en 1990, l'année que vous avez évoquée, et à 65 aujourd'hui. Cela signifie qu'entre 1982 et 2023 9 points de PIB sont passés des poches de celles et ceux qui travaillent aux poches du capital et des rentiers.
M. Matthias Tavel applaudit. – M. Daniel Labaronne s'exclame.
Autrement dit, en produisant la même chose qu'en 1982, on reçoit une part inférieure des bénéfices. Cela représente 237 milliards d'euros par an, soit 9 000 euros par salarié. Je doute que quiconque ait accepté de signer ce chèque aux propriétaires des moyens de production, aux actionnaires ou à celles et ceux qui rachètent des actions et mènent des opérations financières tout à fait parasites.
Dès lors, madame la ministre, que comptez-vous faire pour enfin assurer aux salariés une hausse du pouvoir d'achat à la mesure de l'effort qui est consenti depuis des décennies dans ce pays pour travailler parfois plus longtemps, toujours mieux et à des niveaux de qualification systématiquement plus élevés ? Que pensez-vous des projets gouvernementaux actuels visant à élargir l'Union européenne pour y inclure des pays à très bas salaires, ce qui intensifiera les logiques de dumping sur le marché unique européen, au détriment de celles et ceux qui travaillent ? Que comptez-vous faire par rapport à l'inflation qui rogne, mois après mois, les revenus d'activité des salariés ? Bref, quand rendrez-vous les 200 milliards d'euros de salaire détournés depuis maintenant plus de quarante ans ?
MM. Matthias Tavel et Pierre Dharréville applaudissent.
Tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes possibles, mais ce qui importe, c'est notre capacité à travailler ensemble pour apporter des réponses à la question du pouvoir d'achat, qui se pose dès lors que l'inflation est très élevée.
Les travaux menés dans le cadre de l'ANI, qui ont été transposés, ont permis d'esquisser certaines pistes, notamment s'agissant du partage de la valeur. Je suis une gaulliste sociale,…
Sourires.
…c'est donc un thème qui me parle. En effet, dès lors qu'une entreprise va bien, qu'on a créé de la valeur, et qu'on la partage, il est sain d'en débattre. Cette piste me paraît donc tout à fait intéressante.
Parallèlement, les différents gouvernements ont élaboré des mesures d'urgence pour soutenir le pouvoir d'achat, conscients qu'avant de partager la valeur, encore faut-il l'avoir créée !
M. Daniel Labaronne applaudit.
Il était indispensable d'accompagner nos concitoyens. L'intéressement, la participation et l'épargne salariale sont autant d'outils le permettant. Quant aux sujets européens, nous en discuterons bien évidemment, mais concentrons-nous déjà sur ce que nous sommes capables de faire pour répondre concrètement aux attentes de nos concitoyens.
L'égalité entre les femmes et les hommes était prétendument la grande cause du premier quinquennat. À part un index, de l'inefficacité duquel nous sommes tous témoins, pas grand-chose n'a été fait à ce sujet. Il y a pourtant là une double peine pour les femmes. Pourquoi ? Parce que, comme l'ensemble des salariés, elles sont frappées par l'inflation, sur laquelle les salaires ne sont pas indexés, et souffrent de la prédation, notamment des actionnaires, qui vient tasser la part de la richesse créée revenant aux salariés. De plus, elles doivent subir une inégalité de rémunération par rapport aux hommes.
En tenant compte de l'ensemble des éléments, notamment les différences de secteurs d'activité et de qualifications – au sujet desquelles un rattrapage urgent et ardent est nécessaire –, cette inégalité peut aller jusqu'à 24 %. À qualifications et postes de travail égaux, l'écart est au moins de 5 %, au détriment des femmes, ce qui est une inégalité absolument insupportable.
Je l'ai constaté, dans ma circonscription notamment, auprès de femmes qui travaillent dans le secteur du nettoyage industriel, sur les chantiers de l'Atlantique ou chez Airbus. Elles occupent les postes parmi les plus précaires, les plus mal payés et les plus fragilisés, tant en raison de leur relation avec leur employeur qu'en raison des relations de leur propre entreprise avec les donneurs d'ordre.
Assez de cet index qui ne sert qu'à montrer que votre politique ne change rien ! Il est temps de passer à des actes et à des mesures coercitives, comme nous vous le proposons. J'aimerais que vous donniez une réponse favorable de principe à mes deux propositions, afin que nous y travaillions dans les mois qui viennent : premièrement, créer une véritable commission de contrôle des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes dans les entreprises, pour que les représentants du personnel soient informés et disposent de moyens d'agir ; deuxièmement, créer une prime obligatoire d'égalité dès lors qu'un manquement est constaté ou seulement suspecté.
Nous sommes d'accord sur un point : la place des femmes au travail. C'est tellement vrai que ce sujet a été mon fil d'Ariane lors de la passation de pouvoir avec mon prédécesseur – c'est vous dire s'il me préoccupe.
Parce que je crois aux faits, je vous invite à regarder en détail l'index de l'égalité professionnelle. Il a été créé en 2019 ; en 2023, le nombre de répondants a augmenté. Élément encore plus intéressant, la note moyenne a également augmenté : elle est désormais égale à 88, contre 85 en 2021. Surtout, l'indicateur relatif à l'augmentation des femmes au retour d'un congé maternité progresse.
Pour être totalement transparente, je me dois de préciser qu'en 2022, 11 % des entreprises avaient une note égale à zéro – ce qui est inadmissible ; en 2023, ce taux s'établissait à 6 %. Il reste des choses à faire, mais les résultats s'améliorent.
Les points de vigilance sont les suivants : seules 2 % des entreprises ont une note égale à 100, ce qui signifie qu'il faut poursuivre les efforts. Certains indicateurs restent à la traîne, comme celui relatif à la part des femmes dans le top 10 des rémunérations : seules 28 % des entreprises y comptent plus de quatre femmes – un chiffre en stagnation. Enfin, soixante-quatorze entreprises ont une note inférieure à 75 depuis quatre ans.
Parlons maintenant des sanctions – si l'on veut progresser, il faut examiner les chiffres. L'inspection du travail a effectué 42 000 interventions à ce sujet ; 772 mises en demeure ont été prononcées concernant l'index, et 45 pénalités ont été appliquées, soit pour non-publication de l'index, soit en raison de l'absence de mesures correctives lorsque la note était inférieure à 75, soit si la note demeurait inférieure à 75 durant trois exercices.
Les sanctions demeurent moins nombreuses que les manquements constatés. Notre objectif consiste à faire de la pédagogie pour inciter les entreprises à aller plus loin. Très concrètement, nous allons continuer à suivre ce sujet ; au-delà de la transposition, nous déterminerons comment progresser. Cela passera incontestablement par des évolutions en matière de formation tout au long de la vie, permettant d'augmenter l'employabilité des femmes – qui est un autre enjeu.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du débat sur les salaires en France ;
Débat sur la position de la France concernant les accords de libre-échange.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra